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INCA/JURITEXT000047096720.xml
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° H 22-83.147 F-D
N° 00124
GM
1ER FÉVRIER 2023
IRRECEVABILITE
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 1ER FÉVRIER 2023
Mme [W] [S] et la société [1], parties civiles, ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Caen, chambre correctionnelle, en date du 25 avril 2022, qui, dans la procédure suivie contre Mme [D] [H] du chef d'organisation frauduleuse d'insolvabilité, a prononcé sur les intérêts civils.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Un mémoire personnel a été produit.
Sur le rapport de M. Pauthe, conseiller, et les conclusions de Mme Viriot-Barrial, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 janvier 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Pauthe, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. A la suite de différends apparus dans le cadre de l'acquisition d'un fonds de commerce, Mme [W] [S], les sociétés [2] et [1] ont engagé une procédure civile devant le tribunal judiciaire contre Mme [D] [H] qui a abouti à une condamnation pécuniaire de celle-ci.
3. Mme [H] a été poursuivie pour avoir, entre le 18 novembre 2015 et le 17 août 2016, organisé de façon frauduleuse son insolvabilité pour tenter d'échapper à la condamnation du 16 novembre 2015 rendue par une juridiction civile en faveur des sociétés [2] et [1] et de leur dirigeante, Mme [S], en virant la somme totale de 78 780, 47 euros et celle de 64 862 euros sur les comptes de deux de ses proches.
4. Le tribunal correctionnel, par jugement du 11 septembre 2018, a relaxé la prévenue et débouté Mme [S] ainsi que les sociétés [2] et [1] de leurs demandes.
5. Mme [S], en son nom personnel et en sa qualité de représentante légale des sociétés précitées, a interjeté un appel limité aux dispositions civiles.
Examen de la recevabilité du pourvoi formé par la société [1]
6. L'arrêt attaqué a déclaré irrecevable l'appel de la société [1] au motif que celle-ci, placée en liquidation judiciaire, est dépossédée de l'administration et de la disposition de ses droits pendant la durée de la procédure en application des dispositions de l'article L. 641-9 du code de commerce, les droits et actions du débiteur, concernant son patrimoine, étant exercés durant cette période par le liquidateur.
7. Il s'ensuit que l'appel de la société [1] étant irrecevable, son pourvoi l'est également.
Examen des moyens
Sur les troisième et quatrième moyens
8. Ils ne sont pas de nature à être admis en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a débouté Mme [S] de ses demandes en réparation de ses préjudices matériels et moraux, alors :
1°/ que les dispositions de l'article 314-7 du code pénal ne font pas du caractère définitif de la décision de condamnation pécuniaire un élément constitutif du délit, pas plus que la vérification postérieure de sa confirmation ou de sa réformation ;
2°/ que la cour d'appel n'a pas répondu aux conclusions faisant valoir que les faits d'organisation d'insolvabilité doivent être examinés à la date de commission de ces derniers.
Réponse de la Cour
10. Pour débouter Mme [S] de son action civile, l'arrêt attaqué énonce que la faute civile doit être démontrée dans les termes et les limites des faits objet des poursuites et qu'il y a lieu d'apporter la preuve dans le cas présent de l'existence d'une faute consistant à organiser son insolvabilité pour se soustraire à l'exécution de la condamnation prononcée par le tribunal judiciaire de Caen le 16 novembre 2015 en matière délictuelle, quasi délictuelle ou d'aliments.
11. Les juges ajoutent que, d'une part, la condamnation prononcée le 16 novembre 2015 n'était pas définitive à la date des faits reprochés et qu'elle a fait l'objet d'une réformation dans sa totalité par arrêt de la cour d'appel de Caen du 23 janvier 2018, Mme [S] et les sociétés dont elle est la gérante étant déboutées de leurs demandes, d'autre part, les sommes demandées l'étaient dans le cadre d'une dissimulation lors de la vente, le litige se situant aux confins de la responsabilité contractuelle et délictuelle.
12. Ils concluent que Mme [S] ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un préjudice personnel et direct résultant de la non-perception des sommes visées dans la prévention qu'elle aurait dû en tout état de cause restituer à la suite de l'arrêt du 23 janvier 2018.
13. Si c'est à tort que la cour d'appel s'est fondée, pour écarter la caractérisation du délit, sur le fait qu'à la date des faits reprochés la condamnation du 16 novembre 2015 n'était pas définitive, l'arrêt n'encourt pas la censure, aucune condamnation patrimoniale définitive n'étant intervenue, même postérieurement aux agissements incriminés.
14. Le moyen doit être écarté.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
15. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a débouté Mme [S] de ses demandes en réparation de ses préjudices matériels et moraux sans qualifier la condamnation civile en cause et en dénaturant les termes de celle-ci.
Réponse de la Cour
16. Le moyen est devenu sans objet par suite du rejet du premier moyen.
17. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
Sur le pourvoi formé par la société [1] :
Le déclare IRRECEVABLE ;
Sur le pourvoi formé par Mme [S] :
Le REJETTE ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille vingt-trois.
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INCA/JURITEXT000047096579.xml
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° Z 22-86.199 F-D
N° 00203
24 JANVIER 2023
MAS2
IRRECEVABILITÉ
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 24 JANVIER 2023
M. [G] [S] a présenté, par mémoire spécial reçu le 31 octobre 2022, une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi formé par lui contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 8e section, en date du 14 octobre 2022, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'importation de stupéfiants en bande organisée, infractions aux législations sur les stupéfiants et sur les armes, blanchiment, association de malfaiteurs, a rejeté sa demande de mise en liberté.
Sur le rapport de M. Seys, conseiller, et les conclusions de M. Croizier, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 janvier 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Seys, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« Les dispositions de l'article 574-1 du code de procédure pénale sont-elles contraires aux droits et libertés que la Constitution garantit, notamment I'article 6 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen qui affirme le principe d'égalité devant la loi, ainsi qu'à la « garantie des droits » proclamée par I'article 16 de la Déclaration, en ce qu'elles n'imposent pas de délai à la Cour de cassation pour statuer sur le pourvoi formé par un détenu contre une ordonnance du président de la chambre de l'instruction ayant déclaré non-admis son appel contre une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel ? ».
2. Le pourvoi ayant été déclaré sans objet par arrêt de ce jour, la question prioritaire de constitutionnalité doit être déclarée irrecevable, en l'absence d'instance en cours devant la Cour de cassation.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
DÉCLARE IRRECEVABLE la question prioritaire de constitutionnalité ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en audience publique du vingt-quatre janvier deux mille vingt-trois.
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INCA/JURITEXT000047096578.xml
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° Z 22-86.199 F-D
N° 00202
MAS2
24 JANVIER 2023
NON-LIEU A STATUER
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 24 JANVIER 2023
M. [Z] [O] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 8e section, en date du 14 octobre 2022, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'importation de stupéfiants en bande organisée, infractions aux législations sur les stupéfiants et sur les armes, blanchiment, association de malfaiteurs, a rejeté sa demande de mise en liberté.
Un mémoire personnel a été produit.
Sur le rapport de M. Seys, conseiller, et les conclusions de M. Croizier, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 janvier 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Seys, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Vu l'article 606 du code de procédure pénale :
1. M. [Z] [O] a été renvoyé devant le tribunal correctionnel par ordonnance en date du 28 février 2022 et maintenu en détention provisoire par ordonnance du même jour.
2. Par arrêt en date du 7 décembre 2022, la chambre de l'instruction, statuant sur renvoi après cassation (Crim., 25 octobre 2022, pourvoi n° 22-82.333), a déclaré irrecevables les appels interjetés contre l'ordonnance de règlement.
3. En application de l'article 179 du code de procédure pénale, cette ordonnance a rendu caduc le titre de détention sur les effets duquel l'arrêt attaqué s'est prononcé. Il s'ensuit que le pourvoi est devenu sans objet.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
DIT n'y avoir lieu à statuer sur le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre janvier deux mille vingt-trois.
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INCA/JURITEXT000047096584.xml
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° R 22-86.352 F-D
N° 00225
25 JANVIER 2023
GM
NON LIEU À RENVOI
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 25 JANVIER 2023
M. [N] [I] a présenté, par mémoire spécial reçu le 5 décembre 2022, une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi formé par lui contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Amiens, en date du 30 septembre 2022, qui, infirmant l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction, l'a renvoyé devant la cour d'assises de la Somme sous l‘accusation de viol.
Sur le rapport de M. Brugère, conseiller, les observations de Me Balat, avocat de M. [N] [I], et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 25 janvier 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Brugère, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« Les dispositions de l'article 199 alinéa 4 du code de procédure pénale, en ce qu'elles ne prévoient pas que lorsque la chambre de l'instruction, saisie du seul appel de la partie civile contre une ordonnance de non-lieu dans le cadre d'une procédure criminelle, la comparution personnelle de la personne mise en examen ayant bénéficié du non-lieu est de droit, portent-elles atteinte aux droits de la défense tels qu'il sont protégés par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ? »
2. La disposition législative contestée est applicable à la procédure et n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.
3. La question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.
4. La question posée ne présente pas un caractère sérieux.
5. En effet, devant la chambre de l'instruction, la procédure est écrite. Dans les matières étrangères au contentieux de la détention provisoire, la loi laisse à l'appréciation de la juridiction la faculté d'ordonner la comparution des parties. Cette comparution n'a pas pour but de laisser les parties présenter leurs observations, mais de permettre à la juridiction de leur poser des questions, si elle l'estime nécessaire.
6. Les droits de la défense sont néanmoins garantis devant la chambre de l'instruction, lorsque les parties ne comparaissent pas devant elle. Elles peuvent ainsi être représentées, à l'audience, par un avocat qui est entendu en ses observations. Elles peuvent également déposer un mémoire auquel la juridiction est tenue de répondre, par une motivation relevant du contrôle de la Cour de cassation.
7. De plus, la chambre de l'instruction, juridiction d'instruction du second degré, n'est pas chargée de statuer sur la culpabilité, ni de prononcer une peine, la personne poursuivie pouvant, dans tous les cas, comparaître elle-même devant la juridiction de jugement, et y bénéficier de l'assistance d'un avocat.
8. En conséquence, il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en audience publique du vingt-cinq janvier deux mille vingt-trois.
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INCA/JURITEXT000047096580.xml
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° Z 22-86.222 F-D
N° 00204
MAS2
24 JANVIER 2023
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 24 JANVIER 2023
Mmes [S] [R], [V] [I] [E], [H] [M], [W] [K], [A] [C], [B] [P] et [Y] [N] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 6e section, en date du 13 octobre 2022, qui, infirmant, sur le seul appel de la partie civile, l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction, les a renvoyées devant le tribunal correctionnel sous la prévention de violences aggravées, exhibition sexuelle, participation avec arme à un attroupement et organisation d'une manifestation non déclarée.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Michon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de Mmes [S] [R], [V] [I] [E], [H] [M], [W] [K], [A] [C], [B] [P] et [Y] [N], les observations de la SCP Le Griel, avocat de l'association [1], et les conclusions de M. Croizier, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 janvier 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Michon, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 18 novembre 2012, les demanderesses, membres du mouvement Femen, sont intervenues lors d'une manifestation dite « Manif pour tous », organisée, notamment, par l'association [2].
3. Des incidents entre manifestants et contre-manifestantes ont éclaté à cette occasion.
4. Deux informations judiciaires ont été ouvertes, la première, sur plainte avec constitution de partie civile de l'association [2], des chefs d'organisation d'une manifestation non déclarée, participation à une manifestation en étant porteur d'une arme, exhibition sexuelle et violences en réunion, la seconde, sur plainte avec constitution de partie civile de l'association [1] ([1]), du chef de violences aggravées notamment à raison de la religion ou la nationalité de la victime.
5. Ces deux procédures ont été jointes par ordonnance du juge d'instruction en date du 16 juin 2020.
6. Ce dernier a rendu une ordonnance de non-lieu le 10 septembre 2021.
7. Les associations [2] et [1] ont interjeté appel de cette ordonnance.
Examen de la recevabilité du pourvoi
8. L'arrêt attaqué, en ce qu'il a fait droit aux appels des parties civiles aussi bien sur l'action publique que sur l'action civile, constitue une décision définitive et en dernier ressort que le tribunal, saisi de la connaissance de l'affaire, ne saurait modifier. En conséquence, un tel arrêt entre dans la classe de ceux qui, par application de l'article 574 du code de procédure pénale, peuvent être attaqués devant la Cour de cassation.
9. Dès lors, le pourvoi formé est recevable en application du texte précité.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
10. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré recevable l'appel de l'association [1] concernant les chefs d'organisation d'une manifestation non déclarée, participation à une manifestation en étant porteur d'une arme par destination et exhibition sexuelle, alors « que la chambre de l'instruction, statuant comme juge d'appel, est saisi par l'acte d'appel, et sous réserve de l'application des articles 202 et 204 du code de procédure pénale, sa juridiction circonscrite par le terme de cet acte et par la qualité de l'appelant ; qu'en l'espèce, l'association [1] s'est uniquement constituée partie civile par voie d'action du chef de violences préméditées en réunion, avec armes, y compris sur des mineurs de 15 ans ou des personnes vulnérables, et en raison de l'appartenance réelle ou supposée des manifestants à la religion catholique ; que l'information judiciaire ouverte à la suite de cette plainte a fait l'objet d'une jonction avec la procédure ouverte des chefs d'organisation d'une manifestation non déclarée, participation à une manifestation en étant porteur d'une arme, exhibition sexuelle, violences en réunion, faisant suite à une plainte avec constitution de partie civile, déposée par l'association [2] ; que le juge d'instruction, par une ordonnance du 10 septembre 2021, a dit n'y avoir lieu à poursuivre contre les mises en examen des chefs d'organisation d'une manifestation non déclarée, de participation à une manifestation en étant porteur d'une arme, de violences en réunion et d'exhibition sexuelle ; que seules les associations [1] et [2] ont interjeté appel de cette décision ; qu'en déclarant recevable l'appel de l'association [1] concernant les chefs d'organisation d'une manifestation non déclarée, participation à une manifestation en étant porteuse d'une arme par destination et exhibition sexuelle, objets de la seule plainte de l'association [2], et dont l'appel contre l'ordonnance de non-lieu avait été déclaré irrecevable, la chambre de l'instruction a violé les articles 186, 202, 204, 591 à 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
11. L'article 202 du code de procédure pénale donne pouvoir à la chambre de l'instruction, et sans que sa saisine soit limitée par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer d'office à l'égard de la personne mise en examen renvoyée devant elle, sur tous les chefs de crimes, délits principaux ou connexes, résultant de la procédure y compris sur ceux qui, comme en l'espèce, ont fait l'objet d'une ordonnance de non-lieu.
12. En l'espèce, la chambre de l'instruction constate que l'appel de l'association [1] a été formé dans les formes et les délais légaux.
13. Il s'ensuit que la chambre de l'instruction a été saisie par ce seul appel de la totalité des faits, objet de l'information judiciaire, peu important que celle-ci résulte de la jonction de plusieurs procédures.
14. Ainsi, le moyen doit être écarté.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
15. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré recevable la constitution de partie civile et en conséquence l'appel de l'association [1], alors :
« 1°/ que la constitution de partie civile n'est recevable devant la juridiction d'instruction que si les circonstances sur lesquelles elle s'appuie permettent d'admettre comme possible l'existence du préjudice allégué et la relation directe de celui-ci avec une infraction à la loi pénale ; qu'en l'espèce, la constitution de l'association [1] a été reconnue recevable sur le fondement de l'article 2-1 du code de procédure pénale aux termes duquel toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, se proposant par ses statuts de combattre le racisme ou d'assister les victimes de discrimination fondée sur leur origine nationale, ethnique, raciale ou religieuse, peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne, d'une part, les discriminations réprimées par les articles 225-2 et 432-7 du code pénal et l'établissement ou la conservation de fichiers réprimés par l'article 226-19 du même code, d'autre part, les atteintes volontaires à la vie et à l'intégrité de la personne, les menaces, les vols, les extorsions et les destructions, dégradations et détériorations qui ont été commis au préjudice d'une personne à raison de son origine nationale, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une race ou une religion déterminée ; qu'en relevant, pour déclarer la constitution de partie civile de l'association [1] recevable en raison de cette seule circonstance aggravante, pour lesquelles les militantes Femen n'avaient pas été mises en examen, qu'il est constant que les faits dénoncés se sont, à tout le moins, produits dans le cadre d'une manifestation organisée avec le soutien logistique de [2] dont il ressort des propres écritures déposées au soutien de Mme [Y] [N] qu'il s'agit d'une association ayant notamment pour objectif « d'organiser ou soutenir toute oeuvre ou toute action publique de défense de promotion des principes chrétiens dans la société civile » et que les personnes mises en examen ont notamment eu recours à des slogans ciblant négativement ce courant de pensée, bien que cela ne permet pas d'admettre comme possible que les violences dénoncées ont été commises à raison de l'origine nationale, de l'appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une race ou une religion déterminée, la chambre de l'instruction a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 222-13 du code pénal et 2, 2-1, 3 du code de procédure pénale et violé les articles 591 à 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que la chambre de l'instruction ne pouvait pas sans contradiction déclarer recevable la constitution de partie civile de l'association [1] en raison de violences commises à raison de l'origine nationale, de l'appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une race ou une religion déterminée, tout en écartant expressément cette circonstance aggravante aux motifs que compte tenu de la finalité avérée du mode opératoire adopté par les intéressées, à savoir se constituer un espace pour manifester, il n'est pas démontré en définitive que les jets de poudre des extincteurs aient, en l'espèce, été effectués à raison de l'appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, des victimes à une religion déterminée ; que ce faisant, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale au regard des articles 222-13 du code pénal et 2, 2-1, 3 du code de procédure pénale et violé les articles 591 à 593 du code de procédure pénale ;
3°/ qu'en vertu de l'article 2-1 alinéa 2 du code de procédure pénale, lorsqu'une association se constitue partie civile pour des atteintes volontaires à la vie et à l'intégrité qui ont été commise au préjudice d'une personne à raison de son origine nationale, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une race ou une religion déterminée, elle doit justifier avoir reçu l'accord de la personne intéressée ou, si celle-ci est mineure, l'accord du titulaire de l'autorité parentale ou du représentant légal, lorsque cet accord peut être recueilli ; qu'en l'espèce, en déclarant la constitution de partie civile de l'Agrif recevable, aux motifs que le fait qu'aucune partie civile, personne physique, ne se soit constituée dans le présent dossier, ne constituant pas un obstacle à l'action de ladite association qui, précisément, n'a, en conséquence, pas à justifier de l'accord des personnes concernées dès lors que les poursuites n'ont pas été diligentées pour une infraction commise envers une personne considérée individuellement, la chambre de l'instruction a violé les articles 222-13 du code pénal, 2, 2-1, 3, 591 à 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
16. Le moyen se borne à critiquer les énonciations de l'arrêt relatives à la recevabilité de la constitution de partie civile de l'association [1] qui ne contiennent aucune disposition définitive que le tribunal n'aurait pas le pouvoir de modifier.
17. Dès lors, le moyen est irrecevable.
18. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour
REJETTE les pourvois ;
FIXE à 2 500 euros la somme globale que les demanderesses devront payer à l'association [1] en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre janvier deux mille vingt-trois.
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INCA/JURITEXT000047096581.xml
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° K 22-86.416 F-D
N° 00205
MAS2
24 JANVIER 2023
NON-LIEU A STATUER
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 24 JANVIER 2023
M. [L] [Y] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Lyon, 4e chambre, en date du 27 octobre 2022, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs d'arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraires et violences aggravées, a confirmé le jugement du tribunal correctionnel rejetant sa demande de mise en liberté et ordonnant la prolongation de sa détention provisoire.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Merloz, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [L] [Y], et les conclusions de M. Croizier, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 janvier 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Merloz, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Vu l'article 606 du code de procédure pénale :
1. Par arrêt en date du 9 août 2022, devenu définitif, la chambre de l'instruction a renvoyé M. [L] [Y] devant le tribunal correctionnel des chefs d'enlèvement et séquestration et violences volontaires aggravées et a ordonné son maintien en détention provisoire.
2. Par jugement, en date du 11 octobre 2022, le tribunal correctionnel a renvoyé l'examen de l'affaire à l'audience du 9 décembre suivant, rejeté la demande de mise en liberté de M. [Y] et ordonné la prolongation de sa détention provisoire jusqu'à sa comparution devant cette juridiction. Par l'arrêt attaqué, la cour d'appel a confirmé ce jugement.
3. M. [Y] a, de nouveau, comparu, le 9 décembre 2022, devant le tribunal correctionnel, lequel a renvoyé l'affaire à l'audience des 7 au 10 février 2023 et renouvelé, dans les mêmes conditions, la prolongation de sa détention jusqu'à cette date.
4. Au surplus, M. [Y] a, par arrêt de la cour d'appel en date du 28 décembre 2022, été mis en liberté le 29 décembre suivant.
5. Dès lors, le pourvoi est devenu sans objet.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
DIT n'y avoir lieu de statuer sur le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre janvier deux mille vingt-trois.
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INCA/JURITEXT000047096583.xml
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° M 22-86.210 F-D
N° 00224
25 JANVIER 2023
GM
NON LIEU À RENVOI
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 25 JANVIER 2023
M. [Z] [W] a présenté, par mémoire spécial reçu le 25 novembre 2022, une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi formé par lui contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 4e section, en date du 14 octobre 2022, qui l'a renvoyé devant la cour d'assises de l'Yonne sous l'accusation de viols aggravés.
Des observations ont été produites.
Sur le rapport de Mme Sudre, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [Z] [W], les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [H] [X], épouse [S], et de Mme [Y] [X], épouse [U], et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 25 janvier 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Sudre, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« Les dispositions des articles 50 de la loi n° 98-468 du 17 juin 1998 et 72, III, de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004, en ce qu'elles permettent de modifier, en aggravant la situation de l'intéressé, le délai de prescription de l'action publique, en particulier s'agissant des infractions commises contre des personnes mineures, méconnaissent-elles les principes de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère et de légalité de l'accusation pénale, garantis par les articles 7 et 8 de la Déclaration de 1789 ? »
2. La disposition législative contestée est applicable à la procédure et n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.
3. La question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.
4. La question posée ne présente pas un caractère sérieux, pour les motifs qui suivent.
5. D'une part, les articles 50 de la loi du 17 juin 1998 et 72-III de la loi du 9 mars 2004, ayant abrogé le dernier membre de phrase de l'article 112-2,4°, du code pénal, qui ont eu pour effet d'allonger le délai de prescription de l'action publique de certaines infractions commises sur des mineurs et d'en prévoir l'application immédiate aux infractions non encore prescrites lors de l'entrée en vigueur de chacun de ces textes, constituent des lois de procédure, étrangères au principe de non-rétroactivité des lois plus sévères, dès lors que cette prescription a pour seul effet de faire obstacle à l'exercice des poursuites et n'a aucune incidence sur la définition des infractions et des peines qui les répriment.
6. D'autre part, la prescription de l'action publique, qui ne revêt pas le caractère d'un principe fondamental reconnu par les lois de la République, ne procède pas des articles 7 et 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, définissant les principes de légalité criminelle et de nécessité des peines.
7. Il n'y a donc pas lieu de renvoyer la question prioritaire au Conseil constitutionnel.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en audience publique du vingt-cinq janvier deux mille vingt-trois.
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INCA/JURITEXT000047096582.xml
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° R 22-86.352 F-D
N° 00223
GM
25 JANVIER 2023
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 25 JANVIER 2023
M. [Y] [N] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Amiens, en date du 30 septembre 2022, qui, infirmant l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction, l'a renvoyé devant la cour d'assises de la Somme sous l'accusation de viol.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Brugère, conseiller, les observations de Me Balat, avocat de M. [Y] [N], et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 25 janvier 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Brugère, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Par ordonnance du 18 janvier 2022, le juge d'instruction a dit n'y avoir lieu à suivre contre M. [Y] [N], mis en examen du chef de viol et placé sous contrôle judiciaire.
3. La partie civile a relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur les premier, deuxième et quatrième moyens
4. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de renvoi formée par le conseil de M. [Y] [N], alors « qu'en rejetant la demande de renvoi présentée par la défense, bien que celle-ci n'ait reçu que deux jours avant l'audience les écritures de la partie civile qui avait interjeté appel de l'ordonnance de non-lieu et était seule à soutenir l'accusation, l'arrêt attaqué relevant que le ministère public avait tant en première instance qu'en appel requis un non-lieu, la chambre de l'instruction a méconnu le principe du contradictoire, l'égalité des armes et les droits de la défense tels qu'ils sont garantis par l'article préliminaire du code de procédure pénale et par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
6. L'article 198 du code de procédure pénale dispose que les parties et leurs avocats sont admis jusqu'au jour de l'audience à déposer des mémoires au greffe de la chambre de l'instruction.
7. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que les parties ont été informées, le 14 mars 2022, que l'affaire serait appelée à l'audience de la chambre de l'instruction, le 9 septembre 2022, que, le 6 septembre, la partie civile a déposé un mémoire devant la chambre de l'instruction et que, le 8 septembre, la défense de M. [N] a déposé une lettre valant mémoire, qui a été déclaré irrecevable, comme envoyée à une adresse électronique qui n'était pas dédiée à la communication électronique en matière pénale.
8. Pour rejeter la demande de renvoi, présentée à l'audience du 9 septembre 2022 par l'avocat du demandeur, la chambre de l'instruction énonce que le dépôt, par la partie civile, d'un mémoire, le 6 septembre, laissait à la défense de la personne poursuivie un délai suffisant pour y répondre.
9. En l'état de ces énonciations, le demandeur ne peut prétendre que le principe du contradictoire aurait été méconnu, ou qu'il aurait été porté atteinte aux droits de sa défense.
10. Le moyen ne peut donc être accueilli.
11. Par ailleurs, la procédure est régulière et les faits, objet de l'accusation, sont qualifiés crimes par la loi.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille vingt-trois.
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INCA/JURITEXT000047096677.xml
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 1er février 2023
Sursis à statuer
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 98 FP-D
Pourvoi n° E 18-21.903
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 1ER FÉVRIER 2023
1°/ La société Organon France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la société MSD France,
2°/ la société Organon LLC, société de droit américain, dont le siège est [Adresse 3] (États-Unis), venant aux droits de la société Merck Sharp & Dohme Corp., société de droit américain,
ont formé le pourvoi n° E 18-21.903 contre l'arrêt rendu le 26 juin 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 1), dans le litige les opposant à la société Biogaran, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Mollard, conseiller doyen de section, les observations de la SAS Hannotin Avocats, avocat de la société Organon LLC, venant aux droits de la société Merck Sharp & Dohme Corp. et de la société Organon France, venant aux droits de la société MSD France, de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société Biogaran, et l'avis de M. Douvreleur, avocat général, à la suite duquel le président a demandé aux avocats s'ils souhaitaient présenter des observations complémentaires, après débats en l'audience publique du 6 décembre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Mollard, conseiller doyen de section rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen de la chambre, Mme Vaissette, conseiller doyen de section, Mmes Vallansan, Poillot-Peruzzetto, Graff-Daudret, Bélaval, Champalaune, Daubigney, conseillers, M. Guerlot, Mmes Barbot, Comte, conseillers référendaires, M. Douvreleur, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application des articles R. 421-4-1 et R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Reprise d'instance
1. Il est donné acte aux sociétés Organon LLC et Organon France de leur reprise d'instance aux lieu et place des sociétés Merck Sharp & Dohme Corp. (la société MSD) et MSD France.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 juin 2018) rendu en matière de référé, la société MSD est titulaire du brevet européen désignant la France n° 0 720 599 (le brevet EP 599), intitulé « composés d'azétidinone hydroxy-substitués efficaces en tant qu'agents hypocholestérolémiques », déposé le 14 septembre 1994, qui a expiré le 14 septembre 2014.
3. Ce brevet a pour objet de protéger une nouvelle classe de composés hypocholestérolémiques, les azétidinones hydroxy-substitués, auxquels appartient l'ézétimibe, ainsi que la combinaison d'un azétidinone hydroxy-substitué et d'un inhibiteur de la biosynthèse du cholestérol, pour le traitement et la prévention de l'athérosclérose.
4. Les revendications 1 à 8 du brevet EP 599 portent sur les composés de la famille des azétidinones hydroxy-substitués, l'ézétimibe étant spécifiquement visé par la revendication 8, tandis que la revendication 10 a trait à l'utilisation d'un composé selon l'une quelconque des revendications 1 à 8 pour la fabrication d'un médicament pour le traitement ou la prévention de l'athérosclérose. La revendication 9 protège la combinaison d'un azétidinone hydroxy-substitué avec un inhibiteur de la biosynthèse du cholestérol, dans un support pharmaceutiquement acceptable. La revendication 17 vise notamment la composition d'un azétidinone hydroxy-substitué et de la simvastatine, qui est un inhibiteur de la biosynthèse du cholestérol appartenant à la famille des statines.
5. Sur la base du brevet EP 599, la société MSD a obtenu de l'Institut national de la propriété intellectuelle la délivrance de deux certificats complémentaires de protection (CCP) :
– le 4 février 2005, le CCP n° 03C0028, expirant le 17 avril 2018, pour le principe actif ézétimibe (le CCP 028), au vu d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) obtenue en France, le 11 juin 2003, pour le médicament « Ezetrol » ayant l'ézétimibe pour seul principe actif ;
– le 21 décembre 2006, le CCP n° 05C0040, expirant le 2 avril 2019, pour la combinaison d'ézétimibe et de simvastatine (le CCP 040), au vu d'une AMM obtenue en France, le 28 juillet 2005, pour le médicament « Inegy » constitué de cette combinaison.
6. Le 15 février 2018, la société MSD et sa filiale française, la société MSD France, ont assigné en référé la société Biogaran, spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de médicaments génériques, afin de voir constater l'existence d'une atteinte imminente de contrefaçon des droits de la société MSD sur le CCP 040 et ordonner l'interdiction jusqu'au 2 avril 2019 inclus de la fabrication et de la commercialisation de compositions pharmaceutiques en reproduisant les caractéristiques.
Sur le sursis à statuer
7. Selon une jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne, une juridiction dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne est tenue, lorsqu'une question de droit de l'Union se pose devant elle, de déférer à son obligation de saisine, à moins qu'elle n'ait constaté que l'application correcte du droit de l'Union s'impose avec une telle évidence qu'elle ne laisse place à aucun doute raisonnable et que l'existence d'une telle éventualité doit être évaluée en fonction des caractéristiques propres au droit de l'Union, des difficultés particulières que présente son interprétation et du risque de divergences de jurisprudence au sein de l'Union (arrêt du 6 octobre 1982, Cilfit e.a., 283/81, point 21, et du 28 juillet 2016, Association France Nature Environnement, C-379/15, point 48).
8. Le 17 février 2022, un tribunal de commerce de Finlande a, par renvoi préjudiciel enregistré sous le numéro C-119/22, saisi la Cour de justice de l'Union européenne d'une demande d'interprétation de l'article 3, sous a) et c), du règlement (CE) n° 469/2009 du 6 mai 2009 concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments.
9. Le 2 mars 2022, la cour suprême d'Irlande a, par renvoi préjudiciel enregistré sous le numéro C-149/22, saisi la Cour de justice d'une demande d'interprétation de la même disposition.
10. La réponse que la Cour de justice apportera à ces demandes est de nature à influer sur l'issue du présent pourvoi, lequel fait grief à la cour d'appel d'avoir violé ladite disposition.
11. Dès lors, il convient de surseoir à statuer dans l'attente des arrêts de la Cour de justice dans les affaires C-119/22 et C-149/22.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
SURSEOIT à statuer sur le pourvoi jusqu'aux arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne dans les affaires Teva et Teva Finland (C-119/22) et Merck Sharp & Dohme Corp. (C-149/22) ;
Dit que l'affaire sera à nouveau examinée à l'audience de formation de section du 27 juin 2023 ;
Réserve les dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille vingt-trois.
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INCA/JURITEXT000047096676.xml
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 1er février 2023
Cassation
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 97 FP-D
Pourvoi n° M 21-13.664
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 1ER FÉVRIER 2023
1°/ la société Ono Pharmaceutical co.Ltd, société de droit japonais, dont le siège est [Adresse 4] (Japon),
et domiciliée dans la procédure [Adresse 1] (Japon),
2°/ M. [C] [P], domicilié [Adresse 3] (Japon),
ont formé le pourvoi n° M 21-13.664 contre l'arrêt n° RG : 18/10540 rendu le 19 janvier 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 1), dans le litige les opposant au directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI), dont le siège est [Adresse 2], défendeur à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bessaud, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société Ono Pharmaceutical co.Ltd et de M. [P], de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat du directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle, et l'avis de M. Debacq, avocat général, à la suite duquel le président a demandé aux avocats s'ils souhaitaient présenter des observations complémentaires, après débats en l'audience publique du 6 décembre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Bessaud, conseiller référendaire rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen de la chambre, Mme Vaissette, conseiller doyen de section, M. Mollard, conseiller doyen de section, Mmes Vallansan, Poillot-Peruzzetto, Graff-Daudret, Bélaval, Champalaune, Daubigney, conseillers, M. Guerlot, Mme Barbot, conseillers référendaires, M. Debacq, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application des articles R. 421-4-1 et R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 janvier 2021, n° RG 18/10540), le 15 décembre 2015, la société Ono Pharmaceutical (la société Ono) et M. [P] ont déposé conjointement une demande de certificat complémentaire de protection (CCP) n° 15C0088 portant sur le produit nivolumab, sur le fondement du règlement (CE) n° 469/2009 du 6 mai 2009 concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments.
2. Cette demande était formulée sur la base du brevet européen déposé le 2 juillet 2003, publié sous le n° EP 1 537 878 (le brevet EP 878) et délivré le 22 septembre 2010, sous le titre « Compositions immunostimulantes », dont la société Ono et M. [P] sont titulaires.
3. Elle faisait également référence à une autorisation de mise sur le marché (AMM) communautaire accordée le 19 juin 2015 sous le n° EU/1/15/1014 à la société Bristol-Myers Squibb Pharma EEIG, pour une spécialité pharmaceutique dénommée « Opdivo-Nivolumab », qui a pour principe actif le nivolumab.
4. Par décision du 2 mars 2018, le directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle (l'INPI) a rejeté la demande de CCP n° 15C0088, sur le fondement de l'article 3, sous a), du règlement précité, aux motifs, d'une part, que la société Ono était déjà titulaire d'un CCP sur le même produit, délivré sur la base d'un autre brevet, d'autre part, que le produit, objet de cette demande, n'était pas protégé par le brevet EP 878.
5. La société Ono et M. [P] ont formé un recours contre cette décision.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche, ci-après annexé
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Et sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches
Enoncé du moyen
7. La société Ono et M. [P] font grief à l'arrêt de rejeter leur recours à l'encontre de la décision rendue le 2 mars 2018 par le directeur général de l'INPI rejetant la demande de CPP n° 15C0088, alors :
« 1°/ qu'aux termes de l'article 6 du règlement (CE) n° 469/2009 du 6 mai 2009 concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments, le droit au CCP appartient au titulaire du brevet de base ou à son ayant droit ; qu'en application de l'article 3, sous c), du règlement (CE) n° 469/2009, considéré au regard de l'article 3, paragraphe 2, seconde phrase du règlement (CE) n° 1610/96 du 23 juillet 1996 concernant la création d'un CCP pour les produits phytosanitaires, un CCP peut être délivré au titulaire d'un brevet de base pour un produit pour lequel, au moment du dépôt de la demande de certificat, un ou plusieurs certificats ont déjà été délivrés à un ou à plusieurs titulaires d'un ou de plusieurs autres brevets de base ; que si le régime de l'indivision résultant du code civil n'est pas applicable à la copropriété d'un brevet qui peut notamment être exploité par chacun des copropriétaires à son profit, sauf à indemniser équitablement les autres copropriétaires, la titularité du brevet n'en appartient pas moins à l'ensemble des copropriétaires indivisément et non à chacun des copropriétaires pris individuellement ; qu'en retenant en l'espèce qu'un CCP pour le nivolumab ne pouvait pas être délivré à la société Ono et à M. [P] sur la base du brevet EP 878 dont ils sont copropriétaires dès lors qu'un CCP 15C0087 a déjà été délivré pour le nivolumab à la société Ono et à la société Squibb & Sons LLC sur la base du brevet EP 336 dont ces deux sociétés sont copropriétaires et que "la société Ono, qui peut exploiter seule les deux brevets EP 336 et EP 878 dont elle est cotitulaire dans les conditions prévues par l'article L. 613-29 du code de la propriété intellectuelle, est titulaire de ces mêmes brevets au sens de l'article 3 § 3 du règlement n° 1610/96 précité", quand, quelles que puissent être les règles de fonctionnement de la copropriété d'un brevet, celui-ci n'en reste pas moins la propriété indivise de l'ensemble des copropriétaires sans qu'aucun ne puisse s'en prétendre personnellement titulaire, ne l'étant que d'une quote-part de celui-ci, la cour d'appel a violé par fausse application ensemble les articles L. 613-29, L. 613-20 du code de la propriété intellectuelle, 6 du règlement (CE) n° 469/2009 du 6 mai 2009, 3, sous c), du règlement (CE) n° 469/2009 considéré au regard de l'article 3, paragraphe 2, seconde phrase du règlement (CE) n° 1610/96 du 23 juillet 1996 ;
3°/ que le droit au CCP appartient au titulaire du brevet de base ou à son ayant droit ; que le copropriétaire d'un brevet n'est pas titulaire de celui-ci mais seulement d'une quote-part de celui-ci ; qu'en retenant néanmoins qu'un CCP aurait pu être délivré à M. [P] seul sur la base du brevet EP 878 dont il est seulement copropriétaire, la cour d'appel a violé l'article 6 du règlement (CE) n° 469/2009 du 6 mai 2009. »
Réponse de la Cour
8. Il résulte de l'article 3, sous c), du règlement (CE) n° 469/2009, qui reprend les dispositions de l'article 3, sous c), du règlement (CEE) n° 1768/92 du 18 juin 1992, concernant la création d'un certificat complémentaire de protection pour les médicaments, considéré au regard de l'article 3, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1610/96 du 23 juillet 1996 concernant la création d'un certificat complémentaire de protection pour les produits phytopharmaceutiques, tels qu'interprétés par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), que si plusieurs CCP peuvent être délivrés pour un même produit sur le fondement de différents brevets de base, c'est à la condition que ces CCP soient délivrés à des titulaires distincts des brevets de base, afin de leur permettre d'être chacun récompensé pour les recherches qu'ils ont menées séparément et qui ont conduit à des innovations brevetées (CJUE, arrêt du 3 septembre 2009, AHP Manufacturing, C-482/07, point 25).
9. Le régime de la copropriété des brevets est défini aux articles L. 613-29 à L. 613-32 du code de la propriété intellectuelle, l'article L. 613-30 précisant que le régime de droit commun de l'indivision résultant du code civil n'est pas applicable à la copropriété d'une demande de brevet ou d'un brevet.
10. L'arrêt relève que la société Ono a obtenu, avec la société ER Squibb & Sons, un CCP n° 15C0087 pour le nivolumab, sur la base du brevet EP 2 161 336 (le brevet EP 336) déposé le 2 mai 2006, dont elles sont cotitulaires, et retient qu'il constitue un obstacle à l'obtention d'un second CCP par la société Ono pour le même produit sur la base du brevet EP 878, quand bien même elle est cotitulaire de cet autre brevet avec M. [P], qui ne bénéficie pas déjà d'un CCP pour le produit nivolumab.
11. Il estime que la circonstance tirée du fait que l'indivision constituée des sociétés Ono et Squibb & Sons, titulaire du brevet EP 336, est différente de celle entre la société Ono et M. [P], titulaire du brevet EP 878, est inopérante dans la mesure où les règles du droit civil relatives à l'indivision ne sont pas applicables. Il retient enfin que la société Ono, qui peut exploiter seule les deux brevets EP 336 et EP 878 dont elle est cotitulaire dans les conditions prévues à l'article L. 613-29 du code de la propriété intellectuelle, est « titulaire » de ces mêmes brevets au sens de l'article 3, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1610/96 précité et qu'un CCP aurait pu être délivré à M. [P] pour le récompenser de ses propres dépenses d'investissement, sans contrevenir aux dispositions de l'article 3, sous c), du règlement (CE) n° 469/2009.
12. En cet état, et dès lors que la condition prévue à l'article 3, sous c), du règlement (CE) n° 469/2009 doit s'apprécier à l'égard de chacun des cotitulaires d'un brevet sur la base duquel est demandé un CCP pour un même produit, et non à l'égard de l'indivision constituée par les cotitulaires, laquelle est dépourvue de toute personnalité juridique, c'est à bon droit que la cour d'appel a écarté la nouvelle demande de CCP formée par la société Ono pour le produit sur lequel elle bénéficiait déjà d'un CCP au titre d'un autre brevet de base.
13. Le moyen, qui procède d'un postulat erroné, n'est donc pas fondé.
Mais sur le second moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
14. La société Ono et M. [P] font le même grief à l'arrêt, alors « que le recours en annulation d'une décision du directeur général de l'INPI est dépourvu d'effet dévolutif ; que saisie d'un tel recours, la cour d'appel doit se placer dans les conditions qui étaient celles existant au moment où la décision contestée a été prise et ne peut donc se fonder sur des pièces nouvelles n'ayant pas été produites ou évoquées dans le cadre de la procédure devant le directeur général de l'INPI ; qu'en se fondant, pour statuer comme elle l'a fait, sur un article intitulé "Introduction aux techniques utilisées en biochimie – Préparation des anticorps", produit devant elle par le directeur général de l'INPI, cependant que cette pièce n'avait pas été produite dans le cadre de la procédure devant ce dernier ni visée dans la décision contestée, la cour d'appel a violé l'article L. 411-4 du code de la propriété intellectuelle. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 411-4 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019 :
15. Il résulte de ce texte que la cour d'appel, saisie d'un recours en annulation d'une décision du directeur général de l'INPI, devant se placer dans les conditions qui étaient celles existant au moment où celle-ci a été prise, ne peut prendre en compte les pièces nouvelles produites devant elle.
16. Pour retenir que l'identification du nivolumab dans le brevet de base nécessitait une activité inventive autonome et rejeter en conséquence le recours formé contre la décision du directeur général de l'INPI ayant refusé d'accorder un CCP sur ce produit, la cour d'appel s'est fondée, notamment, sur un article scientifique produit pour la première fois devant elle.
17. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Et sur le second moyen, pris en sa quatrième branche
Enoncé du moyen
18. La société Ono et M. [P] font le même grief à l'arrêt, alors « qu'un produit est protégé par un brevet de base en vigueur, au sens de l'article 3, sous a), du règlement (CE) n° 469/2009, lorsqu'il répond à une définition fonctionnelle générale employée par l'une des revendications du brevet de base et relève nécessairement de l'invention couverte par ce brevet, sans pour autant être individualisé en tant que mode concret de réalisation à tirer de l'enseignement dudit brevet, dès lors qu'il est spécifiquement identifiable, à la lumière de l'ensemble des éléments divulgués par le même brevet, par l'homme du métier, sur la base de ses connaissances générales dans le domaine considéré à la date de dépôt ou de priorité du brevet de base et de l'état de la technique à cette même date ; qu'à l'inverse, un produit ne peut être considéré comme étant protégé par le brevet de base, lorsqu'il a été développé après la date de dépôt de la demande de brevet, au terme d'une "activité inventive autonome" ; que toutefois, un produit ne requiert une telle "activité inventive autonome" que dans l'hypothèse où, à la date de dépôt ou de priorité du brevet de base, l'homme du métier n'était pas en mesure d'obtenir ce produit en mettant en oeuvre les enseignements du brevet sur la base de ses connaissances générales dans le domaine considéré et de l'état de la technique à cette même date ; qu'en affirmant, de manière inopérante, d'une part, qu'il ressortirait d'un article daté de l'année 2007 que "la préparation d'anticorps monoclonaux suppose un processus complexe afin d'obtenir leur production (par criblage, isolation, clonage), leur mise en culture le plus souvent in vivo, leur sélection, toutes ces étapes nécessitant la mise en oeuvre de techniques" "très coûteuses en termes d'installations, de réactifs, de temps et de main d'oeuvre"" et, d'autre part, que cette analyse serait confortée par la circonstance qu'il a fallu trois années à la société Ono, en partenariat avec la société ER Squibbs & Sons, pour déposer son brevet EP 2 161 336 concernant spécifiquement le nivolumab, ce qui constituerait "un indice robuste de la complexité des recherches à effectuer et de la nécessité de procéder à partir du brevet EP 878 à une "activité inventive autonome" au sens de l'arrêt Royalty Pharma", sans examiner, comme elle le devait, la teneur de la description du brevet de base EP 1 537 878, qui précisait que les procédés de fabrication des anticorps étaient "bien connus" et décrivait de façon détaillée les étapes de production d'un anticorps anti-PD-1 et le procédé de criblage permettant d'identifier ceux qui inhibent le signal immunosuppresseur de PD-1, et qui enseignait ainsi tous les éléments nécessaires pour permettre à l'homme du métier d'obtenir les anticorps couverts par sa revendication 1, dont le nivolumab, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3, sous a), du règlement (CE) n° 469/2009 du 6 mai 2009 concernant le certificat complémentaire de protection. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 3, sous a), du règlement (CE) n° 469/2009 et les articles 69 (1) et 83 de la Convention sur le brevet européen (CBE), signée à Munich le 5 octobre 1973 :
19. Selon le premier de ces textes, un CCP est délivré, si, dans l'État membre où est présentée la demande et à la date de celle-ci, le produit est protégé par un brevet de base en vigueur.
20. Aux termes du deuxième, l'étendue de la protection conférée par le brevet européen ou par la demande de brevet européen est déterminée par les revendications. Toutefois, la description et les dessins servent à interpréter les revendications.
21. Aux termes du dernier, l'invention doit être exposée dans la demande de brevet européen de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter.
22. Dans son arrêt du 30 avril 2020, Royalty Pharma Collection Trust (C-650/17), la Cour de justice a dit pour droit que « l'article 3, sous a), du règlement (CE) n° 469/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 6 mai 2009, concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments, doit être interprété en ce sens qu'un produit est protégé par un brevet de base en vigueur, au sens de cette disposition, lorsqu'il répond à une définition fonctionnelle générale employée par l'une des revendications du brevet de base et relève nécessairement de l'invention couverte par ce brevet, sans pour autant être individualisé en tant que mode concret de réalisation à tirer de l'enseignement dudit brevet, dès lors qu'il est spécifiquement identifiable, à la lumière de l'ensemble des éléments divulgués par le même brevet, par l'homme du métier, sur la base de ses connaissances générales dans le domaine considéré à la date de dépôt ou de priorité du brevet de base et de l'état de la technique à cette même date. »
23. La Cour de justice précise à cet effet que, aux fins de vérifier si un produit donné est protégé par un brevet de base en vigueur, au sens de l'article 3, sous a), du règlement n° 469/2009, il convient de vérifier, lorsque ce produit n'est pas explicitement mentionné dans les revendications de ce brevet, si ledit produit est nécessairement et spécifiquement visé dans l'une de ces revendications. À cette fin, deux conditions cumulatives doivent être remplies. D'une part, le produit doit nécessairement relever, pour l'homme du métier, à la lumière de la description et des dessins du brevet de base, de l'invention couverte par ce brevet. D'autre part, l'homme du métier doit être en mesure d'identifier ce produit de façon spécifique à la lumière de l'ensemble des éléments divulgués par ledit brevet, et sur la base de l'état de la technique à la date de dépôt ou de priorité du même brevet (arrêts du 25 juillet 2018, Teva UK e.a., C-121/17, point 52, et Royalty Pharma Collection Trust précité, point 37).
24. Après avoir constaté que le nivolumab était implicitement et nécessairement visé par le brevet en ce qu'il relève de la définition fonctionnelle contenue dans les revendications du brevet, l'arrêt retient qu'il a fallu trois années à la société Ono, en partenariat avec une autre société, pour déposer son brevet EP 336 concernant spécifiquement le nivolumab, ledit brevet mentionnant sept inventeurs et comportant 25 revendications précisant les séquences des anticorps se liant au PD-1 humain, comprenant six régions hypervariables définissant précisément la microstructure complète du nivolumab. Il en déduit que le temps nécessaire au dépôt de ce brevet constitue un indice robuste de la complexité des recherches à effectuer et de la nécessité de procéder, à partir du brevet EP 878, à une « activité inventive autonome » au sens de la jurisprudence Royalty Pharma Collection Trust. Il ajoute que la preuve n'est ainsi pas rapportée que le nivolumab était spécifiquement identifiable par l'homme du métier à partir de ses connaissances et de l'état de la technique à la date du dépôt.
25. En se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, d'une part, si les procédés de fabrication des anticorps monoclonaux étaient bien connus de l'homme du métier à la date du dépôt de la demande du brevet EP 878 et si ce dernier, dans sa description, décrivait comment cribler les anticorps concernés pour identifier ceux qui remplissent la fonction de l'invention, à savoir ceux qui inhibent « le signal immunosuppresseur de PD-1 », d'autre part, si l'homme du métier pouvait ainsi, à la lecture du brevet et grâce à ses connaissances générales, obtenir, par une opération de routine tous les anticorps remplissant la fonction visée par le brevet, y compris le nivolumab, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
26. En l'absence de doute raisonnable quant à l'interprétation du droit de l'Union européenne sur les questions soulevées par le moyen, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice d'une question préjudicielle.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 janvier 2021 (RG n° 18/10540), entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille vingt-trois. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat aux Conseils, pour la société Ono Pharmaceutical co.Ltd et M. [P].
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté le recours formé par la société Ono Pharmaceutical et M. [C] [P] à l'encontre de la décision rendue le 2 mars 2018 par le directeur général de l'INPI qui a rejeté la demande de certificat complémentaire de protection n° 15C0088.
1°) ALORS QU'aux termes de l'article 6 du règlement (CE) n° 469/2009 du 6 mai 2009 concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments, le droit au certificat complémentaire de protection appartient au titulaire du brevet de base ou à son ayant droit ; qu'en application de l'article 3, sous c), du règlement (CE) n° 469/2009, considéré au regard de l'article 3, paragraphe 2, seconde phrase du règlement (CE) n° 1610/96 du 23 juillet 1996 concernant la création d'un certificat complémentaire de protection pour les produits phytosanitaires, un certificat complémentaire de protection peut être délivré au titulaire d'un brevet de base pour un produit pour lequel, au moment du dépôt de la demande de certificat, un ou plusieurs certificats ont déjà été délivrés à un ou à plusieurs titulaires d'un ou de plusieurs autres brevets de base ; que si le régime de l'indivision résultant du Code civil n'est pas applicable à la copropriété d'un brevet qui peut notamment être exploité par chacun des copropriétaires à son profit, sauf à indemniser équitablement les autres copropriétaires, la titularité du brevet n'en appartient pas moins à l'ensemble des copropriétaires indivisément et non à chacun des copropriétaires pris individuellement ; qu'en retenant en l'espèce qu'un CCP pour le nivolumab ne pouvait pas être délivré à la société Ono Pharmaceutical et au professeur [P] sur la base du brevet EP 878 dont ils sont copropriétaires dès lors qu'un CCP 15C0087 a déjà été délivré pour le nivolumab à la société Ono Pharmaceutical et à la société Squibb & Sons LLC sur la base du brevet EP 336 dont ces deux sociétés sont copropriétaires et que « la société Ono, qui peut exploiter seule les deux brevets EP 336 et EP 878 dont elle est cotitulaire dans les conditions prévues par l'article L. 613-29 du Code de la propriété intellectuelle, est titulaire de ces mêmes brevets au sens de l'article 3 § 3 du règlement n° 1610/96 précité », quand, quelles que puissent être les règles de fonctionnement de la copropriété d'un brevet, celui-ci n'en reste pas moins la propriété indivise de l'ensemble des copropriétaires sans qu'aucun ne puisse s'en prétendre personnellement titulaire, ne l'étant que d'une quote-part de celui-ci, la cour d'appel a violé par fausse application ensemble les articles L. 613-29, L. 613-20 du Code de la propriété intellectuelle, 6 du règlement (CE) n° 469/2009 du 6 mai 2009, 3, sous c), du règlement (CE) n° 469/2009 considéré au regard de l'article 3, paragraphe 2, seconde phrase du règlement (CE) n° 1610/96 du 23 juillet 1996 ;
2°) ALORS QUE le juge ne doit pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que pour décider qu'un CCP sur le nivolumab ne pouvait pas être délivré à la société Ono Pharmaceutical et au professeur [P] sur la base du brevet EP 878 dont ils sont copropriétaires dès lors qu'un CCP 15C0087 a déjà été délivré pour le nivolumab à la société Ono Pharmaceutical et à la société Squibb & Sons LLC sur la base du brevet EP 336 dont ces deux sociétés sont copropriétaires, la cour d'appel a retenu que « le directeur général de l'INPI indique, sans être démenti, qu'un CCP aurait pu être délivré au professeur [P] pour le récompenser de ses propres dépenses d'investissement, sans contrevenir aux dispositions de l'article 3 c) du règlement n° 469/2009 et il produit (sa pièce 15) une décision par laquelle il a rejeté une demande de CCP d'une société A? au motif que celle-ci avait déjà bénéficié d'un CCP et délivré le CCP au profit de la société D? qui n'en avait pas bénéficié » ; qu'en statuant ainsi, quand la société Ono Pharmaceutical et le professeur [P] contestaient expressément cette position de l'INPI en faisant notamment valoir « qu'il n'existe aucun fondement de nature à permettre à l'INPI d'octroyer un CCP en pleine propriété à un copropriétaire qui en ferait seul la demande, sur la base d'un brevet dont il ne détient qu'une quote-part, ou encore de délivrer d'office un CCP au nom d'un seul des cotitulaires demandeurs » (cf. conclusions § 74), la cour d'appel a dénaturé les conclusions de la société Ono Pharmaceutical et du professeur [P], en violation du principe susvisé ;
3°) ALORS QUE le droit au certificat complémentaire de protection appartient au titulaire du brevet de base ou à son ayant droit ; que le copropriétaire d'un brevet n'est pas titulaire de celui-ci mais seulement d'une quote-part de celui-ci ; qu'en retenant néanmoins qu'un CCP aurait pu être délivré au professeur [P] seul sur la base du brevet EP 878 dont il est seulement copropriétaire, la cour d'appel a violé l'article 6 du règlement (CE) n° 469/2009 du 6 mai 2009.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté le recours formé par la société Ono Pharmaceutical et M. [C] [P] à l'encontre de la décision rendue le 2 mars 2018 par le directeur général de l'INPI ;
1°) ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que dans sa décision du 2 mars 2018, pour retenir que la revendication 3 du brevet EP 1 537 878 ne visait pas nécessairement et de manière spécifique le nivolumab, le directeur général de l'INPI a relevé que « ces deux autres critères énoncés par le CJUE [?] exigent une identification concrète du produit dans les enseignements du brevet de base » et « qu'en l'espèce, la description ne contient aucune indication, tel qu'un mode concret de réalisation ou tout autre enseignement, permettant d'individualiser spécifiquement le nivolumab » ; qu'en retenant que la décision contestée du directeur général de l'INPI ne reviendrait pas à exiger une identification concrète du produit mais que cette décision aurait « vérifi[é] que le produit était « spécifiquement identifiable » par l'homme du métier à partir de ses connaissances et de l'état de la technique à la date du dépôt », la cour d'appel a dénaturé la décision du directeur général de l'INPI du 2 mars 2018, en violation du principe susvisé ;
2°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU'un produit est protégé par un brevet de base en vigueur, au sens de l'article 3, sous a), du règlement (CE) n° 469/2009, lorsqu'il répond à une définition fonctionnelle générale employée par l'une des revendications du brevet de base et relève nécessairement de l'invention couverte par ce brevet, sans pour autant être individualisé en tant que mode concret de réalisation à tirer de l'enseignement dudit brevet, dès lors qu'il est spécifiquement identifiable, à la lumière de l'ensemble des éléments divulgués par le même brevet, par l'homme du métier, sur la base de ses connaissances générales dans le domaine considéré à la date de dépôt ou de priorité du brevet de base et de l'état de la technique à cette même date ; qu'il s'ensuit que l'octroi d'un CCP ne peut être refusé au seul motif que le produit dont il fait l'objet ne serait pas individualisé en tant que mode concret de réalisation à tirer de l'enseignement du brevet de base ; qu'en refusant d'annuler la décision du 2 mars 2018, alors que le directeur général de l'INPI avait commis une erreur de droit en subordonnant l'octroi du CCP à l'existence d'une « identification concrète du produit dans les enseignements du brevet » ou l'indication d'un « mode concret de réalisation ou tout autre enseignement permettant d'individualiser spécifiquement le nivolumab », la cour d'appel a violé l'article 3, sous a), du règlement (CE) n° 469/2009 du 6 mai 2009 concernant le certificat complémentaire de protection ainsi que l'article L. 411-4 du code de la propriété intellectuelle ;
3°) ALORS QUE le recours en annulation d'une décision du directeur général de l'INPI est dépourvu d'effet dévolutif ; que saisie d'un tel recours, la cour d'appel doit se placer dans les conditions qui étaient celles existant au moment où la décision contestée a été prise et ne peut donc se fonder sur des pièces nouvelles n'ayant pas été produites ou évoquées dans le cadre de la procédure devant le directeur général de l'INPI ; qu'en se fondant, pour statuer comme elle l'a fait, sur un article intitulé « Introduction aux techniques utilisées en biochimie – Préparation des anticorps », produit devant elle par le directeur général de L'INPI, cependant que cette pièce n'avait pas été produite dans le cadre de la procédure devant ce dernier ni visée dans la décision contestée, la cour d'appel a violé l'article L. 411-4 du code de la propriété intellectuelle ;
4°) ALORS QU'un produit est protégé par un brevet de base en vigueur, au sens de l'article 3, sous a), du règlement (CE) n° 469/2009, lorsqu'il répond à une définition fonctionnelle générale employée par l'une des revendications du brevet de base et relève nécessairement de l'invention couverte par ce brevet, sans pour autant être individualisé en tant que mode concret de réalisation à tirer de l'enseignement dudit brevet, dès lors qu'il est spécifiquement identifiable, à la lumière de l'ensemble des éléments divulgués par le même brevet, par l'homme du métier, sur la base de ses connaissances générales dans le domaine considéré à la date de dépôt ou de priorité du brevet de base et de l'état de la technique à cette même date ; qu'à l'inverse, un produit ne peut être considéré comme étant protégé par le brevet de base, lorsqu'il a été développé après la date de dépôt de la demande de brevet, au terme d'une « activité inventive autonome » ; que toutefois, un produit ne requiert une telle « activité inventive autonome » que dans l'hypothèse où, à la date de dépôt ou de priorité du brevet de base, l'homme du métier n'était pas en mesure d'obtenir ledit produit en mettant en oeuvre les enseignements du brevet sur la base de ses connaissances générales dans le domaine considéré et de l'état de la technique à cette même date ; qu'en affirmant, de manière inopérante, d'une part, qu'il ressortirait d'un article daté de l'année 2007 que « la préparation d'anticorps monoclonaux suppose un processus complexe afin d'obtenir leur production (par criblage, isolation, clonage), leur mise en culture le plus souvent in vivo, leur sélection, toutes ces étapes nécessitant la mise en oeuvre de techniques « très coûteuses en termes d'installations, de réactifs, de temps et de main d'oeuvre » » et, d'autre part, que cette analyse serait confortée par la circonstance qu'il a fallu trois années à la société Ono, en partenariat avec la société ER Squibbs & Sons, pour déposer son brevet EP 2 161 336 concernant spécifiquement le nivolumab, ce qui constituerait « un indice robuste de la complexité des recherches à effectuer et de la nécessité de procéder à partir du brevet EP 878 à une « activité inventive autonome » au sens de l'arrêt Royalty Pharma », sans examiner, comme elle le devait, la teneur de la description du brevet de base EP 1 537 878, qui précisait que les procédés de fabrication des anticorps étaient « bien connus » et décrivait de façon détaillée les étapes de production d'un anticorps anti-PD-1 et le procédé de criblage permettant d'identifier ceux qui inhibent le signal immunosuppresseur de PD-1, et qui enseignait ainsi tous les éléments nécessaires pour permettre à l'homme du métier d'obtenir les anticorps couverts par sa revendication 1, dont le nivolumab, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3, sous a), du règlement (CE) n° 469/2009 du 6 mai 2009 concernant le certificat complémentaire de protection ;
5°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE le caractère « spécifiquement identifiable » du produit doit s'apprécier au regard des éléments divulgués par le brevet de base, lequel est présumé valable ; qu'ainsi, le produit est spécifiquement identifiable dès lors que le processus permettant son obtention est décrit dans le brevet de base et ce, sans que la cour d'appel, qui n'est pas saisie d'une demande d'annulation du brevet de base pour insuffisance de description, puisse remettre en cause la pertinence de cette description sur la base d'éléments étrangers au brevet ; qu'en se fondant, pour juger que l'identification du nivolumab nécessiterait une « véritable « activité inventive autonome » », sur les affirmations contenues dans un article d'introduction aux techniques utilisées en biochimie pour la préparation des anticorps relevant que la production d'anticorps supposerait la mise en oeuvre d'un processus complexe et de techniques « très coûteuses en terme d'installations, de réactifs, de temps et de main d'oeuvre », quand le brevet de base précisait que les procédés de fabrication des anticorps étaient « bien connus » et décrivait de façon détaillée les étapes de production d'un anticorps anti-PD-1 et le procédé de criblage permettant d'identifier ceux qui inhibent le signal immunosuppresseur de PD-1, et enseignait ainsi tous les éléments nécessaires pour permettre à l'homme du métier d'obtenir les anticorps couverts par sa revendication 1, dont le nivolumab, la cour d'appel a violé l'article 3, sous a), du règlement (CE) n° 469/2009 du 6 mai 2009 concernant le certificat complémentaire de protection ;
6°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE l'existence d'une activité inventive autonome ne peut se déduire du seul constat du caractère prétendument complexe, long et coûteux des opérations à mettre en oeuvre pour l'obtention du produit ; qu'en affirmant qu'il ressortirait d'un article daté de l'année 2007 que « la préparation d'anticorps monoclonaux suppose un processus complexe afin d'obtenir leur production (par criblage, isolation, clonage), leur mise en culture le plus souvent in vivo, leur sélection, toutes ces étapes nécessitant la mise en oeuvre de techniques « très coûteuses en termes d'installations, de réactifs, de temps et de main d'oeuvre » » et que le temps nécessaire au dépôt du brevet EP 2 161 336 concernant spécifiquement le nivolumab constituerait « un indice robuste de la complexité des recherches à effectuer et de la nécessité de procéder à partir du brevet EP 878 à une « activité inventive autonome » au sens de la jurisprudence Royalty Pharma », la cour d'appel s'est déterminée par des motifs impropres à caractériser en quoi le nivolumab ne serait pas spécifiquement identifiable, à la lumière de l'ensemble des éléments divulgués par le brevet de base EP 878, par l'homme du métier, sur la base de ses connaissances générales dans le domaine considéré à la date du dépôt ou de la priorité de ce même brevet et de l'état de la technique à cette même date, ni en quoi l'obtention de ce produit nécessiterait une « activité inventive autonome », en violation de l'article 3, sous a), du règlement (CE) n° 469/2009 du 6 mai 2009 concernant le certificat complémentaire de protection ;
7°) ALORS QU'une invention de sélection consiste à sélectionner, parmi une famille de composés connus globalement pour des propriétés déterminées, un composé doté de cette propriété à un degré élevé ou optimal, permettant une plus grande efficacité ou une utilisation plus aisée ; qu'un produit ne requiert pas une « activité inventive autonome » lorsqu'il pouvait être obtenu, à la date de dépôt ou de priorité du brevet de base, par l'homme du métier en mettant en oeuvre les enseignements de ce même brevet et ses connaissances générales ; que la circonstance que le produit soit également protégé, dans sa structure, en tant qu'invention de sélection, par un brevet ultérieur lui-même valable est, à cet égard, dénué d'incidence ; qu'en relevant que la circonstance qu'il a fallu trois années à la société Ono, en partenariat avec la société ER Squibb & Sons, pour déposer le brevet EP 2 161 336 (EP 336) concernant spécifiquement le nivolumab constituerait « un indice robuste de la complexité des recherches à effectuer et de la nécessité de procéder à partir du brevet EP 878 à une « activité inventive autonome » au sens de la jurisprudence Royalty Pharma », sans rechercher, comme elle y était invitée, si le brevet EP 336 déposé ultérieurement ne couvrait pas une simple invention de sélection et si, dans ces conditions, le temps écoulé entre le dépôt du brevet EP 878 et celui de ce brevet EP 336 ne correspondait pas simplement au temps nécessaire pour sélectionner le nivolumab parmi les anticorps couverts par le brevet EP 878 et découvrir ses caractéristiques avantageuses, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3, sous a), du règlement (CE) n° 469/2009 du 6 mai 2009 concernant le certificat complémentaire de protection ;
8°) ALORS QUE l'objectif fondamental du règlement n° 469/2009 consiste à garantir une protection suffisante pour encourager la recherche dans le domaine pharmaceutique, qui contribue de façon décisive à l'amélioration continue de la santé publique ; que l'octroi de cette période d'exclusivité supplémentaire a vocation à encourager la recherche et, pour ce faire, vise à permettre un amortissement des investissements effectués dans cette recherche ; qu'en relevant que « la société Ono, qui a réalisé, en partenariat avec la société ER Squibb & Sons, des investissements ayant abouti au dépôt du brevet EP 336 qui a rendu possible le développement du nivolumab, a été récompensée par l'octroi d'un CCP 15C0087 qui expirera le 24 juin 2030 », cependant qu'en elle-même, la circonstance qu'un CCP ait déjà été accordé pour le nivolumab sur la base d'un autre brevet couvrant spécifiquement la structure de ce produit ne remettait pas en cause le droit de la société Ono et de M. [P] d'obtenir un CCP pour le même produit sur la base de leur brevet EP 1 537 878, couvrant l'utilisation des anticorps anti-PD-1 qui inhibent le signal immunosuppresseur de PD-1 pour le traitement du cancer, afin de récompenser les investissements de recherche mis en oeuvre par la société Ono et M. [P] pour l'usage particulier de cette classe d'anticorps, à laquelle appartient le nivolumab, dans le traitement du cancer, la cour d'appel a encore statué par un motif inopérant, en violation de l'article 3, sous a), du règlement (CE) n° 469/2009 du 6 mai 2009 concernant le certificat complémentaire de protection.
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INCA/JURITEXT000047096674.xml
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 1er février 2023
Cassation partielle
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 93 F-D
Pourvoi n° T 22-17.101
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 1ER FÉVRIER 2023
La société GAC, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 22-17.101 contre l'arrêt rendu le 6 avril 2022 par la cour d'appel de Lyon (8e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [G] [X], domicilié [Adresse 2],
2°/ à la société L'Air liquide société anonyme pour l'étude et l'exploitation des procédés [J] [L], dont le siège est [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
La société L'Air liquide société anonyme pour l'étude et l'exploitation des procédés [J] [L] a formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
La demanderesse au pourvoi incident éventuel invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bellino, conseiller référendaire, les observations de la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de la société GAC, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [X], de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société L'Air liquide société anonyme pour l'étude et l'exploitation des procédés [J] [L], et l'avis de M. Douvreleur, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 décembre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Bellino, conseiller référendaire rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 6 avril 2022), rendu en référé, le 20 octobre 2020, la société GAC, société de conseil spécialisée dans le financement de la recherche et du développement, soutenant que deux anciens salariés, MM. [X] et [B], qui, immédiatement après leur départ, avaient constitué une société exerçant la même activité, avaient commis des actes de concurrence déloyale et de parasitisme, a sollicité, sur requête, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, la désignation d'un huissier de justice aux fins de constats et « saisies » au domicile de M. [X].
2. Une ordonnance du 26 octobre 2020 a accueilli la requête. Le constat a été effectué le 3 décembre 2020.
3. Le 21 janvier 2021, M. [X] a demandé la rétractation de l'ordonnance. En cause d'appel, la société L'Air liquide société anonyme pour l'étude et l'exploitation des procédés [J] [L] (la société L'Air liquide), cliente de la société GAC visée dans la requête comme ayant été démarchée par MM. [X] et [B], est intervenue volontairement à titre principal à la procédure de rétractation.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
4. La société GAC fait grief à l'arrêt de rétracter l'ordonnance du 26 octobre 2020 pour défaut de motif légitime, de rejeter ses demandes, et en conséquence de dire que toutes les pièces « saisies » le 3 décembre 2020, obtenues sans base légale, étaient sans valeur juridique et ne pourraient pas être utilisées par quiconque, dire que l'huissier de justice et l'expert informatique, le cas échéant, intervenus lors de la mesure d'instruction du 3 décembre 2020 devraient procéder à la restitution sans délai de l'ensemble des pièces « saisies » au domicile de M. [X] contre récépissé dans un procès-verbal de restitution, dire que l'huissier instrumentaire devrait détruire le procès-verbal de constat et le cas échéant toute copie des pièces saisies en quelque main où ces éléments se trouvent, et rappeler qu'il était interdit de ce fait à quiconque, et notamment à la société GAC, de faire état ou usage du constat d'huissier et de toutes pièces annexées ou « saisies » en exécution de l'ordonnance rétractée, alors « que le juge ne peut exiger de la partie qui sollicite une mesure d'instruction avant tout procès qu'elle rapporte la preuve des faits que cette mesure a précisément pour objet d'établir ; qu'en retenant que "le motif relatif à un transfert illicite de données informatiques ne pouvait dès l'origine revêtir le caractère d'un motif légitime, la pièce 32, unique pièce communiquée, étant manifestement non documentée, non explicitée et insusceptible de constituer à elle-seule un indice à la charge de M. [B], sauf à tenir pour acquises les seules allégations du Gac", la cour d'appel a reproché à la société GAC de ne pas rapporter la preuve de transferts illicites de données informatiques, faisant ainsi peser sur elle la charge de la preuve des actes de parasitisme que la mesure d'instruction demandée avait précisément pour objet de rapporter, en violation de l'article 145 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 145 du code de procédure civile :
5. Aux termes de ce texte, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
6. Pour rétracter l'ordonnance du 26 octobre 2020, l'arrêt retient que la pièce 32, unique pièce communiquée, est insuffisante à établir l'allégation de transfert illicite de données informatiques, de nature à justifier d'un motif légitime à obtenir une mesure d'instruction avant tout procès.
7. En se déterminant ainsi, par des motifs fondés sur l'absence de preuve des faits de détournement illicite de données informatiques relatives à certains clients que la mesure d'instruction sollicitée avait précisément pour objet de conserver ou d'établir, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Et sur le moyen du pourvoi incident, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
8. La société L'Air liquide fait grief à l'arrêt de déclarer son intervention volontaire irrecevable, alors « qu'il résulte de la combinaison des articles 31, 145, 329, 495 et 496 du code de procédure civile que lorsqu'une mesure d'instruction est ordonnée sur requête, toute personne dont les intérêts sont affectés par cette ordonnance constitue une personne intéressée et dispose par conséquent d'un intérêt légitime pour solliciter la rétractation de cette ordonnance, de sorte que le défendeur potentiel à l'action au fond envisagée est nécessairement une personne intéressée au sens de l'article 496 du code de procédure civile même si l'ordonnance ne lui est pas opposée au sens de l'article 495 du même code ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle était invitée à le faire, si la société L'Air liquide, dont les agissements sont visés à plusieurs reprises dans la requête et contre laquelle est invoquée la violation d'une clause de non-sollicitation, avait la qualité de défendeur potentiel et donc nécessairement de personne intéressée à l'action au fond envisagée, ce qui lui conférait un droit propre à intervenir en cause d'appel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles précités. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 145, 329, 495 et 496 du code de procédure civile :
9. Il résulte de la combinaison de ces textes que lorsqu'une mesure d'instruction est ordonnée sur requête, le défendeur potentiel à l'action au fond envisagée est nécessairement une personne intéressée au sens du quatrième des textes susvisés même si cette ordonnance ne lui est pas opposée au sens du troisième de ces textes.
10. Pour déclarer irrecevable l'intervention volontaire de la société L'Air liquide, après avoir relevé que cette société, qui exposait avoir été assignée le 7 octobre 2021 devant le tribunal de commerce de Paris en responsabilité civile par la société GAC sur la base notamment de neuf pièces issues de la mesure d'instruction litigieuse, ne communiquait ni l'assignation en question, ni le bordereau de pièces, l'arrêt retient qu'ainsi elle ne démontre pas disposer d'un intérêt personnel et certain à son intervention volontaire.
11. En se déterminant ainsi, sans rechercher si la société L'Air liquide n'avait pas la qualité de défendeur potentiel aux actions au fond envisagées par la société GAC, lui conférant un droit propre à intervenir à titre principal en cause d'appel, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande de la société L'Air liquide société anonyme pour l'étude et l'exploitation des procédés [J] [L] de transmettre une note en délibéré pour produire son assignation devant le tribunal de commerce de Paris et le bordereau de pièces, déclare l'appel de M. [X] recevable et déclare la demande de M. [X] d'annulation du constat d'huissier de justice du 3 décembre 2020 irrecevable, l'arrêt rendu le 6 avril 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée ;
Laisse à la charge de la société GAC les dépens afférents au pourvoi formé contre la société L'Air liquide société anonyme pour l'étude et l'exploitation des procédés [J] [L] ;
Condamne M. [X] au surplus des dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [X] et le condamne à payer à la société GAC la somme de 3 000 euros et condamne cette dernière à payer à la société L'Air liquide société anonyme pour l'étude et l'exploitation des procédés [J] [L] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille vingt-trois. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat aux Conseils, pour la société GAC.
La société Gac fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir fait droit à la demande de rétractation de l'ordonnance du 26 octobre 2020 pour défaut de motif légitime, de l'avoir déboutée de ses entières demandes, et d'avoir en conséquence dit que toutes les pièces saisies le 3 décembre 2020, obtenues sans base légale, étaient sans valeur juridique et ne pourraient pas être utilisées par quiconque, dit que l'huissier de justice et l'expert informatique, le cas échéant, intervenus lors de la mesure d'instruction du 3 décembre 2020 devraient procéder à la restitution sans délai de l'ensemble des pièces saisies au domicile de M. [X] contre récépissé dans un procès-verbal de restitution, dit que l'huissier instrumentaire devrait détruire le procès-verbal de constat et le cas échéant toute copie des pièces saisies en quelque main où ces éléments se trouvent, et rappelé qu'il était interdit de ce fait à quiconque, et notamment à la société Gac, de faire état ou usage du constat d'huissier et de toutes pièces annexées ou saisies en exécution de l'ordonnance rétractée ;
1°/ ALORS QUE s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ; qu'à l'appui de sa demande de mesure d'instruction, la société Gac invoquait différents indices rendant vraisemblables ses soupçons de concurrence déloyale, à savoir la création d'une société concurrente par MM. [X] et [B], dès la fin de leur préavis, ayant démarché certains clients importants de la société Gac, l'insertion d'une clause intuitu personae dans deux contrats grands comptes peu de temps avant la démission de MM. [X] et [B], les propos dénigrants tenus à l'égard de la direction de la société Gac, l'export informatique réalisé par M. [B] avant son départ, et l'embauche par la société créée par MM. [X] et [B], d'une collaboratrice de la société Gac ayant démissionné en même temps que ces derniers ; qu'en examinant isolément et successivement chacun de ces indices pour juger qu'aucun d'entre eux n'était suffisant (arrêt attaqué, p. 12-13) sans rechercher si, pris dans leur ensemble, ces indices ne rendaient pas vraisemblables les soupçons de concurrence déloyale de la société Gac, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 145 du code de procédure civile ;
2°/ ALORS QUE le requérant justifie l'existence d'un motif légitime à conserver ou établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige si les faits qu'il invoque constituent des indices rendant vraisemblables ses soupçons ; qu'en retenant que « le motif relatif à un transfert illicite de données informatiques ne pouvait dès l'origine revêtir le caractère d'un motif légitime, la pièce 32, unique pièce communiquée, étant manifestement non documentée, non explicitée et insusceptible de constituer à elle-seule un indice à la charge de M. [B], sauf à tenir pour acquises les seules allégations du Gac » (arrêt attaqué, p. 12 § 8), déniant ainsi aux indices de transfert de données informatiques toute valeur probante en ce que leur analyse reposait sur les seules allégations de la société Gac, cependant qu'au stade de la requête, il s'agissait uniquement de constater que ces indices rendaient vraisemblables les soupçons d'actes de parasitisme, la cour d'appel a violé l'article 145 du code de procédure civile ;
3°/ ALORS, EN OUTRE, QUE le juge ne peut exiger de la partie qui sollicite une mesure d'instruction avant tout procès qu'elle rapporte la preuve des faits que cette mesure a précisément pour objet d'établir ; qu'en retenant que « le motif relatif à un transfert illicite de données informatiques ne pouvait dès l'origine revêtir le caractère d'un motif légitime, la pièce 32, unique pièce communiquée, étant manifestement non documentée, non explicitée et insusceptible de constituer à elle-seule un indice à la charge de M. [B], sauf à tenir pour acquises les seules allégations du Gac » (arrêt attaqué, p. 12 § 8), la cour d'appel a reproché à la société Gac de ne pas rapporter la preuve de transferts illicites de données informatiques, faisant ainsi peser sur elle la charge de la preuve des actes de parasitisme que la mesure d'instruction demandée avait précisément pour objet de rapporter, en violation de l'article 145 du code de procédure civile ;
4°/ ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE qu'en retenant que « le motif relatif à un transfert illicite de données informatiques ne pouvait dès l'origine revêtir le caractère d'un motif légitime, la pièce 32, unique pièce communiquée, étant manifestement non documentée, non explicitée et insusceptible de constituer à elle-seule un indice à la charge de M. [B], sauf à tenir pour acquises les seules allégations du Gac » (arrêt attaqué, p. 12 § 8), sans examiner, même sommairement, le courriel de M. [B] du 23 juillet 2020 destiné à la société Air Liquide, et adressé par erreur à la société Gac, aux termes duquel ce dernier indiquait que « la société KMCE4U s'occupera de la mission 2020, notamment pour le CIR » (pièce produite en appel n°29, production n°6), qui confortait l'hypothèse d'un transfert de données afférentes au CIR 2019, révélé par la pièce n° 32, et renforçait les soupçons d'une captation illicite des données de la société Gac, collectées par M. [B] au bénéfice de la société KMCE4U, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
5°/ ALORS QUE s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ; qu'en retenant, pour juger que la société Gac ne justifiait pas d'un motif légitime, qu'elle « n'a jamais interdit à M. [B] et M. [X] de créer une société concurrente », que « la fin de leur préavis a eu lieu le 7 juin 2020 pour M. [X] et le 5 juin 2020 pour M. [B] et la création de la société KMCE4U a eu lieu le 15 juin 2020 », et qu' « il n'est nulle clause de non-démarchage de clients. Les seules obligations s'imposant sont un engagement de confidentialité et un engagement de non-dénigrement réciproque » (arrêt attaqué, p. 12 § 9), cependant que la société Gac pouvait se prévaloir de faits rendant vraisemblables l'existence de soupçons d'actes de démarchage de clientèle constitutifs de concurrence déloyale, nonobstant l'absence de clause de non9 démarchage de clients à l'égard de MM. [X] et [B], la cour d'appel a statué par des motifs impropres à écarter l'existence d'un motif légitime, et a ainsi violé l'article 145 du code de procédure civile ;
6°/ ALORS QUE s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ; qu'en retenant, pour juger que la société Gac ne justifiait pas d'un motif légitime, que « les faits de dénigrement reprochés à M. [B] ne peuvent aucunement servir à légitimer et étayer une requête d'octobre 2020 alors qu'ils datent de l'année 2019, soit bien avant sa démission » (arrêt attaqué, p. 12 § 7), cependant qu'il n'est nullement requis que les éléments invoqués par le demandeur, en l'occurrence les faits de dénigrement commis par M. [B] à l'encontre de la direction de la société Gac et relatés dans les courriels d'octobre 2018, d'octobre 2019, et du 7 janvier 2020, interviennent dans un court laps de temps avant à la saisine du juge et qu'il était indifférent que les faits de dénigrement allégués aient été antérieurs à la démission de M. [B], la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et a ainsi violé l'article 145 du code de procédure civile ;
7°/ ALORS QUE s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ; qu'en retenant, pour juger que la société Gac ne justifiait pas d'un motif légitime, que « dès la requête, il existait une incohérence de date dans les pièces, notamment sur la signature des contrats comportant les clauses modificatives ce qui ne permettait dès l'origine pas de tenir pour vraisemblable une manipulation de la procédure par les salariés à l'insu de [P] [M] alléguée par le Gac » (arrêt attaqué, p. 12, dernier § et p. 13 § 1 et 2), sans prendre en compte, comme il le lui était demandé (p. 20 à 24, spéc. p. 22 et 23 des conclusions de la société Gac), la circonstance que cette incohérence entre les dates des contrats et des fiches de synthèse, destinées à renseigner la direction sur le contenu des contrats lors de leur signature, attestait d'une modification des fiches postérieure à la date de signature des contrats, et en conséquence étayait des soupçons de dissimulation d'informations, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 145 du code de procédure civile. Moyen produit au pourvoi incident éventuel par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société L'Air liquide société anonyme pour l'étude et l'exploitation des procédés [J] [L].
La société l'Air Liquide fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré son intervention volontaire irrecevable ;
1°) ALORS QU'aux termes de l'article 496 du code de procédure civile, s'il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l'ordonnance ; que selon l'article 554 du même code, peuvent intervenir en cause d'appel dès lors qu'elles y ont un intérêt les personnes qui n'ont été ni parties, ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité ; qu'en déclarant irrecevable l'intervention volontaire de la société l'Air liquide faute de démontrer qu'elle dispose d'un intérêt personnel et certain à son intervention sans rechercher, ainsi qu'elle était invitée à le faire, si le fait qu'elle soit visée dans le corps même de la requête, notamment comme potentiellement complice des faits de concurrence déloyale et de parasitisme imputés à MM. [X] et [B] et qu'elle figure dans la liste des mots clés des documents à appréhender ne lui conférait pas un intérêt à intervenir à la procédure de rétractation, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 496, 554 et 31 du code de procédure civile ;
2°) ALORS, en tout état de cause, QU'il résulte de la combinaison des articles 31, 145, 329, 495 et 496 du code de procédure civile que lorsqu'une mesure d'instruction est ordonnée sur requête, toute personne dont les intérêts sont affectés par cette ordonnance constitue une personne intéressée et dispose par conséquent d'un intérêt légitime pour solliciter la rétractation de cette ordonnance, de sorte que le défendeur potentiel à l'action au fond envisagée est nécessairement une personne intéressée au sens de l'article 496 du code de procédure civile même si l'ordonnance ne lui est pas opposée au sens de l'article 495 du même code ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle était invitée à le faire, si la société l'Air Liquide, dont les agissements sont visés à plusieurs reprises dans la requête et contre laquelle est invoquée la violation d'une clause de non-sollicitation, avait la qualité de défendeur potentiel et donc nécessairement de personne intéressée à l'action au fond envisagée, ce qui lui conférait un droit propre à intervenir en cause d'appel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles précités.
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INCA/JURITEXT000047096675.xml
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 1er février 2023
Cassation
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 96 FP-D
Pourvoi n° K 21-13.663
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 1ER FÉVRIER 2023
1°/ la société Ono Pharmaceutical co.Ltd, société de droit japonais, dont le siège est [Adresse 4] (Japon) et domiciliée dans la procédure [Adresse 1] (Japon),
2°/ M. [Y] [N], domicilié [Adresse 3]),
ont formé le pourvoi n° K 21-13.663 contre l'arrêt n° RG : 18/10522 rendu le 19 janvier 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 1), dans le litige les opposant au directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI), dont le siège est [Adresse 2], défendeur à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bessaud, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société Ono Pharmaceutical co.Ltd et de M. [N], de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat du directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle, et l'avis de M. Debacq, avocat général, à la suite duquel le président a demandé aux avocats s'ils souhaitaient présenter des observations complémentaires, après débats en l'audience publique du 6 décembre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Bessaud, conseiller référendaire rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen de la chambre, Mme Vaissette, conseiller doyen de section, M. Mollard, conseiller doyen de section, Mmes Vallansan, Poillot-Peruzzetto, Graff-Daudret, Bélaval, Champalaune, Daubigney, conseillers, M. Guerlot, Mme Barbot, conseillers référendaires, M. Debacq, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application des articles R. 421-4-1 et R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 janvier 2021, n° RG 18/10522), le 6 janvier 2016, la société Ono Pharmaceutical (la société Ono) et M. [N] ont déposé conjointement, une demande de certificat complémentaire de protection (CCP) n° 16C0001 portant sur le produit pembrolizumab, sur le fondement du règlement (CE) n° 469/2009 du 6 mai 2009 concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments.
2. Cette demande était formulée sur la base du brevet européen déposé le 2 juillet 2003, publié sous le n° EP 1 537 878 (le brevet EP 878) et délivré le 22 septembre 2010, sous le titre « Compositions immunostimulantes », dont la société Ono et M. [N] sont titulaires.
3. Elle faisait également référence à une autorisation de mise sur le marché (AMM) communautaire accordée le 17 juillet 2015 sous le n° EU/1/15/1024 à la société Merck Sharp & Dohme (la société MSD), pour une spécialité pharmaceutique dénommée « Keytruda », qui a pour principe actif le pembrolizumab.
4. Par décision du 2 mars 2018, le directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle (l'INPI) a rejeté la demande de CCP n° 16C0001, sur le fondement de l'article 3, sous a), du règlement précité, au motif que le produit, objet de cette demande, n'était pas protégé par le brevet EP 878.
5. La société Ono et M. [N] ont formé un recours contre cette décision.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
6. La société Ono et M. [N] font grief à l'arrêt de rejeter leur recours contre la décision rendue le 2 mars 2018 par le directeur général de l'INPI, alors « que le recours en annulation d'une décision du directeur général de l'INPI est dépourvu d'effet dévolutif ; que saisie d'un tel recours, la cour d'appel doit se placer dans les conditions qui étaient celles existant au moment où la décision contestée a été prise et ne peut donc se fonder sur des pièces nouvelles n'ayant pas été produites ou évoquées dans le cadre de la procédure devant le directeur général de l'INPI ; qu'en se fondant, pour statuer comme elle l'a fait, sur un article intitulé "Introduction aux techniques utilisées en biochimie – Préparation des anticorps", produit devant elle par le directeur général de l'INPI, cependant que cette pièce n'avait pas été produite dans le cadre de la procédure devant ce dernier ni visée dans la décision contestée, la cour d'appel a violé l'article L. 411-4 du code de la propriété intellectuelle. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 411-4 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019 :
7. Il résulte de ce texte que la cour d'appel, saisie d'un recours en annulation d'une décision du directeur général de l'INPI, devant se placer dans les conditions qui étaient celles existant au moment où celle-ci a été prise, ne peut prendre en compte les pièces nouvelles produites devant elle.
8. Pour retenir que l'identification du pembrolizumab dans le brevet de base nécessitait une activité inventive autonome et rejeter en conséquence le recours formé contre la décision du directeur général de l'INPI ayant refusé d'accorder un CCP sur ce produit, la cour d'appel s'est fondée, notamment, sur un article scientifique produit pour la première fois devant elle.
9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Et sur le moyen, pris en sa quatrième branche
Enoncé du moyen
10. La société Ono et M. [N] font le même grief à l'arrêt, alors « qu'un produit est protégé par un brevet de base en vigueur, au sens de l'article 3, sous a), du règlement (CE) n° 469/2009, lorsqu'il répond à une définition fonctionnelle générale employée par l'une des revendications du brevet de base et relève nécessairement de l'invention couverte par ce brevet, sans pour autant être individualisé en tant que mode concret de réalisation à tirer de l'enseignement dudit brevet, dès lors qu'il est spécifiquement identifiable, à la lumière de l'ensemble des éléments divulgués par le même brevet, par l'homme du métier, sur la base de ses connaissances générales dans le domaine considéré à la date de dépôt ou de priorité du brevet de base et de l'état de la technique à cette même date ; qu'à l'inverse, un produit ne peut être considéré comme étant protégé par le brevet de base, lorsqu'il a été développé après la date de dépôt de la demande de brevet, au terme d'une "activité inventive autonome" ; que toutefois, un produit ne requiert une telle "activité inventive autonome" que dans l'hypothèse où, à la date de dépôt ou de priorité du brevet de base, l'homme du métier n'était pas en mesure d'obtenir ledit produit en mettant en oeuvre les enseignements du brevet sur la base de ses connaissances générales dans le domaine considéré et de l'état de la technique à cette même date ; qu'en affirmant, de manière inopérante, d'une part, qu'il ressortirait d'un article daté de l'année 2007 que "la préparation d'anticorps monoclonaux suppose un processus complexe afin d'obtenir leur production (par criblage, isolation, clonage), leur mise en culture le plus souvent in vivo, leur sélection, toutes ces étapes nécessitant la mise en oeuvre de techniques" "très coûteuses en termes d'installations, de réactifs, de temps et de main d'oeuvre"" et, d'autre part, que cette analyse serait confortée par la circonstance qu'il a fallu cinq années à la société MSD pour déposer son brevet EP 2 170 959 concernant spécifiquement le pembrolizumab, ce qui constituerait "un indice robuste de la complexité des recherches à effectuer et de la nécessité de procéder à partir du brevet EP 878 à une "activité inventive autonome" au sens de l'arrêt Royalty Pharma", sans examiner, comme elle le devait, la description du brevet de base EP 1 537 878, qui précisait que les procédés de fabrication des anticorps étaient "bien connus" et décrivait de façon détaillée les étapes de production d'un anticorps anti-PD-1 et le procédé de criblage permettant d'identifier ceux qui inhibent le signal immunosuppresseur de PD-1, et qui enseignait ainsi tous les éléments nécessaires pour permettre à l'homme du métier d'obtenir les anticorps couverts par sa revendication 1, dont le pembrolizumab, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3, sous a), du règlement (CE) n° 469/2009 du 6 mai 2009 concernant le certificat complémentaire de protection. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 3, sous a), du règlement (CE) n° 469/2009 et les articles 69 (1) et 83 de la Convention sur le brevet européen (CBE), signée à Munich le 5 octobre 1973 :
11. Selon le premier de ces textes, un CCP est délivré, si, dans l'État membre où est présentée la demande et à la date de celle-ci, le produit est protégé par un brevet de base en vigueur.
12. Aux termes du deuxième, l'étendue de la protection conférée par le brevet européen ou par la demande de brevet européen est déterminée par les revendications. Toutefois, la description et les dessins servent à interpréter les revendications.
13. Aux termes du dernier, l'invention doit être exposée dans la demande de brevet européen de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter.
14. Dans son arrêt du 30 avril 2020, Royalty Pharma Collection Trust (C-650/17), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que « l'article 3, sous a), du règlement (CE) n° 469/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 6 mai 2009, concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments, doit être interprété en ce sens qu'un produit est protégé par un brevet de base en vigueur, au sens de cette disposition, lorsqu'il répond à une définition fonctionnelle générale employée par l'une des revendications du brevet de base et relève nécessairement de l'invention couverte par ce brevet, sans pour autant être individualisé en tant que mode concret de réalisation à tirer de l'enseignement dudit brevet, dès lors qu'il est spécifiquement identifiable, à la lumière de l'ensemble des éléments divulgués par le même brevet, par l'homme du métier, sur la base de ses connaissances générales dans le domaine considéré à la date de dépôt ou de priorité du brevet de base et de l'état de la technique à cette même date. »
15. La Cour de justice précise à cet effet que, aux fins de vérifier si un produit donné est protégé par un brevet de base en vigueur, au sens de l'article 3, sous a), du règlement n° 469/2009, il convient de vérifier, lorsque ce produit n'est pas explicitement mentionné dans les revendications de ce brevet, si ledit produit est nécessairement et spécifiquement visé dans l'une de ces revendications. À cette fin, deux conditions cumulatives doivent être remplies. D'une part, le produit doit nécessairement relever, pour l'homme du métier, à la lumière de la description et des dessins du brevet de base, de l'invention couverte par ce brevet. D'autre part, l'homme du métier doit être en mesure d'identifier ce produit de façon spécifique à la lumière de l'ensemble des éléments divulgués par ledit brevet, et sur la base de l'état de la technique à la date de dépôt ou de priorité du même brevet (arrêts du 25 juillet 2018, Teva UK e.a., C-121/17, point 52, et Royalty Pharma Collection Trust précité, point 37).
16. Après avoir constaté que le pembrolizumab était implicitement et nécessairement visé par le brevet en ce qu'il relève de la définition fonctionnelle du produit, l'arrêt retient qu'il a fallu cinq années à un tiers pour déposer un brevet concernant spécifiquement le pembrolizumab, ce brevet mentionnant trois inventeurs et comportant 21 revendications précisant les séquences des anticorps se liant au PD-1 humain et correspondant au pembrolizumab. Il en déduit que le temps nécessaire au dépôt de ce brevet constitue un indice robuste de la complexité des recherches à effectuer et de la nécessité de procéder, à partir du brevet EP 878, à une « activité inventive autonome » au sens de la jurisprudence Royalty Pharma Collection Trust. Il ajoute que la preuve n'est ainsi pas rapportée que le pembrolizumab était spécifiquement identifiable par l'homme du métier à partir de ses connaissances et de l'état de la technique à la date du dépôt.
17. En se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, d'une part, si les procédés de fabrication des anticorps monoclonaux étaient bien connus de l'homme du métier à la date du dépôt de la demande du brevet EP 878 et si ce dernier, dans sa description, décrivait comment cribler les anticorps concernés pour identifier ceux qui remplissent la fonction de l'invention, à savoir ceux qui inhibent « le signal immunosuppresseur de PD-1 », d'autre part, si l'homme du métier pouvait ainsi, à la lecture du brevet et grâce à ses connaissances générales, obtenir, par une opération de routine tous les anticorps remplissant la fonction visée par le brevet, y compris le pembrolizumab, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
18. En l'absence de doute raisonnable quant à l'interprétation du droit de l'Union européenne sur les questions soulevées par le moyen, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice d'une question préjudicielle.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 janvier 2021 (RG n° 18/10522), entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille vingt-trois. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat aux Conseils, pour la société Ono Pharmaceutical co.Ltd et M. [N].
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté le recours formé par la société Ono Pharmaceutical et M. [Y] [N] à l'encontre de la décision rendue le 2 mars 2018 par le directeur général de l'INPI ;
1°) ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que dans sa décision du 2 mars 2018, pour retenir que la revendication 3 du brevet EP 1 537 878 ne visait pas nécessairement et de manière spécifique le pembrolizumab, le directeur général de l'INPI a relevé que « ces deux autres critères énoncés par le CJUE [?] exigent une identification concrète du produit dans les enseignements du brevet de base » et « qu'en l'espèce, la description ne contient aucune indication, tel qu'un mode concret de réalisation ou tout autre enseignement, permettant d'individualiser spécifiquement le pembrolizumab » ; qu'en retenant que la décision contestée du directeur général de l'INPI ne reviendrait pas à exiger une identification concrète du produit mais que cette décision aurait « vérifi[é] que le produit était « spécifiquement identifiable » par l'homme du métier à partir de ses connaissances et de l'état de la technique à la date du dépôt », la cour d'appel a dénaturé la décision du directeur général de l'INPI du 2 mars 2018, en violation du principe susvisé ;
2°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU'un produit est protégé par un brevet de base en vigueur, au sens de l'article 3, sous a), du règlement (CE) n° 469/2009, lorsqu'il répond à une définition fonctionnelle générale employée par l'une des revendications du brevet de base et relève nécessairement de l'invention couverte par ce brevet, sans pour autant être individualisé en tant que mode concret de réalisation à tirer de l'enseignement dudit brevet, dès lors qu'il est spécifiquement identifiable, à la lumière de l'ensemble des éléments divulgués par le même brevet, par l'homme du métier, sur la base de ses connaissances générales dans le domaine considéré à la date de dépôt ou de priorité du brevet de base et de l'état de la technique à cette même date ; qu'il s'ensuit que l'octroi d'un CCP ne peut être refusé au seul motif que le produit dont il fait l'objet ne serait pas individualisé en tant que mode concret de réalisation à tirer de l'enseignement du brevet de base ; qu'en refusant d'annuler la décision du 2 mars 2018, alors que le directeur général de l'INPI avait commis une erreur de droit en subordonnant l'octroi du CCP à l'existence d'une « identification concrète du produit dans les enseignements du brevet » ou l'indication d'un « mode concret de réalisation ou tout autre enseignement permettant d'individualiser spécifiquement le pembrolizumab », la cour d'appel a violé l'article 3, sous a), du règlement (CE) n° 469/2009 du 6 mai 2009 concernant le certificat complémentaire de protection ainsi que l'article L. 411-4 du code de la propriété intellectuelle ;
3°) ALORS QUE le recours en annulation d'une décision du directeur général de l'INPI est dépourvu d'effet dévolutif ; que saisie d'un tel recours, la cour d'appel doit se placer dans les conditions qui étaient celles existant au moment où la décision contestée a été prise et ne peut donc se fonder sur des pièces nouvelles n'ayant pas été produites ou évoquées dans le cadre de la procédure devant le directeur général de l'INPI ; qu'en se fondant, pour statuer comme elle l'a fait, sur un article intitulé « Introduction aux techniques utilisées en biochimie – Préparation des anticorps », produit devant elle par le directeur général de l'INPI, cependant que cette pièce n'avait pas été produite dans le cadre de la procédure devant ce dernier ni visée dans la décision contestée, la cour d'appel a violé l'article L. 411-4 du code de la propriété intellectuelle ;
4°) ALORS QU'un produit est protégé par un brevet de base en vigueur, au sens de l'article 3, sous a), du règlement (CE) n° 469/2009, lorsqu'il répond à une définition fonctionnelle générale employée par l'une des revendications du brevet de base et relève nécessairement de l'invention couverte par ce brevet, sans pour autant être individualisé en tant que mode concret de réalisation à tirer de l'enseignement dudit brevet, dès lors qu'il est spécifiquement identifiable, à la lumière de l'ensemble des éléments divulgués par le même brevet, par l'homme du métier, sur la base de ses connaissances générales dans le domaine considéré à la date de dépôt ou de priorité du brevet de base et de l'état de la technique à cette même date ; qu'à l'inverse, un produit ne peut être considéré comme étant protégé par le brevet de base, lorsqu'il a été développé après la date de dépôt de la demande de brevet, au terme d'une « activité inventive autonome » ; que toutefois, un produit ne requiert une telle « activité inventive autonome » que dans l'hypothèse où, à la date de dépôt ou de priorité du brevet de base, l'homme du métier n'était pas en mesure d'obtenir ledit produit en mettant en oeuvre les enseignements du brevet sur la base de ses connaissances générales dans le domaine considéré et de l'état de la technique à cette même date ; qu'en affirmant, de manière inopérante, d'une part, qu'il ressortirait d'un article daté de l'année 2007 que « la préparation d'anticorps monoclonaux suppose un processus complexe afin d'obtenir leur production (par criblage, isolation, clonage), leur mise en culture le plus souvent in vivo, leur sélection, toutes ces étapes nécessitant la mise en oeuvre de techniques « très coûteuses en termes d'installations, de réactifs, de temps et de main d'oeuvre » » et, d'autre part, que cette analyse serait confortée par la circonstance qu'il a fallu cinq années à la société MSD pour déposer son brevet EP 2 170 959 concernant spécifiquement le pembrolizumab, ce qui constituerait « un indice robuste de la complexité des recherches à effectuer et de la nécessité de procéder à partir du brevet EP 878 à une « activité inventive autonome » au sens de l'arrêt Royalty Pharma », sans examiner, comme elle le devait, la description du brevet de base EP 1 537 878, qui précisait que les procédés de fabrication des anticorps étaient « bien connus » et décrivait de façon détaillée les étapes de production d'un anticorps anti-PD-1 et le procédé de criblage permettant d'identifier ceux qui inhibent le signal immunosuppresseur de PD-1, et qui enseignait ainsi tous les éléments nécessaires pour permettre à l'homme du métier d'obtenir les anticorps couverts par sa revendication 1, dont le pembrolizumab, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3, sous a), du règlement (CE) n° 469/2009 du 6 mai 2009 concernant le certificat complémentaire de protection ;
5°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE le caractère « spécifiquement identifiable » du produit doit s'apprécier au regard des éléments divulgués par le brevet de base, lequel est présumé valable ; qu'ainsi, le produit est spécifiquement identifiable dès lors que le processus permettant son obtention est décrit dans le brevet de base et ce, sans que la cour d'appel, qui n'est pas saisie d'une demande d'annulation du brevet de base pour insuffisance de description, puisse remettre en cause la pertinence de cette description sur la base d'éléments étrangers au brevet ; qu'en se fondant, pour juger que l'identification du pembrolizumab nécessiterait une « véritable « activité inventive autonome » », sur les affirmations contenues dans un article d'introduction aux techniques utilisées en biochimie pour la préparation des anticorps relevant que la production d'anticorps supposerait la mise en oeuvre d'un processus complexe et de techniques « très coûteuses en terme d'installations, de réactifs, de temps et de main d'oeuvre », quand le brevet de base précisait que les procédés de fabrication des anticorps étaient « bien connus » et décrivait de façon détaillée les étapes de production d'un anticorps anti-PD-1 et le procédé de criblage permettant d'identifier ceux qui inhibent le signal immunosuppresseur de PD-1, et enseignait ainsi tous les éléments nécessaires pour permettre à l'homme du métier d'obtenir les anticorps couverts par sa revendication 1, dont le pembrolizumab, la cour d'appel a violé l'article 3, sous a), du règlement (CE) n° 469/2009 du 6 mai 2009 concernant le certificat complémentaire de protection ;
6°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE l'existence d'une activité inventive autonome ne peut se déduire du seul constat du caractère prétendument complexe, long et coûteux des opérations à mettre en oeuvre pour l'obtention du produit ; qu'en affirmant qu'il ressortirait d'un article daté de l'année 2007 que « la préparation d'anticorps monoclonaux suppose un processus complexe afin d'obtenir leur production (par criblage, isolation, clonage), leur mise en culture le plus souvent in vivo, leur sélection, toutes ces étapes nécessitant la mise en oeuvre de techniques « très coûteuses en termes d'installations, de réactifs, de temps et de main d'oeuvre » » et que le temps nécessaire au dépôt du brevet EP 2 170 959 concernant spécifiquement le pembrolizumab constituerait « un indice robuste de la complexité des recherches à effectuer et de la nécessité de procéder à partir du brevet EP 878 à une « activité inventive autonome » au sens de la jurisprudence Royalty Pharma », la cour d'appel s'est déterminée par des motifs impropres à caractériser en quoi le pembrolizumab ne serait pas spécifiquement identifiable, à la lumière de l'ensemble des éléments divulgués par le brevet de base EP 878, par l'homme du métier, sur la base de ses connaissances générales dans le domaine considéré à la date du dépôt ou de la priorité de ce même brevet et de l'état de la technique à cette même date, ni en quoi l'obtention de ce produit nécessiterait une « activité inventive autonome », en violation de l'article 3, sous a), du règlement (CE) n° 469/2009 du 6 mai 2009 concernant le certificat complémentaire de protection ;
7°) ALORS QU'une invention de sélection consiste à sélectionner, parmi une famille de composés connus globalement pour des propriétés déterminées, un composé doté de cette propriété à un degré élevé ou optimal, permettant une plus grande efficacité ou une utilisation plus aisée ; qu'un produit ne requiert pas une « activité inventive autonome » lorsqu'il pouvait être obtenu, à la date de dépôt ou de priorité du brevet de base, par l'homme du métier en mettant en oeuvre les enseignements de ce même brevet et ses connaissances générales ; que la circonstance que le produit soit également protégé, dans sa structure, en tant qu'invention de sélection, par un brevet ultérieur lui-même valable est, à cet égard, dénué d'incidence ; qu'en relevant que la circonstance qu'il a fallu cinq années à la société MSD pour déposer le brevet EP 2 170 959 (EP 959) concernant spécifiquement le pembrolizumab constituerait « un indice robuste de la complexité des recherches à effectuer et de la nécessité de procéder à partir du brevet EP 878 à une « activité inventive autonome » au sens de la jurisprudence Royalty Pharma », sans rechercher, comme elle y était invitée, si le brevet EP 959 déposé ultérieurement par la société MSD ne couvrait pas une simple invention de sélection et si, dans ces conditions, le temps écoulé entre le dépôt du brevet EP 878 et celui de ce brevet EP 959 ne correspondait pas simplement au temps nécessaire pour sélectionner le pembrolizumab parmi les anticorps couverts par le brevet EP 878 et découvrir ses caractéristiques avantageuses, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3, sous a), du règlement (CE) n° 469/2009 du 6 mai 2009 concernant le certificat complémentaire de protection ;
8°) ALORS QUE l'objectif fondamental du règlement n° 469/2009 consiste à garantir une protection suffisante pour encourager la recherche dans le domaine pharmaceutique, qui contribue de façon décisive à l'amélioration continue de la santé publique ; que l'octroi de cette période d'exclusivité supplémentaire a vocation à encourager la recherche et, pour ce faire, vise à permettre un amortissement des investissements effectués dans cette recherche ; qu'en relevant que « la société MSD, qui a réalisé des investissements ayant abouti au dépôt du brevet EP 959 qui a rendu possible le développement du pembrolizumab, a été récompensée par l'octroi d'un CCP 15C0097 qui expirera le 21 juillet 2030 », cependant qu'en elle-même, la circonstance qu'un CCP ait déjà été accordé à la société MSD pour le pembrolizumab sur la base d'un autre brevet couvrant spécifiquement la structure de ce produit ne remettait pas en cause le droit de la société Ono et de M. [N] d'obtenir un CCP pour le même produit sur la base de leur brevet EP 1 537 878, couvrant l'utilisation des anticorps anti-PD-1 qui inhibent le signal immunosuppresseur de PD-1 pour le traitement du cancer, afin de récompenser les investissements de recherche mis en oeuvre par la société Ono et M. [N] pour l'usage particulier de cette classe d'anticorps, à laquelle appartient le pembrolizumab, dans le traitement du cancer, la cour d'appel a encore statué par un motif inopérant, en violation de l'article 3, sous a), du règlement (CE) n° 469/2009 du 6 mai 2009 concernant le certificat complémentaire de protection.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 1er février 2023
Sursis à statuer
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 99 FP-D
Pourvoi n° K 20-20.904
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 1ER FÉVRIER 2023
La société Organon LLC, société de droit américain, dont le siège est [Adresse 2] (États-Unis), venant aux droits de la société Merck Sharp & Dohme Corp., société de droit américain,
a formé le pourvoi n° K 20-20.904 contre l'arrêt rendu le 25 septembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 2), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Teva Santé, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ à la société Teva Pharmaceuticals Europe BV, société de droit néerlandais, dont le siège est [Adresse 3] (Pays-Bas),
défenderesses à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Mollard, conseiller doyen de section, les observations de la SAS Hannotin Avocats, avocat de la société Organon LLC, venant aux droits de la société Merck Sharp & Dohme Corp., de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat des sociétés Teva Santé et Teva Pharmaceuticals Europe BV, et l'avis de M. Douvreleur, avocat général, à la suite duquel le président a demandé aux avocats s'ils souhaitaient présenter des observations complémentaires, après débats en l'audience publique du 6 décembre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Mollard, conseiller doyen de section rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen de la chambre, Mme Vaissette, conseiller doyen de section, Mmes Vallansan, Poillot-Peruzzetto, Graff-Daudret, Bélaval, Champalaune, Daubigney, conseillers, M. Guerlot, Mmes Barbot, Comte, conseillers référendaires, M. Douvreleur, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application des articles R. 421-4-1 et R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Reprise d'instance
1. Il est donné acte à la société Organon LLC de sa reprise d'instance aux lieu et place de la société Merck Sharp & Dohme Corp. (la société MSD).
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 25 septembre 2020), la société MSD est titulaire du brevet européen désignant la France n° 0 720 599 (le brevet EP 599), intitulé « composés d'azétidinone hydroxy-substitués efficaces en tant qu'agents hypocholestérolémiques », déposé le 14 septembre 1994, qui a expiré le 14 septembre 2014.
3. Ce brevet a pour objet de protéger une nouvelle classe de composés hypocholestérolémiques, les azétidinones hydroxy-substitués, auxquels appartient l'ézétimibe, ainsi que la combinaison d'un azétidinone hydroxy-substitué et d'un inhibiteur de la biosynthèse du cholestérol, pour le traitement et la prévention de l'athérosclérose.
4. Les revendications 1 à 8 du brevet EP 599 portent sur les composés de la famille des azétidinones hydroxy-substitués, l'ézétimibe étant spécifiquement visé par la revendication 8, tandis que la revendication 10 a trait à l'utilisation d'un composé selon l'une quelconque des revendications 1 à 8 pour la fabrication d'un médicament pour le traitement ou la prévention de l'athérosclérose. La revendication 9 protège la combinaison d'un azétidinone hydroxy-substitué avec un inhibiteur de la biosynthèse du cholestérol, da ns un support pharmaceutiquement acceptable. La revendication 17 vise notamment la composition d'un azétidinone hydroxy-substitué et de la simvastatine, qui est un inhibiteur de la biosynthèse du cholestérol appartenant à la famille des statines.
5. Sur la base du brevet EP 599, la société MSD a obtenu de l'Institut national de la propriété intellectuelle la délivrance de deux certificats complémentaires de protection (CCP) :
– le 4 février 2005, le CCP n° 03C0028, expirant le 17 avril 2018, pour le principe actif ézétimibe (le CCP 028), au vu d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) obtenue en France, le 11 juin 2003, pour le médicament « Ezetrol » ayant l'ézétimibe pour seul principe actif ;
– le 21 décembre 2006, le CCP n° 05C0040, expirant le 2 avril 2019, pour la combinaison d'ézétimibe et de simvastatine (le CCP 040), au vu d'une AMM obtenue en France, le 28 juillet 2005, pour le médicament « Inegy » constitué de cette combinaison.
6. La société de droit néerlandais Teva Pharmaceuticals Europe, spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de médicaments génériques, et la société Teva Santé, sa filiale française, ont assigné la société MSD en annulation du CCP 040.
7. Par acte du 20 juillet 2021, la société de droit américain Organon LLC, venant aux droits de la société MSD, a repris l'instance aux lieu et place de cette dernière.
Sur le sursis à statuer
8. Selon une jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne, une juridiction dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne est tenue, lorsqu'une question de droit de l'Union se pose devant elle, de déférer à son obligation de saisine, à moins qu'elle n'ait constaté que l'application correcte du droit de l'Union s'impose avec une telle évidence qu'elle ne laisse place à aucun doute raisonnable et que l'existence d'une telle éventualité doit être évaluée en fonction des caractéristiques propres au droit de l'Union, des difficultés particulières que présente son interprétation et du risque de divergences de jurisprudence au sein de l'Union (arrêts du 6 octobre 1982, Cilfit e.a., 283/81, point 21, et du 28 juillet 2016, Association France Nature Environnement, C-379/15, point 48).
9. Le 17 février 2022, un tribunal de commerce de Finlande a, par renvoi préjudiciel enregistré sous le numéro C-119/22, saisi la Cour de justice de l'Union européenne d'une demande d'interprétation de l'article 3, sous a) et c), du règlement (CE) n° 469/2009 du 6 mai 2009 concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments.
10. Le 2 mars 2022, la cour suprême d'Irlande a, par renvoi préjudiciel enregistré sous le numéro C-149/22, saisi la Cour de justice d'une demande d'interprétation des mêmes dispositions.
11. La réponse que la Cour de justice apportera à ces demandes est de nature à influer sur l'issue du présent pourvoi, lequel fait grief à la cour d'appel d'avoir violé lesdites dispositions.
12. Dès lors, il convient de surseoir à statuer dans l'attente des arrêts de la Cour de justice dans les affaires C-119/22 et C-149/22.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
SURSEOIT à statuer sur le pourvoi jusqu'aux arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne dans les affaires Teva et Teva Finland (C-119/22) et Merck Sharp & Dohme Corp. (C-149/22) ;
Dit que l'affaire sera à nouveau examinée à l'audience de formation de section du 27 juin 2023 ;
Réserve les dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 1er février 2023
Sursis à statuer
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 100 FP-D
Pourvoi n° Q 19-16.741
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 1ER FÉVRIER 2023
La société Merck Sharp & Dohme Corp., société de droit américain, dont le siège est [Adresse 2] (États-Unis), corporation immatriculée et régie selon les lois de l'Etat du New Jersey (États-Unis), a formé le pourvoi n° Q 19-16.741 contre l'arrêt rendu le 22 janvier 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 1), dans le litige l'opposant au directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI), dont le siège est [Adresse 1], défendeur à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Mollard, conseiller doyen de section, les observations de la SAS Hannotin Avocats, avocat de la société Merck Sharp & Dohme Corp., de Me Bertrand, avocat du directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI), et l'avis de M. Douvreleur, avocat général, à la suite duquel le président a demandé aux avocats s'ils souhaitaient présenter des observations complémentaires, après débats en l'audience publique du 6 décembre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Mollard, conseiller doyen de section rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen de la chambre, Mme Vaissette, conseiller doyen de section, Mmes Vallansan, Poillot-Peruzzetto, Graff-Daudret, Bélaval, Champalaune, Daubigney, conseillers, M. Guerlot, Mmes Barbot, Comte, conseillers référendaires, M. Douvreleur, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application des articles R. 421-4-1 et R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 janvier 2019), la société Merck Sharp & Dohme Corp. (la société MSD) est titulaire du brevet européen désignant la France n° 0 720 599 (le brevet EP 599), intitulé « composés d'azétidinone hydroxy-substitués efficaces en tant qu'agents hypocholestérolémiques », déposé le 14 septembre 1994, qui a expiré le 13 septembre 2014.
2. La revendication 8 du brevet EP 599 porte sur l'ézétimibe. La revendication 9, dépendante des revendications 1 à 8, prévoit notamment une composition pharmaceutique comprenant l'ézétimibe, seul ou en combinaison avec un inhibiteur de la biosynthèse du cholestérol. La revendication 16 couvre une combinaison d'ézétimibe et d'un inhibiteur de la biosynthèse du cholestérol sélectionné dans le groupe des inhibiteurs de CoA réductase de HMG. La revendication 17 protège la composition pharmaceutique de la revendication 16 où l'inhibiteur de la biosynthèse du cholestérol est sélectionné dans le groupe des statines, comprenant notamment la simvastatine et l'atorvastatine.
3. Sur la base du brevet EP 599, la société MSD a obtenu de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) la délivrance de deux certificats complémentaires de protection (CCP) :
– le 11 février 2005, le CCP n° 03C0028, expirant le 17 avril 2018, pour le principe actif ézétimibe (le CCP 028), au vu d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) obtenue en France pour le médicament « Ezetrol » ayant l'ézétimibe pour seul principe actif ;
– le 29 décembre 2006, le CCP n° 05C0040, expirant le 2 avril 2019, pour la combinaison d'ézétimibe et de simvastatine (le CCP 040), au vu d'une AMM obtenue en France pour le médicament « Inegy » constitué de cette combinaison.
4. Le 12 septembre 2014, la société MSD a, sur le fondement du brevet EP 599 et d'une AMM obtenue en France le même jour pour la combinaison d'ézétimibe et d'atorvastatine sous le nom de médicament « Liptruzet », la société MSD a demandé la délivrance d'un CCP pour cette combinaison.
5. Par décision notifiée le 5 février 2018, le directeur général de l'INPI a rejeté cette demande. La société MSD a formé un recours contre cette décision.
Sur le sursis à statuer
6. Selon une jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne, une juridiction dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne est tenue, lorsqu'une question de droit de l'Union se pose devant elle, de déférer à son obligation de saisine, à moins qu'elle n'ait constaté que l'application correcte du droit de l'Union s'impose avec une telle évidence qu'elle ne laisse place à aucun doute raisonnable et que l'existence d'une telle éventualité doit être évaluée en fonction des caractéristiques propres au droit de l'Union, des difficultés particulières que présente son interprétation et du risque de divergences de jurisprudence au sein de l'Union (arrêt du 6 octobre 1982, Cilfit e.a., 283/81, point 21, et du 28 juillet 2016, Association France Nature Environnement, C-379/15, point 48).
7. Le 17 février 2022, un tribunal de commerce de Finlande a, par renvoi préjudiciel enregistré sous le numéro C-119/22, saisi la Cour de justice de l'Union européenne d'une demande d'interprétation de l'article 3, sous a) et c), du règlement (CE) n° 469/2009 du 6 mai 2009 concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments.
8. Le 2 mars 2022, la cour suprême d'Irlande a, par renvoi préjudiciel enregistré sous le numéro C-149/22, saisi la Cour de justice d'une demande d'interprétation de la même disposition.
9. La réponse que la Cour de justice apportera à ces demandes est de nature à influer sur l'issue du présent pourvoi, lequel fait grief à la cour d'appel d'avoir violé ladite disposition.
10. Dès lors, il convient de surseoir à statuer dans l'attente des arrêts de la Cour de justice dans les affaires C-119/22 et C-149/22.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
SURSEOIT à statuer sur le pourvoi jusqu'aux arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne dans les affaires Teva et Teva Finland (C-119/22) et Merck Sharp & Dohme Corp. (C-149/22) ;
Dit que l'affaire sera à nouveau examinée à l'audience de formation de section du 27 juin 2023 ;
Réserve les dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille vingt-trois.
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INCA/JURITEXT000047096680.xml
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 1er février 2023
Rejet
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 102 FP-D
Pourvoi n° C 21-17.773
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 1ER FÉVRIER 2023
1°/ la société Wyeth LLC, société à responsabilité limitée régie par le droit du Delaware, dont le siège est [Adresse 2] (États-Unis),
2°/ The General Hospital Corporation, organisation à but non lucratif régie par le droit du Massachusetts, dont le siège est [Adresse 3] (États-Unis),
ont formé le pourvoi n° C 21-17.773 contre l'arrêt rendu le 9 février 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 1), dans le litige les opposant au directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI), dont le siège est [Adresse 1], défendeur la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bessaud, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société Wyeth LLC et The General Hospital Corporation, et l'avis de M. Douvreleur, avocat général, à la suite duquel le président a demandé aux avocats s'ils souhaitaient présenter des observations complémentaires, après débats en l'audience publique du 6 décembre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Bessaud, conseiller référendaire rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen de la chambre, Mme Vaissette, conseiller doyen de section,
M. Mollard, conseiller doyen de section, Mmes Vallansan, Poillot-Peruzzetto, Graff-Daudret, Bélaval, Champalaune, Daubigney, conseillers, M. Guerlot, Mme Barbot, conseillers référendaires, M. Douvreleur, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application des articles R. 421-4-1 et R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 février 2021), la société Wyeth LLC (la société Wyeth) développe des médicaments contre le cancer. The General Hospital Corporation (le GHC) est une organisation à but non lucratif en charge de la gestion d'un hôpital universitaire américain, le Massachussets General Hospital, spécialisé dans la recherche et, en particulier, dans le domaine du traitement du cancer.
2. La société Wyeth et le GHC ont déposé conjointement, le 26 juillet 2016, la demande de certificat complémentaire de protection (CCP) n° 16C1004 portant sur le produit osimertinib sur le fondement du règlement (CE) n° 469/2009 du 6 mai 2009 concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments.
3. Cette demande était formulée sur la base du brevet européen EP 1 848 414 (le brevet EP 414) intitulé « Méthode de traitement du cancer résistant au gefitinib », déposé le 2 février 2006 et délivré le 4 avril 2011, sous priorité de deux brevets américains, US 649483 du 3 février 2005 et US 671 989 du 15 mai 2005. Elle faisait référence à une autorisation de mise sur le marché (AMM) ayant effet en France, octroyée à la société Astrazeneca le 2 février 2016 sous le n° EU/1/16/1086 pour la spécialité pharmaceutique « Tagrisso », ayant pour principe actif l'osimertinib, principe ayant fait l'objet du brevet n° EP 2736895 déposé le 25 juillet 2012 par la société Astrazeneca.
4. Par décision du 1er août 2019, le directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle (l'[4]) a rejeté cette demande de CCP.
5. La société Wyeth et le GHC ont formé un recours contre cette décision.
Examen des moyens
Sur le premier moyen et sur le second moyen, pris en ses deuxième, troisième, quatrième, cinquième et septième branches, ci-après annexés
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le second moyen, pris en sa sixième branche
Enoncé du moyen
7. La société Wyeth et le GHC font grief à l'arrêt de rejeter leur recours formé à l'encontre de la décision rendue le 1er août 2019 par le directeur général de l'INPI, alors « que tout en relevant que le brevet de base EP 414 a incontestablement alimenté l'état de la recherche en matière d'inhibiteur du récepteur de l'EGFR et que ce brevet de base est mentionné dans les brevets portant sur l'osimertinib déposés par la société Astrazeneca, la cour d'appel a retenu que les éléments invoqués par les requérantes ne permettraient pas d'établir que le principe actif osimertinib ne serait pas le fruit d'une activité inventive autonome, dès lors que quinze autres brevets sont également cités comme antériorités dans les brevets de la société Astrazeneca, que si la publication Avizienyte de 2008 cite l'étude Kwak de 2005, elle mentionne par ailleurs trente et une autres références dans sa bibliographie et qu' "il doit être fait le même constat s'agissant des autres publications mises en avant par les requérantes (Cumming de 2014 et Heydt de 2018)" ; qu'en se déterminant par de tels motifs impropres à caractériser en quoi l'osimertinib aurait été développé, après le dépôt de la demande de brevet de base, au terme d'une activité inventive autonome, la cour d'appel a violé l'article 3, sous a), du règlement (CE) n° 469/2009 du 6 mai 2009 concernant le certificat complémentaire de protection. »
Réponse de la Cour
8. Dans son arrêt du 30 avril 2020 (Royalty Pharma Collection Trust, C-650/17), la Cour de justice de l'Union européenne, interprétant l'article 3, sous a), du règlement (CE) n° 469/2009 du 6 mai 2009, a dit pour droit « qu'un produit est protégé par un brevet de base en vigueur, au sens de cette disposition, lorsqu'il répond à une définition fonctionnelle générale employée par l'une des revendications du brevet de base et relève nécessairement de l'invention couverte par ce brevet, sans pour autant être individualisé en tant que mode concret de réalisation à tirer de l'enseignement dudit brevet, dès lors qu'il est spécifiquement identifiable, à la lumière de l'ensemble des éléments divulgués par le même brevet, par l'homme du métier, sur la base de ses connaissances générales dans le domaine considéré à la date de dépôt ou de priorité du brevet de base et de l'état de la technique à cette même date. »
9. Elle a précisé qu' « un produit ne saurait être considéré comme étant protégé par un brevet de base en vigueur, au sens de l'article 3, sous a), du règlement n° 469/2009, que si, du point de vue de l'homme du métier, se fondant sur ses connaissances générales dans le domaine considéré à la date de dépôt ou de priorité de ce brevet, et sur la base de l'état de la technique à cette même date, ce produit est spécifiquement identifiable, à la lumière de l'ensemble des éléments divulgués par ledit brevet », ce qui « n'est pas le cas d'un produit développé, après la date de dépôt ou de priorité du brevet de base, au terme d'une activité inventive autonome » (points 48 et 49).
10. Dans cette même décision, elle a également dit pour droit « qu'un produit n'est pas protégé par un brevet de base en vigueur, au sens de cette disposition, lorsque, bien que relevant de la définition fonctionnelle donnée dans les revendications de ce brevet, il a été développé après la date de dépôt de la demande du brevet de base, au terme d'une activité inventive autonome. »
11. L'arrêt, après avoir retenu que l'osimertinib répondait à la définition fonctionnelle générale employée par la revendication n° 23 du brevet EP 414 et relevait nécessairement de l'invention couverte par ce brevet, a néanmoins estimé que ce produit était inconnu pour l'homme du métier à la date du dépôt du brevet et que celui-ci ne pouvait le déduire directement et sans équivoque dudit brevet, faisant ainsi ressortir que l'osimertinib n'était pas spécifiquement identifiable par l'homme du métier, sur la base de ses connaissances générales dans le domaine considéré et de l'état de la technique à la date de dépôt ou de priorité du brevet.
12. Par ces seuls motifs, dont il se déduit que l'osimertinib ne relève pas de l'objet de la protection du brevet de base invoqué, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef.
13. Le moyen, qui critique des motifs surabondants, est donc inopérant.
Sur le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
14. La société Wyeth et le GHC font le même grief à l'arrêt, alors « que la revendication 23 du brevet de base EP 1 848 414 couvre une "composition pharmaceutique pour utilisation dans le traitement de cancer dans un sujet avec un cancer qui a une mutation dans le récepteur à l'EGF (SEQ ID NO : 1), la mutation étant une substitution d'une méthionine pour une thréonine en la position 790 ; et dans laquelle la composition pharmaceutique comprend un inhibiteur irréversible de récepteur à l'EGF" ; que selon le paragraphe 31 de la description de ce brevet, les inhibiteurs irréversibles d'EGFR "réticulent de manière covalente le récepteur" et comportent donc une liaison covalente avec la protéine ciblée ; qu'il en résulte que la revendication 23 du brevet de base couvre la combinaison d'un élément fonctionnel (à savoir l'inhibiteur irréversible de récepteur à l'EGF) et d'un élément structurel (à savoir la liaison covalente entre l'inhibiteur irréversible de l'EGFR et la protéine cible EGFR) ; qu'en affirmant que les requérants échoueraient à démontrer que la revendication 23 était la combinaison d'un élément fonctionnel et d'un élément structurel permettant de cibler spécifiquement l'osimertinib, au motif que la présence d'un accepteur de [O] ne ressortirait que d'une publication "Carmi" de 2012 et que l'accepteur de [O] ne constituerait qu'une petite partie de la molécule osimertinib, sans rechercher si l'élément structurel de cette revendication ne tenait pas à l'existence d'une liaison covalente entre l'inhibiteur irréversible de l'EGFR et la protéine cible EGFR, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 69 de la Convention sur le brevet européen du 5 octobre 1973, ensemble l'article 3, sous a), du règlement (CE) n° 469/2009 du 6 mai 2009 concernant le certificat complémentaire de protection. »
Réponse de la Cour
15. L'arrêt retient que s'il est admis que les inhibiteurs irréversibles de récepteur à l'EGF ont pour point commun de comporter dans leur molécule un accepteur de [O], une telle caractéristique ne ressort ni de la description, ni des revendications du brevet de base mais d'une publication datée du mois de juin 2012, postérieure à la demande de brevet déposée le 2 février 2006 et délivré le 4 avril 2011.
16. La cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Wyeth LLC et The General Hospital Corporation aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille vingt-trois. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat aux Conseils, pour les sociétés Wyeth LLC et The General Hospital Corporation.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté le recours formé par la société Wyeth LLC et The General Hospital Corporation à l'encontre de la décision rendue le 1er août 2019 par le directeur général de l'INPI ;
1°) ALORS QUE les décisions de rejet d'un titre de propriété industrielle prises par le directeur général de l'INPI sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ; qu'en conséquence, le directeur général de l'INPI ne peut fonder sa décision de rejet sur des éléments qui n'ont pas été soumis à la discussion et sur lesquels le demandeur n'a pas été en mesure de s'expliquer ; qu'en l'espèce, dans sa décision du 1er août 2019, le directeur général de l'INPI a relevé que le fait qu'un brevet n° EP2736895 portant sur l'osimertinib ait été déposé par la société Astrazeneca en 2012 et délivré en 2016 « ne fait que confirmer que le brevet de base, déposé à un stade précoce de la recherche sur de tels antagonistes, ne portait pas de manière nécessaire et spécifique sur l'osimertinib, divulgué postérieurement », et ce, alors même que ce brevet déposé par la société Astrazeneca n'avait jamais été évoqué ni dans le projet de décision du 9 avril 2018 ni dans les échanges intervenus entre les exposants et l'INPI, et que la société Wyeth LLC et The General Hospital Corporation n'avaient pas été en mesure de s'expliquer sur la portée de ce brevet au cours de l'instruction de leur demande de CCP ni de produire des éléments sur ce point ; qu'en retenant néanmoins qu'il ne serait pas démontré que le directeur de l'INPI ait violé le principe du contradictoire, la cour d'appel a violé les articles L. 411-4 et L. 411-5 du code de la propriété intellectuelle, ensemble le principe du contradictoire qui s'impose au directeur général de l'INPI ;
2°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que dans sa décision du 1er août 2019, le directeur général de l'INPI a relevé que le fait qu'un brevet n° EP2736895 portant sur l'osimertinib ait été déposé en 2012 et délivré en 2016 « ne fait que confirmer que le brevet de base, déposé à un stade précoce de la recherche sur de tels antagonistes, ne portait pas de manière nécessaire et spécifique sur l'osimertinib, divulgué postérieurement » ; qu'un tel élément, invoqué pour la première fois dans la décision du 1er août 2019, ne découlait aucunement de l'arrêt Teva rendu par la Cour de justice le 25 juillet 2018 ; qu'en retenant, pour écarter le moyen tiré de la violation du principe du contradictoire, que « les différents éléments dénoncés comme nouveaux découl[e]nt en réalité des enseignements apportés par cette décision », la cour d'appel a dénaturé la décision du 1er août 2019, en violation du principe susvisé ;
3°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU'en statuant ainsi, la cour d'appel a également dénaturé les conclusions récapitulatives de la société Wyeth LLC et de The General Hospital Corporation, en violation de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté le recours formé par la société Wyeth LLC et The General Hospital Corporation à l'encontre de la décision rendue le 1er août 2019 par le directeur général de l'INPI ;
1°) ALORS QUE la revendication 23 du brevet de base EP 1 848 414 couvre une « composition pharmaceutique pour utilisation dans le traitement de cancer dans un sujet avec un cancer qui a une mutation dans le récepteur à l'EGF (SEQ ID NO : 1), la mutation étant une substitution d'une méthionine pour une thréonine en la position 790 ; et dans laquelle la composition pharmaceutique comprend un inhibiteur irréversible de récepteur à l'EGF » ; que selon le paragraphe 31 de la description de ce brevet, les inhibiteurs irréversibles d'EGFR « réticulent de manière covalente le récepteur » et comportent donc une liaison covalente avec la protéine ciblée ; qu'il en résulte que la revendication 23 du brevet de base couvre la combinaison d'un élément fonctionnel (à savoir l'inhibiteur irréversible de récepteur à l'EGF) et d'un élément structurel (à savoir la liaison covalente entre l'inhibiteur irréversible de l'EGFR et la protéine cible EGFR) ; qu'en affirmant que les requérants échoueraient à démontrer que la revendication 23 était la combinaison d'un élément fonctionnel et d'un élément structurel permettant de cibler spécifiquement l'osimertinib, au motif que la présence d'un accepteur de [O] ne ressortirait que d'une publication « Carmi » de 2012 et que l'accepteur de [O] ne constituerait qu'une petite partie de la molécule osimertinib, sans rechercher si l'élément structurel de cette revendication ne tenait pas à l'existence d'une liaison covalente entre l'inhibiteur irréversible de l'EGFR et la protéine cible EGFR, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 69 de la Convention sur le brevet européen du 5 octobre 1973, ensemble l'article 3, sous a), du règlement (CE) n° 469/2009 du 6 mai 2009 concernant le certificat complémentaire de protection ;
2°) ALORS QUE pour démontrer que l'homme du métier était en mesure d'identifier spécifiquement l'osimertinib comme inhibiteur irréversible du récepteur à l'EGF, la société Wyeth LLC et The General Hospital Corporation se fondaient notamment sur un extrait du manuel de biochimie publié en 1996 par [L] [Z], constituant leur pièce 13 ; qu'en relevant que les requérantes auraient « procéd[é] uniquement par affirmation », sans apporter aucun élément de preuve [?] corroborant leur thèse », « en soutenant qu'il [suffisait à l'homme du métier] d'effectuer des tests d'inhibition enzymatiques standards distinguant l'inhibition irréversible de l'EGFR de l'inhibition réversible de l'EGFR, tests faisant partie de la formation de base du biochimiste, en mesurant la cinétique de la réaction enzymatique à différentes concentrations du substrat en présence et en l'absence d'un inhibiteur enzymatique permettant ainsi d'aboutir aux inhibiteurs irréversibles de l'EGFR », la cour d'appel a dénaturé, par omission, la pièce 13 de la société Wyeth LLC et de The General Hospital Corporation, en violation de l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;
3°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en relevant que les requérantes auraient « procéd[é] uniquement par affirmation », « sans apporter aucun élément de preuve [?] corroborant leur thèse », « en soutenant qu'il [suffisait à l'homme du métier] d'effectuer des tests d'inhibition enzymatiques standards distinguant l'inhibition irréversible de l'EGFR de l'inhibition réversible de l'EGFR, tests faisant partie de la formation de base du biochimiste, en mesurant la cinétique de la réaction enzymatique à différentes concentrations du substrat en présence et en l'absence d'un inhibiteur enzymatique permettant ainsi d'aboutir aux inhibiteurs irréversibles de l'EGFR », sans analyser, même sommairement, cette pièce 13, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
4°) ALORS QU'en affirmant que « plusieurs années de recherche ont été nécessaires pour identifier précisément et spécifiquement l'osimertinib, en tant que principe actif, qui n'a fait l'objet d'un brevet déposé que le 25 juillet 2012 par la société Astrazeneca » et que sa découverte aurait été le fruit de « plusieurs années de recherches complexes », sans préciser sur quels éléments de preuve elle se fondait pour retenir ainsi que la « découverte » de l'osimertinib aurait été le résultat de plusieurs années de recherche complexes, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
5°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE lorsqu'il n'est pas explicitement divulgué par les revendications du brevet de base mais relève d'une définition fonctionnelle générale, le produit faisant l'objet du CCP doit être regardé comme étant spécifiquement identifiable lorsque l'homme du métier est en mesure de déduire directement et sans ambiguïté du fascicule du brevet tel que déposé que ce produit relève de l'objet de la protection de ce brevet ; que le fait que le produit soit également protégé, dans sa structure, par un brevet ultérieur et que ce brevet soit le fruit de « plusieurs années de recherches complexes », n'est pas en soi de nature à exclure qu'il soit spécifiquement identifiable par l'homme du métier ; qu'en relevant que l'osimertinib n'a fait l'objet d'un brevet déposé que le 25 juillet 2012 par la société AstraZeneca et que cela confirmerait « qu'à la lecture de l'ensemble des informations contenues dans le brevet et à la lumière de ses connaissance, ce produit était inconnu pour l'homme du métier à la date de son dépôt », la cour d'appel s'est déterminée par des motifs inopérants, en violation de l'article 3, sous a), du règlement (CE) n° 469/2009 du 6 mai 2009 concernant le certificat complémentaire de protection ;
6°) ALORS QUE tout en relevant que le brevet de base EP 414 a incontestablement alimenté l'état de la recherche en matière d'inhibiteur du récepteur de l'EGFR et que ce brevet de base est mentionné dans les brevets portant sur l'osimertinib déposés par la société Astrazeneca, la cour d'appel a retenu que les éléments invoqués par les requérantes ne permettraient pas d'établir que le principe actif osimertinib ne serait pas le fruit d'une activité inventive autonome, dès lors que quinze autres brevets sont également cités comme antériorités dans les brevets de la société Astrazeneca, que si la publication Avizienyte de 2008 cite l'étude Kwak de 2005, elle mentionne par ailleurs trente et une autres références dans sa bibliographie et qu'« il doit être fait le même constat s'agissant des autres publications mises en avant par les requérantes (Cumming de 2014 et Heydt de 2018) » ; qu'en se déterminant par de tels motifs impropres à caractériser en quoi l'osimertinib aurait été développé, après le dépôt de la demande de brevet de base, au terme d'une activité inventive autonome, la cour d'appel a violé l'article 3, sous a), du règlement (CE) n° 469/2009 du 6 mai 2009 concernant le certificat complémentaire de protection ;
7°) ALORS QU'en relevant que la société Wyeth LLC et The General Hospital Corporation n'étaient pas fondés à reprocher à l'INPI d'avoir constaté qu'ils ne justifiaient pas de la réalisation d'investissements dans la recherche portant spécialement sur le principe actif osimertinib, cependant qu'ils n'avaient pas à justifier de tels investissements pour bénéficier de l'octroi d'un CCP sur ce produit, la cour d'appel a violé l'article 3, sous a), du règlement (CE) n° 469/2009 du 6 mai 2009 concernant le certificat complémentaire de protection.
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INCA/JURITEXT000047096571.xml
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 25 janvier 2023
Désistement
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 18 FS-D
Pourvoi n° Y 20-22.112
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 25 JANVIER 2023
La société Unifer, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Y 20-22.112 contre l'arrêt rendu le 15 octobre 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-4), dans le litige l'opposant à M. [K] [Y], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Ponsot, conseiller, les observations de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de la société Unifer, de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de M. [Y], et l'avis de M. Lecaroz, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 novembre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Ponsot, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, Mmes Graff-Daudret, Daubigney, Fevre, Ducloz, M. Alt, conseillers, MM. Guerlot, Blanc, Mmes Lion, Lefeuvre, Tostain, MM. Boutié, Maigret, conseillers référendaires, M. Lecaroz, avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. Par acte déposé au greffe de la Cour de cassation le 3 janvier 2023, la SCP Gaschignard, avocat à cette Cour, a déclaré, au nom de la société Unifer, se désister du pourvoi formé par elle contre l'arrêt rendu par la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 15 octobre 2020.
2. En application de l'article 1026 du code de procédure civile, ce désistement, intervenu après le dépôt du rapport, doit être constaté par un arrêt.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
DONNE ACTE à la société Unifer de son désistement de pourvoi ;
Condamne la société Unifer aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Unifer et la condamne à payer à M. [Y] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille vingt-trois.
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INCA/JURITEXT000047096659.xml
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 1er février 2023
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 72 FS-D
Pourvoi n° H 20-15.703
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 1ER FÉVRIER 2023
1°/ La société Malwarebytes Inc, dont le siège est [Adresse 3]),
2°/ la société Malwarebytes Limited, dont le siège est [Adresse 4] (Irlande),
ont formé le pourvoi n° H 20-15.703 contre l'arrêt rendu le 14 janvier 2020 par la cour d'appel de Paris (chambre commerciale internationale, pôle 5 - chambre 16), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Enigma Software Group USA LLC, dont le siège est [Adresse 2]),
2°/ à la société Enigmasoft Limited, dont le siège est [Adresse 1] (Irlande),
défenderesses à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Hascher, conseiller, les observations orales de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat des sociétés Malwarebytes Inc et Malwarebytes Limited, et de la SARL Ortscheidt, avocat des sociétés Enigma Software Group USA LLC et Enigmasoft Limited, et l'avis de M. Poirret, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 13 décembre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Hascher, conseiller le plus ancien faisant fonction de conseiller doyen rapporteur, M. Bruyère, conseiller, Mmes Dumas et Champ conseillers référendaires, complétant la chambre avec voix délibérative en application de l'article L.431-3 du code de l'organisation judiciaire, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, M. Poirret, premier avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 janvier 2020), la société américaine Enigma Software Group et sa filiale irlandaise, la société Enigma Ltd (les sociétés Enigma), ont assigné devant le tribunal de commerce de Paris la société américaine Malwarebytes Inc et sa filiale irlandaise, la société Malwarebytes Ltd, en réparation du dommage subi en France par la commercialisation en ligne d'un logiciel dénigrant leurs produits et en cessation de ces faits sur le territoire français.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches, et le second moyen, ci-après annexés
2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, en tant qu'il est dirigé contre le rejet de l'exception d'incompétence de la société Malwarebytes Inc.
Enoncé du moyen
3. La société Malwarebyte Inc. fait grief à l'arrêt de rejeter son exception d'incompétence, alors « que la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que "l'article 7, point 2, du règlement n° 1215/2012 doit être interprété en ce sens qu'une personne qui prétend que ses droits de la personnalité ont été violés par la publication de données inexactes la concernant sur Internet et par la non-suppression de commentaires à son égard ne peut pas, devant les juridictions de chaque État membre sur le territoire duquel les informations publiées sur Internet sont ou étaient accessibles, former un recours tendant à la rectification de ces données et à la suppression de ces commentaires" ; que cette règle est transposable aux faits allégués de concurrence déloyale résultant de la possibilité de télécharger un logiciel de protection sur Internet si bien qu'en retenant la compétence de la juridiction française pour statuer sur les demandes de la société Enigma Software au motif qu'elles étaient limitées à la réparation du préjudice subi en France du fait d'un prétendu dénigrement réalisé au moyen d'un logiciel offert au téléchargement des internautes du monde entier ainsi qu'aux mesures adéquates de réparation et de prévention de tout nouveau dommage sur ce territoire seulement, la cour d'appel a méconnu l'article 7, point 2, du règlement n° 1215/2012. »
Réponse de la Cour
4. Il résulte de son article 4 que le règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, dit Bruxelles I bis, n'est pas applicable à la société Malawarebytes Inc., défenderesse en première instance qui n'est pas domiciliée sur le territoire d'un Etat membre.
5. Le grief, en tant qu'il est dirigé contre le rejet de l'exception d'incompétence soulevée par cette société, n'est donc pas fondé.
Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, en tant qu'il est dirigé contre le rejet de l'exception d'incompétence de la société Malwarebytes Ltd
Enoncé du moyen
6. La société Malwarebytes Ltd fait le même grief à l'arrêt, alors « que la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que "l'article 7, point 2, du règlement n° 1215/2012 doit être interprété en ce sens qu'une personne qui prétend que ses droits de la personnalité ont été violés par la publication de données inexactes la concernant sur Internet et par la non - suppression de commentaires à son égard ne peut pas, devant les juridictions de chaque État membre sur le territoire duquel les informations publiées sur Internet sont ou étaient accessibles, former un recours tendant à la rectification de ces données et à la suppression de ces commentaires" ; que cette règle est transposable aux faits allégués de concurrence déloyale résultant de la possibilité de télécharger un logiciel de protection sur internet si bien qu'en retenant la compétence de la juridiction française pour statuer sur les demandes de la société Enigma Software au motif qu'elles étaient limitées à la réparation du préjudice subi en France du fait d'un prétendu dénigrement réalisé au moyen d'un logiciel offert au téléchargement des internautes du monde entier ainsi qu'aux mesures adéquates de réparation et de prévention de tout nouveau dommage sur ce territoire seulement, la cour d'appel a méconnu l'article 7, point 2, du règlement n° 1215/2012. »
Réponse de la Cour
7. Aux termes de l'article 7, paragraphe 2, règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, dit Bruxelles I bis :
« Une personne domiciliée sur le territoire d'un État membre peut être attraite, dans un autre État membre :
[...]
2) en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant la juridiction du lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire. »
8. La Cour de justice de l'Union européenne a précisé qu'eu égard à la nature ubiquitaire des données et des contenus mis en ligne sur un site Internet et au fait que la portée de leur diffusion est en principe universelle, une demande visant à la rectification des premières et à la suppression des seconds est une et indivisible et ne peut, par conséquent, être portée que devant une juridiction compétente pour connaître de l'intégralité d'une demande de réparation du dommage et non devant une juridiction qui n'a pas une telle compétence (arrêt du 17 octobre 2017, C-194/16, point 48 ; arrêt du 21 décembre 2021, C-251/20, point 32).
9. La cour d'appel a relevé que les demandes formulées par les sociétés Enigma étaient limitées à la réparation du préjudice subi en France et aux mesures adéquates de réparation et de prévention de tout nouveau dommage sur ce territoire seulement et a retenu que les pièces produites établissaient que la société Malwarebytes ciblait le marché français et mettait à disposition des utilisateurs un site internet en langue française à partir duquel ils pouvaient, à l'aide d'instructions en français, procéder au téléchargement et à l'installation d'une version française des logiciels et obtenir des informations en français de sorte qu'il s'agissait bien d'un site destiné au public français.
10. Elle a ainsi fait ressortir que l'action en cessation partielle et non intégrale des sociétés Enigma, visant une géo-rectification limitée au territoire français à l'exception de tous les autres, était divisible d'un point de vue géographique et non pas une et indivisible.
11. Elle en a exactement déduit, sans méconnaître la jurisprudence européenne qui concerne le retrait pur et simple du contenu litigieux du réseau internet indépendamment de toute considération géographique, que les sociétés Enigma pouvaient saisir la juridiction française.
12. Le moyen n'est pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les sociétés Malwarebytes Inc. et Malwarebytes Limited aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille vingt-trois.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour les sociétés Malwarebytes Inc et Malwarebytes Limited
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Ce moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté l'exception d'incompétence des juridictions françaises soulevée par les sociétés Malwarebytes Inc et Malwarebytes Ltd ;
AUX MOTIFS QUE s'appliquent, en l'espèce, en ce qui concerne la société américaine Malwarebytes Inc, les dispositions de l'article 46 du code de procédure civile qui énoncent que :
"Le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur: ' en matière délictuelle, la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi " ;
41. En ce qui concerne la société irlandaise Malwarebytes, a vocation à s'appliquer l'article 7. 2 du Règlement (UE) N° 1215/2012 du Parlement Européen et du Conseil du 12 décembre 2012 (dit Règlement Bruxelles 1bis)
concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale en ce qui concerne la société irlandaise Malwarebytes, qui est libellé comme suit :
« Une personne domiciliée sur le territoire d'un État membre peut être attraite dans un autre État membre :
en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant la juridiction du lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire" ;
42. Si le tribunal n'a pas formellement distingué dans son jugement l'analyse de la compétence des juridictions françaises à l'endroit des sociétés américaine et irlandaise Malwarebytes, il a statué sur le fondement du chef français et du chef européen de compétence au visa des textes précités qui désignent " la juridiction du lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire " (libellé du règlement Bruxelles I bis) ou celle "du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi " (article 46 du code de procédure civile) qui reviennent au même.
43. Selon la jurisprudence de la CJUE (et notamment l'arrêt Melzer C-228/11, point 25), l'expression "lieu où le fait dommageable s'est produit" figurant à l'article 5, point 3, du règlement n° 44/2001, devenu l'article 7 (2) du Règlement Bruxelles I bis, vise à la fois le lieu de la matérialisation du dommage et le lieu Page 10 sur 33 de l'événement causal qui est à l'origine de ce dommage, de sorte que le défendeur peut être attrait, au choix du demandeur, devant le tribunal de l'un ou de l'autre de ces deux lieux.
44. Il a ainsi été jugé en matière de concurrence déloyale que "L'article 5, point 3, du règlement (CE) n° 44/2001 ('), [devenu article 7 ( 2) du règlement Bruxelles I bis] doit être interprété, aux fins d'attribuer la compétence judiciaire conférée par cette disposition pour connaître d'une action en responsabilité pour violation de l'interdiction de vente en dehors d'un réseau de distribution sélective résultant de l'offre, sur des sites Internet opérant dans différents États membres, de produits faisant l'objet dudit réseau, en ce sens que le lieu où le dommage s'est produit doit être considéré comme étant le territoire de l'État membre qui protège ladite interdiction de vente au moyen de l'action en question, territoire sur lequel le demandeur prétend avoir subi une réduction de ses ventes " (CJUE 21 décembre 2016 aff C-618/15 Concurrence Sarl).
45. La Cour de Justice de l'Union Européenne (CJUE) a également dit pour droit dans une affaire concernant une demande de réparation d'un préjudice allégué par une compagnie aérienne lituanienne contre une compagnie aérienne et un aéroport letton du fait notamment d'un abus de position dominante (CJUE C-27/17 du 5 juillet 2018 FlyLAL), que "L'article 5, point 3, du règlement CE 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000 [devenu article 7 ( 2) du règlement Bruxelles I bis], concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, doit être interprété en ce sens que, dans le cadre d'une action en réparation d'un préjudice causé par des comportements anticoncurrentiels, le "lieu où le fait dommageable s'est produit" vise, dans une situation telle que celle en cause au principal, notamment le lieu de la matérialisation d'un manque à gagner consistant en une perte de ventes, c'est-à- dire le lieu du marché affecté par lesdits comportements au sein duquel la victime prétend avoir subi ces pertes".
46. La CJUE retient dans cet arrêt que lorsque le marché affecté par le comportement anticoncurrentiel se trouve dans l'Etat membre sur le territoire duquel le dommage allégué est prétendument survenu, il y a lieu de considérer que le lieu de matérialisation du dommage, aux fins de l'application de l'article 5 point 3, du règlement CE 44/2001 se trouve dans cet État membre (point 40).
47. Enfin, dans une affaire rendue en matière d'entente au sens de l'article 101 TFUE (CJUE 29 juillet 2019 Tibor Trans, C-451/18), la CJUE confirme ce critère de rattachement et juge que le dommage allégué s'entend de surcoûts payés en raison des prix artificiellement élevés et qu'il se matérialise au lieu du marché affecté par l'infraction visée, à savoir le lieu où les prix du marché ont été faussés, au sein duquel la victime prétend avoir subi ce préjudice.
48. En l'espèce, les sociétés appelantes contestent l'existence d'un fait dommageable localisé en France en faisant valoir que le litige porte sur des actes commis aux États-Unis, à savoir la révision du programme du logiciel en Californie et concernent des produits essentiellement distribués sur le territoire américain. Il ressort cependant de la procédure que les faits incriminés par les sociétés Enigma sont ceux qu'elles ont fait constater par procès-verbal d'huissier à [Localité 5], qui rapportent que lorsque l'utilisateur en France qui a téléchargé et installé les logiciels Spyhunter 4 ou 5 lance une analyse de son ordinateur avec le logiciel MBAM, leurs logiciels sont identifiés comme une menace et qualifiés de 'programme potentiellement indésirable' (PUP) automatiquement placés en quarantaine par le logiciel MBAM, tel que cela ressort des procès -verbaux de constat d'huissier dressés à [Localité 5] les 17 novembre 2017 et 26 septembre 2018.
49. Les sociétés Enigma considèrent dans leur assignation qu'il s'agit d'actes anticoncurrentiels constitutifs d'actes de dénigrement, détournement de clientèle en ce qu'ils l'empêchent d'exécuter leurs obligations vis -à-vis des utilisateurs français qui s'en sont plaints et aux nouveaux d'installer et d'utiliser ses logiciels en France.
50. Ce comportement occasionne selon elles, une perte d'exploitation sur le marché français avec un effet d'éviction et de dénigrement sur ce territoire, ayant provoqué une chute des ventes en France repérable dans sa comptabilité et lui cause un préjudice d'image et de réputation.
51. En l'occurrence, les demandes formulées par les sociétés Enigma sont limitées à la réparation du préjudice subi en France et aux mesures adéquates de réparation et de prévention de tout nouveau dommage sur ce territoire seulement.
52. Il n'est par ailleurs pas contesté que le logiciel Malwarebytes litigieux qui est téléchargeable en ligne sur le site Internet Malwarebytes, n'est pas seulement commercialisé aux États-Unis mais aussi et précisément en France par l'intermédiaire de la société irlandaise Malwarebytes Ltd qui est un concurrent de la société Enigma sur ce marché et constitue bien un défendeur sérieux.
53. Il est en outre établi par les pièces produites que la société Malwarebytes cible le marché français et met à disposition des utilisateurs un site Internet en langue française « fr.malwarebytes.com » à partir duquel ils peuvent à l'aide d'instructions en français procéder au téléchargement et à l'installation d'une version française des logiciels et obtenir des informations en français de sorte qu'il s'agit bien d'un site destiné au public français.
54. La société américaine Malwarebytes Inc ne peut sérieusement prétendre qu'elle est étrangère à la commercialisation en France du produit alors qu'il ressort de la page web francophone du site « fr.malwarebytes.com » qu'elle Page 12 sur 33 apparaît comme interlocuteur au pied de la page d'accueil d'où il résulte que sa présence dans la cause est justifiée.
55. En conséquence, s'il est exact que la révision du logiciel Malwarebytes conçu à Santa Clara constitue l'un des faits générateurs localisé aux Etats-Unis, ayant contribué au dommage allégué par les sociétés Enigma, le dommage qu'elles ont subi se caractérise par la perte subie sur le marché français du fait de la commercialisation en France du logiciel Malwarebytes ce qui autorise les sociétés Enigma à choisir la juridiction française internationalement compétente au regard des articles 46 du code de procédure civile et 7.2 du règlement (UE) N° 1215/2012 dit Bruxelles 1 bis.
1/ ALORS QUE la demande d' Enigmasoft tendant à ce qu'il soit ordonné sous astreinte à Malwarebytes "de cesser de (i) de classifier SpyHunter 4 et RegHunter développés et distribués par Enigma Software Group USA LLC comme des "programmes potentiellement indésirables", "maliciel", "menace", ou autre qualification négative de toute sorte ; (ii) de bloquer, mettre en quarantaine ou interférer sous quelque forme que ce soit avec l'utilisation de SpyHunter 4 et RegHunter développés et distribués par Enigma Software Group USA LLC sur quelque ordinateur de quelque utilisateur de logiciels Malwarebytes que ce soit ; et (iii) d'affirmer, soutenir, suggérer, expressément ou implicitement, que SpyHunter 4 et RegHunter développés et distribués par Enigma Software Group USA LLC sont des programmes potentiellement indésirables", "maliciel", "menace", ou autre qualification négative de toute sorte", tend à voir imposer à la société Malwarebytes Inc de modifier son logiciel MBAM, conçu et développé exclusivement à Santa Clara, modification qui n'est pas limitée au territoire français, si bien qu'en retenant que cette demande était limitée au territoire français, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, violant ainsi l'article 4 du code de procédure civile;
2/ ALORS QUE la demande tendant à voir "ordonner la publication par la société Malwarebytes lnc. et la société Malwarebytes Limited, à leurs frais, du jugement à intervenir sur la page principale de leur site Internet <https:/ifr.malwarebytes.com/> durant une période de trente jours consécutifs devant démarrer dans les quinze jours suivants le prononcé du jugement à intervenir" n'est pas limitée au territoire français, si bien qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, violant ainsi l'article 4 du code de procédure civile
3/ ET ALORS QUE la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que "l'article 7, point 2, du règlement n° 1215/2012 doit être interprété en ce sens qu'une personne qui prétend que ses droits de la personnalité ont été violés par la publication de données inexactes la concernant sur Internet et par la non - suppression de commentaires à son égard ne peut pas, devant les juridictions de chaque État membre sur le territoire duquel les informations publiées sur Internet sont ou étaient accessibles, former un recours tendant à la rectification de ces données et à la suppression de ces commentaires " ; que cette règle est transposable aux faits allégués de concurrence déloyale résultant de la possibilité de télécharger un logiciel de protection sur internet si bien qu'en retenant la compétence de la juridiction française pour statuer sur les demandes de la société Enigma Software au motif qu'elles étaient limitées à la réparation du préjudice subi en France du fait d'un prétendu dénigrement réalisé au moyen d'un logiciel offert au téléchargement des internautes du monde entier ainsi qu'aux mesures adéquates de réparation et de prévention de tout nouveau dommage sur ce territoire seulement, la cour d'appel a méconnu l'article 7, point 2, du règlement n° 1215/2012.
SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
Ce moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté l'exception de litispendance internationale soulevée par les sociétés Malwarebytes Inc et Malwarebytes Ltd,
AUX MOTIFS que l'article 100 du code de procédure civile énonce que si le même litige est pendant devant deux juridictions de même degré également compétentes pour en connaître, la juridiction saisie en second lieu doit se dessaisir au profit de l'autre si l'une des parties le demande. A défaut, elle peut le faire d'office.
L'exception de litispendance peut être invoquée en raison de l'instance engagée devant un tribunal étranger également compétent et suppose pour être accueillie une identité de litige c'est-à-dire une triple identité de parties, d'objet et de cause.
Il ressort de la procédure que les parties dans les deux instances initiées aux États-Unis puis en France ne sont pas les mêmes dès lors que les sociétés EnigmaSoft Ltd et Malwarebytes Limited sont absentes dans la procédure américaine et que contrairement à ce que prétendent les appelantes, leur présence dans la procédure française pour les motifs retenus précédemment n'est ni fictive ni artificielle.
De plus, les appelantes reconnaissent que les fondements juridiques des deux procédures sont distincts et soutiennent seulement à partir de suppositions que dans le cadre de la procédure américaine la juridiction californienne statuera sur le préjudice mondial incluant sans ambiguïté celui subi en France ce qui est insuffisant pour répondre aux exigences d'identité de cause et d'objet nécessaires au succès de leur prétention.
L'exception de litispendance sera en conséquence rejetée et la décision du tribunal sera confirmée de ce chef.
1/ ALORS QUE l'existence d'une situation de litispendance s'apprécie à la date de l'introduction de l'instance, si bien qu'en se fondant sur la présence dans la procédure de la société EnigmaSoft Ltd qui est intervenue volontairement en cours d'instance, la cour d'appel a violé l'article 100 du code de procédure civile ensemble les principes régissant la litispendance internationale ;
2/ ALORS QUE la société Malwarebytes Limited soutenait qu'elle n'avait été mise en cause artificiellement dans la procédure qu'à raison de son domicile en Irlande bien qu'elle soit étrangère aux faits à l'origine du litige, aucune prétention spécifique n'étant d'ailleurs émise à son encontre ; qu'en se bornant à une simple affirmation selon laquelle sa présence dans la procédure française n'était ni fictive, ni artificielle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 100 du code de procédure civile, ensemble les principes régissant la compétence internationale et l'article 33 du Règlement 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 ;
3/ ALORS QUE la seule mise en cause d'une filiale de la société défenderesse dans la procédure ouverte devant la juridiction étrangère première saisie, contre laquelle aucune demande distincte de celle formée contre la société mère n'est formulée, ne peut faire obstacle à l'exception de litispendance, si bien qu'en se fondant sur le seul fait que la société Enigma Software USA avait assigné la société Malwarebytes Ltd devant le juge français et pas devant le juge américain précédemment saisi, sans présenter aucune demande spécifique à son encontre, la cour d'appel a violé l'article 100 du code de procédure civile, ensemble les principes régissant la litispendance internationale et l'article 33 du Règlement 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 ;
4/ ALORS QUE les sociétés Malwarebytes faisaient valoir que le litige ouvert en France par Enigma Software USA était déjà compris dans le litige premier et originel ouvert aux Etats-Unis même si ce dernier était régi au fond par la loi américaine, si bien qu'en affirmant que les appelantes reconnaissent que les fondements juridiques des deux procédures sont distincts, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige, violant ainsi l'article 4 du code de procédure civile ;
5/ ALORS QUE les sociétés Malwarebytes avaient régulièrement versé aux débats devant les juges du fond l'acte de saisine de la juridiction américaine par lequel la société Enigma Software USA demandait réparation de pratiques alléguées de concurrence déloyale résultant de l'identification par les logiciels Malwarebytes de ses logiciels SpyHunter et RegHunter comme programmes potentiellement indésirables, ses prétenti ons incluant des demandes d'injonction à Malwarebytes de cesser de classifier ses programmes SpyHunter et RegHunter comme programmes potentiellement indésirables et des demandes Page 28 sur 33 indemnitaires ; que l'arrêt attaqué relève que, la société Enigma a découvert que, suite à la révision du logiciel Malwarebytes AntiMalware (MBAM), le programme de la société Malwarebytes Inc bloquait ses propres produits, les logiciels dénommés SpyHunter et RegHunter, que lorsque l'utilisateur télécharge via Internet le logiciel MBAM, les logiciels de la société Enigma, SpyHunter et RegHunter, apparaissent potentiellement indésirables incitant l'utilisateur à les supprimer ou à ne pas les télécharger et que la société Enigma a introduit en 2016 une procédure aux Etats-Unis contre la société Malwarebytes pour mettre fin à ces agissements et obtenir réparation de son préjudice (arrêt n° 4 à 6), si bien qu'en décidant qu'il n'y avait pas identité de cause et d'objet entre les procédures intentées aux Etats-Unis et en France, la cour d'appel n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences légales s'en évinçant au regard de l'article 100 du code de procédure civile,des principes régissant la litispendance internationale et de l'article 33 du Règlement 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 1er février 2023
Cassation partielle
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 79 F-D
Pourvoi n° P 21-16.380
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 1ER FÉVRIER 2023
1°/ M. [G] [Y],
2°/ Mme [E] [X], épouse [Y],
tous deux domiciliés [Adresse 4],
ont formé le pourvoi n° P 21-16.380 contre l'arrêt rendu le 19 janvier 2021 par la cour d'appel de Pau (1re chambre), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Saint-Cyr, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 3], venant aux droits de la société [M], Rolle, Calvet,
2°/ à la société la Caisse régionale normande de financement (NORFI), dont le siège est [Adresse 1],
3°/ à la société Ekip, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la société François Legrand, pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société Les Granges d'Espiaube, société civile de construction vente
4°/ à la société Les Granges d'Espiaube, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 5],
défenderesses à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Bruyère, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. et Mme [Y], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Saint-Cyr, et l'avis de M. Salomon, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 décembre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Bruyère, conseiller rapporteur, M. Hascher, conseiller le plus ancien faisant fonction de doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à M. et Mme [Y] du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la Caisse régionale normande de financement Norfi, la société Ekip et la société Les Granges d'Espiaube.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 19 janvier 2021), suivant acte authentique reçu le 10 octobre 2007 par M. [M] (le notaire), notaire associé de la SCP [M], Rolle, Calvet, aux droits de laquelle vient la SCP Saint Cyr (la SCP), M. et Mme [Y] (les acquéreurs) ont acquis des lots au sein d'une résidence en l'état futur d'achèvement, avec un objectif de défiscalisation.
3. La livraison n'est pas intervenue.
4. Les acquéreurs ont assigné la SCP en responsabilité et indemnisation pour manquement du notaire à son devoir de conseil.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. Les acquéreurs font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes contre la SCP alors « que le devoir de conseil du notaire s'apprécie au regard du but poursuivi par les parties ; qu'en se bornant à retenir que l'officier public n'avait pas l'obligation d'informer l'acquéreur du risque d'échec du programme immobilier qu'il ne pouvait suspecter le jour de la signature de l'acte sans rechercher, ainsi qu'il lui était demandé, s'il était tenu, nonobstant l'absence d'indices d'un risque d'échec de l'opération, d'instruire les acquéreurs des risques mécaniques nés des conditions posées par la loi de défiscalisation et de leur fournir l'ensemble des informations sur les obligations à respecter afin d'obtenir effectivement les avantages fiscaux prévus, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1231-1 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil :
6. Il résulte de ce texte que le notaire est tenu d'informer et d'éclairer les parties, de manière complète et circonstanciée, sur la portée et les effets, notamment quant aux incidences fiscales, de l'acte auquel il prête son concours.
7. Pour rejeter la demande des acquéreurs, l'arrêt retient que l'absence de classement en résidence de tourisme, l'impossibilité de mise en location et le redressement fiscal subséquent sont liés, non pas à un marché défaillant dès l'origine, mais au défaut de livraison consécutif à des problèmes de construction, spécialement aux défaillances du mur de soutènement de la route contournant les immeubles, que le notaire ne pouvait suspecter au jour de la vente.
8. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le notaire n'avait pas manqué à son obligation d'information et de conseil en s'abstenant d'attirer l'attention des acquéreurs sur le risque de perte des avantages fiscaux en cas de refus de classement de l'immeuble en résidence de tourisme, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté M. et Mme [Y] de leurs demandes dirigées contre la SCP Saint Cyr, l'arrêt rendu le 19 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne la SCP Saint Cyr aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la SCP Saint Cyr et la condamne à payer à M. et Mme [Y] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille vingt-trois. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [Y].
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté les acquéreurs d'un immeuble en état futur d'achèvement (M. et Mme [Y], les exposants) de leurs demandes contre le notaire instrumentaire (la Scp Saint Cyr) ;
ALORS QUE, d'une part, le devoir de conseil du notaire s'apprécie au regard du but poursuivi par les parties ; qu'en se bornant à retenir que l'officier public n'avait pas l'obligation d'informer l'acquéreur du risque d'échec du programme immobilier qu'il ne pouvait suspecter le jour de la signature de l'acte sans rechercher, ainsi qu'il lui était demandé, s'il était tenu, nonobstant l'absence d'indices d'un risque d'échec de l'opération, d'instruire les acquéreurs des risques mécaniques nés des conditions posées par la loi de défiscalisation et de leur fournir l'ensemble des informations sur les obligations à respecter afin d'obtenir effectivement les avantages fiscaux prévus, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1231-1 du code civil ;
ALORS QUE, d'autre part, les exposants faisaient valoir (v. leurs concl. n° 5, p. 22) que l'insuffisance de la garantie extrinsèque d'achèvement dans son montant et sa durée était établie par le pré-rapport d'expertise du 9 février 2015 ainsi que par l'inadéquation manifeste entre le montant prévisionnel du chantier fixé dès le commencement de l'opération à la somme de 5 723 548 € et celui de la garantie d'achèvement s'élevant à la somme de 600 000 € ; qu'en se bornant, pour écarter la responsabilité du notaire pour manquement à son devoir de conseil relatif à la garantie extrinsèque d'achèvement, à retenir que, deux garanties avaient été souscrites, l'une de 600 000 € et l'autre de 2 044 000 €, et que, ne les ayant pas mises en oeuvre, les exposants ne permettaient pas de s'assurer de leur insuffisance, qui ne se déduisait pas de leur montant au moment de la signature du contrat, sans répondre à leurs conclusions soulignant que le montant prévisionnel des travaux à garantir s'élevait à une somme de 5 723 548 € largement supérieure au montant des garanties, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS QUE, en outre, les exposants observaient (v. leurs concl., pp. 29-30) que les faits délictueux reprochés à Maître [M] de complicité d'escroquerie avaient été à l'origine de leur préjudice constitué de l'impossibilité de disposer de leur bien, l'appauvrissement de la venderesse ayant fait obstacle à l'édification du mur de soutènement préconisé par l'expert, et du versement en pure perte des échéances de paiement du prix de vente ; qu'en retenant, pour écarter la responsabilité du notaire, que les faits à lui reprochés étaient postérieurs à la date d'achèvement des travaux et qu'en toute hypothèse faisait défaut le lien de causalité entre ces faits et l'encaissement par ses soins d'appels de fonds, sans rechercher si lesdits faits étaient à l'origine du préjudice des exposants, constitué de la privation de leur bien, en ce qu'ils avaient contribué à empêcher la venderesse de recueillir les fonds nécessaires à la remise en état de l'immeuble selon les préconisations de l'expert judiciaire, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1382 ancien du code civil ;
ALORS QUE, enfin, les exposants soutenaient (v. leurs concl., p. 32) que les agissements délictueux du notaire leurs avaient causé un préjudice moral dès lors qu'il était choquant d'accorder sa confiance à un officier public dans la conclusion d'une opération pour découvrir ensuite qu'il commettait des infractions à l'occasion du même programme au risque de compromettre son bon déroulement ; qu'en écartant la responsabilité du notaire sans répondre à ces conclusions, la cour d'appel n'a pas satisfait aux prescriptions de l'article 455 du code de procédure civile.
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INCA/JURITEXT000047096671.xml
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
SG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 1er février 2023
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 87 F-D
Pourvoi n° P 21-22.130
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 1ER FÉVRIER 2023
M. [T] [V] [F], domicilié [Adresse 6] ALGÉRIE, a formé le pourvoi n° P 21-22.130 contre l'arrêt rendu le 17 juin 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 10), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Alchinvest, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4],
2°/ à la société Alice investissement, dont le siège est [Adresse 1] (Luxembourg), société anonyme de droit luxembourgeois,
3°/ à la société GVR, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5],
4°/ à la société Salinero, dont le siège est [Adresse 2] (Luxembourg), société à responsabilité limitée de droit luxembourgeois,
5°/ à la société Colin développement, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Ancel, conseiller, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. [F], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat des sociétés Alchinvest, Alice investissement, GVR, Salinero et Colin développement, après débats en l'audience publique du 13 décembre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Ancel, conseiller rapporteur, M. Hascher, conseiller le plus ancien faisant fonction de conseilller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 juin 2021), le 24 février 2020, les sociétés Alchinvest, Alice investissement, GVR, Salinero et Colin développement ont fait pratiquer une saisie-attribution à l'encontre de M. [F] entre les mains de la société Belfaz.
2. Une ordonnance rendue le 8 avril 2019 par un juge algérien ayant ordonné l'attribution à la société Alchinvest de sommes saisies entre les mains d'un tiers pour le recouvrement de la même créance, M. [F] a assigné les sociétés Alchinvest, Alice investissement, GVR, Salinero et Colin développement devant le juge de l'exécution en caducité de la saisie-attribution et, subsidiairement, en mainlevée de celle-ci.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. M. [F] fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu de prononcer la caducité de la saisie-attribution pratiquée le 24 février 2020 et de cantonner les effets de cette saisie à la somme de 1 467 989,76 euros, alors :
« 1°/ qu'en considérant que « l'effet attributif produit par la décision du 8 avril 2019 ordonnant l'attribution de la somme de 747.584.370 dinars algériens en principal et frais (5.705.684,93 euros) saisie entre les mains de Monsieur [W] en faveur des sociétés ALCHINVEST, Salinero et Colin développement n'emporte pas novation de la dette de Monsieur [F], ne saurait valoir paiement et ne peut être considérée comme libératoire au profit de celui-ci qu'à concurrence des sommes effectivement perçues par les créanciers » tandis que l'ordonnance rendue en date du 8 avril 2019 par le Président du Tribunal Es Senia avait expressément affecté la créance de 747.584.370 dinars algériens en principal et frais (5.705.684,93 euros) que Monsieur [F] détenait sur Monsieur [W] au profit des sociétés ALCHINVEST, Salinero et Colin développement, la Cour d'appel a dénaturé le sens, pourtant et clair et précis, de l'ordonnance litigieuse en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ;
2°/ qu'en relevant que « l'effet attributif produit par la décision du 8 avril 2019 ordonnant l'attribution de la somme de 747.584.370 dinars algériens en principal et frais (5.705.684,93 euros) saisie entre les mains de Monsieur [W] en faveur des sociétés ALCHINVEST, Salinero et Colin développement n'emporte pas novation de la dette de Monsieur [F], ne saurait valoir paiement et ne peut être considérée comme libératoire au profit de celui-ci qu'à concurrence des sommes effectivement perçues par les créanciers » sans rechercher, comme elle y était invitée, si au regard du droit algérien tel qu'il résultait de l'article 684 du Code de procédure civile et administrative invoqué dans les conclusions de l'exposant et du certificat de coutume produit aux débats, la procédure de saisie-arrêt algérienne n'avait pas conduit à une novation dans les rapports d'obligations réciproques du créancier, du tiers saisi et du débiteur initial ayant pour conséquence de libérer ce dernier de sa dette, la Cour d'appel qui n'a pas précisé le contenu du droit algérien, n'a pas légalement justifié sa décision du regard de l'article 3 du Code civil, ensemble les articles 677 et suivants du Code de procédure civile et administrative algérien. »
Réponse de la Cour
4. Ayant, par motifs propres et adoptés, retenu, d'une part, hors toute dénaturation, que l'ordonnance du 8 avril 2019, prise en application de l'article 684 du code de procédure civile et administrative algérien, n'était pas en elle-même libératoire dès lors qu'elle constituait, selon le certificat de coutume produit aux débats, « une ordonnance juridique » qui restait à exécuter, d'autre part, qu'elle n'emportait pas novation, et ayant constaté que les fonds saisis n'avaient pas été effectivement versés aux créanciers saisissants la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, a légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [F] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [F] et le condamne à payer aux sociétés Alchinvest, Alice investissement, GVR, Salinero et Colin développement la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille vingt-trois.
Le conseiller rapporteur le president
Le greffier de chambre MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour M. [F]
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit n'y avoir lieu à prononcer la caducité de la saisie attribution pratiquée le 24 février 2020 et d'avoir cantonné les effets de cette saisie à la somme de 1 467 989,76 € ;
ALORS, de première part, QU' en considérant que « l'effet attributif produit par la décision du 8 avril 2019 ordonnant l'attribution de la somme de 747.584.370 dinars algériens en principal et frais (5.705.684,93 euros) saisie entre les mains de Monsieur [W] en faveur des sociétés ALCHINVEST, Salinero et Colin développement n'emporte pas novation de la dette de Monsieur [F], ne saurait valoir paiement et ne peut être considérée comme libératoire au profit de celui-ci qu'à concurrence des sommes effectivement perçues par les créanciers » tandis que l'ordonnance rendue en date du 8 avril 2019 par le Président du Tribunal Es Senia avait expressément affecté la créance de 747.584.370 dinars algériens en principal et frais (5.705.684,93 euros) que Monsieur [F] détenait sur Monsieur [W] au profit des sociétés ALCHINVEST, Salinero et Colin développement, la Cour d'appel a dénaturé le sens, pourtant et clair et précis, de l'ordonnance litigieuse en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS, de deuxième part, QUE en relevant qu' « l'effet attributif produit par la décision du 8 avril 2019 ordonnant l'attribution de la somme de 747.584.370 dinars algériens en principal et frais (5.705.684,93 euros) saisie entre les mains de Monsieur [W] en faveur des sociétés ALCHINVEST, Salinero et Colin développement n'emporte pas novation de la dette de Monsieur [F], ne saurait valoir paiement et ne peut être considérée comme libératoire au profit de celui-ci qu'à concurrence des sommes effectivement perçues par les créanciers » sans rechercher, comme elle y était invitée, si au regard du droit algérien tel qu'il résultait de l'article 684 du Code de procédure civile et administrative invoqué dans les conclusions de l'exposant et du certificat de coutume produit aux débats, la procédure de saisie-arrêt algérienne n'avait pas conduit à une novation dans les rapports d'obligations réciproques du créancier, du tiers saisi et du débiteur initial ayant pour conséquence de libérer ce dernier de sa dette, la Cour d'appel qui n'a pas précisé le contenu du droit algérien, n'a pas légalement justifié sa décision du regard de l'article 3 du Code civil, ensemble les articles 677 et suivants du Code de procédure civile et administrative algérien ;
Le greffier de chambre
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
SG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 1er février 2023
Cassation partielle
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 85 F-D
Pourvoi n° P 20-16.905
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 1ER FÉVRIER 2023
1°/ Mme [O] [A], veuve [H], domiciliée [Adresse 4],
2°/ Mme [R] [H], épouse [S], domiciliée [Adresse 1],
3°/ M. [J] [H], domicilié [Adresse 3],
4°/ M. [X] [H], domicilié [Adresse 4],
ont formé le pourvoi n° P 20-16.905 contre l'arrêt rendu le 16 décembre 2019 par la cour d'appel de Toulouse (1re chambre, 1re section), dans le litige les opposant à M. [B] [U], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Bruyère, conseiller, les observations de la SARL Le Prado -Gilbert, avocat de Mme [A], veuve [H], Mme [H], épouse [S] et MM. [J] et [X] [H], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [U], après débats en l'audience publique du 13 décembre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Bruyère, conseiller rapporteur, M. Hascher, conseiller le plus ancien faisant fonction de conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 16 décembre 2019), par acte sous seing privé rédigé par M. [U] (le notaire), Mme [A] et ses trois enfants, Mme [N] [H] et MM. [J] et [X] [H] (les vendeurs), ont vendu un bien immobilier à la société Credixis (l'acquéreur) moyennant un prix de 155 000 euros payable comptant, avec une faculté de rachat.
2. Il était prévu à l'acte une condition suspensive d'obtention d'un prêt par l'acquéreur avec la constitution d'un gage-espèces du même montant devant être séquestré par l'acquéreur avant la vente entre les mains du notaire.
3. L'acte authentique de vente reçu le 22 octobre 2010 par le notaire a prévu le versement comptant par l'acquéreur d'une somme de 18 500 euros, le solde devant être versé le 22 décembre 2010.
4. Estimant que l'opération s'était révélée impropre à réaliser ses objectifs d'apurement de ses dettes et de conservation de son patrimoine immobilier, Mme [A] a fait assigner le notaire en responsabilité et indemnisation de ses préjudices. Ses enfants sont intervenus volontairement en appel.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, ci-après annexé
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième et quatrième branches
Enoncé du moyen
6. Les vendeurs font grief à l'arrêt de condamner le notaire à leur payer la seule somme de 9 441,20 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice financier, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour, et de rejeter le surplus de leurs demandes indemnitaires formulées à titre principal à hauteur de 125 460 euros, alors :
« 1°/ que le notaire est tenu d'éclairer les parties sur la portée et les conséquences des actes auxquels il prête son ministère et d'en assurer l'utilité, l'efficacité et la sécurité, au besoin en procédant à la vérification des faits et des conditions nécessaires à cet effet ; que pour exclure toute faute du notaire pour avoir établi un compromis de vente insusceptible de permettre l'apurement des dettes de Mme [H] et l'obtention d'un nouveau crédit immobilier pour financer sa faculté de rachat, la cour d'appel a retenu que ce compromis, qui stipulait expressément que l'objectif de l'opération était de permettre au vendeur « de se restructurer financièrement et de sauvegarder son patrimoine », ne mentionnait pas le montant des dettes de Mme [H], pas plus que le solde, inclus dans ce montant, du crédit de restructuration souscrit le 29 mai 2007 et garanti par une inscription hypothécaire et le dépôt de son dossier de surendettement, et que le notaire ne pouvait personnellement se convaincre de l'impropriété de l'acte à atteindre l'objectif susvisé, sauf à recueillir des éléments d'appréciation supplémentaires sur l'opportunité économique de l'opération de vente à réméré envisagée, ce qu'il n'avait pas à faire ; qu'en statuant ainsi, cependant que le notaire, même s'il ne connaissait pas le montant exact des dettes de Mme [H] à apurer, se devait d'éclairer les parties sur l'efficacité de la transaction envisagée au regard de l'objectif recherché, visé au compromis, fut-ce en s'enquérant préalablement du passif de Mme [H] à apurer et/ou de tout élément utile, la cour d'appel a méconnu l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;
2°/ que le notaire est tenu d'éclairer les parties sur la portée et les conséquences des actes auxquels il prête son ministère et d'en assurer l'utilité, l'efficacité et la sécurité, au besoin en procédant à la vérification des faits et des conditions nécessaires à cet effet ; que pour exclure toute faute du notaire pour avoir établi un compromis de vente insusceptible de permettre l'apurement des dettes de Mme [H] et l'obtention d'un nouveau crédit immobilier pour financer sa faculté de rachat, la cour d'appel a retenu qu'il ne pouvait personnellement s'en convaincre, sauf à recueillir des éléments d'appréciation supplémentaires sur l'opportunité économique de l'opération de vente à réméré envisagée, ce qu'il n'avait pas à faire ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si, pour assurer l'efficacité de l'acte prévoyant une opération dont l'objectif était de permettre au vendeur « de se restructurer financièrement et de sauvegarder son patrimoine », au moyen d'une vente immobilière au prix net de 105 000 euros, le notaire ne devait pas attirer l'attention du vendeur sur le prix de vente stipulé au compromis, dont les vendeurs soulignaient qu'il ne se montait qu'à environ la moitié de l'estimation qui avait été faite de l'immeuble, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;
4°/ que le devoir de conseil et d'information auquel est tenu le notaire a un caractère absolu, et qu'il y est donc soumis quelles que soient les compétences et connaissances personnelles des parties à l'acte qu'il dresse ; que pour exclure toute faute du notaire pour avoir établi un compromis de vente insusceptible de permettre l'apurement des dettes de Mme [H] et l'obtention d'un nouveau crédit immobilier pour financer sa faculté de rachat, la cour d'appel, constatant que le compromis stipulait que l'objectif de l'opération litigieuse était de permettre au vendeur « de se restructurer financièrement et de sauvegarder son patrimoine », a retenu que Mme [H] était mieux à même que quiconque de savoir que ses dettes, dont le montant de 175 394,12 euros ne figurait pas au compromis, pas plus que le solde, inclus dans ce montant, du crédit de restructuration souscrit le 29 mai 2007 et garanti par une inscription hypothécaire et le dépôt de son dossier de surendettement, ne pourraient être intégralement acquittées grâce au produit net de la vente fixé selon l'accord des parties à la somme de 105 000 euros, soit le prix de vente minoré des frais d'étude, montage financier, préparation des actes, déplacement et gestion du dossier, les frais de l'investisseur et l'avance sur indemnité d'occupation ; qu'en statuant ainsi par un motif insusceptible d'exclure la propre faute du notaire, tiré de la connaissance que Mme [H] avait de son passif et de sa capacité à se convaincre elle-même de l'inefficacité de l'opération envisagée pour apurer ses dettes et racheter son immeuble, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil. »
Réponse de la Cour
7. Le notaire instrumentaire est tenu d'informer et d'éclairer les parties sur la portée, les effets et les risques, notamment juridiques et fiscaux, de l'acte par lequel elles s'engagent, dans la limite des possibilités de contrôle et de vérification qui lui sont offertes, des informations connues des parties et sans avoir à porter d'appréciation sur l'opportunité économique de l'opération.
8. Ayant relevé que la promesse de vente, qui énonçait que le vendeur avait contacté l'acquéreur pour la réalisation d'une vente à réméré lui permettant une restructuration financière et la sauvegarde de son patrimoine, ne mentionnait ni le dépôt par Mme [A] d'un dossier de surendettement, ni l'évaluation par la commission de surendettement du montant des engagements de celle-ci et ayant retenu que le notaire ne pouvait personnellement se convaincre, même en levant un état hypothécaire, de l'inadaptation de l'acte à l'apurement du passif et à l'obtention d'un nouveau crédit immobilier pour financer la faculté de rachat, sauf à rechercher, ce qui ne lui incombait pas, des éléments supplémentaires d'appréciation de l'opportunité économique de l'opération, la cour d'appel a pu en déduire, sans avoir à procéder à une recherche concernant la valeur de l'immeuble qui ne lui était pas demandée,que le notaire n'avait pas manqué à son devoir d'information et de conseil.
9. Le moyen n'est donc pas fondé
Mais sur le premier moyen, pris en ses cinquième et sixième branches
Enoncé du moyen
10. Les vendeurs font le même grief à l'arrêt alors :
« 5°/ que la cour d'appel a retenu que le notaire avait commis une faute en omettant d'attirer l'attention des consorts [H] sur la possibilité de renoncer à la vente en raison de la défaillance de la condition suspensive de constitution d'un gage-espèces stipulé à leur profit, et sur les risques d'un paiement différé, même assorti d'une stipulation d'intérêts de retard ; que, pour limiter à la somme de 6 566,82 euros la réparation due par le notaire de ce chef, la cour d'appel a considéré qu'il n'était pas démontré que cette faute ait empêché le règlement des créanciers de Mme [H] et sa faculté de rachat dans le délai restant, ni qu'elle ait privé celle-ci d'une chance sérieuse de trouver un autre acquéreur aux conditions initiales ou plus favorables avant le 5 mai 2011, et que l'obligation pour Mme [H] de continuer à rembourser pendant quinze ans les mensualités du prêt immobilier souscrit et de poursuivre son activité professionnelle au-delà de l'âge de départ en retraite pour y faire face était sans lien de causalité avec les fautes caractérisées du notaire, de sorte qu'il y avait lieu de rejeter les demandes indemnitaires au titre du préjudice financier de 125 460 euros et du préjudice moral ; qu'en statuant ainsi, tandis que si le notaire avait dûment attiré l'attention de Mme [H] sur sa faculté de renoncer, celle-ci aurait pu éviter de conclure la vente visant à lui permettre de « se restructurer financièrement et de sauvegarder son patrimoine », à l'issue de laquelle elle s'était au contraire trouvée à la fois privée de son patrimoine et tenue de régler pendant quinze ans les mensualités d'un emprunt immobilier d'un montant total de 125 460 euros, ce dont il résultait que le lien de causalité entre la faute commise et le préjudice subi était établi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;
6°/ que la cour d'appel a retenu que le notaire avait commis une faute en omettant d'attirer l'attention des vendeurs sur la possibilité de renoncer à la vente en raison de la défaillance de la condition suspensive de constitution d'un gage-espèces stipulé à leur profit, et sur les risques d'un paiement différé, même assorti d'une stipulation d'intérêts de retard ; que, pour limiter à la somme de 6 566,82 euros la réparation due par le notaire de ce chef, la cour d'appel a retenu que si cette faute avait permis à l'acquéreur de s'acquitter du solde du prix après le terme convenu du 22 décembre 2010, et seulement lors de la revente du bien à M. [G] le 5 mai 2011, il n'était pas démontré qu'elle ait empêché le règlement des créanciers de Mme [H] et sa faculté de rachat dans le délai restant, ni qu'elle l'ait privée d'une chance sérieuse de trouver un autre acquéreur aux conditions initiales ou plus favorables avant le 5 mai 2011, et qu'au plus elle l'avait empêchée de renégocier les clauses du contrat sur l'indemnité d'occupation précaire pouvant raisonnablement être calculée au prorata du prix payé sur la période écoulée du 22 octobre 2010 au 5 mai 2011, et encore que l'obligation pour Mme [H] de continuer à rembourser pendant quinze ans les mensualités du prêt immobilier souscrit et de poursuivre son activité professionnelle au-delà de l'âge de départ en retraite pour y faire face était sans lien de causalité avec les fautes caractérisées du notaire, de sorte qu'il y avait lieu de rejeter les demandes indemnitaires au titre du préjudice financier de 125 460 euros et du préjudice moral ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la faute du notaire susvisée n'avait pas privé Mme [H] d'une chance de rechercher un autre montage moins pénalisant que cette vente à réméré qui ne lui permettait même pas d'apurer ses dettes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil :
11. Il résulte de ce texte que l'auteur d'un dommage doit en réparer toutes les conséquences.
12. Pour limiter à la somme de 6 566,82 euros le montant de la réparation et rejeter le surplus de la demande, l'arrêt retient qu'il n'est pas démontré que la faute commise par le notaire, qui a omis d'attirer l'attention des vendeurs sur la possibilité de renoncer à la vente en raison de la défaillance de la condition suspensive de constitution d'un gage-espèces, soit en relation de causalité avec l'impossibilité d'apurer le passif et d'exercer la faculté de rachat, ni même qu'elle ait privé Mme [A], compte tenu de l'importance de son endettement, d'une chance sérieuse de trouver un autre acquéreur aux conditions initiales ou à des conditions plus favorables, avant l'expiration du délai de rachat, mais qu'elle l'a, tout au plus, empêchée de renégocier les clauses du contrat concernant l'indemnité d'occupation précaire.
13. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la faute du notaire n'avait pas privé Mme [H] d'une chance de renoncer à la vente ou de rechercher un autre montage plus avantageux que la vente à réméré, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette le surplus des demandes indemnitaires au titre du manquement de M. [U] à son devoir de conseil sur la caducité de la vente résultant de la non-réalisation de la condition suspensive de constitution d'un gage-espèce, l'arrêt rendu le 16 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne M. [U] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [U] et le condamne à payer à Mmes [O] et [N] [A], MM. [J] et [X] [A] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille vingt-trois.
Le conseiller rapporteur le president
Le greffier de chambre MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SARL Le Prado-Gilbert, avocat aux Conseils, pour Mme [A], vauve [H], Mme [H], épouse [S] et MM. [J] et [X] [H]
PREMIER MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué, D'AVOIR condamné Me [U] à payer aux consorts [H] ensemble la seule somme de 9 441,20 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice financier, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour, et rejeté le surplus des demandes indemnitaires formulées à titre principal par les consorts [H] à hauteur de 125 460 euros ;
AUX MOTIFS QUE le notaire, tenu d'un devoir de conseil absolu, doit veiller à l'efficacité des actes qu'il dresse et informer les parties de toute circonstance susceptible d'y faire obstacle ; à défaut, il engage sa responsabilité sur le fondement de l'article 1382 ancien (devenu 1240) du code civil ; qu'il lui appartient également d'éclairer les parties et d'attirer leur attention sur la portée, les effets et les risques juridiques comme économiques des actes auxquels il confère la forme authentique, excepté les risques connus de tous, et, le cas échéant, de leur déconseiller de les signer ; que toutefois, son obligation de conseil et de mise en garde ne s'étend pas à l'opportunité économique de l'opération envisagée en l'absence d'éléments d'appréciation qu'il n'a pas à rechercher ; que la preuve du conseil ou de l'information donnée incombe au débiteur de l'obligation, cette preuve pouvant être rapportée par tous moyens ; qu'en l'espèce, d'une part, si le compromis de vente sous conditions suspensives signé le 8 juillet 2010 par la SARL Credixis et le 13 septembre 2010 par les consorts [H] présente Me [B] [U] comme le notaire des deux parties et précise, dans l'exposé préalable (paragraphe 200), que "LE VENDEUR déclare avoir contacté la société Credixis pour la mise en place d'une opération de vente avec faculté de rachat lui permettant de se restructurer financièrement et de sauvegarder son patrimoine", Mme [O] [A] veuve [H] était mieux à même que quiconque de savoir que ses dettes, estimées par la commission de surendettement des particuliers de la Haute-Garonne au 26 juillet 2010 à la somme de 175 394,12 euros qui n'est pas plus que le dépôt de son dossier de surendettement mentionnée au compromis et inclut le solde, également non précisé, du crédit de restructuration d'un montant de 94 179 euros souscrit le 29 mai 2007 auprès de la SA Sygma Banque et garanti par une inscription hypothécaire, ne pourraient être intégralement acquittées grâce au produit net de la vente fixé selon l'accord des parties à la somme de 105 000 euros correspondant au prix de vente (155 000 euros) diminué des frais d'étude, montage financier, préparation des actes, déplacement et gestion du dossier (18 600 euros), des frais de l'investisseur (9 800 euros) et de l'avance sur indemnité d'occupation (21 600 euros) ; qu'en outre, son attention a été spécifiquement attirée : - au même paragraphe du compromis, sur les justificatifs bancaires à fournir à l'établissement prêteur sollicité pour un nouveau prêt immobilier lors du rachat, sur la nécessité de souscrire un contrat d'assurance décès invalidité pendant la période de la faculté de rachat et sur les précautions "impératives" à prendre "pour réunir toutes les chances de pouvoir contracter un nouvel emprunt immobilier" (apurement total de ses dettes, radiation des inscriptions auprès des fichiers de la Banque de France, paiement intégral de l'indemnité d'occupation, maintien d'un endettement nul), - au paragraphe 604, sur les conditions d'exercice de la faculté de rachat (principe, modalités d'exercice, paiement exigé, obligations de l'acquéreur et du vendeur, extinction des droits des tiers et fin), - au paragraphe 901 2), sur la condition suspensive stipulée au profit de l'acquéreur "que la situation hypothécaire du VENDEUR ne révèle pas d'empêchement ou d'inscription pour un montant supérieur au prix nécessitant une procédure de purge et que le montant total cumulé, à payer sur le prix de la vente, des dettes du VENDEUR, hypothécaires ou non, et des frais inhérents aux présentes ne se révèle pas supérieur au prix de vente" ; qu'elle ne saurait donc reprocher à Me [B] [U] d'avoir prêté son concours à cet acte impropre, à lui seul, à permettre l'apurement de ses dettes et l'obtention d'un nouveau crédit immobilier pour financer la faculté de rachat, ce dont il ne pouvait personnellement se convaincre même en levant un état hypothécaire, sauf à recueillir des éléments d'appréciation supplémentaires sur l'opportunité économique de l'opération de vente à réméré envisagée, éléments qu'il n'avait pas à rechercher puisqu'ils ne remettaient pas en cause l'efficacité de l'acte ; qu'il n'est pas sans intérêt de rappeler que la stipulation d'un prix de rachat supérieur au prix de vente n'est pas, sauf écart important non caractérisé ni allégué en l'occurrence, contraire à l'essence de la vente à réméré, les parties étant libres de convenir du versement par le vendeur exerçant la faculté de rachat d'une somme forfaitaire destinée à indemniser l'acquéreur pour les inconvénients inhérents au réméré, en sus du prix principal, des frais et loyaux coûts de la vente, des réparations nécessaires et de celles ayant augmenté la valeur du fonds prévus par l'article 1673 alinéa 1er du code civil ; qu'au surplus, les consorts [H] ne rapportent pas la preuve, qui leur incombe, de l'absence de contrepartie aux frais susvisés qu'ils ont expressément autorisé le notaire rédacteur de l'acte de vente à prélever sur le prix pour être remis aux "divers intervenants" à l'instigation desquels les conditions financières de la vente à réméré ont été mises en place, leur obligation au paiement de ces frais restant valable quoique la cause n'en soit qu'imparfaitement exprimée dans l'acte qui ne précise pas l'identité de ces intervenants ; que d'autre part, il est constant que la condition suspensive de constitution d'un gage-espèces stipulée au profit des vendeurs au paragraphe 902 du compromis, ainsi rédigé : "Il est convenu qu'il sera versé par l'ACQUEREUR ou pour son compte, entre les mains du notaire désigné pour recevoir l'acte authentique, une somme égale au montant du prix et des frais (d'un montant approximatif de DOUZE MILLE CENT EUROS). Ce versement sera fait par l'ACQUEREUR à titre de sûreté, en garantie de son engagement d'acquérir. Il devra être effectué au plus tard le jour de la date la plus tardive prévue ci-dessous pour la signature de l'acte authentique. Le notaire qui recevra ce versement de CENT SOIXANTE SEPT MILLE CENT EUROS (167.100€) en deviendra automatiquement séquestre. La condition sera censée défaillie à défaut de la production par l'ACQUEREUR du justificatif de ce versement, sans préjudice de l'application de l'article 1178 du Code civil. Cette condition suspensive est une condition essentielle et déterminante du consentement du VENDEUR qui n'aurait pas contracté en l'absence de celle-ci. L'ACQUEREUR déclare avoir été parfaitement informé de la rigueur des conséquences en cas de non-réalisation de cette condition. Les parties rappellent que cette condition suspensive doit être appliquée strictement et ne pourra en aucune façon faire l'objet d'une prorogation ou d'une renonciation tacite, toute prorogation ou renonciation ne pouvant être qu'expresse et écrite", n'était, pas réalisée au 15 octobre 2010, date la plus tardive prévue pour la signature de l'acte authentique, de sorte que les consorts [H] étaient en droit de se prévaloir de la caducité de la vente au sens de l'article 1176 du code civil, comme indiqué au paragraphe 904 du compromis ; qu'ils ont passé outre et, au vu du projet d'acte que leur a transmis Me [B] [U] le 18 octobre 2010 avec la procuration pour vendre à lui retourner, ont régularisé le 21 du même mois cette procuration précisant expressément que le prix sera "payable à concurrence de la somme de DIX HUIT MILLE CINQ CENTS EUROS (18.500 €) le jour de la régularisation de Lacté authentique de vente et le solde de CENT TRENTE SIX MILLE CINQ CENTS EUROS (136.500 €) au plus tard dans le délai de 2 mois maximum à compter du jour de la régularisation de l'acte de vente, sans intérêt jusqu'à cette date", que "passé ce délai, cette somme sera productive d'intérêts au taux de SIX POUR CENT L'AN (6 %) l'an" et que "le VENDEUR déclare avoir été informé par Me [B] [U] [...] des risques encourus pour le cas où il ne serait pas en mesure d'exercer sa faculté de rachat", de sorte que l'acte authentique a été passé le lendemain sur cette base avec, en garantie du paiement du solde du prix et de tous frais et accessoires, affectation de l'immeuble vendu par privilège spécial expressément réservé aux vendeurs, inscrit par le notaire le 1er décembre 2010 à la conservation des hypothèques de [Localité 5], volume 2010V n°942, conformément aux articles 2374 1° et 2379 du code civil ; que s'ils ont ainsi renoncé sans équivoque dans un écrit à la caducité de la vente résultant de la non-réalisation de la condition suspensive de constitution d'un gage-espèces exclu par les modalités de paiement du prix de vente finalement convenues, le notaire ne justifie pas avoir attiré spécifiquement leur attention sur la possibilité de renoncer à la vente du fait de la défaillance de cette condition, ni sur les risques d'un paiement différé, même assorti d'une stipulation d'intérêts de retard et garanti par l'inscription du privilège du vendeur d'immeuble ; que ce manquement a, certes, permis à la SARL Credixis de ne s'acquitter du solde du prix qu'au-delà du terme convenu du 22 décembre 2010, ce lors de la revente du bien à M. [W] [G] le 5 mai 2011, soit quatre mois et demi plus tard ; que toutefois, il n'est pas démontré qu'il a fait obstacle au règlement des créanciers de Mme [O] [H] et à l'exercice de la faculté de rachat dans le délai restant de treize mois et demi, ni même qu'il a privé celle-ci, compte tenu de l'importance de son endettement, d'une chance sérieuse de trouver un autre acquéreur aux conditions initiales avant le 5 mai 2011 ou à des conditions plus favorables, la première offre d'achat à réméré formulée le 7 avril 2010 par M. [B] [F] portant sur un montant net, garantie d'occupation et honoraires déduits, de seulement 102 000 euros, mais tout au plus qu'il l'a empêchée de renégocier les clauses du contrat concernant l'indemnité d'occupation précaire d'un montant de 1 200 euros par mois qu'elle pouvait raisonnablement prétendre calculer au prorata du prix payé sur la période de six mois et demi écoulée du 22 octobre 2010 au 5 mai 2011, comme l'a accepté la SARL Credixis dans le message électronique que celle-ci lui a adressé le 15 avril 2011, sans que les parties s'accordent sur les modalités de cette réduction qui n'a donc pu être intégrée dans les comptes établis par le notaire ; que Mme [O] [A], veuve [H] ayant, dans ses messages électroniques des 7 avril et 9 mai 2011, admis avoir perçu de la SARL Credixis, en sus du versement comptant de 18 500 euros effectué à son profit le 22 octobre 2010 par la comptabilité du notaire, "6.000EUR par CB non comptabilisé par le notaire soit une somme totale de 24500EUR", et expressément demandé de prendre en compte cette "avance sur réméré hors comptabilité" de 6 000 euros, ainsi qu'une "avance loyers réméré" d'un montant de 1 200 euros, le prix payé s'établit à 24 500 euros (18 500 + 6 000), soit 15,81 % du prix total de 155 000 euros, ce qui aurait limité l'indemnité d'occupation temporaire exigible du 22 octobre 2010 au 5 mai 2011 à la somme de 1 233,18 euros (1 200 x 15,81 % x 6,5) au lieu de celle de 7 800 euros ressortant de la stricte application du contrat (1 200 x 6,5) ; que la différence de 6 566,82 euros (7 800 – 1 233,18) sera donc allouée à titre de dommages et intérêts aux consorts [H] ensemble en réparation du préjudice causé par le manquement susvisé de Me [B] [U] à son obligation de conseil et d'information ; que de troisième part, contrairement à ce que prétendent Mme [O] [A] veuve [H] et ses enfants, leur qualité de créanciers privilégiés, et non hypothécaires, n'obligeait nullement le notaire à les appeler à l'acte de revente du 5 mai 2011 ; que cet acte, conclu "sous les charges obligations et conditions particulières convenues entre la société Credixis et les consorts [H] aux termes de l'acte de vente reçu par le notaire soussigné le 22 Octobre 2010, ci-après textuellement rapportées", n'a transféré à M. [W] [G], sous-acquéreur, que les droits de propriété résolubles que la SARL Credixis, acheteur à réméré, tirait de l'acte du 22 octobre 2010, publié le 1er décembre 2010 à la conservation des hypothèques de [Localité 5], volume 2010P n°3930, étant rappelé que l'article 1664 du code civil autorise le vendeur à pacte de rachat à exercer son action contre un second acquéreur, quand même la faculté de rachat n'aurait pas été déclarée dans le second contrat ; qu'en outre, le prix de 155 000 euros versé par le sous-acquéreur permettait d'acquitter l'intégralité du solde du prix de vente initial restant dû par l'acquéreur ; que la répartition entre ceux-ci des frais et indemnités dont les consorts [H] se sont reconnus débiteurs aux termes du compromis n'a nullement préjudicié à ces derniers dont le compte, crédité le 5 mai 2011 de la somme de 136 500 euros représentant le solde du prix en principal avant déduction de l'avance de 6 000 euros déjà perçue hors comptabilité du notaire, a été valablement débité par le notaire le 9 du même mois des sommes de 21 600 euros au titre de l'indemnité d'occupation, de 18 600 euros au titre d'une "indemnité Investisseur correspondant aux frais d'étude, montage financier, préparation des actes, déplacement et gestion du dossier et de 9 800 euros (5 400 + 4 400) au titre des "Frais de Courtage" correspondant aux frais de l'investisseur, ainsi que du remboursement à la SARL Credixis des avances susvisées de 6 000 euros sur le prix et de 1 200 euros sur l'indemnité d'occupation et des frais de compromis de 299 euros que les vendeurs se sont expressément engagés à supporter en vertu du paragraphe 1306 du compromis ; que reste que Me [B] [U], qui a reçu pour mission dans l'acte authentique du 22 octobre 2010 de percevoir le prix de la vente et d'assurer grâce à celui-ci l'apurement de la situation hypothécaire, de la plus-value immobilière éventuelle et des dettes des vendeurs selon une liste certifiée sincère et véritable qu'aucune des parties ne communique bien que censée être annexée à l'acte (paragraphe 902 séquestre), ne s'est pas préoccupé des intérêts de retard au taux contractuel de 6 % l'an qui ont couru sur le solde du prix de 130 500 euros (155 000 – 24 500) du 22 décembre 2010 au 5 mai 2011, soit pendant 134 jours, en exécution de cet acte et dont le montant s'élevant à 2 874,58 euros (155 000 x 134/365 x 6 %) aurait dû être débité du compte de la SARL Credixis et crédité sur celui des consorts [H] en complément du solde du prix en principal sans requérir une demande particulière en ce sens de ces derniers dont l'absence de réaction à réception du relevé de compte du 31 mars 2012 ne saurait valoir acceptation ; que ce faisant, le notaire a failli à sa mission et s'expose à devoir indemniser les consorts [H] du manque à gagner de 2 874,58 euros ; que pour le surplus, l'obligation pour Mme [O] [A] veuve [H] de continuer à rembourser pendant quinze ans les mensualités du prêt immobilier souscrit auprès de la SA Sygma Banque, prêt dont le capital restant dû s'élevait à 61 606,44 euros au 2 novembre 2016 selon le tableau d'amortissement produit, et de poursuivre son activité professionnelle au-delà de l'âge de départ en retraite afin de faire face à ces échéances apparaît sans lien de causalité avec les fautes ci-dessus caractérisées du notaire, de sorte que les demandes indemnitaires formulées à ce titre, relatives au préjudice financier d'un montant de 125 460 euros et au préjudice moral d'un montant de 31 968 euros, ne peuvent qu'être rejetées ; que les dommages et intérêts mis à la charge de Me [B] [U] seront donc limités à la somme de 9 441,40 euros (6 566,82 + 2 874,58), assortie des intérêts au taux légal courant de plein droit à compter du prononcé du présent arrêt infirmatif conformément à l'article 1153-1 ancien (devenu 1231-7) alinéa 2 in fine du code civil ;
1°) ALORS QUE le notaire est tenu d'éclairer les parties sur la portée et les conséquences des actes auxquels il prête son ministère et d'en assurer l'utilité, l'efficacité et la sécurité, au besoin en procédant à la vérification des faits et des conditions nécessaires à cet effet ; que pour exclure toute faute de Me [U] pour avoir établi un compromis de vente insusceptible de permettre l'apurement des dettes de Mme [H] et l'obtention d'un nouveau crédit immobilier pour financer sa faculté de rachat, la cour d'appel a retenu que ce compromis, qui stipulait expressément que l'objectif de l'opération était de permettre au vendeur « de se restructurer financièrement et de sauvegarder son patrimoine », ne mentionnait pas le montant des dettes de Mme [H], pas plus que le solde, inclus dans ce montant, du crédit de restructuration souscrit le 29 mai 2007 et garanti par une inscription hypothécaire et le dépôt de son dossier de surendettement, et que le notaire ne pouvait personnellement se convaincre de l'impropriété de l'acte à atteindre l'objectif susvisé, sauf à recueillir des éléments d'appréciation supplémentaires sur l'opportunité économique de l'opération de vente à réméré envisagée, ce qu'il n'avait pas à faire ; qu'en statuant ainsi, cependant que le notaire, même s'il ne connaissait pas le montant exact des dettes de Mme [H] à apurer, se devait d'éclairer les parties sur l'efficacité de la transaction envisagée au regard de l'objectif recherché, visé au compromis, fut-ce en s'enquérant préalablement du passif de Mme [H] à apurer et/ou de tout élément utile, la cour d'appel a méconnu l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;
2°) ALORS QUE le notaire est tenu d'éclairer les parties sur la portée et les conséquences des actes auxquels il prête son ministère et d'en assurer l'utilité, l'efficacité et la sécurité, au besoin en procédant à la vérification des faits et des conditions nécessaires à cet effet ; que pour exclure toute faute de Me [U] pour avoir établi un compromis de vente insusceptible de permettre l'apurement des dettes de Mme [H] et l'obtention d'un nouveau crédit immobilier pour financer sa faculté de rachat, la cour d'appel a retenu qu'il ne pouvait personnellement s'en convaincre, sauf à recueillir des éléments d'appréciation supplémentaires sur l'opportunité économique de l'opération de vente à réméré envisagée, ce qu'il n'avait pas à faire ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si, pour assurer l'efficacité de l'acte prévoyant une opération dont l'objectif était de permettre au vendeur « de se restructurer financièrement et de sauvegarder son patrimoine », au moyen d'une vente immobilière au prix net de 105 000 euros, le notaire ne devait pas attirer l'attention du vendeur sur le prix de vente stipulé au compromis, dont les consorts [H] soulignaient qu'il ne se montait qu'à environ la moitié de l'estimation qui avait été faite de l'immeuble, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;
3°) ALORS QUE le notaire est tenu d'éclairer les parties sur la portée et les conséquences des actes auxquels il prête son ministère et d'en assurer l'utilité, l'efficacité et la sécurité ; que la cour d'appel ayant constaté que le compromis de vente prévoyait que le prix de la vente, initialement de 155 000 euros, devait être diminué de frais d'étude, montage financier, préparation des actes, déplacement et gestion du dossier (18 600 euros), de frais de l'investisseur (9 800 euros) et de l'avance sur indemnité d'occupation (21 600 euros), a relevé que la cause de ces frais n'était « qu'imparfaitement exprimée dans l'acte qui ne précis[ait] pas l'identité [des] intervenants » en bénéficiant ; qu'en omettant de rechercher, comme elle y était invitée par les consorts [H], qui stigmatisaient cette opacité, si le notaire n'avait pas manqué à son devoir d'information et de conseil en omettant d'attirer l'attention de Mme [H] sur ces frais non clairement justifiés, qui amputaient le prix de vente de 50 000 euros, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;
4°) ALORS QUE le devoir de conseil et d'information auquel est tenu le notaire a un caractère absolu, et qu'il y est donc soumis quelles que soient les compétences et connaissances personnelles des parties à l'acte qu'il dresse ; que pour exclure toute faute de Me [U] pour avoir établi un compromis de vente insusceptible de permettre l'apurement des dettes de Mme [H] et l'obtention d'un nouveau crédit immobilier pour financer sa faculté de rachat, la cour d'appel, constatant que le compromis stipulait que l'objectif de l'opération litigieuse était de permettre au vendeur « de se restructurer financièrement et de sauvegarder son patrimoine », a retenu que Mme [H] était mieux à même que quiconque de savoir que ses dettes, dont le montant de 175 394,12 euros ne figurait pas au compromis, pas plus que le solde, inclus dans ce montant, du crédit de restructuration souscrit le 29 mai 2007 et garanti par une inscription hypothécaire et le dépôt de son dossier de surendettement, ne pourraient être intégralement acquittées grâce au produit net de la vente fixé selon l'accord des parties à la somme de 105 000 euros, soit le prix de vente minoré des frais d'étude, montage financier, préparation des actes, déplacement et gestion du dossier, les frais de l'investisseur et l'avance sur indemnité d'occupation ; qu'en statuant ainsi par un motif insusceptible d'exclure la propre faute du notaire, tiré de la connaissance que Mme [H] avait de son passif et de sa capacité à se convaincre elle-même de l'inefficacité de l'opération envisagée pour apurer ses dettes et racheter son immeuble, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;
5°) ALORS QUE la cour d'appel a retenu que le notaire avait commis une faute en omettant d'attirer l'attention des consorts [H] sur la possibilité de renoncer à la vente en raison de la défaillance de la condition suspensive de constitution d'un gage-espèces stipulé à leur profit, et sur les risques d'un paiement différé, même assorti d'une stipulation d'intérêts de retard ; que, pour limiter à la somme de 6 566,82 euros la réparation due par le notaire de ce chef, la cour d'appel a considéré qu'il n'était pas démontré que cette faute ait empêché le règlement des créanciers de Mme [H] et sa faculté de rachat dans le délai restant, ni qu'elle ait privé celle-ci d'une chance sérieuse de trouver un autre acquéreur aux conditions initiales ou plus favorables avant le 5 mai 2011, et que l'obligation pour Mme [H] de continuer à rembourser pendant quinze ans les mensualités du prêt immobilier souscrit et de poursuivre son activité professionnelle au-delà de l'âge de départ en retraite pour y faire face était sans lien de causalité avec les fautes caractérisées du notaire, de sorte qu'il y avait lieu de rejeter les demandes indemnitaires au titre du préjudice financier de 125 460 euros et du préjudice moral ; qu'en statuant ainsi, tandis que si le notaire avait dûment attiré l'attention de Mme [H] sur sa faculté de renoncer, celle-ci aurait pu éviter de conclure la vente visant à lui permettre de « se restructurer financièrement et de sauvegarder son patrimoine », à l'issue de laquelle elle s'était au contraire trouvée à la fois privée de son patrimoine et tenue de régler pendant quinze ans les mensualités d'un emprunt immobilier d'un montant total de 125 460 euros, ce dont il résultait que le lien de causalité entre la faute commise et le préjudice subi était établi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;
6°) ALORS en toute hypothèse QUE la cour d'appel a retenu que le notaire avait commis une faute en omettant d'attirer l'attention des consorts [H] sur la possibilité de renoncer à la vente en raison de la défaillance de la condition suspensive de constitution d'un gage-espèces stipulé à leur profit, et sur les risques d'un paiement différé, même assorti d'une stipulation d'intérêts de retard ; que, pour limiter à la somme de 6 566,82 euros la réparation due par le notaire de ce chef, la cour d'appel a retenu que si cette faute avait permis à la société Credixis de s'acquitter du solde du prix après le terme convenu du 22 décembre 2010, et seulement lors de la revente du bien à M. [G] le 5 mai 2011, il n'était pas démontré qu'elle ait empêché le règlement des créanciers de Mme [H] et sa faculté de rachat dans le délai restant, ni qu'elle l'ait privée d'une chance sérieuse de trouver un autre acquéreur aux conditions initiales ou plus favorables avant le 5 mai 2011, et qu'au plus elle l'avait empêchée de renégocier les clauses du contrat sur l'indemnité d'occupation précaire pouvant raisonnablement être calculée au prorata du prix payé sur la période écoulée du 22 octobre 2010 au 5 mai 2011, et encore que l'obligation pour Mme [H] de continuer à rembourser pendant quinze ans les mensualités du prêt immobilier souscrit et de poursuivre son activité professionnelle au-delà de l'âge de départ en retraite pour y faire face était sans lien de causalité avec les fautes caractérisées du notaire, de sorte qu'il y avait lieu de rejeter les demandes indemnitaires au titre du préjudice financier de 125 460 euros et du préjudice moral ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la faute du notaire susvisée n'avait pas privé Mme [H] d'une chance de rechercher un autre montage moins pénalisant que cette vente à réméré qui ne lui permettait même pas d'apurer ses dettes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué, D'AVOIR condamné Me [U] à payer aux consorts [H] ensemble la seule somme de 9 441,20 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice financier, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour, et rejeté le surplus des demandes indemnitaires formulées à titre subsidiaire par les consorts [H] à hauteur de 39 506,97 euros ;
AUX MOTIFS QUE le notaire, tenu d'un devoir de conseil absolu, doit veiller à l'efficacité des actes qu'il dresse et informer les parties de toute circonstance susceptible d'y faire obstacle ; à défaut, il engage sa responsabilité sur le fondement de l'article 1382 ancien (devenu 1240) du code civil ; qu'il lui appartient également d'éclairer les parties et d'attirer leur attention sur la portée, les effets et les risques juridiques comme économiques des actes auxquels il confère la forme authentique, excepté les risques connus de tous, et, le cas échéant, de leur déconseiller de les signer ; [...] ; que les consorts [H] ne rapportent pas la preuve, qui leur incombe, de l'absence de contrepartie aux frais susvisés qu'ils ont expressément autorisé le notaire rédacteur de l'acte de vente à prélever sur le prix pour être remis aux "divers intervenants" à l'instigation desquels les conditions financières de la vente à réméré ont été mises en place, leur obligation au paiement de ces frais restant valable quoique la cause n'en soit qu'imparfaitement exprimée dans l'acte qui ne précise pas l'identité de ces intervenants ; que d'autre part, il est constant que la condition suspensive de constitution d'un gage-espèces stipulée au profit des vendeurs au paragraphe 902 du compromis, ainsi rédigé : "Il est convenu qu'il sera versé par l'ACQUEREUR ou pour son compte, entre les mains du notaire désigné pour recevoir l'acte authentique, une somme égale au montant du prix et des frais (d'un montant approximatif de DOUZE MILLE CENT EUROS). Ce versement sera fait par l'ACQUEREUR à titre de sûreté, en garantie de son engagement d'acquérir. Il devra être effectué au plus tard le jour de la date la plus tardive prévue ci-dessous pour la signature de l'acte authentique. Le notaire qui recevra ce versement de CENT SOIXANTE SEPT MILLE CENT EUROS (167.100€) en deviendra automatiquement séquestre. La condition sera censée défaillie à défaut de la production par l'ACQUEREUR du justificatif de ce versement, sans préjudice de l'application de l'article 1178 du Code civil. Cette condition suspensive est une condition essentielle et déterminante du consentement du VENDEUR qui n'aurait pas contracté en l'absence de celle-ci. L'ACQUEREUR déclare avoir été parfaitement informé de la rigueur des conséquences en cas de non-réalisation de cette condition. Les parties rappellent que cette condition suspensive doit être appliquée strictement et ne pourra en aucune façon faire l'objet d'une prorogation ou d'une renonciation tacite, toute prorogation ou renonciation ne pouvant être qu'expresse et écrite", n'était, pas réalisée au 15 octobre 2010, date la plus tardive prévue pour la signature de l'acte authentique, de sorte que les consorts [H] étaient en droit de se prévaloir de la caducité de la vente au sens de l'article 1176 du code civil, comme indiqué au paragraphe 904 du compromis ; qu'ils ont passé outre et, au vu du projet d'acte que leur a transmis Me [B] [U] le 18 octobre 2010 avec la procuration pour vendre à lui retourner, ont régularisé le 21 du même mois cette procuration précisant expressément que le prix sera "payable à concurrence de la somme de DIX HUIT MILLE CINQ CENTS EUROS (18.500 €) le jour de la régularisation de Lacté authentique de vente et le solde de CENT TRENTE SIX MILLE CINQ CENTS EUROS (136.500 €) au plus tard dans le délai de 2 mois maximum à compter du jour de la régularisation de l'acte de vente, sans intérêt jusqu'à cette date", que "passé ce délai, cette somme sera productive d'intérêts au taux de SIX POUR CENT L'AN (6 %) l'an" et que le VENDEUR déclare avoir été informé par Me [B] [U] [...] des risques encourus pour le cas où il ne serait pas en mesure d'exercer sa faculté de rachat", de sorte que l'acte authentique a été passé le lendemain sur cette base avec, en garantie du paiement du solde du prix et de tous frais et accessoires, affectation de l'immeuble vendu par privilège spécial expressément réservé aux vendeurs, inscrit par le notaire le 1er décembre 2010 à la conservation des hypothèques de [Localité 5], volume 2010V n°942, conformément aux articles 2374 1° et 2379 du code civil ; que s'ils ont ainsi renoncé sans équivoque dans un écrit à la caducité de la vente résultant de la non-réalisation de la condition suspensive de constitution d'un gage-espèces exclu par les modalités de paiement du prix de vente finalement convenues, le notaire ne justifie pas avoir attiré spécifiquement leur attention sur la possibilité de renoncer à la vente du fait de la défaillance de cette condition, ni sur les risques d'un paiement différé, même assorti d'une stipulation d'intérêts de retard et garanti par l'inscription du privilège du vendeur d'immeuble ; [...] qu'il n'est pas démontré [que ce manquement] a fait obstacle au règlement des créanciers de Mme [O] [H] et à l'exercice de la faculté de rachat dans le délai restant de treize mois et demi, ni même qu'il a privé celle-ci, compte tenu de l'importance de son endettement, d'une chance sérieuse de trouver un autre acquéreur aux conditions initiales avant le 5 mai 2011 ou à des conditions plus favorables, la première offre d'achat à réméré formulée le 7 avril 2010 par M. [B] [F] portant sur un montant net, garantie d'occupation et honoraires déduits, de seulement 102 000 euros, mais tout au plus qu'il l'a empêchée de renégocier les clauses du contrat concernant l'indemnité d'occupation précaire d'un montant de 1 200 euros par mois qu'elle pouvait raisonnablement prétendre calculer au prorata du prix payé sur la période de six mois et demi écoulée du 22 octobre 2010 au 5 mai 2011, comme l'a accepté la SARL Credixis dans le message électronique que celle-ci lui a adressé le 15 avril 2011, sans que les parties s'accordent sur les modalités de cette réduction qui n'a donc pu être intégrée dans les comptes établis par le notaire ; que Mme [O] [A] veuve [H] ayant, dans ses messages électroniques des 7 avril et 9 mai 2011, admis avoir perçu de la SARL Credixis, en sus du versement comptant de 18 500 euros effectué à son profit le 22 octobre 2010 par la comptabilité du notaire, "6.000EUR par CB non comptabilisé par le notaire soit une somme totale de 24500EUR", et expressément demandé de prendre en compte cette "avance sur réméré hors comptabilité" de 6 000 euros, ainsi qu'une "avance loyers réméré" d'un montant de 1 200 euros, le prix payé s'établit à 24 500 euros (18 500 + 6 000), soit 15,81 % du prix total de 155 000 euros, ce qui aurait limité l'indemnité d'occupation temporaire exigible du 22 octobre 2010 au 5 mai 2011 à la somme de 1 233,18 euros (1 200 x 15,81 % x 6,5) au lieu de celle de 7 800 euros ressortant de la stricte application du contrat (1 200 x 6,5) [...] ; qu'en outre, le prix de 155 000 euros versé par le sous-acquéreur permettait d'acquitter l'intégralité du solde du prix de vente initial restant dû par l'acquéreur ; que la répartition entre ceux-ci des frais et indemnités dont les consorts [H] se sont reconnus débiteurs aux termes du compromis n'a nullement préjudicié à ces derniers dont le compte, crédité le 5 mai 2011 de la somme de 136 500 euros représentant le solde du prix en principal avant déduction de l'avance de 6 000 euros déjà perçue hors comptabilité du notaire, a été valablement débité par le notaire le 9 du même mois des sommes de 21 600 euros au titre de l'indemnité d'occupation, de 18 600 euros au titre d'une "indemnité Investisseur correspondant aux frais d'étude, montage financier, préparation des actes, déplacement et gestion du dossier et de 9 800 euros (5 400 + 4 400) au titre des "Frais de Courtage" correspondant aux frais de l'investisseur, ainsi que du remboursement à la SARL Credixis des avances susvisées de 6 000 euros sur le prix et de 1 200 euros sur l'indemnité d'occupation et des frais de compromis de 299 euros que les vendeurs se sont expressément engagés à supporter en vertu du paragraphe 1306 du compromis ;
1°) ALORS QUE lorsqu'une obligation est contractée sous la condition qu'un événement arrivera dans un temps fixe, cette condition est censée défaillie lorsque le temps est expiré sans que l'événement soit arrivé ; que la cour d'appel a constaté que la validité du compromis de vente du 1er septembre 2010 avait expiré 15 octobre 2010, faute pour la condition suspensive stipulée au bénéfice du vendeur de s'être réalisée avant la date la plus tardive prévue pour la signature de l'acte authentique ; qu'en déclarant qu'en signant le mandat donné le 21 octobre 2010 à Me [U] aux fins de vente du bien immobilier et l'acte authentique de vente du 22 octobre 2010, les consorts [H] auraient « renoncé sans équivoque », par les modalités du prix de vente finalement convenues, à la caducité de l'avant contrat, de sorte que les consorts [H] auraient expressément autorisé le notaire à prélever sur le prix de vente les sommes de 18 600 euros au titre de « frais d'étude, montage financier, préparation des actes, déplacements et gestion du dossier », et de 9 800 euros au titre de « frais de l'investisseur », ainsi que, par avance, l'intégralité de l'indemnité d'occupation de 21 600 euros couvrant la période d'exercice de la faculté de rachat, et que leur obligation au paiement de ces frais était donc valable, cependant que seul le compromis de vente autorisait ces prélèvements, à l'exclusion du mandat et du contrat authentique de vente, et tout en constatant de surcroît que le notaire ne justifiait pas avoir attiré spécifiquement l'attention des consorts [H] sur la possibilité de renoncer à la vente du fait de la défaillance de la condition, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles 1176 et 1382 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
2°) ALORS QUE, excède ses pouvoirs, le mandataire qui établit un contrat de vente différant des conditions de vente énoncées dans le mandat ; que si le paiement par avance de l'indemnité d'occupation de 21 600 euros était prévu dans l'avant contrat du 1er septembre 2010 et visé dans l'acte authentique de vente du 22 octobre 2010, la procuration que Mme [H] a donnée le 21 octobre à Me [U] aux fins de vente de son bien immobilier ne prévoyait pas la possibilité, pour le notaire, de prélever cette indemnité d'occupation, qui plus est par avance et au titre de toute la période de rachat, pas plus qu'il ne l'autorisait à prélever les sommes de 18 600 euros au titre de « frais d'étude, montage financier, préparation des actes, déplacements et gestion du dossier » et de 9 800 euros au titre de « frais de l'investisseur » ; qu'en excluant que le notaire ait abusivement prélevé ces sommes, du fait que les consorts [H] ne rapportaient pas la preuve de l'absence de contrepartie aux frais susvisés qu'ils avaient expressément autorisé le notaire rédacteur de l'acte de vente à prélever sur le prix pour être remis à « divers intervenants », de sorte que leur obligation au paiement de ces frais était valable « quoique la cause n'en soit qu'imparfaitement exprimée dans l'acte qui ne précis[ait] pas l'identité de ces intervenants », la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;
3°) ALORS, subsidiairement, QUE le notaire est tenu d'éclairer les parties sur la portée et les conséquences des actes auxquels il prête son ministère et d'en assurer l'utilité, l'efficacité et la sécurité ; que la cour d'appel ayant constaté que le compromis de vente prévoyait que le prix de la vente, initialement de 155 000 euros, devait être diminué de frais d'étude, montage financier, préparation des actes, déplacement et gestion du dossier (18 600 euros), de frais de l'investisseur (9 800 euros) et de l'avance sur indemnité d'occupation (21 600 euros), a relevé que la cause de ces frais n'était « qu'imparfaitement exprimée dans l'acte qui ne précis[ait] pas l'identité [des] intervenants » en bénéficiant ; qu'en omettant de rechercher, comme elle y était invitée par les consorts [H], si le notaire n'avait pas manqué à son devoir d'information et de conseil en omettant d'attirer l'attention de Mme [H] sur ces frais non clairement justifiés, qui amputaient le prix de vente de 50 000 euros, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil.
Le greffier de chambre
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INCA/JURITEXT000047096664.xml
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 1er février 2023
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 78 F-D
Pourvoi n° F 21-15.614
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 1ER FÉVRIER 2023
La société Picolor, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° F 21-15.614 contre l'arrêt rendu le 2 février 2021 par la cour d'appel de Besançon (1re chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [S] [O], domicilié [Adresse 2],
2°/ à la société Legatis Dole, société d'exercice libéral par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Bruyère, conseiller, les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de la société Picolor, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [O], de la société Legatis Dole, après débats en l'audience publique du 13 décembre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Bruyère, conseiller rapporteur, M. Hascher, conseiller le plus ancien faisant fonction de conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 02 février 2021), par acte reçu le 10 juin 2005 par M. [O] (le notaire), membre de la société d'exercice libéral par action simplifiée Legatis Dole (la société notariale), la société Ateliers T4 a consenti une hypothèque à la société Picolor (la société).
2. L'hypothèque a été déclarée inopposable à la procédure collective de la société Ateliers T4.
3. Reprochant au notaire d'avoir fait inscrire tardivement l'hypothèque, la société l'a assigné avec la société notariale en responsabilité et indemnisation de son préjudice.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
5. La société fait grief à l'arrêt de condamner in solidum le notaire et la société notariale à lui payer la somme de 7 040 euros quand elle demandait celle de 70 400,93 euros, alors « que que les décisions qui ne sont pas motivées sont déclarées nulles, et que des motifs hypothétiques constituent un défaut de motifs ; qu'en réduisant de 90 % le préjudice subi par le créancier dont l'hypothèque avait été déclarée inopposable à la procédure de liquidation judiciaire par suite d'un manque de diligence du notaire aux motifs parfaitement hypothétiques que « le mandataire aurait eu toute latitude pour demander et obtenir du tribunal le report de la date de cessation des paiements à une date antérieure à l'inscription », la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
6. Après avoir énoncé exactement que le mandataire judiciaire disposait de la faculté de demander au tribunal le report de la date de cessation des paiements à une date antérieure à l'inscription et examiné la probalité pour celui-ci d'exercer ce droit, la cour d'appel a souverainement estimé, sans se fonder sur un motif hypothétique, que le préjudice résultant pour la société d'une inscription tardive n'était constitué que d'une perte de chance de 10 % d'être intégralement payée de sa créance.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Picolor aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Picolor et la condamne à payer à M. [O] et la société Legatis Dole la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille vingt-trois.
Le conseiller rapporteur le president
Le greffier de chambre
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat aux Conseils, pour la société Picolor.
La société Picolor fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné in solidum M. [O] et la société Legalis Dole à lui payer la somme de 7 040 € quand elle demandait celle de 70 400,93 € ;
1°) ALORS D'UNE PART QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction et qu'il ne peut fonder sa décision sur un moyen de droit relevé d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'ayant rappelé que le retard pris par le notaire à inscrire une hypothèque avait causé la perte définitive de la créance en raison de la liquidation judiciaire du débiteur, en soulevant d'office un moyen de droit tiré de l'existence d'une simple perte de chance du fait que « le mandataire aurait eu toute latitude pour demander et obtenir du tribunal le report de la date de cessation des paiements à une date antérieure à l'inscription » (arrêt, p. 5, 6e §), sans inviter les parties à s'expliquer sur cette éventualité, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
2°) ALORS D'AUTRE PART QUE les décisions qui ne sont pas motivées sont déclarées nulles, et que des motifs hypothétiques constituent un défaut de motifs ; qu'en réduisant de 90 % le préjudice subi par le créancier dont l'hypothèque avait été déclarée inopposable à la procédure de liquidation judiciaire par suite d'un manque de diligence du notaire aux motifs parfaitement hypothétiques que « le mandataire aurait eu toute latitude pour demander et obtenir du tribunal le report de la date de cessation des paiements à une date antérieure à l'inscription » (arrêt, p. 5, 6e §) la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
Le greffier de chambre
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INCA/JURITEXT000047096658.xml
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
SG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 1er février 2023
Désistement
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 71 FS-D
Pourvoi n° Z 20-12.154
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 1ER FÉVRIER 2023
M. [K] [Z], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Z 20-12.154 contre l'arrêt rendu le 3 octobre 2019 par la cour d'appel de Versailles (16e chambre), dans le litige l'opposant à la société Caisse régionale de crédit mutuel de Loire-Atlantique et du Centre Ouest, société coopérative de crédit, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Serrier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Krivine et Viaud, avocat de M. [Z], de la SCP Doumic-Seiller, avocat de la société Caisse régionale de crédit mutuel de Loire-Atlantique et du Centre Ouest, après débats en l'audience publique du 13 décembre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Serrier, conseiller référendaire rapporteur, M. Hascher, conseiller le plus ancien faisant fonction de conseiller doyen, MM. Bruyère, Ancel, conseillers, Mmes Dumas, Champ, Robin-Raschel, conseillers référendaires, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement
1. Par acte déposé au greffe de la Cour de cassation le 4 novembre 2022, la SCP Krivine et Viaud, avocat à cette Cour, a déclaré, au nom de M. [Z], se désister du pourvoi formé par lui contre l'arrêt rendu par la cour d'appel de Versailles, le 3 octobre 2019.
2. En application de l'article 1026, alinéa 2, du code de procédure civile, ce désistement, intervenu après le dépôt du rapport, doit être constaté par un arrêt.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
DONNE ACTE à M. [Z] du désistement total de son pourvoi ;
Condamne M. [Z] aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille vingt-trois.
Le conseiller referendaire rapporteur le president
Le greffier de chambre
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INCA/JURITEXT000047096672.xml
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
SG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 1er février 2023
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 88 F-D
Pourvoi n° X 21-19.884
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 1ER FÉVRIER 2023
M. [T] [Z], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° X 21-19.884 contre l'arrêt rendu le 12 novembre 2020 par la cour d'appel de Nouméa (chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Banque Calédonienne d'investissement, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à Mme [H] [B], épouse [Z], domiciliée [Adresse 3],
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dumas, conseiller référendaire, les observations de la SCP Richard, avocat de M. [Z], de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Banque Calédonienne d'investissement, après débats en l'audience publique du 13 décembre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Dumas, conseiller référendaire rapporteur, M. Hascher, conseiller le plus ancien faisant fonction de conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nouméa, 12 novembre 2020), par acte notarié du 24 juin 1997, M. [Z] et Mme [B] épouse [Z], mariés sous le régime de la séparation de biens, ont souscrit auprès de la société Banque calédonienne d'investissement (la société BCI) un prêt immobilier n° 19700200.
2. Par acte notarié du 25 mai 2005, la société BCI a consenti à M. [Z] un prêt immobilier n° 20502179. Mme [Z] est intervenue à l'acte et a consenti, avec M. [Z], à l'affectation de l'immeuble acquis en garantie du remboursement de la dette.
3. Le 12 juin 2008, la société BCI a notifié aux débiteurs la déchéance du terme des deux prêts.
4. Le 25 février 2009, elle a agi en licitation et partage de l'immeuble constituant le domicile conjugal. La licitation faisant suite au jugement du 26 novembre 2012 ne l'a pas entièrement désintéressée de sa créance, le bien étant grevé de plusieurs inscriptions et elle-même ayant laissé se périmer les siennes.
5. Par actes des 21 et 28 juillet 2016, elle a assigné en paiement du solde M. [Z] seul pour le second prêt et les deux emprunteurs solidairement pour le premier.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, ci-après annexé
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
7. M. [Z] fait grief à l'arrêt de juger la société BCI recevable en son action, puis de le condamner à payer à celle-ci certaines sommes au titre des deux prêts, alors « qu'une demande en licitation-partage, qui n'a pas la nature d'une demande en paiement, ni d'un acte d'exécution forcé, ne constitue pas en elle-même un acte interruptif du délai de prescription d'une demande en paiement formée en justice ; qu'en jugeant néanmoins recevable la demande en paiement de la société BCI, motif pris que le délai de prescription biennale avait été interrompu par sa requête introductive d'instance du 27 février 2009 aux fins de licitation-partage, la Cour d'appel a violé l'article L. 137-2 du Code de la consommation, ensemble les articles 2241 et 2244 du Code civil applicable à la Nouvelle-Calédonie. »
Réponse de la Cour
8. En application de l'article 2241 du code civil applicable en Nouvelle-Calédonie, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.
9. Dès lors, l'action engagée par le créancier d'un indivisaire, sur le fondement de l'article 815-17, alinéa 3, du code civil, applicable en Nouvelle-Calédonie, par laquelle il revendique sa créance, interrompt le délai de prescription de l'action en recouvrement de celle-ci.
10. Dès lors, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que, si, par son assignation ayant donné lieu au jugement du 26 novembre 2012, la société BCI avait diligenté une action en licitation-partage du bien indivis, elle avait pour principal but d'obtenir le paiement de ses créances, les échéances des deux prêts n'étaient plus honorées, de sorte que le premier acte interruptif de la prescription biennale était la requête introductive d'instance en licitation-partage délivrée le 27 février 2009.
11. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [Z] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [Z] et le condamne à payer à la société Banque calédonienne d'investissement la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille vingt-trois.
Le conseiller referendaire rapporteur le president
Le greffier de chambre MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour M. [Z]
Monsieur [T] [Z] FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir jugé la Société BANQUE CALEDONIENNE D'INVESTISSEMENT (BCI) recevable en son action, puis de l'avoir condamné à payer à cette dernière, au titre du prêt n° 20502179, la somme de 27.662.129 FCFP en principal, arrêtée au 23 juin 2014, outre intérêts de droit, et solidairement avec Madame [H] [B], au titre du prêt n° 19700200, la somme de 8.679.360 FCFP en principal, arrêtée au 28 juin 2016, outre intérêts de droit ;
1°) ALORS QU'une demande en licitation-partage, qui n'a pas la nature d'une demande en paiement, ni d'un acte d'exécution forcé, ne constitue pas en elle-même un acte interruptif du délai de prescription d'une demande en paiement formée en justice ; qu'en jugeant néanmoins recevable la demande en paiement de la Société BANQUE CALEDONIENNE D'INVESTISSEMENT, motif pris que le délai de prescription biennale avait été interrompu par sa requête introductive d'instance du 27 février 2009 aux fins de licitation-partage, la Cour d'appel a violé l'article L 137-2 du Code de la consommation, ensemble les articles 2241 et 2244 du Code civil applicable à la Nouvelle-Calédonie ;
2°) ALORS QUE, subsidiairement, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement ; qu'il faut que la chose demandée soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause, que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité ; qu'en décidant que la demande en paiement de la Société BANQUE CALEDONIENNE D'INVESTISSEMENT ne se heurtait pas à l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du Tribunal de première instance de Nouméa du 26 novembre 2012, qui avait statué sur sa requête aux fins de licitation-partage de l'immeuble indivis du 27 février 2009, après avoir pourtant décidé que ce jugement avait statué sur la demande en paiement de la Banque, pour en déduire que le délai de prescription biennale avait été interrompu, ce dont il résultait que la chose demandée était la même que celle dont elle était de nouveau saisie, qu'elle était fondée sur la même cause et que le jugement avait été rendu entre les mêmes parties, de sorte qu'il était revêtu de l'autorité de la chose jugée, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1351 du Code civil applicable à la Nouvelle-Calédonie ;
3°) ALORS QUE, très subsidiairement, à l'égard d'une dette payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à l'égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance, de sorte que l'action en paiement des mensualités impayées se prescrit à compter de leurs dates d'échéance successives ; qu'en se bornant à rappeler, pour décider que l'action en paiement de la Société BANQUE CALEDONIENNE D'INVESTISSEMENT n'était pas prescrite, que l'action en paiement du capital restant dû se prescrit par deux ans à compter de la déchéance du termes qui emporte son exigibilité, sans rechercher si les échéances impayées antérieures à la déchéance du terme, dont la banque demandait le paiement, étaient prescrites au regard de leurs dates d'échéance successives, la Cour d'appel a violé l'article L 137-2 du Code de la consommation, ensemble les articles 2224 et 2233 du Code civil applicable à la Nouvelle-Calédonie.
Le greffier de chambre
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 1er février 2023
Cassation partielle
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 80 F-D
Pourvoi n° N 21-18.817
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 1ER FÉVRIER 2023
Mme [P] [I], épouse [N], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° N 21-18.817 contre l'arrêt rendu le 15 avril 2021 par la cour d'appel de Rouen (chambre de la proximité), dans le litige l'opposant à la société Crédit foncier et communal d'Alsace et de Lorraine, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dumas, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [I], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Crédit foncier et communal d'Alsace et de Lorraine, et l'avis de M. Salomon, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 décembre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Dumas, conseiller référendaire rapporteur, M. Hascher, conseiller le plus ancien faisant fonction de doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 15 avril 2021), suivant offre émise le 12 mars 2014, Mme [N] (l'emprunteur) a souscrit un contrat de regroupement de crédits à la consommation auprès de la société Crédit foncier et communal d'Alsace et de Lorraine (la banque).
2. Le 26 mars 2019, l'emprunteur a assigné la banque en déchéance du droit aux intérêts, subsidiairement en nullité de la clause stipulant l'intérêt conventionnel, avant de procéder au remboursement anticipé du prêt.
Examen des moyens
Sur le deuxième moyen, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. L'emprunteur fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande de déchéance du droit aux intérêts, alors « que la prescription de l'action en déchéance du droit aux intérêts, lorsqu'elle est fondée sur une erreur qui était décelable à la seule lecture de l'offre de crédit, ne peut courir qu'à compter du jour de la conclusion du contrat ; qu'en l'espèce, en retenant, après avoir relevé que dès la lecture de l'offre de prêt, l'emprunteur était informé de ce que le taux annuel effectif global ne prenait pas en compte les frais hypothécaires, que c'était à la date de cette offre que partait le point de départ du délai de la prescription liée à une erreur de calcul du taux annuel effectif global de ce fait puisque c'était à compter de cette offre qu'elle disposait de tous les éléments lui permettant de procéder à la comparaison entre plusieurs offres émises par des établissements de crédit différents et de recalculer le taux annuel effectif global, la cour d'appel a violé l'article L. 311-48 du code de la consommation dans sa version issue de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, l'article L. 110-4 du code de commerce, ensemble l'article 2224 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 311-48 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, l'article L. 110-4 du code de commerce et l'article 2224 du code civil :
5. Le délai de prescription de l'action en déchéance du droit aux intérêts d'un crédit à la consommation commence à courir, au plus tôt, le jour de l'acceptation de l'offre.
6. Pour déclarer irrecevable l'action en déchéance du droit aux intérêts de l'emprunteur, l'arrêt retient que celui-ci a assigné la banque le 26 mars 2019 et que l'offre de prêt a été émise le 12 mars 2014, de sorte que la demande a été formée plus de cinq ans après le jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître l'erreur affectant le taux annuel effectif global.
7. En statuant ainsi, alors que le délai de prescription de l'action en déchéance du droit aux intérêts avait commencé à courir, au plus tôt, le jour de l'acceptation de l'offre, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
8. L'emprunteur fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'à défaut d'agrément par le prêteur dans le délai légal de sept jours courant à partir de l'acceptation de l'offre par l'emprunteur, le contrat de prêt n'est formé que par la manifestation par cet emprunteur de son intention de bénéficier du crédit qui lui a finalement été consenti ; qu'en l'espèce, ainsi que l'emprunteur le faisait valoir dans ses conclusions d'appel, la banque ne lui avait pas fait connaître sa décision de lui accorder le crédit avant le 31 mars 2014, soit au-delà du délai de sept jours à compter de son acceptation de l'offre intervenue le 13 mars 2014, de sorte que le contrat de crédit n'avait pu se former avant cette date du 31 mars 2014, ce dont il résultait qu'elle avait introduit son action en déchéance du droit aux intérêts par acte du 26 mars 2019 avant l'expiration du délai de prescription quinquennal prévu par l'article L. 110-4 du code de la consommation ; qu'en l'espèce, en retenant, pour déclarer prescrite l'action, que c'était à la date de l'offre de prêt que partait le point de départ du délai de la prescription liée à une erreur de calcul du taux annuel effectif global puisque c'était à compter de cette offre que l'emprunteur disposait de tous les éléments lui permettant de procéder à la comparaison entre plusieurs offres émises par des établissements de crédit différents et de recalculer le taux annuel effectif global, sans rechercher si un tel point de départ du délai de prescription ne devait pas être fixé au jour de la formation du contrat de crédit intervenue, au regard de l'agrément tardif de l'emprunteur par la banque, moins de cinq ans avant l'introduction de son action, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 311-48, alinéa 1er, du code de la consommation dans sa version issue de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, l'article L. 110-4 du code de commerce et l'article 2224 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 311-13 et L. 311-48 du code de la consommation, dans leur rédaction issue de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, l'article L. 110-4 du code de commerce et l'article 2224 du code civil :
9. Lorsque le prêteur n'a pas fait connaître à l'emprunteur, dans un délai de sept jours à compter de l'acceptation de l'offre, sa décision d'accorder le crédit à la consommation, le contrat ne devient parfait qu'après que l'emprunteur a manifesté son intention d'en bénéficier, ce qui a pour effet de différer le point de départ du délai de prescription de l'action en déchéance du droit aux intérêts, à supposer qu'il soit concomitant à la formation du contrat.
10. Pour déclarer irrecevable l'action en déchéance du droit aux intérêts de l'emprunteur, l'arrêt retient que celui-ci a assigné la banque le 26 mars 2019 et que l'offre de prêt a été émise le 12 mars 2014, de sorte que la demande a été formée plus de cinq ans après le jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître l'erreur affectant le taux annuel effectif global.
11. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si l'agrément tardif de la banque n'avait pas reporté la formation du contrat de crédit moins de cinq ans avant l'introduction de l'action en déchéance du droit aux intérêts, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés.
Et sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
12. L'emprunteur fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en restitution de l'indemnité de remboursement anticipé, alors « que la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions de la décision censurée qui présentent un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire entre elles ; qu'en l'espèce, la cassation à intervenir sur le premier moyen du pourvoi relatif au chef de l'arrêt ayant déclaré l'emprunteur irrecevable en sa demande tendant à la déchéance du droit de la banque aux intérêts, entraînera la cassation, par voie de conséquence, du chef de dispositif de l'arrêt l'ayant déboutée de sa demande tendant à voir condamner la banque à lui restituer la somme de 881,39 euros versée à titre d'indemnité de résiliation anticipée du contrat de crédit, en application de l'article 624 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 624 du code de procédure civile :
13. Selon ce texte, la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions de la décision cassée se trouvant dans un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.
14. La cassation prononcée sur le premier moyen entraîne, par voie de conséquence, celle des dispositions de l'arrêt rejetant la demande de restitution de l'indemnité de remboursement anticipé du crédit, qui se trouve avec elle dans un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute Mme [N] de sa demande de nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels, l'arrêt rendu le 15 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;
Condamne la société Crédit foncier et communal d'Alsace et de Lorraine aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Crédit foncier et communal d'Alsace et de Lorraine et la condamne à payer à Mme [N] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille vingt-trois. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme [I].
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Mme [P] [I] veuve [N] FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué de l'AVOIR déclarée irrecevable en sa demande tendant à la déchéance du CFCAL de son droit aux intérêts ;
1) ALORS QUE la prescription de l'action en déchéance du droit aux intérêts, lorsqu'elle est fondée sur une erreur qui était décelable à la seule lecture de l'offre de crédit, ne peut courir qu'à compter du jour de la conclusion du contrat ; qu'en l'espèce, en retenant, après avoir relevé que dès la lecture de l'offre de prêt, Mme [P] [I] veuve [N] était informée de ce que le TAEG ne prenait pas en compte les frais hypothécaires, que c'était à la date de cette offre que partait le point de départ du délai de la prescription liée à une erreur de calcul du TAEG de ce fait puisque c'était à compter de cette offre qu'elle disposait de tous les éléments lui permettant de procéder à la comparaison entre plusieurs offres émises par des établissements de crédit différents et de recalculer le TAEG, la cour d'appel a violé l'article L. 311-48 du code de la consommation dans sa version issue de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, l'article L. 110-4 du code de commerce, ensemble l'article 2224 du code civil ;
2) ALORS QU'à défaut d'agrément par le prêteur dans le délai légal de sept jours courant à partir de l'acceptation de l'offre par l'emprunteur, le contrat de prêt n'est formé que par la manifestation par cet emprunteur de son intention de bénéficier du crédit qui lui a finalement été consenti ; qu'en l'espèce, ainsi que Mme [P] [I] veuve [N] le faisait valoir dans ses conclusions d'appel, le CFCAL ne lui avait pas fait connaître sa décision de lui accorder le crédit avant le 31 mars 2014, soit au-delà du délai de sept jours à compter de son acceptation de l'offre intervenue le 13 mars 2014, de sorte que le contrat de crédit n'avait pu se former avant cette date du 31 mars 2014, ce dont il résultait qu'elle avait introduit son action en déchéance du droit aux intérêts par acte du 26 mars 2019 avant l'expiration du délai de prescription quinquennal prévu par l'article L. 110-4 du code de la consommation ; qu'en l'espèce, en retenant, pour déclarer prescrite l'action, que c'était à la date de l'offre de prêt que partait le point de départ du délai de la prescription liée à une erreur de calcul du TAEG puisque c'était à compter de cette offre que Mme [P] [I] veuve [N] disposait de tous les éléments lui permettant de procéder à la comparaison entre plusieurs offres émises par des établissements de crédit différents et de recalculer le TAEG, sans rechercher si un tel point de départ du délai de prescription ne devait pas être fixé au jour de la formation du contrat de crédit intervenue, au regard de l'agrément tardif de Mme [P] [I] veuve [N] par le CFCAL, moins de cinq ans avant l'introduction de son action, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 311-48, alinéa 1er, du code de la consommation dans sa version issue de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, de l'article L. 110-4 du code de commerce, ensemble l'article 2224 du code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Mme [P] [I] veuve [N] FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué de l' AVOIR déboutée de ses demandes de nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels et de ses demandes subséquentes ;
ALORS QUE tout jugement doit être motivé ; qu'en l'espèce, Mme [P] [I] veuve [N] sollicitait la nullité de la stipulation d'intérêts contractuels au regard notamment de l'erreur affectant le TAEG mentionné dans le contrat de crédit en ce qu'il ne tenait pas compte du coût réel des garanties s'élevant à la somme de 1 632 euros ; qu'en se bornant à énoncer, pour retenir que la nullité de la stipulation d'intérêts contractuels n'avait pas lieu d'être prononcée, que l'expertise ne démontrait pas que le calcul des intérêts conventionnels sur une base de 360 jours aurait entraîné une différence de taux de plus de 0,1 %, sans fournir aucun motif relatif à l'erreur invoquée au titre de ce que le TAEG ne tenait pas compte du coût réel des garanties s'élevant à la somme de 1 632 euros, la cour d'appel a entaché son arrêt d'un défaut de motifs en violation de l'article 455 du code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Mme [P] [I] veuve [N] FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué de l'AVOIR déboutée de sa demande tendant à voir condamner le CFCAL à lui restituer la somme de 881,39 euros versée à titre d'indemnité de résiliation anticipée du contrat de crédit ;
ALORS QUE la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions de la décision censurée qui présentent un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire entre elles ; qu'en l'espèce, la cassation à intervenir sur le premier moyen du pourvoi relatif au chef de l'arrêt ayant déclaré Mme [P] [I] veuve [N] irrecevable en sa demande tendant à la déchéance du droit du CFCAL aux intérêts, entraînera la cassation, par voie de conséquence, du chef de dispositif de l'arrêt l'ayant déboutée de sa demande tendant à voir condamner le CFCAL à lui restituer la somme de 881,39 euros versée à titre d'indemnité de résiliation anticipée du contrat de crédit, en application de l'article 624 du code de procédure civile.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 1er février 2023
Cassation partielle
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 81 F-D
Pourvoi n° N 21-19.047
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 1ER FÉVRIER 2023
1°/ Mme [Z] [F], domiciliée [Adresse 7],
2°/ la société Doudou Bé, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 8],
ont formé le pourvoi n° N 21-19.047 contre l'arrêt rendu le 19 mars 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 1), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Buildinvest, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à Mme [M] [P], domiciliée [Adresse 3],
3°/ à la société Renaud Herbert et Thierry Collanges, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 5], venant aux droits de la SCP Herbert Jacques Collanges,
4°/ à la société Fides, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 6], représentée par M. [B] [H], pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société Clasa,
5°/ à la société Mutuelles du Mans assurances IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],
6°/ à la Société générale, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4],
défenderesses à la cassation.
La Société générale a formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt ;
Les demanderesses au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dumas, conseiller référendaire, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de Mme [F], de la société Doudou Bé, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Renaud Herbert et Thierry Collanges, de la société Mutuelles du Mans assurances IARD, de la SCP Spinosi, avocat de la Société générale, après débats en l'audience publique du 13 décembre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Dumas, conseiller référendaire rapporteur, M. Hascher, conseiller le plus ancien faisant fonction de conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à Mme [F] et à la société Doudou Bé du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Buildinvest, Mme [P] et la société Fides, prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société Clasa.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 mars 2021), par acte notarié reçu le 10 mai 1990 par la société civile professionnelle de notaires Renaud Herbert Nadia Jacques et Thierry Collanges, aux droits de laquelle vient la société civile professionnelle Renaud Herbert et Thierry Collanges (la SCP), la société Clasa a vendu en l'état futur d'achèvement à la société MV-II les lots de la deuxième tranche d'un ensemble immobilier.
3. Par acte notarié reçu le 30 décembre 1991 par la SCP, la société MV-II a vendu l'un des lots à la société Doudou Bé, dont Mme [F] était l'unique associée.
4. Par acte notarié reçu le 23 février 2006 par la SCP, la société Doudou Bé a elle-même vendu ce lot à Mme [P].
5. Le 18 novembre 2010, la société Doudou Bé et Mme [F] ont assigné la société Fides, prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société Clasa, la société Buildinvest, venant aux droits de la société MV-II, Mme [P], la SCP et son assureur, la société Mutuelles du Mans IARD, ainsi que la Société générale, en annulation des contrats conclus.
Examen des moyens
Sur le moyen unique du pourvoi incident éventuel, qui est préalable
Enoncé du moyen
6. La Société générale fait grief à l'arrêt de déclarer recevables les demandes de nullité des ventes du 10 mai 1990 et du 30 décembre 1991, ainsi que du prêt formées par la société Doudou Bé et Mme [F], alors « que la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile en déclarant recevable l'action en nullité intentée par la société Doudou Bé, sans répondre au moyen, péremptoire, par lequel la Société générale soutenait que la première n'avait pas d'intérêt légitime à agir en nullité de l'acte du 30 décembre 1991, dans la mesure où la nullité en cause ne résultait que de sa propre défaillance. »
Réponse de la Cour
7. En retenant qu'une action déloyale ne privait pas d'intérêt à agir son auteur et que la société Doudou Bé était en droit d'invoquer à l'encontre de son cocontractant, la société MV-II, son propre défaut de personnalité morale pour agir en nullité absolue du contrat de vente conclu le 30 décembre 1991, la cour d'appel a implicitement mais nécessairement écarté le moyen tiré du défaut de personnalité juridique de la société Doudou Bé lors de la conclusion de l'acte litigieux.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal
Enoncé du moyen
9. La société Doudou Bé fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes fondées sur le prêt qui lui aurait été consenti par la Société générale, alors « que la Société générale ne contestait pas l'existence du prêt consenti à la société Doudou Bé dont cette dernière sollicitait la nullité et faisait, au contraire, valoir qu'il n'était pas contestable qu'elle avait débloqué les fonds pour financer l'acquisition litigieuse, que l'obligation de remboursement de la société Doudou Bé était ainsi causée et que ledit prêt n'était entaché d'aucune cause de nullité ; qu'en énonçant, pour débouter la société Doudou Bé de toutes ses demandes fondées sur le prêt qui lui aurait été consenti par la Société générale, que la société Doudou Bé ne versait pas aux débats l'acte de prêt et se bornait à produire une offre de prêt par acte sous seing privé du 23 décembre 1991 précisant que la mise à disposition n'interviendrait qu'« après la signature du contrat sous seing privé ou notarié et constitution des garanties mentionnées dans la présente offre » et que la Société générale, qui concluait au débouté de la demande formée contre elle par la société Doudou Bé, indiquait qu'elle ne détenait plus aucune pièce en raison de l'ancienneté des faits, la cour d'appel qui a jugé que la société Doudou Bé n'apportait pas la preuve du prêt dont elle demandait la nullité, lequel n'était pourtant pas contesté en son existence par la Société générale qui se prévalait, au contraire, de sa validité et de son exécution, a méconnu les termes du litige et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code de procédure civile :
10. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
11. Pour rejeter les demandes fondées sur le prêt invoqué par la société Doudou Bé et Mme [F], l'arrêt retient que celles-ci ne versent pas aux débats l'acte de prêt et que les éléments produits ne permettent pas de statuer sur l'existence des créances invoquées à ce titre à l'encontre de la Société générale.
12. En statuant ainsi, alors que la Société générale ne contestait pas l'existence du prêt invoqué, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé.
Et sur le second moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
13. Mme [F] et la société Doudou Bé font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes d'indemnisation au titre des préjudices résultant de la nullité du contrat de vente du 30 décembre 1991, alors « que le paiement des charges de copropriété et des taxes foncières par l'acquéreur d'un bien dont la vente est ultérieurement annulée constitue un préjudice indemnisable ; qu'en retenant, pour débouter la société Doudou Bé de ses demandes indemnitaires au titre des charges de copropriété et des taxes foncières relatives au lot acquis le 30 décembre 1991 de la société MV-II, que ces frais avaient été acquittés en qualité de propriétaire et ne constituaient donc pas des préjudices indemnisables mais des créances de restitution, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil :
14. Pour rejeter la demande indemnitaire formée au titre de la taxe foncière et des charges de copropriété, l'arrêt retient que ces frais constituent des créances de restitution et non des préjudices indemnisables.
15. En statuant ainsi, alors que le paiement de la taxe foncière et des charges de copropriété par l'acquéreur d'un bien immobilier dont la vente a été ultérieurement annulée constitue un préjudice indemnisable, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du premier moyen du pourvoi principal, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute la société Doudou Bé de ses demandes fondées sur le prêt qui lui aurait été consenti par la Société générale et en ce qu'il déboute la société Doudou Bé et Mme [F] de leurs demandes indemnitaires au titre de la taxe foncière et des charges de copropriété, l'arrêt rendu le 19 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne la Société générale, la société civile professionnelle Renaud Herbert et Thierry Collanges et la société Mutuelles du Mans IARD aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la Société générale, la société civile professionnelle Renaud Herbert et Thierry Collanges et la société Mutuelles du Mans Iard, et condamne celles-ci à payer à la société Doudou Bé et à Mme [F] la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille vingt-trois. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SAS Buk Lament-Robillot, avocat aux Conseils, pour Mme [F] et la société Doudou Bé, demanderesses au pourvoi principal.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
La société Doudou Bé fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de toutes ses demandes fondées sur le prêt qui lui aurait été consenti par la Société générale ;
1°) ALORS QUE la Société générale ne contestait pas l'existence du prêt consenti à la société Doudou Bé dont cette dernière sollicitait la nullité et faisait, au contraire, valoir qu'il n'était pas contestable qu'elle avait débloqué les fonds pour financer l'acquisition litigieuse, que l'obligation de remboursement de la société Doudou Bé était ainsi causée et que ledit prêt n'était entaché d'aucune cause de nullité (conclusions de la Société Générale, p. 13-14) ; qu'en énonçant, pour débouter la société Doudou Bé de toutes ses demandes fondées sur le prêt qui lui aurait été consenti par la Société générale, que la société Doudou Bé ne versait pas aux débats l'acte de prêt et se bornait à produire une offre de prêt par acte sous seing privé du 23 décembre 1991 précisant que la mise à disposition n'interviendrait qu' « après la signature du contrat sous seing privé ou notarié et constitution des garanties mentionnées dans la présente offre » et que la Société générale, qui concluait au débouté de la demande formée contre elle par la société Doudou Bé, indiquait qu'elle ne détenait plus aucune pièce en raison de l'ancienneté des faits, la cour d'appel qui a jugé que la société Doudou Bé n'apportait pas la preuve du prêt dont elle demandait la nullité, lequel n'était pourtant pas contesté en son existence par la Société générale qui se prévalait, au contraire, de sa validité et de son exécution, a méconnu les termes du litige et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE un contrat est formé par la rencontre d'une offre et d'une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s'engager, de sorte que l'offre de prêt d'un établissement de crédit acceptée par l'emprunteur vaut acte de prêt ; qu'en énonçant, pour débouter la société Doudou Bé de toutes ses demandes fondées sur le prêt qui lui aurait été consenti par la Société générale, que la société Doudou Bé ne versait pas aux débats l'acte de prêt et se bornait à produire une offre de prêt par acte sous seing privé du 23 décembre 1991 précisant que la mise à disposition n'interviendrait qu' « après la signature du contrat sous seing privé ou notarié et constitution des garanties mentionnées dans la présente offre », sans rechercher si ladite offre de prêt n'avait pas été signée et partant acceptée par la société Doudou Bé et ne constituait pas en conséquence l'acte de prêt liant les parties, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1101, 1315 et 1134 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable au litige.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Mme [Z] [F] et la société Doudou Bé font grief à l'arrêt attaqué de les avoir déboutées de leurs demandes de condamnation à l'indemnisation des préjudices résultant de la nullité de la vente du 30 décembre 1991 par la société civile professionnelle de notaires Renaud Herbert Nadia Jacques et Thierry Collanges, aux droits de laquelle est venue la société civile professionnelle Renaud Herbert et Thierry Collanges in solidum avec la société Les Mutuelles du Mans assurances Iard ;
ALORS QUE le paiement des charges de copropriété et des taxes foncières par l'acquéreur d'un bien dont la vente est ultérieurement annulée constitue un préjudice indemnisable ; qu'en retenant, pour débouter la société Doudou Bé de ses demandes indemnitaires au titre des charges de copropriété et des taxes foncières relatives au lot acquis le 30 décembre 1991 de la société MV-II, que ces frais avaient été acquittés en qualité de propriétaire et ne constituaient donc pas des préjudices indemnisables mais des créances de restitution, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil. Moyen produit par la SCP Spinosi, avocat aux Conseils, pour la Société générale, demanderesse au pourvoi incident éventuel.
La SOCIETE GENERALE reproche à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré recevables les demandes de nullité des ventes du 10 mai 1990 et du 30 décembre 1991 ainsi que du prêt formées par la société DOUDOU BE et Madame [Z] [F].
Alors que la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile en déclarant recevable l'action en nullité intentée par la société DOUDOU BE, sans répondre au moyen, péremptoire, par lequel la SOCIETE GENERALE soutenait que la première n'avait pas d'intérêt légitime à agir en nullité de l'acte du 30 décembre 1991, dans la mesure où la nullité en cause ne résultait que de sa propre défaillance (conclusions d'appel, p. 12).
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INCA/JURITEXT000047096673.xml
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
SG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 1er février 2023
Rectification d'erreur matérielle
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 89 F-D
Pourvoi n° K 21-18.493
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 1ER FÉVRIER 2023
1°/ Mme [P] [I], veuve [F], ayant élu domicile en France chez Mme [W] [F], demeurant [Adresse 2], domiciliée [Adresse 5] (Gabon),
2°/ M. [S] [F], domicilié [Adresse 3],
3°/ M. [T] [F], ayant élu domicile en France chez Mme [W] [F], demeurant [Adresse 2], domicilié [Adresse 5] (Gabon),
4°/ Mme [W] [F], domiciliée [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° K 21-18.493 contre l'ordonnance rendue le 22 avril 2021 par le tribunal judiciaire de Montpellier, dans le litige les opposant à Mme [C] [J], épouse [D], domiciliée [Adresse 4], défenderesse à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Champ, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de Mme [I], veuve [F], de MM. [S] et [T] [F] et de Mme [F], de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de Mme [J], après débats en l'audience publique du 13 décembre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Champ, conseiller référendaire rapporteur, M. Hascher, conseiller le plus ancien faisant fonction de conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Vu l'article 462 du code de procédure civile :
1. Une erreur matérielle a été commise dans la rédaction de l'arrêt n° 759 du 9 novembre 2022, pourvoi n° K21-18.493, en ce que p. 3, il est fait une référence erronée à Mme [I], veuve [F], Mme [W] [F] et MM. [T] et [N] [F] au titre de la condamnation aux dépens et en application de l'article 700 du code de procédure civile, étant précisé qu'il est indiqué de manière erronée MM. [T] et [N] [F] au lieu de MM. [T] et [S] [F].
2. Il y a lieu de réparer ces erreurs.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
RECTIFIE l'arrêt n° 759 du 9 novembre 2022 ;
REMPLACE, en page 3, les paragraphes :
« Condamne Mme [I], veuve [F], Mme [W] [F] et MM. [T] et [N] [F] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [I], veuve [F], Mme [W] [F] et MM. [T] et [N] [F] et les condamne à payer à Mme [J] la somme de 3 000 euros ; »
par les paragraphes
« Condamne Mme [J] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [J] et la condamne à payer à Mme [I], veuve [F], Mme [W] [F] et MM. [T] et [S] [F] la somme de 3 000 euros ; »
LAISSE les dépens à la charge du Trésor public ;
DIT que le présent arrêt sera transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt rectifié ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille vingt-trois.
Le conseiller referendaire rapporteur le president
Le greffier de chambre
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INCA/JURITEXT000047096663.xml
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 1er février 2023
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 77 F-D
Pourvoi n° J 21-13.133
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 1ER FÉVRIER 2023
La société Carol Domenge, Franco Bucceri, [B] [H], Vincent Sauvage, société civile professionnelle, anciennement dénommée Postillon, Ouaknine, Domenge, Pujol, Thuret, Alpini, Bucceri, [H] et Sauvage société titulaire d'un office notarial, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° J 21-13.133 contre l'arrêt rendu le 14 janvier 2021 par la cour d'appel de Versailles (3e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société MJS Partners, société d'exercice libéral par actions simplifiée, anciennement dénommée Soinne, dont le siège est [Adresse 5], mandataire judiciaire à la liquidation des entreprises, prise en qualité de mandataire liquidateur de Mme [D] [J],
2°/ à Mme [D] [J], domiciliée [Adresse 6],
3°/ à la société Caisse d'épargne et de prévoyance Hauts-de-France, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la Caisse d'épargne et prévoyance Nord France Europe,
4°/ à la société B-Patrimoine Investment management, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], représentée par son liquidateur, la société [V]-Daude, prise en la personne de M. [B] [V],
5°/ à la société [V]-Daude, société civile professionnelle de mandataires liquidateurs, dont le siège est [Adresse 3], prise en qualité de liquidateur de la société B-Patrimoine Investment management,
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Bruyère, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Carol Domenge, Franco Bucceri, [B] [H], Vincent Sauvage, de Me Bertrand, avocat de la société MJS Partners, ès qualités, et de Mme [J], et l'avis de M. Salomon, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 décembre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Bruyère, conseiller rapporteur, M. Hascher, conseiller le plus ancien faisant fonction de conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à Mme [J] et à la société MJS Partners, en sa qualité de mandataire liquidateur de celle-ci, du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la Caisse d'épargne et de prévoyance Hauts-de-France, venant aux droits de la Caisse d'épargne et de prévoyance Nord France Europe, la société B-Patrimoine et la SCP [V]-Daude, ès qualités.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 14 janvier 2021), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 10 octobre 2019, pourvoi n° 18-21.268), suivant acte authentique reçu le 6 juillet 2011 par M. [B] [H], notaire associé au sein de la SCP Postillon, Domenge, Pujol, Thuret, Alpini, Bucceri, [H], Sauvage, devenue la SCP Carol Domenge, Franco Bucceri, [B] [H], Vincent Sauvage (la SCP), Mme [J] (l'acquéreur), après avoir conclu, le 15 novembre 2010, un contrat de réservation d'un logement meublé en l'état futur d'achèvement, a acquis cet immeuble de la SAS Foncière Beaulieu patrimoine (le vendeur), au prix de 187 733 euros, partiellement financé par un prêt d'un montant de 179 437 euros souscrit auprès de la Caisse d'épargne et de prévoyance Nord France Europe (le prêteur).
3. Exposant que les travaux n'étaient pas achevés, l'acquéreur a assigné le vendeur en nullité de l'acte de vente, le prêteur en nullité du prêt et la SCP en responsabilité et indemnisation.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Mme [J] et la société MJS Partners, ès qualités, font grief à l'arrêt de condamner la SCP à payer à la première la somme de 173 075 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 6 juillet 2011 au titre de la restitution du prix de vente, et la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors :
« 1°/ que l'obligation de soumettre une cession au régime impératif des ventes en l'état futur d'achèvement dépend de la nature des obligations engendrées par cet acte et non de celles qu'a pu faire naître un contrat de réservation antérieurement conclu ; qu'en retenant que la vente litigieuse devait être soumise au régime de la vente en l'état futur d'achèvement, qui imposait au notaire de s'assurer de l'existence de garanties d'achèvement, au motif que le régime applicable dépendait de la situation de l'immeuble au jour du contrat de réservation, bien que seules les obligations engendrées par la vente aient dû être prises en compte et qu'elle ait constaté que le notaire avait valablement établi son acte, le 6 juillet 2011, au regard d'une déclaration attestant de l'achèvement et de la conformité des travaux depuis le 30 décembre 2010, de sorte que le régime de la vente en l'état futur d'achèvement n'était pas applicable, la cour d'appel a violé les articles 1601-1 et 1601-3 du code civil, ensemble les articles L. 261-1 et suivants et R. 261-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation ;
2°/ que la vente en l'état futur d'achèvement est celle par laquelle le vendeur s'oblige, dans un délai déterminé par le contrat, à édifier un immeuble qui n'est pas achevé au jour de la vente et dans laquelle le paiement du prix est échelonné à mesure de l'exécution par le vendeur de son obligation de construire après la conclusion de la vente ; qu'en affirmant que le régime de la vente en l'état futur d'achèvement s'imposait en l'espèce, et faisait en conséquence obligation au notaire de s'assurer de l'existence de garanties d'achèvement, car l'immeuble devait faire l'objet d'une rénovation lourde par le vendeur au moment du contrat de réservation, quand un tel contrat de réservation ne constituait pas une vente dès lors que l'acheteur n'est pas encore obligé d'acquérir, de sorte que le régime de la vente en l'état futur d'achèvement n'était applicable que si l'immeuble n'était pas achevé au jour de la vente ultérieurement reçue par le notaire, ce qui n'était pas le cas en l'espèce, la cour d'appel a violé les articles 1601-1 et 1601-3 du code civil, ensemble les articles L. 261-1 et suivants et R. 261-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation. »
Réponse de la Cour
5. Ayant retenu, par motifs propres et adoptés, que l'acte de vente du 6 juillet 2011 plaçait expressément le contrat sous le régime de la vente en l'état futur d'achèvement par la référence aux articles L. 261-2 et R. 262-1 du code de la construction et de l'habitation, que le projet correspondait à la définition de la reconstruction donnée par ce dernier texte, et que, si le vendeur avait fait croire à Mme [J] que les travaux étaient terminés le 6 juillet 2011, date de la signature de la vente, ils n'avaient été en réalité achevés qu'en février 2014, la cour d'appel a pu en déduire que la vente était soumise au régime de la vente en l'état futur d'achèvement.
6. Le moyen, qui manque en fait en sa seconde branche, n'est pas fondé en sa première.
7. Il ne peut donc être accueilli.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la SCP Carol Domenge, Franco Bucceri, [B] [H], Vincent Sauvage aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la SCP Carol Domenge, Franco Bucceri, [B] [H], Vincent Sauvage et la condamne à payer à Mme [J] et à la société MJS Partners, ès qualités, la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille vingt-trois. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société Carol Domenge, Franco Bucceri, [B] [H], Vincent Sauvage
La SCP de notaires Carol Domenge, Franco Bucceri, [B] [H], Vincent Sauvage fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR condamnée à payer à Mme [J] la somme de 173 075 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 6 juillet 2011 au titre de la restitution du prix de vente, et la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
1° ALORS QUE l'obligation de soumettre une cession au régime impératif des ventes en l'état futur d'achèvement dépend de la nature des obligations engendrées par cet acte et non de celles qu'a pu faire naître un contrat de réservation antérieurement conclu ; qu'en retenant que la vente litigieuse devait être soumise au régime de la vente en l'état futur d'achèvement, qui imposait au notaire de s'assurer de l'existence de garanties d'achèvement, au motif que le régime applicable dépendait de la situation de l'immeuble au jour du contrat de réservation, bien que seules les obligations engendrées par la vente aient dû être prises en compte et qu'elle ait constaté que le notaire avait valablement établi son acte, le 6 juillet 2011, au regard d'une déclaration attestant de l'achèvement et de la conformité des travaux depuis le 30 décembre 2010, de sorte que le régime de la vente en l'état futur d'achèvement n'était pas applicable, la cour d'appel a violé les articles 1601-1 et 1601-3 du code civil, ensemble les articles L. et suivants et R. 261-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation ;
2° ALORS QUE la vente en l'état futur d'achèvement est celle par laquelle le vendeur s'oblige, dans un délai déterminé par le contrat, à édifier un immeuble qui n'est pas achevé au jour de la vente et dans laquelle le paiement du prix est échelonné à mesure de l'exécution par le vendeur de son obligation de construire après la conclusion de la vente ; qu'en affirmant que le régime de la vente en l'état futur d'achèvement s'imposait en l'espèce, et faisait en conséquence obligation au notaire de s'assurer de l'existence de garanties d'achèvement, car l'immeuble devait faire l'objet d'une rénovation lourde par le vendeur au moment du contrat de réservation, quand un tel contrat de réservation ne constituait pas une vente dès lors que l'acheteur n'est pas encore obligé d'acquérir, de sorte que le régime de la vente en l'état futur d'achèvement n'était applicable que si l'immeuble n'était pas achevé au jour de la vente ultérieurement reçue par le notaire, ce qui n'était pas le cas en l'espèce, la cour d'appel a violé les articles 1601-1 et 1601-3 du code civil, ensemble les articles L. 261-1 et suivants et R. 261-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation.
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INCA/JURITEXT000047096662.xml
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 1er février 2023
Cassation sans renvoi
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 76 F-D
Pourvoi n° D 21-24.145
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 1ER FÉVRIER 2023
1°/ M. [M] [W] [V], domicilié [Adresse 3],
2°/ M. [R] [J], domicilié [Adresse 7],
3°/ M. [B] [Y], domicilié [Adresse 2],
4°/ M. [D] [U], domicilié [Adresse 6],
5°/ la société Innova Invest, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5],
6°/ la société 1Pacte Provence LBS, société à responsabilité limitée,
7°/ la société 1Pacte technologies, société à responsabilité limitée,
ayant toutes deux leur siège [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° D 21-24.145 contre l'arrêt rendu le 23 septembre 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-4), dans le litige les opposant à M. [I] [Y], domicilié [Adresse 4], défendeur à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Hascher, conseiller, les observations de Me Laurent Goldman, avocat de MM. [W] [V], [J], [U], [B] [Y], des sociétés Innova Invest, 1Pacte Provence LBS et 1Pacte technologies, de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de M. [I] [Y], et l'avis de M. Salomon, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 décembre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Hascher, conseiller le plus ancien faisant fonction de conseiller doyen rapporteur, M. Bruyère, conseiller, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 23 septembre 2021), le 30 septembre 2016, les associés de la société 1Pacte technologie, qui détient la société 1Pacte Provence, ont conclu un pacte d'associés dans lequel était stipulée une clause compromissoire. En exécution de ce pacte, a été constituée une société holding, dénommée Innova Investi. Le 2 octobre 2017, les associés de celle-ci ont conclu un second pacte contenant une clause d'élection de for.
2. M. [I] [Y], directeur de la société Innova invest, a assigné, devant la juridiction étatique élue dans le second pacte, les sociétés 1Pacte technologie, 1Pacte Provence et Innova Invest, ainsi que ses co-associés de cette dernière société, MM. [W] [V], [J], [U] et [B] [Y], en répétition de sommes perçues à titre de rémunérations et en paiement de dommages-intérêts.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. MM. [W] [V], [J], [U], [B] [Y], les sociétés Innova invest, 1Pacte technologie et 1Pacte Provence font grief à l'arrêt de constater l'incompétence de la juridiction désignée par la clause d'élection de for, alors :
« 1°/ qu'il est stipulé au pacte d'associé du 30 septembre 2016 une clause selon laquelle « dans l'hypothèse où l'une des parties au présent pacte ne respecterait par ses engagements au titre du présent Pacte d'associés » elle devrait verser aux autres parties une somme de 500 000 euros à titre de dommages-intérêts ; qu'en retenant, pour juger manifestement inapplicable la clause compromissoire figurant à ce pacte, que celui-ci ne comportait aucune clause identique à celle de l'article 19 du pacte du 2 octobre 2017 prévoyant une sanction financière de 500 000 euros en cas de non-respect du pacte par les associés, la cour d'appel a dénaturé le pacte du 30 septembre 2016 et ainsi méconnu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;
2° / que lorsqu'un litige relevant d'une convention d'arbitrage est porté devant une juridiction de l'Etat, celle-ci se déclare incompétente sauf si le tribunal arbitral n'est pas encore saisi et si la convention d'arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable ; qu'en retenant, pour juger manifestement inapplicable la clause compromissoire figurant au pacte du 30 septembre 2016, que le litige ne concernait que la société Innova invest et ses associés, bien que deux autres sociétés du groupe aient été appelées en la cause, que les deux pactes ne concernaient ni les mêmes associés, celui du 30 septembre 2016 en comportant deux de plus, ni la même société, que l'action de M. [I] [Y] aurait été manifestement vouée à l'échec si elle avait été fondée sur le premier pacte et enfin que le second pacte stipulait qu'il prévalait sur toutes conventions antérieures ayant un objet identique, la cour d'appel, qui a ainsi procédé à un examen approfondi de la situation des parties et des différents contrats les liant, s'est prononcée par des impropres à caractériser l'inapplicabilité manifeste de la clause compromissoire et a ainsi violé l'article 1448 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1448, alinéa 1er, du code de procédure civile :
4. Selon ce texte, lorsqu'un litige relevant d'une convention d'arbitrage est porté devant une juridiction de l'Etat, celle-ci se déclare incompétente sauf si le tribunal arbitral n'est pas encore saisi et si la convention d'arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable.
5. Pour rejeter l'exception d'incompétence, l'arrêt retient que le premier pacte comprend deux associés de plus que le second et que les deux pactes ne concernent pas les mêmes sociétés, que la demande de M. [B] [Y], si elle avait été fondée sur le premier pacte, aurait été vouée à l'échec dans la mesure où il ne comportait pas, comme le second, de clause pénale, enfin, que le second pacte indiquait remplacer les conventions ou documents antérieurs.
6. En statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'inapplicabilité manifeste de la conventions d'arbitrage du premier pacte, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
7. Il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
8. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Confirme le jugement du tribunal de commerce d'Aix-en-Provence du 18 janvier 2021 ;
Condamne M. [I] [Y] aux dépens, en ce compris ceux exposés devant les juges du fond ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. [I] [Y] et le condamne à payer à MM. [V], [J], [U], [B] [Y], ainsi qu'aux sociétés Innova Invest, 1Pacte technologie et 1Pacte Provence, la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille vingt-trois. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par Me Laurent Goldman, avocat aux Conseils, pour MM. [W] [V], [J], [U], [B] [Y], les sociétés Innova Invest, 1Pacte Provence LBS et 1Pacte technologies
MM. [W] [V], [J], [B] [Y] et [U] et les sociétés Innova invest, 1Pacte Provence LBS et 1Pacte technologies font grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence pour statuer sur les demandes de M. [I] [Y] et d'avoir renvoyé le présent litige devant le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence afin qu'il statue au fond sur les demandes de M. [I] [Y] ;
1°) ALORS QU'il est stipulé au pacte d'associé du 30 septembre 2016 une clause selon laquelle « dans l'hypothèse où l'une des parties au présent pacte ne respecterait par ses engagements au titre du présent Pacte d'associés » elle devrait verser aux autres parties une somme de 500.000 euros à titre de dommages et intérêts ; qu'en retenant, pour juger manifestement inapplicable la clause compromissoire figurant à ce pacte, que celui-ci ne comportait aucune clause identique à celle de l'article 19 du pacte du 2 octobre 2017 prévoyant une sanction financière de 500.000 euros en cas de non-respect du pacte par les associés, la cour d'appel a dénaturé le pacte du 30 septembre 2016 et ainsi méconnu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;
2°) ALORS QUE lorsqu'un litige relevant d'une convention d'arbitrage est porté devant une juridiction de l'Etat, celle-ci se déclare incompétente sauf si le tribunal arbitral n'est pas encore saisi et si la convention d'arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable ; qu'en retenant, pour juger manifestement inapplicable la clause compromissoire figurant au pacte du 30 septembre 2016, que le litige ne concernait que la société Innova invest et ses associés, bien que deux autres sociétés du groupe aient été appelées en la cause, que les deux pactes ne concernaient ni les mêmes associés, celui du 30 septembre 2016 en comportant deux de plus, ni la même société, que l'action de M. [I] [Y] aurait été manifestement vouée à l'échec si elle avait été fondée sur le premier pacte et enfin que le second pacte stipulait qu'il prévalait sur toutes conventions antérieures ayant un objet identique, la cour d'appel, qui a ainsi procédé à un examen approfondi de la situation des parties et des différents contrats les liant, s'est prononcée par des impropres à caractériser l'inapplicabilité manifeste de la clause compromissoire et a ainsi violé l'article 1448 du code de procédure civile.
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INCA/JURITEXT000047096660.xml
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 1er février 2023
Annulation
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 74 F-D
Pourvoi n° E 21-25.020
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 1ER FÉVRIER 2023
1°/ Mme [M] [Z], épouse [U], domiciliée [Adresse 9],
2°/ M. [F] [V] [Z], domicilié [Adresse 5],
3°/ M. [W] [V] [Z], domicilié [Adresse 6],
4°/ la société MCBA Holding, société civile, dont le siège est [Adresse 8],
5°/ la société HHDU Holding, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 5],
6°/ la société THDU Holding, société civile, dont le siège est [Adresse 6],
ont formé le pourvoi n° E 21-25.020 contre l'arrêt rendu le 23 novembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 16), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [L] [V] [Z], domicilié [Adresse 1],
2°/ à Mme [S] [Z], épouse [N], domiciliée [Adresse 3],
3°/ à la société HD Holding, société anonyme, dont le siège est [Adresse 10],
4°/ à la société AJ associés, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], prise en qualité d'administrateur judiciaire à la procédure de sauvegarde de la société HD Holding,
5°/ à la société SLEMJ & associés, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 7], prise en qualité de mandataire judiciaire à la procédure de sauvegarde de la société HD Holding,
6°/ à M. [J] [V] [Z], domicilié [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Hascher, conseiller, les observations de la SARL Ortscheidt, avocat de Mme [M] [Z], de MM. [F] et [W] [V] [Z], des sociétés MCBA Holding, HHDU Holding et THDU Holding, de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. [L] [V] [Z], de Mme [S] [Z] et de la société HD Holding, et l'avis de M. Salomon, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 décembre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Hascher, conseiller le plus ancien faisant fonction de conseiller doyen rapporteur, M. Bruyère, conseiller, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 novembre 2021), les associés des Etablissements Moncassin ont conclu un protocole dans lequel étaient stipulées une clause de médiation et une clause d'arbitrage sur la base de laquelle une instance arbitrale a été engagée.
2. M. [L] [V] [Z], Mme [S] [Z], la SA HD Holding, représentée par la société AJ associés, en sa qualité d'administrateur judiciaire, et la société SLEMJ & associés, en sa qualité de mandataire judiciaire, ont formé un recours en annulation de la sentence finale du 6 septembre 2019.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. Mme [M] et MM. [F] et [W] [V] [Z], les sociétés holdings MCBA, HHDU et THDU font grief à l'arrêt d'annuler la sentence finale rendue dans la seconde instance arbitrale, alors « que la cour d'appel ayant annulé la sentence du 6 septembre 2019 en conséquence de l'annulation de la sentence partielle du 10 septembre 2018, au motif que l'annulation de cette sentence, statuant sur la compétence du tribunal arbitral, a privé nécessairement celui-ci de tout pouvoir de statuer sur le fond, la cassation de l'arrêt rendu le 23 novembre 2021 (RG 18/22099) en ce qu'il a annulé la sentence partielle du 10 septembre 2018, sur le pourvoi formé par Mme [M] [Z], épouse [U], M. [F] [V] [Z], M. [W] [V] [Z], la société MCBA Holding, la société HHDU Holding et la société THDU Holding (n° J 21-25.024), entraînera, par voie de conséquence, l'annulation de l'arrêt attaqué, en application de l'article 625 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 625 du code de procédure civile :
4. Selon ce texte, la cassation entraîne sans qu'il y ait lieu à une nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
5. La cassation de l'arrêt rendu le 23 novembre 2021 (RG n° 18/22099) entraîne l'annulation, par voie de conséquence, l'annulation de l'arrêt du 23 novembre 2021 (RG n° 19/19007), qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 novembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne Mme [S] [Z], M. [L] [V] [Z], et la société HD Holding aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [S] [V] [Z], M. [L] [V] [Z], et la société HD Holding et les condamne in solidum à payer à Mme [M] [Z], MM. [F] [V] [Z] et [W] [V] [Z], les sociétés MCBA Holding, HHDU Holding et THDU Holding la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille vingt-trois. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SARL Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour Mme [M] [Z], MM. [F] et [W] [V] [Z], les sociétés MCBA Holding, HHDU Holding et THDU Holding
Mme [M] [Z], épouse [U], M. [F] [V] [Z], M. [W] [V] [Z], la société MCBA Holding, la société HHDU Holding et la société THDU Holding font grief à l'arrêt attaqué d'avoir annulé la sentence finale du 6 septembre 2019 et renvoyé les parties à mieux se pourvoir ;
ALORS QUE la cour d'appel ayant annulé la sentence du 6 septembre 2019 en conséquence de l'annulation de la sentence partielle du 10 septembre 2018, au motif que l'annulation de cette sentence, statuant sur la compétence du tribunal arbitral, a privé nécessairement celui-ci de tout pouvoir de statuer sur le fond, la cassation de l'arrêt rendu le 23 novembre 2021 (RG 18/22099) en ce qu'il a annulé la sentence partielle du 10 septembre 2018, sur le pourvoi formé par Mme [M] [Z], épouse [U], M. [F] [V] [Z], M. [W] [V] [Z], la société MCBA Holding, la société HHDU Holding et la société THDU Holding (n° J 21-25.024), entrainera, par voie de conséquence, l'annulation de l'arrêt attaqué, en application de l'article 625 du code de procédure civile.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 1er février 2023
Cassation
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 75 F-D
Pourvoi n° J 21-25.024
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 1ER FÉVRIER 2023
1°/ Mme [Z] [D], épouse [J], domiciliée [Adresse 9],
2°/ M. [K] [P] [D], domicilié [Adresse 5],
3°/ M. [B] [P] [D], domicilié [Adresse 6],
4°/ la société MCBA Holding, société civile, dont le siège est [Adresse 8],
5°/ la société HHDU Holding, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 5],
6°/ la société THDU Holding, société civile, dont le siège est [Adresse 6],
ont formé le pourvoi n° J 21-25.024 contre l'arrêt rendu le 23 novembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 16), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [O] [P] [D], domicilié [Adresse 1],
2°/ à Mme [L] [D], épouse [F], domiciliée [Adresse 3],
3°/ à la société HD Holding, société anonyme, dont le siège est [Adresse 10],
4°/ à la société AJ associés, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], prise en qualité d'administrateur judiciaire à la procédure de sauvegarde de la société HD Holding,
5°/ à la société SLEMJ & associés, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 7], prise en qualité de mandataire judiciaire à la procédure de sauvegarde de la société HD Holding,
6°/ à M. [M] [P] [D], domicilié [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Hascher, conseiller, les observations de la SARL Ortscheidt, avocat de Mme [Z] [D], de MM. [P] et [B] [D] et des sociétés MCBA Holding, HHDU Holding et THDU Holding, de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. [O] [P] [D], de Mme [L] [D] et de la société HD Holding, et l'avis de M. Salomon, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 décembre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Hascher, conseiller le plus ancien faisant fonction de conseiller doyen rapporteur, M. Bruyère, conseiller, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 novembre 2021), les associés des Etablissements Moncassin ont conclu un protocole dans lequel étaient stipulées une clause de médiation et une clause d'arbitrage sur la base de laquelle une instance arbitrale a été engagée.
2. M. [O] [P] [D], Mme [L] [D], la SA HD Holding, représentée par la société AJ associés, en sa qualité d'administrateur judiciaire, et la société SLEMJ & associés, en sa qualité de mandataire judiciaire, ont formé un recours en annulation de la sentence partielle du 10 septembre 2018 par laquelle le tribunal arbitral s'est déclaré compétent.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
3. Mme [Z] et MM. [K] et [B] [P] [D], les sociétés holdings MCBA, HHDU et THDU font grief à l'arrêt d'annuler la sentence partielle du 10 septembre 2018, alors :
« 1°/ que le juge de l'annulation contrôle la décision d'un tribunal arbitral sur la compétence, en recherchant tous les éléments de droit ou de fait permettant d'apprécier la portée de la convention d'arbitrage ; que ce contrôle est exclusif de toute révision au fond de la sentence ; que le moyen tiré du non-respect d'une clause de médiation n'affecte pas la compétence de l'arbitre, mais la recevabilité des demandes qui lui sont soumises ; qu'en statuant comme elle l'a fait, motifs pris que "le tribunal arbitral ne pouvait pas se reconnaître compétent, alors que la procédure de médiation préalable prévue par l'article 12 du protocole n'avait pas été mise en oeuvre" et que "le non-respect de la clause de médiation n'est donc pas en l'espèce une fin de non-recevoir ne relevant pas de l'appréciation de la cour d'appel mais constitue une circonstance de l'espèce qui doit être prise en compte pour apprécier la violation de l'article 1492, 1°, du code de procédure civile", la cour d'appel a violé l'article 1492, 1° du code de procédure civile ;
2°/ que le juge de l'annulation contrôle la décision d'un tribunal arbitral sur la compétence, en recherchant tous les éléments de droit ou de fait permettant d'apprécier la portée de la convention d'arbitrage, sans être lié par les moyens articulés par les parties devant les arbitres et par les constatations du tribunal arbitral ; que ce contrôle est exclusif de toute révision au fond de la sentence ; que le moyen tiré du non-respect d'une clause de médiation n'affecte pas la compétence de l'arbitre, mais la recevabilité des demandes qui lui sont soumises ; qu'en statuant comme elle l'a fait, au motif inopérant que "s'il est vrai, d'une manière générale, qu'une clause d'un contrat instituant une procédure de médiation obligatoire et préalable constitue une fin de non-recevoir, il n'en demeure pas moins qu'en l'espèce, le tribunal arbitral s'est déclaré compétent, alors pourtant que les demandeurs au recours en annulation ont soutenu devant lui qu'une médiation préalable et obligatoire s'imposait en vertu de l'article 12 du protocole, qu'il a lui-même relevé que le litige relevait du champ d'application de la clause de médiation et qu'il a de surcroît invité les parties à mettre en oeuvre une procédure de médiation parallèle à la procédure d'arbitrage", la cour d'appel a violé l'article 1492, 1° du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1492-1° du code de procédure civile :
4. Il résulte de ce texte que, sans s'arrêter aux dénominations retenues par les arbitres ou proposées par les parties, le juge de l'annulation contrôle la décision du tribunal arbitral sur sa compétence, en recherchant tous les éléments de droit ou de fait permettant d'apprécier la portée de la convention d'arbitrage. Ce contrôle est exclusif de toute révision au fond de la sentence.
5. Pour annuler la sentence, l'arrêt retient, d'abord, que, s'il est vrai qu'une clause d'un contrat instituant une procédure de médiation obligatoire et préalable constitue une fin de non-recevoir, il n'en demeure pas moins qu'en l'espèce, le tribunal arbitral s'est déclaré compétent, alors pourtant que les demandeurs au recours en annulation ont soutenu devant lui qu'une clause de médiation préalable et obligatoire s'imposait en vertu de l'article 12 du protocole, qu'il a lui-même constaté que le litige relevait du champ d'application de la clause de médiation et qu'il a de surcroît invité les parties à mettre en oeuvre une procédure de médiation parallèle à la procédure d'arbitrage. Il retient ensuite que le non-respect de la clause de médiation n'est donc pas en l'espèce une fin de non-recevoir ne relevant pas de l'appréciation de la cour d'appel, mais constitue une circonstance de l'espèce qui doit être prise en compte pour apprécier la violation de l'article 1492-1° du code de procédure civile.
6. En statuant ainsi, alors que, le non-respect d'une clause de médiation est une question de recevabilité et non de compétence, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 novembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne Mme [L] [D], M. [O] [P] [D], et la société HD Holding aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [L] [P] [D], M. [O] [P] [D], et la société HD Holding et les condamne in solidum à payer à Mme [Z] [D], MM. [K] [P] [D] et [B] [P] [D], les sociétés MCBA Holding, HHDU Holding et THDU Holding la somme de 3 000 euros ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille vingt-trois. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SARL Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour Mme [Z] [D], MM. [P] et [B] [D], les sociétés MCBA Holding, HHDU Holding et THDU Holding
Mme [Z] [D], épouse [J], M. [K] [P] [D], M. [B] [P] [D], la société MCBA Holding, la société HHDU Holding et la société THDU Holding font grief à l'arrêt attaqué d'avoir annulé la sentence partielle du 10 septembre 2018 (arbitrage CMAP n° 217054 AN) et renvoyé les parties à mieux se pourvoir ;
1°) ALORS QUE le juge de l'annulation contrôle la décision d'un tribunal arbitral sur la compétence, en recherchant tous les éléments de droit ou de fait permettant d'apprécier la portée de la convention d'arbitrage ; que ce contrôle est exclusif de toute révision au fond de la sentence ; que le moyen tiré du non-respect d'une clause de médiation n'affecte pas la compétence de l'arbitre, mais la recevabilité des demandes qui lui sont soumises ; qu'en statuant comme elle l'a fait, motifs pris que « le tribunal arbitral ne pouvait pas se reconnaitre compétent, alors que la procédure de médiation préalable prévue par l'article 12 du protocole n'avait pas été mise en oeuvre » et que « le non-respect de la clause de médiation n'est donc pas en l'espèce une fin de non-recevoir ne relevant pas de l'appréciation de la cour d'appel mais constitue une circonstance de l'espèce qui doit être prise en compte pour apprécier la violation de l'article 1492, 1°, du code de procédure civile », la cour d'appel a violé l'article 1492, 1° du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE le juge de l'annulation contrôle la décision d'un tribunal arbitral sur la compétence, en recherchant tous les éléments de droit ou de fait permettant d'apprécier la portée de la convention d'arbitrage, sans être lié par les moyens articulés par les parties devant les arbitres et par les constatation du tribunal arbitral ; que ce contrôle est exclusif de toute révision au fond de la sentence ; que le moyen tiré du non-respect d'une clause de médiation n'affecte pas la compétence de l'arbitre, mais la recevabilité des demandes qui lui sont soumises ; qu'en statuant comme elle l'a fait, au motif inopérant que « s'il est vrai, d'une manière générale, qu'une clause d'un contrat instituant une procédure de médiation obligatoire et préalable constitue une fin de non-recevoir, il n'en demeure pas moins qu'en l'espèce, le tribunal arbitral s'est déclaré compétent, alors pourtant que les demandeurs au recours en annulation ont soutenu devant lui qu'une médiation préalable et obligatoire s'imposait en vertu de l'article 12 du protocole, qu'il a lui-même relevé que le litige relevait du champ d'application de la clause de médiation et qu'il a de surcroît invité les parties aÌ mettre en oeuvre une procédure de médiation parallèle à la procédure d'arbitrage », la cour d'appel a violé l'article 1492, 1° du code de procédure civile ;
3°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU'en statuant comme elle l'a fait, motifs pris que « l'article 12 prévoit la mise en oeuvre d'une médiation pour « les différends qui viendraient à se produire », ce dont il faut déduire que le préalable de la médiation s'impose pour tous les différends successifs entre les parties » et que « la saisine le 25 mars 2009 du Centre de médiation et d'arbitrage de Paris à propos du premier différend qui a conduit, en l'absence de succès de la médiation, à la sentence du 16 octobre 2014 ne dispensait pas les parties de recourir à une nouvelle médiation avant de solliciter, le 13 mars 2017, un nouvel arbitrage », sans rechercher, ainsi qu'il lui était demandé, si le litige soumis au tribunal arbitral au cours du nouvel arbitrage n'avait pas déjà été soumis au médiateur lors de la médiation ayant précédé la première sentence arbitrale rendue le 16 octobre 2014, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1492, 1° du code de procédure civile ;
4°) ALORS SUBSIDIAIREMENT, QUE Mme [Z] [D], épouse [J], M. [K] [P] [D], M. [B] [P] [D], la société MCBA Holding, la société HHDU Holding et la société THDU Holding faisaient valoir dans leur dernières conclusions (p. 26 et s.) que le tribunal arbitral avait à bon droit écarté le moyen tiré de l'absence de médiation préalable en se fondant sur le principe de loyauté posé par l'article 1464, alinéa 3, du code de procédure civile ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen opérant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
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INCA/JURITEXT000047096669.xml
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 1er février 2023
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 84 F-D
Pourvoi n° F 21-20.168
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 1ER FÉVRIER 2023
La caisse de Crédit mutuel [Localité 3] Europe, association coopérative, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° F 21-20.168 contre l'arrêt rendu le 26 mai 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 6), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [F] [E],
2°/ à Mme [S] [U], épouse [E],
tous deux domiciliés [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
M. et Mme [E] ont formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt ;
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Les demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la caisse de Crédit mutuel [Localité 3] Europe, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. et Mme [E], après débats en l'audience publique du 13 décembre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, M. Hascher, conseiller le plus ancien faisant fonction de conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 mai 2021), par acte authentique du 14 mars 2000, la société caisse de Crédit mutuel [Localité 3] Europe (la banque) a consenti à M. et Mme [E] (les emprunteurs) un prêt immobilier in fine souscrit en francs suisses, remboursable en une échéance exigible le 31 janvier 2015, avec intérêts indexés suivant l'index LIBOR 3 mois.
2. Estimant que les emprunteurs n'avaient pas remboursé l'intégralité du capital emprunté, la banque a mis en oeuvre différentes mesures d'exécution et a fait opposition auprès du notaire sur le paiement du prix de vente du bien immobilier financé par le crédit litigieux.
3. Le 13 décembre 2016, les emprunteurs ont assigné la banque en annulation d'une « clause de remboursement du crédit » stipulée au contrat de prêt et en paiement de dommages-intérêts.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa cinquième branche, et le second moyen du pourvoi principal, ci-après annexés
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en ses première à quatrième branches, du pourvoi principal
Enoncé du moyen
5. La banque fait grief à l'arrêt de déclarer abusive et non écrite la clause de « remboursement de crédit » et, en conséquence, de la condamner à restituer certaines sommes aux emprunteurs, alors :
« 1°/ que la clarté et l'intelligibilité d'une clause comprise dans un contrat de prêt libellé dans une devise étrangère, relative au risque de change ou d'indexation, sont caractérisées lorsque l'emprunteur avait conscience du risque de dépréciation de la monnaie nationale par rapport à la devise étrangère, peu important son inaptitude à déterminer de manière exacte les opérations de change nécessaires à l'exécution du prêt ; qu'en jugeant cependant que la clause de « remboursement du crédit » comprise dans le contrat de prêt in fine conclu dans une devise étrangère n'était pas rédigée de manière claire et intelligible aux motifs qu'elle ne contenait « aucune information sur la matière dont [elle] est mise en oeuvre » et que les époux [E] n'étaient pas en mesure de déterminer exactement les « opérations de change nécessaires à l'exécution du prêt », la cour d'appel s'est fondée sur des motifs impropres à exclure la clarté et l'intelligibilité de la clause, violant ainsi l'article L. 132-1 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, devenu l'article L. 212-1 du même code ;
2°/ que la clarté et la précision d'une clause comprise dans un contrat de prêt libellé dans une devise étrangère, relative au risque de change ou d'indexation, doivent être appréciées in concreto et s'infèrent notamment de l'attitude de l'emprunteur, ayant tenté de rembourser son prêt de manière anticipée dans le but de se soustraire au risque de change ; qu'en jugeant cependant que la clause de « remboursement du crédit » comprise dans le contrat de prêt in fine n'était pas rédigée de manière claire et intelligible, tandis qu'il n'était pas discuté que les époux [E] avaient procédé au remboursement anticipé de leur prêt le 14 janvier 2015 afin de bénéficier de l'appréciation de l'euro par rapport au franc suisse, la veille de la décision de la Banque nationale suisse d'apprécier le franc suisse au regard de l'euro, ce qui révélait leur parfaite connaissance des risques de change inhérents aux devises utilisées dans le contrat de prêt, la cour d'appel a violé l'article L. 132-1 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, devenu l'article L. 212-1 du même code ;
3°/ que l'imprécision ou l'ambiguïté d'une clause d'indexation comprise dans un contrat de prêt ne suffisent pas à établir son caractère abusif, lequel nécessite également de caractériser un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties ; qu'en déduisant cependant le caractère abusif de la clause de remboursement de crédit de ce que les époux [E] n'étaient « pas mis en mesure d'envisager les conséquences prévisibles et significatives de la fluctuation des monnaies sur leurs obligations », ce qui ne traduisait pas l'existence d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs impropres à justifier sa décision, violant ainsi l'article L. 132-1 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, devenu l'article L. 212-1 du même code ;
4°/ qu'en se bornant à affirmer que la clause d'indexation instituait « un déséquilibre significatif entre la banque prêteuse et les emprunteurs », sans répondre aux conclusions de la société CCM faisant valoir que, s'agissant d'un contrat de prêt in fine, la clause d'indexation prévoyait que le risque de change était supporté « tant par les emprunteurs que la banque », de sorte que « l'évolution du taux de change entre le franc ou l'euro, d'une part, et le franc suisse, d'autre part, était susceptible de profiter tant à l'emprunteur qu'à la banque », ce dont il résultait que la clause n'avait pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment des époux [E], la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
6. La cour d'appel a constaté que le contrat de prêt comportait une « clause de remboursement du crédit » stipulant que « Tous remboursements en capital, paiements des intérêts et commissions et cotisations d'assurance auront lieu dans la devise empruntée. Les échéances seront débités sur un compte en devise ouvert au nom de l'un quelconque des emprunteurs dans les livres du prêteur et que la monnaie de paiement est le franc français ou l'euro, l'emprunteur ayant toujours la faculté de rembourser en francs français ou en euros les échéances au moment de leur prélèvement. Les échéances seront débitées sur tout compte en devises (ou le cas échéant en francs français ou en euros) ouvert au nom au nom de l'un quelconque des emprunteurs dans les livres du prêteur. Les frais des garanties seront payables en francs ou en euros. Si le compte en devises ne présente pas la provision suffisante au jour de l'échéance le prêteur est en droit de convertir le montant de l'échéance impayée en francs français ou en euros, et de prélever ce montant sur tout compte en francs français ou en euros ouvert dans les livres du prêteur, au nom de l'emprunteur ou du coemprunteur. Le cours du change appliqué sera le cours du change tiré. »
7. Après avoir énoncé que l'exigence de clarté et d'intelligibilité d'une clause ne se réduisait pas au seul caractère compréhensible sur les plans formel et grammatical et que le contrat devait exposer de manière transparente le fonctionnement concret du mécanisme auquel se réfère la clause afin que le consommateur soit en mesure d'évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques qui en découlent pour lui, la cour d'appel a retenu que la stipulation litigieuse comportait des informations contradictoires sur la devise de remboursement du prêt, que le contrat ne comportait aucune information sur la manière selon laquelle elle était mise en oeuvre et sur les modalités de remboursements en francs suisses et de conversion, alors que les emprunteurs percevaient leurs revenus en francs français puis en euros, que les autres clauses du contrat ne permettaient ni de déterminer le taux de change applicable pour le paiement des intérêts et le remboursement du capital ni de connaître les modalités de conversion, qu'il n'était justifié d'aucune information délivrée aux emprunteurs sur les éléments fondamentaux tenant au risque de change susceptibles d'avoir une incidence sur la portée de leur engagement et qu'ils n'avaient pas pu évaluer les conséquences économiques de la clause sur leurs obligations financières et prendre conscience des difficultés auxquelles ils seraient confrontés en cas de dévaluation de la monnaie dans laquelle ils percevaient leurs revenus.
8. Faisant ainsi ressortir, d'une part, que la banque n'avait pas fourni aux emprunteurs, en leur qualité de consommateurs moyens, normalement informés et raisonnablement attentifs et avisés, des informations suffisantes et exactes leur permettant de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d'évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de la clause litigieuse sur leurs obligations financières pendant toute la durée de ce même contrat, d'autre part, que la banque ne pouvait raisonnablement s'attendre, en respectant l'exigence de transparence à l'égard des emprunteurs, à ce que ces derniers acceptent, à la suite d'une négociation individuelle, les risques susceptibles de résulter de la clause litigieuse sur leurs obligations, la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions prétendument omises, en a exactement déduit que cette « clause de remboursement », qui portait sur l'objet du contrat, n'était ni claire ni compréhensible et qu'elle créait un déséquilibre significatif entre la banque et les emprunteurs, de sorte qu'elle devait être réputée non écrite.
9. Le moyen, pris en ses quatre premières branches, n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident qui n'est qu'éventuel, la Cour :
REJETTE le pourvoi principal ;
Condamne la société caisse de Crédit mutuel [Localité 3] Europe aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société caisse de Crédit mutuel [Localité 3] Europe et la condamne à payer à M. et Mme [E] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille vingt-trois. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la caisse de Crédit mutuel [Localité 3] Europe, demanderesse au pourvoi principal.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré abusive et non écrite la clause « remboursement de crédit » et d'avoir, en conséquence, condamné la société CCM à restituer aux époux [E] les sommes de 52.375,86 euros et de 14.304,37 euros ;
1°) alors que la clarté et l'intelligibilité d'une clause comprise dans un contrat de prêt libellé dans une devise étrangère, relative au risque de change ou d'indexation, sont caractérisées lorsque l'emprunteur avait conscience du risque de dépréciation de la monnaie nationale par rapport à la devise étrangère, peu important son inaptitude à déterminer de manière exacte les opérations de change nécessaires à l'exécution du prêt ; qu'en jugeant cependant que la clause de « remboursement du crédit » comprise dans le contrat de prêt in fine conclu dans une devise étrangère n'était pas rédigée de manière claire et intelligible aux motifs qu'elle ne contenait « aucune information sur la matière dont [elle] est mise en oeuvre » (arrêt, p. 12 § 6) et que les époux [E] n'étaient pas en mesure de déterminer exactement les « opérations de change nécessaires à l'exécution du prêt » (arrêt, p. 13 § 4 ; p. 12, antépen.), la cour d'appel s'est fondée sur des motifs impropres à exclure la clarté et l'intelligibilité de la clause, violant ainsi l'article L. 132-1 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, devenu l'article L. 212-1 du même code ;
2°) alors, de surcroît, que la clarté et la précision d'une clause comprise dans un contrat de prêt libellé dans une devise étrangère, relative au risque de change ou d'indexation, doivent être appréciées in concreto et s'infèrent notamment de l'attitude de l'emprunteur, ayant tenté de rembourser son prêt de manière anticipée dans le but de se soustraire au risque de change ; qu'en jugeant cependant que la clause de « remboursement du crédit » comprise dans le contrat de prêt in fine n'était pas rédigée de manière claire et intelligible, tandis qu'il n'était pas discuté que les époux [E] avaient procédé au remboursement anticipé de leur prêt le 14 janvier 2015 afin de bénéficier de l'appréciation de l'euro par rapport au franc suisse, la veille de la décision de la Banque nationale suisse d'apprécier le franc suisse au regard de l'euro, ce qui révélait leur parfaite connaissance des risques de change inhérents aux devises utilisées dans le contrat de prêt, la cour d'appel a violé l'article L. 132-1 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, devenu l'article L. 212-1 du même code ;
3°) alors, subsidiairement, que l'imprécision ou l'ambiguïté d'une clause d'indexation comprise dans un contrat de prêt ne suffisent pas à établir son caractère abusif, lequel nécessite également de caractériser un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties ; qu'en déduisant cependant le caractère abusif de la clause de remboursement de crédit de ce que les époux [E] n'étaient « pas mis en mesure d'envisager les conséquences prévisibles et significatives de la fluctuation des monnaies sur leurs obligations » (arrêt, p. 13 § 5), ce qui ne traduisait pas l'existence d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs impropres à justifier sa décision, violant ainsi l'article L. 132-1 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, devenu l'article L. 212-1 du même code ;
4°) alors qu'en se bornant à affirmer que la clause d'indexation instituait « un déséquilibre significatif entre la banque prêteuse et les emprunteurs » (arrêt, p. 13 § 5), sans répondre aux conclusions de la société CCM faisant valoir que, s'agissant d'un contrat de prêt in fine, la clause d'indexation prévoyait que le risque de change était supporté « tant par les emprunteurs que la banque », de sorte que « l'évolution du taux de change entre le franc ou l'euro, d'une part, et le franc suisse, d'autre part, était susceptible de profiter tant à l'emprunteur qu'à la banque » (concl., p. 15 § 8 et 9), ce dont il résultait que la clause n'avait pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment des époux [E], la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
5°) alors, plus subsidiairement, que les restitutions consécutives à la décision des juges du fond de déclarer non écrite une clause contractuelle doivent être ordonnées dans la limite des sommes versées sur le fondement de la clause écartée ; qu'en condamnant cependant la société CCM à verser aux époux [E] les sommes de 52.375,86 euros et 14.304,37 euros (arrêt, p. 13 § 7 ; p. 16 § 4) en conséquence de l'illicéité de la clause « remboursement de crédit » (arrêt, p. 16 § 4), tandis que cette clause ne constituait pas le support nécessaire du versement de ces sommes, réclamées et payées au titre de la clause d'indexation du contrat de prêt, c'est-à-dire la clause n° 9, dont le caractère abusif était seul invoquée par les époux [E] (concl., p. 17) et qui n'avait pas été déclarée non écrite, la cour d'appel a violé l'article L. 132-1 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, devenu l'article L. 212-1 du même code.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la CCM à payer aux époux [E] la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts ;
alors que le juge de l'exécution connaît seul des demandes en réparation fondées sur l'exécution dommageable d'une mesure d'exécution forcée, et tout autre juge doit relever d'office son incompétence ; qu'en condamnant cependant la société CCM à payer aux époux [E] la somme de 10.000 euros en réparation du dommage causé par les procédures d'exécution diligentées à l'encontre des deux emprunteurs, aux motifs qu'elle aurait « multiplié et cumulé les voies d'exécution » (arrêt, p. 14 § 5), sans relever d'office son incompétence pour statuer sur cette demande indemnitaire, la cour d'appel a excédé l'étendue de ses pouvoirs, violant ainsi les articles L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire et R. 212-1 du code des procédures civiles d'exécution. Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [E], demandeurs au pourvoi incident éventuel.
M. et Mme [E] font grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Bobigny du 18 septembre 2018 en ce qu'il avait déclaré prescrite leur action en nullité de la clause d'indexation sur le franc Suisse ;
ALORS QUE les juges du fond ne peuvent procéder par voie de simples affirmations ou de considérations générales et abstraites et doivent apprécier concrètement les faits nécessaires à la solution du litige ; qu'en se bornant, pour dire l'action des époux [E] en nullité de la clause d'indexation prescrite, à affirmer péremptoirement que la critique qu'ils faisaient de la licéité du prêt ressortait de la lecture du contrat, souscrit par offre adressée le 25 janvier 2000 et réitérée par acte authentique du 14 mars 2000, sans déduire aucun motif à l'appui de cette allégation et préciser en quoi elle considérait que la teneur de la convention permettait aux emprunteurs de constater le vice entachant celle-ci, cependant que les exposants soulignaient, dans leurs écritures d'appel (p. 12 et 13), que la banque ne les avait jamais informés ni mis en garde du vice affectant leur contrat de prêt et ce en dépit de la recommandation de l'ACP, publiée le 6 avril 2012, sur la sensibilisation des personnes qui commercialisent les prêts indexés en francs suisses souscrits par des résidents français et sur l'information claire, sincère et transparente qui doit être assurée aux emprunteurs, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 1er février 2023
Cassation partielle
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 83 F-D
Pourvoi n° Q 21-13.943
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 1ER FÉVRIER 2023
Mme [Z] [W], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Q 21-13.943 contre l'arrêt rendu le 30 novembre 2020 par la cour d'appel de Basse-Terre (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société caisse de Crédit mutuel de [Adresse 3], dont le siège est [Adresse 4],
2°/ à M. [R] [V], domicilié [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ghestin, avocat de Mme [W], de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société caisse de Crédit mutuel de [Adresse 3], et l'avis de M. Salomon, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 décembre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, M. Hascher, conseiller le plus ancien faisant fonction de conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 30 novembre 2020) et les productions, le 16 février 2011, Mme [W] (la caution) s'est portée caution, dans la limite de 57 600 euros, de crédits et découverts en compte professionnel et personnel consentis par la société caisse de Crédit mutuel de [Adresse 3] (la banque) à son époux, M. [V] (le débiteur).
2. Le 13 août 2013, la banque a assigné en paiement le débiteur et la caution.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses troisième et quatrième branches, ci-après annexés
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation
Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
4. La caution fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à voir déclarer son engagement de caution disproportionné et en conséquence de la condamner au paiement de la somme de 57 600 euros, alors :
« 1°/ que l'appréciation du caractère disproportionné du cautionnement doit résulter exclusivement des revenus et du patrimoine de la caution au jour de son engagement ; qu'en l'espèce la cour d'appel a relevé que lors de la souscription de l'engagement de caution le 16 février 2011, les revenus de Mme [W] étaient modiques avec 9 301 euros de revenus annuel mais qu'elle ne peut néanmoins pas être exonérée de ses engagements de caution « au vu du caractère disproportionné du cautionnement souscrit, lequel n'est pas démontré » dès lors qu'elle serait propriétaire en indivision d'un bien immobilier qui a été acquis 25 mai 2013 ; qu'en se fondant ainsi sur l'existence probable d'un patrimoine immobilier plus de deux ans après la date de l'engagement de caution la cour d'appel a violé l'article L. 341-4, devenu L. 332-1, du code de la consommation ;
2°/ qu'il incombe au créancier professionnel qui entend se prévaloir d'un contrat de cautionnement manifestement disproportionné, lors de sa conclusion, aux biens et revenus de la caution, personne physique, d'établir qu'au moment où il l'appelle, le patrimoine de la caution lui permet de faire face à son obligation ; que la cour d'appel qui relève que « Eu égard à sa défaillance dans la charge de la preuve et à l'opacité dont elle fait preuve quant à la consistance actuelle de son patrimoine immobilier, (Mme [W]) ne parvient pas à démontrer qu'elle se trouve aujourd'hui, alors qu'elle est appelée au paiement par la Caisse de Crédit Mutuel de [Adresse 3], dans l'impossibilité de régler sa dette » ; qu'en mettant ainsi à la charge de Mme [W] la preuve de son incapacité à faire face à ses obligations, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation de l'article 1315, devenu 1353, du code civil, et de l'article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016. »
Réponse de la Cour
5. Selon l'article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
6. Ayant retenu que la banque démontrait, par la production d'un relevé de formalités, que, le 25 mai 2013, M. et Mme [V] avaient acquis en pleine propriété, au prix de 265 000 euros, un bien immobilier qui n'était grevé d'aucune hypothèque ou garantie et qu'il incombait, dès lors, à la caution d'établir que ce patrimoine ne lui permettait pas de faire face à son obligation, la cour d'appel a, sans inverser la charge de la preuve, exactement déduit de ces seuls motifs que la banque était fondée à demander à la caution le paiement de la somme de 57 600 euros en exécution de l'engagement qu'elle avait contracté le 16 février 2011.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le second moyen
Enoncé du moyen
8. La caution fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en indemnisation fondée sur le manquement de la banque à son devoir de mise en garde, alors « que la banque est tenue, à l'égard de la caution non avertie, d'un devoir de mise en garde à raison de ses capacités financières et du risque de l'endettement né de l'octroi du prêt ; qu'en affirmant que la Caisse de Crédit Mutuel n'avait aucune obligation à l'égard de Mme [W] dès lors que « l'inadéquation de son engagement à ses capacités financière n'était pas clairement établie » en se fondant sur l'existence d'un bien immobilier acquis le 25 mai 2013, soit deux ans et demi après la souscription de l'engagement de caution, la cour d'appel a violé l'article L. 332-1 du code de la consommation ensemble l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
9. En application de ce texte, la banque n'est tenue à un devoir de mise en garde à l'égard de la caution non avertie que si, au jour de son engagement, celui-ci n'est pas adapté à ses capacités financières ou s'il existe un risque d'endettement né de l'octroi du prêt garanti, résultant de l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur.
10. Pour rejeter la demande d'indemnisation formée par la caution non avertie au titre d'un manquement de la banque à son devoir de mise en garde, l'arrêt retient que la caution, qui produit son avis d'imposition sur les revenus 2010 mentionnant un revenu annuel de 9 301 euros, ne justifie pas de sa situation financière quant à la consistance actuelle de son patrimoine immobilier, de sorte qu'au regard de l'opacité de cette situation, la banque n'a pu exécuter son devoir de mise en garde.
11. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est fondée sur des éléments d'appréciation postérieurs à l'engagement de cautionnement, a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de dommages et intérêts de Mme [W] fondée sur le manquement de la caisse de Crédit mutuel de [Adresse 3] à son devoir de mise en garde, l'arrêt rendu le 30 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Fort-de-France ;
Condamne la société caisse de Crédit mutuel de [Adresse 3] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille vingt-trois.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Ghestin, avocat aux Conseils, pour Mme [W].
Premier moyen de cassation
Mme [W] fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande tendant à voir déclarer son engagement de caution disproportionné et de l'avoir en conséquence condamné au paiement de la somme de 57 600 euros ;
1°) ALORS QUE l'appréciation du caractère disproportionné du cautionnement doit résulter exclusivement des revenus et du patrimoine de la caution au jour de son engagement ; qu'en l'espèce la cour d'appel a relevé que lors de la souscription de l'engagement de caution le 16 février 2011, les revenus de Mme [W] étaient modiques avec 9 301 euros de revenus annuel mais qu'elle ne peut néanmoins pas être exonérée de ses engagements de caution « au vu du caractère disproportionné du cautionnement souscrit, lequel n'est pas démontré » dès lors qu'elle serait propriétaire en indivision d'un bien immobilier qui a été acquis 25 mai 2013; qu'en se fondant ainsi sur l'existence probable d'un patrimoine immobilier plus de deux ans après la date de l'engagement de caution la cour d'appel a violé l'article L 341-4, devenu L. 332-1, du code de la consommation ;
2°) ALORS qu'il incombe au créancier professionnel qui entend se prévaloir d'un contrat de cautionnement manifestement disproportionné, lors de sa conclusion, aux biens et revenus de la caution, personne physique, d'établir qu'au moment où il l'appelle, le patrimoine de la caution lui permet de faire face à son obligation ; que la cour d'appel qui relève que « Eu égard à sa défaillance dans la charge de la preuve et à l'opacité dont elle fait preuve quant à la consistance actuelle de son patrimoine immobilier, (Mme [W]) ne parvient pas à démontrer qu'elle se trouve aujourd'hui, alors qu'elle est appelée au paiement par la Caisse de Crédit Mutuel de [Adresse 3], dans l'impossibilité de régler sa dette » ; qu'en mettant ainsi à la charge de Mme [W] la preuve de son incapacité à faire face à ses obligations, la Cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation de l'article 1315, devenu 1353, du code civil, et de l'article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016 ;
3°) ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motif ; que pour écarter le moyen de Mme [W] fondé sur le caractère disproportionné de l'engagement de caution litigieux par rapport à ses revenus et son patrimoine, et son incapacité à faire face à son engagement, la Cour d'appel a énoncé tout d'abord qu'elle « ne verse aux débats aucun autre élément de preuve pour savoir?si le bien immobilier en cause se trouve ou pas dans son patrimoine » pour ensuite affirmer que « l'intimé établit pour sa part qu'elle est propriétaire indivise avec M. [V] d'un immeuble d'une valeur de 265 000 euros » ; qu'en se fondant ainsi sur deux propositions affirmant l'absence de preuve puis l'existence de la preuve de la qualité de propriétaire d'un bien immobilier, la cour d'appel a entaché son arrêt d'une contradiction de motifs en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
4°) ALORS QU'en toute hypothèse, lorsque l'engagement de caution est disproportionné aux revenus de la caution lors de sa conclusion, le créancier professionnel ne peut pas s'en prévaloir sauf si le patrimoine de la caution est suffisant au moment où elle est appelée ; que l'appréciation par le juge de cette capacité de remboursement de la caution doit être faite en considération de son endettement global ; qu'en l'espèce Mme [W] soutenait dans ses conclusions d'appel qu'elle se trouvait en situation d'indigence et qu'elle avait demandé l'ouverture d'une procédure de surendettement en raison de la déchéance du terme du prêt immobilier souscrit pour l'acquisition du bien immobilier indivis dont son mari défaillant devait assurer seul le remboursement ; qu'en se bornant à faire état de l'opacité dans la consistance actuelle de son patrimoine, sans rechercher si l'état d'endettement lié notamment à l'acquisition d'un bien immobilier indivis et à la faiblesse de ses revenus, qui était reconnu par la cour d'appel, ne démontrait pas qu'elle était dans l'incapacité d'exécuter le contrat de cautionnement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 332-1 du code de la consommation.
Second moyen de cassation (subsidiaire)
Mme [W] fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande de dommage et intérêt fondée sur la défaillance de la Caisse de Crédit Mutuel à son obligation de mise en garde ;
ALORS QUE la banque est tenue, à l'égard de la caution non avertie, d'un devoir de mise en garde à raison de ses capacités financières et du risque de l'endettement né de l'octroi du prêt ; qu'en affirmant que la Caisse de Crédit Mutuel n'avait aucune obligation à l'égard de Mme [W] dès lors que « l'inadéquation de son engagement à ses capacités financière n'était pas clairement établie » en se fondant sur l'existence d'un bien immobilier acquis le 25 mai 2013, soit deux ans et demi après la souscription de l'engagement de caution, la cour d'appel a violé l'article L 332-1 du code de la consommation ensemble l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 26 janvier 2023
Désistement
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 105 F-D
Pourvoi n° W 21-16.870
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 JANVIER 2023
La caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° W 21-16.870 contre le jugement rendu le 19 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Nice (pôle social), dans le litige l'opposant à M. [L] [D], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lapasset, conseiller, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes, et après débats en l'audience publique du 6 décembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Lapasset, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. Par acte déposé au greffe de la Cour de cassation le 14 septembre 2022, la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat aux Conseils, a déclaré, au nom de la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes, se désister du pourvoi formé par elle contre l'arrêt n° RG : 19/00354 rendu le 19 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Nice (pôle social) dans une instance l'opposant à M. [D].
2. En application de l'article 1026 du code de procédure civile, ce désistement, intervenu après le dépôt du rapport, doit être constaté par arrêt.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
DONNE ACTE à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes du désistement de son pourvoi ;
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
COUR DE CASSATION
SG
______________________
QUESTION PRIORITAIRE
de
CONSTITUTIONNALITÉ
______________________
Audience publique du 26 janvier 2023
IRRECEVABILITE
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 170 FS-D
Pourvoi n° C 22-18.973
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 JANVIER 2023
Par mémoire spécial présenté le 15 novembre 2022, Mme [K] [M], domiciliée [Adresse 2], M. [T] [G], domicilié [Adresse 2], la société Chrono Kart, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], ont formulé une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi n° C 22-18.973 qu'ils ont formé contre l'arrêt rendu le 30 juin 2022 par la cour d'appel de Grenoble (chambre commerciale), dans une instance les opposant à la commune de Crolles, représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité [Adresse 1].
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Baraké, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ghestin, avocat de Mme [M], de M. [G] et de la société Chrono Kart, de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la commune de Crolles, et l'avis de Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 janvier 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Baraké, conseiller référendaire rapporteur, Mme Andrich, faisant fonction de conseiller doyen, MM. David, Jobert, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, conseillers, M. Jariel, Mmes Schmitt, Aldigé, Mmes Gallet, Davoine, M. Pons, conseillers référendaires, Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Par une convention de délégation de service public du 1er mars 2004, la commune de Crolles (la commune) a délégué à MM. [T] et [U] [G] l'exploitation d'une piste de karting, pour une durée de quinze ans, prorogée par deux avenants jusqu'au 31 décembre 2021.
2. Par une délibération du 26 mars 2021, le conseil municipal de la commune a décidé de déclasser, avec effet différé au 1er janvier 2022, les installations comprenant la piste de karting et de les incorporer dans son domaine privé.
3. Au terme d'un appel à manifestation d'intérêt pour la conclusion d'un bail commercial portant sur la gestion de ces installations, auquel a participé la société Chrono Kart, dont M. [T] [G] est le gérant et Mme [M] une salariée, le conseil municipal a, par une délibération du 17 septembre 2021, désigné une autre société.
4. Dénonçant leur maintien sur site à l'issue du terme prorogé de la convention de délégation, la commune a assigné en référé la société Chrono Kart, M. [G] et Mme [M] en expulsion et en condamnation provisionnelle à indemniser divers préjudices.
Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité
5. A l'occasion du pourvoi qu'ils ont formé contre l'arrêt rendu le 30 juin 2022 par la cour d'appel de Grenoble, Mme [M], M. [G] et la société Chrono Kart ont, par mémoire distinct et motivé, demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée :
« L'exclusion du bénéfice de la propriété d'un fonds de commerce sur le domaine public communal, consacré par l'article L. 2124-32-1 du code général de la propriété des personnes publiques, au profit de l'exploitant possédant une clientèle propre qui a poursuivi son activité au-delà de l'entrée en vigueur du texte susvisé mais dont le titre d'occupation est antérieur à l'entrée en vigueur de ce texte est-elle conforme au principe d'égalité des citoyens devant la loi garanti par les articles 6 et 13 de la déclaration universelle des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ? »
Examen de la question prioritaire de constitutionnalité
6. La question ne tend qu'à contester la constitutionnalité de la portée donnée par la décision rendue dans la même instance à une disposition législative.
7. Elle est, dès lors, irrecevable.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
DÉCLARE IRRECEVABLE la question prioritaire de constitutionnalité ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille vingt-trois.
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INCA/JURITEXT000047096564.xml
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 26 janvier 2023
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 113 F-D
Pourvoi n° F 21-10.692
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme [G].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 17 novembre 2020.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 JANVIER 2023
Mme [K] [G], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° F 21-10.692 contre l'arrêt rendu le 10 janvier 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 13), dans le litige l'opposant :
1°/ à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) Île-de-France, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants Île-de-France,
2°/ au ministre des chargé de la sécurité sociale, domicilié [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Leblanc, conseiller, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de Mme [G], et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 décembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Leblanc, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 janvier 2020), la caisse locale du régime social des indépendants, aux droits de laquelle vient l'URSSAF d'Île-de-France (l'URSSAF), a adressé à Mme [G] une mise en demeure pour obtenir le paiement des cotisations forfaitaires minimales dues pour les années 2010 à 2013, puis lui a décerné une contrainte.
2. Mme [G] a formé opposition à cette contrainte devant une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. Mme [G] fait grief à l'arrêt de valider la contrainte, alors « que la cotisation forfaitaire minimale n'est due qu'à compter de la date à laquelle a débuté l'activité professionnelle entraînant l'assujettissement au régime social des indépendants ; qu'en retenant que la cotisante a été affiliée au régime social des indépendants pour la période du 1er janvier 2010 au 30 novembre 2014, pour en déduire qu'elle était tenue de verser les cotisations forfaitaires minimales pour l'ensemble de cette période, quand il était acquis que la cotisante n'avait, en raison de son état de santé, exercé aucune activité, la cour d'appel a violé les articles L. 633-10 et D. 633-1 du code de la sécurité sociale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 633-10 et D. 633-1 du code de la sécurité sociale, le premier dans sa rédaction applicable au litige et le second alors en vigueur :
4. Aux termes du second de ces textes, la cotisation mentionnée au premier est due à compter de la date à laquelle a débuté l'activité professionnelle entraînant l'assujettissement au régime d'assurance vieillesse des professions artisanales ou à celui des professions industrielles et commerciales.
5. Pour valider la contrainte, l'arrêt relève que Mme [G] a été affiliée au régime social des indépendants en sa qualité de gérante d'une entreprise individuelle pour la période du 1er janvier 2010 au 30 novembre 2014 et qu'elle a été inscrite au registre du commerce et des sociétés jusqu'au début de l'année 2015, date de sa radiation. Il retient qu'étant toujours inscrite au registre du commerce et des sociétés, elle est tenue de verser les cotisations forfaitaires minimales, quand bien même ses revenus étaient nuls pendant la période visée par la contrainte.
6. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si Mme [G] avait effectivement débuté l'activité professionnelle ayant entraîné son affiliation au régime social des indépendants, la cour appel a privé sa décision de base légale.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :
CASSE et ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne l'URSSAF Île-de-France, venant aux droits de la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants Île-de-France, aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'URSSAF Île-de-France, venant aux droits de la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants Île-de-France, à payer à la SCP Zribi et Texier la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille vingt-trois.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Zribi et Texier, avocat aux Conseils, pour Mme [G]
Mme [G] fait grief à l'arrêt attaqué
D'AVOIR validé la contrainte émise par l'URSSAF à hauteur de la somme de 5 508 € ;
1°) ALORS QUE la cotisation forfaitaire minimale n'est due qu'à compter de la date à laquelle a débuté l'activité professionnelle entraînant l'assujettissement au régime social des indépendants ; qu'en retenant que Mme [G] a été affiliée au régime social des indépendants pour la période du 1er janvier 2010 au 30 novembre 2014, pour en déduire qu'elle était tenue de verser les cotisations forfaitaires minimales pour l'ensemble de cette période, quand il était acquis que Mme [G] n'avait, en raison de son état de santé, exercé aucune activité, la cour d'appel a violé les articles L. 633-10 et D. 633-1 du code de la sécurité sociale ;
2°) ALORS, en toute hypothèse, QU'à défaut de chiffre d'affaires ou de recettes au cours d'une période d'au moins deux années consécutives, un travailleur indépendant est présumé ne plus exercer d'activité professionnelle justifiant son affiliation au régime social des indépendants ; qu'en retenant que, faute de radiation, Mme [G] était toujours régulièrement affiliée au régime social des indépendants, après avoir constaté que ses revenus étaient nuls depuis 2010, ce dont il résultait qu'elle était présumée ne plus exercer l'activité professionnelle justifiant son affiliation au moins à compter de l'année 2012, la cour d'appel a violé les articles L. 133-6-7-1, L. 633-10 et D. 633-1 du code de la sécurité sociale.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 26 janvier 2023
Désistement
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 114 F-D
Pourvoi n° M 21-15.458
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 JANVIER 2023
La société [3], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° M 21-15.458 contre l'arrêt n° RG : 19/04779 rendu le 23 février 2021 par la cour d'appel de Lyon (protection sociale), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Rhône-Alpes, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Coutou, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [3], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF de Rhône-Alpes, et après débats en l'audience publique du 6 décembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Coutou, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. Par acte déposé au greffe de la Cour de cassation le 30 novembre 2022, la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat aux Conseils, a déclaré, au nom de la société [3], se désister du pourvoi formé par elle contre l'arrêt n° RG : 19/04779 rendu le 23 février 2021 par la cour d'appel de Lyon (protection sociale) dans une instance l'opposant à l'URSSAF Rhône-Alpes.
2. En application de l'article 1026 du code de procédure civile, ce désistement, intervenu après le dépôt du rapport, doit être constaté par arrêt.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
DONNE ACTE à la société [3] du désistement de son pourvoi ;
Condamne la société [3] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [3] et la condamne à payer à l'URSSAF de Rhône-Alpes la somme de 1 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille vingt-trois.
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INCA/JURITEXT000047096559.xml
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 26 janvier 2023
Cassation partielle
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 106 F-D
Pourvoi n° R 21-11.414
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [V] [G].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 14 janvier 2021.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 JANVIER 2023
M. [V] [G], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° R 21-11.414 contre l'arrêt rendu le 6 février 2020 par la cour d'appel de Versailles (5e chambre civile), dans le litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Leblanc, conseiller, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de M. [G], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines, et après débats en l'audience publique du 6 décembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Leblanc, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 6 février 2020), la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines (la caisse) a notifié, le 18 février 2011, à M. [G] (l'assuré) un indu d'indemnités journalières portant sur la période du 29 septembre 2009 au 13 octobre 2010. L'assuré a saisi la commission de recours amiable qui a rejeté sa contestation par décision du 15 septembre 2011.
2. Il a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. L'assuré fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable son recours intenté devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, alors « que le tribunal des affaires de sécurité sociale est saisi, après l'accomplissement le cas échéant, de la procédure de recours amiable, par simple requête déposée au secrétariat ou adressée au secrétaire par lettre recommandée dans un délai de deux mois à compter de la date de la notification de la décision ; que le délai à l'expiration duquel un recours ne peut plus être exercé court à compter de la notification de la décision attaquée ; qu'en retenant que l'assuré avait « nécessairement eu connaissance » de la décision contestée le 8 mars 2013, date à laquelle il avait saisi la commission d'un recours contre la notification de l'indu, et qu'il avait saisi le tribunal de son recours le 16 décembre 2015, soit plus de deux mois après, la cour d'appel, qui l'a déclaré forclos en son recours, a fait courir ce délai de la seule connaissance qu'aurait eue l'exposant de la décision contestée, violant ainsi l'article R. 142-18 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable à la cause, ensemble l'article 528 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
4. La caisse soutient que ce moyen est irrecevable pour être nouveau et incompatible avec la thèse antérieurement soutenue devant les juges du fond.
5. Cependant, l'assuré s'était prévalu devant la cour d'appel du fait qu'il n'avait pas reçu la lettre de notification de la décision de la commission de recours amiable ni la lettre du 25 février 2013.
6. Le moyen qui n'est pas nouveau et est compatible avec la thèse antérieurement soutenue est, dès lors, recevable
Bien-fondé du moyen
Vu l'article R. 142-18 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 96-786 du 10 septembre 1996, applicable au litige :
7. Il résulte de ce texte que le délai de recours de deux mois qu'il fixe pour saisir le tribunal des affaires de sécurité sociale ne court qu'à compter de la notification de la décision de la commission de recours amiable.
8. Pour déclarer irrecevable le recours, l'arrêt retient que si la notification de la décision de la commission de recours amiable a été retournée avec la mention « destinataire non identifiable » sur l'avis de réception, l'assuré a nécessairement eu connaissance de cette décision au plus tard le 8 mars 2013, date à laquelle il a contesté sa dette postérieurement à l'envoi d'une notification d'indu à laquelle était jointe la décision de la commission de recours amiable.
9. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a fait courir le délai de forclusion de la seule connaissance qu'aurait eue l'assuré de la décision de la commission de recours amiable, a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare l'appel recevable, l'arrêt rendu le 6 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines et la condamne à payer à la SCP Bénabent la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille vingt-trois. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour M. [G]
Monsieur [G] fait grief à l'arrêt attaqué infirmatif d'avoir déclaré irrecevable son recours intenté devant le tribunal des affaires de sécurité sociale ;
1°/ ALORS QUE le tribunal des affaires de sécurité sociale est saisi, après l'accomplissement le cas échéant, de la procédure de recours amiable, par simple requête déposée au secrétariat ou adressée au secrétaire par lettre recommandée dans un délai de deux mois à compter de la date de la notification de la décision ; que le délai à l'expiration duquel un recours ne peut plus être exercé court à compter de la notification de la décision attaquée ; qu'en retenant que Monsieur [G] avait « nécessairement eu connaissance » de la décision contestée le 8 mars 2013, date à laquelle il avait saisi la commission d'un recours contre la notification de l'indu, et qu'il avait saisi le tribunal de son recours le 16 décembre 2015, soit plus de deux mois après, la cour d'appel, qui l'a déclaré forclos en son recours, a fait courir ce délai de la seule connaissance qu'aurait eue l'exposant de la décision contestée, violant ainsi l'article R 142-18 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable à la cause, ensemble l'article 528 du code de procédure civile ;
2°/ ALORS QUE la notification est réputée être faite à domicile ou à résidence lorsque l'avis de réception est signé par une personne munie d'un pouvoir à cet effet ; qu'en déclarant irrecevable comme tardif le recours engagé par l'exposant en retenant, comme point de départ la réception du courrier de notification de l'indu, alors même qu'il résultait de ses propres constatations que « la signature apposée sur cet avis [de réception] permet d'identifier une personne autre que M. [G] prénommée « [Y] » », sans rechercher si cette « autre personne » était munie d'un pouvoir à cet effet, la cour d'appel a violé l'article 670 du code de procédure civile ;
3°/ ALORS QUE l'acte de notification d'une décision doit indiquer de manière très apparente les voies, délais et modalités de recours ; que l'acte de notification ne comportant pas de telles mentions ne fait pas courir le délai de recours ; qu'en constatant que la décision de la commission de recours préalable jointe au courrier de notification de l'indu en vue de la procédure de contrainte mentionnait la possibilité de saisir le tribunal, sans vérifier si l'acte de notification de la décision comportait les mentions requises par l'article 680 du code de procédure civile, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de cet article.
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INCA/JURITEXT000047096567.xml
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 26 janvier 2023
Désistement
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 116 F-D
Pourvoi n° S 21-15.463
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 JANVIER 2023
La société [3], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 21-15.463 contre l'arrêt n° RG : 19/04782 rendu le 23 février 2021 par la cour d'appel de Lyon (protection sociale), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) Rhône-Alpes, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Coutou, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [3], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF Rhône-Alpes, après débats en l'audience publique du 6 décembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Coutou, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. Par acte déposé au greffe de la Cour de cassation le 30 novembre 2022, la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, a déclaré, au nom de la société [3], se désister du pourvoi formé par elle contre l'arrêt n° RG : 19/04782 rendu le 23 février 2021 par la cour d'appel de Lyon (protection sociale) dans une instance l'opposant à l'URSSAF Rhône-Alpes.
2. En application de l'article 1026 du code de procédure civile, ce désistement, intervenu après le dépôt du rapport, doit être constaté par arrêt.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
DONNE ACTE à la société [3] du désistement de son pourvoi ;
Condamne la société [3] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [3] et la condamne à payer à l'URSSAF Rhône-Alpes la somme de 1 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille vingt-trois.
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INCA/JURITEXT000047096566.xml
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 26 janvier 2023
Désistement
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 115 F-D
Pourvoi n° R 21-15.462
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 JANVIER 2023
La société [3], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° R 21-15.462 contre l'arrêt n° RG : 19/04781 rendu le 23 février 2021 par la cour d'appel de Lyon (protection sociale), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) Rhône-Alpes, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Coutou, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [3], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF Rhône-Alpes, après débats en l'audience publique du 6 décembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Coutou, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. Par acte déposé au greffe de la Cour de cassation le 30 novembre 2022, la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, a déclaré, au nom de la société [3], se désister du pourvoi formé par elle contre l'arrêt n° RG : 19/04781 rendu le 23 février 2021 par la cour d'appel de Lyon (protection sociale) dans une instance l'opposant à l'URSSAF Rhône-Alpes.
2. En application de l'article 1026 du code de procédure civile, ce désistement, intervenu après le dépôt du rapport, doit être constaté par arrêt.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
DONNE ACTE à la société [3] du désistement de son pourvoi ;
Condamne la société [3] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [3] et la condamne à payer à l'URSSAF Rhône-Alpes la somme de 1 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille vingt-trois.
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INCA/JURITEXT000047096562.xml
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 26 janvier 2023
Cassation partielle sans renvoi
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 110 F-D
Pourvoi n° B 21-15.610
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 JANVIER 2023
La caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° B 21-15.610 contre le jugement rendu le 23 février 2021 par le tribunal judiciaire de Montpellier (pôle social), dans le litige l'opposant à M. [G] [W], domicilié [Localité 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dudit, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne, après débats en l'audience publique du 6 décembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Dudit, conseiller référendaire rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Montpellier, 23 février 2021), rendu en dernier ressort, M. [W] (l'assuré), alors domicilié à Nogent-sur-Marne, a été admis dans la clinique de [Localité 4] située dans le Val-de-Marne.
2. La caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne (la caisse) a refusé de prendre en charge les frais de transports exposés par l'assuré le 28 février 2018, pour se rendre, lors de la sortie de la clinique, à son nouveau domicile situé chez sa fille à [Localité 3] dans l'Hérault.
3. L'assuré a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. La caisse fait grief au jugement d'ordonner la prise en charge des frais de transport pour se rendre de la clinique de [Localité 4] au nouveau domicile de l'assuré situé à [Localité 3], alors « que les frais de transport ne peuvent être pris en charge par l'assurance maladie que s'ils entrent dans l'un des cas limitativement énumérés par l'article R. 322-10 du code de la sécurité sociale, parmi lesquels ne figurent pas les transports effectués pour se rendre au nouveau domicile que l'assuré s'est choisi depuis son hospitalisation pour des raisons de rapprochement familial ; qu'en l'espèce, M. [W], domicilié à [Localité 5], a été hospitalisé à la clinique de [Localité 4], structure hospitalière la plus proche de ce domicile ; qu'à sa sortie, il ne pouvait faire prendre en charge que ses frais de transport de la clinique de [Localité 4] à son domicile d'origine de [Localité 5] ; qu'en considérant que devaient être pris en charge les frais de transport afin de rejoindre, à la sortie d'hospitalisation, le domicile de la fille de M. [W], situé à [Localité 3], et où M. [W] a choisi de s'installer, le tribunal a violé les articles L. 321-1 et R. 322-10 du code de la sécurité sociale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article R. 322-10 du code de la sécurité sociale :
5. Il résulte de ces textes que les frais de transport ne peuvent être pris en charge par l'assurance maladie que si les assurés se trouvent dans l'obligation de se déplacer pour recevoir les soins ou subir les examens appropriés à leur état ou pour se soumettre à un contrôle prescrit en application de la législation de la sécurité sociale, et s'ils entrent dans l'un des cas limitativement énumérés.
6. Ayant constaté que le transport n'avait pas pour objet d'acheminer l'assuré à un lieu de soins mais de le ramener à son domicile, le jugement retient que le choix de l'assuré de s'installer, à l'issue d'une hospitalisation, au domicile de sa fille en raison de son état de dépendance n'était pas fondé sur des considérations personnelles.
7. En statuant ainsi, alors que le déplacement litigieux n'entrait dans aucun des cas limitativement énumérés par le texte susvisé, le tribunal a violé ce dernier.
Portée et conséquences de la cassation
8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
9. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
10. Il résulte des énonciations du paragraphe 7 que l'assuré doit être débouté de sa demande de prise en charge du transport réalisé le 28 février 2018 pour se rendre de la clinique de [Localité 4] située dans le Val-de-Marne à son nouveau domicile situé chez sa fille à [Localité 3] dans l'Hérault.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il reçoit M. [W] en sa contestation, le jugement rendu le 23 février 2021, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Montpellier ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
DÉBOUTE M. [W] de sa demande de prise en charge du transport réalisé le 28 février 2018 pour se rendre de la clinique de [Localité 4] située dans le Val-de-Marne à son nouveau domicile situé chez sa fille à [Localité 3] dans l'Hérault ;
Condamne M. [W] aux dépens, en ce compris ceux exposés devant le tribunal judiciaire de Montpellier ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille vingt-trois. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Val-de-Marne
La caisse primaire d'assurance maladie du Val de Marne fait grief au jugement attaqué d'avoir infirmé la décision de la commission de recours amiable du 6 août 2018 ayant refusé la prise en charge des frais relatifs au transport de M. [W] sur demande d'entente préalable établie le 13 février 2018 pour se rendre de la clinique de [Localité 4] (Val de Marne) à son nouveau domicile situé à [Localité 3], distant de plus de 150 kilomètres.
ALORS QUE les frais de transport ne peuvent être pris en charge par l'assurance maladie que s'ils entrent dans l'un des cas limitativement énumérés par l'article R. 322-10 du code de la sécurité sociale, parmi lesquels ne figurent pas les transports effectués pour se rendre au nouveau domicile que l'assuré s'est choisi depuis son hospitalisation pour des raisons de rapprochement familial ; qu'en l'espèce, M. [W], domicilié à [Localité 5], a été hospitalisé à la clinique de [Localité 4], structure hospitalière la plus proche de ce domicile ; qu'à sa sortie, il ne pouvait faire prendre en charge que ses frais de transport de la clinique de [Localité 4] à son domicile d'origine de [Localité 5] ; qu'en considérant que devaient être pris en charge les frais de transport afin de rejoindre, à la sortie d'hospitalisation, le domicile de la fille de M. [W], situé à [Localité 3], et où M. [W] a choisi de s'installer, le tribunal a violé les articles L. 321-1 et R. 322-10 du code de la sécurité sociale.
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INCA/JURITEXT000047096563.xml
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 26 janvier 2023
Cassation partielle
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 112 F-D
Pourvoi n° K 21-16.860
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 JANVIER 2023
L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Midi-Pyrénées, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 21-16.860 contre l'arrêt rendu le 19 mars 2021 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre sociale, section 3), dans le litige l'opposant à Mme [L] [H], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Midi-Pyrénées, de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de Mme [H], et après débats en l'audience publique du 6 décembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 19 mars 2021), la caisse du régime social des indépendants, aux droits de laquelle vient l'URSSAF de Midi-Pyrénées (l'URSSAF), a adressé, les 6 juin 2016 et 11 juillet 2017, deux mises en demeure à Mme [H] (la cotisante), suivies d'une contrainte décernée le 10 avril 2018 pour le recouvrement des cotisations et majorations de retard afférentes aux 2e et 3e trimestres 2016, et à la régularisation 2016.
2. La cotisante a formé opposition devant une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première et quatrième branches
Enoncé du moyen
3. L'URSSAF fait grief à l'arrêt d'annuler la contrainte litigieuse, alors :
« 1°/ que si la contrainte délivrée à la suite d'une mise en demeure restée sans effet doit permettre au cotisant de connaître la nature, la cause et l'étendue de son obligation, il n'est pas exigé qu'elle explicite, à peine de nullité, les sommes qu'elle mentionne comme venant en déduction de celles visées par la mise en demeure ; qu'en l'espèce, la contrainte émise par l'URSSAF à l'encontre de la cotisante le 10 avril 2018, portant sur un montant global de 26 104 euros et visant deux mises en demeure portant les mêmes numéros que celles antérieurement délivrées à la cotisante, mentionnait non seulement les cotisations et contributions sociales ainsi que les majorations dues au titre des 2ème et 3ème trimestres 2016 et de la régularisation 2016, mais aussi les déductions opérées au titre du 3ème trimestre 2016 et de la régularisation 2016 à concurrence de 5 244 euros, lesquelles renvoyaient au point 4 de la contrainte visant, en particulier, les « régularisations, remises sur majorations effectuées après envoi de la mise en demeure » ; que les mentions de cette contrainte, notamment celles relatives aux déductions opérées en raison de l'actualisation des cotisations par suite de la prise en compte des revenus 2016 de la cotisante postérieurement à la seconde mise en demeure, suffisaient ainsi à permettre à cette dernière d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation et, en conséquence, de les contester dans le cadre de l'opposition à cette contrainte ; qu'en décidant le contraire et en annulant la contrainte du 10 avril 2018 faute pour cette contrainte d'expliciter les déductions opérées au regard des cotisations de la période du 3ème trimestre 2016 et de la régularisation 2016 et, en particulier, de préciser les cotisations concernées par ces déductions ainsi que leur montant, la cour d'appel a violé les articles L. 244-2, L. 244-9, R. 133-3 et R. 244-1 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction applicable au litige ;
4°/ que l'erreur matérielle de date affectant les mises en demeure visées dans la contrainte n'est pas de nature à affecter la validité de cette contrainte, comme ne permettant pas au cotisant de connaître la nature, la cause et l'étendue de son obligation, a fortiori lorsque les références des mises en demeure sont exactes ; qu'en retenant également, pour annuler la contrainte litigieuse, que celle-ci visait des dates erronées de mises en demeure notifiées plus d'un an au préalable, bien qu'elle ait constaté que les numéros de ces mises en demeure mentionnées dans la contrainte correspondaient à ceux figurant sur les mises en demeure versées aux débats par l'organisme de recouvrement, la cour d'appel a violé derechef les articles L. 244-2, L. 244-9, R. 133-3 et R. 244-1 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction applicable au litige. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 244-2, L. 244-9, R. 244-1 et R. 133-3 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige :
4. Il résulte de ces textes que la contrainte décernée pour le recouvrement de cotisations et contributions doit permettre au cotisant d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation et préciser à cette fin, à peine de nullité, la nature et le montant des cotisations et contributions réclamées ainsi que la période à laquelle elles se rapportent, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice.
5. Pour annuler la contrainte, l'arrêt relève que le montant cumulé des cotisations et majorations détaillées dans les mises en demeure correspond à celui qui figure sur la contrainte qui les vise, mais que celle-ci n'explicite pas les déductions qu'elle mentionne, qui sont le résultat d'un nouveau calcul des cotisations, sans qu'il soit porté à la connaissance du cotisant la nature, les montants et la période des cotisations qu'elles concernent. Il retient que la discordance des sommes réclamées entre les mises en demeure et la contrainte affecte la validité de celle-ci dès lors que l'omission d'information de la cotisante dans la contrainte des cotisations concernées par les déductions, comme des montants de celles-ci, a fait obstacle à ce que la cotisante puisse en apprécier le bien fondé. Il en déduit que la cotisante n'a pas été en mesure d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation lors de la signification de la contrainte, laquelle n'est pas suffisamment motivée par le seul visa des mises en demeure qui l'ont précédée. Il ajoute que si les numéros des mises en demeure mentionnés sur la contrainte sont exacts, celle-ci vise des dates erronées de mises en demeure.
6. En statuant ainsi, alors, d'une part, qu'il résultait de ses propres constatations que la contrainte précisait, pour l'année considérée, la nature et le montant initial des cotisations et majorations réclamées ainsi que les déductions à soustraire de ces sommes et, d'autre part, que la validité d'une contrainte n'est pas affectée par la réduction ultérieure du montant de la créance de l'organisme de recouvrement, de sorte que la cotisante pouvait, nonobstant l'erreur matérielle affectant la date des mises en demeure mentionnée dans la contrainte, connaître la cause, la nature et l'étendue de son obligation, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable l'opposition de Mme [H], l'arrêt rendu le 19 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne Mme [H] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [H] et la condamne à payer à l'URSSAF de Midi-Pyrénées la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille vingt-trois. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Midi-Pyrénées
L'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) Midi Pyrénées fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré l'opposition de Mme [H] à la contrainte émise par l'URSSAF Midi Pyrénées le 10 avril 2018 recevable et bien fondée, D'AVOIR constaté que la procédure de recouvrement était irrégulière et D'AVOIR annulé la contrainte litigieuse,
1) ALORS QUE si la contrainte délivrée à la suite d'une mise en demeure restée sans effet doit permettre au cotisant de connaître la nature, la cause et l'étendue de son obligation, il n'est pas exigé qu'elle explicite, à peine de nullité, les sommes qu'elle mentionne comme venant en déduction de celles visées par la mise en demeure ; qu'en l'espèce, la contrainte émise par l'URSSAF Midi Pyrénées à l'encontre de Mme [H] le 10 avril 2018, portant sur un montant global de 26 104 € et visant deux mises en demeure portant les mêmes numéros que celles antérieurement délivrées à la cotisante, mentionnait non seulement les cotisations et contributions sociales ainsi que les majorations dues au titre des 2ème et 3ème trimestres 2016 et de la régularisation 2016, mais aussi les déductions opérées au titre du 3ème trimestre 2016 et de la régularisation 2016 à concurrence de 5 244 €, lesquelles renvoyaient au point 4 de la contrainte visant, en particulier, les « régularisations, remises sur majorations effectuées après envoi de la mise en demeure » ; que les mentions de cette contrainte, notamment celles relatives aux déductions opérées en raison de l'actualisation des cotisations par suite de la prise en compte des revenus 2016 de Mme [H] postérieurement à la seconde mise en demeure, suffisaient ainsi à permettre à cette dernière d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation et, en conséquence, de les contester dans le cadre de l'opposition à cette contrainte ; qu'en décidant le contraire et en annulant la contrainte du 10 avril 2018 faute pour cette contrainte d'expliciter les déductions opérées au regard des cotisations de la période du 3ème trimestre 2016 et de la régularisation 2016 et, en particulier, de préciser les cotisations concernées par ces déductions ainsi que leur montant, la cour d'appel a violé les articles L. 244-2, L. 244-9, R. 133-3 et R. 244-1 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction applicable au litige.
2) ALORS QUE le juge ne peut se déterminer par un motif hypothétique : qu'en retenant que, faute pour la contrainte du 10 avril 2018 d'expliciter les réductions opérées concernant les cotisations de la période du 3ème trimestre 2016 et de la régularisation 2016 et dès lors que celles-ci ne pouvaient s'expliquer par des versements effectués entre temps, ces déductions « ne peuvent qu'être liées » à des cotisations dont les montants ne correspondent nullement à ceux mentionnés sur une mise en demeure comportant une autre date que celle figurant sur la contrainte et ce sans qu'il soit porté à la connaissance du cotisant la nature, les montants et la période des cotisations qu'elles concernent, la cour d'appel s'est déterminée par un motif hypothétique et a violé l'article 455 du code de procédure civile.
3) ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que dans ses conclusions d'appel, l'URSSAF Midi Pyrénées avait fait valoir que la Caisse RSI avait, pour le calcul du montant des cotisations réclamées dans la contrainte du 10 avril 2018, pris en compte les revenus communiqués dans la déclaration de revenus 2016 de Mme [H] faite le 16 juillet 2017, et qu'elle produisait en pièce n° 9 de son bordereau de communication des pièces un tableau récapitulant les modalités de calcul des cotisations et les assiettes de calcul retenues ; qu'en particulier ce tableau détaillait par nature les cotisations actualisées de l'année 2016, pour la période allant du 1er janvier 2016 au 10 juin 2016, à hauteur de 7 703 €, ayant donné lieu à déduction sur la contrainte litigieuse ; qu'en affirmant que si l'organisme de recouvrement admettait dans ses conclusions, pour justifier les déductions mentionnées sur la contrainte, avoir procédé à un nouveau calcul des cotisations, il ne les détaillait pas pour autant par nature de cotisations, la cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel de l'exposante ainsi que le tableau récapitulatif de calcul des cotisations constituant la pièce n° 9 du bordereau de communication des pièces figurant en page 8 desdites conclusions, en violation du principe selon lequel le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis et de l'article 4 du code de procédure civile.
4) ALORS QUE l'erreur matérielle de date affectant les mises en demeure visées dans la contrainte n'est pas de nature à affecter la validité de cette contrainte, comme ne permettant pas au cotisant de connaître la nature, la cause et l'étendue de son obligation, a fortiori lorsque les références des mises en demeure sont exactes ; qu'en retenant également, pour annuler la contrainte litigieuse, que celle-ci visait des dates erronées de mises en demeure notifiées plus d'un an au préalable, bien qu'elle ait constaté que les numéros de ces mises en demeure mentionnées dans la contrainte correspondaient à ceux figurant sur les mises en demeure versées aux débats par l'organisme de recouvrement, la cour d'appel a violé derechef les articles L. 244-2, L. 244-9, R. 133-3 et R. 244-1 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction applicable au litige.
5) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel, l'URSSAF Midi Pyrénées avait soutenu que les cotisations dues par Mme [H] avaient été calculées à titre définitif en tenant compte des revenus déclarés par cette dernière tant pour l'année 2015 que pour l'année 2016, la Caisse RSI ayant ainsi pris en compte les revenus communiqués dans la déclaration de revenus 2016 de Mme [H] qui avait été faite le 16 juillet 2017 par son expert-comptable, soit postérieurement à la mise en demeure du 11 juillet 2017 portant sur le 3ème trimestre 2016 et la régularisation 2016 ; qu'en dénonçant le caractère évolutif des cotisations demandées à Mme [H] dans les mises en demeure et dans la contrainte sans rechercher, bien qu'elle y ait été expressément invitée, si les discordances de sommes constatées au regard des calculs insérés dans les conclusions de l'organisme de recouvrement ne s'expliquaient pas par la prise en compte tardive des revenus de Mme [H] relatifs à l'année 2016, qui n'avaient été communiqués par cette dernière à l'URSSAF que postérieurement à la mise en demeure du 11 juillet 2017, ayant abouti à une actualisation des calculs de cotisations et de majorations au titre des périodes de l'année 2016 et de la régularisation 2016 visées dans cette contrainte., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 244-2, L. 244-9, R. 133-3 et R. 244-1 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction applicable au litige.
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INCA/JURITEXT000047096561.xml
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 26 janvier 2023
Cassation partielle
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 109 F-D
Pourvoi n° A 21-15.080
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [T].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 11 février 2021.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 JANVIER 2023
M. [D] [T], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° A 21-15.080 contre l'arrêt rendu le 13 juin 2019 par la cour d'appel de Versailles (5e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine, dont le siège est [Adresse 3],
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dudit, conseiller référendaire, les observations de la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de M. [T], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France, après débats en l'audience publique du 6 décembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Dudit, conseiller référendaire rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 13 juin 2019), M. [T] (l'assuré) a sollicité, le 26 mars 2010, une pension d'invalidité que la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France (la caisse) lui a refusée au motif qu'il n'avait plus la qualité d'assuré social pour le risque invalidité, et qu'il avait épuisé ses droits depuis le 3 mars 2010, lendemain de la fin du délai de douze mois suivant la cessation du versement des allocations versées par l'ASSEDIC.
2. L'assuré a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. L'assuré fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « que les conditions d'ouverture des droits à une pension d'invalidité du régime général de la sécurité sociale s'apprécient à la date à laquelle est survenue l'interruption de travail suivie d'invalidité ou constatée l'usure prématurée de l'organisme ; qu'en retenant, pour juger que l'assuré ne pouvait prétendre à une pension d'invalidité, qu'il avait formulé sa demande de pension le 26 mars 2010, soit plus de douze mois après la date de cessation du versement des allocations de l'assurance chômage, cependant que, comme le faisait valoir l'assuré, la date à prendre en considération était, non pas celle de la demande de pension, mais la date de l'interruption de travail suivie d'invalidité ou celle de la constatation de l'usure prématurée de l'organisme, la cour d'appel a violé les articles L. 341-2 et R. 313-5 du code de la sécurité sociale, le premier dans sa rédaction issue de la loi n° 92-722 du 29 juillet 1992 et le second dans sa rédaction issue du décret n° 2001-1342 du 28 décembre 2001, applicables au litige. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 341-2 et R. 313-5 du code de la sécurité sociale, dans leurs rédactions applicables au litige :
4. Il résulte de ces textes que les conditions d'ouverture des droits à une pension d'invalidité du régime général de la sécurité sociale s'apprécient au premier jour du mois au cours duquel est survenue l'interruption de travail suivie d'invalidité ou constatée l'usure prématurée de l'organisme.
5. Pour rejeter le recours de l'assuré, ayant constaté que ce dernier a perdu la qualité d'assujetti au régime général depuis le 3 mars 2009, l'arrêt, se fondant sur les dispositions des articles R. 313-5 et L. 161-8 du code de la sécurité sociale, retient que l'assuré a déposé sa demande de pension d'invalidité le 26 mars 2010, soit plus de douze mois après la date de cessation du versement des allocations de l'assurance chômage, de sorte qu'il ne pouvait prétendre au versement d'une pension d'invalidité.
6. En statuant ainsi, alors que pour déterminer la période de référence à prendre en considération pour l'appréciation des droits à l'assurance invalidité, il convient de se placer soit à la date de l'interruption lorsque celle-ci a été immédiatement suivie d'invalidité, soit à la date de constatation de l'usure prématurée de l'organisme, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il reçoit M. [T] en son recours, l'arrêt rendu le 13 juin 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille vingt-trois. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat aux Conseils, pour M. [T]
M. [T] fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir rejeté ses demandes tendant à ce que la décision de rejet de commission de recours amiable de la Cramif soit annulée, qu'il soit enjoint à la Cramif de statuer sur sa demande de pension d'invalidité et que la Cramif soit condamnée à l'indemniser des préjudices subis, à hauteur de 5 000 euros ;
ALORS QUE les conditions d'ouverture des droits à une pension d'invalidité du régime général de la sécurité sociale s'apprécient à la date à laquelle est survenue l'interruption de travail suivie d'invalidité ou constatée l'usure prématurée de l'organisme ; qu'en retenant, pour juger que M. [T] ne pouvait prétendre à une pension d'invalidité, qu'il avait formulé sa demande de pension le 26 mars 2010, soit plus de douze mois après la date de cessation du versement des allocations de l'assurance chômage, cependant que, comme le faisait valoir M. [T], la date à prendre en considération était, non pas celle de la demande de pension, mais la date de l'interruption de travail suivie d'invalidité ou celle de la constatation de l'usure prématurée de l'organisme, la cour d'appel a violé les articles L. 341-2 et R. 313-5 du code de la sécurité sociale, le premier dans sa rédaction issue de la loi n°92-722 du 29 juillet 1992 et le second dans sa rédaction issue du décret n°2001-1342 du 28 décembre 2001, applicables au litige.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 26 janvier 2023
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 96 F-D
Pourvoi n° T 21-20.317
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 JANVIER 2023
La caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 21-20.317 contre le jugement rendu le 31 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Chambéry (pôle social), dans le litige l'opposant à la société [3], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Renault-Malignac, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société [3], après débats en l'audience publique du 6 décembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Renault-Malignac, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Chambéry, 31 mai 2021), rendu en dernier ressort, la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie (la caisse) a notifié à la société [3] (la société) un indu d'un certain montant au titre de prestations d'oxygénothérapie.
2. La société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. La caisse fait grief au jugement d'annuler l'indu, alors « qu'il appartient à la juridiction de la sécurité sociale de se prononcer sur le litige dont elle est saisie, peu important les éventuelles irrégularités affectant la motivation des décisions de l'organisme de sécurité sociale ; qu'en annulant l'indu notifié le 24 novembre 2018, au seul motif que la décision de la commission de recours amiable n'est pas motivée, les juges du fond ont violé les articles L. 211-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration, auxquels renvoie l'article L. 115-3 du code de la sécurité sociale et les articles 5 et 12 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 211-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration, auxquels renvoient les articles R. 142-1-A et R. 142-4 du code de la sécurité sociale, ces derniers dans leur rédaction issue respectivement des décrets n° 2018-928 du 29 octobre 2018 et n° 2018-199 du 23 mars 2018, applicables au litige, et les articles 5 et 12 du code de procédure civile :
4. Il appartient à la juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale, en application des deux derniers de ces textes, de se prononcer sur le litige dont elle est saisie, peu important les éventuelles irrégularités affectant la motivation de la décision de la commission de recours amiable au regard des dispositions des premiers.
5. Pour annuler l'indu notifié par la caisse, le jugement se borne à constater que la décision de la commission de recours amiable de la caisse n'est pas motivée et que l'absence de motivation prive la société de l'effectivité de son recours.
6. En statuant ainsi, le tribunal a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 31 mai 2021, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Chambéry ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant le tribunal judiciaire d'Annecy ;
Condamne la société [3] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [3] et la condamne à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie la somme de 2 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille vingt-trois. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie.
Le jugement attaqué, critiqué par la Caisse, encourt la censure ;
EN CE QU' il a annulé l'indu d'un montant de 560 euros notifié le 24 novembre 2018 à la société [3] ;
ALORS QUE, il appartient à la juridiction de la sécurité sociale de se prononcer sur le litige dont elle est saisie, peu important les éventuelles irrégularités affectant la motivation des décisions de l'organisme de sécurité sociale ; qu'en annulant l'indu notifié le 24 novembre 2018, au seul motif que la décision de la commission de recours amiable n'est pas motivée, les juges du fond ont violé les articles L. 211-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration, auxquels renvoie l'article L. 115-3 du code de la sécurité sociale et les articles 5 et 12 du code de procédure civile.
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INCA/JURITEXT000047096548.xml
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 26 janvier 2023
Cassation partielle
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 94 F-D
Pourvoi n° R 21-18.314
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 JANVIER 2023
La caisse primaire d'assurance maladie d'Indre-et-Loire, dont le siège est Le [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 21-18.314 contre le jugement rendu le 19 avril 2021 par le tribunal judiciaire de Tours (pôle social), dans le litige l'opposant à M. [Z] [B], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Renault-Malignac, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie d'Indre-et-Loire, après débats en l'audience publique du 6 décembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Renault-Malignac, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Tours, 19 avril 2021), rendu en dernier ressort, la caisse primaire d'assurance maladie d'Indre-et-Loire (la caisse) ayant décidé de limiter la prise en charge des frais de transport exposés par M. [B] (l'assuré) pour se rendre de la clinique des [3] à [Localité 4] à son domicile situé en Indre-et-Loire le 14 mai 2019, au coût d'un déplacement depuis la clinique de [Localité 5] (Indre-et-Loire), l'assuré a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
2. La caisse fait grief au jugement d'accueillir le recours de l'assuré et de dire qu'elle devra lui rembourser les frais de transport engagés pour leur entier montant, alors « que la détermination de la structure de soins appropriée à l'état du patient la plus proche de son domicile constitue une difficulté d'ordre médical ; que sans pouvoir la trancher, le juge a l'obligation de prescrire une expertise médicale ; qu'en retenant, pour faire droit au recours de l'assuré, que la clinique des [3] était la structure de soins appropriée, les juges du fond, qui se sont arrogé le pouvoir de trancher eux-mêmes une difficulté d'ordre médical, ont violé les articles L. 141-1 et R. 142-24 du code de la sécurité sociale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 141-1, R. 142-17-1 et R. 322-10-5 du code de la sécurité sociale, les deux premiers alors en vigueur :
3. Il résulte de la combinaison de ces textes que la détermination de la structure de soins appropriée à l'état du patient la plus proche de son domicile constitue une difficulté d'ordre médical qui ne peut être tranchée qu'après mise en oeuvre d'une mesure d'expertise médicale technique.
4. Pour accueillir le recours de l'assuré, le jugement relève que si l'intervention chirurgicale subie par l'assuré aurait pu être effectuée dans un établissement médical plus proche de son domicile, elle n'aurait pu l'être de manière aussi rapide, ce qui aurait rendu nécessaire un arrêt de travail et généré un coût supplémentaire pour la sécurité sociale. Il retient qu'il existait, pour l'assuré, au regard de ses fonctions de policier de terrain, une nécessité d'être opéré dans les meilleurs délais, afin de pouvoir poursuivre son travail, de sorte que la clinique des [3] était la structure de soins appropriée.
5. En statuant ainsi, le tribunal a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable le recours de M. [B], le jugement rendu le 19 avril 2021, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Tours ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant le tribunal judiciaire d'Orléans ;
Condamne M. [B] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille vingt-trois. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie d'Indre-et-Loire.
Le jugement attaqué, critiqué par la Caisse, encourt la censure ;
EN CE QU' il a déclaré bien fondé le recours de M. [B], infirmé la décision de la commission de recours amiable en date du 25 août 2020 et dit que les frais de transport de M. [B] doivent lui être remboursés par la Caisse à hauteur de 806,24 euros ;
ALORS QUE la détermination de la structure de soins appropriée à l'état du patient la plus proche de son domicile constitue une difficulté d'ordre médical ; que sans pouvoir la trancher, le juge a l'obligation de prescrire une expertise médicale ; qu'en retenant, pour faire droit au recours de l'assuré, que la clinique de [3] était la structure de soins appropriée, les juges du fond, qui se sont arrogé le pouvoir de trancher eux-mêmes une difficulté d'ordre médical, ont violé les articles L. 141-1 et R. 142-24 du code de la sécurité sociale.
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INCA/JURITEXT000047096560.xml
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 26 janvier 2023
Cassation partielle
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 107 F-D
Pourvoi n° C 21-13.035
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 JANVIER 2023
La caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 21-13.035 contre l'arrêt rendu le 5 février 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 13), dans le litige l'opposant à la société Pharmacie [Localité 3] centre, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La société Pharmacie [Localité 3] centre a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Leblanc, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne, de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de la société Pharmacie [Localité 3] centre, après débats en l'audience publique du 6 décembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Leblanc, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 février 2021), à la suite d'une analyse de l'activité professionnelle de la société Pharmacie [Localité 3] centre (le professionnel de santé) par le service du contrôle médical de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne (la caisse), celle-ci lui a notifié, le 6 février 2014, un indu correspondant à des anomalies de facturation, suivi, le 21 août 2015, d'une pénalité financière.
2. Le professionnel de santé a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi principal
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen du pourvoi incident
Enoncé du moyen
4. Le professionnel de santé fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en remboursement de la somme versée au titre de la pénalité financière, alors « que le professionnel de santé demandait le remboursement de la somme de 21 333,82 euros que la caisse avait retenu au titre d'une pénalité financière injustifiée ; que la caisse reconnaissait qu'elle avait opéré ces retenues et que la pénalité financière avait été ainsi soldée ; que la cour d'appel a débouté la CPAM de sa demande de condamnation au paiement d'une pénalité financière ; qu'en énonçant toutefois, pour rejeter la demande du professionnel de santé en remboursement de la somme de 21 333,82 euros, qu'elle « n'établit (?) pas le paiement dont aurait bénéficié la Caisse et dont elle sollicite le remboursement », cependant que les parties s'accordaient sur le fait que la pénalité financière mise à la charge du professionnel de santé avait été payée dans le cadre d'une retenue à la source opérée par la Caisse, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code procédure civile :
5. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
6. Pour débouter le professionnel de santé de sa demande de remboursement, l'arrêt relève que la société n'établit pas le paiement dont aurait bénéficié la caisse et dont elle sollicite le remboursement.
7. En statuant ainsi alors que, dans ses conclusions d'appel, la caisse reconnaissait qu'elle avait opéré des retenues au titre de la pénalité financière et que celle-ci avait été ainsi soldée, la cour d'appel, qui a méconnu les termes du litige, a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute la société Pharmacie [Localité 3] centre de sa demande en remboursement de la pénalité financière, l'arrêt rendu le 5 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne et la condamne à payer à la société Pharmacie [Localité 3] centre la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille vingt-trois. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Essonne
La CPAM de l'Essonne fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir annulé la notification d'indu du 6 février 2014 qu'elle avait adressée à la Pharmacie [Localité 3] Centre, ainsi que la décision de la commission de recours amiable du 3 octobre 2014, et de l'avoir débouté de sa demande en paiement de l'indu et de la pénalité financière notifiée à la Pharmacie [Localité 3] Centre le 21 août 2015 ;
1° ALORS QUE la preuve d'un fait juridique est libre, de sorte que les juges ne peuvent exiger la production d'une pièce précise pour apprécier si une partie rapporte la preuve du fait qu'elle allègue ; qu'en l'espèce, la caisse soutenait que la procédure de notification de l'indu avait été parfaitement respectée, la caisse ayant notifié les griefs par lettre recommandée avec accusé de réception les 21 et 27 août 2013, et l'entretien contradictoire avec la Pharmacie [Localité 3] Centre ayant eu lieu le 28 octobre 2013 qui a permis de réduire le montant de l'indu ; que si la caisse ne produisait pas les lettres recommandées de notification des griefs, ni le procès-verbal de l'entretien contradictoire, elle prouvait l'existence de cette notification et de la tenue de l'entretien en produisant et en invoquant la lettre de saisine de la commission de recours amiable par Mme [D], gérante de la Pharmacie [Localité 3] Centre, qui faisait mention de l'entretien contradictoire litigieux suite à la notification des griefs dont elle reconnaissait expressément qu'ils étaient parfaitement fondés pour la plus grande partie ; que la caisse invoquait encore la requête de Mme [D] pour saisir le tribunal des affaires de sécurité sociale, requête dans laquelle Mme [D] reconnaissait la réalité de la plupart des griefs qui lui avaient été notifiés ; qu'en refusant d'analyser ces documents caractérisant un aveu et en exigeant la production de la lettre de notification des griefs pour démontrer l'existence de celle-ci, la cour d'appel a violé l'article 1315, devenu 1353 du code civil, ensemble le principe de la liberté de la preuve d'un fait juridique et l'article R 315-1 du code de la sécurité sociale ;
2° ALORS QUE la reconnaissance de sa dette d'indu par un professionnel de santé lui interdit d'en contester ultérieurement l'existence ; qu'en l'espèce la caisse exposante faisait valoir que la Pharmacie [Localité 3] Centre avait expressément reconnu sa dette d'indu à concurrence de 50 000 euros tant dans sa lettre de saisie de la commission de recours amiable que dans sa requête devant le tribunal des affaires de sécurité sociale ; qu'en déclarant la Pharmacie [Localité 3] Centre recevable et bien fondée à contester la totalité de sa créance en cause d'appel, la cour d'appel a violé l'article 1354, devenu l'article 1383 du code civil, l'article 408 du code de procédure civile, et les articles L 133-4 et L 133-4-1 du code de la sécurité sociale. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Marlange et de La Burgade, avocat aux Conseils, pour la société Pharmacie [Localité 3] centre
La société Pharmacie [Localité 3] Centre reproche à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande en paiement de la somme de 21 333,82 euros,
ALORS QUE la société Pharmacie [Localité 3] Centre demandait le remboursement de la somme de 21.333,82 euros que la CPAM de l'Essonne avait retenue au titre d'une pénalité financière injustifiée (conclusions d'appel de l'exposante, pp. 26, 27 et 30) ; que la CPAM de l'Essonne reconnaissait qu'elle avait opéré ces retenues et que la pénalité financière avait été ainsi soldée (conclusions de la CPAM, p. 16) ; que la cour d'appel a débouté la CPAM de sa demande de condamnation au paiement d'une pénalité financière ; qu'en énonçant toutefois, pour rejeter la demande de la société Pharmacie [Localité 3] Centre en remboursement de la somme de 21 333,82 euros, qu'elle « n'établit (?) pas le paiement dont aurait bénéficié la Caisse et dont elle sollicite le remboursement » (arrêt, p. 6), cependant que les parties s'accordaient sur le fait que la pénalité financière mise à la charge de la société Pharmacie [Localité 3] Centre avait été payée dans le cadre d'une retenue à la source opérée par la Caisse, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile.
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INCA/JURITEXT000047096551.xml
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 26 janvier 2023
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 98 F-D
Pourvoi n° W 21-18.825
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 JANVIER 2023
L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) d'Alsace, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° W 21-18.825 contre l'arrêt n° RG : 20/02599 rendu le 30 avril 2021 par la cour d'appel de Colmar (1re chambre civile, section A), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société [6], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],
2°/ à la société [4], société d'exercice libéral par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], prise en la personne de M. [K] [E], en qualité de liquidateur judiciaire de la société [6],
3°/ au procureur général près la cour d'appel de Colmar, domicilié en son [Adresse 5],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Rovinski, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF d'Alsace, de la SCP Delamarre et Jéhannin, avocat de la société [6] et de la société [4], son liquidateur judiciaire, prise en la personne de M. [E], après débats en l'audience publique du 6 décembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Rovinski, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 30 avril 2021), à la suite de l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la société [6] (la société), celle-ci représentée par son liquidateur la société [4], ayant contesté le caractère privilégié de la créance de l'URSSAF d'Alsace (l'URSSAF), sa contestation a été rejeté partiellement par ordonnance du 31 août 2020 du juge-commissaire.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, ci-après annexé
2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Et sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. L'URSSAF fait grief à l'arrêt de rejeter l'intégralité de sa créance présentée à titre privilégié sur le passif de la société [6], alors « que les créances privilégiées qui dépassent 15 000 euros doivent être inscrites à un registre public tenu au greffe du tribunal de commerce ou du tribunal de grande instance dans le délai de 9 mois suivant leur date limite de paiement ; que ce délai étant nécessairement différent pour chaque créance, le montant de chacune d'elles doit s'apprécier isolément, échéance par échéance, pour déterminer si le seuil de 15 000 euros est ou non atteint ; qu'en décidant d'apprécier globalement le montant des créances de l'URSSAF pour constater leur défaut d'inscription et rejeter ainsi dans sa totalité la créance déclarée à titre privilégié, la cour d'appel a violé les articles L. 243-5, L. 243-4 et D. 243-3 du code de la sécurité sociale en leur rédaction applicable au litige. »
Réponse de la Cour
4. Il résulte de l'article L. 243-5 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011, applicable au litige, que, pour conserver les effets du privilège accordé par l'article L. 243-4 du même code en garantie du paiement des cotisations sociales dues par un commerçant ou une personne immatriculée au répertoire des métiers, une personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale, ou une personne morale de droit privé, les organismes sociaux doivent inscrire les sommes privilégiées à un registre public tenu au greffe du tribunal de commerce ou au tribunal de grande instance, dans le délai de neuf mois suivant leur date limite de paiement ou, le cas échéant, la date de notification de l'avertissement ou de la mise en demeure prévus à l'article L. 244-2, lorsque la créance est constatée lors d'un contrôle organisé en application des dispositions de l'article L. 243-7, dès lors que le montant cumulé de la dette dépasse le montant fixé par l'article D. 243-3.
5. Ayant constaté que la créance globale de l'URSSAF excédait le seuil de 15 000 euros fixé par l'article D. 243-3 et qu'elle n'avait pas fait l'objet d'une inscription, la cour d'appel en a exactement déduit que le privilège invoqué par cet organisme ne pouvait s'appliquer à l'intégralité de sa créance.
6. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'URSSAF d'Alsace aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'URSSAF d'Alsace et la condamne à payer à la société [6], représentée par la société [4], son liquidateur judiciaire, prise en la personne de M. [E], la somme de 1 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille vingt-trois. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour l'URSSAF d'Alsace
L'URSSAF Alsace fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté l'intégralité de sa créance présentée à titre privilégié sur le passif de la société [6],
1/ ALORS QUE les créances privilégiées qui dépassent 15 000 euros doivent être inscrites à un registre public tenu au greffe du tribunal de commerce ou du tribunal de grande instance dans le délai de 9 mois suivant leur date limite de paiement ; que ce délai étant nécessairement différent pour chaque créance, le montant de chacune d'elles doit s'apprécier isolément, échéance par échéance, pour déterminer si le seuil de 15 000 euros est ou non atteint ; qu'en décidant d'apprécier globalement le montant des créances de l'URSSAF pour constater leur défaut d'inscription et rejeter ainsi dans sa totalité la créance déclarée à titre privilégié, la cour d'appel a violé les articles L 243-5, L 243-4 et D 243-3 du code de la sécurité sociale en leur rédaction applicable au litige,
2/ ALORS QU'en tout état de cause, un privilège est institué pour l'URSSAF pour la créance d'un montant inférieur à 15 000 euros lors de l'ouverture de la procédure collective ; qu'en conséquence, seul le montant dépassant ce seuil doit faire l'objet de l'inscription telle que prévue à l'article L 243-5 dudit code ; qu'en considérant néanmoins que l'inscription devait porter sur l'intégralité de la créance de l'URSSAF, la cour d'appel a violé les articles L 243-4 et L 243-5 du code de la sécurité sociale en leur rédaction applicable au litige,
3/ ALORS QU'en toute hypothèse, les créances dépassant le seuil de 15 000 euros et n'ayant pas fait l'objet d'une inscription conservent leur caractère privilégié dès lors qu'une procédure collective est ouverte au bénéfice du débiteur avant la fin du délai de 9 mois prévu pour l'inscription desdites créances ; qu'en l'espèce, les créances déclarées par l'URSSAF concernaient des cotisations exigibles entre les mois de juillet et avril 2019, et s'inscrivaient donc dans le délai de 9 mois précédant l'ouverture de la procédure collective, intervenue le 1er avril 2019 ; que le privilège dont bénéficiait l'URSSAF à cette date continuait donc à produire ses effets même en l'absence d'inscription des créances litigieuses ; qu'en affirmant au contraire qu'aucun privilège ne pouvait plus être exercé en l'absence d'une inscription effectuée au jour du jugement d'ouverture de la procédure collective, pour écarter le caractère privilégié de la créance de l'URSSAF, la cour d'appel a violé les articles L 243-5 et L 243-4 du code de la sécurité sociale en leur rédaction applicable au litige.
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INCA/JURITEXT000047096545.xml
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 26 janvier 2023
Cassation partielle
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 91 F-D
Pourvoi n° E 21-14.049
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 JANVIER 2023
L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) des Pays de la Loire, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° E 21-14.049 contre l'arrêt rendu le 28 janvier 2021 par la cour d'appel d'Angers (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société [B] [G], société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 3], et anciennement [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Coutou, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF des Pays de la Loire, de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société [B] [G], et après débats en l'audience publique du 6 décembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Coutou, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 28 janvier 2021), les services de la gendarmerie ayant dressé le 30 décembre 2013 un procès-verbal de travail dissimulé par dissimulation d'emploi à l'encontre de l'EURL [B] [G] (la société), l'URSSAF des Pays de la Loire (l'URSSAF) lui a adressé le 7 mars 2014 une lettre d'observations, suivie, le 17 septembre 2014, d'une mise en demeure.
2. La société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. L'URSSAF fait grief à l'arrêt d'annuler le redressement, alors « 1°/ que s'il procède du constat de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié, le redressement a pour objet exclusif le recouvrement des cotisations afférentes à cet emploi, sans qu'il soit nécessaire d'établir l'intention frauduleuse de l'employeur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la gendarmerie avait dressé un procès-verbal de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié à l'encontre de la société et que l'URSSAF lui avait adressé une lettre d'observations faisant état d'un redressement pour travail dissimulé, de sorte que le redressement notifié à cette date avait pour seul objet le recouvrement des cotisations afférentes aux emplois visés par le constat établi antérieurement ; qu'en retenant, pour annuler le redressement qui avait été notifié à la société le 7 mars 2014, que faute d'élément intentionnel, aucune infraction de travail dissimulé ne pouvait être reprochée à cette société, la cour d'appel a violé les articles L. 8221-5 du code du travail, L. 243-7 et R. 243-59 du code de la sécurité sociale, dans leur version applicable au litige. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 242-1-1 et L. 242-1-2 du code de la sécurité sociale :
4. S'il résulte du constat d'infraction de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié, le redressement a pour objet exclusif le recouvrement des cotisations afférentes à cet emploi, sans qu'il soit nécessaire d'établir l'intention frauduleuse de l'employeur.
5. Pour annuler le redressement, l'arrêt énonce que contrairement à ce que prétend l'URSSAF, l'élément intentionnel est indispensable pour caractériser l'infraction de travail dissimulé et que si celui-ci ne ressort pas de l'enquête pénale, le redressement opéré n'est pas fondé. Il en déduit que, compte tenu des éléments du dossier, il convient de considérer qu'au sens de l'application de la législation sociale, il ne peut être reproché à la société aucune infraction de travail dissimulé, faute d'élément intentionnel.
6. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
7. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation de la disposition de l'arrêt annulant le redressement entraîne par voie de conséquence la cassation du chef du dispositif disant non justifiée l'annulation des réductions « Fillon », lequel s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette les moyens présentées par l'EURL [B] [G] tirés de l'irrégularité de la procédure de contrôle et de la nullité des procès-verbaux établis par les services de la gendarmerie nationale, l'arrêt rendu le 28 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes ;
Condamne la société [B] [G] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [B] [G] et la condamne à payer l'URSSAF des Pays de la Loire la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille vingt-trois. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales des Pays-de-la Loire
PREMIER MOYEN DE CASSATION
L'URSSAF Pays de la Loire FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR annulé le redressement opéré par l'URSSAF Pays de la Loire à l'encontre de l'EURL [B] [G] par lettre d'observations du 7 mars 2014 et mise en demeure du 17 septembre 2016 pour un montant de 30 447 euros majorations comprises,
1- ALORS QUE s'il procède du constat de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié, le redressement a pour objet exclusif le recouvrement des cotisations afférentes à cet emploi, sans qu'il soit nécessaire d'établir l'intention frauduleuse de l'employeur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la gendarmerie avait dressé un procès-verbal de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié à l'encontre de l'EURL [B] [G] et que l'URSSAF lui avait adressé une lettre d'observations faisant état d'un redressement pour travail dissimulé, de sorte que le redressement notifié à cette date avait pour seul objet le recouvrement des cotisations afférentes aux emplois visés par le constat établi antérieurement ; qu'en retenant, pour annuler le redressement qui avait été notifié à la société [B] [G] le 7 mars 2014, que faute d'élément intentionnel, aucune infraction de travail dissimulé ne pouvait être reprochée à cette société, la cour d'appel a violé les articles L. 8221-5 du code du travail, L. 243-7 et R. 243-59 du code de la sécurité sociale, dans leur version applicable au litige.
2- ALORS QUE, subsidiairement, la seule constatation de la violation en connaissance de cause d'une prescription légale ou règlementaire implique, de la part de son auteur, l'intention coupable exigée par l'article L. 8221-5 du code du travail ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'enquête pénale avait permis d'établir que toutes les personnes qui travaillaient au sein de la discothèque possédaient la qualité de salariés sauf MM. [M] et [T] qui exerçaient leurs fonctions de barman et d'agent de sécurité sous le statut d'auto entrepreneur, que le gérant avait affirmé qu'il n'avait pu employer ces deux personnes parce qu'elles étaient fonctionnaires de l'Education Nationale et qu'elles ne pouvaient cumuler un emploi public et privé, que M. [M] ne disposait d'aucun agrément pour exercer les fonctions réglementées d'agent de sécurité et qu'enfin MM. [M] et [T] avaient tous deux déclaré recevoir toutes leurs instructions de M. [B] ; qu'en retenant, pour juger que l'élément intentionnel de l'infraction de travail dissimulé n'était pas caractérisée, que l'intégralité des factures de prestations de services avaient été recueillies et que leur régularité et l'indication des jours travaillés ne démontraient aucune volonté de fraude, quand il ressortait clairement des éléments relevés par l'arrêt que l'employeur avait, en toute connaissance de cause, éludé les règles prescrites en matière d'emploi, par l'utilisation d'un statut d'auto-entrepreneur qui ne correspondait pas à la réalité de la relation de travail qu'il entretenait avec MM. [M] et [T], la cour d'appel a violé les articles L. 8221-5 du code du travail, L. 243-7 et R.243-59 du code de la sécurité sociale, dans leur version applicable au litige.
3- ET ALORS QUE le délit de travail dissimulé n'exige pas de caractériser l'intention coupable des personnes qui auraient dû être déclarées en tant que salarié ; qu'en retenant, pour dire que l'élément intentionnel de l'infraction de travail dissimulé n'était pas caractérisée, que les deux personnes visées au titre des emplois dissimulés ne savaient pas qu'elles ne pouvaient prétendre au statut d'auto-entrepreneur pour travailler au sein de la discothèque, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et violé les articles L. 8221-5 du code du travail, L. 243-7 et R.243-59 du code de la sécurité sociale, dans leur version applicable aux litige.
4- ALORS QUE, en tout état de cause, la réalité d'une infraction est établie, dans tous ses éléments constitutifs, par l'exécution d'une composition pénale ; qu'il était constant que le gérant de la société [B] [G], représentant de la société, avait accepté la mesure de composition pénale proposée au titre du travail dissimulé ; qu'il avait ainsi reconnu avoir, pour le compte de la société, commis le délit de travail dissimulé en tous ses éléments, tant matériel qu'intentionnel ; qu'en jugeant pourtant qu'il ne pouvait être tiré aucune conséquence de l'acception de la mesure de composition pénale, et notamment sur le caractère intentionnel du travail dissimulé, la cour d'appel a violé l'article 41-2 du code de procédure pénale.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
L'URSSAF Pays de la Loire FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que l'annulation des réduction Fillon qui avait été décidé à l'encontre de la société [B] [G] n'était pas justifiée,
ALORS QUE la cassation s'étend à tous les chefs de dispositif qui unis par un lien de dépendance nécessaire ; que pour considérer que l'annulation des réductions Fillon n'était pas justifiées, la cour d'appel s'est fondée sur l'annulation du redressement prononcée au titre du travail dissimulé ; que par conséquent, la cassation à intervenir sur le fondement du premier moyen, qui conteste la solution retenue au titre du travail dissimulé, justifie la cassation du chef de dispositif attaqué par le présent moyen, par application de l'article 624 du code de procédure civile.
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INCA/JURITEXT000047096544.xml
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 26 janvier 2023
Cassation partielle
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 90 F-D
Pourvoi n° H 21-13.982
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 JANVIER 2023
La société [5], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 6], a formé le pourvoi n° H 21-13.982 contre l'arrêt rendu le 7 janvier 2021 par la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail (CNITAAT) (section : tarification), dans le litige l'opposant à la [2], dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Coutou, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [5], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la [2], et après débats en l'audience publique du 6 décembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Coutou, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail, 7 janvier 2021), la [2] (la [4]) a adressé, le 26 septembre 2014, à la société [5] (la société) une injonction de prendre des mesures de sécurité. Ayant constaté l'absence de réalisation par la société de l'ensemble de ces mesures, la [4] lui a imposé, par décision du 20 septembre 2016, une cotisation supplémentaire égale à 25 % du montant des cotisations d'accidents du travail et de maladies professionnelles.
2. La société a saisi d'un recours la juridiction de la tarification.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
3. La société fait grief à l'arrêt de déclarer mal fondé son recours, alors « qu'en application des dispositions de l'article R. 122-3 du code de la sécurité sociale, le pouvoir d'injonction, prévu à l'article L. 422-4, et le pouvoir de sanction, prévu à l'article L. 242-7 du même code, appartiennent au directeur de la Caisse ; que les décisions d'injonction ou de sanction signées par une personne dépourvue de pouvoir sont nulles ; qu'en l'espèce, pour juger que la notification d'une cotisation supplémentaire n'était pas entachée d'irrégularité même si elles étaient signées par des personnes ne disposant d'aucune délégation de pouvoir pour arrêter la décision, la CNITAAT a jugé que les dispositions du code de la sécurité sociale « n'exigent pas, à peine de nullité, que la lettre de notification soit signée par le directeur ou un agent de l'organisme titulaire d'une délégation de pouvoir ou de signature de celui-ci » ; qu'en statuant ainsi la CNITAAT a méconnu les textes susvisés. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 242-7, L. 422-4, R. 122-3 et D. 253-6 du code de la sécurité sociale :
4. Selon le premier de ces textes, la caisse régionale d'assurance maladie peut imposer, dans des conditions fixées par arrêté ministériel, des cotisations supplémentaires au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles à un employeur, pour tenir compte des risques professionnels présentés par l'exploitation, révélés notamment par une infraction constatée en application de l'article L. 611-10 devenu L. 8113-7, du code du travail, ou résultant d'une inobservation des mesures prescrites de prévention en application du deuxième. Il résulte du troisième que cette décision est signée par le directeur de la caisse ou par son délégué dans les conditions prévues au quatrième.
5. Pour dire non fondé le recours de la société, l'arrêt retient essentiellement que si celle-ci estime que la notification d'une cotisation supplémentaire et les notifications de taux de cotisation avec majoration de 25, puis de 50 et 200 % sont entachées d'irrégularité en ce que leurs signataires ne disposaient d'aucune délégation de pouvoir pour signer ces différentes notifications, les dispositions de l'article L. 242-7 du code de la sécurité sociale n'exigent pas, à peine de nullité, que la lettre de notification soit signée par le directeur ou un agent de l'organisme titulaire d'une délégation de pouvoir ou de signature de celui-ci, et que l'irrégularité alléguée ne porte aucun grief dès lors que la notification établit clairement l'identité et la nature de l'organisme qui y procède.
6. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable le recours formé par la société [5] contre la décision de la [3] mettant à sa charge une cotisation supplémentaire de 25, 50 et 200 %, l'arrêt rendu le 7 janvier 2021, entre les parties, par la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne la [3] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la [3] et la condamne à payer à la société [5] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille vingt-trois. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société [5]
PREMIER MOYEN DE CASSATION
La société [5] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré mal fondé son recours formé contre la décision de la [4] mettant à sa charge une cotisation supplémentaire de 25, 50 et 200 % au titre de l'assurance des accidents du travail et des maladies professionnelles et d'avoir confirmé les décisions de la [4] ;
ALORS QU'en application des dispositions de l'article R. 122-3 du code de la sécurité sociale, le pouvoir d'injonction, prévu à l'article L. 422-4, et le pouvoir de sanction, prévu à l'article L. 242-7 du même code, appartiennent au Directeur de la Caisse ; que les décisions d'injonction ou de sanction signées par une personne dépourvue de pouvoir sont nulles ; qu'en l'espèce, pour juger que la notification d'une cotisation supplémentaire n'était pas entachée d'irrégularité même si elles étaient signées par des personnes ne disposant d'aucune délégation de pouvoir pour arrêter la décision, la CNITAAT a jugé que les dispositions du code de la sécurité sociale « n'exigent pas, à peine de nullité, que la lettre de notification soit signée par le directeur ou un agent de l'organisme titulaire d'une délégation de pouvoir ou de signature de celui-ci » (arrêt p. 4) ; qu'en statuant ainsi la CNITAAT a méconnu les textes susvisés.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
La société [5] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré mal fondé son recours formé contre la décision de la [4] mettant à sa charge une cotisation supplémentaire de 25, 50 et 200 % au titre de l'assurance des accidents du travail et des maladies professionnelles et d'avoir dit qu'il y avait lieu de confirmer les décisions de la [4] ;
1/ ALORS QU 'il résulte des articles L. 121-1 et L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, à laquelle sont assimilés les organismes de sécurité sociale, que les décisions individuelles infligeant une sanction, ne peuvent intervenir qu'après que la personne intéressée s'est vue communiquer la décision ; que la cotisation supplémentaire infligée à l'employeur pour non-respect des mesures de préventions prescrites en application des articles L. 422-1 et L. 422-4 du code de la sécurité sociale est constitutive d'une sanction au sens de l'article 1er de la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 de sorte que la procédure doit être conforme aux exigences de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ; qu'en l'espèce, en jugeant qu' « il ne saurait être reproché à la [2] de ne pas avoir reproduit les décisions de la commission paritaire permanente dans son intégralité, dès lors qu'il lui incombe de respecter la confidentialité des dossiers soumis à ladite commission » (arrêt p. 22), la cour d'appel a violé les articles L. 121-1 et L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ainsi que le principe du respect des droits de la défense ;
2/ ALORS QUE toute peine doit être individualisée en fonction des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur, de sa situation matérielle ; que tout toute décision doit comporter les motifs propres à le justifier ; qu'une sanction à caractère pécuniaire doit être motivée au regard de la gravité de la faute, des ressources et des charges du condamné ; qu'en l'espèce la société [5] soulignait que la sanction prononcée par la commission paritaire permanente n'était pas motivée, l'avis se bornant à indiquer la nature de la sanction appliquée et de son adoption à l'unanimité ; que l'avis ne comportait aucune précision sur la faute reprochée à l'employeur, sa gravité, ses ressources et ses charges ; qu'en jugeant qu' « il ne saurait être reproché à la [2] de ne pas avoir reproduit les décisions de la commission paritaire permanente dans son intégralité, dès lors qu'il lui incombe de respecter la confidentialité des dossiers soumis à ladite commission » (arrêt p. 22), sans rechercher si la décision de la commission paritaire permanente était motivée, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 121-1 et L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et le principe d'individualisation des peines.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
La société [5] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré mal fondé son recours formé contre la décision de la [4], mettant à sa charge une cotisation supplémentaire de 25, 50 et 200 % au titre de l'assurance des accidents du travail et des maladies professionnelles et d'avoir dit qu'il y avait lieu de confirmer la décision de la [4] ;
ALORS QU'une mesure d'injonction indique avec précision le risque exceptionnel concerné, les mesures à prendre par l'employeur pour le faire cesser et fixe le délai pour les réaliser ; qu'il incombe au juge, en cas de contestation, de caractériser les manquements de l'employeur à l'injonction délivrée par la [4] qui justifient l'imposition d'une cotisation supplémentaire ; qu'au cas présent la société [5] faisait valoir que l'injonction n° B 050/2014 délivrée le 26 décembre 2014 comportait trois mesures pour mettre fin au risque de chute en hauteur ; qu'elle soulignait avoir intégralement réalisée les mesures ainsi préconisées, ce dont attestait le fait que la [4] ne lui avait appliqué aucune cotisation supplémentaire pendant près de deux ans ; que le 15 février 2017, les services de la [4] lui ont cependant appliqué un cotisation supplémentaire en se fondant sur l'inobservation de l'injonction sans indiquer précisément les exigences que l'employeur aurait méconnues ; qu'en se bornant cependant à juger que l'employeur ne justifiait pas avoir réalisé l'intégralité de l'injonction pour valider la majoration de cotisation, sans caractériser la ou les mesures sollicitées que n'aurait pas accomplies l'employeur, la CNITAAT a méconnu son office en violation de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 242-7 du code de la sécurité sociale.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 26 janvier 2023
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 97 F-D
Pourvoi n° V 21-18.824
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 JANVIER 2023
L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Champagne-Ardenne, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 21-18.824 contre l'arrêt n° RG : 20/02600 rendu le 30 avril 2021 par la cour d'appel de Colmar (1re chambre civile, section A), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société [6], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],
2°/ à la société [5], société d'exercice libéral par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], prise en la personne de M. [S] [Z], en qualité de liquidateur judiciaire de la société [6],
3°/ au procureur général près la cour d'appel de Colmar, domicilié en son parquet général, [Adresse 4],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Rovinski, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF de Champagne-Ardenne, de la SCP Delamarre et Jéhannin, avocat de la société [6] et de la société [5], après débats en l'audience publique du 6 décembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Rovinski, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 30 avril 2021), à la suite de l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la société [6] (la société), celle-ci représentée par son liquidateur la société [5], ayant contesté le caractère privilégié d'une partie de la créance de l'URSSAF de Champagne-Ardenne (l'URSSAF), sa contestation a été rejetée partiellement par ordonnance du 31 août 2020 du juge commissaire.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, ci-après annexé
2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Et sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. L'URSSAF fait grief à l'arrêt d'admettre sa créance uniquement à hauteur de la somme de 43 954 euros à titre privilégié sur le passif de la société et de rejeter le surplus de ses demandes, alors « que les créances privilégiées qui dépassent 15 000 euros doivent être inscrites à un registre public tenu au greffe du tribunal de commerce ou du tribunal de grande instance dans le délai de 9 mois suivant leur date limite de paiement ; que ce délai étant nécessairement différent pour chaque créance, le montant de chacune d'elles doit s'apprécier isolément, échéance par échéance, pour déterminer si le seuil de 15 0000 euros est ou non atteint ; qu'en décidant d'apprécier
globalement le montant des créances de l'URSSAF pour constater leur défaut d'inscription et rejeter ainsi dans sa totalité la créance déclarée à titre privilégié, la cour d'appel a violé les articles L. 243-5, L. 243-4 et D. 243-3 du code de la sécurité sociale en leur rédaction applicable au litige. »
Réponse de la Cour
4. Il résulte de l'article L. 243-5 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011, applicable au litige, que, pour conserver les effets du privilège accordé par l'article L. 243-4 du même code, en garantie du paiement des cotisations sociales dues par un commerçant ou une personne immatriculée au répertoire des métiers, une personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale, ou une personne morale de droit privé, les organismes sociaux doivent inscrire les sommes privilégiées à un registre public tenu au greffe du tribunal de commerce ou au tribunal de grande instance, dans le délai de neuf mois suivant leur date limite de paiement ou, le cas échéant, la date de notification de l'avertissement ou de la mise en demeure prévus à l'article L. 244-2, lorsque la créance est constatée lors d'un contrôle organisé en application des dispositions de l'article L. 243-7, dès lors que le montant cumulé de la dette dépasse le montant fixé par l'article D. 243-3.
5. Ayant constaté que la créance globale de l'URSSAF excédait le seuil de 15 000 euros fixé par l'article D. 243-3 et qu'elle n'avait pas fait l'objet d'une inscription, la cour d'appel en a exactement déduit que le privilège invoqué par cet organisme ne pouvait s'appliquer à l'intégralité de sa créance.
6. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'URSSAF de Champagne-Ardenne aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'URSSAF de Champagne-Ardenne et la condamne à payer à la société [6], représentée par la société [5] son liquidateur judiciaire, prise en la personne de M. [Z], la somme de 1 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille vingt-trois. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour l'URSSAF de Champagne-Ardenne.
L'URSSAF Champagne Ardenne fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR admis sa créance uniquement à hauteur de la somme de 43 954 euros à titre privilégié sur le passif de la société [6] et d'AVOIR rejeté le surplus de ses demandes,
1/ ALORS QUE les créances privilégiées qui dépassent 15 000 euros doivent être inscrites à un registre public tenu au greffe du tribunal de commerce ou du tribunal de grande instance dans le délai de 9 mois suivant leur date limite de paiement ; que ce délai étant nécessairement différent pour chaque créance, le montant de chacune d'elles doit s'apprécier isolément, échéance par échéance, pour déterminer si le seuil de 15 000 euros est ou non atteint ; qu'en décidant d'apprécier globalement le montant des créances de l'URSSAF pour constater leur défaut d'inscription et rejeter ainsi dans sa totalité la créance déclaré à titre privilégié, la cour d'appel a violé les articles L 243-5, L 243-4 et D 243-3 du code de la sécurité sociale en leur rédaction applicable au litige,
2/ ALORS QU'en tout état de cause, un privilège est institueì pour l'URSSAF pour la créance d'un montant inférieur à 15 000 euros lors de l'ouverture de la procédure collective ; qu'en conséquence, seul le montant dépassant ce seuil doit faire l'objet de l'inscription telle que prévue à l'article L 243-5 dudit code ; qu'en considérant néanmoins que l'inscription devait porter sur l'intégralité de la créance de l'URSSAF, la cour d'appel a violé les articles L 243-4 et L 243-5 du code de la sécurité sociale en leur rédaction applicable au litige,
3/ ALORS QU'en toute hypothèse, les créances dépassant le seuil de 15 000 euros et n'ayant pas fait l'objet d'une inscription conservent leur caractère privilégié dès lors qu'une procédure collective est ouverte au bénéfice du débiteur avant la fin du délai de 9 mois prévu pour l'inscription desdites créances ; qu'en l'espèce, les créances déclarées par l'URSSAF concernaient des cotisations afférentes aux mois de juillet 2018 à mars 2019, et s'inscrivaient donc dans le délai de 9 mois précédant l'ouverture de la procédure collective, intervenue le 1er avril 2019 ; que le privilège dont bénéficiait l'URSSAF à cette date continuait donc à produire ses effets me en l'absence d'inscription des créances litigieuses ; qu'en affirmant au contraire qu'aucun privilège ne pouvait plus être exercé en l'absence d'une inscription effectuée au jour du jugement d'ouverture de la procédure collective, pour écarter le caractère privilégié de la créance de l'URSSAF, la cour d'appel a violé les articles L 243-5 et L 243-4 du code de la sécurité sociale en leur rédaction applicable au litige.
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INCA/JURITEXT000047096546.xml
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 26 janvier 2023
Cassation partielle
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 92 F-D
Pourvoi n° C 21-14.852
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 JANVIER 2023
La société [3], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° C 21-14.852 contre l'arrêt rendu le 11 février 2021 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale, section SB), dans le litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Coutou, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de la société [3], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin, après débats en l'audience publique du 6 décembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Coutou, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 11 février 2021), la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin (la caisse) a, le 10 janvier 2017, pris en charge au titre du tableau n° 57 des maladies professionnelles, l'affection déclarée le 2 novembre 2016 par M. [L], salarié de la société [3] (l'employeur).
2. L'employeur a saisi une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale aux fins d'inopposabilité de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. L'employeur fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande, alors « qu'en cas de mesure d'instruction, la caisse de sécurité sociale qui adresse un questionnaire au salarié doit, sous peine d'inopposabilité de sa décision, consulter oralement ou par questionnaire l'employeur de manière contradictoire ; qu'en l'espèce, il résultait des propres constatations de la cour d'appel que la caisse a diligenté une mesure d'instruction complémentaire en adressant un questionnaire au salarié, sans adresser parallèlement un questionnaire à l'employeur ; qu'en jugeant néanmoins que la décision de la caisse était opposable à l'employeur, aux motifs inopérants que les éléments susceptibles de lui faire grief ont été portés à sa connaissance en lui laissant la possibilité de consulter le dossier pendant un délai suffisant, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qu'imposaient ses propres constatations, a violé l'article R. 441-11, III, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009. »
Réponse de la Cour
Vu l'article R. 441-11, III, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au litige :
4. Selon ce texte, en cas de réserves motivées de la part de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l'employeur et à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés, selon des modalités qui peuvent différer de l'un à l'autre.
5. Pour déclarer opposable à l'employeur la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie en cause, l'arrêt, après avoir relevé que la caisse a décidé de mener des mesures d'instruction en envoyant un questionnaire, retient que l'absence d'envoi du questionnaire à l'employeur ne prive pas ce dernier de la possibilité de faire valoir ses observations sur les causes et les circonstances dans lesquelles la maladie aurait été contractée et que, dès lors, si la caisse n'est effectivement pas en mesure de rapporter la preuve de la réception par l'employeur dudit questionnaire, ce qui importe c'est qu'elle a satisfait à son obligation d'information à l'égard de celui-là , en portant à sa connaissance, en amont de la décision, les éléments susceptibles de lui faire grief et en lui laissant la possibilité de consulter le dossier pendant un délai suffisant.
6. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare le recours et l'appel recevables, l'arrêt rendu le 11 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin et la condamne à payer à la société [3] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille vingt-trois. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour la société [3]
La société [3] fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions et D'AVOIR, par conséquent, débouté la société de sa demande de voir juger inopposable à son encontre la décision de prise en charge de la maladie professionnelle ;
ALORS QU'en cas de mesure d'instruction, la caisse de sécurité sociale qui adresse un questionnaire au salarié doit, sous peine d'inopposabilité de sa décision, consulter oralement ou par questionnaire l'employeur de manière contradictoire ; qu'en l'espèce, il résultait des propres constatations de la cour d'appel que la caisse a diligenté une mesure d'instruction complémentaire en adressant un questionnaire au salarié, sans adresser parallèlement un questionnaire à l'employeur ; qu'en jugeant néanmoins que la décision de la caisse était opposable à l'employeur, aux motifs inopérants que les éléments susceptibles de lui faire grief ont été portés à sa connaissance en lui laissant la possibilité de consulter le dossier pendant un délai suffisant, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qu'imposaient ses propres constatations, a violé l'article R. 441-11, III, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 26 janvier 2023
Cassation sans renvoi
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 99 F-D
Pourvoi n° F 20-14.644
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 JANVIER 2023
La caisse primaire d'assurance maladie de la Drôme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° F 20-14.644 contre l'arrêt rendu le 21 janvier 2020 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale - protection sociale), dans le litige l'opposant à Mme [U] [W]-[V], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Cassignard, conseiller, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de la Drôme, de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de Mme [W]-[V], après débats en l'audience publique du 6 décembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Cassignard, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 21 janvier 2020), Mme [W] (l'assurée) a sollicité de la caisse primaire d'assurance maladie de la Drôme (la caisse) l'autorisation préalable de prise en charge d'une intervention chirurgicale devant être réalisée sur son fils mineur atteint d'une maladie orpheline nommée syndrome de [T] dans une clinique spécialisée en Espagne. La caisse a rejeté la demande par décision du 18 avril 2013. L'intervention a été réalisée le 23 avril 2013.
2. L'assurée a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
3. La caisse fait grief à l'arrêt de faire droit au recours de l'assurée, alors « que l'autorisation préalable envisagée à l'article R. 332-4 du code de la sécurité sociale peut être refusée lorsque les soins envisagés ne figurent pas parmi les soins dont la prise en charge est prévue par la réglementation française ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté, d'une part, que « la caisse a fondé son refus d'autorisation sur le fait que la prise en charge des soins programmés en Espagne n'est pas prévue par la réglementation française, » et, d'autre part qu'il ressortait « des pièces produites que la technique chirurgicale pratiquée en Espagne n'existait pas en France » ; qu'elle aurait dû en déduire que les soins litigieux ne figuraient pas parmi les soins dont la prise en charge est prévue par la réglementation française ; qu'en retenant, pour décider néanmoins de condamner la CPAM de la Drôme à la prise en charge litigieuse, que la réglementation française prévoit la prise en charge d'une « technique différente de soin » pour la maladie dont souffre le fils de l'assurée, la cour d'appel a procédé par assimilation et ainsi violé l'article R. 332-4 du code de la sécurité sociale, en sa version applicable en l'espèce. »
Réponse de la Cour
Vu les articles R. 332-3 et R. 332-4, devenus R. 160-1 et R. 160-2, du code de la sécurité sociale, 20 § 2 du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale :
4. Selon le premier de ces textes, les soins dispensés aux assurés sociaux ou à leurs ayants droit qui s'avèrent médicalement nécessaires au cours d'un séjour temporaire dans un autre Etat membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou en Suisse font l'objet, en cas d'avance de frais, d'un remboursement par les caisses d'assurance maladie dans les conditions prévues dans l'Etat de séjour ou, en cas d'accord de l'assuré social, dans les conditions prévues par la législation française, sans que le montant du remboursement puisse excéder le montant des dépenses engagées par l'assuré et sous réserve des adaptations prévues aux articles R. 332-4 à R. 332-6.
5. Il résulte du deuxième que les soins dispensés, sur autorisation préalable des caisses d'assurance maladie, dans un autre Etat membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou en Suisse, dans le cadre d'un déplacement aux fins de recevoir un traitement adapté, sont soumis aux mêmes règles de remboursement. En l'absence de réponse de la caisse dans le délai qui lui est imparti pour statuer sur la demande de l'assuré, l'autorisation est réputée accordée.
6. Pour faire droit à la demande de l'assurée, l'arrêt énonce que s'il ressort des pièces produites que la technique chirurgicale pratiquée en Espagne n'existe pas en France, le soin stricto sensu de la maladie dont souffre le fils de l'assurée bénéficie d'une prise en charge prévue par la réglementation française puisqu'il existe une technique différente de soin pratiquée en France, de sorte que ce motif de refus n'est pas justifié.
7. En statuant ainsi, après avoir relevé que l'intervention chirurgicale litigieuse ne figurait pas au nombre des actes dont la prise en charge est prévue par la réglementation française, ce dont il résultait que la caisse n'était pas tenue au remboursement des frais avancés par l'assurée, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
9. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
10. Il résulte de ce qui est dit au point 8 que la caisse n'étant pas tenue au remboursement des soins litigieux, il y a lieu de débouter l'assurée de sa demande de remboursement de la somme de 16 381,75 euros.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
DÉBOUTE Mme [W] de ses demandes ;
Condamne Mme [W] aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel de Grenoble ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes des parties formées tant devant la Cour de cassation que devant la cour d'appel de Grenoble ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille vingt-trois. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Drôme
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la caisse primaire d'assurance maladie de la Drôme à payer à Mme [U] [W]-[V] la somme de 16 381,75 euros à titre de remboursement de frais et celle de 1 200 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et d'avoir condamné la caisse primaire d'assurance maladie de la Drôme aux dépens ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « Le fils de Mme [W]-[V], souffre d'une malformation d'[Y] [T] de type 1, et a bénéficié le 23 avril 2013 de soins prodigués en Espagne consistant en une section du filum terminal. L'article R.332-4 code de la sécurité sociale dans sa version en vigueur jusqu'au 24 mai 2014 prévoit que :
‘Hors l'hypothèse de soins inopinés, les caisses d'assurance maladie ne peuvent procéder que sur autorisation préalable au remboursement des frais des soins hospitaliers ou nécessitant le recours aux équipements matériels lourds mentionnés au II de l'article R. 712-2 du code de la santé publique dispensés aux assurés sociaux et à leurs ayants droit dans un autre Etat membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen et appropriés à leur état.
Cette autorisation ne peut être refusée qu'à l'une des deux conditions suivantes
1° Les soins envisagés ne figurent pas parmi les soins dont la prise en charge est prévue par la réglementation française ;
2° Un traitement identique ou présentant le même degré d'efficacité peut être obtenu en temps opportun en France, compte tenu de l'état du patient et de l'évolution probable de son affection. L'assuré social adresse la demande d'autorisation à sa caisse d'affiliation. La décision est prise par le contrôle médical. Elle doit être notifiée dans un délai compatible avec le degré d'urgence et de disponibilité des soins envisagés et au plus tard deux semaines après la réception de la demande, En l'absence de réponse à l'expiration de ce dernier délai, l'autorisation est réputée accordée. Les décisions de refus sont dûment motivées et susceptibles de recours dans les conditions de droit commun devant le tribunal des affaires sanitaires et sociales compétent. Toutefois, les contestations de ces décisions, lorsqu'elles portent sur l'appréciation faite par le médecin-conseil de l'état du malade, du caractère approprié à son état des soins envisagés ou du caractère identique ou d'un même degré d'efficacité du ou des traitements disponibles en France, sont soumises à expertise médicale dans les conditions prévues par le chapitre Ier du titre IV du livre Ier du présent code.'
En l'espèce la caisse a fondé son refus d'autorisation sur le fait que la prise en charge des soins programmés en Espagne n'est pas prévue par la réglementation française.
Cependant s'il ressort des pièces produites que la technique chirurgicale pratiquée en Espagne n'existait pas en France le soin stricto sensu de la maladie dont souffre le fils de l'assurée sociale bénéficie d'une prise en charge prévue par la réglementation française puisqu'il existe une technique différente de soin pratiquée en France.
Il en résulte que ce motif de refus n'est pas justifié.
La décision de refus ne portant pas sur une question médicale, il n'y a pas lieu d'ordonner une expertise.
Au vu des pièces produites qui sont les mêmes que devant les premiers juges c'est par de justes motifs que la cour adopte que le tribunal a retenu que le fils de l'assurée sociale ne pouvait recevoir un traitement identique ou présentant le même degré d'efficacité en temps opportun en France et a dit que la CPAM de la Drôme devrait procéder au remboursement des frais de soins prodigués à [R] [W] fils de Mme [W]-[V] en Espagne le 23 avril 2013 dans le mêmes conditions que si les soins avaient été reçus en France.
Le montant sollicité par l'assure de 16 381,75 ne fait pas l'objet de contestation en son quantum par la caisse, il sera en conséquence fait droit à la demande en paiement de cette somme. L'équité conduit à allouer à Mme [W]-[V] la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU' « En application des articles R.332-2 et suivants du Code de la sécurité sociale, dans leur rédaction issue du décret n° 2005-386 du 19 avril 2005, l'assuré social est fondé à solliciter le remboursement des soins dont il a bénéficié au sein d'un autre état membre de l'Union Européenne, alors que cet acte ne figure pas parmi les soins dont la prise en charge est prévue par la réglementation française dès lors qu'il est établi qu'il ne pouvait recevoir en France les soins appropriés à son état ou que ces soins ne pouvaient être réalisés sur le territoire national dans un délai raisonnable.
En l'espèce, il est constant que le fils de Mme [W]-[V] est atteint d'une malformation de [T] de Type 1.
Mme [W]-[V] verse aux débats les conclusions d'une expertise médicale ordonnée par la Cour d'appel de Lyon dans le cadre d'une instance similaire, l'assurée également atteinte d'une malformation de [T] de Type 1 sollicitant le remboursement des soins identiques à ceux dont a bénéficié [R] [W]. Le Docteur [D] concluait, dans son rapport déposé le 13 septembre 2010, que deux techniques chirurgicales (craniectomie décompressive ou section du filum terminal) sont possibles pour le traitement de cette pathologie et de ses symptômes. Il précisait que, sans qu'il n'existe de consensus scientifique sur la question, la section du filum terminal pratiquée à Barcelone utilise une technique opératoire rendant les suites opératoires plus simples et confortables pour le patient. Le Docteur [D] ajoutait que cette intervention n'est pas pratiquée en France à sa connaissance et qu'aucun élément en ce sens n'a été soumis à la communauté scientifique. Ces éléments sont confirmés par le certificat médical établi par le Docteur [O], médecin généraliste, en date du 5 avril 2013, conseillant le recours à une intervention chirurgicale consistant en une section du filum terminal seule la craniotomie étant pratiquée en France en traitement de la malformation de [T]. La demanderesse verse aux débats un certificat médical du Docteur [O] en date du 10 avril 2017 ainsi qu'un certificat médical établi par le Professeur [G], neurochirurgien, mentionnant une nette amélioration de l'état de santé d'[R] [W]. Le Professeur [G] fait notamment état d'une amélioration fonctionnelle et objective importante (amélioration de l'écoute, de la collaboration, de l'écriture, disparition des céphalées, déglutition normale, etc.).
La caisse primaire d'assurance maladie de la Drôme ne conteste pas ces éléments dont il résulte qu'[R] [W] ne pouvait recevoir en France les soins appropriés à son état qui lui ont été dispensés en Espagne.
En conséquence, Mme [W]-[V] est bien fondée à solliciter le remboursement des frais de soins prodigués à son fils, [R] [W], en Espagne le 23 avril 2013. »
ALORS DE PREMIERE PART QUE hors l'hypothèse de soins inopinés, les caisses d'assurance maladie ne peuvent procéder que sur autorisation préalable au remboursement des frais des soins hospitaliers dispensés aux assurés sociaux et à leurs ayants droit dans un autre Etat membre de l'Union européenne ; qu'en l'espèce, la cour d'appel qui constatait que les prestations litigieuses étaient intervenues sans que l'assurée ait obtenu l'autorisation préalable requise par le texte aurait dû rejeter sa demande de prise en charge ; qu'en ne le faisant pas, elle a violé l'article R. 332-4 du code de la sécurité sociale, en sa version applicable en l'espèce ;
ALORS DE DEUXIEME PART QUE l'autorisation préalable envisagée à l'article R.332-4 du code de la sécurité sociale peut être refusée lorsque les soins envisagés ne figurent pas parmi les soins dont la prise en charge est prévue par la réglementation française ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté, d'une part, que « la caisse a fondé son refus d'autorisation sur le fait que la prise en charge des soins programmés en Espagne n'est pas prévue par la réglementation française, » et, d'autre part qu'il ressortait « des pièces produites que la technique chirurgicale pratiquée en Espagne n'existait pas en France » ; qu'elle aurait dû en déduire que les soins litigieux ne figuraient pas parmi les soins dont la prise en charge est prévue par la réglementation française ; qu'en retenant, pour décider néanmoins de condamner la CPAM de la Drôme à la prise en charge litigieuse, que la réglementation française prévoit la prise en charge d'une « technique différente de soin » pour la maladie dont souffre le fils de l'assurée, la cour d'appel a procédé par assimilation et ainsi violé l'article R. 332-4 du code de la sécurité sociale, en sa version applicable en l'espèce ;
ALORS DE TROISIEME PART QU'en l'espèce, la CPAM de la Dôme avait refusé de procéder au remboursement des frais des soins litigieux au motif que les soins envisagés ne figurent pas parmi ceux dont la prise en charge est prévue par la réglementation française ; qu'elle n'a pas opposé à l'assurée qu'un traitement identique ou présentant le même degré d'efficacité pouvait être obtenu en temps opportun en France, compte tenu de l'état du patient et de l'évolution probable de son affection ; qu'aussi, les juges du fond qui constataient expressément, pour refuser d'ordonner une expertise, que « la décision de refus ne portant pas sur une question médicale, » n'ont pu retenir, pour condamner la CPAM à la prise en charge litigieuse ni que la technique chirurgicale utilisée, non pratiquée en France, rendait les suites opératoires plus simples et confortables pour le patient et que ce traitement avait, en l'espèce, permis une nette amélioration de l'état de santé du fils de l'assurée (jugement) ni que le fils de l'assurée ne pouvait recevoir un traitement identique ou présentant le même degré d'efficacité en temps opportun en France (arrêt) sans violer l'article R. 332-4 du code de la sécurité sociale, en sa version applicable en l'espèce ;
ALORS DE QUATRIEME ET DERNIERE PART QUE, la loi ne dispose que pour l'avenir ; qu'elle n'a point d'effet rétroactif ; que l'article 11 du décret n°2018-928 du 29 octobre 2018 a abrogé, à compter du 1er janvier 2019, les dispositions de l'article R.144-10 du code de la sécurité sociale selon lesquelles, en matière de sécurité sociale, « La procédure est gratuite et sans frais. L'appelant qui succombe est condamné au paiement d'un droit qui ne peut excéder le dixième du montant mensuel du plafond prévu à l'article L.241-3 il peut toutefois être dispensé du paiement de ce droit par une mention expresse figurant dans la décision » ; qu'en condamnant la CPAM de la Drôme aux dépens d'un appel formé le 14 juin 2017, date antérieure au texte du décret et à la date qu'il vise, la cour d'appel a violé l'article 2 du code civil ensemble l'article 11 du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018.
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INCA/JURITEXT000047096553.xml
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 26 janvier 2023
Cassation partielle
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 100 F-D
Pourvoi n° M 20-20.629
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 JANVIER 2023
La Caisse nationale d'assurance vieillesse, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° M 20-20.629 contre l'arrêt rendu le 23 juillet 2020 par la cour d'appel de Versailles (5e chambre), dans le litige l'opposant à Mme [G] [W], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Cassignard, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la Caisse nationale d'assurance vieillesse, de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de Mme [W], après débats en l'audience publique du 6 décembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Cassignard, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 23 juillet 2020), Mme [W] (l'assurée) est bénéficiaire, depuis le 1er mai 2018, d'une pension de retraite servie par la Caisse nationale d'assurance vieillesse (la caisse), sur la base de cinquante trimestres d'assurance. Contestant l'absence de prise en compte, dans le calcul de ses droits à retraite, des revenus perçus au titre du complément familial de libre choix d'activité pour la période d'août 1979 à mai 1985, l'assurée a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa cinquième branche
Enoncé du moyen
2. La caisse fait grief à l'arrêt de dire que les droits à la retraite de l'assurée doivent prendre en compte les revenus perçus au titre du complément familial pour la période d'août 1979 à mai 1985, alors : « que les périodes d'assurance vieillesse ne peuvent être retenues, pour la détermination du droit à pension, que si elles ont donné lieu au versement d'un minimum de cotisations ; que si l'assurée peut apporter cette preuve par présomptions, c'est à la condition qu'elles soient concordantes ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'administration, employeur de l'époux de l'assurée et organisme payeur du complément familial, avait indiqué se trouver dans l'incapacité de fournir une quelconque attestation relative aux cotisations éventuellement versées pour le compte de l'assurée et que les bulletins de paie de l'époux ne permettaient pas de distinguer le versement de telles cotisations ; qu'en tirant uniquement de ce que l'assurée avait bénéficié du complément familial sur la période d'août 1979 à mai 1985 et se trouvait obligatoirement affiliée à la CNAV, la conclusion que des cotisations avaient nécessairement été versées, ou réputées versées, par l'organisme payeur à la CNAV au titre de l'assurance vieillesse des parents au foyer, la cour d'appel qui s'est déterminée par des motifs impropres à caractériser, sur la période litigieuse, le versement ou le précompte de cotisations au titre de l'assurance vieillesse, a violé l'article L. 351-1 alinéa 1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 applicable au litige, et l'article R. 351-11 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue du décret n° 2008-845 du 25 août 2008 applicable au litige, ensemble l'article 1353 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1315 devenu 1353 du code civil et les articles L. 351-2, alinéa 1er, et R. 351-11 du code de la sécurité sociale, ces derniers dans leur rédaction applicable au litige :
3. Il résulte du deuxième de ces textes que les périodes d'assurance vieillesse ne peuvent être retenues, pour la détermination du droit à pension, que si elles ont donné lieu au versement d'un minimum de cotisations et qu'en cas de force majeure ou d'impossibilité manifeste pour l'assuré d'apporter la preuve du versement de cotisations, celle-ci peut l'être à l'aide de documents probants ou de présomptions concordantes.
4. Pour dire que les droits à retraite de l'assurée doivent prendre en compte les revenus perçus au titre du complément familial, l'arrêt, après avoir relevé l'impossibilité pour elle d'obtenir une attestation prouvant le versement des cotisations au titre de l'assurance vieillesse des parents au foyer par l'employeur de son mari à la Caisse nationale d'assurance vieillesse, retient que, bénéficiaire du complément familial, elle se trouvait obligatoirement affiliée à la Caisse nationale d'assurance vieillesse, dès lors que cet organisme ne lui a jamais signifié que son affiliation n'aurait pas été valable au motif qu'elle n'aurait pas cotisé, et relève qu'elle a bénéficié du complément familial pour la période d'août 1979 à mai 1985. Il en déduit que des cotisations ont été versées ou sont réputées avoir été versées par l'organisme payeur du complément familial à la caisse nationale d'assurance vieillesse au titre de l'assurance vieillesse des parents au foyer.
5. En statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser pour la période litigieuse le versement des cotisations dues au titre de l'assurance vieillesse du régime général, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare l'appel recevable, l'arrêt rendu le 23 juillet 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne Mme [W] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille vingt-trois. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV)
La CNAV fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR infirmé le jugement rendu le 27 mai 2019 par le pôle social du tribunal de grande instance de Pontoise en toutes ses dispositions, et d'AVOIR décidé que les droits à la retraite de Mme [W] devaient prendre en compte les revenus perçus au titre du complément familial pour la période de 1979 à mai 1985, et renvoyé les parties à faire leurs comptes sur ce point
1° - ALORS QUE les juges ne peuvent dénaturer les écrits qui leur sont soumis ; que le bordereau de communication de pièce complémentaire du 13 mai 2020, annexé au dernier mémoire en réplique du 13 mai 2020, produit et oralement soutenu par la CNAV, indiquait, en pièce produite n° 28, un « mail de la DGFIP du 13 mai 2020 » ; que dans ce mail du 13 mai 2020, la direction générale des finances publiques, employeur de M. [W], confirmait que le complément familial versé sur la période d'août 1979 à mai 1985 n'avait fait l'objet d'aucun versement de cotisations par le ministère sur cette période; qu'en énonçant, pour dire que le complément familial versé pendant cette période devait être pris en compte dans le calcul des droits à la retraite de Mme [W], que la CNAV se bornait à affirmer que « par un courriel du 13 mai 2020, l'employeur de M. [W] reconnaît ne jamais avoir versé de cotisation au régime général pour le compte de Mme [W] » sans produire aucune preuve à l'appui de ses affirmations, la cour d'appel a dénaturé le bordereau de communication de pièces de la CNAV, en violation de son obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis.
2° - ALORS QU' il appartient à l'assuré, qui prétend que des revenus doivent être pris en compte dans le calcul de ses droits à la retraite, de prouver qu'ils ont donné lieu à versement ou à précompte de cotisations ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté l'administration, employeur de M. [W] et organisme payeur du complément familial, avait indiqué le 15 mars 2016 être dans l'incapacité de fournir une quelconque attestation relative aux cotisations éventuellement versées pour le compte de Mme [W], que les bulletins de paie de M. [W] ne permettaient pas de distinguer ces cotisations, et que Mme [W] était donc dans l'impossibilité d'obtenir une attestation prouvant le versement de cotisations au titre de l'AVPF par l'employeur de M. [W] à la CNAV ; qu'en jugeant néanmoins que la CNAV devait prendre en compte le complément familial perçu par Mme [W] sur la période d'août 1979 à mai 1985 dans le calcul de ses droits à la retraite, faute pour elle de prouver que ces sommes n'avaient pas donné lieu à versement de cotisations par l'employeur, la cour d'appel a inversé la charge la preuve et violé l'article 1353 du code civil.
3° - ALORS QUE les juges ne peuvent modifier l'objet du litige, tel que déterminé par les prétentions respectives des parties ; que dans ses conclusions d'appel, Mme [W] reconnaissait que l'administration, employeur de son mari et organisme payeur du complément familial, avait oublié de l'affilier à la CNAV au titre de l'assurance vieillesse des parents aux foyer (AVPF) mais prétendait ne pas avoir à subir les conséquences de cette carence ; qu'elle admettait également qu'aucune cotisation n'avait été versée sur le complément familial mais soutenait ne pas avoir à justifier d'un précompte de cotisations vieillesse qui n'existerait pas sur la période litigieuse ; que la CNAV contestait également toute affiliation de Mme [W] au titre de l'AVPF et tout versement de cotisations par l'employeur de son époux ; qu'en retenant que Mme [W] avait obligatoirement et valablement été affiliée à la CNAV et que des cotisations avaient nécessairement été versées, ou réputées versées, par l'organisme payeur du complément familial à la CNAV au titre de l'AVPF, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile.
4° - ALORS QUE l'aveu judiciaire fait pleine foi contre son auteur et s'impose au juge ; que dans ses conclusions d'appel, Mme [W] reconnaissait que l'administration, employeur de son mari et organisme payeur du complément familial, avait oublié de l'affilier à la CNAV au titre de l'assurance vieillesse des parents aux foyer (AVPF) mais prétendait ne pas avoir à subir les conséquences de cette carence ; qu'elle admettait également qu'aucune cotisation n'avait été versée sur le complément familial mais soutenait ne pas avoir à justifier d'un précompte de cotisations vieillesse qui n'existerait pas sur la période litigieuse ; qu'en retenant que Mme [W] avait obligatoirement et valablement été affiliée à la CNAV et que des cotisations avaient nécessairement été versées, ou réputées versées, par l'organisme payeur du complément familial à la CNAV au titre de l'AVPF, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de l'aveu judiciaire émanant de Mme [W], qui faisait foi contre elle, quant à l'absence d'affiliation à la CNAV et à l'absence de versement de cotisations sur la période litigieuse, a violé les articles 1383 et 1383-2 du code civil.
5° - ALORS QUE les périodes d'assurance vieillesse ne peuvent être retenues, pour la détermination du droit à pension, que si elles ont donné lieu au versement d'un minimum de cotisations ; que si l'assuré peut apporter cette preuve par présomptions, c'est à la condition qu'elles soient concordantes ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'administration, employeur de M. [W] et organisme payeur du complément familial, avait indiqué se trouver dans l'incapacité de fournir une quelconque attestation relative aux cotisations éventuellement versées pour le compte de Mme [W] et que les bulletins de paie de son époux ne permettaient pas de distinguer le versement de telles cotisations ; qu'en tirant uniquement de ce que Mme [W] avait bénéficié du complément familial sur la période d'août 1979 à mai 1985 et se trouvait obligatoirement affiliée à la CNAV, la conclusion que des cotisations avaient nécessairement été versées, ou réputées versées, par l'organisme payeur à la CNAV au titre de l'AVPF, la cour d'appel qui s'est déterminée par des motifs impropres à caractériser, sur la période litigieuse, le versement ou le précompte de cotisations au titre de l'assurance vieillesse, a violé l'article L. 351-1 alinéa 1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 applicable au litige, et l'article R. 351-11 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue du décret n° 2008-845 du 25 août 2008 applicable au litige, ensemble l'article 1353 du code civil.
6° - ALORS QUE les juges du fond, tenus de motiver leur décision, doivent examiner tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, la CNAV avait régulièrement versé aux débats, sous les numéros 9 et 18 de son bordereau de communication de pièces du 28 avril 2020, deux lettres des 22 janvier 2015 et 4 avril 2016 dans lesquelles elle indiquait à Mme [W] ne pas pouvoir régulariser les années 1979 à 1985 sur son compte cotisant faute de justifier d'une attestation d'affiliation à l'AVPF délivrée par l'employeur de son époux, et sans les attestations de versement AVPF délivrées par la CAF ; qu'en retenant que la CNAV n'avait jamais signifié à Mme [W] que son affiliation n'aurait pas été valable au motif qu'elle n'aurait pas cotisé, la cour d'appel qui n'a manifestement pas examiné ces éléments de preuve régulièrement produits par la CNAV a violé l'article 455 du code de procédure civile.
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INCA/JURITEXT000047096547.xml
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 26 janvier 2023
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 93 F-D
Pourvoi n° F 21-16.189
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 JANVIER 2023
M. [M] [X], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° F 21-16.189 contre l'arrêt rendu le 11 mars 2021 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale, section SB), dans le litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Renault-Malignac, conseiller, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. [X], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin, après débats en l'audience publique du 6 décembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Renault-Malignac, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 11 mars 2021), M. [X] (l'assuré) a été affilié au régime social des indépendants, devenu caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants d'Alsace, aux droits de laquelle vient la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin (la caisse), en qualité de commerçant du 15 avril 2006 au 31 décembre 2014. Le 20 octobre 2015, il a été affilié au même régime en qualité de conjoint collaborateur, à effet du 1er janvier 2015.
2. En arrêt de travail pour maladie à compter du 31 août 2015, l'assuré a bénéficié du versement d'indemnités journalières par la caisse, dont le montant a été réduit, à compter du 4 janvier 2016, à celui des indemnités journalières applicables au conjoint collaborateur.
3. L'assuré a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses deuxième et quatrième branches
Enoncé du moyen
4. L'assuré fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement des indemnités journalières, alors :
« 2°/ qu'en considérant que l'assuré devait bénéficier du régime des conjoints collaborateurs, sans relever qu'il aurait exercé une activité professionnelle régulière dans l'entreprise de son épouse, sans percevoir une rémunération et sans avoir la qualité d'associé au sens de l'article 1832 du code civil, la cour d'appel a violé l'article R. 121-1 du code de commerce ensemble les articles L. 161-8 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au 31 décembre 2014, D. 613-28 du code de la sécurité sociale dans sa version issue du décret n° 2014-20 du 9 janvier 2014, et D. 613-14 du même code ;
4°/ qu'il appartient à l'organisme qui invoque l'affiliation à un régime d'établir que les conditions d'affiliation de l'intéressé, au regard du régime en cause, sont remplies ; qu'en estimant que l'assuré ne produisait aucune pièce démontrant qu'il n'avait jamais pu réellement exercer une quelconque activité en tant que conjoint collaborateur pour en déduire qu'il ne pouvait contester son affiliation à ce statut, quand il appartenait à la CPAM, qui prétendait lui appliquer ce statut pour minorer les indemnités journalières qui lui étaient dues, de rapporter la preuve que l'assuré avait exercé une activité professionnelle régulière dans l'entreprise, sans percevoir une rémunération et sans avoir la qualité d'associé au sens de l'article 1832 du code civil, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et ainsi violé l'article 9 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1353 du code civil et L. 161-8, alinéas 1 et 2, du code de la sécurité sociale et R. 121-1 du code de commerce, le deuxième, dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012, applicable au litige :
5. Selon le troisième de ces textes, est considéré comme conjoint collaborateur le conjoint du chef d'une entreprise commerciale, artisanale ou libérale qui exerce une activité professionnelle régulière dans l'entreprise sans percevoir de rémunération et sans avoir la qualité d'associé au sens de l'article 1832 du code civil.
6. Il résulte du deuxième que lorsque, pendant les périodes de maintien des droits aux prestations des assurances maladie, maternité, invalidité et décès qu'il prévoit au bénéfice des personnes qui cessent de remplir les conditions pour relever en qualité d'assuré ou d'ayant droit du régime général ou des régimes qui lui sont rattachés, l'intéressé vient à remplir en qualité d'assuré ou d'ayant droit les conditions pour bénéficier d'un autre régime obligatoire d'assurance maladie et maternité, le droit aux prestations du régime auquel il était rattaché antérieurement est supprimé.
7. Pour débouter l'assuré de son recours, l'arrêt relève que ce dernier soutient, sans produire aucune pièce à l'appui de cette allégation, qu'il n'a jamais pu exercer effectivement une activité professionnelle quelconque en qualité de conjoint collaborateur au sens de l'article R. 121-1 du code de commerce en raison de ses problèmes de santé. Il constate que son incapacité de travail pour raison de santé et la reconnaissance de la maladie en affection de longue durée étaient acquises au moment où il a demandé son affiliation en qualité de conjoint collaborateur et que l'assuré n'a renoncé à ce statut qu'au bout de trois ans. Il énonce encore que si l'assuré a relevé du régime social des indépendants depuis son affiliation en 2006, il n'était plus affilié, à compter du 1er janvier 2015, au régime obligatoire d'assurance maladie et maternité en application des articles L. 161-8 et R. 161-3 du code de la sécurité sociale, suite à la cessation de son activité de commerçant, mais l'était en raison de son statut de conjoint collaborateur et qu'il disposait au 1er janvier 2016 de l'ancienneté requise pour bénéficier de la protection sociale instituée par ce statut. Il retient que le maintien des prestations servies aux montants prévus pour les commerçants exerçant à titre individuel a cessé à partir du moment où l'assuré est devenu susceptible de bénéficier, dans le même régime, des prestations au titre de son statut de conjoint collaborateur, même si ce dernier ne prévoit pas de prestations équivalentes dans leur montant.
8. En statuant ainsi, alors qu'il appartenait à l'organisme social, qui a appliqué la suppression du maintien des droits aux indemnités journalières résultant de l'article L. 161-8, alinéa 2, du code de la sécurité sociale, d'établir que l'assuré remplissait les conditions pour bénéficier, sous le statut de conjoint collaborateur, d'un régime obligatoire d'assurance maladie, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin et la condamne à payer à M. [X] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille vingt-trois. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Zribi et Texier, avocat aux Conseils, pour M. [X]
M. [M] [X] fait grief à l'arrêt attaqué
De l'Avoir débouté M. [X] de sa demande en paiement d'indemnités journalières ;
1°) ALORS QUE le statut social d'une personne est d'ordre public ; qu'en retenant, pour débouter M. [X] de sa demande de se voir appliquer le régime des commerçants dès lors qu'il n'avait jamais pu réellement exercer une quelconque activité en tant que conjoint collaborateur, que son incapacité de travail pour raisons de santé et la reconnaissance de son affection de longue durée étaient déjà acquises lorsqu'il avait demandé son affiliation en qualité de conjoint collaborateur et qu'il n'avait renoncé à ce statut qu'au bout de trois ans, de sorte qu'il ne pouvait sérieusement refuser le bénéfice d'un statut particulier qu'il avait lui-même réclamé, cependant que cette circonstance était inopérante, le statut social de M. [X] ne dépendant pas de sa volonté mais des conditions d'exercice de son activité, la cour d'appel a violé l'article R. 121-1 du code de commerce ensemble les articles L. 161-8 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au 31 décembre 2014, D. 613-28 du code de la sécurité sociale dans sa version issue du décret n° 2014-20 du 9 janvier 2014, et D. 613-14 du même code ;
2°) ALORS QU'en considérant que M. [X] devait bénéficier du régime des conjoints collaborateurs, sans relever qu'il aurait exercé une activité professionnelle régulière dans l'entreprise de son épouse, sans percevoir une rémunération et sans avoir la qualité d'associé au sens de l'article 1832 du code civil, la cour d'appel a violé l'article R. 121-1 du code de commerce ensemble les articles L. 161-8 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au 31 décembre 2014, D. 613-28 du code de la sécurité sociale dans sa version issue du décret n° 2014-20 du 9 janvier 2014, et D. 613-14 du même code ;
3°) ALORS QUE s'il était considéré que les motifs des premiers juges avaient été adoptés, qu'en se bornant à affirmer que M. [X] remplissait les conditions pour bénéficier des prestations en espèces en qualité de conjoint collaborateur, sans expliciter en quoi il aurait exercé une activité professionnelle régulière dans l'entreprise de son épouse, sans percevoir une rémunération et sans avoir la qualité d'associé au sens de l'article 1832 du code civil et qu'ainsi il aurait rempli concrètement les conditions d'application de ce régime, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 121-1 du code de commerce ensemble les articles L. 161-8 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au 31 décembre 2014, D. 613-28 du code de la sécurité sociale dans sa version issue du décret n° 2014-20 du 9 janvier 2014, et D. 613-14 du même code ;
4°) ALORS QU'il appartient à l'organisme qui invoque l'affiliation à un régime d'établir que les conditions d'affiliation de l'intéressé, au regard du régime en cause, sont remplies ; qu'en estimant que M. [X] ne produisait aucune pièce démontrant qu'il n'avait jamais pu réellement exercer une quelconque activité en tant que conjoint collaborateur pour en déduire qu'il ne pouvait contester son affiliation à ce statut, quand il appartenait à la CPAM, qui prétendait lui appliquer ce statut pour minorer les indemnités journalières qui lui étaient dues, de rapporter la preuve que M. [X] avait exercé une activité professionnelle régulière dans l'entreprise, sans percevoir une rémunération et sans avoir la qualité d'associé au sens de l'article 1832 du code civil, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et ainsi violé l'article 9 du code de procédure civile ;
5°) ALORS QU'en application des articles L. 161-8, D. 613-8, D. 613-17, D. 613-19 et D. 613-20 du code de la sécurité sociale, les conditions d'ouverture du droit aux indemnités journalières attribuées aux commerçants sont appréciées au jour de la constatation médicale de l'incapacité de travail ; que le service de ces prestations en espèces se poursuit pendant toute la durée de l'arrêt de travail, peu important que la période de douze mois de maintien des droits de l'assurance maladie et maternité soit expirée ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué et est constant que M. [X], qui était affilié à la caisse du régime social des indépendants avait cessé son activité de commerçant à la date du 1er janvier 2015, que le 18 septembre 2015, l'affection dont M. [X] était atteint a été reconnue comme une affection longue durée, qu'il a perçu des indemnités journalières jusqu'au 31 décembre 2015, la caisse ayant refusé de poursuivre le versement de ces prestations en espèces à l'issue de ce délai ; qu'en se fondant, pour refuser d'appliquer le principe selon lequel les conditions d'ouverture du droit aux indemnités journalières attribuées aux commerçants devaient s'apprécier au jour de la constatation médicale de l'incapacité de travail, sur le motif inopérant que M. [X] invoquait une circulaire ne s'appliquant qu'aux salariés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 161-8, D. 613-8, D. 613-17, D. 613-19 et D. 613-20 du code de la sécurité sociale ;
6°) ALORS QUE les personnes qui cessent de remplir les conditions d'activité requises pour l'affiliation à l'assurance maladie, maternité, invalidité, décès d'un régime dont elles relevaient jusqu'alors bénéficient du maintien de leur droit aux prestations en espèces pour ces risques pendant une durée déterminée par décret tant qu'elles ne viennent pas à justifier de nouveau des conditions d'ouverture du droit aux mêmes prestations dans ce régime ou un autre régime ; que la cour d'appel a retenu, pour débouter M. [X] de sa demande de bénéficier du maintien de son droit aux prestations en espèces né de la survenance, pendant la période de maintien de sa garantie en tant que commerçant ayant cessé d'exercer son activité depuis moins d'un an, d'une affection longue durée, qu'il « bénéficiait du régime des conjoints collaborateurs », de sorte que son droit à prestations issu de sa qualité de commerçant était supprimé ; qu'en statuant ainsi, quand elle avait elle-même constaté que les droits ouverts à M. [X] n'étaient pas les mêmes que ceux dont il bénéficiait antérieurement mais leur étaient inférieurs de plus de moitié, la cour d'appel a violé l'article L. 161-8 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi 2012-1404 du 17 décembre 2012.
7°) ALORS QUE le principe du maintien des prestations suppose que le droit aux prestations issu de la précédente affiliation ne soit supprimé que si la nouvelle affiliation du bénéficiaire lui ouvre au moins les mêmes droits ; qu'en retenant, pour débouter M. [X] de sa demande de bénéficier du maintien de son droit aux prestations en espèces né de la survenance, pendant la période de maintien de sa garantie en tant que commerçant ayant cessé d'exercer son activité depuis moins d'un an, d'une affection longue durée, que M. [X] aurait changé de statut à l'intérieur d'un même régime quand, au regard du principe du maintien des prestations, un changement de statut à l'intérieur d'un même régime réduisant le droit à indemnisation équivaut à un changement de régime impliquant cette même réduction, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article L. 161-8 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi 2012-1404 du 17 décembre 2012.
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INCA/JURITEXT000047096543.xml
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 26 janvier 2023
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 89 F-D
Pourvoi n° U 21-13.165
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 JANVIER 2023
La caisse générale de sécurité sociale de la Réunion, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° U 21-13.165 contre l'arrêt rendu le 24 novembre 2020 par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion (chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. [N] [H], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Coutou, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse générale de sécurité sociale de la Réunion, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [H], et après débats en l'audience publique du 6 décembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Coutou, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Saint Denis de la Réunion, 24 novembre 2020), M. [H], exerçant une activité de masseur-kinésithérapeute à la Réunion (le cotisant) a déclaré cesser son activité le 31 décembre 2014. Il a formé le 1er janvier 2015 auprès du centre de formalités une déclaration de début d'activité en qualité d'ostéopathe libéral, puis sollicité l'exonération des cotisations et contributions sociales prévu par l'article L. 756-5 du code de la sécurité sociale.
2. La caisse générale de sécurité sociale de la Réunion (la caisse) lui ayant opposé un refus, il a saisi une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale d'un recours.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. La caisse fait grief à l'arrêt de faire droit au recours, alors :
« 1°/ que selon l'article L.756-5 du code de la sécurité sociale, la personne débutant l'exercice d'une activité indépendante non agricole est exonérée des cotisations et contributions pour une période de vingt quatre mois à compter de la date de la création de son activité ; que cette exonération constitue une modalité d'aide à la création d'entreprise destinée à favoriser le développement économique et l'emploi du département d'outre mer concerné de sorte que la personne débutant une activité susceptible de bénéficier de l'application de ce régime dérogatoire est celle qui entreprend une activité nouvelle au regard du secteur d'activité du département d'outre mer concerné ; qu'en retenant, pour juger que le cotisant pouvait bénéficier de l'exonération de cotisations à compter du 1er janvier 2015 que la profession libérale exercée à compter de cette date était soumise à des dispositions et à un régime de sécurité sociale différents de celle qu'il avait exercée jusqu'au 31 décembre 2014, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et violé les articles L. 756-5 et R. 242-16 du code de la sécurité sociale dans leur version applicable au litige ;
2°/ que selon l'article L. 756-5 du code de la sécurité sociale, la personne débutant l'exercice d'une activité indépendante non agricole est exonérée des cotisations et contributions pour une période de vingt quatre mois à compter de la date de la création de son activité ; que l'exercice d'une activité répertoriée sous le même code NAF (Nomenclature d'Activités Française) que celle exercée précédemment ne peut s'assimiler ni à un début, ni à une création d'activité au sens des dispositions précitées ; qu'en l'espèce, le cotisant est resté un professionnel de la rééducation (tel que défini par son code NAF) en quittant la profession de kinésithérapeute pour embrasser celle d'ostéopathe ; qu'il n'a créé aucune activité nouvelle de nature à favoriser l'activité économique et l'emploi dans le département de la Réunion ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 756-5 et R. 242-16 du code de la sécurité sociale dans leur version applicable au litige ;
3°/ que selon l'article L.756-5 du code de la sécurité sociale, la personne débutant l'exercice d'une activité indépendante non agricole est exonérée des cotisations et contributions pour une période de vingt quatre mois à compter de la date de la création de son activité ; qu'un simple changement de profession ne suffit pas à caractériser un début ou un création d'activité au sens des dispositions précitées ; qu'en affirmant que dès lors que le cotisant avait changé de profession à compter du 1er janvier 2015, ce dernier était fondé à revendiquer le bénéfice de l'exonération prévue par ces dispositions, quand la profession nouvelle comme l'ancienne étaient identiques comme étant celle d'un professionnel de la rééducation, la cour d'appel a violé les articles L. 756-5 et R. 242-16 du code de la sécurité sociale dans leur version applicable au litige. »
Réponse de la Cour
4. Selon l'article L. 756-5 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016, applicable au litige, par dérogation aux dispositions de l'article L. 131-6-2 du même code, la personne débutant l'exercice d'une activité indépendante non agricole dans les collectivités mentionnées à l'article L. 751-1 est exonérée des cotisations et contributions, à l'exception de celles recouvrées par les organismes mentionnés aux articles L. 642-1 et L. 723-1, pour une période de vingt-quatre mois à compter de la date de la création de l'activité.
5. Il en résulte que le bénéfice de l'exonération biennale des cotisations et contributions sociales est accordé à toute personne débutant dans un département d'Outre-mer l'exercice d'une activité non salariée non agricole nouvelle, peu important qu'elle ait exercé auparavant une activité répertoriée sous le même code NAF, mais distincte.
6. L'arrêt relève que les professions de masseur-kinésithérapeute et d'ostéopathe sont distinctes, et soumises à des dispositions spécifiques, et que les régimes de sécurité sociale dont relèvent ces praticiens sont différents.
7. La cour d'appel en a déduit à bon droit que le cotisant ayant débuté une activité nouvelle pouvait prétendre à l‘exonération litigieuse.
8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la caisse générale de sécurité sociale de la Réunion aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse générale de sécurité sociale de la Réunion et la condamne à payer à M. [H] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille vingt-trois. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la caisse générale de sécurité sociale de la Réunion
La CGSS de La Réunion FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement rendu le 21 mars 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Réunion, d'AVOIR infirmé la décision du 7 juin 2016 de la Caisse Générale de Sécurité Sociale de la Réunion et d'AVOIR dit que M. [H] devait bénéficier de l'exonération de cotisations sociales prévue par l'article L.756-5 alinéa 2 du code de la sécurité sociale à compter du 1er janvier 2015.
1.ALORS QUE selon l'article L.756-5 du code de la sécurité sociale, la personne débutant l'exercice d'une activité indépendante non agricole est exonérée des cotisations et contributions pour une période de vingt quatre mois à compter de la date de la création de son activité ; que cette exonération constitue une modalité d'aide à la création d'entreprise destinée à favoriser le développement économique et l'emploi du département d'outre mer concerné de sorte que la personne débutant une activité susceptible de bénéficier de l'application de ce régime dérogatoire est celle qui entreprend une activité nouvelle au regard du secteur d'activité du département d'outre mer concerné ; qu'en retenant, pour juger que M. [H] pouvait bénéficier de l'exonération de cotisations à compter du 1er janvier 2015 que la profession libérale exercée à compter de cette date était soumise à des dispositions et à un régime de sécurité social différents de celle qu'il avait exercée jusqu'au 31 décembre 2014, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et violé les articles L.756-5 et R.242-16 du code de la sécurité sociale dans leur version applicable au litige ;
2.ALORS QUE selon l'article L.756-5 du code de la sécurité sociale, la personne débutant l'exercice d'une activité indépendante non agricole est exonérée des cotisations et contributions pour une période de vingt quatre mois à compter de la date de la création de son activité ; que l'exercice d'une activité répertoriée sous le même code NAF (Nomenclature d'Activités Française) que celle exercée précédemment ne peut s'assimiler ni à un début, ni à une création d'activité au sens des dispositions précitées ; qu'en l'espèce, M. [H] est resté un professionnel de la rééducation (tel que défini par son code NAF) en quittant la profession de kinésithérapeute pour embrasser celle d'ostéopathe ; qu'il n'a créée aucune activité nouvelle de nature à favoriser l'activité économique et l'emploi dans le département de la Réunion ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L.756-5 et R.242-16 du code de la sécurité sociale dans leur version applicable au litige ;
3. ALORS en tout état de cause QUE selon l'article L.756-5 du code de la sécurité sociale, la personne débutant l'exercice d'une activité indépendante non agricole est exonérée des cotisations et contributions pour une période de vingt quatre mois à compter de la date de la création de son activité ; qu'un simple changement de profession ne suffit pas à caractériser un début ou un création d'activité au sens des dispositions précitées ; qu'en affirmant que dès lors que le cotisant avait changé de profession à compter du 1er janvier 2015, ce dernier était fondé à revendiquer le bénéfice de l'exonération prévue par ces dispositions, quand la profession nouvelle comme l'ancienne étaient identiques comme étant celle d'un professionnel de la rééducation, la cour d'appel a violé les articles L.756-5 et R.242-16 du code de la sécurité sociale dans leur version applicable au litige ;
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INCA/JURITEXT000047096557.xml
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 26 janvier 2023
Cassation partielle
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 104 F-D
Pourvoi n° N 21-15.689
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 JANVIER 2023
L'[3] ([3]), établissement public à caractère industriel et commercial, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° N 21-15.689 contre l'arrêt rendu le 24 février 2021 par la cour d'appel de Montpellier (3e chambre sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [X] [U], domicilié chez Mme [T], [Adresse 1],
2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault, dont le siège est [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lapasset, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'[3], de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. [U], et après débats en l'audience publique du 6 décembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Lapasset, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 24 février 2021), M. [U] (la victime), formateur informatique au sein de l'[3] (l'employeur), a déclaré un accident survenu le 7 décembre 2009, pris en charge, le 20 février 2010, au titre de la législation professionnelle, par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault.
2. La victime a saisi d'une demande en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
4. L'employeur fait grief à l'arrêt de faire droit à la demande de la victime, alors « que, en outre, le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; que la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé que l'employeur avait ou aurait dû avoir connaissance du danger auquel était soumis le travailleur et n'avait pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver, a derechef violé les articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale et L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale :
5. Le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.
6. Pour reconnaître la faute inexcusable de son employeur, l'arrêt retient que la victime s'est dite harcelée, qu'il résultait des pièces produites aux débats qu'un conflit l'opposait depuis plusieurs années à un autre formateur et que le 15 mai 2008, la directrice du centre les avait réunis pour résoudre le conflit. Il ajoute que, le 18 juin 2008, elle en avait rendu compte à l'ensemble des formateurs en informatique.
7. Sur les menaces de suppression de postes, l'arrêt relève que, le recrutement de stagiaires, condition du maintien des formations informatiques, posait difficulté et que la victime affirmait à l'enquêteur de la caisse qu'elle était menacée de suppression de poste si elle n'acceptait pas de nouvelles conditions de travail. L'arrêt ajoute que la directrice de formation avait contacté la victime le 30 novembre 2009 pour élaborer avec elle un plan d'action et trouver de nouveaux stagiaires, qu'elle ne s'était pas opposée à ce que la victime se fasse assister, lors d'une réunion de travail d'un délégué du personnel. L'arrêt constate que le directeur du centre déclarait à l'enquêteur que cette réunion était organisée pour étudier à trois les possibilités de trouver des stagiaires, qu'il avait été surpris que la victime veuille être accompagnée d'un délégué, que des changements avaient été évoqués mais qu'il n'avait jamais dit, ni laissé supposer, un licenciement possible. L'arrêt retient que le délégué du personnel confirmait que l'entretien s'était passé correctement, dans le respect des personnes, que la direction n'était pas menaçante et qu'un temps de réflexion était laissé au salarié.
8. L'arrêt ajoute qu'au cours de l'après-midi suivant l'entretien, la responsable formation insistait en écrivant que « si le nombre de candidats devait rester identique, nous serions en difficulté de maintenir cette offre par rapport à l'équilibre économique » et que la victime était conviée à participer à une nouvelle réunion de travail, que dès le lundi matin suivant, le directeur de centre insistait pour obtenir une réponse et qu'un collègue, membre du CHSCT, informait le jour même le directeur du centre que la victime était allée voir en urgence son médecin pour des problèmes psychologiques apparents (état général incontrôlable, difficultés à parler, emportements) suite à l'entretien avec la direction concernant les formations futures de sa spécialité.
9. En se déterminant ainsi, sans caractériser la conscience qu'avait ou aurait du avoir l'employeur du danger auquel était exposée la victime, ni l'absence des mesures nécessaires pour l'en préserver, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il confirme le rejet de la fin de non-recevoir tirée de la prescription, l'arrêt rendu le 24 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Condamne M. [U] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille vingt-trois. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour l'[3]
PREMIER MOYEN DE CASSATION
L'[3] ([3]) FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription, d'AVOIR infirmé le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Hérault en ce qu'il avait rejeté la demande de M. [U] tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, d'AVOIR dit que l'AFPA avait commis une faute inexcusable à l'origine de l'accident du 7 décembre 2009, et d'AVOIR, avant-dire droit sur la réparation des préjudices à caractère personnel, ordonné une mesure d'expertise médicale, désigné pour y procéder Mme [Z], avec pour mission de se faire remettre l'entier dossier médical de M. [U] et d'en prendre connaissance, de procéder à l'examen de M. [U], de décrire son état de santé, les lésions occasionnées par l'accident du travail et les soins qui ont dû lui être prodigués, ainsi que les lésions dont il restait atteint, de fournir tous éléments permettant à la cour d'apprécier, d'une part, si, avant la date de consolidation de son état, la victime s'était trouvée atteinte d'un déficit fonctionnel temporaire et dans l'affirmative d'en faire la description et d'en quantifier l'importance, d'autre part, l'étendue des souffrances physiques et morales endurées par la victime, avant et après la consolidation, de troisième part, l'existence d'un préjudice d'agrément, d'un préjudice sexuel, de procréation ou d'établissement, et enfin, si la victime subissait ou non une diminution de ses possibilités de promotion professionnelle et dans quelle mesure,
ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, à l'appui de la fin de non-recevoir tirée de la prescription, l'AFPA faisait valoir que la procédure amiable engagée par le salarié en septembre 2011 par la saisine de la CPAM en reconnaissance d'une faute inexcusable s'était achevée dès le 5 décembre 2011 par le constat par le médecin conseil d'une carence à faire son office et qu'elle ne pouvait donc être recommencée en octobre 2014, trois ans après (conclusions d'appel, p. 6-7) ; qu'en affirmant, pour écarter la fin de non-recevoir tirée de la prescription, que la prescription biennale, interrompue le 10 septembre 2011 par la saisine de la CPAM par le salarié et suspendue le 12 octobre 2011 par la mise en oeuvre de la phase amiable, avait recommencé à courir le 8 janvier 2015 lorsque la caisse avait notifié à l'assuré l'échec de la tentative de conciliation, sans répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)
L'[3] ([3]) FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Hérault en ce qu'il avait rejeté la demande de M. [U] tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, d'AVOIR dit que l'AFPA avait commis une faute inexcusable à l'origine de l'accident du 7 décembre 2009, et d'AVOIR, avant-dire droit sur la réparation des préjudices à caractère personnel, ordonné une mesure d'expertise médicale, désigné pour y procéder Mme [Z], avec pour mission de se faire remettre l'entier dossier médical de M. [U] et d'en prendre connaissance, de procéder à l'examen de M. [U], de décrire son état de santé, les lésions occasionnées par l'accident du travail et les soins qui ont dû lui être prodigués, ainsi que les lésions dont il restait atteint, de fournir tous éléments permettant à la cour d'apprécier, d'une part, si, avant la date de consolidation de son état, la victime s'était trouvée atteinte d'un déficit fonctionnel temporaire et dans l'affirmative d'en faire la description et d'en quantifier l'importance, d'autre part, l'étendue des souffrances physiques et morales endurées par la victime, avant et après la consolidation, de troisième part, l'existence d'un préjudice d'agrément, d'un préjudice sexuel, de procréation ou d'établissement, et enfin, si la victime subissait ou non une diminution de ses possibilités de promotion professionnelle et dans quelle mesure,
1. ALORS QUE le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; qu'il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident survenu au salarié mais il faut qu'elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté, d'abord, que si un conflit avait opposé M. [U] à un autre formateur, la directrice du centre les avait réunis le 15 mai 2008 puis avait réuni l'ensemble des formateurs du dispositif informatique le 18 juin 2008 pour dénouer la situation de conflit, ensuite, que si M. [U] avait indiqué dans le cadre de l'enquête diligentée par la CPAM qu'on l'avait menacé de suppression de poste s'il n'acceptait pas les nouvelles conditions de travail, les participants à l'entretien litigieux du 4 décembre 2009, notamment le délégué du personnel ayant assisté le salarié à sa demande, démentaient de telles menaces et indiquaient que l'entretien s'était passé correctement ; qu'elle a ensuite relevé qu'au cours de l'après-midi ayant suivi l'entretien, la responsable formation insistait en écrivant en ces termes à M. [U] : « si le nombre de candidats devait rester identique, nous serions en difficulté de maintenir cette offre par rapport à l'équilibre économique », que M. [U] était convié à participer à une nouvelle réunion de travail, que M. [U] indiquait que dès le lundi matin 7 décembre 2009 le directeur de centre le croisant lui parlait du dernier mail et insistait pour obtenir une réponse, que de retour dans son bureau, M. [U] exposait s'être confié à son collègue M. [W], membre du CHSCT qui envoyait en urgence un message au directeur du centre [3] signalant que M. [U] était « allé voir en urgence son médecin pour des problèmes psychologiques apparents (état général incontrôlable, difficultés à parler, emportements) suite à l'entretien avec la direction concernant les formations futures de sa spécialité » ; qu'en statuant par ces motifs, dont il ne résulte pas que le harcèlement moral allégué par le salarié était avéré ou même que ce dernier avait établi des faits laissant présumer un tel harcèlement, et qui sont en tout état de cause insuffisants à caractériser l'existence d'une faute de l'employeur constituant l'une des causes nécessaires de l'accident du travail, la cour d'appel a violé les articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale et L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ;
2. ALORS en outre QUE le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; que la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé que l'employeur avait ou aurait dû avoir connaissance du danger auquel était soumis le travailleur et n'avait pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver, a derechef violé les articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale et L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.
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INCA/JURITEXT000047096556.xml
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 26 janvier 2023
Cassation partielle
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 103 F-D
Pourvoi n° A 21-16.345
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 JANVIER 2023
Mme [U] [W], épouse [J], domiciliée [Adresse 1], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'ayant droit de son époux, [P] [J], décédé le 15 décembre 2016, a formé le pourvoi n° A 21-16.345 contre l'arrêt n° RG : 18/02616 rendu le 9 mars 2021 par la cour d'appel de Riom (4e chambre civile (sociale)), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société [6], dont le siège est [Adresse 7],
2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme, dont le siège est service juridique, [Adresse 5],
3°/ au ministre chargé des affaires de sécurité sociale, domicilié [Adresse 2], venant aux droits de la Mission nationale de contrôle et d'audit des organismes de sécurité sociale, antenne Rhône-Alpes Auvergne, [Adresse 4],
4°/ à M. [V] [J], domicilié [Adresse 3], pris tant en son nom personnel qu'en qualité d'ayant droit de [P] [J], décédé le 15 décembre 2016,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lapasset, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [W], épouse [J], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'ayant droit de son époux, [P] [J], de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de la société [6], après débats en l'audience publique du 6 décembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Lapasset, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 9 mars 2021), [P] [J] (la victime), ancien salarié de la société [6] (l'employeur), porteur de plaques pleurales depuis 2006, a subi une rechute, selon certificat médical du 25 novembre 2016, faisant état d'un mésothéliome. Il est décédé le 15 décembre 2016.
2. Mme [W], sa veuve, a souscrit une déclaration de maladie professionnelle le 16 décembre 2016. Le médecin conseil ayant fixé le taux d'incapacité permanente partielle de la victime à 100 % à compter de la date de consolidation arrêtée au 26 novembre 2016, la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme (la caisse) a pris en charge la maladie puis le décès au titre de la législation professionnelle.
3. Les ayants droit de la victime ont saisi en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. La veuve de la victime fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en paiement de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, alors « que pour pouvoir prétendre à l'indemnité forfaitaire, l'ayant droit doit apporter la preuve qu'au jour de son décès au plus tard, la victime était atteinte d'une incapacité permanente de 100 %, le taux d'incapacité étant celui qui résulte de la décision de la caisse attribuant un taux d'incapacité susceptible de recours devant le tribunal du contentieux de l'incapacité et il n'est pas celui résultant des seuls éléments tirés soit de la gravité estimée de la pathologie, soit de la prise en charge du décès par la caisse » (2e Civ., 26 mai 2016, pourvoi n° 15-18.412) ; que dans ses écritures l'ayant droit de la victime faisait valoir « qu'il sollicite l'allocation de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale puisqu'un taux d'incapacité de 100 % a été notifié le 23 août 2017... le médecin conseil a fixé la date de consolidation de l'état de la victime au 25 novembre 2016 et a fixé le taux d'incapacité permanente partielle de la victime à 100 %. Dans ces conditions, la victime était atteinte d'un taux d'incapacité permanente partielle de 100 % à compter du 25 novembre 2016 selon une décision notifiée par la caisse primaire d'assurance maladie » ; que, pour débouter l'ayant droit de la victime de sa demande en paiement de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, la cour d'appel relève que « la prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie de la victime a été demandée par son épouse le 16 décembre 2016, suite au décès de son époux le 15 décembre 2016 » ; qu'en s'abstenant de rechercher par quelle décision et à quelle date la caisse avait fixé l'incapacité permanente totale de la victime, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 452-1 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale :
4. Il résulte de ce texte que la victime atteinte d'un taux d'incapacité permanente de 100 % a droit à une indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de consolidation.
5. L'arrêt retient que les ayants droit ne sont pas fondés à obtenir le paiement de l'indemnité forfaitaire dans la mesure où la déclaration de maladie professionnelle n'a été souscrite qu'après la survenance du décès.
6. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme [W] de sa demande d'indemnité forfaitaire, l'arrêt rendu le 9 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne la société [6] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [6] et la condamne à payer à Mme [W], épouse [J], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'ayant droit de son époux, [P] [J], la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille vingt-trois.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme [W], épouse [J], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'ayant droit de son époux, [P] [J]
L'ayant droit de la victime fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR débouté de sa demande en paiement de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article 452-3 du code de la sécurité sociale ;
1) ALORS QUE « pour pouvoir prétendre à l'indemnité forfaitaire, l'ayant droit doit apporter la preuve qu'au jour de son décès au plus tard, la victime était atteinte d'une incapacité permanente de 100 %, le taux d'incapacité étant celui qui résulte de la décision de la caisse attribuant un taux d'incapacité susceptible de recours devant le tribunal du contentieux de l'incapacité et il n'est pas celui résultant des seuls éléments tirés soit de la gravité estimée de la pathologie, soit de la prise en charge du décès par la caisse » (Civ.2 26 mai 2016 n° 15-18.412) ; que dans ses écritures l'ayant droit de la victime faisait valoir « qu'il sollicite l'allocation de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale puisqu'un taux d'incapacité de 100 % a été notifié le 23 août 2017 (pièce n°6)? le médecin conseil a fixé la date de consolidation de l'état de la victime au 25 novembre 2016 et a fixé le taux d'incapacité permanente partielle de la victime à 100 % (pièce n°7) Dans ces conditions, la victime était atteinte d'un taux d'incapacité permanente partielle de 100 % à compter du 25 novembre 2016 selon une décision notifiée par la caisse primaire d'assurance maladie » (conclusions p.4) ; que, pour débouter l'ayant droit de la victime de sa demande en paiement de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article 452-3 du code de la sécurité sociale, la cour d'appel relève que « la prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie de Monsieur [J] a été demandée par Madame [J] le 16 décembre 2016, suite au décès de son époux le 15 décembre 2016 » (arrêt p.12 §11-12 et jugement p.5 §9) ; qu'en s'abstenant de rechercher par quelle décision et à quelle date la caisse avait fixé l'incapacité permanente totale de la victime, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 452-1 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale ;
2) ALORS QUE n'est pas motivé le jugement qui ne procède à aucune analyse, ne serait-ce que sommaire, des pièces régulièrement produites ; qu'à l'appui de ses écritures précitées, l'ayant droit de la victime avait régulièrement produit la décision de la caisse attribuant une rente à 100 % à compter du 26 novembre 2016, soit antérieurement au décès, ainsi que l'avis motivé par lequel le médecin conseil avait fixé la date de consolidation de l'état de la victime au 25 novembre 2016 et le taux d'incapacité permanente partielle de la victime à 100 % à cette date (production) ; qu'en s'abstenant de la moindre analyse des deux pièces, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
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INCA/JURITEXT000047096542.xml
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 26 janvier 2023
Cassation partielle
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 88 FS-D
Pourvoi n° T 21-13.578
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 JANVIER 2023
L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Provence-Alpes-Côte d'Azur, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 21-13.578 contre l'arrêt n° RG : 20/00474 rendu le 26 janvier 2021 par la cour d'appel de Nancy (chambre sociale, section 1), dans le litige l'opposant à l'Etablissement public foncier de Grand-Est, dont le siège est [Adresse 2], anciennement dénommé Etablissement public foncier de Lorraine, défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF de Provence-Alpes-Côte d'Azur, de la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de l'Etablissement public foncier de Grand-Est, anciennement dénommé Etablissement public foncier de Lorraine, et l'avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 6 décembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, Mmes Coutou, Renault-Malignac, M. Rovinski, Mmes Cassignard, Lapasset, M. Leblanc, conseillers, Mmes Vigneras, Dudit, conseillers référendaires, Mme Tuffreau, avocat général référendaire, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 26 janvier 2021), la Caisse nationale du régime social des indépendants, aux droits de laquelle vient l'URSSAF de Provence-Alpes-Côte d'Azur (l'URSSAF), a notifié à l'Etablissement public foncier de Lorraine, devenu l'Etablissement public foncier de Grand-Est (l'établissement public), trois mises en demeure pour le paiement de la contribution sociale de solidarité des sociétés au titre des années 2013, 2016 et 2017.
2. L'établissement public a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale portant sur les mises en demeure relatives à cette contribution pour les années 2016 et 2017. L'URSSAF a saisi cette même juridiction d'une demande en paiement de cette contribution pour l'année 2013.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première, deuxième et quatrième branches
Enoncé du moyen
3. L'URSSAF fait grief à l'arrêt d'annuler les mises en demeure et de rejeter ses demandes en paiement, alors :
« 1°/ que la contribution sociale de solidarité des sociétés est à la charge des personnes morales de droit public dans les limites de leur activité concurrentielle ; qu'un établissement public foncier exerce une activité concurrentielle s'il peut rivaliser avec d'autres entreprises et opérateurs privés qui peuvent réaliser des opérations de même nature, en offrant un service ou une prestation équivalente ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté, par ses motifs propres et adoptés, que l'établissement public foncier était habilité à procéder à toutes acquisitions foncières et opérations immobilières et foncières de nature à faciliter l'aménagement, qu'il pouvait effectuer les études et travaux nécessaires à leur accomplissement, qu'il pouvait exercer ses missions pour son compte ou pour celui de l'Etat et de ses établissements publics, ou pour des collectivités territoriales, leurs groupements ou leurs établissements publics, et que dans ce dernier cas, les biens étaient rachetés dans un délai déterminé ; qu'en affirmant que l'établissement public foncier n'exerçait pas une activité concurrentielle sans rechercher, comme elle y était invitée, si dans le cadre de ses activités consistant notamment à faire des acquisitions foncières et des opérations immobilières, puis à rétrocéder éventuellement lesdits biens à des collectivités et à faire des études, l'établissement public foncier n'était pas en concurrence avec des opérateurs publics ou privés effectuant de opérations de même nature, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-1, 4°, du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 et de la loi n° 2014-1554 du 22 décembre 2014 ;
2°/ que la contribution sociale de solidarité des sociétés est à la charge des personnes morales de droit public dans les limites de leur activité concurrentielle ; que n'est pas en contradiction avec le caractère concurrentiel de son activité le fait que l'établissement public foncier soit placé dans une situation différente ou intervienne dans des conditions différentes des autres opérateurs privés parce qu'il poursuit un objectif d'intérêt public en intervenant dans le cadre de programmes pluriannuels établis en fonction de finalités d'aménagements et de développement durables, de lutte contre l'étalement urbain, de développement social urbain, de restructuration, de préservation des espaces naturels et agricoles, parce qu'il peut exercer ses activités pour le compte de collectivités publiques avec qui il peut conclure des conventions de rachat des biens dans un délai précis, parce qu'il peut recourir à des procédures de puissance publique telles que l'expropriation ou les droits de préemption et de priorité, ou parce que ses ressources sont partiellement constituées de fonds publics ; qu'en tirant de ces circonstances inopérantes la conclusion que l'établissement public n'exerçait pas une activité concurrentielle, la cour d'appel a violé l'article L. 651-1, 4°, du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 et de la loi n° 2014-1554 du 22 décembre 2014 ;
4°/ que la contribution sociale de solidarité des sociétés est à la charge des personnes morales de droit public dans les limites de leur activité concurrentielle ; que n'est pas de nature à exclure le caractère concurrentiel de son activité le fait que l'établissement public foncier intervienne dans un contexte régional de désindustrialisation, de restructuration militaire et de baisse de la démographie pesant sur l'activité économique de la région et ses conditions d'utilisation du foncier, et que la situation diffère de la situation de l'Ile-de-France ; qu'en tirant de ces circonstances inopérantes la conclusion que l'établissement public n'exerçait pas une activité concurrentielle, la cour d'appel a violé l'article L. 651-1, 4°, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 et de la loi n° 2014-1554 du 22 décembre 2014. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 651-1, 4°, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007, applicable à la date d'exigibilité de la contribution litigieuse :
4. Selon ce texte, la contribution sociale de solidarité des sociétés est à la charge, notamment, des personnes morales de droit public dans les limites de leur activité concurrentielle.
5. Constitue une activité concurrentielle exercée par une personne morale de droit public, au sens de ce texte, à l'exclusion de l'activité se rattachant par sa nature, son objet et les règles auxquelles elle est soumise, à l'exercice de prérogatives de puissance publique ou répondant à des fonctions de caractère exclusivement social et à des exigences de solidarité nationale, toute activité économique consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné, sur lequel d'autres opérateurs interviennent ou, au regard des conditions concrètes de l'exploitation de cette activité, ont la possibilité réelle et non purement hypothétique d'entrer.
6. Pour retenir que l'exercice d'une activité concurrentielle par l'établissement public n'est pas caractérisé, l'arrêt énonce qu'au regard des dispositions de l'article L. 321-1 du code de l'urbanisme et du décret n° 73-250 du 7 mars 1973 modifié portant création de l'Etablissement public foncier de Lorraine, celui-ci intervient dans le cadre de programmes pluriannuels établis en fonction des finalités d'aménagement durables, de développement social urbain, de restructuration, de préservation des espaces naturels et agricoles durable, au travers notamment du recours à des procédures de puissance publique. Il ajoute que cette intervention s'inscrit dans un contexte lorrain de désindustrialisation, de restructuration militaire et de baisse de la démographie pesant sur l'activité économique de cette région et les conditions d'utilisation du foncier. Il en déduit que l'établissement public est placé dans une situation différente des autres opérateurs, en particulier privés, et non concurrentielle avec ces derniers.
7. En se déterminant ainsi, sans rechercher si l'établissement public exerçait une activité économique dans des conditions excluant toute concurrence actuelle ou potentielle d'autres opérateurs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il ordonne la jonction des instances n° RG 18/254, 18/330 et 18/409 et déboute l'Etablissement public foncier de Lorraine de sa demande de saisine de la juridiction administrative d'une question préjudicielle et de sa demande de sursis à statuer, l'arrêt rendu le 26 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Colmar ;
Condamne l'Etablissement public foncier de Lorraine, devenu l'Etablissement public foncier de Grand-Est, aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'Etablissement public foncier de Lorraine, devenu l'Etablissement public foncier de Grand-Est, et le condamne à payer à l'URSSAF de Provence-Alpes-Côte d'Azur la somme de 1 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille vingt-trois. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour l'URSSAF de Provence-Alpes-Côte d'Azur
L'Urssaf PACA fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Nancy du 20 janvier 2020, d'AVOIR en conséquence dit que l'établissement foncier public de Lorraine n'est pas assujetti à la contribution sociale de solidarité des sociétés, d'AVOIR annulé les mises en demeure litigieuses délivrées à l'établissement foncier public de Lorraine les 1er avril 2014, 12 mars 2018 et 11 juin 2018 et relatives à la contribution sociale de solidarité des sociétés des années 2013, 2016 et 2017 et d'AVOIR en conséquence, débouté l'Urssaf PACA de sa demande reconventionnelle en paiement
1° - ALORS QUE la contribution sociale de solidarité des sociétés est à la charge des personnes morales de droit public dans les limites de leur activité concurrentielle ; qu'un établissement public foncier exerce une activité concurrentielle s'il peut rivaliser avec d'autres entreprises et opérateurs privés qui peuvent réaliser des opérations de même nature, en offrant un service ou une prestation équivalente ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté, par ses motifs propres et adoptés, que l'EPFL était habilité à procéder à toutes acquisitions foncières et opérations immobilières et foncières de nature à faciliter l'aménagement, qu'il pouvait effectuer les études et travaux nécessaires à leur accomplissement, qu'il pouvait exercer ses missions pour son compte ou pour celui de l'Etat et de ses établissements publics, ou pour des collectivités territoriales, leurs groupements ou leurs établissements publics, et que dans ce dernier cas, les biens étaient rachetés dans un délai déterminé ; qu'en affirmant que l'EPFL n'exerçait pas une activité concurrentielle sans rechercher, comme elle y était invitée, si dans le cadre de ses activités consistant notamment à faire des acquisitions foncières et des opérations immobilières, puis à rétrocéder éventuellement lesdits biens à des collectivités et à faire des études, l'EPFL n'était pas en concurrence avec des opérateurs publics ou privés effectuant des opérations de même nature, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-1, 4° du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 et de la loi n° 2014-1554 du 22 décembre 2014.
2° - ALORS QUE la contribution sociale de solidarité des sociétés est à la charge des personnes morales de droit public dans les limites de leur activité concurrentielle ; que n'est pas en contradiction avec le caractère concurrentiel de son activité le fait que l'établissement public foncier soit placé dans une situation différente ou intervienne dans des conditions différentes des autres opérateurs privés parce qu'il poursuit un objectif d'intérêt public en intervenant dans le cadre de programmes pluriannuels établis en fonction de finalités d'aménagements et de développement durables, de lutte contre l'étalement urbain, de développement social urbain, de restructuration, de préservation des espaces naturels et agricoles, parce qu'il peut exercer ses activités pour le compte de collectivités publiques avec qui il peut conclure des conventions de rachat des biens dans un délai précis, parce qu'il peut recourir à des procédures de puissance publique telles que l'expropriation ou les droits de préemption et de priorité, ou parce que ses ressources sont partiellement constituées de fonds publics; qu'en tirant de ces circonstances inopérantes la conclusion que l'EPFL n'exerçait pas une activité concurrentielle, la cour d'appel a violé l'article L. 651-1, 4° du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 et de la loi n° 2014-1554 du 22 décembre 2014.
3° - ALORS QUE les juges du fond ne peuvent procéder par voie de simple affirmation sans préciser les éléments de preuve sur lesquels ils s'appuient ; qu'en affirmant péremptoirement, pour exclure toute activité concurrentielle de l'EPFL, qu'il intervenait dans un contexte lorrain de désindustrialisation, de restructuration militaire et de baisse de la démographie pesant sur l'activité économique de cette région et les conditions d'utilisation du foncier auxquelles il était confronté ce qui différait sensiblement de la situation d'Ile-de France à laquelle se rapportait les précédents invoqués par l'organisme de sécurité sociale, la cour d'appel qui n'a pas précisé sur quels éléments de preuve elle s'appuyait pour retenir une telle différence de situation, a violé l'article 455 du code de procédure civile.
4° - ALORS en tout état de cause QUE la contribution sociale de solidarité des sociétés est à la charge des personnes morales de droit public dans les limites de leur activité concurrentielle ; que n'est pas de nature à exclure le caractère concurrentiel de son activité le fait que l'établissement public foncier intervienne dans un contexte régional de désindustrialisation, de restructuration militaire et de baisse de la démographie pesant sur l'activité économique de la région et ses conditions d'utilisation du foncier, et que la situation diffère de la situation de l'Ile-de-France; qu'en tirant de ces circonstances inopérantes la conclusion que l'EPFL n'exerçait pas une activité concurrentielle, la cour d'appel a violé l'article L. 651-1, 4° du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 et de la loi n° 2014-1554 du 22 décembre 2014.
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INCA/JURITEXT000047096554.xml
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 26 janvier 2023
Cassation sans renvoi
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 101 F-D
Pourvoi n° Q 21-13.460
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 JANVIER 2023
L'Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques (IRCANTEC), dont le siège est [Adresse 2], ayant un établissement [Adresse 3], a formé le pourvoi n° Q 21-13.460 contre l'arrêt rendu le 28 janvier 2021 par la cour d'appel d'Angers (chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. [S] [F], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Cassignard, conseiller, les observations de la SAS Hannotin avocats, avocat de l'Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques (IRCANTEC), de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [F], après débats en l'audience publique du 6 décembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Cassignard, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 28 janvier 2021), M. [F] (l'assuré), bénéficiaire de ses droits à retraite du régime général de la sécurité sociale depuis le 1er septembre 2008, a sollicité la liquidation de sa pension de retraite complémentaire auprès de l'Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques (l'IRCANTEC) le 22 septembre 2015, à effet du 1er septembre 2008.
2. L'IRCANTEC lui ayant adressé son titre de retraite avec pour point de départ le 1er avril 2015, l'assuré a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. L'IRCANTEC fait grief à l'arrêt de faire droit au recours de l'assuré, alors :
« 1°/ que selon l'arrêté du 30 décembre 1970, fixant le régime de fonctionnement propre à l'IRCANTEC, les droits sont liquidés au premier jour du mois suivant celui au cours duquel la demande a été formulée, avec entrée en jouissance de l'allocation à la même date ; que lorsque la demande de liquidation de l'allocation est formulée postérieurement à la date d'ouverture du droit, le bénéficiaire peut prétendre aux arrérages afférents aux 6 mois précédant la date de liquidation prévue au présent article ; qu'en fixant la date d'ouverture du droit à pension de l'assuré auprès de l'IRCANTEC au jour de sa mise en retraite, soit le 1er septembre 2008, pour cela qu'il avait été empêché par un cas de force majeure, résultant des services du Ministère de la défense, de solliciter sa retraite IRCANTEC avant septembre 2015, quand la tardivité de l'employeur à valider la carrière de son agent, constituerait-elle un cas de force majeure, ne pouvait avoir pour effet de modifier la réglementation applicable à l'IRCANTEC, la cour d'appel a violé l'article 17 de l'arrêté du 30 décembre 1970, ensemble l'article L. 921-2-1 du code de la sécurité sociale et le décret n° 70-1277 du 23 décembre 1970 ;
2°/ que selon l'arrêté du 30 décembre 1970, fixant le régime de fonctionnement propre à l'IRCANTEC, les droits sont liquidés au premier jour du mois suivant celui au cours duquel la demande a été formulée, avec entrée en jouissance de l'allocation à la même date ; que lorsque la demande de liquidation de l'allocation est formulée postérieurement à la date d'ouverture du droit, le bénéficiaire peut prétendre aux arrérages afférents aux 6 mois précédant la date de liquidation prévue au présent article ; qu'en fixant la date d'ouverture du droit à pension de l'assuré auprès de l'IRCANTEC au jour de sa mise en retraite, soit le 1er septembre 2008, pour cela que l'IRCANTEC ne pouvait valablement refuser à l'assuré de tirer toutes les conséquences de l'affiliation rétroactive dont il bénéficiait pour la liquidation de ses droits à compter du 1er septembre 2008, quand cette affiliation rétroactive, décidée par le ministère de la défense, ne dérogeait pas aux principes relatifs à la date de l'entrée en jouissance de l'allocation, calculée en fonction de la date de demande de liquidation, la cour d'appel a violé l'article 17 de l'arrêté du 30 décembre 1970, ensemble l'article L. 921-2-1 du code de la sécurité sociale et le décret n° 70-1277 du 23 décembre 1970. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 17 de l'arrêté du 30 décembre 1970 modifié, relatif aux modalités de fonctionnement du régime de retraites complémentaire des assurances sociales, institué par l'article 11 du décret n° 70-1277 du 23 décembre 1970 :
4. Il résulte de ce texte que les droits de l'assuré sont liquidés au premier jour du mois suivant celui au cours duquel la demande a été formulée, avec entrée en jouissance de l'allocation à la même date, et que lorsque la demande de liquidation de l'allocation est formulée postérieurement à la date d'ouverture du droit, le bénéficiaire peut prétendre aux arrérages afférents aux six mois précédant la date de liquidation ainsi prévue.
5. Pour accueillir le recours de l'assuré et fixer la date de l'ouverture de son droit à pension au 1er septembre 2008, l'arrêt retient que l'assuré a été empêché de solliciter la liquidation de ses droits à la retraite avant septembre 2015 du fait de l'inertie et de la défaillance du ministère de la défense qui ont constitué des conditions extérieures, irrésistibles et imprévisibles qui se sont imposées à lui et par conséquent un cas de force majeure. Il ajoute que l'IRCANTEC ne pouvait refuser de tirer toutes les conséquences de l'affiliation rétroactive dont bénéficiait l'assuré pour la liquidation de ses droits à compter du 1er septembre 2008.
6. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que l'assuré avait présenté à l'IRCANTEC la demande de liquidation de ses droits le 22 septembre 2015, de sorte que sa pension de retraite complémentaire ne pouvait être liquidée avant le 1er octobre 2015, avec un rappel des arrérages afférents aux six mois précédant cette date, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
7. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
8. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
9. Il résulte du paragraphe 6 que l'assuré doit être débouté de sa demande en fixation de la date d'ouverture de son droit à pension au 1er mai 2008.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
DÉBOUTE M. [F] de sa demande en fixation de la date d'ouverture de son droit à pension au 1er mai 2008 ;
Condamne M. [F] aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel d'Angers ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par M. [F] et le condamne à payer à l'Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques la somme de 3 000 euros, au titre des instances suivies tant devant la Cour de cassation que devant la cour d'appel d'Angers ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille vingt-trois.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SAS Hannotin avocats, avocat aux Conseils, pour l'Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques (l'Ircantec)
L'Ircantec fait grief à l'arrêt confirmatif d'avoir constaté que M. [F] avait été empêché par un cas de force majeure de solliciter sa retraite Ircantec avant septembre 2015 qui ne pouvait lui être opposé et d'avoir en conséquence fixé la date d'ouverture de son droit à pension auprès de l'Ircantec au jour de sa mise en retraite, soit au 1er septembre 2008 ;
1°) Alors que selon l'arrêté du 30 décembre 1970, fixant le régime de fonctionnement propre à l'Ircantec, les droits sont liquidés au premier jour du mois suivant celui au cours duquel la demande a été formulée, avec entrée en jouissance de l'allocation à la même date ; que lorsque la demande de liquidation de l'allocation est formulée postérieurement à la date d'ouverture du droit, le bénéficiaire peut prétendre aux arrérages afférents aux 6 mois précédant la date de liquidation prévue au présent article ; qu'en fixant la date d'ouverture du droit à pension de M. [F] auprès d'Ircantec au jour de sa mise en retraite, soit le 1er septembre 2008, pour cela qu'il avait été empêché par un cas de force majeure, résultant des services du Ministère de la défense, de solliciter sa retraite Ircantec avant septembre 2015, quand la tardivité de l'employeur à valider la carrière de son agent, constituerait-elle un cas de force majeure, ne pouvait avoir pour effet de modifier la réglementation applicable à l'Ircantec, la cour d'appel a violé l'article 17 de l'arrêté du 30 décembre 1970, ensemble l'article L.921-2-1 du code de la sécurité sociale et le décret n° 70-1277 du 23 décembre 1970 ;
2°) Alors que selon l'arrêté du 30 décembre 1970, fixant le régime de fonctionnement propre à l'Ircantec, les droits sont liquidés au premier jour du mois suivant celui au cours duquel la demande a été formulée, avec entrée en jouissance de l'allocation à la même date ; que lorsque la demande de liquidation de l'allocation est formulée postérieurement à la date d'ouverture du droit, le bénéficiaire peut prétendre aux arrérages afférents aux 6 mois précédant la date de liquidation prévue au présent article ; qu'en fixant la date d'ouverture du droit à pension de M. [F] auprès d'Ircantec au jour de sa mise en retraite, soit le 1er septembre 2008, pour cela qu'Ircantec ne pouvait valablement refuser à M. [F] de tirer toutes les conséquences de l'affiliation rétroactive dont il bénéficiait pour la liquidation de ses droits à compter du 1er septembre 2008, quand cette affiliation rétroactive, décidée par le Ministère de la défense ne dérogeait pas aux principes relatifs à la date de l'entrée en jouissance de l'allocation, calculée en fonction de la date de demande de liquidation, la cour d'appel a violé l'article 17 de l'arrêté du 30 décembre 1970, ensemble l'article L.921-2-1 du code de la sécurité sociale et le décret n° 70-1277 du 23 décembre 1970 ;
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INCA/JURITEXT000047096568.xml
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 26 janvier 2023
Désistement
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 117 F-D
Pourvoi n° S 21-13.416
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 JANVIER 2023
M. [I] [T], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 21-13.416 contre l'arrêt n° RG : 19/01776 rendu le 15 décembre 2020 par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la Caisse générale de sécurité sociale de la Réunion, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [T], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la Caisse générale de sécurité sociale de la Réunion, et l'avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 6 décembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. Par acte déposé au greffe de la Cour de cassation le 25 novembre 2022, la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, a déclaré, au nom de M. [T], se désister du pourvoi formé par lui contre l'arrêt n° RG : 19/01776 rendu le 15 décembre 2020 par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion (chambre sociale) dans une instance l'opposant à la Caisse générale de sécurité sociale de la Réunion, venant aux droits de la Caisse de sécurité sociale des indépendants de la Réunion.
2. En application de l'article 1026 du code de procédure civile, ce désistement, intervenu après le dépôt du rapport, doit être constaté par arrêt.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
DONNE ACTE à M. [T] du désistement de son pourvoi ;
Condamne M. [T] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [T] et le condamne à payer à Caisse générale de sécurité sociale de la Réunion la somme de 300 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille vingt-trois.
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INCA/JURITEXT000047096569.xml
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 26 janvier 2023
Cassation partielle
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 118 F-D
Pourvoi n° A 21-13.493
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme [H], épouse [I].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 1er février 2021.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 JANVIER 2023
Mme [P] [H], épouse [I], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° A 21-13.493 contre le jugement rendu le 21 novembre 2019 par le tribunal de grande instance de Beauvais (pôle social), dans le litige l'opposant à la caisse d'allocations familiales de l'Oise, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Leblanc, conseiller, les observations de la SCP Delamarre et Jéhannin, avocat de Mme [H], épouse [I], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse d'allocations familiales de l'Oise, après débats en l'audience publique du 6 décembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Leblanc, conseiller rapporteur, Mme Coutou, conseiller faisant fonction de doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal de grande instance de Beauvais, 21 novembre 2019), rendu en dernier ressort, à la suite d'une vérification effectuée par la caisse d'allocations familiales de l'Oise (la caisse), Mme [H] (l'allocataire) s'est vue notifier, le 5 mai 2017, un indu au titre de diverses prestations familiales suivi, le 16 mars 2018, d'une pénalité financière pour fraude.
2. L'allocataire a formé opposition aux contraintes qui lui ont été décernées, le 19 juillet 2018, pour le recouvrement de ces deux créances.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
4. L'allocataire fait grief au jugement de valider la contrainte du 19 juillet 2018 relative à une pénalité financière, alors « que peut faire l'objet d'une pénalité prononcée par le directeur de l'organisme chargé de la gestion des prestations familiales, au titre de toute prestation servie par ce dernier, notamment, l'absence de déclaration d'un changement de situation justifiant le service des prestations ; que lorsqu'il est saisi d'un recours gracieux par la personne à laquelle il a notifié sa décision fixant le montant de la pénalité, le directeur de l'organisme statue après avis d'une commission qui apprécie la responsabilité de la personne concernée dans la réalisation des faits reprochés et, si elle l'estime établie, propose le prononcé d'une pénalité dont elle évalue le montant ; que l'avis motivé de la commission portant notamment sur la matérialité des faits reprochés, sur la responsabilité de la personne et le montant de la pénalité susceptible d'être appliquée est adressé simultanément au directeur de l'organisme et à l'intéressé ; que cette communication, destinée à assurer le caractère contradictoire de la procédure ainsi que la sauvegarde des droits de la défense, constitue une formalité substantielle dont dépend la validité de la pénalité prononcée par le directeur de l'organisme, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice ; qu'en l'espèce, l'allocataire soutenait expressément que l'avis motivé de la commission des sanctions ne lui avait pas été adressé ; que la CAF elle-même ne soutenait pas avoir adressé cet avis motivé à l'allocataire, puisqu'elle se bornait à indiquer que « la fraude a été notifiée à l'allocataire le 16/01/2018, après avis de la commission administrative », sans aucunement prétendre que ledit avis lui aurait été transmis ; qu'en retenant pourtant que l'allocataire « n'apporte aucun élément permettant de considérer l'existence d'un quelconque manquement lui faisant grief » sans rechercher, comme il était invité à le faire, si l'avis de la commission des sanctions lui avait été notifié, quand, en l'absence d'une telle notification et indépendamment de tout grief, la procédure était nulle, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 114-17 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2017-1836 du 31 décembre 2017, et R. 114-11 dudit code. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 114-17, I, alinéa 6, et R. 114-11 du code de la sécurité sociale, le premier dans sa rédaction issue de la loi n° 2017-1836 du 31 décembre 2017, applicable au litige :
5. Il résulte de ces textes que peuvent faire l'objet d'une pénalité prononcée par le directeur de l'organisme chargé de la gestion des prestations familiales, au titre de toute prestation servie par ce dernier, notamment, l'inexactitude ou le caractère incomplet des déclarations faites pour le service des prestations et l'absence de déclaration d'un changement dans la situation justifiant le service des prestations. Lorsqu'il est saisi d'un recours gracieux par la personne à laquelle il a notifié sa décision fixant le montant de la pénalité, le directeur de l'organisme statue après avis d'une commission qui apprécie la responsabilité de la personne concernée dans la réalisation des faits reprochés et, si elle l'estime établie, propose le prononcé d'une pénalité dont elle évalue le montant. L'avis motivé de la commission portant notamment sur la matérialité des faits reprochés, sur la responsabilité de la personne et le montant de la pénalité susceptible d'être appliquée est adressé simultanément au directeur de l'organisme et à l'intéressé. Cette communication, destinée à assurer le caractère contradictoire de la procédure ainsi que la sauvegarde des droits de la défense, constitue une formalité substantielle dont dépend la validité de la pénalité prononcée par le directeur de l'organisme, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice.
6. Pour condamner l'allocataire au paiement d'une pénalité, le jugement retient que l'allocataire n'apporte aucun élément permettant de considérer l'existence d'un quelconque manquement lui faisant grief.
7. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'allocataire avait été destinataire de l'avis motivé de la commission saisie par le directeur de l'organisme dans le cadre de son recours gracieux, le tribunal n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il valide la contrainte du 19 juillet 2018 relative à une pénalité financière, le jugement rendu le 21 novembre 2019, entre les parties, par le tribunal de grande instance de Beauvais ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire d'Amiens ;
Condamne la caisse d'allocations familiales de l'Oise aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse d'allocations familiales de l'Oise et la condamne à payer à la SCP Delamarre et Jéhannin la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille vingt-trois. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Delamarre et Jéhannin, avocat aux Conseils, pour Mme [H], épouse [I]
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Mme [I] fait grief au jugement attaqué d'avoir validé la contrainte du 19 juillet 2018, relative à un indu d'allocation de rentrée scolaire pour les mois d'août 2015 et 2016, à un montant de 792,19 euros ;
1/ALORS QUE l'action en recouvrement de prestations indues s'ouvre par l'envoi au débiteur par le directeur de l'organisme compétent d'une notification de payer le montant réclamé par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception ; que cette lettre précise le motif, la nature et le montant des sommes réclamées et la date du ou des versements donnant lieu à répétition ; que s'il est prétendu que plusieurs prestations indues ont été versées, cette lettre doit donc indiquer le montant des sommes réclamées au titre de chacun de ces indus et la date du ou des versements donnant lieu à répétition au titre de chacun desdits indus ; qu'en l'espèce, le courrier du 5 mars 2017 adressé par la CAF énonçait : « Nous avons étudiés vos droits. Ils changent à compter du 1.05.2015 jusqu'au 31.01.2017. Il apparaît après calcul que pour l'allocation de rentrée scolaire (ARS) 2015, 2016, pour l'aide personnalisée au logement (APL), vous avez reçu 7 698,31 € alors que vous n'y aviez pas droit. Vous nous devez 7 698,31 € » (pièce adverse n° 16) ; que cette lettre ne précisait donc ni le montant des sommes réclamées au titre, respectivement de l'indu d'ARS et de l'indu d'APL, ni la date du ou des versements supposés indus au titre de l'ARS et de l'APL ; qu'en retenant pourtant que Mme [I] aurait reçu la notification de payer du 5 mai 2017, quand cette notification était irrégulière, le tribunal a violé l'article R. 133-9-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2012-1032 du 7 septembre 2012 ;
2/ALORS QU'en matière de recouvrement des prestations indues, le directeur de l'organisme créancier compétent, en cas de refus du débiteur de payer, lui adresse par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception une mise en demeure de payer dans le délai d'un mois qui comporte le motif, la nature et le montant des sommes demeurant réclamées, la date du ou des versements indus donnant lieu à recouvrement, les voies et délais de recours et le motif qui, le cas échéant, a conduit à rejeter totalement ou partiellement les observations présentées ; que s'il est prétendu que plusieurs prestations indues ont été versées, cette lettre doit donc indiquer le montant des sommes réclamées au titre de chacun de ces indus et la date du ou des versements donnant lieu à répétition au titre de chacun desdits indus ; qu'en l'espèce, la mise en demeure datée du 18 juin 2018 énonçait : « Vous nous devez toujours la somme de 7 698,31 €. Nous vous avons informé, le 5.05.2017 d'un montant de prestations familiales (allocation de rentrée scolaire) versé en trop du 01.08.2015 au 31.08.2016 suite à votre changement de situation familiale. Vous vous êtes rendue coupable de manoeuvre frauduleuse en dissimulant votre vie de couple. Le 5.05.2017 d'un montant d'APL (aide personnalisée au logement) versé en trop du 01.01.2015 au 31.01.2017 suite à votre changement de situation familiale. Vous vous êtes rendue coupable de manoeuvre frauduleuse en dissimulant votre vie de couple » (pièce adverse n° 25) ; que cette mise en demeure ne précisait donc ni le montant des sommes réclamées au titre, respectivement de l'indu d'ARS et de l'indu d'APL, ni la date du ou des versements supposés indus au titre de l'ARS et de l'APL ; qu'en retenant pourtant que Mme [I] aurait reçu une mise en demeure de payer le 18 juin 2018 relative à l'indu de prestations, quand cette mise en demeure était irrégulière, le tribunal a violé l'article R. 133-9-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2012-1032 du 7 septembre 2012, ensemble les articles R. 133-3 et L. 161-1-5 dudit code ;
3/ALORS QUE toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ; qu'en l'espèce, la contrainte délivrée le 19 juillet 2018 porte la mention : « Le directeur, [Y] [T] », suivie d'une signature (pièce adverse n° 27) ; qu'il résulte pourtant de la délégation de pouvoirs consentie par Mme [W] [V], directeur de la CAF de l'Oise, que Mme [Y] [T] n'a pas la qualité de directeur mais celle d'« agent technique recouvrement » (pièce adverse n° 29) ; qu'il en résultait donc que la qualité exacte du signataire de la contrainte n'était pas mentionnée sur cet acte ; qu'en retenant pourtant que la contrainte serait régulière au prétexte que la CAF de l'Oise justifiait de la délégation de pouvoirs confiée à Mme [T], le tribunal a violé les articles L. 100-3 et L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Mme [I] fait grief au jugement attaqué d'avoir validé la contrainte du 19 juillet 2018, relative à une pénalité financière, à un montant de 1 270,50 euros ;
1/ALORS QUE toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ; qu'en l'espèce, la contrainte délivrée le 19 juillet 2018 porte la mention : « Le directeur, [Y] [T] », suivie d'une signature (pièce adverse n° 34) ; qu'il résulte pourtant de la délégation de pouvoirs consentie par Mme [W] [V], directeur de la CAF de l'Oise, que Mme [Y] [T] n'a pas la qualité de directeur mais celle d'« agent technique recouvrement » (pièce adverse n° 29) ; qu'il en résultait donc que la qualité exacte du signataire de la contrainte n'était pas mentionnée sur cet acte ; qu'en retenant pourtant que la contrainte serait régulière au prétexte que la CAF de l'Oise justifiait de la délégation de pouvoirs confiée à Mme [T], le tribunal a violé les articles L. 100-3 et L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
2/ALORS QUE peut faire l'objet d'une pénalité prononcée par le directeur de l'organisme chargé de la gestion des prestations familiales, au titre de toute prestation servie par ce dernier, notamment, l'absence de déclaration d'un changement de situation justifiant le service des prestations ; que lorsqu'il est saisi d'un recours gracieux par la personne à laquelle il a notifié sa décision fixant le montant de la pénalité, le directeur de l'organisme statue après avis d'une commission qui apprécie la responsabilité de la personne concernée dans la réalisation des faits reprochés et, si elle l'estime établie, propose le prononcé d'une pénalité dont elle évalue le montant ; que l'avis motivé de la commission portant notamment sur la matérialité des faits reprochés, sur la responsabilité de la personne et le montant de la pénalité susceptible d'être appliquée est adressé simultanément au directeur de l'organisme et à l'intéressé ; que cette communication, destinée à assurer le caractère contradictoire de la procédure ainsi que la sauvegarde des droits de la défense, constitue une formalité substantielle dont dépend la validité de la pénalité prononcée par le directeur de l'organisme, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice ; qu'en l'espèce, Mme [I] soutenait expressément que l'avis motivé de la commission des sanctions ne lui avait pas été adressé (opposition, p. 4) ; que la CAF elle-même ne soutenait pas avoir adressé cet avis motivé à Mme [I], puisqu'elle se bornait à indiquer que « la fraude a été notifiée à Mme [I] le 16/01/2018, après avis de la commission administrative », sans aucunement prétendre que ledit avis lui aurait été transmis (conclusions adverses, p. 4) ; qu'en retenant pourtant que Mme [I] « n'apporte aucun élément permettant de considérer l'existence d'un quelconque manquement lui faisant grief » (jugement, p. 6, alinéa 8) sans rechercher, comme il était invité à le faire, si l'avis de la commission des sanctions avait été notifié à l'exposante, quand, en l'absence d'une telle notification et indépendamment de tout grief, la procédure était nulle, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 114-17 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2017-1836 du 31 décembre 2017, et R. 114-11 dudit code ;
3/ALORS QUE peut faire l'objet d'une pénalité prononcée par le directeur de l'organisme chargé de la gestion des prestations familiales, au titre de toute prestation servie par ce dernier, notamment, l'absence de déclaration d'un changement de situation justifiant le service des prestations ; que lorsqu'il est saisi d'un recours gracieux par la personne à laquelle il a notifié sa décision fixant le montant de la pénalité, le directeur de l'organisme statue après avis d'une commission qui apprécie la responsabilité de la personne concernée dans la réalisation des faits reprochés et, si elle l'estime établie, propose le prononcé d'une pénalité dont elle évalue le montant ; que l'avis motivé de la commission portant notamment sur la matérialité des faits reprochés, sur la responsabilité de la personne et le montant de la pénalité susceptible d'être appliquée est adressé simultanément au directeur de l'organisme et à l'intéressé ; que la commission doit être composée de cinq membres issus du conseil de cet organisme et désignés par lui en tenant compte de la répartition des sièges entre les différentes catégories représentées en son sein ; que le respect des règles de composition de la commission, et notamment son caractère paritaire, constitue une formalité substantielle dont dépend la validité de la pénalité prononcée par le directeur de l'organisme, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice ; qu'en l'espèce, Mme [I] soutenait expressément que le caractère paritaire de la composition de la commission ayant émis un avis sur la pénalité financière dont elle faisait l'objet n'était pas établi (conclusions, p. 4) ; qu'en retenant pourtant que Mme [I] « n'apporte aucun élément permettant de considérer l'existence d'un quelconque manquement lui faisant grief » (jugement, p. 6, alinéa 8) sans rechercher, comme il était invité à le faire, si la commission était régulièrement composée, quand l'irrégularité de cette composition emportait nullité de la procédure, et ce indépendamment de tout grief, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 114-17 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2017-1836 du 31 décembre 2017, R. 114-11, et R. 147-3 dudit code.
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INCA/JURITEXT000047096555.xml
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 26 janvier 2023
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 102 F-D
Pourvoi n° R 21-16.865
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 JANVIER 2023
La caisse primaire d'assurance maladie de la Mayenne, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° R 21-16.865 contre l'arrêt rendu le 18 mars 2021 par la cour d'appel d'Angers (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société [3], dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Cassignard, conseiller, les observations de Me Bouthors, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de la Mayenne, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société [3], après débats en l'audience publique du 6 décembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Cassignard, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 18 mars 2021), la caisse primaire d'assurance maladie de la Mayenne (la caisse) ayant pris en charge, par décision du 20 septembre 2016, au titre du tableau n° 97 des maladies professionnelles, l'affection déclarée par l'un de ses salariés, la société [3] (l'employeur) a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
2. La caisse fait grief à l'arrêt de déclarer la décision de prise en charge inopposable à l'employeur, alors « que la preuve de la réunion des conditions exigées par l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale pèse sur l'organisme social qui a décidé d'une prise en charge d'une maladie professionnelle contestée par l'employeur et qu'a valeur probante l'avis du médecin conseil tel que strictement formulé dans les réponses aux questions posées dans la fiche « colloque médico-administratif » ; qu'au cas présent, en l'état d'une sciatique par hernie discale L4 L5 déclarée, le médecin conseil dans la fiche colloque médico-administratif a coché « oui » à la question « conditions médicales réglementaires du tableau remplies ? » puis comme la cour d'appel l'a elle-même constaté, a indiqué précisément dans cette fiche l'examen réglementaire ayant permis de justifier l'atteinte radiculaire de topographie concordante, à savoir un scanner du 21 décembre 2015 ; qu'en retenant cependant que l'existence d'une sciatique par hernie discale L4 L5 avec atteinte radiculaire de topographie concordante, condition exigée par le tableau n° 97 des maladies professionnelles n'était pas démontrée, la cour d'appel a violé l'article susvisé. »
Réponse de la Cour
3. Sous le couvert du grief non fondé de violation de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion, devant la Cour de cassation, l'appréciation souveraine par la cour d'appel de la valeur et de la portée des éléments de fait et de preuve débattus devant elle.
4. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de la Mayenne aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse primaire d'assurance maladie de la Mayenne
et la condamne à payer à la société [3] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille vingt-trois. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par Me Bouthors, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie de la Mayenne
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir par substitution de motifs déclaré inopposable à l'employeur la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la pathologie déclarée par M. [L], salarié de la société [3] ;
aux motifs que l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale prévoit que ''est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau''. Chaque tableau précise la nature des travaux susceptibles de provoquer la maladie, énumère les affections provoquées et le délai dans lequel la maladie doit être constatée après la cessation de l'exposition du salarié au risque identifié pour être prise en charge.
La maladie telle qu'elle est désignée dans les tableaux des maladies professionnelles est celle définie par les éléments de description et les critères d'appréciation fixés par chacun de ces tableaux.
La maladie déclarée doit correspondre précisément à celle décrite au tableau avec tous ses éléments constitutifs et doit être constatée conformément aux éléments de diagnostics éventuellement prévus.
La charge de la preuve de la réunion des conditions exigées par l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale pèse sur l'organisme social lorsque ce dernier a décidé d'une prise en charge contestée par l'employeur.
A défaut la prise en charge est déclarée inopposable a l'employeur.
Le tableau n°67 des maladies professionnelles, objet du litige, vise les affections chroniques du rachis lombaire provoquées par des vibrations de basses et moyennes fréquences transmises au corps entier.
L'affection désignée par le tableau est la ''sciatique par hernie discale L4-L5 ou L5-S1 avec atteinte radiculaire de topographie concordante ainsi que la radiculalgie cruciale par hernie discale L2-L3 ou L3-L4 ou 1.4-1.5, avec atteinte radiculaire de topographie concordante.''
L'atteinte radiculaire de topographie concordante renvoie à la cohérence entre le niveau de la hernie et le trajet de la douleur.
Les conditions de désignation de la maladie doivent être strictement vérifiées par les juges du fond.
La déclaration de maladie professionnelle comme le certificat médical initial indiquent ''hernie discale 1.5 SJ gauche'', sans aucune référence à une atteinte radiculaire de topographie concordante.
Si cette dénomination ne correspond exactement à aucune pathologie du tableau n°97, cette déclaration est faite sur la base du diagnostic du médecin traitant qui n'est donc pas tenu de donner les intitulés et références exactes des pathologies professionnelles mais qui établit uniquement un diagnostic et un lien entre la pathologie et l'exercice de l'activité professionnelle.
Au contraire, le médecin conseil, professionnel en la matière et indépendant de la caisse, étudie le dossier médical et peut affiner le diagnostic et c'est à lui qu'il appartient de retenir ou non une pathologie professionnelle.
En l'occurrence, celui-ci a considéré que la maladie sciatique par hernie discale L5-S1 était inscrite au tableau n°97.
Pour autant, le document ''colloque médico-administratif maladie professionnelle'' établi et signé notamment par le médecin conseil le 31 août 2016 indique uniquement à la rubrique : ''libellé complet du syndrome : sciatique par hernie discale L5 S1'' sans aucune référence à une atteinte radiculaire de topographie concordante, élément constitutif de la maladie.
Il ne peut être considéré qu'en mentionnant le ''code syndrome'' 097AAM511B, ou en affirmant que les conditions médicales réglementaires sont remplies, le médecin conseil a caractérisé une atteinte radiculaire de topographie concordante, la référence à un scanner du 21 décembre 2015 ne permettant pas de vérifier que cet examen a pu mettre en exergue précisément cet élément de la maladie.
Enfin, la caisse verse aux débats un simple courrier ayant pour objet ''Observations médicales'' adressé à son service contentieux le 20 juillet 2020, signé ''Pour le docteur [K] [J]'', du même nom que le médecin conseil ayant signé le document ''colloque médico-administratif'' 4 années auparavant. Dans cette lettre, le médecin conseil vient certes expliciter la signification d'une atteinte radiculaire et celle d'une topographie concordante pour affirmer selon lui que"/'assuré concerné décrivait une sciatique gauche dans le territoire du nerf sciatique S1, celui-ci étant comprimé à sa racine par une hernie discale L5-S1 mise en évidence sur le scanner du 21 décembre 2015''.
Cependant, il ne saurait être accordé une valeur probante suffisante à ce document, établi pour venir préciser ou compléter l'avis rendu par le colloque médico-administratif près de 4 années auparavant ce, hors procédure d'instruction, et alors que le médecin ne précise pas s'il avait examiné l'assuré et ne se réfère à aucune autre pièce médicale que le scanner précité.
Dès lors, la caisse ne rapporte pas la preuve suffisante de l'existence d'une sciatique par hernie discale L4 L5 avec atteinte radiculaire de topographie concordante, condition exigée par le tableau n°97 des maladies professionnelles.
Il y a lieu en conséquence, et sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens invoqués par la société [3], de déclarer la décision de prise en charge de la pathologie déclarée par M. [L] au titre de la maladie professionnelle inopposable à la société.
Le jugement sera confirmé par substitution de motifs. »
alors que, la preuve de la réunion des conditions exigées par l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale pèse sur l'organisme social qui a décidé d'une prise en charge d'une maladie professionnelle contestée par l'employeur et qu'a valeur probante l'avis du médecin conseil tel que strictement formulé dans les réponses aux questions posées dans la fiche « colloque médico administratif »; qu'au cas présent, en l'état d'une sciatique par hernie discale L4 L5 déclarée, le médecin conseil dans la fiche colloque médico administratif a coché « oui » à la question « conditions médicales réglementaires du tableau remplies ? » puis comme la cour d'appel l'a elle-même constaté, a indiqué précisément dans cette fiche l'examen réglementaire ayant permis de justifier l'atteinte radiculaire de topographie concordante, à savoir un scanner du 21 décembre 2015 ; qu'en retenant cependant que l'existence d'une sciatique par hernie discale L4 L5 avec atteinte radiculaire de topographie concordante, condition exigée par le tableau n°97 des maladies professionnelles n'était pas démontrée, la cour d'appel a violé l'article susvisé.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° T 21-82.440 F-B
N° 01256
ECF
12 OCTOBRE 2022
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 12 OCTOBRE 2022
M. [R] [H] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers, chambre correctionnelle, en date du 17 mars 2021, qui, pour infractions à la législation sur les stupéfiants, en récidive, l'a condamné à un an d'emprisonnement et ordonné la révocation d'un sursis avec mise à l'épreuve.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Barbé, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [R] [H], et les conclusions de M. Bougy, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 septembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Barbé, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Par jugement du 12 novembre 2020, le tribunal correctionnel a déclaré le prévenu coupable d'acquisition et de détention de produits stupéfiants du 20 mai au 9 novembre 2020, en récidive. Il l'a relaxé des chefs d'offre, de cession et de transport pour la même période. Il l'a condamné à un an d'emprisonnement et a ordonné la révocation totale d'une peine d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve prononcée par un tribunal correctionnel le 24 avril 2019.
3. Le prévenu a formé appel hors la présence de son avocat, à titre principal, par déclaration du 22 novembre 2020, limitant son recours à la révocation.
4. Le ministère public a relevé appel, à titre incident, indiquant que son appel comportait la même limitation.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a donné acte à M. [H] du fait qu'il revenait sur la limitation de son appel, rectifié la prévention en ce que les faits ont été commis entre le 15 mai et le 9 juin 2020, infirmé la décision déférée en ce qu'elle a renvoyé M. [H] des fins de la poursuite pour l'infraction de transport de produits stupéfiants et confirmé le jugement déféré en toutes ses autres dispositions, alors :
« 1°/ que l'affaire est dévolue à la cour d'appel dans les limites fixées par l'acte d'appel et par la qualité de l'appelant, que si le jugement entrepris contient des dispositions distinctes et s'il n'y a appel que de certaines d'entre elles, la cour d'appel ne peut réformer celles dont elle n'est pas saisie, que ce principe général et absolu s'applique à l'appel du ministère public et que la cour ne peut, sur le seul appel du prévenu aggraver le sort de l'appelant ; qu'en infirmant la décision de relaxe des premiers juges pour les faits de transport de produits stupéfiants lorsque le ministère public n'a pas relevé appel de ce chef du dispositif du jugement entrepris, que son acte d'appel précise que le recours porte uniquement sur la révocation totale du sursis avec mise à l'épreuve prononcée par le tribunal correctionnel de Poitiers le 24 avril 2019 et que le fait pour le prévenu de revenir à l'audience sur la limitation de son appel ne pouvait avoir d'effet quant à l'appel limité à la peine du ministère public, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et partant, violé les articles 6 de la convention européenne des droits de l'homme, 502, 509, 515, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que les juges ne peuvent statuer que sur les faits dont ils sont saisis à moins que le prévenu n'accepte expressément d'être jugé sur des faits distincts de ceux visés à la prévention ; qu'en rectifiant la période de la prévention dont elle était saisie en ce que des faits de transport de produits stupéfiants auraient été commis par M. [H] entre le 15 mai et le 9 juin 2020, sans avoir recueilli l'accord exprès de celui-ci pour être jugé sur des faits distincts de ceux visés dans la prévention, la cour d'appel a méconnu les articles 6 de la convention européenne des droits de l'Homme, 388, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Sur le moyen, pris en sa première branche
Vu les articles 509 et 515 du code de procédure pénale :
6. Selon le premier de ces textes, l'affaire est dévolue à la cour d'appel dans la limite fixée par l'acte d'appel et par la qualité de l'appelant ainsi qu'il est dit au second. Lorsque la limitation de la portée de l'appel sur l'action publique aux peines prononcées n'a pas été faite par l'avocat du prévenu, ou par le prévenu en présence de son avocat, le prévenu peut revenir sur cette limitation à l'audience.
7. Selon le second, la cour ne peut, sur le seul appel du prévenu, du civilement responsable, de la partie civile ou de l'assureur de l'une de ces personnes, aggraver le sort de l'appelant.
8. L'arrêt attaqué mentionne qu'à l'audience de la cour d'appel, d'une part, le prévenu est revenu sur la limitation de son appel, indiquant étendre son recours à toutes les dispositions pénales du jugement, et, d'autre part, que le ministère public a précisé qu'il n'était pas appelant et requis la confirmation de la peine prononcée et de la révocation du sursis avec mise à l'épreuve.
9. En déclarant le prévenu coupable du délit de transport illicite de stupéfiants, dont il avait été relaxé par le tribunal correctionnel, alors qu'elle a constaté qu'elle n'était saisie que du seul appel du prévenu, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés.
10. La cassation est, dès lors, encourue.
Et sur le moyen, pris en sa seconde branche
Vu l'article 388 du code de procédure pénale :
11. Selon ce texte, les juges ne peuvent statuer que sur les faits dont ils sont saisis, à moins que le prévenu n'accepte expressément d'être jugé sur des faits distincts de ceux visés par la prévention.
12. Il résulte des pièces de procédure que le prévenu a été poursuivi pour des infractions commises du 20 mai au 9 novembre 2020. L'arrêt attaqué indique qu'à l'audience de la cour d'appel, la juridiction a mis dans le débat la date de la prévention, indiquant qu'elle était erronée et devait s'entendre du 15 mai au 9 juin 2020.
13. En déclarant le prévenu coupable de faits commis le 15 mai 2020, sans qu'il ait accepté expressément d'être jugé sur des faits antérieurs à ceux visés par la prévention, la cour d'appel a excédé sa saisine et méconnu le texte susvisé.
14. La cassation est, par conséquent, de nouveau encourue de ce chef.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le second moyen de cassation proposé, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Poitiers, en date du 17 mars 2021, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Poitiers, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Poitiers, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le douze octobre deux mille vingt-deux.
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INCA/JURITEXT000046533739.xml
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° V 22-83.757 F-D
N° 01449
25 OCTOBRE 2022
ODVS
RENVOI
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 25 OCTOBRE 2022
M. [P] [X] a présenté, par mémoire spécial reçu le 21 septembre 2022, une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi formé par lui contre l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 2 juin 2022, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs de fraude fiscale, faux et usage, a déclaré irrecevables les appels de l'ordonnance prononçant sur une contestation élevée en matière de saisie effectuée au cabinet ou au domicile d'un avocat.
Un mémoire en réponse et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Thomas, conseiller, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de M. [P] [X], la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur général des finances publiques et du directeur et de la direction nationale d'enquêtes fiscales, et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Thomas, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« Les dispositions combinées des articles 56-1 du code de procédure pénale et L. 16B du livre des procédures fiscales, en ce qu'elles conduisent, lors d'une opération de visite et de saisie au cabinet ou au domicile d'un avocat, à ce que le juge des libertés et de la détention soit le juge qui, tout à la fois, autorise la saisie sur demande de l'administration fiscale mais aussi celui qui l'effectue puis encore celui qui la contrôle lors de l'audience de contestation ultérieure élevée par le représentant du bâtonnier au nom du secret professionnel, sont-elles conformes au principe d'impartialité des juridictions qui découle de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 ? »
2. L'article 56-1 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021, est applicable à la procédure et n'a pas déjà été déclaré conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.
3. L'article L. 16B du livre des procédures fiscales est également applicable à la procédure et n'a pas déjà été déclaré conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.
4. En effet, le Conseil constitutionnel ne s'est prononcé que sur la version d'origine du texte résultant de la loi n° 84-1208 du 29 décembre 1984 (Cons. const., 29 décembre 1984, décision n° 84-184 DC), et non sur la version applicable à la procédure, issue en dernier lieu de l'ordonnance n° 2019-964 du 18 septembre 2019.
5. La question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.
6. La question posée présente un caractère sérieux, en ce que l'application combinée des deux dispositions critiquées aboutit à confier à la même autorité judiciaire, dans le cas d'une visite effectuée à la demande de l'administration fiscale dans le cabinet d'un avocat ou à son domicile, compétence pour décider d'une saisie de documents ou objets, puis pour statuer sur sa régularité au regard du principe d'insaisissabilité des documents relevant de l'exercice des droits de la défense et couverts par le secret professionnel de la défense et du conseil.
7. Or, il ne résulte d'aucune disposition légale l'obligation, pour le juge des libertés et de la détention qui statue sur la saisie, de ne pas être celui qui l'a décidée.
8. En outre, l'article 56-1, alinéa 5, du code de procédure pénale aboutit, si deux juges des libertés et de la détention se sont succédé, à les mettre en présence lors du débat contradictoire préalable à la décision sur la régularité de la saisie.
9. Une telle situation pourrait être contraire au principe d'impartialité des juridictions.
10. Dès lors, il y a lieu de transmettre la question au Conseil constitutionnel.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
RENVOIE au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en audience publique du vingt-cinq octobre deux mille vingt-deux.
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INCA/JURITEXT000046533741.xml
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° A 22-84.981 F-D
N° 01466
ECF
26 OCTOBRE 2022
NON-LIEU A STATUER
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 26 OCTOBRE 2022
M. [M] [U] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Montpellier, en date du 21 juin 2022, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef de meurtre, a rejeté sa demande de mise en liberté.
Sur le rapport de Mme Sudre, conseiller, et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 octobre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Sudre, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Vu l'article 606 du code de procédure pénale :
1. Il résulte de la fiche pénale figurant au dossier que par arrêt du 11 juillet 2022, la cour d'assises de l'Aude, statuant en appel, a condamné M. [M] [U] du chef susvisé à la peine de dix-sept ans de réclusion criminelle et cinq ans de suivi socio-judiciaire.
2. Cette décision valant titre de détention, en application de l'article 367, alinéa 2, du code de procédure pénale, la détention de l'intéressé se poursuit en vertu de ce nouveau titre de détention.
3. Il s'ensuit que le pourvoi formé contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Montpellier ayant ordonné son maintien en détention est devenu sans objet.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
DIT n'y avoir lieu à statuer sur le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-six octobre deux mille vingt-deux.
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INCA/JURITEXT000046533740.xml
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° C 22-84.914 F-D
N° 01465
ECF
26 OCTOBRE 2022
CASSATION SANS RENVOI
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 26 OCTOBRE 2022
M. [L] [S] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bastia, en date du 3 août 2022, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de tentative d'extorsion aggravée, association de malfaiteurs et violences volontaires aggravées, a déclaré irrecevable son appel de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention le plaçant en détention provisoire.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Sudre, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [L] [S], et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 octobre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Sudre, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Dans la procédure suivie contre lui des chefs susvisés, M. [L] [S] a fait l'objet d'un mandat d'arrêt, délivré le 3 décembre 2021, par un juge d'instruction de Bastia, qui lui a été notifié le 20 juillet 2022. Il a été placé sous incarcération provisoire le 22 juillet 2022.
3. Par ordonnance du 26 juillet 2022, le juge des libertés et de la détention l'a placé en détention provisoire.
4. M. [S] a, alors, apposé à la rubrique relative à la réception d'une copie de l'ordonnance de placement en détention provisoire, la mention manuscrite « je fais appel ».
5. Cet appel a été transcrit au greffe du tribunal judiciaire de Bastia le 27 juillet 2022.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevable l'appel formé par M. [S] contre l'ordonnance du 26 juillet 2022 par laquelle le juge des libertés et de la détention a ordonné son placement en détention provisoire, alors « que l'apposition par le mis en examen de la mention « je fais appel » à côté de sa signature sur la dernière page de l'ordonnance de placement en détention provisoire, dans l'espace consacré aux formalités de notification, suffit à constituer une déclaration d'appel, dès lors qu'elle est suivie de la signature du greffier, même au titre d'une formalité de notification ; qu'au cas d'espèce, M. [S] a manifesté son intention d'interjeter appel de l'ordonnance du 26 juillet 2022 par laquelle le juge des libertés et de la détention a ordonné son placement en détention provisoire en inscrivant la mention manuscrite « je fais appel » sur la dernière page de cette ordonnance, à côté de sa signature ; que le greffier du juge des libertés et de la détention a, sur la même page, également apposé sa signature, avant de transcrire la déclaration d'appel au registre du tribunal judiciaire le lendemain ; qu'en retenant toutefois, pour déclarer irrecevable l'appel formé par M. [S] contre l'ordonnance du 26 juillet 2022 par laquelle le juge des libertés et de la détention a ordonné son placement en détention provisoire, que « si la signature du greffier figure sur l'ordonnance de placement en détention provisoire, elle n'a été apposée qu'au titre de l'accomplissement de la formalité de notification et ne peut répondre, dans ces conditions, aux exigences de l'article 502 du code de procédure pénale », la chambre de l'instruction a violé les articles 186, 502, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 502 du code de procédure pénale :
7. Il résulte de ce texte que la déclaration d'appel peut être faite au greffier de la juridiction qui a rendu la décision attaquée.
8. Pour dire l'appel de M. [S] irrecevable, l'arrêt attaqué énonce que l'intéressé a refusé de formaliser cet appel par déclaration au chef de l'établissement pénitentiaire où il est détenu, en application de l'article 503 du code de procédure pénale, qu'il n'a pas recouru à la procédure de référé-liberté prévue par l'article 187-1 du même code, et que la signature du greffier figurant sur l'ordonnance de placement en détention n'a été apposée qu'au titre de l'accomplissement de la formalité de notification.
9. En se déterminant ainsi, alors que la mention manuscrite « je fais appel » apposée par M. [S] dans la rubrique relative à la notification de l'ordonnance de placement en détention provisoire, dont le greffier du juge des libertés et de la détention, qui en est également signataire, avait nécessairement pris connaissance, établit sa volonté déclarée à ce dernier, d'interjeter appel de cette ordonnance, nonobstant son refus ultérieur de formaliser sa déclaration d'appel auprès du chef de l'établissement pénitentiaire où il est détenu, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé.
10. La cassation est, dès lors, encourue.
Portée et conséquences de la cassation
11. La cassation aura lieu sans renvoi, l'appel ayant été, à tort, déclaré irrecevable, et la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire, en déclarant l'appel recevable.
12. La procédure sera retournée à la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bastia, afin qu'elle statue au fond sur l'appel de l'ordonnance critiquée.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bastia, en date du 3 août 2022 ;
DÉCLARE RECEVABLE l'appel de M. [S] contre l'ordonnance de placement en détention provisoire rendue par le juge des libertés et de la détention ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE le retour de la procédure à la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bastia, autrement composée, saisie de l'appel formé par M. [S] contre l'ordonnance précitée ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bastia et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-six octobre deux mille vingt-deux.
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INCA/JURITEXT000046533742.xml
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° D 22-84.984 F-D
N° 1467
ECF
26 OCTOBRE 2022
NON-LIEU A STATUER
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 26 OCTOBRE 2022
M. [D] [Z] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Poitiers, en date du 2 août 2022, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants en récidive et infraction à la législation sur les armes, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant sa détention provisoire.
Sur le rapport de M. Laurent, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [D] [Z], et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 octobre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Laurent, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Vu l'article 606 du code de procédure pénale :
1. Il résulte de la fiche pénale figurant au dossier que M. [D] [Z] a été renvoyé devant le tribunal correctionnel par ordonnance du 19 août 2022 et maintenu en détention par ordonnance distincte du même jour.
2. Selon l'article 179 du code de procédure pénale, l'ordonnance de règlement a rendu caduc le titre de détention sur les effets duquel l'arrêt attaqué s'est prononcé, la détention se poursuivant en exécution du nouveau titre délivré.
3. Il s'ensuit que le pourvoi est devenu sans objet.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
DIT n'y avoir lieu à statuer sur le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-six octobre deux mille vingt-deux.
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INCA/JURITEXT000046533738.xml
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
FB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 26 octobre 2022
Radiation
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 752 FS-D
Pourvoi n° H 21-10.716
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 26 OCTOBRE 2022
1°/ La société Mandataires judiciaires associés, société d'exercice libéral à forme anonyme, dont le siège est [Adresse 1], en la personne de M. [I] [K],
2°/ la société Axyme, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 5], en la personne de M. [T] [W],
toutes deux agissant en qualité de co-mandataires judiciaires à la liquidation judiciaire de [N] [S] et des sociétés Alain Colas Tahiti ACT et BT gestion,
ont formé le pourvoi n° H 21-10.716 contre l'arrêt rendu le 19 novembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 9), dans le litige les opposant :
1°/ à [N] [S], ayant été domicilié [Adresse 3], décédé,
2°/ à Mme [B] [V], épouse [S], domiciliée [Adresse 3],
3°/ à la société CDR créances, société par actions simplifiée unipersonnelle,
4°/ à la société Consortium de réalisation, société anonyme,
ayant toutes deux leur siège [Adresse 4],
5°/ à la société Groupe [N] [S], société en nom collectif,
6°/ à la société Financière et immobilière [N] [S], société civile immobilière,
ayant toutes deux leur siège [Adresse 3],
7°/ à la société DBR & associés, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], en la personne de M. [A] [H], prise en qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la SNC Groupe [N] [S] et de la société Financière et immobilière [N] [S],
8°/ au procureur général - service financier et commercial, domicilié [Adresse 6],
défendeurs à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Riffaud, conseiller, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Mandataires judiciaires associés, ès qualités, de la société Axyme, ès qualités, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat des sociétés CDR créances et Consortium de réalisation, de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de [N] [S] et de Mme [V], épouse [S], et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Riffaud, conseiller rapporteur, Mmes Vallansan, Bélaval, Fontaine, Boisselet, Guillou, M. Bedouet, conseillers, Mmes Barbot, Brahic-Lambrey, conseillers référendaires, Mme Henry, avocat général, et Mme Mamou, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Vu les articles 370 et 376 du code de procédure civile :
1. Dans un litige opposant la société Mandataires judiciaires associés et la société Axyme, en leur qualité de co-mandataires à la liquidation judiciaire de [N] [S] et des sociétés BT gestion et Alain Colas Tahiti ACT, à [N] [S] et Mme [V] épouse [S], aux sociétés CDR créances, CDR Consortium de réalisation, Groupe [N] [S], Financière et immobilière [N] [S], DBR & associés, en sa qualité de liquidateur des sociétés Groupe [N] [S] et Financière et immobilière [N] [S], et au procureur général près la cour d'appel de Paris, l'arrêt n° 421 FS-D, rendu le 9 juin 2022, a constaté l'interruption de l'instance en raison du décès de [N] [S] et a imparti aux parties un délai de quatre mois pour reprendre l'instance.
2. Les diligences nécessaires pour la reprise d'instance n'ayant pas été accomplies dans ce délai, il y a lieu de prononcer la radiation du pourvoi.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
PRONONCE LA RADIATION du pourvoi n° H 21-10.716 ;
Dit n'y avoir lieu à statuer sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six octobre deux mille vingt-deux.
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INCA/JURITEXT000046533737.xml
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 26 octobre 2022
Rejet
Mme VAISSETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 627 F-D
Pourvoi n° Q 20-22.748
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 26 OCTOBRE 2022
1°/ La société TSM compagnie d'assurances, dont le siège est [Adresse 4] (Suisse),
2°/ la société Zürich Versicherungs Gesellschaft AG, dont le siège est [Adresse 10] (Suisse),
ont formé le pourvoi n° Q 20-22.748 contre l'arrêt rendu le 23 juin 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 5), dans le litige les opposant :
1°/ à la société L'Achemineur, dont le siège est [Adresse 5],
2°/ à la société Mory LDI, dont le siège est [Adresse 11],
3°/ à la société Helvetia assurances, dont le siège est [Adresse 2],
4°/ à la société MJA, dont le siège est [Adresse 1], en la personne de M. [F] [Y], prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société Mory LDI,
5°/ à la société MJS Partners, dont le siège est [Adresse 3], en la personne de M. [G] [W], prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société Mory LDI,
6°/ à la société Temis Luxury [Localité 8], dont le siège est [Adresse 6] (Suisse), venant aux droits de la société Valimpex,
défenderesses à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Guillou, conseiller, les observations de Me Soltner, avocat des sociétés TSM compagnie d'assurances et Zurïch Versicherungs Gesellschaft AG, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société MJA, ès qualités, et de la société MJS Partners, ès qualités, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat des sociétés L'Achemineur et Helvetia assurances, après débats en l'audience publique du 13 septembre 2022 où étaient présentes Mme Vaissette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Guillou, conseiller rapporteur, Mme Bélaval, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 juin 2020), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 30 janvier 2019, pourvoi n° 17-16.604), la société L'Achemineur (le voiturier) s'est vu confier par la société de droit suisse Valimpex, commissionnaire de transport, le transport de métaux précieux qu'elle a pris en charge le 28 octobre 2008, au départ de [Localité 8] et à destination de [Localité 9]. Au cours du trajet, le chauffeur a été victime d'un vol avec ruse. Le 16 décembre 2008, un autre vol avec agression a eu lieu au cours d'un second transport réalisé par le même voiturier de [Localité 8] à [Localité 9], pour lequel sont intervenues en qualité de commissionnaires de transport les sociétés Valimpex et Mory LDI. Ayant indemnisé les victimes des vols, les sociétés TSM compagnie d'assurances (la société TSM) et Zürich Versicherungs Gesellschaft AG (la société Zürich) ont assigné en paiement le voiturier et son assureur, la société Helvetia assurances, ainsi que les sociétés Valimpex, aux droits de laquelle vient la société Temis Luxury [Localité 8], et Mory LDI. M. [W] et la société Moyrand-Bally, désignés en qualité de liquidateurs judiciaires de la société Mory LDI, sont intervenus volontairement. Les commissionnaires de transport ont assigné en garantie le transporteur et son assureur.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
2. La société TSM et la société Zürich font grief à l'arrêt de dire que la société L'Achemineur n'a pas été l'auteur d'une faute lourde lors du vol commis le 16 décembre 2008, de dire que la société l'Achemineur avec son assureur Helvetia sont mal fondés à se prévaloir des dispositions de l'article 17-2 de la Convention dite CMR pour le vol commis le 16 décembre 2008, de condamner in solidum la société L'Achemineur avec son assureur la société Helvetia assurances à payer à la société TSM au titre de l'indemnité versée à Metalor à la suite du vol du 16 décembre 2008, une somme en contre-valeur en euros égale à 149, 94 DTS outre intérêts au taux de 5 % l'an à compter du 27 octobre 2009, à la société TSM au titre de l'indemnité versée à Audemars Piguet à la suite du vol du 16 décembre 2008, une somme en contre-valeur en euros égale à 541,45 DTS outre intérêts au taux de 5 % l'an à compter du 27 octobre 2009, à la société Zürich Versicherungs Gesellschaft AG au titre de l'indemnité versée à la société Breitling France à la suite du vol du 16 décembre 2008, une somme en contrevaleur en euros égale à 1 707,65 DTS, outre intérêts au taux de 5 % l'an à compter du 27 octobre 2009 et de débouter les sociétés TSM et Zürich Versicherungs Gesellschaft AG de toutes leurs autres demandes alors :
« 1°/ que la faute lourde est caractérisée par un comportement d'une extrême gravité, confinant au dol et dénotant l'inaptitude du débiteur de l'obligation à l'accomplissement de la mission contractuelle qu'il avait acceptée ; qu'elle ne requiert pas l'intention de nuire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, après avoir énoncé que la faute lourde du transporteur qu'il appartenait aux sociétés TSM et Zürich d'établir "comporte comme équipollente au dol quasiment une volonté de nuire, de porter préjudice" relève que, s'il est établi à la charge de l'entreprise de transport un défaut de formation du conducteur et de son binôme, lesquels n'ont pas reçu, avant leur convoyage, la formation et les consignes à suivre pour prévenir ou résister à une agression, le conducteur ayant même déclaré lors de l'enquête "qu'il ne savait pas quand actionner le bouton d'alarme et qu'il n'avait reçu aucune formation spécifique ni avant le 1er vol d'octobre 2008, ni à la suite de celui-ci ", pour autant, ces carences et ces insuffisances ne caractérisent pas une faute lourde, dès lors qu'il n'est pas établi à la charge de la société L'Achemineur ou de ses préposés "un comportement volontaire équipollent au dol, de nature à permettre la réalisation du dommage de manière consciente, avec une véritable intention de nuire" ; que la cour d'appel, qui a ainsi subordonné la faute lourde à une condition qu'elle ne comporte pas, a violé l'article 1150 du code civil et les articles 23 et 29 de la Convention CMR ;
2°/ que la faute lourde est caractérisée par un comportement d'une extrême gravité, confinant au dol et dénotant l'inaptitude du débiteur de l'obligation à l'accomplissement de la mission contractuelle qu'il avait acceptée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel constate que le conducteur du véhicule, qui avait déjà eu à subir quelques semaines auparavant une agression à main armée par des malfaiteurs ayant agi selon le même mode opératoire, ne savait toujours pas "à quelle occasion utiliser le bouton d'alarme, alors que celui-ci devait l'être au moindre incident, et que l'intéressé avait reconnu qu'il n'avait reçu aucune formation spécifique ni avant le 1er vol d'octobre 2008, ni à la suite de celui-ci" ; que la cour d'appel relève encore, en ce qui concerne les mesures de sécurité et l'actionnement du bouton d'alarme, que "la formation dispensée par la société L'Achemineur a été insuffisante (?) que selon le responsable d'exploitation la formation aux mesures de sécurité à respecter se faisait uniquement oralement et de manière très succincte consistant en ce que suit : "Nous lui expliquons quelles sont les caractéristiques techniques du véhicule à savoir qu'ils sont suivis par GPS qu'il y a un bouton d'alarme à bord du véhicule et un système de condamnation des portes" ; que l'arrêt retient encore que "M. [U], conducteur, aurait dû actionner le bouton SOS et ne pas sortir du véhicule, mais qu'il n'apparaît pas que ces consignes précises ont été délivrées à un moment quelconque et de manière très détaillée et impérative" ; qu'en estimant que ce défaut de formation des chauffeurs à qui les consignes élémentaires à suivre pour prévenir ou résister à une agression n'avaient pas été données, ne caractérisait pas, de la part d'un prestataire qui était censé garantir à ses clients que les marchandises de grande valeur qu'ils lui confiaient seraient acheminées en toute sécurité, par des équipes expérimentées et formées à cette activité sensible, un comportement d'une extrême gravité confinant au dol et dénotant son inaptitude à l'accomplissement de la mission contractuelle qu'il avait acceptée la cour d'appel a violé derechef les textes susvisés. »
Réponse de la Cour
3. Après avoir rappelé les circonstances du vol et exclu la complicité interne et l'implication des deux conducteurs, non caractérisées par l'instruction pénale, l'arrêt relève que le véhicule, banalisé, était équipé d'un GPS, d'un bouton d'alarme et d'un système de condamnation des portes, lesquels fonctionnaient normalement. Il retient encore que la société L'Achemineur avait affecté un binôme de chauffeurs dont l'un, M. [V], était expérimenté, travaillant depuis plusieurs années dans la société, et que l'autre, bien que très jeune, avait effectué des navettes très régulières entre [Localité 8] et l'entrepôt d'[Localité 7] et en particulier avec la société Valimpex, transportant chaque fois des biens de valeur et disposant donc d'une connaissance du trajet et des modalités pratiques de son déroulement. Il retient enfin que si le transporteur a tiré des conséquences insuffisantes des circonstances du premier sinistre pour réaliser une formation approfondie de ses chauffeurs quant aux mesures de sécurité à mettre en oeuvre en cas d'agression et éviter un deuxième vol, la rapidité et la violence de l'agression sont établies et en déduit que les carences et insuffisances constatées ne caractérisent pas un comportement volontaire équipollent au dol, de nature à permettre la réalisation du dommage de manière consciente.
4. De ces constatations et appréciations, la cour d'appel, abstraction faite des motifs erronés, mais surabondants, critiqués par la première branche, a pu déduire que le transporteur n'avait pas commis de faute lourde.
5. Le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société TSM compagnie d'assurances et la société Zürich Versicherungs Gesellschaft AG aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six octobre deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par Me Soltner, avocat aux Conseils, pour les sociétés TSM Compagnie d'assurances et Zurïch Versicherungs Gesellschaft AG.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la société l'Achemineur n'a pas été l'auteur d'une faute lourde dans le vol commis le 16 décembre 2008 ; dit que la société l'Achemineur avec son assureur Helvetia sont mal fondés à se prévaloir des dispositions de l'article 17-2 de la Convention dite CMR pour le vol commis le 16 décembre 2008 ; condamné in solidum la société l'Achemineur avec son assureur la société Helvetia Assurances à payer :
- à la société TSM Assurances au titre de l'indemnité versée à Metalor à la suite du vol du 16 décembre 2008, une somme en contre-valeur en euros égale à 149, 94 DTS outre intérêts au taux de 5 % l'an à compter du 27 octobre 2009 ;
-à la société TSM Assurances au titre de l'indemnité versée à Audemars Piguet à la suite du vol du 16 décembre 2008, une somme en contre-valeur en euros égale à 541, 45DTS outre intérêts au taux de 5 % l'an à compter du 27 octobre 2009 ;
-à la société ZURICH Versicherungs/Gesellschaft au titre de l'indemnité versée à la société Breitling France à la suite du vol du 16 décembre 2008, une somme en contrevaleur en euros égale à 1707, 65 DTS, outre intérêts au taux de 5 % l'an à compter du 27 octobre 2009 ;
Et d'AVOIR débouté les sociétés TSM Assurances et ZURICH Versicherungs Gesellschaft Ag de toutes leurs autres demandes ;
1°) ALORS QUE la faute lourde est caractérisée par un comportement d'une extrême gravité, confinant au dol et dénotant l'inaptitude du débiteur de l'obligation à l'accomplissement de la mission contractuelle qu'il avait acceptée ; qu'elle ne requiert pas l'intention de nuire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, après avoir énoncé que la faute lourde du transporteur qu'il appartenait aux sociétés TSM et Zurich d'établir « comporte comme équipollente au dol quasiment une volonté de nuire, de porter préjudice » relève que, s'il est établi à la charge de l'entreprise de transport un défaut de formation du conducteur et de son binôme, lesquels n'ont pas reçu, avant leur convoyage, la formation et les consignes à suivre pour prévenir ou résister à une agression, le conducteur ayant même déclaré lors de l'enquête « qu'il ne savait pas quand actionner le bouton d'alarme et qu'il n'avait reçu aucune formation spécifique ni avant le 1er vol d'octobre 2008, ni à la suite de celui-ci », pour autant, ces carences et ces insuffisances ne caractérisent pas une faute lourde, dès lors qu'il n'est pas établi à la charge de la société l'Achemineur ou de ses préposés « un comportement volontaire équipollent au dol, de nature à permettre la réalisation du dommage de manière consciente, avec une véritable intention de nuire » ; que la cour d'appel, qui a ainsi subordonné la faute lourde à une condition qu'elle ne comporte pas, a violé l'article 1150 du code civil et les articles 23 et 29 de la Convention CMR ;
2°) ALORS QUE ; la faute lourde est caractérisée par un comportement d'une extrême gravité, confinant au dol et dénotant l'inaptitude du débiteur de l'obligation à l'accomplissement de la mission contractuelle qu'il avait acceptée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel constate que le conducteur du véhicule, qui avait déjà eu à subir quelques semaines auparavant une agression à main armée par des malfaiteurs ayant agi selon le même mode opératoire, ne savait toujours pas « à quelle occasion utiliser le bouton d'alarme, alors que celui-ci devait l'être au moindre incident, et que l'intéressé avait reconnu qu'il n'avait reçu aucune formation spécifique ni avant le 1er vol d'octobre 2008, ni à la suite de celui-ci » ; que la cour d'appel relève encore, en ce qui concerne les mesures de sécurité et l'actionnement du bouton d'alarme, que « la formation dispensée par la société l'Achemineur a été insuffisante (?) que selon le responsable d'exploitation la formation aux mesures de sécurité à respecter se faisait uniquement oralement et de manière très succincte consistant en ce que suit : " Nous lui expliquons quelles sont les caractéristiques techniques du véhicule à savoir qu'ils sont suivis par GPS qu'il y a un bouton d'alarme à bord du véhicule et un système de condamnation des portes" ; que l'arrêt retient encore « que monsieur [U] (conducteur) aurait dû actionner le bouton SOS et ne pas sortir du véhicule, mais qu'il n'apparaît pas que ces consignes précises ont été délivrées à un moment quelconque et de manière très détaillée et impérative » ; qu'en estimant que ce défaut de formation des chauffeurs à qui les consignes élémentaires à suivre pour prévenir ou résister à une agression n'avaient pas été données, ne caractérisait pas, de la part d'un prestataire qui était censé garantir à ses clients que les marchandises de grande valeur qu'ils lui confiaient seraient acheminées en toute sécurité, par des équipes expérimentées et formées à cette activité sensible, un comportement d'une extrême gravité confinant au dol et dénotant son inaptitude à l'accomplissement de la mission contractuelle qu'il avait acceptée la cour d'appel a violé derechef les textes susvisés ;
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INCA/JURITEXT000046533728.xml
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 27 octobre 2022
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 1103 F-D
Pourvoi n° F 20-20.808
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 OCTOBRE 2022
La société Allianz, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° F 20-20.808 contre l'arrêt rendu le 12 mai 2020 par la cour d'appel de Poitiers (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Liatech, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Ittah, conseiller référendaire, les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société Allianz, de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société Liatech, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Ittah, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, M. Grignon Dumoulin, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 12 mai 2020) rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 23 mai 2019, pourvoi n° 18-16.528) et les productions, la société Decojus, se plaignant de dysfonctionnements affectant une ligne de conditionnement qui lui avait été fournie par la société Liatech, a assigné cette dernière le 16 juin 2014 en réparation de ses préjudices, ainsi que la société Allianz, son assureur au titre de la garantie « responsabilité civile » (l'assureur).
2.L'assureur a soulevé la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en garantie exercée par la société Liatech.
Examen des moyens
Examen du premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. L'assureur fait grief à l'arrêt de dire qu'il devra garantir son assurée, de le condamner à payer à cette dernière la somme de 144 253,98 euros et de débouter les parties de leurs autres demandes alors « que, d'une part, le juge est tenu de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en l'espèce, la cour a énoncé qu'il ressort des conclusions rédigées par l'assureur le 14 juin 2016, produites par la société Liatech sous le numéro 22, que la société Liatech avait effectivement notifié à l'assureur le 23 mai 2016 des conclusions tendant à obtenir sa garantie dans l'hypothèse où elle serait condamnée ; qu'en statuant de la sorte, tandis que dans ses conclusions du 14 juin 2016, l'assureur faisait valoir que dans ses conclusions de première instance du 23 mai 2016, la société Liatech ne formait aucune demande à son encontre, la cour a dénaturé les conclusions de l'assureur du 14 juin 2016 et méconnu le principe précité. »
Réponse de la Cour
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :
4. Pour déclarer non prescrite la demande de garantie formée par la société Liatech contre son assureur, après avoir relevé que, cette action ayant pour cause le recours d'un tiers, la société Decojus, les parties s'accordent sur le point de départ de la prescription biennale qui est l'assignation du 16 juin 2014, l'arrêt énonce que si la lecture du jugement du tribunal de commerce du 31 octobre 2016 ne permet pas de connaître de manière certaine la date des premières conclusions formulant cette demande de garantie, il ressort en revanche des conclusions rédigées en première instance par l'assureur le 14 juin 2016 que la société Liatech lui a, ainsi qu'elle le soutient, notifié le 23 mai 2016 des conclusions tendant à obtenir sa garantie, dans l'hypothèse où elle serait condamnée.
5. L'arrêt en déduit que la prescription biennale a été interrompue par ces conclusions.
6. En statuant ainsi, alors qu'il ressort des conclusions du 14 juin 2016 que l'assureur y faisait valoir que la société Liatech ne formait aucune demande à son encontre, la cour d'appel, qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a violé le principe susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes ;
Condamne la société Liatech aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept octobre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat aux Conseils, pour la société Allianz
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement en ce qu'il a déclaré prescrite la demande de garantie par la société Liatech à l'encontre de la compagnie Allianz, d'avoir dit que l'assureur devra garantir son assuré, la société Liatech, d'avoir condamné la compagnie Allianz à lui payer la somme de 144.253,98 euros et d'avoir débouté les parties de leurs autres demandes ;
ALORS QUE, D'UNE PART, le juge est tenu de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en l'espèce, la cour a énoncé qu'il ressort des conclusions rédigées par Allianz le 14 juin 2016, produites par la société Liatech sous le numéro 22, que Liatech avait effectivement notifié à Allianz le 23 mai 2016 des conclusions tendant à obtenir sa garantie dans l'hypothèse où elle serait condamnée ; qu'en statuant de la sorte, tandis que dans ses conclusions du 14 juin 2016 (Prod. 8, concl. p. 6), Allianz faisait valoir que dans ses conclusions de première instance du 23 mai 2016, la société Liatech ne formait aucune demande à son encontre, la cour a dénaturé les conclusions d'Allianz du 14 juin 2016 et méconnu le principe précité ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, la cour a énoncé que le jugement rendu le 31 octobre 2016 par le tribunal de commerce de Limoges « fait effectivement référence à la demande de garantie de la société Liatech à l'égard de son assureur, demande connue lors de l'audience du 30 mars 2016, demande réitérée lors de l'audience du 5 septembre 2016 » (Prod. 7, arrêt attaqué, p. 6 et 7) ; qu'en statuant de la sorte, tandis que le jugement du 31 octobre 2016, s'il fait effectivement référence à la demande de garantie de la société Liatech à l'égard d'Allianz, indique seulement que l'affaire a été inscrite à l'audience du tribunal de commerce du 30 mars 2016, puis renvoyée à celle du 5 septembre 2013 pour comparution et audition contradictoire des parties au litige (Prod. 1, jugement p. 2), mais n'indique nullement que la demande de garantie était « connue lors de l'audience du 30 mars 2016 » ni qu'elle avait été « réitérée lors de l'audience du 5 septembre 2016 », la cour a dénaturé les termes clairs et précis du jugement du 31 octobre 2016 et méconnu le principe précité ;
ALORS QU'ENFIN, le juge est tenu d'analyser les pièces soumises à son examen ; qu'en l'espèce, la cour a énoncé que la prescription biennale a été interrompue par les conclusions notifiées le 23 mai 2016 par la société Liatech à la compagnie Allianz ; qu'en statuant de la sorte, sans examiner, serait-ce succinctement, les conclusions de la société Liatech notifiées à Allianz le 23 mai 2016 en vue de l'audience du 15 juin 2016, versées aux débats par Allianz sous le numéro 3 (Prod. 9) et par la société Liatech sous le numéro 19, dont il résulte que la société Liatech ne formait aucune demande de garantie à l'encontre de son assureur, de sorte que la prescription biennale qui expirait le 16 juin 2016 n'avait pas été interrompue, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et violé l'article 455 du code de procédure civile ;
SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la compagnie Allianz devra garantir son assuré, la société Liatech, d'avoir condamné la compagnie Allianz à payer à la société Liatech la somme de 144.253,98 euros et d'avoir débouté les parties de leurs autres demandes ;
ALORS QUE les dommages occasionnés par la faute d'un assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police ; qu'en l'espèce, la cour a énoncé que la garantie souscrite par Liatech auprès d'Allianz avait vocation à s'appliquer s'agissant de la somme de 150.000 euros allouée à la société Decojus en réparation de son préjudice commercial, car elle « correspond à un dommage immatériel consécutif, dommage qui est garanti par le contrat souscrit » (arrêt p. 8) ; qu'en statuant de la sorte, après avoir jugé que l'ensemble des dommages matériels subis par le produit livré à la société Decojus étaient exclus de la garantie, la cour n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations dont il résultait d'une part, que les pertes d'exploitation subies par Decojus constituaient un dommage immatériel non consécutif à des dommages matériels garantis et d'autre part, que les dommages immatériels non consécutifs résultant de l'absence ou de l'insuffisance de performance ou de résultat des produits, travaux ou produits livrés, étaient exclus de la garantie souscrite (article 11.5) et a violé ensemble les articles L. 113-1 du code des assurances et 1103 du code civil.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 27 octobre 2022
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 1105 F-D
Pourvoi n° T 21-13.486
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 OCTOBRE 2022
1°/ Mme [W] [D], épouse [P],
2°/ M. [F] [P],
tous deux domiciliés Le nouveau logis provençal, [Adresse 4],
3°/ M. [I] [P], domicilié [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° T 21-13.486 contre l'arrêt rendu le 21 janvier 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-6), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Axa France Iard, dont le siège est [Adresse 3],
2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie du Var, dont le siège est [Adresse 5],
3°/ à la société Emoa, dont le siège est [Adresse 2], anciennement dénommée Mutuelle du Var,
défenderesses à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pradel, conseiller référendaire, les observations de la SARL Ortscheidt, avocat de Mme [P], M. [F] [P] et M. [I] [P], de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société Axa France Iard, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Pradel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, Mme Nicolétis, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 21 janvier 2021), le 9 mars 2012, Mme [P] a été victime d'une chute dans la cage d'escalier de l'immeuble dans lequel elle réside, les HLM Le nouveau logis provençal, après avoir glissé à la suite de l'intervention de la société de nettoyage Evanis.
2. Les 13 et 14 octobre 2016, Mme [P], son conjoint M. [F] [P] et son fils [I] [P] (les consorts [P]), ont assigné, en réparation de leur préjudice, la société Axa France Iard (la société Axa), assureur de la société HLM et de la société Evanis, la Mutuelle du Var, devenue Emoa (la mutuelle) et la caisse primaire d'assurance maladie du Var (la CPAM) devant un tribunal de grande instance.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses deux premières branches
Enoncé du moyen
3. Mme [P] fait grief à l'arrêt de limiter l'indemnité qui lui est due par la société Axa en réparation de son préjudice corporel à la somme de 89 399,25 euros, de dire que l'imputation sur cette somme des débours définitifs de la CPAM et de la mutuelle, ainsi que des provisions versées par la société Axa à hauteur de 283 433,58 euros ouvre droit au profit de cette dernière à la rétrocession d'un trop-perçu de 233 057,19 euros et de la condamner à restituer cette somme à l'assureur, outre intérêts légaux à compter du prononcé de l'arrêt, alors :
« 1°/ que le juge ne peut pas refuser d'examiner un rapport établi unilatéralement à la demande d'une partie, dès lors qu'il est régulièrement versé aux débats, soumis à la discussion contradictoire et corroboré par d'autres éléments de preuve ; qu'en considérant, au contraire, pour réformer le jugement entrepris sur l'assistance temporaire et définitive d'une tierce personne ainsi que sur la prise en charge des dépenses de santé futures et rejeter la demande présentée par Mme [P] au titre de la prise en charge des frais d'un logement adapté, que le rapport d'ergothérapie de M. [R] était dépourvu de valeur, faute d'avoir été établi contradictoirement, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
2°/ que le juge qui est tenu d'examiner les pièces régulièrement versées aux débats et soumises à la discussion contradictoire, ne peut pas refuser de se prononcer sur la pertinence de documents établis postérieurement à l'expertise au prétexte qu'ils n'ont pas été soumis à l'expert ; qu'en affirmant au contraire, pour dénier toute force probante au rapport de l'ergothérapeute [R] que celui-ci est intervenu sans mandat judiciaire, ou encore qu'il est tardif et a été établi postérieurement à la clôture des opérations d'expertise judiciaire, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 16 du code de procédure civile :
4. Aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
5. Le juge ne peut pas refuser d'examiner un rapport d'expertise établi unilatéralement à la demande d'une partie, dès lors qu'il est régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire. Il lui appartient alors de rechercher s'il est corroboré par d'autres éléments de preuve.
6. Pour fixer l'indemnisation allouée au titre de l'assistance temporaire d'une tierce personne et débouter Mme [P] de ses demandes au titre des dépenses de santé futures et d'aménagement du logement en raison de sa pathologie, l'arrêt retient, s'agissant du rapport d'expertise réalisé par un ergothérapeute, M. [R], et produit par cette dernière, qu'il est intervenu sans mandat judiciaire et bien après le dépôt du rapport, de sorte que ses conclusions n'ont pas été soumises à la contradiction, de l'expert judiciaire, et qu'il est tardif et non contradictoire. Pour rejeter la demande au titre de l'assistance par une tierce personne à titre définitif, l'arrêt n'examine pas le rapport de cet ergothérapeute.
7. En statuant ainsi, en refusant de se prononcer sur les éléments figurant dans ce rapport, la cour d'appel, qui était tenue d'examiner les pièces régulièrement versées aux débats et soumises à la discussion contradictoire, a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;
Condamne la société Axa France Iard aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par société Axa France Iard et la condamne à payer à Mme [P], M. [F] [P] et M. [I] [P] la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept octobre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SARL Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour Mme [P], M. [F] [P] et M. [I] [P]
Madame [P] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir limité l'indemnité qui lui est due par la société AXA France IARD en réparation de son préjudice corporel à la somme de 89.399,25 euros, d'avoir dit que l'imputation sur cette somme des débours définitifs de la caisse primaire d'assurance maladie du Var et de la mutuelle EMOA, ainsi que des provisions versées par la SA AXA France IARD à hauteur de 283.433,58 € ouvre droit au profit de la SA AXA France IARD à la rétrocession d'un trop-perçu de 233.057,19 € et de l'avoir condamnée à restituer cette somme à la compagnie d'assurance, outre intérêts légaux à compter du prononcé de l'arrêt ;
1°) ALORS QUE le juge ne peut pas refuser d'examiner un rapport établi unilatéralement à la demande d'une partie, dès lors qu'il est régulièrement versé aux débats, soumis à la discussion contradictoire et corroboré par d'autres éléments de preuve ; qu'en considérant, au contraire, pour réformer le jugement entrepris sur l'assistance temporaire et définitive d'une tierce personne ainsi que sur la prise en charge des dépenses de santé futures et rejeter la demande présentée par Mme [P] au titre de la prise en charge des frais d'un logement adapté, que le rapport d'ergothérapie de M. [R] était dépourvu de valeur, faute d'avoir été établi contradictoirement, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE le juge qui est tenu d'examiner les pièces régulièrement versées aux débats et soumises à la discussion contradictoire, ne peut pas refuser de se prononcer sur la pertinence de documents établis postérieurement à l'expertise au prétexte qu'ils n'ont pas été soumis à l'expert ; qu'en affirmant au contraire, pour dénier toute force probante au rapport de l'ergothérapeute [R] que celui-ci est intervenu sans mandat judiciaire, ou encore qu'il est tardif et a été établi postérieurement à la clôture des opérations d'expertise judiciaire, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE le poste de préjudice lié à l'assistance d'une tierce personne indemnise la perte d'autonomie de la victime restant atteinte, à la suite du fait dommageable, d'un déficit fonctionnel permanent la mettant dans l'obligation de recourir à un tiers pour l'assister dans les actes de la vie quotidienne ; que la demande indemnitaire de la victime doit donc être accueillie lorsque l'assistance d'une tierce personne devient nécessaire à la suite d'un accident ; qu'en se bornant à affirmer, pour rejeter la demande indemnitaire présentée par Mme [P] au titre de l'assistance par tierce personne permanente, qu'aucune perte d'autonomie n'est réellement imputable à l'accident du 9 mars 2012, quand il lui incombait de rechercher si l'assistance d'une tierce personne dont l'utilité n'est aujourd'hui plus contestée était ou non déjà nécessaire avant 2012, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à exclure toute indemnisation de ce chef, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1240 du code civil et du principe d'indemnisation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime ;
4°) ALORS QUE le droit à indemnisation de la victime au titre de l'assistance d'une tierce personne n'est pas subordonné à l'impossibilité pour celle-ci d'accomplir l'ensemble des actes ordinaires de la vie ; qu'en affirmant, pour rejeter la demande de Mme [P] que celle-ci ne pouvait pas solliciter « l'indemnisation d'une inaptitude totale aux actes de la vie courante », la cour d'appel a violé l'article 1240 du code civil ainsi que le principe d'indemnisation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime ;
5°) ALORS QUE dans ses dernières conclusions d'appel, Mme [P] avait expressément fait valoir que sa mise en invalidité catégorie 2 n'était aucunement en rapport avec son accident survenu en 2012 lui ayant fait perdre la quasi-totalité de la mobilité de son bras gauche, mais avec son seul genou opéré en 2004 (conclusions, p. 28) ; qu'en décidant néanmoins de tenir compte de cette mise en invalidité catégorie 2 de Mme [P], pour refuser d'indemniser l'assistance d'une tierce personne permanente et réduire son taux de déficit fonctionnel, sans répondre à ces conclusions déterminantes, établissant que sa mise en invalidité était sans rapport avec l'accident de 2012 à indemniser, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
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INCA/JURITEXT000046533736.xml
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 27 octobre 2022
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 1113 F-D
Pourvoi n° H 19-25.566
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 OCTOBRE 2022
La société Hirou, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], ayant un établissement [Adresse 3], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de M. [O] [X], a formé le pourvoi n° H 19-25.566 contre l'ordonnance rendue le 1er octobre 2019 par le premier président de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion (chambre PP autres), dans le litige l'opposant à M. [Y] [C], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Isola, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Hirou, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de M. [O] [X], de la SCP Didier et Pinet, avocat de M. [C], et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Isola, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Saint-Denis de la Réunion, 1er octobre 2019), et les productions, M. [X], placé en liquidation judiciaire, a confié à M. [C] (l'avocat) la défense de ses intérêts dans une procédure de vente par adjudication d'un bien immobilier dépendant de la procédure collective, dont la mise à prix a été fixée par un arrêt d'une cour d'appel du 3 janvier 2017.
2. À l'issue de la procédure de vente, l'avocat a adressé à la société Hirou, mandataire liquidateur, une note d'honoraires d'un certain montant, en sollicitant le règlement par prélèvement sur l'actif disponible de la liquidation de M. [X].
3. La société Hirou s'étant opposée à cette demande, M. [X], représenté par l'avocat, a saisi la juridiction commerciale qui, par arrêt d'une cour d'appel du 18 avril 2018, a ordonné à la société Hirou, ès qualités, de prendre en compte les honoraires de l'avocat relatifs à l'instance en contestation de la mise à prix de l'immeuble dépendant de la liquidation judiciaire et dit qu'il appartiendrait à cette société, le cas échéant, de contester le montant de ces honoraires devant les instances compétentes.
4. À défaut de règlement, par la société Hirou, de ses honoraires, l'avocat a saisi le bâtonnier de son ordre à fin d'en faire fixer le montant.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. La société Hirou fait grief à l'ordonnance de déclarer recevables les demandes formulées par l'avocat à son encontre, de dire non prescrite la demande en fixation d'honoraires formulée par l'avocat à son encontre au titre de l'assistance de M. [X] à l'occasion de la fixation de la mise à prix dans la procédure collective ayant donné lieu à l'arrêt du 3 janvier 2017 de la cour d'appel de Saint-Denis, de fixer à la somme de 7 000 euros le montant des honoraires exigibles par l'avocat au titre de l'assistance de M. [X] à l'occasion de la fixation de la mise à prix dans la procédure collective ayant donné lieu à l'arrêt du 3 janvier 2017 de la cour d'appel de Saint-Denis, de la condamner à payer la somme totale de 12 000 euros à l'avocat et de dire que les dépens resteraient à sa charge, alors « que pour interrompre la prescription, la demande en justice doit émaner du créancier lui-même et être adressée au débiteur que l'on veut empêcher de prescrire ; qu'en retenant que le litige opposant M. [X] à la société Hirou avait interrompu la prescription de la demande de taxation d'honoraires de l'avocat, le premier président a violé l'article 2241 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 2241 du code civil :
6. Il résulte de ce texte que, pour être interruptive de prescription, la demande en justice doit émaner du créancier lui-même et être adressée au débiteur que l'on veut empêcher de prescrire.
7. Pour déclarer non prescrite la demande de l'avocat en fixation de ses honoraires, l'ordonnance énonce qu'il est manifeste qu'à l'occasion de la procédure opposant M. [X] à la société Hirou, la cour d'appel a expressément statué sur les honoraires de l'avocat de M. [X] par arrêt du 18 avril 2018, de sorte que la prescription a été interrompue jusqu'à la date de celui-ci.
8. En statuant ainsi, le premier président, qui a fait produire un effet interruptif de prescription à une action à laquelle l'avocat n'avait pas été partie, a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 1er octobre 2019, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette ordonnance et les renvoie devant la juridiction du premier président de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée ;
Condamne M. [C] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [C] et le condamne à payer à la société Hirou, en qualité de liquidateur judiciaire de M. [X], la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept octobre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Hirou, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de M. [O] [X]
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir déclaré recevable les demandes formulées par M. [C] à l'encontre de la société Hirou, d'avoir dit non prescrite la demande en taxation d'honoraires formulée par M. [C] à l'encontre de la société Hirou, ès qualités, au titre de l'assistance de M. [X] dans le cadre de la fixation de la mise à prix dans la procédure collective soldée par l'arrêt rendu le 3 janvier 2017 par la cour d'appel de Saint-Denis, d'avoir taxé à concurrence de la somme de 7 000 euros le montant des honoraires exigibles par M. [C] au titre de l'assistance de M. [X] dans le cadre de la fixation de la mise à prix dans la procédure collective soldée par l'arrêt rendu le 3 janvier 2017 par la cour d'appel de Saint-Denis, d'avoir condamné la société Hirou, ès qualités, à payer la somme totale de 12 000 euros à M. [C] et d'avoir dit que les dépens resteraient à la charge de la société Hirou ;
Aux motifs que la société Hirou oppose la prescription biennale de la demande de taxation du 11 mars 2019, la facture d'honoraires datant du 6 février 2017 soit un délai supérieur à deux années ; qu'il est cependant manifeste que, dans le cadre de la procédure RG 17/1489 dans le litige opposant M. [O] [X] à la société Hirou, la cour d'appel a expressément statué sur les honoraires de l'avocat de M. [O] [X] dans son arrêt du 18 avril 2018 de sorte que la prescription a été interrompue jusqu'à la date de reddition de l'arrêt ; que l'action n'est pas prescrite ; que M. [C] sollicite des honoraires à hauteur de 9 222,50 euros pour la procédure ayant abouti à l'arrêt de la cour d'appel du 3 janvier 2017 infirmant l'ordonnance du juge commissaire et fixant la mise à prix de l'immeuble à 350 000 euros ; que dès lors que le premier président est saisi d'une contestation, il doit évaluer le montant des honoraires en considération, à défaut de convention, des usages, de la fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et de ses diligences, sachant que le fait pour la société Hirou de n'avoir pas contesté le montant des honoraires de l'avocat comme le suggérait l'arrêt susvisé ne s'analyse pas en un acquiescement du montant de ces honoraires ; qu'eu égard à la procédure engagée devant la cour pour infirmer l'ordonnance du juge commissaire sur la mise à prix de l'immeuble et eu égard au prix de vente de l'immeuble à la somme de 156 000 euros, M. [C] est fondé à obtenir des honoraires à hauteur de 7 000 euros ;
1°) Alors que pour interrompre la prescription, la demande en justice doit émaner du créancier lui-même et être adressée au débiteur que l'on veut empêcher de prescrire ; qu'en retenant que le litige opposant M. [X] à la société Hirou avait interrompu la prescription de la demande de taxation d'honoraires de M. [C], le premier président a violé l'article 2241 du code civil ;
2°) Alors subsidiairement que pour interrompre la prescription, la reconnaissance du droit du créancier doit émaner du débiteur ou de son mandataire, à l'exclusion du juge ; qu'en retenant que dans le litige opposant M. [X] à la société Hirou, la cour d'appel avait expressément statué sur les honoraires de M. [C] dans son arrêt du 18 avril 2018 de sorte que la prescription avait été interrompue, le premier président a violé l'article 2240 du code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir taxé à concurrence de la somme de 7 000 euros le montant des honoraires exigibles par M. [C] au titre de l'assistance de M. [X] dans le cadre de la fixation de la mise à prix dans la procédure collective soldée par l'arrêt rendu le 3 janvier 2017 par la cour d'appel de Saint-Denis, et d'avoir condamné la société Hirou, ès qualités, à payer la somme totale de 12 000 euros à M. [C] ;
Aux motifs que M. [C] sollicite des honoraires à hauteur de 9 222,50 euros pour la procédure ayant abouti à l'arrêt de la cour d'appel du 3 janvier 2017 infirmant l'ordonnance du juge commissaire et fixant la mise à prix de l'immeuble à 350 000 euros ; que dès lors que le premier président est saisi d'une contestation, il doit évaluer le montant des honoraires en considération, à défaut de convention, des usages, de la fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et de ses diligences, sachant que le fait pour la société Hirou de n'avoir pas contesté le montant des honoraires de l'avocat comme le suggérait l'arrêt susvisé ne s'analyse pas en un acquiescement du montant de ces honoraires ; qu'eu égard à la procédure engagée devant la cour pour infirmer l'ordonnance du juge commissaire sur la mise à prix de l'immeuble et eu égard au prix de vente de l'immeuble à la somme de 156 000 euros, M. [C] est fondé à obtenir des honoraires à hauteur de 7 000 euros ;
Alors que les honoraires de l'avocat tiennent compte, selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci ; qu'en se bornant, pour fixer les honoraires de Me [C], à viser « la procédure engagée devant la cour pour infirmer l'ordonnance du juge commissaire sur la mise à prix de l'immeuble » et le « prix de vente de l'immeuble à la somme de 156 000 euros », sans faire état des critères déterminants de son estimation, le premier président n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 10, alinéa 4, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir taxé à concurrence de 5 000 euros le montant global des honoraires exigibles par M. [C] dans le cadre de la procédure en paiement de ses honoraires engagés à l'encontre de la société Hirou, et d'avoir condamné la société Hirou, ès qualités, à payer à M. [C] la somme totale de 12 000 euros ;
Aux motifs que Maître [Y] [C] demande également des honoraires à hauteur de 9 222,50 euros pour les frais engagés lors de la procédure mise en oeuvre pour le paiement de ses honoraires terminée par l'arrêt de la cour d'appel en date du 18 avril 2018 plus une somme de 2 000 euros pour la taxation du présent recouvrement ; qu'il convient d'évaluer les honoraires de Maître [Y] [C] pour l'ensemble des frais engagés pour la procédure en paiement de ses honoraires devant la cour et devant le bâtonnier et le premier président à la somme de 5 000 euros ;
1°) Alors que seules les créances nées régulièrement après le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation pour les besoins du déroulement de la procédure ou du maintien provisoire de l'activité ou en contrepartie d'une prestation fournie par le débiteur pendant ce maintien de l'activité, sont payées à leur échéance ; que n'est pas née pour les besoins du déroulement de la liquidation, la créance d'honoraires de l'avocat du débiteur, exposés dans le cadre d'une procédure dirigée contre les organes de la liquidation et ayant abouti à condamner celle-ci à payer une dette contractée par le débiteur ; qu'en l'espèce, en condamnant la société Hirou, en qualité de liquidateur de M. [X], à payer à leur échéance les frais d'avocat exposés par M. [X] dans le cadre d'une procédure dirigée contre la liquidation et ayant abouti à condamner celle-ci à payer une dette contractée par M. [X], le premier président, qui n'a pas constaté que l'activité de M. [X] avait été maintenue, a violé l'article L. 641-13, I, du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008 ;
2°) Alors que la procédure de taxation prévue par le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat ne concerne pas les frais engagés par l'avocat pour obtenir le paiement de ses honoraires devant les juridictions compétentes ; qu'en taxant à concurrence de 5 000 euros le montant global des honoraires exigibles par M. [C] dans le cadre de la procédure en paiement de ses honoraires engagés à l'encontre de la société Hirou, en y incluant les frais engagés devant le bâtonnier en première instance et devant lui-même en appel, le premier président a violé les articles 174 et 277 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ;
3°) Alors en tout état de cause que si le défaut de signature d'une convention ne prive pas l'avocat du droit de percevoir des honoraires pour ses diligences, c'est à la condition qu'il établisse avoir été expressément mandaté par son client pour les accomplir ; qu'en fixant les honoraires de Me [C] pour l'ensemble des frais engagés pour la procédure en paiement de ses honoraires devant la cour et devant le bâtonnier et le premier président à la somme globale de 5 000 euros, sans constater que Me [C] avait été expressément mandaté à cette fin, quand il était constant qu'aucune convention d'honoraires n'avait été signée, le premier président a privé sa décision de base légale au regard des articles 1103 du code civil et 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;
4°) Alors en tout état de cause que les honoraires de l'avocat tiennent compte, selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci ; qu'en retenant qu'il convenait d'évaluer les honoraires de Me [C] pour l'ensemble des frais engagés pour la procédure en paiement de ses honoraires devant la cour et devant le bâtonnier et le premier président à la somme globale de 5 000 euros, sans faire état des critères déterminants de son estimation, le premier président n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 10, alinéa 4, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 27 octobre 2022
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 1112 F-D
Pourvoi n° U 21-14.476
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 OCTOBRE 2022
1°/ M. [O] [N],
2°/ Mme [X] [L] [H], épouse [N],
tous deux domiciliés [Adresse 3],
ont formé le pourvoi n° U 21-14.476 contre l'arrêt rendu le 5 janvier 2021 par la cour d'appel de Riom (1re chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [W] [B], domicilié [Adresse 1],
2°/ à la société Alma services assurances, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1],
3°/ à la société Axa France Iard, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Brouzes, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de M. et Mme [N], de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Axa France Iard, de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de M. [B] et la société Alma services assurances, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Brouzes, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 5 janvier 2021) et les productions, M. et Mme [N], propriétaires d'un château classé monument historique, ont souscrit le 6 octobre 2011 un contrat d'assurance avec la société Axa France Iard (l'assureur), par l'intermédiaire de M. [B], agent général d'assurances, puis de la société Alma services assurances, courtier d'assurance.
2. Le 30 juillet 2013, un incendie s'est déclaré et la charpente du château a été endommagée.
3. Après avoir refusé la proposition d'indemnisation faite par l'assureur, M. et Mme [N], invoquant l'inadéquation de leur contrat d'assurance et la violation de l'obligation d'information et de conseil de l'assureur et des intermédiaires en assurance, les ont assignés devant un tribunal de grande instance en réparation de leur préjudice.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. M. et Mme [N] font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes, alors :
« 1°/ qu'il incombe à l'assureur d'apporter la preuve qu'il a fourni à son assuré, avant la conclusion du contrat, directement ou par la voie de son agent, tous les éléments d'information pertinents dont il disposait et qui étaient de nature à influer sur la détermination du risque devant être garanti ; qu'en l'espèce, après avoir constaté qu'il n'était pas établi que le rapport de visite du 14 avril 2011 de l'agent d'assurance [B] avait été communiqué aux exposants lors du processus contractuel, la cour d'appel ne pouvait se borner à énoncer, pour considérer que l'assureur avait fourni aux assurés tous les éléments leur permettant de connaître l'évaluation des bâtiments assurés ,« que les devis joints à l'étude personnalisée établie en mai 2011, de même qu'une nouvelle tarification établie à la suite de la réduction de la surface développée étaient de nature à éclairer très directement sur les évaluations du bâtiment (pour le bâtiment principal entre 720 000 et 7 740 000 euros, pour les autres bâtiments d'habitation à 468 000 euros, pour les dépendances à 992 000 euros) et sur l'écart, de 27 % à 35 %, entre la limite contractuelle d'indemnisation proposée et in fine retenue (3 000 000 euros) et lesdites évaluations », sans vérifier ni constater que l'assureur apportait la preuve que ces éléments avaient été effectivement portés à la connaissance de M. et Mme [N], ce qui était contesté, qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieur à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
2°/ qu'il incombe à l'assureur d'apporter la preuve qu'il a fourni à son assuré, avant la conclusion du contrat, tous les éléments d'information pertinents dont il disposait et qui étaient de nature à influer sur la détermination du risque devant être garanti ; que dès lors, en retenant, pour considérer que les assurés avaient eu connaissance, à la date de souscription du contrat, du coût de reconstruction du château et de l'inadéquation de la police d'assurance, que M. [N] avait indiqué à la presse le lendemain du sinistre que « les primes étaient si élevées que le château était assuré à seulement 30 % de sa valeur totale », la cour d'appel s'est fondée sur des propos tenus postérieurement, non seulement à la conclusion du contrat, mais également postérieurement à la visite des experts de l'assureur le lendemain du sinistre, au cours de laquelle ils avaient indiqué aux assurés que le montant des travaux dépasserait la somme de 7 millions d'euros, propos qui étaient donc parfaitement inopérants à établir que les assurés avaient eu connaissance de la valeur de reconstruction des bâtiments à la date de conclusion du contrat, a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
3°/ qu'en outre, le seul fait que l'assuré ait mené une négociation afin de réduire le montant de la prime annuelle, au besoin en diminuant légèrement la garantie, et ait une certaine connaissance des mécanismes de l'assurance, n'est pas une circonstance de nature à établir qu'il avait connaissance de l'ensemble des éléments pertinents pour prendre une décision éclairée et, notamment, du fait que le coût de reconstruction du bâtiment assuré excédait largement le plafond de la garantie ; que dès lors, en déduisant du fait que M. [N] avait personnellement mené une négociation avec l'assureur afin de faire baisser autant que possible le montant de la prime annuelle, et qu'il avait connaissance des mécanismes de l'assurance, qu'il aurait nécessairement eu connaissance de la valeur de son bien et de son coût de reconstruction évalué par l'assureur a minima à 7 millions d'euros, la cour d'appel, qui s'est fondée sur une circonstance inopérante, a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
4°/ qu'au demeurant, le juge ne peut se borner à procéder par voie de simple affirmation sans analyser, même sommairement, ni viser les éléments de preuve sur lesquels il se fonde ; qu'en l'espèce, en énonçant, pour considérer que la société Axa n'avait pas manqué à son obligation d'information à l'égard de M. [N] , que, « sauf à supposer, ce qui n'est pas vraisemblable, que le candidat à l'assurance ignorait totalement la valeur de son bien et n'avait aucune idée du coût de reconstruction d'un bâtiment aussi ancien considérable, il y a lieu de retenir qu'en réalité sa principale préoccupation était de réduire autant que possible montant de la prime annuelle, y compris en diminuant la garantie immobilière », la cour d'appel, qui s'est bornée à affirmer que M. [N] aurait eu connaissance du coût de reconstruction de son château sans s'expliquer sur les éléments de preuve de nature à établir cette connaissance, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
5°/ qu'en tout état de cause, manque à son devoir de conseil l'assureur qui n'avertit pas l'assuré que la police qu'il lui propose ne couvre pas une partie des risques auxquels celui-ci est exposé, alors même que l'assureur en a pleinement conscience ; que dès lors, en se bornant à retenir que les modalités de l'assurance avaient été contractuellement élaborées de manière claire, sur la base notamment de la volonté de M. [N] dont rien ne démontrait qu'il n'était pas capable d'apprécier ses propres intérêts ni la pertinence de ses choix, sans constater que l'assureur avait effectivement rempli son devoir de conseil et l'avait préalablement mis en garde contre le risque d'insuffisance de la garantie en cas de destruction du château, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
6°/ qu'en tout état de cause, le seul fait que l'assuré ait mené une négociation afin de réduire le montant de la prime annuelle, au besoin en diminuant légèrement la garantie, n'est pas une circonstance de nature à établir qu'il n'aurait pas accepté de payer une prime plus élevée s'il avait eu connaissance du fait que le coût de reconstruction du bâtiment excédait très largement le plafond de la garantie proposée ; que dès lors en retenant, pour considérer qu'en tout état de cause le défaut d'information de l'assureur quant au coût de reconstruction de l'immeuble n'aurait causé aux assurés aucun préjudice, la cour d'appel, qui a retenu qu'au regard des échanges des parties, rien ne prouvait que M. et Mme [N] auraient accepté de payer une prime plus élevée pour bénéficier d'une meilleure assurance, s'est fondée sur une circonstance inopérante et a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
7°/ qu'en tout état de cause, dans leurs conclusions d'appel, M. et Mme [N] faisaient valoir que le manquement de la société Axa et de son agent à leuross obligations d'information et de conseil leur avait fait perdre une chance de contracter un contrat d'assurance leur permettant une indemnisation juste de leur préjudice ; que dès lors, en se bornant à énoncer qu'au regard des échanges des parties, rien ne prouvait que M. [N] aurait accepté de payer une prime plus élevée pour bénéficier d'une meilleure assurance, sans rechercher s'ils n'avaient pas néanmoins été privés de la possibilité de le faire, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
5. Pour rejeter les demandes de M. et Mme [N], l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que les modalités de l'assurance ont été contractuellement élaborées de manière claire, sur la base notamment de la volonté de l'assuré, M. [N] , dont rien ne démontre qu'il n'était pas capable d'apprécier ses propres intérêts ni la pertinence de ses choix.
6. Il énonce que les assurés étaient en mesure de connaître les conditions précises du contrat souscrit, qu'ils ont pu négocier, sans méconnaissance démontrée des limites de garantie, de l'incidence directe des éléments de surface, de la nature de la garantie, de la valeur globale du mobilier et des ordres de grandeur des valeurs de reconstruction immobilière.
7. L'arrêt ajoute qu'un manquement d'information de l'assureur ou de l'agent général à son obligation d'information ou à son devoir de conseil est d'autant moins établi que la limite contractuelle d'indemnisation de 3 000 000 euros était un choix économiquement raisonnable au regard de la valeur vénale immobilière du bien, estimée par l'expert judiciaire, très inférieure au coût de remise en état, qu'un niveau de prime très supérieur à celui convenu contractuellement aurait permis de couvrir le coût de reconstruction et que tout démontre qu'en toute connaissance de cause M. et Mme [N] avaient souhaité contenir le niveau de prime retenu.
8. En l'état de ses constatations, dont il résulte que M. et Mme [N] ont souscrit, en parfaite connaissance de cause, une garantie adaptée à leurs exigences et limitée en son montant, notamment pour le risque d'incendie, la cour d'appel, qui n'était pas tenue, dès lors, de procéder à la recherche prétendument omise sur la perte de chance invoquée, a pu décider qu'aucun manquement à l'obligation d'information et de conseil ne pouvait être reproché à l'assureur ou à son agent général.
9. Le moyen, dont la première branche manque en fait et dont les troisième, quatrième et sixième branches critiquent des motifs surabondants, n'est, dès lors, pas fondé pour le surplus.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme [N] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme [N], les condamne in solidum à payer à la société Axa France Iard la somme de 1 500 euros, et les condamne à payer à M. [B] et à la société Alma services assurances la somme globale de 1 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept octobre deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [N]
Les époux [N] font grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté leurs demandes.
1) ALORS QU'il incombe à l'assureur d'apporter la preuve qu'il a fourni à son assuré, avant la conclusion du contrat, directement ou par la voie de son agent, tous les éléments d'information pertinents dont il disposait et qui étaient de nature à influer sur la détermination du risque devant être garanti ; qu'en l'espèce, après avoir constaté qu'il n'était pas établi que le rapport de visite du 14 avril 2011 de l'agent d'assurance [B] avait été communiqué aux exposants lors du processus contractuel, la cour d'appel ne pouvait se borner à énoncer, pour considérer que l'assureur avait fourni aux assurés tous les éléments leur permettant de connaître l'évaluation des bâtiments assurés ,« que les devis joints à l'étude personnalisée établie en mai 2011, de même qu'une nouvelle tarification établie à la suite de la réduction de la surface développée étaient de nature à éclairer très directement sur les évaluations du bâtiment (pour le bâtiment principal entre 720 000 et 7 740 000 euros, pour les autres bâtiments d'habitation à 468 000 €, pour les dépendances à 992 000 €) et sur l'écart, de 27 % à 35 %, entre la limite contractuelle d'indemnisation proposée et in fine retenue (3 000 000 euros) et lesdites évaluations », sans vérifier ni constater que l'assureur apportait la preuve que ces éléments avaient été effectivement portés à la connaissance des époux [N], ce qui était contesté, qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
2) ALORS QU'il incombe à l'assureur d'apporter la preuve qu'il a fourni à son assuré, avant la conclusion du contrat, tous les éléments d'information pertinents dont il disposait et qui étaient de nature à influer sur la détermination du risque devant être garanti ; que dès lors, en retenant, pour considérer que les assurés avaient eu connaissance, à la date de souscription du contrat, du coût de reconstruction du château et de l'inadéquation de la police d'assurance, que M. [N] avait indiqué à la presse le lendemain du sinistre que « les primes étaient si élevées que le château était assuré à seulement 30 % de sa valeur totale », la cour d'appel s'est fondée sur des propos tenus postérieurement, non seulement à la conclusion du contrat, mais également postérieurement à la visite des experts de l'assureur le lendemain du sinistre, au cours de laquelle ils avaient indiqué aux assurés que le montant des travaux dépasserait la somme de 7 millions d'euros, propos qui étaient donc parfaitement inopérants à établir que les assurés avaient eu connaissance de la valeur de reconstruction des bâtiments à la date de conclusion du contrat, a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
3) ALORS, EN OUTRE, QUE le seul fait que l'assuré ait mené une négociation afin de réduire le montant de la prime annuelle, au besoin en diminuant légèrement la garantie, et ait une certaine connaissance des mécanismes de l'assurance, n'est pas une circonstance de nature à établir qu'il avait connaissance de l'ensemble des éléments pertinents pour prendre une décision éclairée et, notamment, du fait que le coût de reconstruction du bâtiment assuré excédait largement le plafond de la garantie ; que dès lors, en déduisant du fait que M. [N] avait personnellement mené une négociation avec l'assureur afin de faire baisser autant que possible le montant de la prime annuelle, et qu'il avait connaissance des mécanismes de l'assurance, qu'il aurait nécessairement eu connaissance de la valeur de son bien et de son coût de reconstruction évalué par l'assureur a minima à 7 millions d'euros, la cour d'appel, qui s'est fondée sur une circonstance inopérante, a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
4) ALORS, AU DEMEURANT, QUE le juge ne peut se borner à procéder par voie de simple affirmation sans analyser, même sommairement, ni viser les éléments de preuve sur lesquels il se fonde ; qu'en l'espèce, en énonçant, pour considérer que la société AXA n'avait pas manqué à son obligation d'information à l'égard de M. [N], que, « sauf à supposer, ce qui n'est pas vraisemblable, que le candidat à l'assurance ignorait totalement la valeur de son bien et n'avait aucune idée du coût de reconstruction d'un bâtiment aussi ancien considérable, il y a lieu de retenir qu'en réalité sa principale préoccupation était de réduire autant que possible montant de la prime annuelle, y compris en diminuant la garantie immobilière », la cour d'appel, qui s'est bornée à affirmer que M. [N] aurait eu connaissance du coût de reconstruction de son château sans s'expliquer sur les éléments de preuve de nature à établir cette connaissance, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
5) ALORS, EN TOUT ÉTAT DE CAUSE, QUE manque à son devoir de conseil l'assureur qui n'avertit pas l'assuré que la police qu'il lui propose ne couvre pas une partie des risques auxquels celui-ci est exposé, alors même que l'assureur en a pleinement conscience ; que dès lors, en se bornant à retenir que les modalités de l'assurance avaient été contractuellement élaborées de manière claire, sur la base notamment de la volonté de M. [N] dont rien ne démontrait qu'il n'était pas capable d'apprécier ses propres intérêts ni la pertinence de ses choix, sans constater que l'assureur avait effectivement rempli son devoir de conseil et l'avait préalablement mis en garde contre le risque d'insuffisance de la garantie en cas de destruction du château, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
6) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE le seul fait que l'assuré ait mené une négociation afin de réduire le montant de la prime annuelle, au besoin en diminuant légèrement la garantie, n'est pas une circonstance de nature à établir qu'il n'aurait pas accepté de payer une prime plus élevée s'il avait eu connaissance du fait que le coût de reconstruction du bâtiment excédait très largement le plafond de la garantie proposée ; que dès lors en retenant, pour considérer qu'en tout état de cause le défaut d'information de l'assureur quant au coût de reconstruction de l'immeuble n'aurait causé aux assurés aucun préjudice, la cour d'appel, qui a retenu qu'au regard des échanges des parties, rien ne prouvait que les époux [N] auraient accepté de payer une prime plus élevée pour bénéficier d'une meilleure assurance, s'est fondée sur une circonstance inopérante et a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
7) ALORS, EN TOUT ÉTAT DE CAUSE, AUSSI QUE dans leurs conclusions d'appel, les époux [N] faisaient valoir que le manquement de la société Axa et de son agent à leurs obligations d'information et de conseil leur avait fait perdre une chance de contracter un contrat d'assurance leur permettant une indemnisation juste de leur préjudice ; que dès lors, en se bornant à énoncer qu'au regard des échanges des parties, rien ne prouvait que M. [N] aurait accepté de payer une prime plus élevée pour bénéficier d'une meilleure assurance, sans rechercher s'ils n'avaient pas néanmoins été privés de la possibilité de le faire, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.
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INCA/JURITEXT000046533734.xml
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 27 octobre 2022
Cassation sans renvoi
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 1110 F-D
Pourvoi n° S 20-22.290
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme [E].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 12 octobre 2020.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 OCTOBRE 2022
Mme [Y] [E], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 20-22.290 contre l'arrêt rendu le 10 décembre 2019 par la cour d'appel de Grenoble (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ au Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, dont le siège est [Adresse 3],
2°/ au procureur général près la cour d'appel de Grenoble, domicilié [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
Le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Ittah, conseiller référendaire, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de Mme [E], de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Ittah, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 10 décembre 2019) et les productions, Mme [E], alors âgée de 16 ans, a été blessée, le 20 février 1981, dans un accident de la circulation, alors qu'elle avait pris place dans un véhicule volé, conduit sans permis par M. [D].
2. Un tribunal correctionnel, statuant le 29 juillet 1981 sur intérêts civils, a, notamment, reçu la constitution de partie civile de Mme [E] et ordonné une expertise médicale.
3. Par jugement du 12 octobre 1990, ce même tribunal a condamné M. [D] à indemniser Mme [E] des conséquences dommageables de cet accident.
4. M. [D] n'ayant pas exécuté cette décision, Mme [E] a assigné le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages aux fins de prise en charge des condamnations prononcées.
5. Par arrêt du 12 septembre 1994, devenu irrévocable, une cour d'appel, retenant la mauvaise foi de la victime, l'a déboutée de ses demandes.
6. Le 21 juillet 2017, Mme [E], invoquant une aggravation de son état de santé, a saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI) en indemnisation par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI) des conséquences dommageables de cette aggravation.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi incident du FGTI, pris en sa première branche, qui est préalable
Enoncé du moyen
7. Le FGTI fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à dire irrecevables les demandes de Mme [E], alors « que la compétence de la CIVI est exclue lorsque les dommages dont il est demandé réparation procèdent d'une atteinte qui entre dans le champ d'application du chapitre 1er de la loi du 5 juillet 1985 ; qu'entrent dans le champ d'application de cette loi l'indemnisation des victimes d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur, y compris lorsque l'accident a donné lieu à une action en justice introduite avant sa publication, intervenue le 6 juillet 1985 ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt que le dommage corporel dont Mme [E] sollicitait l'indemnisation était né d'un accident de la circulation impliquant le véhicule terrestre à moteur volé par M. [D] dans lequel elle avait pris place et que la constitution de partie civile de la victime avait été reçue par décision du tribunal correctionnel de Valence en date du 29 juillet 1981 ; que dès lors, l'accident subi par Mme [E] ressortit au champ d'application du chapitre 1er de la loi du 5 juillet 1985, exclusive de la compétence de la CIVI pour statuer sur la demande d'indemnisation de Mme [E] ; qu'en rejetant la demande du FGTI tendant à déclarer Mme [E] irrecevable en ses demandes, la cour d'appel a méconnu l'article 706-3 du code de procédure pénale ensemble les articles 1er et 47 de la loi du 5 juillet 1985. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 706-3 du code de procédure pénale et les articles 1er et 47 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 :
8. Il résulte du premier de ces textes que sont exclus de la compétence de la CIVI les dommages corporels qui entrent dans le champ d'application du chapitre 1er de la loi susvisée tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation.
9. Selon le deuxième, les dispositions du chapitre 1er de cette loi s'appliquent, même lorsqu'elles sont transportées en vertu d'un contrat, aux victimes d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur.
10. Selon le dernier, les dispositions des articles 1er à 6 de cette loi s'appliquent dès sa publication, même aux accidents ayant donné lieu à une action en justice introduite avant cette publication, y compris aux affaires pendantes devant la Cour de cassation.
11. En déclarant recevable la demande formée par Mme [E], alors qu'il résultait de ses propres constatations que cette dernière avait été victime d'un accident de la circulation survenu le 20 février 1981, ayant donné lieu à une action en justice introduite avant la publication de la loi du 5 juillet 1985, de sorte que l'accident, soumis au régime institué par cette dernière, était exclu de la compétence de la CIVI, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Sur le moyen du pourvoi principal de Mme [E]
Enoncé du moyen
12. La cassation prononcée sur le pourvoi incident rend sans objet l'examen du pourvoi principal.
Portée et conséquences de la cassation
13. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
14. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
15. Il résulte de ce qui est dit aux paragraphes 8 à 11 que les demandes de Mme [E] formées devant la CIVI sont irrecevables.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi incident, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
DÉCLARE IRRECEVABLES les demandes formées par Mme [E] devant la commission d'indemnisation des victimes d'infraction ;
Laisse les dépens exposés tant devant la cour d'appel de Grenoble que devant la Cour de cassation à la charge du Trésor public ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept octobre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour Mme [E]
Mme [Y] [E] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déboutée de sa demande d'indemnisation par le Fonds de garantie des victimes d'infractions ;
1) ALORS QUE le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en retenant que « Mme [E] a été déboutée de ses demandes indemnitaires sur le fondement de la mauvaise foi, par une décision définitive, et qu'en conséquence, elle ne peut aujourd'hui solliciter une indemnisation, ou une expertise en vue d'une indemnisation, en se fondant sur l'aggravation de blessures pour lesquelles le droit initial à indemnisation lui a été refusée par décision de justice », la cour d'appel a soulevé un moyen tiré de l'autorité de chose jugée de l'arrêt du 12 septembre 1994 non discuté par les parties qui ne s'étaient attachées qu'au champ d'application de l'article 706-3 du code de procédure pénale ; qu'en omettant d'inviter les parties à présenter leurs observations sur ce moyen relevé d'office, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
2) ALORS QUE, subsidiairement, l'autorité de chose jugée attachée à une décision ne peut faire obstacle à une demande ultérieure que s'il existe entre cette demande et celle tranchée par la décision, une identité d'objet, de cause et de parties ; qu'en retenant, pour débouter Mme [E] de ses demandes indemnitaires contre le Fonds d'indemnisation des victimes d'infractions, qu'un arrêt de la cour d'appel de Grenoble du 12 septembre 1994 l'avait « déboutée de sa demande à l'encontre du Fonds de garantie [des assurances obligatoires] sur le fondement de la mauvaise foi, la cour ayant retenu qu'elle avait fait l'objet d'un renvoi devant le tribunal pour enfants pour des faits de recel de vol du véhicule dans lequel elle se trouvait au moment de l'accident » quand ledit arrêt ne visait pas une demande indemnitaire faite auprès du Fonds de garantie des victimes d'infractions, et ne statuait pas sur l'existence d'une faute de la victime en lien direct et certain avec son préjudice, seule susceptible de justifier le refus ou la réduction de l'indemnisation octroyée par le Fonds de garantie des victimes d'infractions, la cour d'appel a violé l'article 1355 du code civil, ensemble l'article 706-3 du code de procédure pénale. Moyen produit au pourvoi incident par la SARL Delvolvé et Trichet, avocat aux Conseils, pour le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI)
Le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté sa demande tendant à dire irrecevables les demandes de Mme [E] ;
1°) Alors que la compétence de la CIVI est exclue lorsque les dommages dont il est demandé réparation procèdent d'une atteinte qui entre dans le champ d'application du chapitre 1er de la loi du 5 juillet 1985 ; qu'entrent dans le champ d'application de cette loi l'indemnisation des victimes d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur, y compris lorsque l'accident a donné lieu à une action en justice introduite avant sa publication, intervenue le 6 juillet 1985 ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt que le dommage corporel dont Mme [E] sollicitait l'indemnisation était né d'un accident de la circulation impliquant le véhicule terrestre à moteur volé par M. [D] dans lequel elle avait pris place et que la constitution de partie civile de la victime avait été reçue par décision du tribunal correctionnel de Valence en date du 29 juillet 1981 ; que dès lors, l'accident subi par Mme [E] ressortit au champ d'application du chapitre 1er de la loi du 5 juillet 1985, exclusive de la compétence de la CIVI pour statuer sur la demande d'indemnisation de Mme [E] ; qu'en rejetant la demande du FGTI tendant à déclarer Mme [E] irrecevable en ses demandes, la cour d'appel a méconnu l'article 706-3 du code de procédure pénale ensemble les articles 1er et 47 de la loi du 5 juillet 1985 ;
2°) Alors, en tout état de cause, que les dommages susceptibles d'être indemnisés par le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) sont exclus de la compétence de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions telle qu'elle résulte de l'article du code de procédure pénale, même lorsque l'intervention du FGAO ne repose pas sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985 ; qu'en vertu des articles L. 420-1 et suivants et R. 420-1 et suivants du code des assurances dans leur rédaction antérieure à leur modification par la loi du 5 juillet 1985 et le décret du 14 mars 1986, le Fonds de garantie automobile (devenu FGAO)
prend en charge les indemnités tendant à la réparation des dommages corporels consécutifs à un accident de la circulation ; que les dommages dont Mme [E] demandait réparation procédaient d'atteintes corporelles issues d'un accident de la circulation et étaient, comme tels, susceptibles d'être indemnisés par le FGAO par application des dispositions du code des assurances précitées, la circonstance qu'ils entrent dans le champ d'application de la loi du 5 juillet 1985 étant indifférente ; qu'en rejetant la demande du FGTI tendant à déclarer Mme [E] irrecevable en ses demandes devant la CIVI, la cour d'appel a méconnu l'article 706-3 du code de procédure pénale ensemble les articles L. 420-1 et R. 420-1 du code des assurances dans leur rédaction antérieure à la loi du 5 juillet 1985 et au décret du 14 mars 1986.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 27 octobre 2022
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 1106 F-D
Pourvoi n° J 21-14.559
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 OCTOBRE 2022
1°/ la Société d'études et de réalisation de gestion immobilière de construction, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4],
2°/ la société MMA Iard, société anonyme,
3°/ la société MMA Iard assurances mutuelles, société d'assurance mutuelle à cotisations fixes,
ayant toutes deux leur siège [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° J 21-14.559 contre l'arrêt rendu le 21 janvier 2021 par la cour d'appel de Douai (troisième chambre), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [D] [L], domicilié [Adresse 2],
2°/ à la Caisse régionale d'assurance mutuelle agricole du Nord-Est (Groupama Nord-Est), dont le siège est [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pradel, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la Société d'études et de réalisation de gestion immobilière de construction, la société MMA Iard et la société MMA Iard assurances mutuelles, de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de M. [L] et de la Caisse régionale d'assurance mutuelle agricole du Nord-Est (Groupama Nord-Est), et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Pradel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 21 janvier 2021), le 4 octobre 2008, un incendie est survenu dans un immeuble situé à Berck-sur-Mer, dont la gestion était confiée à la Société d'études et de réalisation de gestion immobilière de construction (la société Sergic). L'immeuble n'était pas assuré au titre de la responsabilité incendie.
2. Une mesure d'expertise judiciaire sollicitée par le syndicat des copropriétaires et un certain nombre de copropriétaires a mis en évidence le rôle joué par le tube inox de l'insert installé par l'un des copropriétaires, M. [L].
3. M. [N] et Mme [C], copropriétaires et leur assureur, la société BPCE, ont assigné la société Sergic et ses assureurs, les sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles (les sociétés MMA), ainsi que M. [L] et son assureur, la Caisse régionale d'assurance mutuelle agricole du Nord-Est Groupama Nord-Est (la société Crama du Nord-Est), devant un tribunal de grande instance aux fins d'indemnisation de leur préjudice.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. La société Sergic et les sociétés MMA font grief à l'arrêt de les débouter de leurs demandes tendant à voir condamner M. [L] et la société Crama du Nord-Est à les garantir des condamnations mises à leur charge et à leur payer la somme de 29 322,46 euros et de les condamner solidairement à payer à cette société la somme de 199 652 euros de dommages-intérêts et à M. [L] la somme de 6 081 euros de dommages-intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt, alors « que seul s'applique l'article 1242, alinéa 1er, du code civil, lorsqu'une chose provoque directement un incendie dans l'immeuble d'un tiers, l'article 1242, alinéa 2, ne s'appliquant que lorsque l'incendie est né dans un immeuble ou une chose avant de se communiquer à l'immeuble d'un tiers ; qu'en jugeant, après avoir exclu l'application de l'article 1384, devenu 1242, alinéa 2, du code civil, en retenant que l'incendie ne s'était pas propagé depuis l'appartement de M. [D] [L] mais avait pris naissance directement dans la muralière bois reposant sur les lambourdes constituant le plancher du grenier de l'immeuble, partie commune, que l'article 1384, devenu 1242, alinéa 1er, n'était pas non plus applicable, motif pris qu'il ne « régi[rait] pas les dommages nés d'un incendie », la cour d'appel a violé ce texte, par refus d'application. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1384, alinéa 1er, devenu 1242, alinéa 1er, du code civil :
5. Aux termes de ce texte, on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde.
6. L'arrêt constate qu'il résulte du rapport d'expertise judiciaire que l'incendie n'a pas pris naissance dans l'appartement de M. [L], donné en location à Mme [M], qui avait allumé un feu dans l'insert installé par M. [L] en 1990, mais à hauteur de la muralière bois sur laquelle reposaient les lambourdes constituant la structure du plancher des combles, ceci par insuffisance de la garde au feu de 12 cm du fait de la disposition particulière intéressant les parties communes de l'immeuble à savoir la configuration de la cheminée maçonnée et de la charpente bois constituant le plancher des combles, et par dégradation de l'appareil maçonné de la cheminée qui, bien que tubée, a permis la transmission de la chaleur à plus de 200° C du tubinox, température suffisante pour favoriser la combustion du bois sec, que le feu a couvé pendant plusieurs heures et qu'il s'est généralisé à la totalité de la toiture à partir de l'inflammation des gaz chauds de pyrolyse dégagés dans les combles.
7. L'arrêt retient, qu'au vu de l'état descriptif de division, la muralière n'apparaît pas constituer une partie privative de l'appartement de M. [L] réservé à son usage exclusif et que l'article 1384, alinéa 2, ancien du code civil ne peut trouver application, non plus que l'article 1384, alinéa 1, du même code, qui avait été retenu à tort par le premier juge, alors qu'il ne régit pas les dommages nés d'un incendie.
8. En statuant ainsi, alors que l'article 1384, alinéa 2, devenu 1242, alinéa 2, du code civil n'exclut pas l'application de l'article 1384, alinéa 1er, devenu 1242, alinéa 1er , du même code, en cas d'incendie, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;
Condamne M. [L] et la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles du Nord-Est aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles du Nord-Est et M. [L] et les condamne à payer à la Société d'études et de réalisation de gestion immobilière de construction, la société MMA Iard et la société MMA Iard assurances mutuelles, la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept octobre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la Société d'études et de réalisation de gestion immobilière de construction (Sergic), la société MMA Iard et la société MMA Iard assurances mutuelles
PREMIER MOYEN DE CASSATION
La société Sergic et les sociétés MMA font grief à l'arrêt attaqué de les AVOIR déboutées de leurs demandes tendant à voir condamner M. [D] [L] et la Crama Nord-Est à les garantir des condamnations mises à leur charge et à leur payer la somme de 29 322,46 euros et de les AVOIR condamnées solidairement à payer à la Crama Nord-Est la somme de 199 652 euros de dommages et intérêts et à M. [D] [L] la somme de 6 081 euros de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt ;
1°) ALORS QUE seul s'applique l'article 1242, alinéa 1er du code civil, lorsqu'une chose provoque directement un incendie dans l'immeuble d'un tiers, l'article 1242, alinéa 2 ne s'appliquant que lorsque l'incendie est né dans un immeuble ou une chose avant de se communiquer à l'immeuble d'un tiers ; qu'en jugeant, après avoir exclu l'application de l'article 1384, devenu 1242, alinéa 2 du code civil, en retenant que l'incendie ne s'était pas propagé depuis l'appartement de M. [D] [L] mais avait pris naissance directement dans la muralière bois reposant sur les lambourdes constituant le plancher du grenier de l'immeuble, partie commune, que l'article 1384, devenu 1242, alinéa 1er, n'était pas non plus applicable, motif pris qu'il ne « régi[rait] pas les dommages nés d'un incendie » (arrêt page 10, al. 1er), la cour d'appel a violé ce texte, par refus d'application ;
2°) ALORS QU'en toute hypothèse, le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en retenant, pour écarter la faute de M. [D] [L], que les règles de garde au feu n'existaient pas lorsque celui-ci avait installé son insert et que l'incendie avait pour origine « l'insuffisance de cette garde [au feu] du fait de la configuration de la cheminée maçonnée et de la charpente bois constituant le plancher des combles » (arrêt page 10, al. 3), sans répondre aux conclusions des exposantes (page 16, al. 4 et 5) invoquant l'existence d'autres normes de sécurité applicables au moment de l'installation de l'insert, notamment l'arrêté du 22 octobre 1969 relatif à l'isolation des conduits de cheminée, dont le non-respect était en lien avec le déclenchement de l'incendie, la cour d'appel a méconnu l'article 455 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QU'en toute hypothèse, est causale la faute sans laquelle un dommage ne se serait pas produit ; qu'en retenant, pour rejeter les demandes des exposantes tendant à voir condamner M. [L] et la Crama Nord-Est à les garantir des condamnations prononcées à leur encontre, qu'à supposer fautif le défaut d'information donné par M. [L] sur la pose de son insert, elles n'établissaient pas « le lien de causalité entre ce défaut d'information et les préjudices qu'elles [avaient] été condamnées à réparer » (arrêt page 14, al. 7), sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée (conclusions pages 15 à 17), si, informé par M. [L] de son projet d'installation d'un insert, le syndic n'aurait pas alors vérifié les conditions d'isolation du tube inox par rapport aux parties communes, constituées en grande partie de bois, et n'aurait pas demandé au copropriétaire de modifier son ouvrage pour éviter tout risque pour l'immeuble, ce qui aurait permis d'éviter l'incendie la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1240 du code civil ;
4o) ALORS QU'en toute hypothèse, est causal tout fait qui constitue l'un des antécédents du dommage ; qu'en retenant, pour rejeter les demandes des exposantes tendant à voir condamner M. [L] et la Crama Nord-Est à les garantir des condamnations prononcées à leur encontre, qu'à supposer fautif le défaut d'information donné par M. [L] sur la pose de son insert, elles n'établissaient pas « le lien de causalité entre ce défaut d'information et les préjudices qu'elles [avaient] été condamnées à réparer qui résultent de l'absence d'assurance des parties communes » (arrêt page 14, al. 7), sans rechercher si dans l'hypothèse où l'incendie n'aurait pas eu lieu si le syndicat dûment informé des travaux s'était avisé de leur non-conformité aux normes techniques et y avait remédié, le défaut d'assurance de l'immeuble n'aurait eu aucune conséquence dommageable de sorte que le dommage imputé au syndic à qui a été reprochée l'absence d'assurance avait également pour cause la faute de M. [L], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1240 du code civil ;
5°) ALORS QU'en toute hypothèse, les dommages-intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi, sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit ; qu'en condamnant la société Sergic et les sociétés MMA à rembourser à M. [D] [L] les sommes de 2 571 euros au titre des « frais de coordination en matière de sécurité et de protection restés à sa charge » outre « 3 510 euros de frais de maîtrise d'oeuvre » soit la somme totale de 6081 (arrêt page 14, al. 2), quand elle les avait également condamnées à verser à la Crama Nord-Est une « une somme de 671 euros au titre des frais de coordination en matière de sécurité et de protection, outre 3 510 euros de frais de maîtrise d'oeuvre » (arrêt page 13, dernier al.), la cour d'appel, qui a indemnisé deux fois les mêmes préjudices, a méconnu le principe de la réparation intégrale ;
SECOND MOYEN DE CASSATION
La société Sergic et les sociétés MMA font grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR prononcé la capitalisation des intérêts produits par les sommes qu'elles avaient été condamnées à verser à M. [L] et à la CRAMA Nord-Est ;
ALORS QUE le juge doit se prononcer sur tout ce qui lui est demandé et seulement sur ce qui est demandé ; qu'en retenant que les intérêts qui seraient dus sur les dommages et intérêts alloués à M. [L] et à la Crama Nord-Est seraient capitalisés quand M. [L] et la Crama Nord-Est n'avait pas formulé une telle demande, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile.
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INCA/JURITEXT000046533731.xml
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 27 octobre 2022
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 1107 F-D
Pourvoi n° S 21-16.153
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 OCTOBRE 2022
1°/ Mme [K] [F], épouse [S], domiciliée [Adresse 3],
2°/ Mme [N] [F], divorcée [J], domiciliée [Adresse 9],
ont formé le pourvoi n° S 21-16.153 contre l'arrêt rendu le 11 mars 2021 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [W] [F], domicilié [Adresse 8],
2°/ à Mme [C] [F], épouse [B], domiciliée [Adresse 7],
3°/ à M. [G] [Y], domicilié [Adresse 6],
4°/ à M. [T] [F], domicilié [Adresse 1],
5°/ à M. [W] [F],
6°/ à M. [Z] [F],
tous deux domiciliés [Adresse 8],
7°/ à M. [V] [F], domicilié [Adresse 5],
8°/ à M. [U] [F], domicilié [Adresse 4],
9°/ à Mme [A] [F], domiciliée [Adresse 10],
10°/ à Mme [P] [F], divorcée [R], domiciliée [Adresse 8],
11°/ à Mme [E] [F], épouse [X], domiciliée [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pradel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de Mme [N] [F], divorcée [J] et Mme [K] [F], épouse [S], de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de M. [Y], et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Pradel, conseiller référendaire rapporteur, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 11 mars 2021), par jugement du 20 juin 2013, un tribunal de grande instance a ordonné à M. [W] [F] et à ses enfants (les consorts [F]) de procéder aux travaux de restauration du mur séparant leurs parcelles de celle appartenant à M. [Y], et ce dans un délai de deux mois à compter de la signification du jugement, sous astreinte provisoire, d'un certain montant par jour de retard, pendant une période de trois mois.
2. Par jugement du 11 juin 2015, ce même tribunal a liquidé l'astreinte provisoire et dit qu'à défaut pour les consorts [F] d'exécuter les travaux fixés par le jugement du 20 juin 2013 dans les deux mois de la signification de la décision, ils seront condamnés à une astreinte définitive d'un certain montant par jour de retard pendant un délai de six mois.
3. M. [Y] a assigné les consorts [F] devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance en liquidation de l'astreinte définitive et en reconduction de celle-ci.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. Mme [N] [F], divorcée [J], et Mme [K] [F], épouse [S], font grief à l'arrêt de liquider l'astreinte prononcée par le jugement du tribunal de grande instance de Carcassonne à la somme de 36 000 euros et de les condamner solidairement avec M. [W] [F], Mme [C] [F] épouse [B], M. [T] [F], Mme [P] [F] épouse [R], Mme [E] [F] à payer cette somme à M. [Y], alors :
« 1°/ que le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs ; que Mmes [F] divorcée [J] et [F] épouse [S] faisaient valoir en page 12 de leurs conclusions d'appel que, postérieurement à la signification du jugement du 11 juin 2015, les consorts [F] avaient mandaté l'entreprise Zanella pour effectuer l'ensemble des travaux ordonnés par le jugement du 20 juin 2013 mais qu'en raison de l'attitude de M. [Y], cette entreprise n'a pu, grâce à l'intervention de la mairie, exécuter que les travaux relatifs à la consolidation du mur, l'attitude de M. [Y] l'ayant empêchée de terminer le travail prévu ; Qu'en s'abstenant totalement de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si M. [Y], par son attitude, avait empêché, durant l'été 2015, l'entreprise Zanella d'exécuter l'ensemble des travaux prévus dans son devis annexé au rapport d'expertise et ordonnés par le jugement du 20 juin 2013, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que le juge, tenu de faire observer et d'observer lui-même le principe de la contradiction, ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; Que M. [Y] n'a jamais soutenu dans ses conclusions d'appel que ses exigences sur la nécessité pour l'entreprise chargée de réaliser les travaux d'intervenir selon des conditions de temps, d'heures et de durée de chantier compatibles avec l'occupation des lieux par ses locataires sont parfaitement légitimes et non constitutives d'une cause étrangère empêchant l'exécution de l'obligation ; Qu'en relevant ce moyen d'office et sans inviter les parties à en débattre contradictoirement pour écarter le moyen de défense de Mmes [F] divorcée [J] et [F] épouse [S] pris de la cause étrangère constituée par le comportement du créancier de l'obligation de faire, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
5. Sous couvert d'un grief non fondé de violation de l'article 455 du code de procédure civile, le pourvoi ne tend qu'à remettre en cause le pouvoir souverain par lequel le juge du fond, sans soulever d'office un moyen de droit, a exclu l'existence d'une cause étrangère, ayant empêché l'exécution de l'obligation.
6. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
7. Mme [N] [F], divorcée [J], et Mme [K] [F], épouse [S], font grief à l'arrêt d'assortir l'obligation qui leur est faite de procéder aux travaux de restauration du mur séparant leurs parcelles de celle de M. [Y] conformément au jugement du 20 juin 2013 d'une nouvelle astreinte définitive de 200 euros par jour de retard pendant 240 jours passé le délai de quatre mois à compter de la signification du jugement entrepris, alors :
« 1°/ qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir sur le premier moyen ne pourra qu'entraîner la cassation par voie de conséquence de ce chef de condamnation ;
2°/ que constitue un aveu judiciaire la déclaration que fait en justice la partie ou son représentant spécialement mandaté ; qu'en la présente espèce, il résulte des propres conclusions d'appel de M. [Y] que Mmes [F] divorcée [J] et [F] épouse [S] ont, par courriers officiels de leur conseil à celui du créancier de l'obligation en juillet et août 2020, soit postérieurement au jugement entrepris, proposé la réalisation des travaux selon devis de l'entreprise Facades Conquoises, travaux qui ont été une nouvelle fois refusés par M. [Y] ; qu'en confirmant le jugement entrepris en ce qu'il a fixé une nouvelle astreinte définitive sans même tenir compte de l'aveu judiciaire de M. [Y] dans ses conclusions d'appel et relatif aux récentes propositions d'exécution des travaux qui lui ont été faites par les débitrices de l'obligation et qu'il a refusées, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1383-2 du code civil. »
Réponse de la Cour
8. Sous couvert du grief non fondé de violation de l'article 1383-2 du code civil, le moyen ne tend qu'à remettre en cause le pouvoir souverain par lequel le juge du fond a ordonné une nouvelle astreinte.
9. Le moyen, privé d'objet en sa première branche, n'est, pour le surplus pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [N] [F], divorcée [J], et Mme [K] [F], épouse [S] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [N] [F], divorcée [J], et Mme [K] [F], épouse [S], et les condamne à payer à M. [Y] la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept octobre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour Mme [K] [F] et Mme [N] [F], divorcée [J]
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Mesdames [N] [F] divorcée [J] et [K] [F] épouse [S] font grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir liquidé l'astreinte prononcée par le jugement du tribunal de grande instance de Carcassonne à la somme de 36.000 € et de les avoir solidairement condamnées avec Monsieur [W] [F], Madame [C] [F] épouse [B], Monsieur [T] [F], Madame [P] [F] épouse [R] et Madame [E] [F] épouse [M] à payer cette somme à Monsieur [Y] ;
ALORS QUE le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs ; Que Mesdames [F] divorcée [J] et [F] épouse [S] faisaient valoir en page 12 de leurs conclusions d'appel que, postérieurement à la signification du jugement du 11 juin 2015, les consorts [F] avaient mandaté l'entreprise ZANELLA pour effectuer l'ensemble des travaux ordonnés par le jugement du 20 juin 2013 mais qu'en raison de l'attitude de Monsieur [Y], cette entreprise n'a pu, grâce à l'intervention de la mairie, exécuter que les travaux relatifs à la consolidation du mur, l'attitude de Monsieur [Y] l'ayant empêchée de terminer le travail prévu ; Qu'en s'abstenant totalement de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si Monsieur [Y], par son attitude, avait empêché, durant l'été 2015, l'entreprise ZANELLA d'exécuter l'ensemble des travaux prévus dans son devis annexé au rapport d'expertise et ordonnés par le jugement du 20 juin 2013, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS QUE le juge, tenu de faire observer et d'observer lui-même le principe de la contradiction, ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; Que Monsieur [Y] n'a jamais soutenu dans ses conclusions d'appel que ses exigences sur la nécessité pour l'entreprise chargée de réaliser les travaux d'intervenir selon des conditions de temps, d'heures et de durée de chantier compatibles avec l'occupation des lieux par ses locataires sont parfaitement légitimes et non constitutives d'une cause étrangère empêchant l'exécution de l'obligation ; Qu'en relevant ce moyen d'office et sans inviter les parties à en débattre contradictoirement pour écarter le moyen de défense de Mesdames [F] divorcée [J] et [F] épouse [S] pris de la cause étrangère constituée par le comportement du créancier de l'obligation de faire, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Mesdames [N] [F] divorcée [J] et [K] [F] épouse [S] font grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir assorti l'obligation qui leur est faite de procéder aux travaux de restauration du mur séparant leurs parcelles de celle de Monsieur [Y] conformément au jugement du 20 juin 2013 d'une nouvelle astreinte définitive de 200 € par jour de retard pendant 240 jours passé le délai de quatre mois à compter de la signification du jugement entrepris ;
ALORS QUE, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir sur le premier moyen ne pourra qu'entraîner la cassation par voie de conséquence de ce chef de condamnation ;
ALORS QUE constitue un aveu judiciaire la déclaration que fait en justice la partie ou son représentant spécialement mandaté ; Qu'en la présente espèce, il résulte des propres conclusions d'appel de Monsieur [Y] (p.16 et 17) que Mesdames [F] divorcée [J] et [F] épouse [S] ont, par courriers officiels de leur conseil à celui du créancier de l'obligation en juillet et août 2020, soit postérieurement au jugement entrepris, proposé la réalisation des travaux selon devis de l'entreprise FACADES CONQUOISES, travaux qui ont été une nouvelle fois refusés par Monsieur [Y] ; Qu'en confirmant le jugement entrepris en ce qu'il a fixé une nouvelle astreinte définitive sans même tenir compte de l'aveu judiciaire de Monsieur [Y] dans ses conclusions d'appel et relatif aux récentes propositions d'exécution des travaux qui lui ont été faites par les débitrices de l'obligation et qu'il a refusées, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1383-2 du code civil.
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INCA/JURITEXT000046533733.xml
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 27 octobre 2022
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 1109 F-D
Pourvoi n° C 21-16.692
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 OCTOBRE 2022
La société Pacifica, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° C 21-16.692 contre l'arrêt rendu le 16 mars 2021 par la cour d'appel de Grenoble (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [B] [Z], domicilié [Adresse 3],
2°/ à la commune de [Localité 4], dont le siège est [Adresse 1], représentée par son maire en exercice,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Brouzes, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société Pacifica, de la SCP Didier et Pinet, avocat de la commune de [Localité 4], représentée par son maire en exercice, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de M. [Z], et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Brouzes, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 16 mars 2021), M. [Z], assuré auprès de la société Pacifica, est propriétaire d'un ensemble immobilier sis à [Localité 4], en Isère.
2. Le mur de soutènement entourant cette propriété s'est effondré en causant un important glissement de terrain sur une voie communale, qui a dû être fermée à la circulation. Une expertise judiciaire a été ordonnée à la demande de la commune.
3. Celle-ci a ensuite saisi un tribunal de grande instance afin d'obtenir l'indemnisation de ses préjudices.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, et sur les deuxième et troisième moyens, ci-après annexés
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. La société Pacifica fait grief à l'arrêt de condamner M. [Z] à faire réaliser à ses frais les travaux préconisés et décrits par l'expert judiciaire sous astreinte de 150 euros par jour de retard, alors « que le propriétaire d'un ouvrage dont la ruine résultant d'un vice de construction ou d'un défaut d'entretien cause à autrui un dommage est exonéré s'il prouve que la ruine de l'ouvrage provient d'un événement de force majeure ; que dès lors que le vice de construction ou le défaut d'entretien provient d'un tiers, les juges du fond doivent rechercher si ce vice de construction ou ce défaut d'entretien présentait les caractère de la force majeure, et ainsi, pour exclure l'imprévisibilité, si le propriétaire en avait connaissance ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a estimé que la ruine du mur de soutènement résultait exclusivement de sa faiblesse structurelle, de la concentration en pied de mur des eaux de toiture et de surface et d'un défaut d'entretien et qu'il était
indifférent que les travaux qui avaient fortement contribué à la fragilisation du mur, à savoir la création d'un puits d'infiltration et le remblaiement au-dessus du mur, aient été réalisés par le précédent propriétaire, et que la cause du sinistre n'était ni imprévisible ni insurmontable en l'état d'ouvrages apparents concentrant les eaux de toiture et de surface en direction du mur de soutènement non pourvu de barbacanes dans sa partie effondrée ; qu'en se fondant ainsi, pour écarter la cause d'exonération tirée de la force majeure, sur le caractère apparent des ouvrages, sans rechercher si M. [Z] connaissait l'existence du vice de construction les affectant ou leur défaut d'entretien, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1386 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause ».
Réponse de la Cour
6. Le propriétaire d'un bâtiment dont la ruine a causé un dommage en raison d'un vice de construction ou du défaut d'entretien ne peut s'exonérer de la responsabilité de plein droit par lui encourue en vertu de l'article 1386, devenu 1244, du code civil que s'il prouve que ce dommage est dû à une cause étrangère qui ne peut lui être imputée.
7. Pour retenir que la responsabilité de M. [Z] est engagée sur le fondement de cet article, l'arrêt expose que l'effondrement du mur soutenant les terres de celui-ci a pour origine exclusive la faiblesse structurelle de l'ouvrage, la concentration en pied de mur des eaux de toiture et de surface et un défaut d'entretien.
8. Il ajoute qu'il est indifférent que les travaux qui ont fortement contribué à la fragilisation du mur aient été réalisés par le précédent propriétaire de l'immeuble, dès lors que la responsabilité de plein droit de l'article 1386 du code civil est attachée à la propriété de l'ouvrage et n'exige pas la preuve rapportée d'une faute du propriétaire actuel, et que M. [Z] n'est pas fondé à invoquer l'existence d'un cas de force majeure exonératoire, dès lors que la cause du sinistre n'était ni imprévisible ni insurmontable en l'état d'ouvrages apparents concentrant les eaux de toiture et de surface en direction du mur de soutènement.
9. En l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à la recherche inopérante visée par le moyen, a légalement justifié sa décision.
10. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Pacifica aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société Pacifica et M. [Z] et condamne la société Pacifica à payer à la commune de [Localité 4] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept octobre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la société Pacifica
PREMIER MOYEN DE CASSATION
La société Pacifica fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné M. [Z] à faire réaliser à ses frais les travaux préconisés et décrits par l'expert judicaire sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
Alors 1°) que le propriétaire d'un ouvrage dont la ruine résultant d'un vice de construction ou d'un défaut d'entretien cause à autrui un dommage est exonéré s'il prouve que la ruine de l'ouvrage provient d'un évènement de force majeure ; que dès lors que le vice de construction ou le défaut d'entretien provient d'un tiers, les juges du fond doivent rechercher si ce vice de construction ou ce défaut d'entretien présentait les caractère de la force majeure, et ainsi, pour exclure l'imprévisibilité, si le propriétaire en avait connaissance ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a estimé que la ruine du mur de soutènement résultait exclusivement de sa faiblesse structurelle, de la concentration en pied de mur des eaux de toiture et de surface et d'un défaut d'entretien et qu'il était indifférent que les travaux qui avaient fortement contribué à la fragilisation du mur, à savoir la création d'un puits d'infiltration et le remblaiement au-dessus du mur) aient été réalisés par le précédent propriétaire, et que la cause du sinistre n'était ni imprévisible ni insurmontable en l'état d'ouvrages apparents concentrant les eaux de toiture et de surface en direction du mur de soutènement non pourvu de barbacanes dans sa partie effondrée (arrêt, p. 8, § 4-7) ; qu'en se fondant ainsi, pour écarter la cause d'exonération tirée de la force majeure, sur le caractère apparent des ouvrages, sans rechercher si M. [Z] connaissait l'existence du vice de construction les affectant ou leur défaut d'entretien, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1386 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause ;
Alors 2°) que seul est réparable le préjudice actuel et certain ; qu'en l'espèce, pour écarter le moyen soulevé par la société Pacifica, selon lequel la reconstruction du mur constituait une modalité de réparation d'un préjudice futur que la commune de [Localité 4] pourrait subir du fait d'un nouvel effondrement du mur supposant qu'il soit au préalable démontré que ce préjudice futur serait certain et non pas simplement hypothétique, preuve que la commune ne rapportait pas (conclusions, p. 6, § 1-8), la cour d'appel a retenu qu'un nouvel éboulement ne pouvait être exclu (arrêt, p. 9, § 4) ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a indemnisé un préjudice qui n'avait pas été subi par la commune mais qui était futur et incertain, et a ainsi violé l'article 1386 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause.
SECOND MOYEN DE CASSATION
La société Pacifica fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir constaté que la commune de [Localité 4] avait reçu de la société Pacifica la somme de 6 209,63 euros qui était de nature à réparer intégralement son préjudice de jouissance ;
Alors que pour retenir que la commune avait subi personnellement un trouble de jouissance du fait de la fermeture à la circulation du chemin de la Combe, la cour d'appel a retenu, d'une part, qu'elle était débitrice à l'égard des usagers d'une obligation d'entretien et de réparation, circonstance inopérante à caractériser un quelconque trouble de jouissance, qu'elle devait assurer par d'autres moyens la desserte des propriétés riveraines et, d'autre part, que le chemin ne desservait que deux maisons qui disposaient d'un autre accès à la voirie publique ; qu'en statuant ainsi, quand il résultait de ses constatations que la commune n'avait personnellement subi aucun trouble de jouissance, la cour d'appel a violé l'article 1386 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
La société Pacifica fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à garantir M. [Z] de l'intégralité des condamnations prononcées au profit de la commune ;
Alors 1°) que la preuve de la transaction peut être rapportée par tout moyen ; qu'elle n'est pas subordonnée à l'établissement d'un procès-verbal de constatations relatives à l'évaluation des dommages ; qu'en retenant, pour dire que la société Pacifica n'est pas fondée à soutenir que la commune aurait renoncé à toute indemnisation supplémentaire dans le cadre d'une offre d'indemnisation globale et transactionnelle, que la renonciation à un droit ne se présume pas et qu'aucun procès-verbal de constatations relatives à l'évaluation des dommages n'a été signé par la commune, la cour d'appel, qui a ajouté à l'article 2044 du code civil une condition que ce texte ne prévoit pas, l'a méconnu ;
Alors °2) que dans ses conclusions d'appel, la société Pacifica soutenait qu'elle ne pouvait être tenue à garantir, ni au titre de la garantie des dommages subis par l'assuré à son habitation, ni au titre de la garantie responsabilité civile, les dommages aux biens de l'assuré résultant d'un effondrement ; que s'agissant de l'assurance de responsabilité civile, la société Pacifica avait soutenu que les conditions générales excluaient de cette garantie les dommages subis par toute personne n'ayant pas la qualité de tiers et notamment les personnes garanties par le contrat et les dommages subis par les biens meubles et immeubles dont l'assuré a la propriété et qu'était ainsi exclue de la responsabilité civile la réfection du mur de soutènement de l'assuré (p. 9, 5 derniers §) ; qu'en se bornant à retenir que « sa couverture est en effet demandée au titre de la responsabilité civile de l'assuré, non pas en vue de la remise en état des biens de ce dernier mais en réparation du dommage propre de la commune, alors qu'il résulte des développements précédents que la reconstruction du mur de soutènement du talus appartenant à M. [Z] est indispensable pour prévenir tout nouvel effondrement et en conséquence pour sécuriser la voie ouverte à la circulation publique » (arrêt, p. 10, avant-dernier §), sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant expressément invitée, si la reconstruction d'un bien de l'assuré n'était pas exclue de la garantie responsabilité civile, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 devenu 1292 du code civil.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2 / ELECT
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 27 octobre 2022
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 1102 F-D
Pourvoi n° Y 22-60.139
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 OCTOBRE 2022
M. [O] [Y], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Y 22-60.139 contre le jugement rendu le 19 mai 2022 par le tribunal de proximité de Menton (contentieux des élections politiques), dans le litige l'opposant à M. [F] [S], domicilié [Adresse 3], défendeur à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pradel, conseiller référendaire, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Pradel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal de proximité de Menton, 19 mai 2022), rendu en dernier ressort, par jugement du 28 janvier 2022, le tribunal de proximité de Menton a rejeté le recours formé par M. [Y] tendant à la radiation de l'inscription de M. [S] sur la liste électorale de la commune de Menton, dans laquelle se tenaient des élections municipales le 30 janvier 2022.
2. Un arrêt du 24 mars 2024 (2e Civ., 24 mars 2022, pourvoi n° 22-60.102) a rejeté le pourvoi formé par M. [Y] contre cette décision.
3. Par requête déposée au greffe du tribunal de proximité de Menton le 24 mars 2022, M. [Y] a sollicité, sur le fondement de l'article L. 20 du code électoral, la radiation de M. [S] de la liste électorale de la commune de Menton aux motifs que l'adresse indiquée sur cette commune ne correspondait pas à son domicile réel.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. M. [Y] fait grief au jugement de rejeter son recours tendant à la radiation de l'inscription de M. [S] sur la liste électorale de la commune de Menton, alors qu'il résulte de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal indépendant et impartial. Il soutient que cette exigence est rappelée à l'article L. 111-5 du code de l'organisation judiciaire, à l'article 339 du code de procédure civile et par le recueil des obligations déontologiques des magistrats et qu'en l'espèce, le président du tribunal de proximité, qui s'était déjà prononcé par jugement du 28 janvier 2022 sur l'inscription électorale de M. [S] a violé ces textes, en jugeant une deuxième affaire ayant le même objet et en examinant seulement des éléments qui semblaient présenter un caractère nouveau, sans respecter le principe de la contradiction.
Réponse de la Cour
5. M. [Y], qui avait connaissance de la cause de récusation avant la clôture des débats, n'est pas recevable à invoquer devant la Cour de cassation la violation de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'il n'a pas fait usage de la possibilité d'en obtenir le respect en récusant la présidente du tribunal de proximité avant la clôture des débats.
6. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
Sur les trois derniers moyens
Enoncé des moyens
7. M. [Y] fait le même grief au jugement, alors :
2°/ qu'il résulte de l'article L. 20 du code électoral que tout électeur inscrit sur la liste électorale de la commune peut demander, auprès du tribunal judiciaire, l'inscription ou la radiation d'un électeur omis ou indûment inscrit ou contester la décision de radiation ou d'inscription d'un électeur ; que la décision prise par le maire de [Localité 2] afin d'inscrire M. [S] au titre de l'article L. 30, 2° bis, publiée le 25 janvier 2022, a fait l'objet d'un recours au titre des articles L. 32 et L. 20 du code électoral, que plus tard, suite à la réunion de la commission de contrôle en date du 18 mars 2022, le tableau des mouvements sur la liste électorale, publié le 21 mars 2022, a fait l'objet d'un recours le 24 mars 2022 ; que si les deux recours exercés devant le tribunal de proximité concernent l'inscription sur la liste électorale de M. [S], il s'agit cependant de deux actions distinctes, les deux actions ayant une cause bien distincte, qu'en conséquence, le tribunal de proximité, en retenant que ces deux recours avaient une seule et même cause, a violé l'article L. 20 du code électoral.
3°/ qu'il résulte de l'article L. 30, 2° bis, du code électoral que peuvent demander à être inscrits sur la liste électorale de la commune entre le sixième vendredi précédant le scrutin et le dixième jour précédant ce scrutin les personnes qui établissent leur domicile dans une autre commune pour un motif professionnel après la clôture des délais d'inscription, ainsi que les membres de leur famille domiciliés avec elles à la date du changement de domicile et de l'article L. 31 du code électoral que le maire vérifie si la demande d'inscription répond aux conditions fixées à l'article L. 30 ainsi qu'aux autres conditions fixées au I de l'article L. 11 ou aux articles L. 12 à L. 15, qu'en conséquence, les personnes pouvant bénéficier des dispositions de l'article L. 30 doivent en tout état de cause avoir leur « domicile réel dans la commune » ; qu'en l'espèce, après avoir déjà constaté que le lieu de l'établissement principal de M. [S] en qualité d'entrepreneur individuel était à Roquebrune-Cap-Martin, le jugement du tribunal de proximité, qui n'a visé aucune pièce montrant le fait d'une habitation réelle et par essence unique, et refusé d'examiner l'ensemble des moyens présentés au profit de ceux présentant un caractère de nouveauté, a violé les textes susmentionnés.
4°/ que l'ensemble des cas visés par l'article L. 30 du code électoral concerne des situations subies et non choisies, telles que la mutation, la retraite, la libération des obligations militaires, ou l'acquisition de la majorité, de la nationalité française ainsi que le recouvrement des droits civils ; qu'en l'espèce M. [S], ayant choisi de louer à [Localité 2], dans les mois des élections, un studio meublé pour y domicilier une société au capital de 50 euros, créée moins d'un mois avant le scrutin, ne peut être regardé comme entrant dans le champ des exceptions prévues à l'article L. 30 du code électoral ; qu'en retenant que le motif professionnel visé à l'article L. 30 vise le cas des personnes ayant fait l'objet d'une mutation professionnelle, ayant trouvé un emploi ou créé leur entreprise, alors que M. [S] n'avait pas créé son entreprise, puisqu'il exerçait déjà depuis 2020 la même activité déclarée sous la forme d'entreprise individuelle, en mars 2021, le tribunal de proximité a violé le texte susmentionné.
Réponse de la Cour
8. Le tribunal, appréciant les éléments nouveaux invoqués par M. [Y], a souverainement jugé qu'ils étaient insuffisants à établir que le domicile réel de M. [S] n'était pas situé sur la commune de Menton.
9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept octobre deux mille vingt-deux.
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INCA/JURITEXT000046533732.xml
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 27 octobre 2022
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 1108 F-D
Pourvoi n° W 21-15.996
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 OCTOBRE 2022
La société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° W 21-15.996 contre l'arrêt rendu le 9 mars 2021 par la cour d'appel de Montpellier (5e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Groupama Méditerranée, dont le siège est [Adresse 5], caisse de réassurances mutuelles agricoles,
2°/ à la société Travaux en prestations de services agricoles de Cuxac, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Brouzes, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Axa France IARD, de la SCP Didier et Pinet, avocat de la société Groupama Méditerranée, de la société Travaux en prestations de services agricoles de Cuxac, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Brouzes, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 9 mars 2021), le [Adresse 3], assuré auprès de la société Axa France Iard (la société Axa), a consenti un bail à ferme viticole sur des parcelles de vigne à la société Saint-Pierre, laquelle a conclu une convention de moyens techniques avec la société Travaux en prestations de services agricoles de Cuxac (la société TPSAC), assurée auprès de la société Groupama Méditerranée, prévoyant la mise à disposition à titre gratuit de matériels en contrepartie de l'entretien et de l'exploitation des vignes.
2. Un incendie accidentel ayant endommagé les bâtiments du domaine, la société Axa, subrogée dans les droits de son assuré, a saisi un tribunal afin d'obtenir le paiement des indemnités qu'elle lui avait versées.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. La société Axa fait grief à l'arrêt de la débouter de l'intégralité de ses demandes dirigées contre les sociétés Groupama Méditerranée et TPSAC, alors « que lorsque l'obligation de restituer porte sur un corps certain et déterminé, le débiteur n'est libéré de son obligation, lorsque la chose a péri, que s'il est en mesure de prouver l'existence d'un cas fortuit ou l'absence de faute de sa part ; qu'en l'espèce, pour débouter la compagnie Axa France Iard de ses demandes contre la société Groupama Méditerranée et son assurée la société TPSAC, tendant au remboursement des sommes qu'elle avait versées au GFA et à son gérant M. [T], en indemnisation d'un incendie survenu en mai 2011 dans les bâtiments appartenant au GFA, donnés à bail à la société Saint-Pierre, laquelle avait conclu avec la société TPSAC une convention de mise à disposition des équipements et matériels agricoles du domaine, ainsi qu'une convention de prestation de services, la cour d'appel a considéré que les éléments produits par les parties ne permettaient pas d'établir avec certitude l'origine de l'incendie et que la société Axa « ne démontr[ait] pas un lien de causalité entre son préjudice d'indemnisation de son assuré et une faute d'un employé sous la direction de la société TPSAC bénéficiaire des conventions de prestation d'exploitation des vignes et de mise à disposition de matériels entreposés dans le bâtiment », « l'absence de preuve d'une origine fautive de l'incendie » devant « nécessairement » conduire à écarter « l'application des dispositions de l'article 1302 du code civil qui n'envisage l'obligation que dans le cas de la faute du débiteur » ; qu'en statuant de la sorte, quand il incombait à la société TPSAC, occupante des locaux dans lesquels se trouvaient les biens détruits, de prouver que l'incendie avait pour origine un cas fortuit ou qu'elle n'avait pas commis de faute, la cour d'appel a violé l'article 1302 du code civil (dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016), ensemble l'article 1315 (désormais 1353) du même code ».
Réponse de la Cour
Vu l'article 1302 du code civil, dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
4. Selon ce texte, lorsque l'obligation de restituer porte sur un corps certain et déterminé et que celui-ci vient à périr, le débiteur ne peut s'exonérer qu'en rapportant la preuve de l'absence de faute de sa part ou d'un cas fortuit.
5. Pour rejeter la demande de la société Axa, l'arrêt, après avoir constaté que ni l'enquête de police, ni l'expertise, ne permettent d'établir la certitude de l'origine de l'incendie qui résulterait d'une faute de l'employé de l'exploitation des vignes dans le branchement d'un matériel dans le bâtiment, retient que l'assureur ne démontre pas un lien de causalité entre son préjudice d'indemnisation de son assuré et une faute d'un employé sous la direction de la société TPSAC, bénéficiaire des conventions de prestation d'exploitation des vignes et de mise à disposition de matériels entreposés dans le bâtiment. Il énonce que l'absence de preuve d'une origine fautive de l'incendie écarte nécessairement l'application des dispositions de l'article 1302 du code civil, lequel n'envisage l'obligation que dans le cas de la faute du débiteur.
6. En statuant ainsi, alors qu'il appartenait à la société TPSAC, débitrice de l'obligation de restitution, de rapporter la preuve d'une absence de faute ou d'un cas fortuit, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Condamne la société Travaux en prestations de services agricoles de Cuxac et la société Groupama Méditerranée aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept octobre deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Axa France IARD
La société AXA FRANCE IARD fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de l'intégralité de ses demandes dirigées contre la société GROUPAMA MEDITERRANEE et contre la société TPSAC,
ALORS QUE lorsque l'obligation de restituer porte sur un corps certain et déterminé, le débiteur n'est libéré de son obligation, lorsque la chose a péri, que s'il est en mesure de prouver l'existence d'un cas fortuit ou l'absence de faute de sa part ; qu'en l'espèce, pour débouter la compagnie AXA FRANCE IARD de ses demandes contre la société GROUPAMA MEDITERRANEE et son assurée la SARL TPSAC, tendant au remboursement des sommes qu'elle avait versées au [Adresse 2] et à son gérant M. [T], en indemnisation d'un incendie survenu en mai 2011 dans les bâtiments appartenant au GFA, donnés à bail à l'EARL SAINT-PIERRE, laquelle avait conclu avec la SARL TPSAC une convention de mise à disposition des équipements et matériels agricoles du domaine, ainsi qu'une convention de prestation de services, la cour d'appel a considéré que les éléments produits par les parties ne permettaient pas d'établir avec certitude l'origine de l'incendie et que la société AXA FRANCE IARD « ne démontr[ait] pas un lien de causalité entre son préjudice d'indemnisation de son assuré et une faute d'un employé sous la direction de la SARL TPSAC bénéficiaire des conventions de prestation d'exploitation des vignes et de mise à disposition de matériels entreposés dans le bâtiment », « l'absence de preuve d'une origine fautive de l'incendie » devant « nécessairement » conduire à écarter « l'application des dispositions de l'article 1302 du Code civil qui n'envisage l'obligation que dans le cas de la faute du débiteur » ; qu'en statuant de la sorte, quand il incombait à la société TPSAC, occupante des locaux dans lesquels se trouvaient les biens détruits, de prouver que l'incendie avait pour origine un cas fortuit ou qu'elle n'avait pas commis de faute, la cour d'appel a violé l'article 1302 du code civil (dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016), ensemble l'article 1315 (désormais 1353) du même code.
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INCA/JURITEXT000047984109.xml
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° H 23-80.437 F-D
N° 01040
9 AOÛT 2023
ECF
QPC INCIDENTE : NON LIEU À RENVOI AU CC
Mme DE LA LANCE conseiller doyen faisant fonction de président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 9 AOÛT 2023
Mme [F] [C], épouse [I], a présenté, par mémoire spécial reçu le 15 mai 2023, une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi formé par elle contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-3, en date du 19 janvier 2023, qui, pour proxénétisme aggravé, l'a condamnée à deux ans d'emprisonnement, dont un an avec sursis, dix ans d'interdiction de détenir ou porter une arme soumise à autorisation, cinq ans d'interdiction de séjour et une confiscation.
Sur le rapport de M. Turbeaux, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de Mme [F] [C], épouse [I], et les conclusions de Mme Viriot-Barrial, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 août 2023 où étaient présents Mme de la Lance, conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Turbeaux, conseiller rapporteur, M. Wyon, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« Les dispositions de l'article 225-5, 1°, du code pénal, en ce qu'elles répriment le fait par quiconque, et y compris par une personne exerçant une activité prostitutionnelle, de quelque manière que ce soit, d'aider, d'assister ou de protéger la prostitution d'autrui, même sans en retirer ou avoir pour but d'en retirer un quelconque avantage ou profit, portent-elles atteinte aux principes constitutionnels de nécessité des délits et des peines et de fraternité garantis respectivement par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et par les articles 2 et 72-3 de la Constitution ? ».
2. La disposition législative contestée est applicable à la procédure et n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.
3. La question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.
4. La question posée ne présente pas un caractère sérieux, dès lors que l'article 225-5, 1°, du code pénal est rédigé dans des termes qui permettent au juge d'apprécier si le comportement incriminé constitue un acte d'entraide ayant pour objet de préserver le respect de la dignité de la personne ou, au contraire, de favoriser la prostitution d'autrui et est susceptible de recevoir la qualification de proxénétisme, de sorte qu'il ne méconnaît ni le principe de nécessité des délits et des peines, ni celui de fraternité.
5. En conséquence, il n'y a pas lieu de renvoyer la question au Conseil constitutionnel.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en audience publique du neuf août deux mille vingt-trois.
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INCA/JURITEXT000047984108.xml
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° P 23-83.410 F-D
Q 23-83.411
N° 01038
ECF
9 AOÛT 2023
REJET
Mme DE LA LANCE conseiller doyen faisant fonction de président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 9 AOÛT 2023
M. [U] [B] a formé des pourvois :
- contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Angers, en date du 10 mai 2023, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de viols, viol aggravé et agression sexuelle, a prononcé sur la publicité des débats (pourvoi n° 23-83.411) ;
- contre l'arrêt de ladite chambre de l'instruction, en date du 17 mai 2023, qui, dans la même information, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention rejetant sa demande de mise en liberté (pourvoi n° 23-83.410).
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Un mémoire personnel et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Rouvière, conseiller référendaire, et les conclusions de Mme Viriot-Barrial, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 août 2023 où étaient présents Mme de la Lance, conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Rouvière, conseiller rapporteur, M. Wyon, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte des arrêts attaqués et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. [U] [B], mis en examen des chefs susvisés, a été placé en détention provisoire le 9 mai 2022.
3. Par ordonnance du 17 avril 2023, le juge des libertés et de la détention a rejeté sa demande de mise en liberté formée le 7 avril 2023.
4. M. [B] a relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le second moyen concernant l'arrêt du 17 mai 2023
5. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le moyen concernant l'arrêt du 10 mai 2023
Enoncé du moyen
6. Le moyen est pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et 199 du code de procédure pénale.
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande tendant à ce que l'audience soit tenue hors la présence du public, alors que la publicité de deux précédentes audiences ne pouvait justifier ce rejet, que la publicité portait atteinte à la sérénité des débats, en ce qu'elle ne permettait pas à M. [B] de s'exprimer sans ressentir une forte pression, à la présomption d'innocence, en ce qu'elle conduisait à aborder publiquement les charges accumulées à son encontre, et aux intérêts de ses enfants.
Réponse de la Cour
8. Pour rejeter la demande de M. [B], l'arrêt attaqué, après avoir rappelé que le principe était celui de la publicité des débats, énonce que l'affaire a déjà été par deux fois évoquée en audience publique, le 25 mai 2022 et le 3 août 2022, et qu'il n'est pas justifié en quoi des débats publics seraient de nature à porter atteinte à la présomption d'innocence de la personne mise en examen ou à la sérénité des débats.
9. En l'état de ces énonciations, relevant de son pouvoir souverain d'appréciation des faits et circonstances de la cause, et dont il ressort qu'en raison de la publicité des précédentes audiences, un huis clos à ce stade de la procédure ne permettrait d'atteindre aucun des objectifs invoqués par M. [B], la chambre de l'instruction a justifié sa décision.
10. Ainsi, le moyen doit être écarté.
Sur le premier moyen concernant l'arrêt du 17 mai 2023
Enoncé du moyen
11. Le moyen est pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et 199 du code de procédure pénale.
12. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention rejetant la demande de mise en liberté de M. [B], alors que la cassation de l'arrêt du 10 mai 2023 entraîne par voie de conséquence celle de l'arrêt du 17 mai 2023.
Réponse de la Cour
13. En raison du rejet du pourvoi formé contre l'arrêt du 10 mai 2023, le moyen est devenu sans objet.
14. Par ailleurs, les arrêts sont réguliers en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE les pourvois ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du neuf août deux mille vingt-trois.
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INCA/JURITEXT000047984105.xml
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° M 23-83.132 F-D
N° 01035
ECF
9 AOÛT 2023
CASSATION PARTIELLE
Mme DE LA LANCE conseiller doyen faisant fonction de président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 9 AOÛT 2023
Mme [E] [K], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, en date du 18 avril 2023, qui, dans l'information suivie contre M. [Z] [F] et la société EURL [O] des chefs d'homicide involontaire aggravé, destruction involontaire par un moyen dangereux et infractions à la réglementation sur l'hygiène et la sécurité des travailleurs, a confirmé l'ordonnance de non-lieu partiel rendue par le juge d'instruction.
Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits.
Sur le rapport de M. Rouvière, conseiller référendaire, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de Mme [E] [K], les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [Z] [O] et de la société EURL [O], et les conclusions de Mme Viriot-Barrial, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 août 2023 où étaient présents Mme de la Lance, conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Rouvière, conseiller rapporteur, M. Wyon, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 26 octobre 2018, M. [I] [R], employé de la société EURL [O] (la société) a reçu du dirigeant de celle-ci, M. [Z] [F], l'ordre de procéder à une soudure sur un container dans un hangar de l'entreprise.
3. Cette soudure, réalisée sans respect des normes de sécurité et par un employé non formé, a provoqué un incendie que des salariés de la société ont tenté d'éteindre.
4. L'un d'eux, [H] [G], est décédé, les pompiers n'étant pas parvenus à l'extraire du hangar en feu.
5. Le 16 avril 2019, [V] [M] [K], l'un des pompiers, s'est suicidé. Son épouse, Mme [E] [K], a porté plainte et s'est constituée partie civile.
6. Le juge d'instruction a renvoyé M. [O] et la société devant le tribunal correctionnel sous la prévention susvisée et, s'agissant du décès de [V] [M] [K], a dit n'y avoir lieu à suivre contre quiconque du chef d'homicide involontaire.
7. Mme [K] a relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le second moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches
8. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance de non-lieu relative au délit d'homicide involontaire commis au préjudice de [V] [M] [K], alors « que la chambre de l'instruction ne peut tenir compte d'un mémoire qu'elle a déclaré irrecevable comme étant tardif ; qu'en mentionnant que M. [R] concluait à la confirmation de l'ordonnance de non-lieu, cependant qu'en déclarant irrecevable le mémoire déposé par le conseil de l'intéressé, la chambre de l'instruction a violé les articles préliminaire et 198 du code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ».
Réponse de la Cour
10. Après avoir énoncé que le mémoire déposé au greffe de la chambre de l'instruction le 14 mars 2023 au soutien des intérêts de M. [R] devait être déclaré irrecevable comme ayant été déposé hors délai, l'arrêt attaqué mentionne que M. [R] conclut par mémoire à la confirmation de l'ordonnance de non-lieu.
11. C'est à tort que les juges font état du contenu d'un mémoire dont ils constatent qu'il est irrecevable.
12. Cependant, la demanderesse ne saurait s'en faire un grief, dès lors que son appel n'a été déclaré recevable qu'à l'encontre du non-lieu prononcé à l'égard de M. [O] et de la société pour le délit d'homicide involontaire commis au préjudice de [V] [M] [K], et qu'elle ne critiquait pas devant la chambre de l'instruction la décision de non-lieu rendue à l'égard de M. [R].
13. Ainsi, le moyen ne peut être accueilli.
Mais sur le second moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches
Enoncé du moyen
14. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance de non-lieu relative au délit d'homicide involontaire commis au préjudice de [V] [M] [K], alors :
« 1°/ que les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, sont responsables pénalement s'il est établi qu'elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer ; qu'en exigeant un lien de causalité direct entre la faute délibérée reprochée à M. [O] et le décès de [V] [M] [K], la chambre de l'instruction a violé les articles 121-3 et 221-6 du code pénal ;
2°/ qu'en retenant, par motifs à supposer adoptés, qu'il résultait du rapport d'expertise psychologique que le suicide de [V] [M] [K] ne trouvait pas son origine dans l'incendie, lorsqu'elle constatait que cette expertise psychologique faisait état de ce que l'incendie avait généré chez [V] [M] [K] un état de stress post-traumatique, que l'impact de cet événement avait réveillé des blessures non cicatrisées de son passé et notamment des réminiscences massives du suicide paternel et que ladite expertise avait conclu que le suicide de l'intéressé avait été nourri notamment par un état de stress post-traumatique suite à l'incendie, la chambre de l'instruction a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et a violé l'article 593 du code de procédure pénale ;
3°/ que l'imputabilité du dommage doit être appréciée sans qu'il soit tenu compte des prédispositions de la victime dès lors que ces prédispositions n'avaient pas déjà eu des conséquences préjudiciables au moment où s'est produit le fait dommageable ; qu'en se bornant à constater que [V] [M] [K] présentait un fond dépressif antérieur et que l'intéressé souffrait manifestement de troubles psychologiques ayant leur origine dans une histoire personnelle difficile n'ayant aucun rapport avec les faits poursuivis, lorsqu'il suffisait que l'incendie et l'état de stress post-traumatique qui s'en est suivi aient été une condition sine qua non du suicide de l'intéressé, la chambre de l'instruction s'est prononcée par des motifs inopérants et a violé les articles 121-3 et 221-6 du code pénal et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 121-3 et 221-6 du code pénal :
15. Ces textes n'exigent pas, pour que soit engagée la responsabilité pénale de l'auteur d'une faute délibérée, un lien de causalité direct entre cette faute et le décès de la victime mais seulement l'existence d'un lien de causalité certain.
16. Pour confirmer l'ordonnance du juge d'instruction en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à suivre contre quiconque du chef d'homicide involontaire au préjudice de [V] [M] [K], l'arrêt attaqué retient qu'il résulte d'une expertise psychologique que ce dernier présentait des troubles de l'affectivité, manifestés par une anxiété de fond et des mouvements dépressifs avec, en parallèle, une forme de rigidité, de perfectionnisme, une probable exigence voire intransigeance à l'égard de lui-même et des autres.
17. Les juges ajoutent que, selon cette expertise, l'incendie a généré chez lui un état de stress post-traumatique et réveillé des blessures non cicatrisées de son passé, que le suicide semble avoir été nourri par différents facteurs endogènes et exogènes, soit le suicide paternel, les agressions sexuelles intra-familiales, la rupture familiale partielle qui en avait résulté, la complexité de la relation conjugale, les troubles de l'affectivité, deux interventions professionnelles vécues comme des échecs et un état de stress post-traumatique suite à l'incendie, de sorte que l'incendie ne peut à lui seul expliquer l'agir suicidaire.
18. Ils énoncent encore que [V] [M] [K] avait toujours été rempli de « peur intérieure » et que sa relation avec son épouse s'était dégradée en raison du traumatisme de l'intervention mais également de problèmes professionnels et de difficultés liées à la construction de leur maison et qu'il avait déjà fait part à son entourage d'intentions suicidaires en avril 2019 et avait même été hospitalisé sous contrainte.
19. Les juges en concluent qu'il n'est pas établi qu'un lien de causalité direct existe entre les faits reprochés à M. [O] et à la société et le décès de [V] [M] [K].
20. En prononçant ainsi, sans rechercher ni exclure l'existence d'un lien de causalité indirect mais certain entre les fautes délibérées qu'elle retient à l'encontre de M. [O] et de la société et le décès de [V] [M] [K], la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.
21. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
22. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives au délit d'homicide involontaire au préjudice de [V] [M] [K]. Les autres dispositions seront donc maintenues.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, en date du 18 avril 2023, mais en ses seules dispositions relatives au délit d'homicide involontaire au préjudice de [V] [M] [K], toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du neuf août deux mille vingt-trois.
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INCA/JURITEXT000047984111.xml
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° G 23-90.006 F-D
N° 01042
9 AOÛT 2023
ECF
QPC PRINCIPALE : NON LIEU À RENVOI AU CC
Mme DE LA LANCE conseiller doyen faisant fonction de président,
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 9 AOÛT 2023
Le tribunal correctionnel de La Rochelle, par jugement en date du 15 mai 2023, reçu le 22 mai 2023 à la Cour de cassation, a transmis des questions prioritaires de constitutionnalité dans la procédure suivie contre M. [H] [V] du chef d'infractions au code rural et de la pêche maritime.
Sur le rapport de M. Rouvière, conseiller référendaire, et les conclusions de Mme Viriot-Barrial, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 août 2023 où étaient présents Mme de la Lance, conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Rouvière, conseiller rapporteur, M. Wyon, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. La première question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« L'article L. 944-5 du code rural et de la pêche maritime, en ce qu'il peut fonder une juridiction répressive à « décider que le paiement des amendes prononcées à raison des faits commis par le capitaine ou un membre de l'équipage d'un navire est en totalité ou en partie à la charge de l'armateur, qu'il soit propriétaire ou non du navire » porte-t-il atteinte au principe de légalité des délits et des peines garanti notamment par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et les engagements internationaux de la France, en ce que cette décision est alors uniquement fondée « compte-tenu des circonstances » et « notamment des conditions de travail de l'intéressé » en ne répondant pas à l'obligation de valeur constitutionnelle (OBV) d'intelligibilité de la loi ? ».
2. La seconde question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« L'article L. 944-5 du code rural et de la pêche maritime, en ce qu'il peut fonder une juridiction répressive à « décider que le paiement des amendes prononcées à raison des faits commis par le capitaine ou un membre de l'équipage d'un navire est en totalité ou en partie à la charge de l'armateur, qu'il soit propriétaire ou non du navire » porte-t-il atteinte au principe constitutionnel fondamental d'individualisation des délits et des peines en matière pénale ? ».
3. La disposition législative contestée est applicable à la procédure et n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.
4. Les questions, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, ne sont pas nouvelles.
5. Les questions posées ne présentent pas un caractère sérieux pour les motifs qui suivent.
6. D'une part, en prévoyant que le juge tient compte des circonstances, et notamment des conditions de travail du capitaine ou du membre de l'équipage ayant commis l'infraction, la loi invite la juridiction à rechercher si l'organisation du travail imposée par l'armateur a eu pour effet de favoriser la commission de l'infraction.
7. D'autre part, la disposition contestée n'a pas pour effet d'engager la responsabilité pénale de l'armateur.
8. Il en résulte que ce texte ne comporte aucune atteinte aux principes de légalité et de personnalité des peines.
9. Par conséquent, il n'y a pas lieu de renvoyer les questions au Conseil constitutionnel.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en audience publique du neuf août deux mille vingt-trois.
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INCA/JURITEXT000047984110.xml
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° B 23-80.409 F-D
N° 01041
9 AOÛT 2023
ECF
QPC INCIDENTE : NON LIEU À RENVOI AU CC
Mme DE LA LANCE conseiller doyen faisant fonction de président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 9 AOÛT 2023
M. [Z] [E] a présenté, par mémoire spécial reçu le 15 mai 2023, deux questions prioritaires de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi formé par lui contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, 12e chambre, en date du 13 janvier 2023, qui, pour violences aggravées, l'a condamné à dix-huit mois d'emprisonnement dont six mois avec sursis probatoire et a prononcé sur les intérêts civils.
Sur le rapport de Mme Thomas, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [Z] [E], et les conclusions de Mme Viriot-Barrial, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 août 2023 où étaient présents Mme de la Lance, conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Thomas, conseiller rapporteur, M. Wyon, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. La première question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« L'article 510 du code de procédure pénale méconnaît-il la garantie des droits protégée par l'article 16 de la déclaration de 1789 en ce qu'il réserve aux seuls appelants le droit de demander le renvoi en formation collégiale de l'audience devant la chambre des appels correctionnels en cas d'appel d'un jugement correctionnel rendu à juge unique, ce qui exclut le prévenu du bénéfice de ce droit en cas d'appel, par le parquet ou la partie civile, du jugement de relaxe dont il a bénéficié ? ».
2. La seconde question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« A supposer que l'article 510 du code de procédure pénale accorde au prévenu le droit de demander à la chambre des appels correctionnels le renvoi de l'audience en formation collégiale, en cas d'appel du jugement de relaxe dont il a bénéficié par le parquet ou les parties civiles, ce texte ne méconnaît-il pas, en toute hypothèse, la garantie des droits protégée par l'article 16 de la déclaration de 1789 dès lors qu'il prévoit que cette demande doit être formulée dans le mois de la déclaration d'appel et alors que le prévenu n'est pas nécessairement informé dans ce délai de ce qu'un appel a été formé contre le jugement de relaxe dont il a bénéficié ? ».
3. La disposition législative contestée, dans sa version issue de la loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020, applicable à la procédure, n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.
4. Les questions, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, ne sont pas nouvelles.
5. Les questions posées ne présentent pas un caractère sérieux, dès lors que, d'une part, les modalités de composition des formations de jugement sont sans incidence sur l'obligation de respecter les droits de la défense et le droit à un procès équitable tels que garantis par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
6. D'autre part, la personne prévenue qui, renvoyée des fins de la poursuite par le tribunal correctionnel statuant à juge unique et qui, intimée devant la cour d'appel par suite de l'appel du ministère public ou de la partie civile, n'a pas la qualité d'appelante lui conférant le droit ouvert par l'article 510 du code de procédure pénale, par une demande formulée dans le mois suivant la déclaration d'appel, de voir examiner l'affaire par une formation collégiale, dispose, en tout état de cause, sur le fondement de cette même disposition, du droit, comme toute partie ou le ministère public, de demander au juge d'appel de renvoyer l'affaire devant la chambre des appels correctionnels statuant en formation collégiale.
7. En conséquence, il n'y a pas lieu de renvoyer les questions au Conseil constitutionnel.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en audience publique du neuf août deux mille vingt-trois.
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INCA/JURITEXT000047984104.xml
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° A 23-83.283 F-D
N° 01034
ECF
9 AOÛT 2023
NON-LIEU A STATUER
Mme DE LA LANCE conseiller doyen faisant fonction de président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 9 AOÛT 2023
M. [N] [C] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Metz, en date du 6 mai 2023, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de tentative de vol en bande organisée et rébellion, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention rejetant sa demande de mise en liberté.
Sur le rapport de Mme Piazza, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [N] [C], et les conclusions de Mme Viriot-Barrial, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 août 2023 où étaient présents Mme de la Lance, conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Piazza, conseiller rapporteur, M. Wyon, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
Vu l'article 606 du code de procédure pénale :
1. Il résulte de l'examen de la fiche pénale de M. [N] [C] que celui-ci a été remis en liberté le 20 juillet 2023.
2. Dès lors, son pourvoi est devenu sans objet.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
DIT n'y avoir lieu à statuer sur le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du neuf août deux mille vingt-trois.
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INCA/JURITEXT000047984112.xml
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° W 23-82.083 F-D
N° 01043
9 AOÛT 2023
ECF
QPC INCIDENTE : NON LIEU À RENVOI AU CC
Mme DE LA LANCE conseiller doyen faisant fonction de président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 9 AOÛT 2023
M. [L] [G] a présenté, par mémoire spécial reçu le 1er juin 2023, une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi formé par lui contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 5e section, en date du 29 mars 2023, qui, dans la procédure d'extradition suivie contre lui à la demande du gouvernement moldave, a émis un avis favorable.
Sur le rapport de Mme Thomas, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [L] [G], et les conclusions de Mme Viriot-Barrial, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 août 2023 où étaient présents Mme de la Lance, conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Thomas, conseiller rapporteur, M. Wyon, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« Les dispositions de l'article 696-13 du code de procédure pénale, en ce qu'elles ne prévoient pas que la personne qui comparaît devant la chambre de l'instruction, saisie pour avis sur une demande d'extradition, soit informée de son droit, au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire, et l'interprétation qui en est faite par la Cour de cassation selon laquelle le défaut de notification du droit de se taire n'a pas d'incidence sur la régularité de l'arrêt de la chambre de l'instruction, sont-elles contraires au principe de la présomption d'innocence selon lequel nul n'est tenu de s'accuser et aux droits de la défense, garantis par les articles 9 et 16 de la Déclaration de 1789 ? ».
2. La disposition législative contestée est applicable à la procédure et n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.
3. La question, ne portant pas sur l'interprétation de dispositions constitutionnelles dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.
4. La question posée ne présente pas un caractère sérieux, dès lors que la procédure d'extradition ne conduit pas les juridictions françaises compétentes à recueillir des éléments d'accusation à l'égard de la personne réclamée.
5. L'audition, devant la chambre de l'instruction, de cette personne, assistée de son avocat, ne vise qu'à constater son identité, à recevoir ses déclarations sur la procédure dont elle fait l'objet, et à lui permettre de consentir ou non à sa remise, et non à la soumettre à un interrogatoire sur les faits objet de la demande d'extradition. L'avis que donne la chambre de l'instruction, qui a pour mission de vérifier la régularité formelle de la demande de remise, d'en contrôler les autres conditions de légalité et de s'assurer du respect des droits fondamentaux de la personne réclamée, ne la conduit pas à statuer sur le bien-fondé des poursuites pénales qui sont à l'origine de la demande, l'appréciation de l'accusation appartenant exclusivement à l'Etat requérant, lequel n'est pas partie.
6. Ainsi, l'absence de notification du droit de se taire dans cette phase de la procédure n'est pas contraire aux droits de la défense, et notamment au droit de la personne de ne pas contribuer à sa propre incrimination.
7. Par conséquent, il n'y a pas lieu de renvoyer la question au Conseil constitutionnel.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en audience publique du neuf août deux mille vingt-trois.
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INCA/JURITEXT000047984106.xml
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° C 23-83.055 F-D
N° 01036
ECF
9 AOÛT 2023
REJET
Mme DE LA LANCE conseiller doyen faisant fonction de président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 9 AOÛT 2023
Mme [D] [S] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Riom, en date du 3 mai 2023, qui, dans la procédure d'extradition suivie contre elle à la demande du gouvernement helvétique, a rejeté sa demande de mise en liberté.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Thomas, conseiller, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de Mme [D] [S], et les conclusions de Mme Viriot-Barrial, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 août 2023 où étaient présents Mme de la Lance, conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Thomas, conseiller rapporteur, M. Wyon, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 28 septembre 2022, le procureur général a notifié à Mme [D] [S], de nationalité suisse, une demande d'arrestation provisoire des autorités helvétiques fondée sur un mandat d'arrêt du 5 novembre 2021, aux fins de poursuites pénales du chef d'enlèvement d'enfant.
3. Le même jour, Mme [S] a été placée sous assignation à résidence avec surveillance électronique. Cette mesure a été révoquée et l'intéressée placée sous écrou extraditionnel le 13 octobre suivant.
4. La demande d'extradition du 12 octobre 2022 a porté tant sur les faits d'enlèvement initiaux que sur des faits supplémentaires de dénonciation calomnieuse et blanchiment, visés par un second mandat d'arrêt du 6 octobre 2022.
5. Par arrêt du 29 novembre 2022, devenu définitif, la chambre de l'instruction a donné un avis favorable à la demande d'extradition du chef d'enlèvement d'enfant, un avis défavorable à la demande des autres chefs, et a maintenu Mme [S] sous écrou extraditionnel.
6. Le 21 avril 2023, Mme [S] a formé une demande de mise en liberté.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de mise en liberté de Mme [S], alors :
« 1°/ que l'impartialité se définit d'ordinaire par l'absence de préjugé ou de parti pris. La Cour distingue entre une démarche subjective, essayant de déterminer ce que tel juge pensait dans son for intérieur ou quel était son intérêt dans une affaire particulière, et une démarche objective amenant à rechercher s'il offrait des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime ; que la frontière entre les deux notions n'est cependant pas hermétique car non seulement la conduite même d'un juge peut, du point de vue d'un observateur extérieur, entraîner des doutes objectivement justifiés quant à son impartialité (démarche objective) mais elle peut également toucher à la question de sa conviction personnelle (démarche subjective) ; qu'en se bornant à reproduire littéralement le réquisitoire du procureur général, pour rejeter la demande de mise en liberté formulée par Mme [S], la chambre de l'instruction a statué en des termes faisant peser un doute légitime sur son impartialité, violant ainsi les articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que si la procédure d'extradition n'est pas menée par les autorités avec la diligence requise, la détention cesse d'être justifiée ; qu'en ne s'expliquant pas sur les diligences accomplies par les autorités suisses et françaises entre le 29 novembre 2022 et le 3 mai 2023, date à laquelle elle statuait, la chambre de l'instruction n'a pas justifié son arrêt au regard des articles 5, § 1, f) de la Convention européenne des droits de l'homme et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
8. Pour rejeter la demande de mise en liberté, l'arrêt attaqué énonce que la procédure a été conduite sans retard par les autorités françaises et suisses, qu'un avis favorable a été donné à l'extradition pour les faits d'enlèvement d'enfant, que cette décision est définitive et que seul reste à intervenir le décret d'extradition.
9. Les juges ajoutent que les autorités suisses ont sollicité les autorités françaises afin qu'une nouvelle demande d'extradition soit notifiée à Mme [S], que cette notification doit être effectuée très prochainement et qu'elle n'est pas tardive compte tenu d'une hospitalisation de l'intéressée.
10. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction n'a pas méconnu les textes conventionnels visés au moyen et a justifié sa décision.
11. En effet, d'une part, le grief de manquement à l'impartialité n'est pas fondé dès lors que les juges, qui pouvaient s'approprier les éléments tirés des réquisitions du procureur général, après s'être convaincus de leur bien-fondé, les ont complétés par des motifs propres, notamment sur l'absence d'atteinte disproportionnée à l'intérêt supérieur des enfants.
12. D'autre part, les juges ont suffisamment justifié, au regard des circonstances de l'espèce, tenant en particulier à la notification en cours d'une nouvelle demande d'extradition et à l'hospitalisation de la personne réclamée, que la procédure dans son ensemble a été conduite avec diligence et sans retard injustifié, et que la durée de la détention de Mme [S] n'excède pas le délai raisonnable nécessaire pour atteindre le but poursuivi.
13. Dès lors, le moyen doit être écarté.
14. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du neuf août deux mille vingt-trois.
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INCA/JURITEXT000047984107.xml
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° F 23-83.334 F-D
N° 01037
ECF
9 AOÛT 2023
CASSATION
Mme DE LA LANCE conseiller doyen faisant fonction de président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 9 AOÛT 2023
M. [R] [X] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 16 mai 2023, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants et association de malfaiteurs, en récidive, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant sa détention provisoire.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Piazza, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [R] [X], et les conclusions de Mme Viriot-Barrial, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 août 2023 où étaient présents Mme de la Lance, conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Piazza, conseiller rapporteur, M. Wyon, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. [R] [X] est mis en examen des chefs susvisés depuis le 14 janvier 2022.
3. Il a été placé en détention provisoire le même jour.
4. Sa détention a été prolongée pour quatre mois par ordonnance du juge des libertés et de la détention en date du 3 mai 2023.
5. Il a relevé appel de cette ordonnance.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevable le mémoire visé par le greffe le 12 mai 2023 a 13 heures 37, déclaré irrecevable les pièces transmises par fax visées le 15 mai 2023 à 15 heures 52 et, en conséquence, ordonné la prolongation de la détention provisoire de M. [X] et ordonné son maintien sous mandat de dépôt pour une durée de quatre mois, alors :
« 1°/ que l'article 198 du code de procédure pénale prévoit que les mémoires produits devant la chambre de l'instruction sont soit « déposés au greffe de la chambre de l'instruction et visés par le greffier avec l'indication du jour et de l'heure du dépôt », soit « adressés au greffier, au ministère public et aux autres parties par télécopie ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, qui doit parvenir aux destinataires avant le jour de l'audience » ; que dès lors que l'envoi à distance par télécopie ne permet pas à l'expéditeur de recueillir le visa du greffier, la preuve de la bonne réception par celui-ci peut être rapportée par tout moyen et notamment par le « rapport de résultat de la communication » émis par son télécopieur, lequel indique le succès de la transmission, le nombre de pages, les numéros de fax de l'expéditeur et du destinataire, les date et heure de transmission ainsi que la copie de la première page de la liasse ; qu'en l'espèce, M. [X] soutenait avoir adressé un mémoire au greffe de la chambre de l'instruction par télécopie en date du 12 mai 2023 à 14 heures 49 et produisait le « rapport de résultat de la communication » émis par son télécopieur ; qu'en affirmant qu'aucun mémoire n'a été déposé au greffe de la chambre de l'instruction au motif que la mention « transmission OK » ne suffit pas à établir la bonne réception du fax par le destinataire, la chambre de l'instruction a violé l'article 198 du code de procédure pénale ;
2°/ que dès lors que la transmission par télécopie est légalement autorisée, le requérant qui, devant la chambre de l'instruction, opte pour cette voie de communication, n'est tenu de prouver que la bonne transmission du mémoire au greffe de la chambre criminelle dans le délai fixé ; qu'en exigeant que le mis en examen établisse également la bonne réception du fax par le greffe, preuve impossible à rapporter, la chambre de l'instruction a méconnu le droit à un procès équitable, en violation de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
3°/ que les juges ne peuvent dénaturer les pièces du dossier sur lesquelles ils fondent leur décision ; qu'en l'espèce, l'accusé de bonne transmission au greffe de la chambre de l'instruction et l'accusé de bonne transmission au parquet général, émis par le même télécopieur le même jour, le 12 mai 2023, indiquent le même nombre de pages transmises, à savoir trente pages ; que dès lors, en affirmant, pour dire qu'aucun mémoire n'a été déposé par le mis en examen au greffe de la chambre de l'instruction le 12 mai 2023, que le nombre de pages du mémoire adressé au parquet général ne correspond pas à celui mentionné sur l'accusé de réception de la télécopie adressée au greffe de la chambre de l'instruction, la chambre de l'instruction qui a dénaturé les pièces de la procédure, s'est contredite en violation de l'article 593 du code de procédure pénale ;
4°/ que l'irrecevabilité qui entache le dépôt d'un mémoire pour non-respect de l'article 198 du code de procédure pénale ne s'étend pas aux pièces produites à l'occasion d'une autre transmission effectuée régulièrement la veille de l'audience avant l'heure de fermeture du greffe ; qu'en décidant au contraire que les pièces déposées selon fax visé la veille de l'audience à 15 heures 52 étaient également irrecevables « comme ne venant pas a l'appui d'un mémoire régulièrement transmis », la chambre de l'instruction a violé l'article 198 du code de procédure pénale, les droits de la défense du mis en examen et son droit à un procès équitable, ensemble l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 198 et 593 du code de procédure pénale :
7. Selon le premier de ces textes, sont recevables devant la chambre de l'instruction les mémoires produits par les parties qui ont été déposés au greffe de cette juridiction et sont visés par le greffier au plus tard la veille de l'audience.
8. Selon le second, tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
9. Il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que l'avocat a déposé un mémoire, visé par le greffier le 12 mai 2023 à 13 heures 37, communiqué à la cour, et qu'il a déposé des pièces complémentaires, visées par le greffier le 15 mai 2023 à 15 heures 52, également communiquées à la cour.
10. Pour déclarer irrecevables le mémoire et les pièces transmises par l'avocat de M. [X], les juges retiennent que le mémoire visé le 12 mai 2023 à 13 heures 37 est celui destiné au parquet général, que celui destiné au greffe de la chambre est tardif comme n'ayant été communiqué que le 16 mai 2023 à l'audience et que le rapport de bonne transmission de celui-ci, daté du 12 mai, vise un document de trente pages qui ne correspond pas à celui transmis au parquet général qui n'en compte que seize.
11. Les juges ajoutent que les nouvelles pièces déposées le 15 mai 2023 à 15 heures 52 sont irrecevables comme ne venant pas à l'appui d'un mémoire régulièrement transmis.
12. Ils en concluent que le mémoire et les pièces produites sont irrecevables.
13. En l'état de ces énonciations, et dès lors que, d'une part, figure au dossier de la procédure un mémoire dûment visé et signé par le greffier comme ayant été reçu le 12 mai 2023 au greffe de la chambre de l'instruction, d'autre part, les échanges internes en vue de l'audience du 16 mai 2023 confirment que le mémoire et les pièces jointes ont été reçus le 12 mai 2023 au greffe de la chambre de l'instruction, enfin, l'arrêt attaqué indique que l'avocat du mis en examen a déposé un mémoire visé par le greffier le 12 mai 2023, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision.
14. Par ailleurs, les dispositions précitées ne font pas obstacle à ce que celui qui comparait devant la chambre de l'instruction puisse verser les pièces utiles à sa défense, afin qu'elles soient contradictoirement débattues, indépendamment de la recevabilité du mémoire auquel elles se rapportent.
15. La cassation est par conséquent encourue.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 16 mai 2023, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du neuf août deux mille vingt-trois.
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INCA/JURITEXT000047984113.xml
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° A 23-83.513 F-D
N° 01044
9 AOÛT 2023
ECF
QPC INCIDENTE : NON LIEU À RENVOI AU CC
Mme DE LA LANCE conseiller doyen faisant fonction de président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 9 AOÛT 2023
M. [I] [N] a présenté, par mémoires spéciaux reçus les 23 mai, 1er et 6 juin, 10 et 17 juillet 2023, huit questions prioritaires de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi formé par lui contre le jugement du tribunal de police de Marseille, en date du 17 mai 2023, qui, pour contravention au code de la santé publique, l'a condamné à 90 euros d'amende.
Des observations ont été produites.
Sur le rapport de Mme Chaline-Bellamy, conseiller, et les conclusions de Mme Viriot-Barrial, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 août 2023 où étaient présents Mme de la Lance, conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Chaline-Bellamy, conseiller rapporteur, M. Wyon, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Sur la première question prioritaire de constitutionnalité
1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« Les dispositions de l'article 603-1 du code de procédure pénale, en les termes « et les moyens produits », à la lumière de la pratique constante de la chambre criminelle, portent-elles atteinte aux principes de publicité et de motivation des décisions judiciaires en toute matière, tels qu'ils s'évincent de la combinaison des articles 12, 15 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, en ce que ces dispositions ne s'appliquent pas aux moyens dont l'admission est refusée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, dissimulant par là même la teneur desdits moyens aux yeux des tiers, alors :
1°/ que l'analyse du conseiller-rapporteur et de l'avocat général ne sont pas davantage annexés à l'arrêt et sont donc inaccessibles au public ;
2°/ qu'au surplus, ces analyses ne constituent pas des décisions de justice et sont même susceptibles de se contredire entre elles (exemple : Crim 14 octobre 2020 n° 19-86.900) ;
3°/ que la simple reproduction des moyens, au sein même de l'arrêt ou en annexe, sans y répondre, n'est pas de nature, ni à alourdir la charge de travail des magistrats, ni à rallonger les délais de procédure ;
4°/ que, dans une société démocratique, il appartient à l'ensemble du public et de la Société de constater et contrôler le bon fonctionnement de l'institution judiciaire ainsi que la nécessaire cohérence des décisions qui en découle ? ».
2. Sous couvert de l'article 603-1 du code de procédure pénale, la question développe une argumentation ne se référant qu'aux dispositions de l'article 567-1-1 dudit code, qui ont déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans les motifs et le dispositif de la décision n° 2001-445 DC du 19 juin 2001 concernant la loi organique du 25 juin 2001 relative au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature.
3. La pratique des non-admissions partielles ne constitue pas un changement des circonstances de droit ou de fait, au sens de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, portant loi organique sur le Conseil constitutionnel qui, affectant la portée de la disposition législative critiquée, en justifierait le réexamen.
4. Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de renvoyer la question au Conseil constitutionnel.
Sur la deuxième question prioritaire de constitutionnalité
5. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« Les dispositions de l'article L. 3136-1, alinéa 3, du code de la santé publique, en sa version applicable au 7 janvier 2022, portent-elles atteinte à la réserve de compétence du pouvoir exécutif en matière contraventionnelle, telle que prévue par les articles 34 et 37 de la Constitution, et par voie de conséquence au principe de légalité des délits et des peines prévu par les articles 5 et 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, en ce que le législateur s'est arrogé, par l'édiction desdites dispositions, le droit de définir les éléments constitutifs d'un fait contraventionnel ainsi que la peine encourue, en lieu et place du pouvoir réglementaire ? ».
6. La disposition législative contestée est applicable à la procédure et n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.
7. La question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.
8. La question posée ne présente pas un caractère sérieux en ce que le Conseil constitutionnel énonce de façon constante que, si l'article 34 et le premier alinéa de l'article 37 de la Constitution établissent une séparation entre le domaine de la loi et celui du règlement, l'article 41 et le deuxième alinéa de l'article 37 organisent les procédures spécifiques permettant au gouvernement d'assurer la protection du domaine réglementaire contre d'éventuels empiétements de la loi, de sorte que le requérant ne saurait se prévaloir de ce que le législateur est intervenu dans le domaine réglementaire pour soutenir que la disposition critiquée serait contraire à la Constitution.
9. Il n'y a donc pas lieu de renvoyer la question au Conseil constitutionnel.
Sur la troisième question prioritaire de constitutionnalité
10. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« Les dispositions de l'article 10, alinéa 1, de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, interprétées à la lumière du décret d'application n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 et de la jurisprudence des bureaux d'aide juridictionnelle et notamment une ordonnance du président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 8 février 2023, portent-elles atteinte au respect des droits de la défense, tels qu'ils résultent des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République (selon décision du Conseil constitutionnel n° 76-70 DC du 2 décembre 1976), au principe d'égalité des armes qui en découle, ainsi qu'au droit d'accès à l'aide juridictionnelle qui s'évince de la combinaison des articles 12, 15 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, en ce qu'elles autorisent des exceptions et, à ce titre, dispensent le pouvoir réglementaire de prévoir une aide juridictionnelle au bénéfice des prévenus indigents majeurs non protégés par devant le tribunal de police pour les contraventions de 1ère à 4ème classe, y compris celles dont la récidive constituera une contravention de 5ème classe ou un délit, alors même qu'une telle aide est prévue dans tous les cas à la partie civile, au civilement responsable, au prévenu mineur ou majeur protégé ; que le représentant du Ministère public est lui-même un juriste de profession ; et que le prévenu se voit en tout état de cause privé de son droit à l'assistance d'un défenseur dans le cadre d'un procès pénal qui lui est intenté ? ».
11. Sous couvert d'une question relative à l'article 10, alinéa 1er, de la loi du 10 juillet 1991, le développement de celle-ci et le mémoire démontrent que les dispositions contestées résultent du décret d'application n° 2020-1717 du 28 décembre 2020, ayant entraîné le rejet de la demande d'aide juridictionnelle devant le juge du fond au motif des poursuites du chef de contravention de quatrième classe.
12. Ces dispositions ne sont pas de nature législative mais réglementaire.
13. La question prioritaire de constitutionnalité est, dès lors, irrecevable.
Sur la quatrième question prioritaire de constitutionnalité
14. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« Les dispositions des articles L. 3131-15 I. 1°, du code de la santé publique, 1, § 1, 1°, et §VIII de la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021, et L. 3136-1, alinéa 3, du code de la santé publique, en leur version applicable au jour des faits, à savoir le 7 janvier 2022, portent-elles atteinte aux principes de nécessité et de proportionnalité des peines, tels que prévus par les articles 5 et 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (DDHC) de 1789, en ce que, en l'absence d'obligation vaccinale en population générale, ces dispositions obligent toute personne, sans distinction, en vue de lutter contre l'épidémie de covid-19 et sous peine d'amende contraventionnelle, à se conformer à des interdictions ou à des obligations attentatoires à leurs libertés individuelles, telles l'obligation de port d'un masque de protection en certains lieux, alors qu'il est officiellement établi, aux termes d'une décision rendue par le Conseil d'État en date du 29 décembre 2022, n° 455530 et autres :
1°/ que le port du masque, ainsi que toutes mesures autres que la vaccination, n'est pas suffisant pour maîtriser l'épidémie, ce qui a d'ailleurs justifié l'instauration d'un « passe sanitaire » (considérant n° 45) ;
2°/ que le vaccin, diffusé gratuitement au sein de la population française :
- offre une protection de l'ordre de 90% contre les formes graves de la maladie et une immunité nettement plus durable que celle des personnes guéries,
- réduit fortement les risques de transmission du virus,
- tandis que ses effets indésirables, tenant compte du risque cardio-vasculaire, sont trop limités pour compenser ces bénéfices, si bien que le vaccin est recommandé même aux femmes enceintes (considérant n° 21) ;
et alors qu'il s'avère par ailleurs :
3°/ que, au mois de janvier 2022, pas moins de 52 371 711 Françaises et Français disposaient d'un « schéma vaccinal » complet (source sante.gouv.fr) ;
4°/ que, tout au contraire, aucun vaccin n'était encore au point au jour où le Conseil constitutionnel a validé les dispositions en litige (Conseil constitutionnel, n° 2020-800 DC, 11 mai 2020) ;
5°/ que, dès lors, au jour des faits et à l'aune de ces nouvelles circonstances, l'omission de porter un masque ne pouvait constituer une « nuisance à la Société » au sens de l'article 5 de la DDHC et, a fortiori, la peine d'amende encourue ne pouvait être qualifiée de « strictement et évidemment nécessaire » au sens de l'article 8 de la même déclaration ? ».
15. Les dispositions législatives contestées, constituant le fondement légal des poursuites, sont applicables à la procédure.
16. Elles ont cependant déjà été déclarées conformes à la Constitution, dans les motifs et le dispositif de la décision n° 2020-800 DC du 11 mai 2020 pour l'article L. 3131-15, 1°, du code de la santé publique et dans les motifs de la décision n° 2021-819 DC du 31 mai 2021 renvoyant en partie à la décision antérieure n° 2020-803 DC du 9 juillet 2020, dans les décisions n° 2021-824 DC du 5 août 2021 et n° 2021-828 DC du 9 novembre 2021 pour les dispositions issues de la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 modifiée.
17. Les énonciations d'un arrêt du Conseil d'Etat du 29 décembre 2022, qui relève seulement que le port du masque était insuffisant à endiguer l'épidémie et en tire argument pour valider d'autres dispositions destinées à protéger la population, ainsi que la vaccination d'une majorité de celle-ci, ne constituent pas un changement des circonstances de fait ou de droit, au sens de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, portant loi organique sur le Conseil constitutionnel qui, affectant la portée de la disposition législative critiquée, en justifierait le réexamen.
18. Il n'y a ainsi pas lieu de renvoyer la question au Conseil constitutionnel.
Sur les cinquième, sixième, septième et huitième questions prioritaires de constitutionnalité
19. La cinquième question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« L'article 585 du code de procédure pénale, en les termes « condamné pénalement » et « les autres parties ne peuvent user du bénéfice de la présente disposition sans le ministère d'un avocat à la Cour de cassation », est-il conforme à l'article 16 de la déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, en ce qu'il interdit au demandeur au pourvoi, non condamné pénalement, d'adresser son mémoire personnel directement au greffe de la Cour de cassation au-delà du délai de dix jours, prévu par l'article 584 du même code quelle que soit la qualité du demandeur, imparti pour un dépôt au greffe de la juridiction ayant rendu la décision attaquée, alors que les parties n'ont généralement connaissance que du seul dispositif notifié oralement par le président au jour du délibéré, tandis que la décision complète n'est notifiée que dans un délai souvent largement supérieur à dix jours (en l'espèce, le jugement officiellement rendu le 17 mai 2023 n'a toujours pas été notifié au requérant au jour de la rédaction de la présente, le 1er juin 2023, malgré la déclaration de pourvoi en date du 19 mai 2023), ce qui prive d'effectivité le droit prévu par l'article 584, pour les demandeurs non condamnés pénalement, de se pourvoir par devant la Chambre criminelle sans le ministère d'un avocat aux conseils ? ».
20. La sixième question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« L'article 578 du code de procédure pénale, en les termes « au ministère public et », et l'article 585 du même code, en les termes « Dans tous les cas, le mémoire doit être accompagné d'autant de copies qu'il y a de parties en cause. », sont-ils conformes au préambule et aux articles 2, 3 et 6 de la charte de l'environnement de 2004, et à l'article 34, alinéas 11 et 15, de la Constitution, en ce que ces dispositions conduisent, respectivement et à l'encontre du bon sens écologique le plus élémentaire, à notifier par voie postale un recours au ministère public, formé dans la juridiction même où il est rattaché, alors que ladite notification pourrait tout aussi bien se faire en interne d'un service à l'autre de la juridiction, et à multiplier les exemplaires papier d'un même mémoire, alors qu'un seul exemplaire papier pourrait suffire en l'état de la numérisation des procédures judiciaires ? ».
21. La septième question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« L'article 576 du code de procédure pénale, en les termes « près la juridiction qui a statué ou par un fondé de pouvoir spécial » est il conforme au droit d'accès au juge dans un formalisme raisonnable, ainsi qu'il s'évince des articles 12, 15 et 16 combinés de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, en ce que rien n'apparaît devoir justifier d'interdire à un avocat, dénué de pouvoir spécial, de procéder à une déclaration de pourvoi, au prétexte qu'elle est effectuée au sein d'une cour d'appel située ailleurs que dans son barreau, alors que cette disposition n'a in fine pour effet que de piéger les avocats inattentifs et leurs clients, et d'ajouter une diligence purement formaliste et substantiellement inutile aux autres ? ».
22. La huitième question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« L'article 585-1, alinéa 1, du code de procédure pénale, en ce qu'il prévoit que le mémoire « doit parvenir » au greffe de la Cour de cassation au plus tard un mois après la date du pourvoi et que le cachet de la poste ne fait pas foi, est-il contraire à l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, en ce qu'il subordonne la recevabilité d'un mémoire, et par suite le succès du recours juridictionnel en cassation, à une circonstance totalement indépendante de la volonté et des diligences du justiciable et du bien-fondé de ses prétentions, telle, en l'occurrence, les aléas du fonctionnement des services postaux ? ».
23. Les dispositions législatives contestées ne sont pas applicables à la procédure en ce que le demandeur n'a aucun intérêt à contester ces textes, dont une déclaration d'inconstitutionnalité, à la supposer encourue, serait dépourvue de toute incidence sur la solution du pourvoi.
24. Il n'y a donc pas lieu de renvoyer les questions au Conseil constitutionnel.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
DÉCLARE la troisième question prioritaire de constitutionnalité IRRECEVABLE ;
DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel les autres questions prioritaires de constitutionnalité ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en audience publique du neuf août deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° V 23-83.278 F-D
N° 01032
ECF
9 AOÛT 2023
REJET
Mme DE LA LANCE conseiller doyen faisant fonction de président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 9 AOÛT 2023
M. [W] [R] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, en date du 28 avril 2023, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef d'assassinat, a rejeté sa demande de mise en liberté.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Pauthe, conseiller, les observations de Me Laurent Goldman, avocat de M. [W] [R], et les conclusions de Mme Viriot-Barrial, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 août 2023 où étaient présents Mme de la Lance, conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Pauthe, conseiller rapporteur, M. Wyon, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. [W] [R] a été déclaré coupable d'assassinat et condamné à vingt-cinq ans de réclusion criminelle par arrêt de la cour d'assises de Loire-Atlantique en date du 6 avril 2023 dont il a relevé appel.
3. Le 11 avril 2023, il a formé une demande de mise en liberté auprès de la chambre de l'instruction en application de l'article 148-1 du code de procédure pénale.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de mise en liberté de M. [R], alors « que la détention provisoire ne peut excéder une durée raisonnable ; qu'en se bornant à se fonder, pour écarter le caractère déraisonnable de la détention provisoire de M. [R], qui dure depuis cinq ans, sur la caractérisation de critères de l'article 144 du code de procédure pénale et la complexité de l'information judiciaire, sans caractériser les diligences particulières mises en oeuvre pour permettre l'examen du dossier par la cour d'assises et les circonstances insurmontables qui ont empêché d'y parvenir, l'ordonnance de mise en accusation ayant été rendue le 8 juin 2021, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 5, § 3, de la Convention européenne des droits de l'homme et 144-1 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
5. Pour rejeter la demande de mise en liberté, l'arrêt attaqué énonce que M. [R], après avoir engagé une procédure d'appel de l'ordonnance de mise en accusation, a comparu devant la cour d'assises des mineurs dans l'année qui a suivi sa mise en accusation.
6. Les juges soulignent que, dès l'origine, cette détention a été motivée par la nécessité de prévenir les risques de fuite de l'accusé et de pressions exercées sur les témoins.
7. Ils retiennent également la gravité intrinsèque des faits reprochés à M. [R], qualifiés d'assassinat, la complexité de la procédure en raison des circonstances de leur commission, le nombre de personnes mises en examen et de témoins entendus ainsi que la nécessité de procéder à une reconstitution.
8. Ils relèvent enfin que cette complexité a rendu impossible le jugement de l'affaire sur une durée de quatre jours mais a nécessité le report de son examen sur huit jours de débats pris sur une nouvelle session.
9. Ils déduisent de ces circonstances que le délai de détention provisoire de M. [R] n'apparaît pas déraisonnable et que son maintien en détention demeure justifié au regard des critères limitativement énumérés par l'article 144 du code de procédure pénale et des principes fixés par la Convention européenne des droits de l'homme.
10. En l'état de ces énonciations, dès lors que le moyen est inopérant en ce qu'il invoque les dispositions de l'article 5, § 3, de la Convention européenne des droits de l'homme, applicables aux seules personnes détenues avant jugement, la chambre de l'instruction a justifié sa décision.
11. Ainsi, le moyen doit être écarté.
12. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du neuf août deux mille vingt-trois.
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INCA/JURITEXT000047984102.xml
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° F 23-83.242 F-D
N° 01031
ECF
9 AOÛT 2023
CASSATION
Mme DE LA LANCE conseiller doyen faisant fonction de président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 9 AOÛT 2023
M. [K] [P] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 16 mai 2023, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 7 mars 2023, pourvoi n° 22-85.657) dans la procédure suivie contre lui des chefs d'extorsion avec arme en bande organisée, association de malfaiteurs, recel et infractions à la législation sur les armes, a déclaré irrecevable son appel de l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Pauthe, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [K] [P], et les conclusions de Mme Viriot-Barrial, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 août 2023 où étaient présents Mme de la Lance, conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Pauthe, conseiller rapporteur, M. Wyon, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Par ordonnance du 29 août 2022, le juge d'instruction a ordonné, après requalification, le renvoi devant le tribunal correctionnel de M. [K] [P], des chefs d'extorsion par personne dissimulant volontairement son visage, association de malfaiteurs, recel de vol et infractions à la législation sur les armes.
3. M. [P] a relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de renvoi présentée par la défense et a déclaré irrecevable l'appel de M. [P] interjeté le 9 septembre 2022, alors « que la personne mise en examen ou son avocat doivent toujours avoir la parole en dernier ; qu'au cas d'espèce, les mentions de l'arrêt attaqué font état de ce qu'à l'audience du 27 avril 2023 : « Maître Jacquier, substituant Maître Morand-Lahouazi, conseil de l'intéressé, est entendu en sa demande de renvoi ; Mme De Fritsch, Substitut général, est entendu en ses réquisitions sur le renvoi ; La cour après en avoir délibéré, a retenu l'affaire » et de ce que « Maître Théo Jacquier, du barreau de Paris, substituant son confrère Karim Morand-Lahouazi, a maintenu la demande de renvoi de ce dernier. Le Ministère public s'est opposé à cette demande. La chambre après en avoir délibéré, a décidé, par des motifs ci-après reproduits, de retenir l'affaire » ; qu'il s'ensuit que la défense n'a pas eu la parole après le ministère public ; qu'en statuant ainsi au terme d'une procédure irrégulière, la chambre de l'instruction a excédé ses pouvoirs et violé les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme, 460, 513, 199, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et 199 du code de procédure pénale :
5. ll se déduit de ces textes que la personne comparaissant devant la chambre de l'instruction, ou son avocat, doivent avoir la parole les derniers, et que cette règle s'applique à tout incident, dès lors qu'il n'est pas joint au fond.
6. Il résulte des mentions de l'arrêt attaqué qu'il a été statué, au cours des débats, sur une demande de renvoi présentée par la défense, pour la rejeter, sans que la personne mise en examen ou son avocat ait eu la parole en dernier.
7. En l'état de ces énonciations, alors que l'incident n'avait pas été joint au fond, de sorte qu'il ne suffisait pas que la parole ait été donnée en dernier à la personne mise en examen à l'issue des débats, la chambre de l'instruction a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.
8. La cassation est dès lors encourue.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 16 mai 2023, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Pau à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du neuf août deux mille vingt-trois.
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INCA/JURITEXT000047984114.xml
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° U 23-84.634 F-D
N° 01045
9 AOÛT 2023
ECF
QPC INCIDENTE : NON LIEU À RENVOI AU CC
Mme DE LA LANCE conseiller doyen faisant fonction de président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 9 AOÛT 2023
M. [M] [O] a présenté, par mémoires spéciaux reçus le 20 juillet 2023, quatre questions prioritaires de constitutionnalité, à l'occasion de la requête formée par lui, en renvoi, pour cause de suspicion légitime, de la procédure suivie contre lui, du chef de viol, devant le juge d'instruction au tribunal judiciaire de Paris.
Sur le rapport de Mme Piazza, conseiller, et les conclusions de Mme Viriot-Barrial, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 août 2023 où étaient présents Mme de la Lance, conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Piazza, conseiller rapporteur, M. Wyon, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. La première question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« L'article 665 du code de procédure pénale, en ce qu'il permet au procureur général près la cour d'appel d'examiner une requête aux fins de dépaysement sur le fondement d'une bonne administration de justice y compris lorsque celle-ci est motivée par un manque de partialité de sa part, et ce alors que la décision de rejet d'une telle requête prise par lui ne peut faire l'objet que d'un recours devant le procureur général près la Cour de cassation, porte-t-il atteinte aux droits de la défense, aux principes de l'égalité des armes et du contradictoire, au droit à un recours effectif, au sens des articles 6, § 3, de la Convention européenne des droits de l'homme et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ? ».
2. La deuxième question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« Le législateur a t-il péché par incompétence négative en ne prévoyant pas de dispositions relatives au déport en cas de conflit d'intérêt du procureur général près la cour d'appel, et le procureur général près la Cour de cassation, dans le cadre de l'article 665 du code de procédure pénale ? ».
3. La troisième question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« En offrant la possibilité au juge d'instruction, dans le cadre de l'article 151 du code de procédure pénale, de requérir par commission rogatoire tout officier de police judiciaire, après en avoir avisé le procureur de la République, afin de procéder aux actes d'information qu'il estime nécessaires, sans fixer de limites temporelles aux dites commissions rogatoires, et sans créer d'obligation de versement au dossier de l'instruction en des délais contraints, le législateur a t-il péché par incompétence négative et atteint aux droits de la défense ainsi que le droit à un recours effectif protégé par l'article 16 des droits de l'homme ?
En ne prévoyant pas de sanction en cas de non-respect des délais d'une commission rogatoire, la jurisprudence constante de la Cour de cassation rendue au visa de l'article 151 du code de procédure pénale a t-elle violé le droit à un recours effectif ainsi que toute autre disposition constitutionnelle relative à la protection des doits de la défense ? ».
4. La quatrième question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« La jurisprudence constante du Conseil d'Etat, en ce qu'elle interprète l'article L. 311-5 du code des relations entre le public et l'administration, comme excluant la communication des dossiers d'action publique aux personnes concernées par les procédures judiciaires en cours, atteint-il à l'égalité des armes des procédures pénales, au principe d'impartialité, aux droits de la défense ? ».
5. Selon les articles 23-2 et 23-4 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, une question prioritaire de constitutionnalité ne peut être renvoyée au Conseil constitutionnel que lorsque la disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites.
6. Les dispositions contestées par les quatre questions ne sont pas applicables à la présente procédure dès lors que, d'une part, la requête est exclusivement fondée sur l'article 662 du code de procédure pénale, d'autre part, le demandeur ne critique pas devant la Cour de cassation des actes d'instruction réalisés en exécution d'une commission rogatoire, enfin, la position du Conseil d'Etat au sujet de la nature des rapports internes au ministère public est dépourvue de conséquences sur le sort de la requête présentée par M. [O].
7. En conséquence, il n'y a pas lieu de renvoyer les questions au Conseil constitutionnel.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en audience publique du neuf août deux mille vingt-trois.
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INCA/JURITEXT000047324583.xml
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CH9
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 15 mars 2023
Rejet
M. SOMMER, président
Arrêt n° 255 FS-D
Pourvoi n° J 20-20.995
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 MARS 2023
M. [X] [N], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 20-20.995 contre l'arrêt rendu le 10 septembre 2020 par la cour d'appel de Poitiers (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société SNCF voyageurs, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la société SNCF mobilités, défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Sornay, conseiller, les observations de Me Haas, avocat de M. [N], de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société SNCF voyageurs, et l'avis de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 25 janvier 2023 où étaient présents M. Sommer, président, M. Sornay, conseiller rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, MM. Rouchayrole, Flores, Mmes Lecaplain-Morel, Deltort, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, Techer, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 10 septembre 2020), M. [N] a été engagé en qualité d'agent de service commercial à compter du 1er septembre 2001 par la SNCF mobilités, aux droits de laquelle vient la société SNCF voyageurs. Il travaille depuis 2011 à temps partiel choisi.
2. Il a saisi le 2 janvier 2018 la juridiction prud'homale d'une demande en paiement de diverses sommes au titre notamment de congés payés lui restant dus.
Examen du moyen
Énoncé du moyen
3. Le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande au titre des congés supplémentaires pour enfants à charge, alors « que lorsque le droit à congé dans l'entreprise, exprimé en jours ouvrés, excède l'équivalent de trente jours ouvrables, le droit à congés supplémentaires pour enfants à charge s'exerce dans la limite de la durée maximale du congé annuel applicable dans l'entreprise et exprimée en jours ouvrés ; que la cour d'appel a constaté, d'une part, qu'au sein de la SNCF, le congé annuel des agents à temps complet est de vingt-huit jours ouvrés et, d'autre part, que, compte tenu de sa durée du travail, M. [N] pouvait prétendre à un congé annuel de vingt-six jourset demi ouvrés ; qu'en considérant qu'il ne pouvait pas bénéficier de jours de congés supplémentaires pour enfants à charge dès lors que la durée maximale du congé annuel de trente jours ouvrables était d'ores et déjà atteinte, la cour d'appel a violé les articles L. 3141-3 et L. 3141-8 du code du travail, ensemble le chapitre 3 du règlement RH00143 relatif aux congés du personnel du cadre permanent du groupe public ferroviaire. »
Réponse de la Cour
4. Il résulte des dispositions des articles L. 3141-3 et L. 3141-8 du code du travail que les salariés âgés de vingt-et-un ans au moins à la date du 30 avril de l'année précédente bénéficient de deux jours de congés supplémentaires par enfant à charge, sans que le cumul du nombre des jours de congés supplémentaires et des jours de congés annuels puisse excéder la durée maximale du congé annuel de trente jours ouvrables.
5. L'arrêt constate que le nombre de jours de congés annuels auxquels pouvait prétendre le salarié demandeur était de vingt-six jours ouvrés et demi, soit l'équivalent de plus de trente jours ouvrables,
6. La cour d'appel en a exactement déduit que, la durée totale du congé de l'intéressé excédant trente jours ouvrables, le salarié ne pouvait bénéficier de jours de congés supplémentaires pour enfants à charge.
7. Le moyen est donc mal fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [N] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mars deux mille vingt-trois.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour M. [N]
M. [N] fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR rejeté la demande qu'il avait formée au titre des congés supplémentaires pour enfants à charge ;
ALORS QUE lorsque le droit à congé dans l'entreprise, exprimé en jours ouvrés, excède l'équivalent de 30 jours ouvrables, le droit à congés supplémentaires pour enfants à charge s'exerce dans la limite de la durée maximale du congé annuel applicable dans l'entreprise et exprimée en jours ouvrés ; que la cour d'appel a constaté, d'une part, qu'au sein de la SNCF, le congé annuel des agents à temps complet est de 28 jours ouvrés et, d'autre part, que, compte tenu de sa durée du travail, M. [N] pouvait prétendre à un congé annuel de 26,5 jours ouvrés ; qu'en considérant qu'il ne pouvait pas bénéficier de jours de congés supplémentaires pour enfants à charge dès lors que la durée maximale du congé annuel de 30 jours ouvrables était d'ores et déjà atteinte, la cour d'appel a violé les articles L. 3141-3 et L. 3141-8 du code du travail, ensemble le chapitre 3 du règlement RH00143 relatif aux congés du personnel du cadre permanent du groupe public ferroviaire.
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INCA/JURITEXT000047324582.xml
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
AF1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 15 mars 2023
Cassation partielle sans renvoi
M. SOMMER, président
Arrêt n° 254 FS-D
Pourvoi n° U 20-14.150
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 MARS 2023
M. [G] [D], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° U 20-14.150 contre l'arrêt rendu le 8 janvier 2020 par le tribunal de première instance de Mata'Utu (juridiction d'appel du travail), dans le litige l'opposant à l'Agence de santé de Wallis-et-Futuna, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
L'Agence de santé de Wallis-et-Futuna a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen également annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Sornay, conseiller, les observations de Me Soltner, avocat de M. [D], de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de l'Agence de santé de Wallis-et-Futuna, et l'avis de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 25 janvier 2023 où étaient présents M. Sommer, président, M. Sornay, conseiller rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, MM. Rouchayrole, Flores, Mmes Lecaplain-Morel, Deltort, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, Techer, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal de première instance de Mata'Utu, 8 janvier 2020) rendu en dernier ressort, M. [D] a été engagé en qualité de médecin généraliste ou de médecin urgentiste par l'Agence de santé des îles Wallis-et-Futuna (l'agence de santé) au cours de la période allant du 18 septembre 2016 au 15 janvier 2018 par une succession de contrats de travail à durée déterminée.
2. Le salarié a saisi le 21 mars 2017 la juridiction du travail de Mata'Utu, sollicitant la requalification de ses contrats à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée et la condamnation de l'agence de santé à lui payer diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture de ce contrat.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches, le deuxième moyen, le troisième moyen, pris en ses deux premières branches, et le quatrième moyen du pourvoi principal du salarié, ci-après annexés
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui sont, pour certains, irrecevables et qui ne sont, pour le surplus, manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
4. Le salarié fait grief au jugement de le débouter de sa demande de requalification en contrat à durée indéterminée des contrats à durée déterminée et en paiement de diverses indemnités de fin de contrat, d'une indemnité de licenciement, et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « qu'en énonçant encore que ''l'Agence est confrontée à une pénurie permanente de médecins qui, soit quittent prématurément leur fonction, soit se désistent'' pour en déduire que ''le recours aux contrats à durée déterminée est donc la seule alternative pour pallier provisoirement ces vacances de poste'', quand la constatation de l'existence d'une ''pénurie permanente de médecin'' démontrait que les embauches successives de M. [D] étaient destinées à pourvoir à un emploi à caractère permanent dont l'Agence avait structurellement besoin, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences qui s'évinçaient et a violé l'article 31 du code du travail applicable dans le territoire des îles Wallis-et-Futuna ».
Réponse de la Cour
5. Selon l'article 31 du code du travail applicable dans le territoire des îles Wallis-et-Futuna, le travailleur ne peut engager ses services qu'à temps ou pour un ouvrage déterminé. Lorsque le contrat est conclu pour une durée déterminée, celle-ci ne peut excéder, y compris ses renouvellements, deux ans, ou trois ans en cas d'embauche de salariés dont la résidence habituelle lors de la conclusion du contrat est située hors des îles Wallis-et-Futuna.
6. En application du principe de spécialité législative en vigueur dans la collectivité d'outre-mer de Wallis-et-Futuna, le code du travail métropolitain n'y est pas applicable, même à titre supplétif, sauf disposition le prévoyant expressément.
7. En l'absence d'une mention les rendant applicables sur le territoire de la collectivité territoriale des îles Wallis-et-Futuna, les dispositions du code du travail métropolitain selon lesquelles un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, n'y sont pas applicables.
8. Le tribunal de première instance qui, pour rejeter la demande en requalification des contrats à durée déterminée conclus par le salarié en contrat à durée indéterminée, a constaté, abstraction faite de motifs surabondants, que chacun des contrats précisait le motif de sa conclusion et que tous avaient été conclus sur des postes de médecin différents pour une période d'une durée totale inférieure à deux ans, renouvellements compris, a fait une exacte application du principe de spécialité législative et des dispositions en vigueur sur le territoire de Wallis-et-Futuna qu'il invoque.
9. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le troisième moyen du pourvoi principal, pris en ses troisième et quatrième branches
Enoncé du moyen
10. Le salarié fait grief au jugement de dire que la convention collective de l'Agence de santé du territoire des îles Wallis-et-Futuna ne lui était pas applicable, de le débouter en conséquence de ses demandes tendant au paiement de compléments de salaire, de dommages-intérêts pour manquement de l'agence de santé à son obligation d'employabilité, d'une indemnité de sujétions et d'une indemnité de service, outre de sa demande, à titre subsidiaire, de dommages-intérêts en réparation du préjudice du fait du caractère discriminatoire de l'inapplication de l'article 113-4 de la convention collective, et de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de bonne foi, alors :
« 3°/ que le principe de non-discrimination implique une identité de traitement entre un salarié ayant conclu un contrat à durée déterminée et un autre ayant conclu un contrat à durée indéterminée dès lors que l'un et l'autre exercent des fonctions de même nature à des postes réclamant une qualification professionnelle équivalente ; qu'en justifiant la différence de traitement entre les autres médecins de l'agence de santé et M. [D] par le fait que ce dernier était titulaire de contrats à durée déterminée, considération impropre à justifier à elle seule qu'un salarié soit privé des droits et avantages prévus par la convention collective dont relève son employeur, la cour d'appel a violé les articles 30, 68 et 72 du code du travail de Wallis-et-Futuna, ensemble l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;
4°/ qu'une différence de statut juridique entre des salariés effectuant un travail de même valeur au service du même employeur ne suffit pas, à elle seule, à caractériser une différence de situation au regard de l'égalité de traitement en matière de rémunération ; qu'une différence de traitement entre des salariés placés dans la même situation doit reposer sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence ; qu'en l'espèce, pour exclure toute discrimination, la cour d'appel s'est contentée de faire état de la différence de statut juridique entre M. [D], ayant conclu un contrat à durée déterminée, et les autres médecins, et du fait que M. [D] percevait un salaire supérieur à celui des médecins occupant un emploi équivalent ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si le non-paiement de ses heures supplémentaires par son employeur sous couvert d'une clause de forfait, ainsi que l'exclusion, du fait de l'inapplicabilité de la convention collective à son égard, du bénéfice des droits et avantages qu'elle accordait aux autres salariés relevant de son champ d'application, et notamment le droit au versement d'indemnités de différentes natures destinées à compenser les contraintes inhérentes à la pratique hospitalière, ne plaçaient pas M. [D] dans une situation de discrimination au regard de ses confrères exerçant un même travail ou un travail de valeur égale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 30, 68 et 72 du code du travail de Wallis-et-Futuna, ensemble l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ».
Réponse de la Cour
11. Après avoir retenu la validité de la clause de rémunération forfaitaire prévue aux contrats de travail et, en conséquence, l'inapplicabilité au salarié des dispositions de la convention collective de l'agence de santé, le jugement constate que l'article 5 des contrats de travail de l'intéressé mentionnait expressément que le mode de rémunération forfaitaire était exclusif de toute autre rétribution. Il en déduit que la rémunération forfaitaire convenue englobait les astreintes.
12. Le tribunal, qui ne s'est pas fondé sur la nature des contrats à durée déterminée conclus par le salarié et n'était pas tenu de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a pu écarter l'existence d'une inégalité de traitement quant au mode de rémunération et en déduire le rejet des prétentions du salarié à ce titre.
Sur le cinquième moyen du pourvoi principal
Énoncé du moyen
13. Le salarié fait grief au jugement de le débouter de sa demande en paiement d'une indemnité pour non-respect des dispositions légales imposant un repos hebdomadaire, alors :
« 1°/ qu'il appartient à l'employeur d'établir que le salarié a bénéficié du temps de repos hebdomadaire auquel la loi ou la convention collective applicable lui donnent droit ; qu'en l'espèce, M. [D] contestait avoir bénéficié durant toute la durée de la relation contractuelle de travail d'un temps de repos de 24 heures au moins par semaine, comme l'exige l'article 120 du code du travail de Wallis-et-Futuna ; qu'il demandait à la cour d'ordonner que soient communiqués les plannings complets couvrant la période allant du 16 septembre 2016 au 18 janvier 2018 durant laquelle M. [D] avait exercé pour l'agence de santé, plannings qu'il l'avait enjoint de produire par voie de sommation de communiquer ; qu'en s'abstenant d'enjoindre à l'employeur de produire ces plannings, et en déduisant que l'agence de santé avait respecté la durée et les rythme de repos hebdomadaire de l'examen des seuls plannings couvrant la période de septembre 2016 à février 2017 et de ceux relatifs aux mois de juillet et août 2017, lesquels plannings ne permettaient pas de connaître quelle avait été la durée du travail du salarié durant plus de 10 mois et si M. [D] avait, au cours de cette période, été rempli de ses droits au titre du repos hebdomadaire la cour d'appel a violé les principes régissant la charge de la preuve et l'article 120 du code du travail de Wallis-et-Futuna ;
2°/ qu'en outre, et en tout état de cause, en ne répondant pas aux conclusions de M. [D] qui demandait à la cour d'ordonner que soient communiqués les plannings complets couvrant la période allant du 16 septembre 2016 au 18 janvier 2018 durant laquelle il avait exercé pour l'agence de santé, plannings qu'il avait enjoint à celle-ci de produire par voie de sommation de communiquer, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
14. Le tribunal, qui, appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, a retenu qu'il ressortait de la lecture des plannings du salarié produits par l'employeur que lorsqu'il était généraliste, il bénéficiait d'au moins une journée de repos toutes les semaines, et que durant ses périodes d'emploi comme médecin urgentiste, il travaillait de 7 heures à 17 heures du lundi au vendredi, la relève étant assurée en dehors de ces heures par les médecins généralistes d'astreinte, a pu en déduire, sans méconnaître les règles de preuve, que le non-respect de la réglementation sur le repos obligatoire n'était pas établi.
15. Le moyen, qui, pris en sa seconde branche, manque en fait, n'est donc pas fondé.
Mais sur le moyen du pourvoi incident de l'employeur, pris en sa première branche
Énoncé du moyen
16. L'employeur fait grief au jugement de dire qu'il a commis une violation de l'obligation de sécurité de résultat et de le condamner, à ce titre, à verser une certaine somme au salarié, alors « qu'aucune disposition du code du travail applicable dans le territoire des îles Wallis-et-Futuna, ni aucune réglementation de droit local, n'impose à l'employeur d'organiser une visite médicale préalable à l'embauche ; qu'en jugeant néanmoins que l'organisation d'une telle visite entrerait dans le cadre de l'obligation générale visée à l'article 133 bis du code du travail applicable dans le territoire des îles Wallis-et-Futuna, la juridiction d'appel de Mata'Utu, qui a mis à la charge de l'employeur une obligation que ce texte ne prévoit pas, a violé l'article précité. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 133 bis du code du travail applicable sur le territoire des îles Wallis-et-Futuna :
17. Selon ce texte, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs.
18. Pour dire que l'employeur a violé son obligation de sécurité, le jugement retient que la visite médicale préalable à l'embauche entre dans le cadre de l'obligation générale prévue par l'article 133 bis susvisé, et constate que le salarié n'a pas fait l'objet d'une telle visite médicale alors qu'il existait un service de médecine du travail à Wallis. Il en déduit que cette visite aurait dû avoir lieu, les contrats de travail à durée déterminée de l'intéressé stipulant tous que les fonctions prévues seront exercées sous réserve de l'aptitude médicale à l'emploi.
19. En statuant ainsi, alors qu'aucune disposition du code du travail applicable dans le territoire des îles Wallis-et-Futuna n'impose à l'employeur d'organiser une visite médicale préalable à l'embauche, le tribunal de première instance, qui a mis à la charge de l'employeur une obligation que la loi applicable au litige ne prévoit pas, a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
20. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
21. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
REJETTE le pourvoi principal ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne l'Agence de santé des îles Wallis-et-Futuna à payer à M. [D] la somme de 250 000 francs CFP à titre de dommages-intérêts pour non-respect de l'obligation de préserver la sécurité et la santé du salarié, le jugement rendu le 8 janvier 2020, entre les parties, par le tribunal de première instance de Mata'Utu ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi ;
Déboute M. [D] de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour non-respect par l'employeur de l'obligation de préserver la sécurité et la santé du salarié ;
Condamne M. [D] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mars deux mille vingt-trois.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par Me Soltner, avocat aux Conseils, pour M. [D], demandeur au pouvoir principal
PREMIER MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. [G] [D] de sa demande de requalification en contrat à durée indéterminée les contrats à durée déterminée qu'il avait contractés avec l'Agence de Santé des iles de Wallis et Futuna et en paiement de diverses indemnités de fin de contrat, d'une indemnité de licenciement, et de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AU MOTIFS PROPRE QUE La cour rappelle que les dispositions de l'article 42 de la Convention collective de l'agence de santé qui vise des cas particuliers dans lesquelles il peut y avoir recours à des contrats à durée déterminée ne sont pas applicables au présent contentieux puisque la convention n'est pas applicable à Monsieur [G] [D]. L'article 31 du code du travail applicable dans le territoire des îles Wallis et Futuna dispose que le travailleur ne peut engager ses services que pour un ouvrage déterminé ; que lorsque le contrat est conclu pour une durée déterminée, celle-ci ne peut excéder, y compris ce renouvellement, deux ans ; Que cette durée ne peut excéder trois ans en cas d'embauche de salarié dont la résidence habituelle lors de la conclusion du contrat est située hors les îles Wallis et Futuna. Ce texte ne précise pas les cas particuliers dans lesquels l'employeur peut avoir recours au contrat à durée déterminée. Il est admis en droit qu'aucun salarié ne peut être engagé sous la forme d'un contrat à durée déterminée pour pourvoir un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise. Mais il est également admis qu'il n'y a pas lieu à requalification en contrat à durée indéterminée de plusieurs contrats successifs à durée déterminée dans lesquels sont bien précisés les motifs de leur conclusion, concluent pour l'objet d'un travail distinct à des postes divers pour des périodes variables séparées par des périodes sans activité. En l'espèce il ressort des contrats de travail à durée déterminée versés au dossier que Monsieur [G] [D] a occupé un premier poste de médecin généraliste à Futuna du 19 septembre 2016 au 28 février 2017 au motif de la vacance du poste. Sur ce premier contrat il résulte du compte rendu de la commission médicale du 3 novembre 2016 que Monsieur [G] [D] n'a pas souhaité se porter candidat sur ce poste de médecin généraliste dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée (cf. pièce n° 11) . Il a ensuite occupé un poste de médecin urgentiste à Wallis du 3 mars au 8 mai 2017 au motif de l'absence d'un médecin urgentiste permanent. Il convient de relever que le lieu d'exercice n'est pas identique à savoir Wallis au lieu de Futuna et que les fonctions sont distinctes : médecine d'urgence. Le titulaire du poste était absent pour cause de maladie temporaire. Dans ce cas, il ne s'agit donc pas de pourvoir un emploi lié à l'activité permanente et normale de l'entreprise. À la suite du départ définitif du Docteur [X] vers la métropole Monsieur [G] [D] va continuer à exercer le poste de médecin urgentiste à Wallis du 5 juin au 30 juillet 2017 au motif de la vacance du poste. À noter que s'agissant de la période intermédiaire du 9 mai au 4 juin 2017, Monsieur [G] [D] a sollicité des congés pour se rendre en métropole. C'est le docteur [N] qui occupera le poste au cours de cette période (CF pièce numéro 26). Monsieur [G] [D] soutient qu'il n'était pas en congé mais à la disposition de l'agence de santé au cours de cette période. Cette position ne peut être retenue car dans cette hypothèse pourquoi l'agence n'a-t-elle pas prolongé tout simplement le contrat à durée déterminée de Monsieur [G] [D] au cours de cette période alors qu'il a été prolongé dès le 5 juin. Il a ensuite occupé à nouveau un poste de médecin généraliste à Wallis du 31 juillet 2017 au 3 septembre 2017 donc un nouveau changement des fonctions occupées dès lors que le poste de médecin urgentiste avait été officiellement affecté au docteur [S], qui finalement s'est désisté de ce poste au vu d'un échange de courriels en date des 12, 14 et 16 septembre 2017 ( CF pièce numéro 10). À la suite de cette décision, Monsieur [G] [D] occupera à nouveau le poste de médecin urgentiste du 4 septembre 20007 au 15 janvier 2018 dans l'attente du recrutement d'un médecin urgentiste amené à occuper le poste de manière pérenne. En effet, une deuxième phase de recrutement sera mise en place par l'agence de santé à la suite de la défection du docteur [S], dans le cadre de laquelle il n'est pas démontré que Monsieur [G] [D] aurait renouvelé sa candidature sur le poste de médecin urgentiste. La cour souligne, quelles que soient les nombreuses compétences décrites par l'intéressé dans le cadre de la pratique de la médecine d'urgence, que la commission a fait le choix non discriminatoire de désigner le docteur [S], praticien hospitalier dont le profil correspondait davantage à ce poste difficile isolé. Comme l'a rappelé le tribunal du travail, chacun des contrats à durée déterminée conclus par [G] [D] précisait le motif de sa conclusion. Ils ont été conclus sur des postes différents et pour des périodes variables. En outre, ils ont été conclus, renouvellement compris, sur une période d'une durée inférieure à deux ans. Les jurisprudences invoquées par l'appelant sont sans rapport avec le présent dossier, s'agissant de plusieurs dizaines de contrats à durée déterminée conclus dans un contexte différent. En l'espèce, la situation de l'agence de santé de Wallis et Futuna est très particulière dans la mesure où elle est confrontée à une pénurie permanente de médecins qui, soit quittent prématurément leurs fonctions, soit se désistent. Le recours au contrat à durée déterminée est donc la seule alternative possible pour pallier provisoirement ces vacances de poste sachant qu'ils font l'objet d'une sur- rémunération non négligeable et d'avantages en nature. La demande de requalification de ces contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée sera donc rejetée pour l'ensemble de ses motifs.
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE Sur la requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée L'article 31 du Code du travail applicable dans le territoire des îles Wallis-et-Futuna dispose que le travailleur ne peut engager ses services qu'à temps pour un ouvrage déterminé ; que lorsque le contrat est conclu pour une durée déterminée, celle-ci ne peut excéder, y compris ses renouvellements, deux ans ; que cette durée ne peut excéder trois ans en cas d'embauche de salariés dont la résidence habituelle lors de la conclusion du contrat est située hors des îles Wallis-et-Futuna. Pour autant, il n'est pas précisé les cas particuliers dans lesquelles l'employeur peut avoir recours aux contrats à durée déterminée. Par ailleurs, il est rappelé que la convention collective de l'Agence de santé n'est pas applicable au présent contentieux puisqu'[G] [D] était rémunéré au forfait et non pas sur une grille de la convention collective, et notamment son article 42 qui vise des cas particuliers dans lesquelles il peut y avoir recours à des contrats à durée déterminée. En revanche, il est d'usage qu'en application de l'article 31 du Code du travail de Wallis-etFutuna, qu'un salarié ne peut être engagé sous la forme d'un contrat à durée déterminée pour pourvoir un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise. Mais il est également d'usage qu'il n'y a pas lieu à requalification en contrat à durée indéterminée plusieurs contrats successifs à durée déterminée dans lesquelles sont bien précisés les motifs de leur conclusion, conclus pour l'objet d'un travail distinct à des postes divers pour des périodes variables, et séparés par des périodes sans activité. En l'espèce, il ressort des contrats de travail à durée déterminée versés au dossier qu'[G] [D] a occupé un poste de médecin généraliste à Futuna du 19 septembre 2016 au 28 février 2017 au motif de la vacance du poste, puis un poste de médecin urgentiste à Wallis du 3 mars au 8 mai 2017 au motif de l'absence d'un médecin urgentiste permanent, puis un poste de médecin urgentiste à Wallis du 5 juin au 30 juillet 2017 au motif de la vacance de poste, puis un poste de médecin généraliste à Wallis du 31 juillet 2017 au 3 septembre 2017, puis un poste de médecin urgentiste du 4 septembre 2017 au 15 janvier 2018 au motif de l'attente du recrutement d'un médecin urgentiste amené à occuper le poste de manière pérenne. Chacun des contrats à durée déterminée conclu par [G] [D] précisait le motif de leur conclusion ; ils ont été conclus sur deux postes différents, pour des périodes variables, et ont été entrecoupés par une période d'inactivité allant du 9 mai 2017 au 4 juin 2017. En outre, ils ont été conclus, renouvellement compris, sur une période d'une durée inférieure à deux ans. Par ailleurs, il est à noter que les textes applicables à Wallis-et-Futuna n'exigent aucune règle de forme particulière quant à la rédaction ou la communication au salarié des contrats de travail à durée déterminée. Ainsi, il ne peut y avoir au profit d'[G] [D] de requalification de ses contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée. Toutes les demandes financières formulées à ce titre doivent donc être rejetées.
1°) ALORS QUE la possibilité donnée à l'employeur de conclure avec le même salarié des contrats à durée déterminée successifs pour remplacer un ou des salariés absents ou dont le contrat de travail est suspendu ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise ; que l'employeur ne peut recourir de façon systématique aux contrats à durée déterminée de remplacement pour faire face à un besoin structurel de main-d'oeuvre ; qu'en l'espèce, la cour relève que M. [G] [D] a été engagé suivant plusieurs contrats successifs, d'abord de septembre 2016 à février 2017 pour pourvoir un poste vacant de médecin généraliste à Futuna, puis de mars 2017 au 15 janvier 2018 pour pourvoir à un poste vacant d'urgentiste à Wallis, poste pour lequel l'Agence engagera finalement une procédure de recrutement dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée ; que l'embauche de M. [D] tantôt à des fonctions de généraliste, tantôt à des fonctions d'urgentiste, démontrait que ces postes réclamaient des qualifications équivalentes ; qu'en déboutant M. [D] de sa demande de requalification au motif que chaque contrat indiquait formellement qu'il était destiné à remplacer un salarié absent, et que ces contrats avaient effectivement été conclus pour remédier à des vacances de postes, sans rechercher si le recours pendant 18 mois à la conclusion de contrats à durée déterminée pour occuper des fonctions qui réclamaient des qualifications équivalentes et donnaient lieu au versement d'un même salaire, ne révélait pas que ces contrats avaient pour objet de pourvoir à des postes liés à l'activité normale et permanente de l'Agence de santé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 31 du code du travail des iles de Wallis et Futuna ;
2°) ALORS QUE le compte rendu de la réunion de la commission du 3 novembre 2016, mentionne seulement que M. [G] [D] n'a pas souhaité se porter candidat aux fonctions de médecin généraliste à Futuna, dans le cadre « d'un contrat de longue durée » ; que Monsieur [D] expliquait cette position non en raison d'un refus de conclure un contrat à durée indéterminée, ce qui était tout à fait possible même pour une mission n'ayant pas vocation à être de longue durée, mais par sa décision de se porter ultérieurement candidat au poste de médecin urgentiste de Wallis, poste qu'il convoitait prioritairement et qui correspondait à sa spécialité médicale ; qu'en énonçant « qu'il résulte du compte rendu de la commission médicale du 3 novembre 2016 que Monsieur [G] [D] n'a pas souhaité se porter candidat sur ce poste de médecin généraliste dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée », la cour d'appel a dénaturé ce document, en violation de l'article 1103 du code civil, ensemble le principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;
3°) ALORS QU' en énonçant encore que « l'Agence est confrontée à une pénurie permanente de médecins qui, soit quittent prématurément leur fonction, soit se désistent » pour en déduire que « le recours aux contrats à durée déterminée est donc la seule alternative pour pallier provisoirement ces vacances de poste », quand la constatation de l'existence d'une « pénurie permanente de médecin » démontrait que les embauches successives de M. [G] [D] étaient destinées à pourvoir à un emploi à caractère permanent dont l'Agence avait structurellement besoin, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences qui s'évinçaient et à violé le texte susvisé ;
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. [G] [D] de sa demande en nullité de la convention de forfait figurant dans ses différents contrats et en paiement d'une somme de 6.028.288 francs CFP à titre d'heures supplémentaires, outre 602 829 francs CFP à titre de congés payés y afférents ;
AUX MOTIFS QUE Sur la nullité de la clause de forfait Monsieur [G] [D] soutient que la clause forfaitaire doit contenir le nombre d'heures retenu par les parties et que la clause de forfait qui le concerne excluant toute autre forme de rémunération est nulle. La cour relève sur ce point que le nombre d'heures a bien été formalisé dans le cadre des contrats. S'il n'est pas contestable que Monsieur [G] [D] a effectué des heures supplémentaires dont la rémunération n'était pas prévue, il convient de relever qu'au-delà de la rémunération supérieure à celle dont bénéficient les médecins hospitaliers en contrat à durée indéterminée, les contrats de travail de l'intéressé ont prévu un certain nombre d'avantages en nature, tels que le logement de fonction et le véhicule de fonction de nature à compenser les contraintes horaires. La cour rappelle également que la Convention collective n'est pas applicable à Monsieur [G] [D]. La cour rejette en conséquence la demande de nullité de la clause de rémunération forfaitaire.
Sur l'absence de paiement des heures supplémentaires.
La cour rappelle qu'en vertu des contrats de travail conclu la rémunération forfaitaire prévu excluait toute rémunération complémentaire ce qui a été parfaitement accepté par Monsieur [G] [D] dans un contexte économique où l'agence de santé doit faire face à une pénurie de médecins et ne se trouvait donc pas en position dominante face à ces derniers. Par ailleurs, la jurisprudence invoquée repose sur l'application du code du travail métropolitain s'agissant des arrêts de la cour de cassation. À propos des arrêts de la cour d'appel de Nouméa en particulier l'arrêt du 26 juin 2014 celui-ci a fondé sa décision sur les dispositions de l'accord interprofessionnel territorial applicable en Nouvelle-Calédonie mais pas sur le territoire de Wallis et Futuna. En conséquence, la demande de ce chef ne peut qu'être rejetée. Le jugement sera confirmé.
1°) ALORS QUE le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles ; qu'en application de ce principe, la clause d'un contrat de travail fixant un salaire forfaitaire n'est licite, d'une part, que si elle prévoit une durée de travail maximale tout en garantissant au salarié des temps de repos journaliers et hebdomadaires qui soient suffisants et conformes aux exigences légales, et d'autre part, qu'à la condition qu'elle indique expressément le nombre d'heures supplémentaires inclus dans le forfait ; qu'en constatant que la clause de forfait appliquée à M. [G] [D] ne respectait pas ces exigences, tout en jugeant que l'intéressé n'était pas fondé à s'en plaindre dès lors que les sujétions et contraintes qui lui étaient imposées étaient compensées par l'octroi d'un logement et d'une voiture de fonction, la cour d'appel a violé l'article 112 du code du travail des iles de Wallis et Futuna, l'article 2 de l'arrêté 93-196, ensemble, le principe du droit à la santé et au repos résultant du préambule de la Constitution de 1946 auquel renvoie le préambule de la constitution du 4 octobre 1958 ;
2°) ALORS QU'en tout état de cause, en déboutant M. [G] [D] de sa demande de nullité de la clause de forfait, sans rechercher si cette clause garantissait que l'amplitude et la charge de travail qui lui étaient imposés restaient raisonnables et assuraient une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, et respectaient le droit à la sécurité, au repos, et à la protection de la santé du salarié, la cour d'appel a privé sa décision au regard des dispositions susvisées ;
3°) ALORS QUE toute heure supplémentaire doit être payée, et doit l'être à un taux majoré ; que l'employeur ne peut prétendre en compenser l'accomplissement par l'octroi au salarié d'avantages en nature ou de primes qui ne peuvent se substituer à leur paiement effectif ; qu'en justifiant le non-paiement des heures supplémentaires dont elle constate qu'elles avaient été effectuées par M. [G] [D], par le motif que l'absence de prévision, dans les contrats qu'il avait conclus, d'une rémunération des heures supplémentaires était compensée par le versement d'une rémunération supérieure à celle des autres médecins et par l'octroi au salarié d'avantages en nature tels que la mise à disposition d'un logement et d'un véhicule de fonction, la cour d'appel a violé l'article 112 du code du travail des îles de Wallis et Futuna et l'article 2 de l'arrêté 93-196, ensemble ;
4°) ALORS QU'en tout état de cause, tout travail mérite salaire ; que nonobstant toute stipulation contraire d'un contrat de travail, un employeur ne saurait, pour quelque motif que ce soit, s'affranchir du paiement des heures supplémentaires effectuées par son salarié ; qu'en constatant que M. [D] avait effectué des heures supplémentaires qui ne lui avaient pas été payées, tout en le déboutant de sa demande en paiement desdites heures, la cour d'appel a violé la cour d'appel a violé l'article 112 du code du travail des îles de Wallis et Futuna et l'article 2 de l'arrêté 93-196, ensemble l'article 1710 du code civil ;
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à la décision attaquée d'AVOIR dit que la convention collective de l'Agence de Santé des iles de Wallis et Futuna n'était pas applicable à M. [G] [D] ; débouté en conséquence M. [G] [D] de sa demande tendant au paiement de compléments de salaire ; débouté M. [G] [D] de sa demande de dommages intérêts pour manquement de l'Agence de Santé des iles de Wallis et Futuna à son obligation d'employabilité ; débouté M. [G] [D] de sa demande en paiement d'une indemnité de sujétions et d'une indemnité de service, outre, à titre subsidiaire, des dommages intérêts en réparation du préjudice du fait de caractère discriminatoire de l'inapplication de l'article 113-4 de la convention collective; débouté M. [G] [D] de sa demande en paiement de dommages intérêts pour violation de l'obligation de bonne foi ;
AUX MOTIFS QU'une convention collective s'applique à l'agence de santé des îles Wallis et Futuna, convention collective qui a fait l'objet d'un agrément ministériel en date du 15 juillet 2014. L'article 2 de cette convention collective fixe son champ d'application. Tous les personnels de l'agence sont régis par la Convention collective à l'exception du directeur, de l'agent comptable, des fonctionnaires et des praticiens hospitaliers. La convention stipule également en son article 2 qu'à défaut d'accord contractuel ou individuel le prévoyant expressément, cette convention collective ne s'applique pas notamment :
–aux fonctionnaires et praticiens hospitaliers
–aux personnes de statut libéral rémunérées à la vacation ou au forfait,
–les salariés non rémunérés sur une grille de la Convention collective
–les volontaires du service civique
–les personnels en position de détachement.
Parmi les annexes de cette convention collective figurent les grilles de rémunération des personnels de l'agence de santé applicables à compter du 1er janvier 2014 dont les professions médicales dans la catégorie D. Cette grille prévoit en outre l'application d'un échelon et d'un certain coefficient à partir d'une ancienneté d'un an et six mois. En l'espèce, Monsieur [D] a signé avec l'agence de santé une succession de contrat à durée déterminée au cours de la période du 19 septembre 200016 au 15 janvier 2018. (...) ; Il n'est pas contesté qu'au cours de l'exécution de ces contrats, la grille de rémunération prévue dans la convention collective de l'agence de santé n'a pas été appliquée à Monsieur [D] qui a toujours été rémunéré de manière forfaitaire, comme le stipule tous ses contrats de travail en leur article 5. Monsieur [G] [D] soutient qu'il aurait dû être informé que la Convention collective de lui serait pas appliquée et qu'en conséquence son consentement a été vicié. Il invoque également le caractère discriminatoire de son exclusion de la convention par rapport à d'autres médecins qui eux en bénéficient. L'agence de santé s'y oppose soutenant qu'aucun accord de sa part n'était nécessaire pour exclure l'application de la convention. Elle soutient en outre qu'elle s'appuie sur des critères purement objectifs. Sur quoi, La Convention collective de l'agence de santé des îles Wallis et Futuna déterminant son champ d'application ne trouve pas à s'appliquer à la situation d'[G] [D], dès lors que celui-ci était rémunéré au forfait et non sur une grille de la Convention collective. La cour souligne que Monsieur [D] était libre de refuser les propositions salariales effectuées par l'agence de santé et qu'il ne démontre pas en quoi la non-application de la convention était discriminatoire à son égard. Il soutient que d'autres médecins de l'agence de santé seraient, eux, rémunérés sur la base de la Convention collective ce qui serait notamment le cas du docteur [X], alors qu'elle n'est pas rémunérée sur la base d'une grille de la convention. La cour relève que Mme [X] était en position de détachement à l'agence. Cette position exclut l'application de la Convention collective comme cela a été sus-évoqué. Aucune discrimination n'existe donc par rapport à sa situation. S'agissant des autres médecins invoqués, notamment celui de la pièce 23 qui était un médecin en contrat à durée indéterminée, sa situation ne peut être comparée à celle de Monsieur [D] en contrat à durée déterminée. Il n'est pas contesté par ailleurs que ce dernier a bénéficié d'une rémunération supérieure et d'avantages en nature (logement de fonction et véhicule de fonction) auxquels il n'aurait pas pu prétendre dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée. Le caractère discriminatoire n'est donc pas démontré (?) S'agissant d'une absence de versement de l'indemnité de sujétion. Monsieur [D] fonde ce chef de demande sur les dispositions de l'article 113–3 de la Convention collective relative à l'agence de santé de Wallis-et-Futuna. La cour, comme le tribunal du travail, rappelle que celle-ci est inapplicable en l'espèce. En outre, l'article 5 des contrats de travail de Monsieur [D] mentionne expressément que le mode de rémunération forfaitaire est exclusif de toute autre rétribution. En conséquence, la demande à hauteur de 1 032 903 Fr. CFP sera également rejetée et le jugement confirmé. (?) S'agissant d'une absence de versement de l'indemnité de service. Monsieur [D] invoque également les dispositions de l'article 113–4 de la Convention collective relative à l'agence de santé de Wallis et Futuna pour réclamer le versement des indemnités d'astreinte prévues en semaine et en week-end. Il invoque le fait que la majorité de ses contrats de travail à durée déterminée ont prévu le fait qu'il était d'astreinte en dehors des horaires normaux de service soit 39 heures hebdomadaires. Il souligne qu'il a ainsi effectué de nombreuses périodes d'astreinte listées dans ses écritures, qui justifient l'octroi d'une rémunération supplémentaire d'un montant de 2 460 714 Fr. CFP outre la somme de 246 071 Fr CFP à titre du rappel de congés payés. Il invoque titre subsidiaire le caractère discriminatoire de sa situation à défaut de texte applicable et sollicite l'octroi d'une indemnité à concurrence de la somme de 2 400 000 Fr. CFP. Sur quoi, Sur ce point également, il doit être rappelé que l'article 5 des contrats de travail mentionnent expressément que le mode de rémunération forfaitaire est exclusif de toute autre rétribution. La cour rappelle que la Convention collective n'est pas applicable et que la rémunération forfaitaire prévue englobait les astreintes ce qui exclut tout caractère discriminatoire de cette situation. Le jugement sera confirmé de ce chef. S'agissant d'un manquement à l'employabilité du salarié. Monsieur [D] soutient que l'agence de santé conformément aux articles 20 et 80 14 de la Convention collective relative à l'agence de santé a d'un part manqué à son obligation d'information et de formation du salarié et d'autre part à son obligation de mettre en place un plan de formation annuelle pour le salarié. L'agence de santé s'oppose à ce chef de demande soutenant que les dispositions de la Convention collective ne sont pas applicables en l'espèce. Sur quoi, la cour rappelle comme le tribunal du travail que les dispositions de la Convention collective relatives à l'agence de santé de Wallis et Futuna ne sont pas applicables au cas d'[G] [D]. Par ailleurs, aucune stipulation de ses contrats de formation ne fait état d'une telle obligation. La demande à ce titre sera donc rejetée.
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE D'un autre côté, une convention collective s'applique à I' Agence de santé des îles Wallis-etFutuna, convention collective qui a fait l'objet d'un agrément ministériel en date du 15 juillet 2014. L'article 2 de cette convention collective fixe son champ d'application et stipule qu'à défaut d'accord contractuel ou individuel le prévoyant expressément, cette convention collective ne s'applique notamment pas aux salariés non rémunérés sur une grille de la convention collective. Or, figure parmi les annexes de cette convention collective, les grilles de rémunération des personnels de l'Agence de santé applicables à compter du 2014. Les professions médicales figurent dans la catégorie D de cette grille ; cette grille prévoit l'application d'un échelon et d'un coefficient à partir d'une ancienneté d'un an et six mois. En l'espèce, [G] [D] a signé avec l'Agence de santé une succession de contrats de travail, mais durant toutes ses relations contractuelles de travail celui-ci ne s'est jamais vu appliquer la grille de rémunération prévue dans la convention collective de l'Agence de santé, et notamment pas d'application d'un échelon et d'un coefficient puisqu'il a toujours été rémunéré de manière forfaitaire comme le stipulent tous ses contrats de travail en leur article 5. La convention collective de l'Agence de santé des iles Wallis-et-Futuna déterminant son champ d'application, ne trouve pas à s'appliquer à la situation d'[G] [D] dès lors que celui-ci était rémunéré au forfait et non sur une grille de la convention collective. Ainsi, les relations contractuelles entre [G] [D] et l' Agence de santé des îles Wallis-et-Futuna était régie par le Code du travail applicable aux territoires des îles Wallis-et-Futuna dont il convient de faire application dans le cadre du présent contentieux ; les dispositions du Code du travail métropolitain ne sauraient venir suppléer l'absence de dispositions dans le droit local de Wallis-et-Futuna. S'agissant d'une absence de versement de l'indemnité de sujétion, [G] [D] se fonde sur l'article 113 de la convention collective relative à l'Agence de santé de Wallis-et-Futuna, pourtant inapplicable dans son cas d'espèce. En outre, l'article 5 des contrats de travail d'[G] [D] mentionne expressément que le mode de rémunération forfaitaire est exclusif de toute autre rétribution. S'agissant d'une absence de versement de l'indemnité de service, [G] [D] se fonde là encore sur l'article 113 de la convention collective relative à l'Agence de santé de Wallis-et-Futuna, inapplicable concernant sa situation. Sur ce point également il doit être rappelé que l'article 5 de ses contrats de travail mentionne expressément que le mode de rémunération forfaitaire est exclusif de tout autre rétribution. S'agissant d'un manquement à I'employabilité du salarié, [G] [D] explique que l'Agence de santé conformément aux articles 20 et 94 de la convention collective relative à l'Agence de santé a d'une part manqué à son obligation d'information et de formation du salarié, mais aussi à son obligation de mettre en place un plan de formation annuelle pour le salarié. Une fois de plus, il est rappelé que la convention collective relative à l'Agence de santé de Wallis-et-Futuna n'est pas applicable au cas d'espèce d'[G] ZABL Par ailleurs, aucune stipulation de ses contrats de travail ne font mention d'une telle obligation.
1°) ALORS QUE les différences de traitement entre salariés exerçant les mêmes fonctions ne peuvent être fondées que sur des motifs objectifs; qu'est nulle, en raison de son caractère discriminatoire, la clause d'une convention collective réservant son application aux seuls salariés qui sont rémunérés selon la grille de rémunération qu'elle prévoit, le fait que les parties au contrat de travail aient décidé d'appliquer cette grille plutôt que de fixer par voie d'accord le montant de la rémunération du salarié ne constituant pas un critère objectif et pertinent pouvant conduire à priver un salarié des droits et avantages prévus par la convention collective dont son employeur relève compte tenu de son activité; qu'en jugeant que ne créait aucune discrimination la clause de la convention collective de l'Agence de santé des iles de Wallis et Futuna limitant son champ d'application aux seuls salariés rémunérés sur la base de la grille qu'elle prévoit et en refusant à M. [G] [D], aux motifs qu'il était rémunéré suivant une convention de forfait, les droits et avantages prévus par cette convention, la cour d'appel a violé les articles 30,68 et 72 du code du travail de Wallis et Futuna, ensemble l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;
2°) ALORS QUE ni la différence de salaire, ni l'octroi d'avantages en nature ne sont de nature à constituer un motif objectif d'exclure un salarié du bénéfice de la convention collective dont relève son employeur, en sorte qu'en justifiant encore sa décision par le motif que Monsieur [G] [D] percevait un salaire supérieur à celui des autres médecins rémunérés sur la base de la grille prévue par la convention collective et qu'il lui avait été, au surplus, accordé des avantages en nature, tels que la mise à disposition d'un véhicule et un logement de fonction, La cour d'appel a violé les articles 30,68 et 72 du code du travail de Wallis et Futuna, ensemble l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;
3°) ALORS QUE le principe de non-discrimination implique une identité de traitement entre un salarié ayant conclu un contrat à durée déterminée et un autre ayant conclu un contrat à durée indéterminée dès lors que l'un et l'autre exercent des fonctions de même nature à des postes réclamant une qualification professionnelle équivalente; qu'en justifiant la différence de traitement entre les autres médecins de l'Agence de santé et M. [G] [D] par le fait que ce dernier était titulaire de contrats à durée déterminée, considération impropre à justifier à elle seule qu'un salarié soit privé des droits et avantages prévus par la convention collective dont relève son employeur, la cour d'appel a violé les articles 30,68 et 72 du code du travail de Wallis et Futuna, ensemble l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;
4°) ALORS QU'une différence de statut juridique entre des salariés effectuant un travail de même valeur au service du même employeur ne suffit pas, à elle seule, à caractériser une différence de situation au regard de l'égalité de traitement en matière de rémunération ; qu'une différence de traitement entre des salariés placés dans la même situation doit reposer sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence ; qu'en l'espèce, pour exclure toute discrimination, la cour d'appel s'est contentée de faire état de la différence de statut juridique entre M. [D], ayant conclu un contrat à durée déterminée, et les autres médecins, et du fait que M. [D] percevait un salaire supérieur à celui des médecins occupant un emploi équivalent ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si le non-paiement de ses heures supplémentaires par son employeur sous couvert d'une clause de forfait, ainsi que l'exclusion, du fait de l'inapplicabilité de la convention collective à son égard, du bénéfice des droits et avantages qu'elle accordait aux autres salariés relevant de son champ d'application, et notamment le droit au versement d'indemnités de différentes natures destinées à compenser les contraintes inhérentes à la pratique hospitalière, ne plaçaient pas M. [D] dans une situation de discrimination au regard de ses confrères exerçant un même travail ou un travail de valeur égale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 30,68 et 72 du code du travail de Wallis et Futuna, ensemble l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à la décision attaquée d'AVOIR débouté M. [G] [D] de sa demande en paiement d'une indemnité de service prévue par l'article L. 113-4 de la convention collective et subsidiairement des dommages intérêts en raison du caractère discriminatoire de son exclusion de la convention collective, à hauteur de 2 400 000 Fr. CFP.
AUX MOTIS QUE l'article 5 de ses contrats de travail mentionne expressément que le mode de rémunération forfaitaire est exclusif de toute autre rétribution ; la cour rappelle que la convention collective n'est pas applicable et que la rémunération forfaitaire englobait les astreintes ce qui exclut tout caractère discriminatoire de cette situation ;
ALORS QUE la cassation qui sera prononcée sur les deuxième et troisième moyens de cassation reprochant à l'arrêt d'avoir dit qu'était valide la clause de forfait, et que la convention collective n'était pas applicable à M. [G] [D] sans qu'il en résulte de discrimination, entrainera par voie de conséquence la cassation de la décision attaqué en ce qu'elle a débouté l'intéressé de sa demande en paiement d'une indemnité de service prévue par l'article 113-4 de la convention collective, en application de l'article 624 du code de procédure civile ;
CINQUIÈME MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. [G] [D] de sa demande en paiement d'une indemnité de 1 800 000 pour non-respect des dispositions légales imposant un repos hebdomadaire ;
AUX MOTIFS PROPRE QUE La cour relève comme le tribunal qu'il ressort de la lecture des plannings de l'intéressé versés par l'employeur, lorsqu'il était généraliste de septembre 2016 à février 2017 qu'il bénéficiait d'au moins une journée de repos toute la semaine. En qualité de médecin urgentiste, il travaillait de 7 heures à 17h du lundi au vendredi, la relève étant assurée par les médecins généralistes d'astreinte en dehors de ces heures au regard des plannings des astreintes des médecins généralistes à Wallis des mois de juillet et août 2017 versés par l'employeur. En conséquence le non-respect de la réglementation invoqué n'étant pas démontré, ce chef demande sera rejetée.
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE S'agissant d'un non-respect du repos hebdomadaire, [G] [D] estime à la lecture de ces bulletins de salaire qu'il aurait travaillé en continu tous les jours sans aucun repos hebdomadaire. Pourtant, les plannings de l'intéressé versés par l'employeur parce qu'il était un généraliste de septembre 2016 à février 2017 permet d'établir que celui-ci bénéficiait bien d'au moins une journée de repos toutes les semaines ; et lorsqu'il occupait le poste de médecin urgentiste il travaillait de 7 heures à 17 heures du lundi au vendredi, sachant qu'aux autres heures les astreintes des urgences étaient effectuées par les médecins généralistes, ce que permet d'établir les plannings des astreintes des médecins généralistes à Wallis des mois de juillet et août 2017 versés par l'employeur.
1°) ALORS QU'il appartient à l'employeur d'établir que le salarié a bénéficié du temps de repos hebdomadaire auquel la loi ou la convention collective applicable lui donnent droit ; qu'en l'espèce, M. [G] [D] contestait avoir bénéficié durant toute la durée de la relation contractuelle de travail d'un temps de repos de 24 heures au moins par semaine, comme l'exige l'article 120 du code du travail de Wallis et Futuna ; qu'il demandait à la cour d'ordonner que soient communiqués les plannings complets couvrant la période allant du 16 septembre 2016 au 18 janvier 2018 durant laquelle M. [D] avait exercé pour l'Agence de Santé, plannings qu'il l'avait enjoint de produire par voie de sommation de communiquer ; qu'en s'abstenant d'enjoindre à l'employeur de produire ces plannings, et en déduisant que l'Agence de Santé avait respecté la durée et les rythme de repos hebdomadaire de l'examen des seuls plannings couvrant la période de septembre 2016 à février 2017 et de ceux relatifs aux mois de juillet et août 2017, lesquels plannings ne permettaient pas de connaitre quelle avait été la durée du travail du salarié durant plus de 10 mois et si M. [G] [D] avait, au cours de cette période, été rempli de ses droits au titre du repos hebdomadaire la cour d'appel a violé les principes régissant la charge de la preuve et l'article 120 du code du travail de Wallis et Futuna ;
2°) ALORS QU'en outre, et en tout état de cause, en ne répondant pas aux conclusions de M. [D] qui demandait à la cour d'ordonner que soient communiqués les plannings complets couvrant la période allant du 16 septembre 2016 au 18 janvier 2018 durant laquelle il avait exercé pour l'Agence de Santé, plannings qu'il avait enjoint à celle-ci de produire par voie de sommation de communiquer, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocats aux Conseils, pour l'Agence de santé des îles Wallis-et-Futuna, demanderesse au pourvoi incident
IL EST FAIT GRIEF à la décision attaquée D'AVOIR dit que l'agence de santé des Iles de Wallis et Futuna avait commis une violation de l'obligation de sécurité et de résultat et de l'AVOIR condamnée, à ce titre, à verser à M. [D] une somme de 250 000 F CFP ;
AUX MOTIFS QUE « Sur ce point la Cour rappelle que la convention collective de l'Agence de santé n'est pas applicable à la situation d'[G] [D].
L'article 133 bis du code du travail applicable dans le territoire des îles Wallis et Futuna dispose notamment que l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs ; il donne les instructions nécessaires pour que, en cas de danger grave et imminent, les travailleurs cessent leur activité, se mettent en sécurité et quittent immédiatement leur lieu de travail.
Dans ce cadre général, il est admis en droit qu'un examen médical préalable à l'embauche soit mis en place ayant pour but de rechercher si le salarié n'est pas atteint d'une affection dangereuse pour les autres travailleurs, de s'assurer qu'il est médicalement apte au poste de travail auquel il doit être affecté et de proposer éventuellement des adaptations du poste ou l'affectation à d'autres postes.
M. [D] invoque des décisions de jurisprudence (cf cassation chambre sociale du 6 novembre 2013 et du 12 février 2014) en vertu desquelles l'absence d'une telle visite médicale entraîne nécessairement un préjudice pour le salarié ouvrant droit à des dommages et intérêts. Il ajoute qu'il existe réellement un médecin du travail à Wallis auquel il a eu recours dans l'exercice de son travail.
L'agence de santé demande le rejet de ce chef de demande soutenant que le code du travail de Wallis n'impose aucune obligation en la matière.
Sur quoi La Cour relève que les jurisprudences invoquées reposent sur les dispositions du code du travail de métropole en particulier les dispositions des articles R. 4624-10 et R. 4624-1G du dit code qui ne sont pas applicables sur le territoire de Wallis et Futuna.
A défaut de considérer en conséquence que l'absence d'un tel examen génère automatiquement un préjudice, il convient de considérer que l'organisation d'une telle visite rentre dans le cadre de l'obligation générale visée à l'article 133 bis sus-évoqué.
Mais l'absence d'organisation d'une telle visite médicale préalable à l'embauche par l'employeur ne sera de nature à donner lieu à indemnisation pour le salarié, que s'il démontre l'existence d'un préjudice en résultant.
En l'espèce, il n'est pas contesté des parties qu'[G] [D] n'a pas fait l'objet d'une visite médicale préalable à l'embauche alors qu'il existe un service de médecine du travail à Wallis (cf mail envoyé par M. [D] le 6 octobre 2017 pièce numéro 45).
Une telle visite médicale aurait manifestement dû avoir lieu cela d'autant que les contrats de travail à durée déterminée stipulent tous que les fonctions prévues seront exercées sous réserve de l'aptitude médicale à l'emploi.
Cette absence de visite médicale préalable à son embauche à l'occasion de chaque contrat de travail est de nature à générer un préjudice moral sachant que les conditions d'exercice dans les Iles de Wallis et Futuna sont particulièrement difficiles et qu'il avait donc le droit à ces contrôles.
En conséquence la demande d'indemnisation à ce titre est recevable et bien fondée » ;
1°) ALORS QU'aucune disposition du code du travail applicable dans le territoire des Iles de Wallis et Futuna, ni aucune réglementation de droit local, n'impose à l'employeur d'organiser une visite médicale préalable à l'embauche; qu'en jugeant néanmoins que l'organisation d'une telle visite entrerait dans le cadre de l'obligation générale visée à l'article 133 bis du code du travail applicable dans le territoire des Iles de Wallis et Futuna, la juridiction d'appel de Mata'Utu, qui a mis à la charge de l'employeur une obligation que ce texte ne prévoit pas, a violé l'article précité ;
2°) ALORS QUE les dispositions du code du travail métropolitain ne sont pas applicables sur le territoire des Iles de Wallis-et-Futuna ; que la jurisprudence, rendue sur le fondement de ces dispositions, ne peut davantage être transposée pour suppléer l'absence d'une réglementation spécifique en droit local ; qu'en transposant la jurisprudence rendue sur le fondement des articles R. 4624-10 et R. 4624-16 du code du travail métropolitain pour inclure dans les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleur, visées à l'article 133 bis du code du travail applicable dans le territoire des Iles de Wallis et Futuna, l'organisation d'une visite préalable à l'embauche que le droit de local ne prévoit pas, la juridiction d'appel de Mata'Utu a violé les articles 1er, 30 et 133 bis du code du travail applicable dans le territoire des Iles de Wallis et Futuna.
3°) ALORS QU'en toute hypothèse, une éventuelle obligation de l'employeur d'organiser une visite médicale ne constitue pas une « obligation de sécurité de résultat », et sa méconnaissance ne peut donner lieu à dommages et intérêts que si la sécurité ou la santé du salarié s'en est trouvée affectée ; que la cour d'appel a violé l'article 1217 du code civil ;
4°) ALORS QUE le préjudice résultant de la violation d'une telle obligation, à la supposer exister, ne peut être constitué que par une atteinte concrète à la sécurité ou à la santé du travailleur ; qu'en prétendant réparer sur ce terrain un simple préjudice moral, la cour d'appel a violé l'article 133 bis du code du travail applicable à Wallis et Futuna.
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INCA/JURITEXT000047324569.xml
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CH9
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 15 mars 2023
Péremption d'instance
Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 238 F-D
Pourvoi n° V 18-11.337
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 MARS 2023
Mme [M] [T], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° V 18-11.337 contre l'arrêt rendu le 28 novembre 2017 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [P] [J], domiciliée [Adresse 5], exerçant sous l'enseigne AMC conduite et en liquidation judiciaire par jugement du 21/09/2019 du TGI de Grenoble,
2°/ à la société AJ partenaires, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], prise en la personne de M. [O] [S] en qualité de commissaire à l'exécution du plan de Mme [P] [J] exerçant sous l'enseigne AMC conduite,
3°/ à l'AGS CGEA [Localité 6], dont le siège est [Adresse 4],
4°/ M. [R], domicilié [Adresse 1], pris en qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de Mme [P] [J],
défendeurs à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Van Ruymbeke, conseiller, les observations de la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de Mme [T], de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de Mme [J], M. [X], ès qualités, après débats en l'audience publique du 24 janvier 2023 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Van Ruymbeke, conseiller rapporteur, M. Pion, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Vu la requête en constat de péremption d'instance déposée le 2 juin 2022 par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de Mme [J] et de Maître [R], en qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de cette dernière, intervenants en défense.
Vu les articles 386 et 1009-2 du code de procédure civile :
1. Dans le litige opposant Mme [T] à Mme [J] , la Cour de cassation a prononcé la radiation du pourvoi n° V 18-11.337 par un arrêt du 6 novembre 2019.
2. Cet arrêt a été notifié à Mme [T] par lettre recommandée remise à sa personne le 30 janvier 2020.
3. Aucune diligence n'ayant été accomplie pendant les deux ans qui ont suivi cette notification, il y a lieu de constater la péremption de l'instance.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CONSTATE la péremption de l'instance du pourvoi n° V 18-11.337 ;
Condamne Mme [T] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [J] ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mars deux mille vingt-trois.
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INCA/JURITEXT000047324580.xml
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
AF1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 15 mars 2023
Cassation partielle
Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 251 F-D
Pourvois n°
P 21-20.198
S 21-20.201
R 21-20.200
V 21-20.204
X 21-20.206
F 21-23.894
B 21-23.890
C 21-23.891
Y 21-23.887
W 21-23.885 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 MARS 2023
I. M. [T] [V], domicilié [Adresse 3],
II. M. [A] [U], domicilié [Adresse 2],
III. M. [H] [R], domicilié [Adresse 4],
IV. M. [Y] [J], domicilié [Adresse 1],
V. M. [N] [M], domicilié [Adresse 5],
ont formé les pourvois n° P 21-20.198, S 21-20.201, R 21-20.200, V 21-20.204 et X 21-20.206.
VI. l'Opéra de [Localité 7] Provence Méditerranée, établissement public de coopération culturelle, dont le siège est [Adresse 6] a formé les pourvois n° F 21-23.894, B 21-23.890 C 21-23.891, Y 21-23.887 et W 21-.23885
contre les cinq même arrêts rendus le 28 mai 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-7) dans les litiges les opposant.
Le demandeur au pourvoi n° P 21-20.198, invoque à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Les demandeurs aux pourvois n° S 21-20.201, R 21-20.200, V 21-20.204 et X 21-20.206 invoquent, à l'appui de chacun de leur recours, les trois moyens de cassation communs également annexés au présent arrêt.
Le demandeur aux pourvois n° F 21-23.894, B 21-23.890, C 21-23.891, Y 21-23.887 et W 21-23.885 invoque, à l'appui de chacun de ses recours, le moyen unique de cassation commun également annexé au présent arrêt.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de MM. [V], [U], [R], [J] et [M], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de l'Opéra de [Localité 7] Provence Méditerranée, après débats en l'audience publique du 25 janvier 2023 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° P 21-20.198, S 21-20.201, R 21-20.200, V 21-20.204, X 21-20.206, F 21-23.894, B 21-23.890, C 21-23.891, Y 21-23.887 et W 21-23.885 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon les arrêts attaqués (Aix-en-Provence, 28 mai 2021), M. [V] et quatre autres salariés de l'Opéra de [Localité 7] Provence Méditerranée EPCC ont saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir, notamment, la condamnation de ce dernier à leur payer des rappels de salaire et de prime d'ancienneté en application de la rémunération minimale prévue par la convention collective nationale des entreprises artistiques et culturelles du 1er janvier 1984 ainsi qu'une indemnité pour travail dissimulé.
Examen des moyens
Sur le moyen des pourvois n° F 21-23.894, B 21-23.890, C 21-23.891, Y 21-23.887 et W 21-23.885 de l'employeur
Enoncé du moyen
3. L'employeur fait grief aux arrêts de le condamner à payer aux salariés des sommes à titre de rappel de salaire et de prime d'ancienneté, outre les congés payés afférents sur ces sommes, pour la période de décembre 2017 à avril 2019, alors :
« 1°/ que si des minimums" conventionnels sont définis par rapport à une durée de travail précise, l'appréciation du respect de leur montant doit être effectuée au regard de la durée du travail pratiquée dans l'entreprise ; que la convention collective nationale pour les entreprises artistiques et culturelles du 1er janvier 1984 prévoit une rémunération minimale définie par rapport à une durée de travail précise, soit 1224 heures annuelles pour les artistes musiciens ; qu'en jugeant que la rémunération conventionnelle est garantie hors proratisation du temps de travail pour allouer aux salariés, dont l'horaire de référence était de 81 heures par mois, une rémunération égale à la rémunération minimale conventionnelle prévue pour un horaire de référence de 1224 heures par an soit 102 heures par mois, la cour d'appel a violé les articles X.1, X.3 et XV.2 de la convention collective nationale pour les entreprises artistiques et culturelles du 1er janvier 1984 ;
2°/ que selon l'article X.3 de la convention collective dans sa rédaction issue de l'avenant du 6 décembre 2017, "la rémunération mensuelle telle que prévue dans les articles X. 3.1, X. 3.2, X. 3.3, X. 3.4 et les grilles annexées à la convention est garantie non proratisée et non lissée quel que soit le temps de travail effectif réalisé par l'artiste au cours du mois" ; qu'en déduisant de ce texte une interdiction de proratisation au regard de l'horaire de référence dans l'entreprise cependant qu'il ne s'en évince qu'une interdiction de proratisation au regard du temps de travail effectif, la cour d'appel a violé les articles X.1, X.3 dans sa rédaction issue de l'avenant du 6 décembre 2017, et XV.2 de la convention collective nationale pour les entreprises artistiques et culturelles du 1er janvier 1984. »
Réponse de la Cour
4. Selon l'article X.3 de la convention collective nationale pour les entreprises artistiques et culturelles du 1er janvier 2004, dans sa rédaction issue de l'avenant du 6 décembre 2017, à chaque emploi correspond un salaire brut minimum, au-dessous duquel aucun salarié ne peut être rémunéré. La rémunération mensuelle telle que prévue dans les articles X. 3.1, X. 3.2, X. 3.3, X. 3.4 et les grilles annexées à la convention est garantie non proratisée et non lissée quel que soit le temps de travail effectif réalisé par l'artiste au cours du mois.
5. Après avoir constaté que l'accord d'entreprise des artistes musiciens permanents de l'Opéra de [Localité 7] Provence Méditerranée du 10 juillet 2009
stipulait que sont considérés comme du temps de travail effectif le temps musical et le temps de mission, que le temps musical et le temps de mission sont décomptés en service, chaque musicien devant 81 heures par mois soit 27 services, la cour d'appel a exactement retenu que, pour la période postérieure au mois de décembre 2017, l'appréciation du respect du montant des minima conventionnels devait être effectuée par comparaison du salaire conventionnel avec le salaire perçu par chaque salarié hors proratisation par rapport au temps de travail effectif prévu par l'accord d'entreprise.
6. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le premier moyen des pourvois n° P 21-20.198, S 21-20.201, R 21-20.200, V 21-20.204, X 21-20.206 des salariés, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
7. Les salariés font grief aux arrêts de ne condamner l'employeur à leur payer que des sommes minorées, pour la période de décembre 2017 à avril 2019, à titre de rappel de salaire et de prime d'ancienneté, outre les congés payés afférents, alors « qu'en retenant, pour estimer que les salariés ne pouvaient pas bénéficier du salaire conventionnel mensuel de référence, que l'accord d'entreprise des artistes musiciens permanents du 10 juillet 2009 avait fixé une durée mensuelle de travail de 81 heures sans se prononcer sur le moyen soulevé en appel selon lequel cet accord avait fixé, en son point 9, l'horaire de référence mensuel des artistes musiciens à temps plein à 151 heures 40, la durée de 81 heures correspondant seulement au temps de service, qui doit être complété par le temps pendant lequel les musiciens se tiennent à la disposition de leur employeur et leurs temps de préparation individuel, la cour d'appel a méconnu les exigences posées à l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
8. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.
9. Pour limiter les rappels de salaire versés aux salariés à la période postérieure au mois de décembre 2017, l'arrêt retient qu'il résulte des dispositions de la convention collective des entreprises artistiques et culturelles que les rémunérations étaient définies par rapport à une durée de travail précise, soit 1 224 heures par an, ce qui correspond à une durée de 102 heures par mois, qu'au sein de l'entreprise la durée du travail est inférieure à celle-ci, en l'espèce 81 heures par mois selon l'accord d'entreprise du 10 juillet 2009, de sorte que l'appréciation du respect du montant des minima conventionnels doit être effectuée au regard de la durée du travail effectivement pratiquée (soit salaire conventionnel /102 x 81) sur la période antérieure au mois de décembre 2017.
10. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions des salariés, qui soutenaient que l'accord d'entreprise des artistes musiciens permanents de l'Opéra de [Localité 7] Provence Méditerranée du 10 Juillet 2009 prévoyait, en son point 9, que l'horaire de référence des artistes musiciens à temps plein était de 151,67 heures par mois ou 1 575 heures par an et que s'ils devaient au moins 81 heures par mois répartis en services mensuels, ils étaient néanmoins employés pour 151,67 heures de travail par mois et restaient à disposition de l'employeur pour cette durée, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
Sur le deuxième moyen des pourvois n° P 21-20.198, S 21-20.201, R 21-20.200, V 21-20.204, X 21-20.206, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
11. Les salariés font grief aux arrêts de déclarer irrecevables leurs demandes à titre de rappels de salaires, de prime d'ancienneté et congés payés afférents pour la période allant de mai 2019 à décembre 2020, alors « que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les salariés avaient saisi le conseil de prud'hommes aux fins de voir condamner l'employeur à leur payer des rappels de salaire et de prime d'ancienneté et qu'ils la saisissaient en appel de demandes à titre de rappel de salaires, prime d'ancienneté et congés payés y afférents, pour la période allant de mai 2019 à décembre 2020, ce dont il résultait que ces deux séries de demandes poursuivaient des fins identiques ; qu'en affirmant ensuite, pour déclarer irrecevables ces demandes formulées en appel, qu'elles ne tendaient pas aux mêmes fins que les demandes soumises au premier juge, la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 565 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l' article 565 du code de procédure civile :
12. Aux termes de ce texte, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.
13. Pour déclarer irrecevables comme nouvelles les demandes des salariés tendant au paiement de rappels de salaires, de prime d'ancienneté et congés payés afférents pour la période allant de mai 2019 à décembre 2020, les arrêts retiennent que ces demandes formées pour la première fois en cause d'appel ne tendent pas aux mêmes fins que les demandes soumises au premier juge sur la détermination des minima conventionnels.
14. En statuant ainsi, alors que ces demandes poursuivaient la même fin de paiement du salaire dû par l'employeur au regard de la rémunération minimale prévue par la convention collective applicable, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Et sur le troisième moyen des pourvois n° P 21-20.198, S 21-20.201, R 21-20.200, V 21-20.204, X 21-20.206, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
15. Les salariés font grief aux arrêts de les débouter de leurs demandes tendant à l'application de certaines mesures à compter du présent arrêt, alors « qu'en se fondant, pour débouter le salarié de ses demandes en versement d'une rémunération sur la base d'un salaire minimum conventionnel s'ajoutant à la prime d'ancienneté et aux autres primes perçues, après le 30 avril 2019, sur le fait qu'elles étaient indéterminées formées pour l'avenir, la cour d'appel a retenu de son propre mouvement ce moyen relevé d'office, sans avoir au préalable invité les parties à s'expliquer en violation de l'article 16 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 16 du code de procédure civile :
16. Aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
17. Pour débouter les salariés de leurs demandes tendant à l'application de certaines mesures à compter des arrêts, les arrêts retiennent que les demandes des salariés de versement d'une rémunération sur la base d'un salaire minimum conventionnel s'ajoutant à la prime d'ancienneté et les autres primes jusqu'à présent perçues, après le 30 avril 2019, constituent des demandes indéterminées formées pour l'avenir, qu'il n'appartient pas à la cour de prononcer.
18. En statuant ainsi, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen, tiré du caractère indéterminé de la demande, relevé d'office, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
Rejette les pourvois n° F 21-23.894, B 21-23.890, C 21-23.891, Y 21-23.887 et W 21-23.885 ;
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'ils déboutent MM. [V], [U], [R], [J], [M] de leur demande de dommages-intérêts pour travail dissimulé, en ce qu'ils les déboutent de leur demande de dommages-intérêts pour appel abusif, en ce qu'ils condamnent l'Opéra de [Localité 7] Provence Méditerranée aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à payer à chaque salarié une somme de 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, les arrêts rendus le 28 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel de Aix-en-Provence autrement composée ;
Condamne l'Opéra de [Localité 7] Provence Méditerranée aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'Opéra de [Localité 7] Provence Méditerranée et le condamne à payer à MM. [V], [U], [R], [J] et [M] la somme de 1 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mars deux mille vingt-trois.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. [V], demandeur au pourvoi n° P 21-20.198
PREMIER MOYEN DE CASSATION
M. [V] fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ces chefs, de n'AVOIR condamné l'Opéra de [Localité 7] Provence Méditerranée à lui payer que des sommes minorées, pour la période de décembre 2017 à avril 2019, à titre de rappel de salaire et de prime d'ancienneté, outre les congés payés afférents.
1° ALORS QU' en vertu de l'article L. 2254-1 du code du travail, lorsqu'un employeur est lié par les clauses d'une convention ou d'un accord collectif, ces clauses s'appliquent aux contrats de travail conclus avec lui, sauf stipulations plus favorables ; qu'en se fondant, pour estimer que le salarié ne pouvait pas bénéficier du salaire conventionnel mensuel de référence, sur l'accord d'entreprise des artistes musiciens permanents du 10 juillet 2009 sans vérifier, comme cela lui était demandé, si l'application de cet accord ne devait pas être écartée dans la mesure où il était moins favorable que son contrat de travail, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard du principe de faveur découlant de l'article L. 2254-1 du code du travail et de l'accord d'entreprise des artistes musiciens permanents du 10 juillet 2009, ensemble les articles X-3.3A et XV-2.1 de la convention collective des entreprises artistiques et culturelles, l'article 1134 du code civil, dans sa version applicable en la cause, et l'article L. 1221-1 du code du travail,
2° ALORS QUE la durée du travail telle que stipulée au contrat de travail constitue un élément du contrat qui ne peut être modifié sans l'accord du salarié ; qu'en se fondant, pour estimer que le salarié ne pouvait pas bénéficier du salaire conventionnel mensuel de référence, sur la durée du travail fixée par l'accord d'entreprise des artistes musiciens permanents du 10 juillet 2009 sans rechercher, comme cela lui était demandé, si l'employeur avait pu diminuer unilatéralement, par ledit accord d'entreprise, le temps de travail du salarié stipulé dans son contrat de travail, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles 1134 du code civil, dans sa version applicable en la cause, et L. 1221-1 du code du travail, ensemble les articles X-3.3A et XV-2.1 de la convention collective des entreprises artistiques et culturelles et l'accord d'entreprise des artistes musiciens permanents du 10 juillet 2009
3° ALORS QU'en retenant, pour estimer que le salarié ne pouvait pas bénéficier du salaire conventionnel mensuel de référence, que l'accord d'entreprise des artistes musiciens permanents du 10 juillet 2009 avait fixé une durée mensuelle de travail de 81 heures sans se prononcer sur le moyen soulevé en appel selon lequel cet accord avait fixé, en son point 9, l'horaire de référence mensuel des artistes musiciens à temps plein à 151 heures 40, la durée de 81 heures correspondant seulement au temps de service, qui doit être complété par le temps pendant lequel les musiciens se tiennent à la disposition de leur employeur et leurs temps de préparation individuel, la cour d'appel a méconnu les exigences posées à l'article 455 du code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
M. [V] fait grief fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable ses demandes à titre de rappels de salaires, de prime d'ancienneté et congés payés y afférents pour la période allant de mai 2019 à décembre 2020.
1° ALORS QUE les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le salarié avait saisi le conseil de prud'hommes aux fins de voir condamner l'employeur à lui payer des rappels de salaire et de prime d'ancienneté (arrêt attaqué, p. 2) et qu'il la saisissait en appel d'une demande à titre de rappel de salaires, prime d'ancienneté et congés payés y afférents, pour la période allant de mai 2019 à décembre 2020 (arrêt attaqué, p. 5), ce dont il résultait que ces deux séries de demandes poursuivaient des fins identiques ; qu'en affirmant ensuite, pour déclarer irrecevables ces demandes formulées en appel, qu'elles ne tendaient pas aux mêmes fins que les demandes soumises au premier juge (arrêt attaqué, p. 9), la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 565 du code de procédure civile
2° ALORS QUE les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles sont l'accessoire de celles soumises au premier juge, qu'elles en sont la conséquence ou le complément nécessaire ; qu'en déclarant irrecevables les demande au titre de rappels de salaires, de prime d'ancienneté et congés payés y afférents pour la période allant de mai 2019 à décembre 2020 sans rechercher si ces demandes ne constituaient pas l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire de celles soumises au premier juge qui visait à obtenir la condamnation de son employeur à des rappels de salaire, de prime d'ancienneté et de congés payés y afférents, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 566 du code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
M. [V] fait grief fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR débouté de ses demandes tendant à l'application de certaines mesures à compter du présent arrêt.
1° ALORS QU'en se fondant, pour débouter le salarié de ses demandes en versement d'une rémunération sur la base d'un salaire minimum conventionnel s'ajoutant à la prime d'ancienneté et aux autres primes perçues, après le 30 avril 2019, sur le fait qu'elles étaient indéterminées formées pour l'avenir, la cour d'appel a retenu de son propre mouvement ce moyen relevé d'office, sans avoir au préalable invité les parties à s'expliquer en violation de l'article 16 du code de procédure civile
2° ALORS QUE le caractère indéterminé d'une demande en justice ne justifie pas à lui seul son rejet ; qu'en rejetant les demandes en versement d'une rémunération sur la base d'un salaire minimum conventionnel s'ajoutant à la prime d'ancienneté et aux autres primes perçues, après le 30 avril 2019 motifs pris qu'elles étaient indéterminées, la cour d'appel a violé les articles 4 du code civil et 12 du code de procédure civile
3° ALORS QU'en affirmant que les demandes du salarié en versement d'une rémunération sur la base d'un salaire minimum conventionnel s'ajoutant à la prime d'ancienneté et aux autres primes perçues, après le 30 avril 2019 étaient indéterminées, la cour d'appel a dénaturé les conclusions du salarié, en violation du principe d'interdiction faite au juge de dénaturer les éléments de la cause
4° ALORS QU'en se bornant à affirmer, pour rejeter les demandes en versement d'une rémunération sur la base d'un salaire minimum conventionnel s'ajoutant à la prime d'ancienneté et aux autres primes perçues, après le 30 avril 2019, qu'elles étaient indéterminées sans autre précision, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son office et a méconnu les exigences posées à l'article 455 du code de procédure. Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour MM. [R], [U], [J] et [M], demandeurs aux pourvois n° S 21-20.200, S 21-20.201, V 21-20.204 et X 21.20-206
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Les salariés exposants font grief aux arrêts attaqués, infirmatifs de ces chefs de n'AVOIR condamné l'Opéra de [Localité 7] Provence Méditerranée à leur payer que des sommes minorées, pour la période de décembre 2017 à avril 2019, à titre de rappel de salaire et de prime d'ancienneté, outre les congés payés afférents.
1° ALORS QU' en vertu de l'article L. 2254-1 du code du travail, lorsqu'un employeur est lié par les clauses d'une convention ou d'un accord collectif, ces clauses s'appliquent aux contrats de travail conclus avec lui, sauf stipulations plus favorables ; qu'en se fondant, pour estimer que les salariés ne pouvaient pas bénéficier du salaire conventionnel mensuel de référence, sur l'accord d'entreprise des artistes musiciens permanents du 10 juillet 2009 sans vérifier, comme cela lui était demandé, si l'application de cet accord ne devait pas être écartée dans la mesure où il était moins favorable que les contrats de travail, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard du principe de faveur découlant de l'article L. 2254-1 du code du travail et de l'accord d'entreprise des artistes musiciens permanents du 10 juillet 2009, ensemble les articles X-3.3A et XV-2.1 de la convention collective des entreprises artistiques et culturelles, l'article 1134 du code civil, dans sa version applicable en la cause, et l'article L. 1221-1 du code du travail,
2° ALORS QUE la durée du travail telle que stipulée au contrat de travail constitue un élément du contrat qui ne peut être modifié sans l'accord du salarié ; qu'en se fondant, pour estimer que les salariés ne pouvaient pas bénéficier du salaire conventionnel mensuel de référence, sur la durée du travail fixée par l'accord d'entreprise des artistes musiciens permanents du 10 juillet 2009 sans rechercher, comme cela lui était demandé, si l'employeur avait pu diminuer unilatéralement, par ledit accord d'entreprise, le temps de travail des salariés stipulé dans leur contrat de travail, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles 1134 du code civil, dans sa version applicable en la cause, et L. 1221-1 du code du travail, ensemble les articles X-3.3A et XV-2.1 de la convention collective des entreprises artistiques et culturelles et l'accord d'entreprise des artistes musiciens permanents du 10 juillet 2009,
3° ALORS QU'en retenant, pour estimer que les salariés ne pouvaient pas bénéficier du salaire conventionnel mensuel de référence, que l'accord d'entreprise des artistes musiciens permanents du 10 juillet 2009 avait fixé une durée mensuelle de travail de 81 heures sans se prononcer sur le moyen soulevé en appel selon lequel cet accord avait fixé, en son point 9, l'horaire de référence mensuel des artistes musiciens à temps plein à 151 heures 40, la durée de 81 heures correspondant seulement au temps de service, qui doit être complété par le temps pendant lequel les musiciens se tiennent à la disposition de leur employeur et leurs temps de préparation individuel, la cour d'appel a méconnu les exigences posées à l'article 455 du code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Les salariés exposants font grief aux arrêts attaqués d'AVOIR déclaré irrecevables leurs demandes à titre de rappels de salaires, de prime d'ancienneté et congés payés y afférents pour la période allant de mai 2019 à décembre 2020.
1° ALORS QUE les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les salariés avaient saisi le conseil de prud'hommes aux fins de voir condamner l'employeur à leur payer des rappels de salaire et de prime d'ancienneté (arrêt attaqué, p. 2) et qu'ils la saisissaient en appel de demandes à titre de rappel de salaires, prime d'ancienneté et congés payés y afférents, pour la période allant de mai 2019 à décembre 2020 (arrêt attaqué, p. 5), ce dont il résultait que ces deux séries de demandes poursuivaient des fins identiques ; qu'en affirmant ensuite, pour déclarer irrecevables ces demandes formulées en appel, qu'elles ne tendaient pas aux mêmes fins que les demandes soumises au premier juge (arrêt attaqué, p. 9), la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 565 du code de procédure civile
2° ALORS QUE les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles sont l'accessoire de celles soumises au premier juge, qu'elles en sont la conséquence ou le complément nécessaire ; qu'en déclarant irrecevables les demandes au titre de rappels de salaires, de prime d'ancienneté et congés payés y afférents pour la période allant de mai 2019 à décembre 2020 sans rechercher si ces demandes ne constituaient pas l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire de celles soumises au premier juge qui visaient à obtenir la condamnation de leur employeur à des rappels de salaire, de prime d'ancienneté et de congés payés y afférents, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 566 du code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Les salariés exposants font grief aux arrêts attaqués de les AVOIR déboutés de leurs demandes tendant à l'application de certaines mesures à compter du présent arrêt.
1° ALORS QU'en se fondant, pour débouter les salariés de leurs demandes en versement d'une rémunération sur la base d'un salaire minimum conventionnel s'ajoutant à la prime d'ancienneté et aux autres primes perçues, après le 30 avril 2019, sur le fait qu'elles étaient indéterminées formées pour l'avenir, la cour d'appel a retenu de son propre mouvement ce moyen relevé d'office, sans avoir au préalable invité les parties à s'expliquer en violation de l'article 16 du code de procédure civile
2° ALORS QUE le caractère indéterminé d'une demande en justice ne justifie pas à lui seul son rejet ; qu'en rejetant les demandes en versement d'une rémunération sur la base d'un salaire minimum conventionnel s'ajoutant à la prime d'ancienneté et aux autres primes perçues, après le 30 avril 2019 motifs pris qu'elles étaient indéterminées, la cour d'appel a violé les articles 4 du code civil et 12 du code de procédure civile
3° ALORS QU'en affirmant que les demandes des salariés en versement d'une rémunération sur la base d'un salaire minimum conventionnel s'ajoutant à la prime d'ancienneté et aux autres primes perçues, après le 30 avril 2019 étaient indéterminées, la cour d'appel a dénaturé les conclusions des salariés exposants, en violation du principe d'interdiction faite au juge de dénaturer les éléments de la cause
4° ALORS QU'en se bornant à affirmer, pour rejeter les demandes en versement d'une rémunération sur la base d'un salaire minimum conventionnel s'ajoutant à la prime d'ancienneté et aux autres primes perçues, après le 30 avril 2019, qu'elles étaient indéterminées sans autre précision, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son office et a méconnu les exigences posées à l'article 455 du code de procédure.
Moyen produit par la SCP Piwnica et Moliné, avocat aux Conseils, pour l'Opéra de [Localité 7] Provence méditerrannée, demandeur aux pourvois n° F 21-23.894, B 21-23.890, C 21-23.891, Y 21-23.887, W 21-23.885
L'Opéra de [Localité 7] Provence Méditerranée fait grief aux arrêts infirmatifs attaqué de l'avoir condamné à payer aux salariés des sommes à titre de rappel de salaire et congés payés y afférents et de prime d'ancienneté et congés payés y afférents, pour la période de décembre 2017 à avril 2019.
1° ALORS QUE si des minimums conventionnels sont définis par rapport à une durée de travail précise, l'appréciation du respect de leur montant doit être effectuée au regard de la durée du travail pratiquée dans l'entreprise ; que la convention collective nationale pour les entreprises artistiques et culturelles du 1er janvier 1984 prévoit une rémunération minimale définie par rapport à une durée de travail précise, soit 1224 heures annuelles pour les artistes musiciens ; qu'en jugeant que la rémunération conventionnelle est garantie hors proratisation du temps de travail pour allouer aux salariés, dont l'horaire de référence était de 81 heures par mois, une rémunération égale à la rémunération minimale conventionnelle prévue pour un horaire de référence de 1224 heures par an soit 102 heures par mois, la cour d'appel a violé les articles X.1, X.3 et XV.2 de la convention collective nationale pour les entreprises artistiques et culturelles du 1er janvier 1984.
2° ALORS QUE selon l'article X.3 de la convention collective dans sa rédaction issue de l'avenant du 6 décembre 2017, « la rémunération mensuelle telle que prévue dans les articles X. 3.1, X. 3.2, X. 3.3, X. 3.4 et les grilles annexées à la convention est garantie non proratisée et non lissée quel que soit le temps de travail effectif réalisé par l'artiste au cours du mois » ; qu'en déduisant de ce texte une interdiction de proratisation au regard de l'horaire de référence dans l'entreprise cependant qu'il ne s'en évince qu'une interdiction de proratisation au regard du temps de travail effectif, la cour d'appel a violé les articles X.1, X.3 dans sa rédaction issue de l'avenant du 6 décembre 2017, et XV.2 de la convention collective nationale pour les entreprises artistiques et culturelles du 1er janvier 1984.
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INCA/JURITEXT000047324581.xml
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
OR
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 15 mars 2023
Cassation partielle
Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 252 F-D
Pourvois n°
T 21-20.202
A 21-23.889 JONCTION
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R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 MARS 2023
I. M. [D] [U], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi T 21-20.202.
II. L'Opéra de [Localité 3] Provence Méditerranée, établissement public de coopération culturelle, dont le siège est [Adresse 2] a formé le pourvoi n° A 21-23.889,
contre le même arrêt rendu le 28 mai 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-7) dans les litiges les opposant :
Le demandeur au pourvoi n° T 21-20.202, invoque à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le demandeur au pourvoi n° A 21-23.889 invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [U], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de l'Opéra de [Localité 3] Provence Méditerranée, après débats en l'audience publique du 25 janvier 2023 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° T 21-20.202 et A 21-23.889 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 28 mai 2021), M. [U], salarié de l'Opéra de [Localité 3] Provence Méditerranée EPCC a saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir, notamment, la condamnation de ce dernier à lui payer des rappels de salaire et de prime d'ancienneté en application de la rémunération minimale conventionnelle prévue par la convention collective nationale des entreprises artistiques et culturelles du 1er janvier 1984 ainsi qu'une indemnité pour travail dissimulé.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi n° A 21-23.889 de l'employeur
Enoncé du moyen
3. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié des sommes à titre de rappel de salaire et de prime d'ancienneté, outre les congés payés afférents sur ces sommes, pour la période de décembre 2017 à avril 2019, alors :
« 1°/ que si des minimums" conventionnels sont définis par rapport à une durée de travail précise, l'appréciation du respect de leur montant doit être effectuée au regard de la durée du travail pratiquée dans l'entreprise ; que la convention collective nationale pour les entreprises artistiques et culturelles du 1er janvier 1984 prévoit une rémunération minimale définie par rapport à une durée de travail précise, soit 1224 heures annuelles pour les artistes muiciens ; qu'en jugeant que la rémunération conventionnelle est garantie hors proratisation du temps de travail pour allouer aux salariés, dont l'horaire de référence était de 81 heures par mois, une rémunération égale à la rémunération minimale conventionnelle prévue pour un horaire de référence de 1224 heures par an soit 102 heures par mois, la cour d'appel a violé les articles X. 1, X. 3 et XV. 2 de la convention collective nationale pour les entreprises artistiques et culturelles du 1erjanvier 1984 ;
2°/ que selon l'article X. 3 de la convention collective dans sa rédaction issue de l'avenant du 6 décembre 2017, "la rémunération mensuelle telle que prévue dans les articles X. 3.1, X. 3.2, X. 3.3, X. 3.4 et les grilles annexées à la convention est garantie non proratisée et non lissée quel que soit le temps de travail effectif réalisé par l'artiste au cours du mois" ; qu'en déduisant de ce texte une interdiction de proratisation au regard de l'horaire de référence dans l'entreprise cependant qu'il ne s'en évince qu'une interdiction de proratisation au regard du temps de travail effectif, la cour d'appel a violé les articles X. 1, X. 3 dans sa rédaction issue de l'avenant du 6 décembre 2017, et XV. 2 de la convention collective nationale pour les entreprises artistiques et culturelles du 1er janvier 1984. »
Réponse de la Cour
4. Selon l'article X. 3 de la convention collective nationale pour les entreprises artistiques et culturelles du 1er janvier 2004, dans sa rédaction issue de l'avenant du 6 décembre 2017, à chaque emploi correspond un salaire brut minimum, au-dessous duquel aucun salarié ne peut être rémunéré. La rémunération mensuelle telle que prévue dans les articles X. 3.1, X. 3.2, X. 3.3, X. 3.4 et les grilles annexées à la convention est garantie non proratisée et non lissée quel que soit le temps de travail effectif réalisé par l'artiste au cours du mois.
5. Après avoir constaté que l'accord d'entreprise des artistes musiciens permanents de l'Opéra de [Localité 3] Provence Méditerranée du 10 juillet 2009
stipulait que sont considérés comme du temps de travail effectif le temps musical et le temps de mission, que le temps musical et le temps de mission sont décomptés en service, chaque musicien devant 81 heures par mois soit 27 services, la cour d'appel a exactement retenu que, pour la période postérieure au mois de décembre 2017, l'appréciation du respect du montant des minima conventionnels devait être effectuée par comparaison du salaire conventionnel avec le salaire perçu par chaque salarié hors proratisation par rapport au temps de travail effectif prévu par l'accord d'entreprise.
6. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le premier moyen du pourvoi n° T 21-20.202 du salarié, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
7. Le salarié fait grief à l'arrêt de ne condamner l'employeur à lui payer que des sommes minorées, pour la période de décembre 2017 à avril 2019, à titre de rappel de salaire et de prime d'ancienneté, outre les congés payés afférents, alors « qu'en retenant, pour estimer que le salarié ne pouvait pas bénéficier du salaire conventionnel mensuel de référence, que l'accord d'entreprise des artistes musiciens permanents du 10 juillet 2009 avait fixé une durée mensuelle de travail de 81 heures sans se prononcer sur le moyen soulevé en appel selon lequel cet accord avait fixé, en son point 9, l'horaire de référence mensuel des artistes musiciens à temps plein à 151 heures 40, la durée de 81 heures correspondant seulement au temps de service, qui doit être complété par le temps pendant lequel le musicien se tient à la disposition de son employeur et le temps de préparation individuel, la cour d'appel a méconnu les exigences posées à l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
8. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.
9. Pour limiter les rappels de salaire versés au salarié à la période postérieure au mois de décembre 2017, l'arrêt retient qu'il résulte des dispositions de la convention collective des entreprises artistiques et culturelles que les rémunérations étaient définies par rapport à une durée de travail précise, soit 1 224 heures par an, ce qui correspond à une durée de 102 heures par mois, qu'au sein de l'entreprise la durée du travail est inférieure à celle-ci, en l'espèce 81 heures par mois selon l'accord d'entreprise du 10 juillet 2009, de sorte que l'appréciation du respect du montant des minima conventionnels doit être effectuée au regard de la durée du travail effectivement pratiquée (soit salaire conventionnel /102 x 81) sur la période antérieure au mois de décembre 2017.
10. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions du salarié, qui soutenaient que l'accord d'entreprise des artistes musiciens permanents de l'Opéra de [Localité 3] Provence Méditerranée du 10 Juillet 2009 prévoyait, en son point 9, que l'horaire de référence des artistes musiciens à temps plein était de 151,67 heures par mois ou 1 575 heures par an et que s'il devait au moins 81 heures par mois répartis en services mensuels, il était néanmoins employé pour 151,67 heures de travail par mois et restait à disposition de l'employeur pour cette durée, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
Et sur le second moyen du pourvoi n° T 21-20.202, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
11. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes tendant à l'application de certaines mesures à compter du présent arrêt, alors « qu'en se fondant, pour débouter le salarié de sa demande en versement d'une rémunération sur la base d'un salaire minimum conventionnel s'ajoutant à la prime d'ancienneté et aux autres primes perçues, après le 30 avril 2019, sur son caractère indéterminé et sur le fait que l'accord d'entreprise n'est plus en vigueur, la cour d'appel a retenu de son propre mouvement ces moyens relevés d'office, sans avoir au préalable invité les parties à s'expliquer en violation de l'article 16 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 16 du code de procédure civile :
12. Aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
13. Pour débouter le salarié de sa demande tendant à l'application de certaines mesures à compter de l'arrêt, l'arrêt retient que la demande de versement d'une rémunération sur la base d'un salaire minimum conventionnel s'ajoutant à la prime d'ancienneté et les autres primes jusqu'à présent perçues, après le 30 avril 2019, constitue une demande indéterminée formée pour l'avenir, qu'il n'appartient pas à la cour de prononcer.
14. En statuant ainsi, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen, tiré du caractère indéterminé de la demande, relevé d'office, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
Rejette le pourvoi n° A 21-23.889 ;
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute M. [U] de sa demande de dommages-intérêts pour travail dissimulé, en ce qu'il le déboute de sa demande de dommages-intérêts pour appel abusif, en ce qu'il condamne l'Opéra de [Localité 3] Provence Méditerranée aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à payer à M. [U] une somme de 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 28 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Aix-en-Provence autrement composée ;
Condamne l'Opéra de [Localité 3] Provence Méditerranée aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'Opéra de [Localité 3] Provence Méditerranée et le condamne à payer à M. [U] la somme de 300 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mars deux mille vingt-trois.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. [U], demandeur au pourvoi n° T 21-20.202
PREMIER MOYEN DE CASSATION
M. [U] fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ces chefs de n'AVOIR condamné l'Opéra de [Localité 3] Provence Méditerranée à lui payer que des sommes minorées, pour la période de décembre 2017 à avril 2019, à titre de rappel de salaire et de prime d'ancienneté, outre les congés payés afférents.
1° ALORS QU' en vertu de l'article L. 2254-1 du code du travail, lorsqu'un employeur est lié par les clauses d'une convention ou d'un accord collectif, ces clauses s'appliquent aux contrats de travail conclus avec lui, sauf stipulations plus favorables ; qu'en se fondant, pour estimer que le salarié ne pouvait pas bénéficier du salaire conventionnel mensuel de référence, sur l'accord d'entreprise des artistes musiciens permanents du 10 juillet 2009 sans vérifier, comme cela lui était demandé, si l'application de cet accord ne devait pas être écartée dans la mesure où il était moins favorable que le contrat de travail, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard du principe de faveur découlant de l'article L. 2254-1 du code du travail et de l'accord d'entreprise des artistes musiciens permanents du 10 juillet 2009, ensemble les articles X-3.3A et XV-2.1 de la convention collective des entreprises artistiques et culturelles, l'article 1134 du code civil, dans sa version applicable en la cause, et l'article L. 1221-1 du code du travail
2° ALORS QUE la durée du travail telle que stipulée au contrat de travail constitue un élément du contrat qui ne peut être modifié sans l'accord du salarié ; qu'en se fondant, pour estimer que le salarié ne pouvait pas bénéficier du salaire conventionnel mensuel de référence, sur la durée du travail fixée par l'accord d'entreprise des artistes musiciens permanents du 10 juillet 2009 sans rechercher, comme cela lui était demandé, si l'employeur avait pu diminuer unilatéralement, par ledit accord d'entreprise, le temps de travail du salarié stipulé dans son contrat de travail, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles 1134 du code civil, dans sa version applicable en la cause, et L. 1221-1 du code du travail, ensemble les articles X-3.3A et XV-2.1 de la convention collective des entreprises artistiques et culturelles et l'accord d'entreprise des artistes musiciens permanents du 10 juillet 2009
3° ALORS QU'en retenant, pour estimer que le salarié ne pouvait pas bénéficier du salaire conventionnel mensuel de référence, que l'accord d'entreprise des artistes musiciens permanents du 10 juillet 2009 avait fixé une durée mensuelle de travail de 81 heures sans se prononcer sur le moyen soulevé en appel selon lequel cet accord avait fixé, en son point 9, l'horaire de référence mensuel des artistes musiciens à temps plein à 151 heures 40, la durée de 81 heures correspondant seulement au temps de service, qui doit être complété par le temps pendant lequel le musicien se tient à la disposition de son employeur et le temps de préparation individuel, la cour d'appel a méconnu les exigences posées à l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION
M. [U] fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR débouté de sa demande tendant à l'application de certaines mesures à compter du présent arrêt.
1° ALORS QU'en se fondant, pour débouter le salarié de sa demande en versement d'une rémunération sur la base d'un salaire minimum conventionnel s'ajoutant à la prime d'ancienneté et aux autres primes perçues, après le 30 avril 2019, sur son caractère indéterminé et sur le fait que l'accord d'entreprise n'est plus en vigueur, la cour d'appel a retenu de son propre mouvement ces moyens relevés d'office, sans avoir au préalable invité les parties à s'expliquer en violation de l'article 16 du code de procédure civile
2° ALORS QUE le caractère indéterminé d'une demande en justice ne justifie pas à lui seul son rejet ; qu'en rejetant la demande en versement d'une rémunération sur la base d'un salaire minimum conventionnel s'ajoutant à la prime d'ancienneté et aux autres primes perçues, après le 30 avril 2019, motif pris qu'elle était indéterminée, la cour d'appel a violé les articles 4 du code civil et 12 du code de procédure civile
3° ALORS QU'en retenant que la demande en versement d'une rémunération sur la base d'un salaire minimum conventionnel s'ajoutant à la prime d'ancienneté et aux autres primes perçues, après le 30 avril 2019 était indéterminée, la cour d'appel a dénaturé les conclusions du salarié, en violation du principe d'interdiction faite au juge de dénaturer les éléments de la cause
4° ALORS QU'en se bornant à affirmer, pour rejeter la demande en versement d'une rémunération sur la base d'un salaire minimum conventionnel s'ajoutant à la prime d'ancienneté et aux autres primes perçues, après le 30 avril 2019, qu'elle était indéterminée et que l'accord d'entreprise n'est plus en vigueur sans autre précision, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son office et a méconnu les exigences posées à l'article 455 du code de procédure.
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocats aux Conseils, pour l'Opéra de [Localité 3] Provence Méditerranée, demandeur au pourvoi n° A 21- 23. 889
L'Opéra de [Localité 3] Provence Méditerranée fait grief aux arrêts infirmatifs attaqué de l'avoir condamné à payer aux salariés des sommes à titre de rappel de salaire et congés payés y afférents et de prime d'ancienneté et congés payés y afférents, pour la période de décembre 2017 à avril 2019.
1° ALORS QUE si des minimums conventionnels sont définis par rapport à une durée de travail précise, l'appréciation du respect de leur montant doit être effectuée au regard de la durée du travail pratiquée dans l'entreprise ; que la convention collective nationale pour les entreprises artistiques et culturelles du 1er janvier 1984 prévoit une rémunération minimale définie par rapport à une durée de travail précise, soit 1224 heures annuelles pour les artistes musiciens ; qu'en jugeant que la rémunération conventionnelle est garantie hors proratisation du temps de travail pour allouer aux salariés, dont l'horaire de référence était de 81 heures par mois, une rémunération égale à la rémunération minimale conventionnelle prévue pour un horaire de référence de 1224 heures par an soit 102 heures par mois, la cour d'appel a violé les articles X.1, X.3 et XV.2 de la convention collective nationale pour les entreprises artistiques et culturelles du 1er janvier 1984.
2° ALORS QUE selon l'article X.3 de la convention collective dans sa rédaction issue de l'avenant du 6 décembre 2017, « la rémunération mensuelle telle que prévue dans les articles X. 3.1, X. 3.2, X. 3.3, X. 3.4 et les grilles annexées à la convention est garantie non proratisée et non lissée quel que soit le temps de travail effectif réalisé par l'artiste au cours du mois » ; qu'en déduisant de ce texte une interdiction de proratisation au regard de l'horaire de référence dans l'entreprise cependant qu'il ne s'en évince qu'une interdiction de proratisation au regard du temps de travail effectif, la cour d'appel a violé les articles X.1, X.3 dans sa rédaction issue de l'avenant du 6 décembre 2017, et XV.2 de la convention collective nationale pour les entreprises artistiques et culturelles du 1er janvier 1984.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
OR
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 15 mars 2023
Cassation partielle
M. SOMMER, président
Arrêt n° 257 FS-D
Pourvoi n° S 21-12.818
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 MARS 2023
La société Ambulances de la côte d'argent, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° S 21-12.818 contre l'arrêt rendu le 3 décembre 2020 par la cour d'appel de Pau (chambre sociale), dans le litige l'opposant à Mme [P] [C], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Ambulances de la côte d'argent, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [C], et l'avis de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 25 janvier 2023 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge conseiller doyen, Mme Cavrois, MM. Sornay, Rouchayrole, Flores, Mmes Lecaplain-Morel, Deltort, conseillers, Mmes Ala, Techer, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 3 décembre 2020), Mme [C] a été engagée, le 23 novembre 2009, par la société Ambulances secours rapides du Bassin, en qualité d'ambulancière. Son contrat de travail a été transféré aux Ambulances Saint Jean-Baptiste Arcachon puis à la société Ambulances de la côte d'argent.
2. La salariée a saisi la juridiction prud'homale, le 27 octobre 2015, afin d'obtenir, notamment, la condamnation de son employeur au paiement d'indemnités de repas et d'heures supplémentaires.
Examen des moyens
Sur les troisième et quatrième moyens, ci-après annexés
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
4. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à verser à la salariée une certaine somme au titre des repas pris sur la période de novembre 2012 au 22 juillet 2017 hors de son lieu de travail habituel et de le condamner aux dépens, alors :
« 1°/ qu'en application de l'article 8 du protocole du 30 avril 1974 de l'annexe I de la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires, le salarié ne peut prétendre au paiement d'une indemnité de repas majorée que s'il n'a pas été averti au moins la veille et au plus tard à midi d'un déplacement effectué en dehors de ses conditions habituelles de travail, lesquelles s'apprécient in concreto ; qu'en affirmant que ni la convention collective, ni le protocole du 30 avril 1974 de l'annexe I de la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires, ni le contrat de travail de la salariée ne prévoyaient qu'un trajet de 150 à 200 km devait être considéré comme ressortant des conditions habituelles de travail pour une ambulancière, et qu'il ne pouvait pas être considéré que dans la région landogirondine largement peuplée et urbaine, dans laquelle exerçait la salariée, la réalisation de trajets dans un rayon de 150 à 200 km était représentative des conditions habituelles de travail pour un ambulancier, la cour d'appel a apprécié in abstracto les conditions habituelles de travail ; qu'en statuant ainsi, sans apprécier in concreto les conditions habituelles de travail de la salariée, i.e. sans rechercher si dans les faits la salariée ne réalisait pas habituellement des trajets de 150 à 200 km, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la disposition susvisée ;
2°/ qu'il appartient au salarié qui réclame le bénéfice d'une indemnité de démontrer qu'il en remplit les conditions d'attribution ; qu'en affirmant que ni la convention collective, ni le protocole du 30 avril 1974 de l'annexe I de la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires, ni le contrat de travail de la salariée ne prévoyaient qu'un trajet de 150 à 200 km devait être considéré comme ressortant des conditions habituelles de travail pour une ambulancière et qu'il ne pouvait pas être considéré que dans la région landogirondine largement peuplée et urbaine, dans laquelle exerçait la salariée, la réalisation de trajets dans un rayon de 150 à 200 km était représentative des conditions habituelles de travail pour un ambulancier, quand il appartenait à la salariée de démontrer que les trajets litigieux étaient effectués en dehors de ses conditions habituelles de travail, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation de l'article 1315 devenu 1353 du code civil, ensemble l'article 8 du protocole du 30 avril 1974 de l'annexe I de la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires ;
3°/ qu'en application de l'article 8 du protocole du 30 avril 1974 de l'annexe I de la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires, le salarié ne peut prétendre au paiement d'une indemnité de repas majorée que s'il n'a pas été averti au moins la veille et au plus tard à midi d'un déplacement effectué en dehors des ses conditions habituelles de travail ; qu'en octroyant à la salariée un rappel d'indemnité de repas majorée, sans à aucun moment constater que cette dernière n'avait pas été avertie au moins la veille et au plus tard à midi de déplacements effectués en dehors des ses conditions habituelles de travail, la cour d'appel a violé l'article 8 du protocole du 30 avril 1974. »
Réponse de la Cour
5. L'arrêt retient, d'abord que ni la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950, ni le protocole du 30 avril 1974 de l'annexe I de cette convention collective, ni le contrat de travail de la salariée ne disposaient qu'un trajet de 150 à 200 km devait être considéré comme ressortant des conditions habituelles de travail pour une ambulancière et constate que la position de principe adoptée par l'employeur avait été régulièrement remise en cause par les salariés, qui posaient la question de la définition précise des conditions habituelles de travail et de ce rayon des 150 à 200 km qu'il voulait y intégrer. Il relève, ensuite, que ce dernier ne formait aucune critique sur le nombre de missions effectuées par la salariée dans ce rayon.
6. La cour d'appel a pu en déduire, sans être tenue de procéder à une recherche qui, s'agissant de celle invoquée par le moyen pris en sa première branche, était inopérante et, s'agissant de celle invoquée par le moyen pris en sa troisième branche, n'était pas demandée, sans inverser la charge de la preuve, qu'il y avait lieu d'accorder à la salariée les indemnités de repas sollicitées.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
8. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à verser à la salariée un rappel de salaires pour la période de novembre 2012 au 22 juillet 2017 et de le condamner aux dépens, alors « qu'en application de l'article 4 du décret n° 83-40 du 26 janvier 1983 relatif à la durée du travail dans les transports routiers, la durée hebdomadaire de travail du personnel roulant effectuant des transports de voyageurs peut être calculée sur deux semaines consécutives dès lors que le salarié bénéficie au cours de cette période d'au moins trois jours de repos et que la durée maximale de la semaine de travail ne dépasse pas 48 heures ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a refusé de décompter sur deux semaines consécutives le temps de travail réalisé par la salariée entre le 29 juin et le 12 juillet 2017 (lire 2015), au prétexte que la semaine de congés payés prise par la salariée du 29 juin 2017 (lire 2015) au 5 juillet 2017 (lire 2015) ne pouvait pas se compenser avec celle du 6 au 12 juillet 2017 (lire 2015), au cours de laquelle 45 heures avaient été notées, dans la mesure où cela revenait à lisser sur deux semaines les heures effectuées sur la seule semaine travaillée de quatorzaine ; qu'en statuant ainsi, quand pourtant la salariée avait bénéficié, durant cette quatorzaine, d'au moins trois jours de repos et que la durée maximale de la semaine de travail n'avait pas dépassé 48 heures, la cour d'appel a violé l'article 4 du décret n° 83-40 du 26 janvier 1983 relatif à la durée du travail dans les transports routiers. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du décret n° 2003-1242 du 22 décembre 2003 relatif à la durée du travail dans les entreprises de transport routier de personnes :
9. Aux termes de ce texte, la durée hebdomadaire du travail est calculée sur une semaine. Pour le personnel roulant, sans préjudice des dispositions de l'article L. 212-8 du code du travail, la durée hebdomadaire du travail peut être calculée sur deux semaines consécutives, à condition que cette période comprenne au moins trois jours de repos. La durée hebdomadaire de travail des intéressés est considérée comme étant le résultat de la division par deux du nombre d'heures accomplies pendant les deux semaines. Sous réserve que soit respectée pour chacune de ces deux semaines consécutives la durée maximale pouvant être accomplie au cours d'une même semaine fixée à l'article L. 212-7 du code du travail, il peut être effectué, au cours de l'une ou de l'autre semaine, des heures de travail en nombre inégal.
10. Il en résulte que le dépassement de la durée hebdomadaire maximale de 48 heures sur une semaine ou le non-respect des trois jours de repos par quatorzaine interdisent un décompte par période de deux semaines de la durée du travail pour les deux semaines considérées.
11. Pour condamner l'employeur à verser à la salariée une somme à titre de rappel de salaire pour des heures supplémentaires réalisées au cours de la période de novembre 2012 au 22 juillet 2017, l'arrêt retient que la salariée n'a comptabilisé, dans la détermination de l'assiette de calcul des heures supplémentaires, ni les congés payés ni les temps de pause, qu'elle les a déduits systématiquement de l'amplitude de la journée de travail. Il ajoute que la démonstration faite par l'employeur pour le mois de juillet 2015 est inopérante dans la mesure où la semaine de congés payés prise par la salariée du 29 juin 2015 au 5 juillet 2015 ne peut pas se compenser avec celle du 6 au 12 juillet 2015, au cours de laquelle il est noté quarante-cinq heures, dans la mesure où cela reviendrait à considérer que les heures effectuées sur la seule semaine travaillée de la quatorzaine seraient lissées sur les deux semaines, lissage entraînant la disparition des heures supplémentaires qui ne se déclenchent qu'à la soixante-et-onzième heure.
12. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que la salariée avait bénéficié de trois jours de repos au cours des deux semaines consécutives de la période du 29 juin au 12 juillet 2015, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
13. La cassation prononcée sur le premier moyen n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Ambulances de la côte d'argent à verser à Mme [C] la somme de 3 575,64 euros à titre de rappels de salaires pour la période de novembre 2012 au 22 juillet 2017, l'arrêt rendu le 3 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne Mme [C] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mars deux mille vingt-trois.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Ambulances de la côte d'argent
PREMIER MOYEN DE CASSATION
La société Ambulances de la Côte d'Argent fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR condamnée à verser à la salariée la somme de 3 575,64 euros à titre de rappels de salaires pour la période de novembre 2012 au 22 juillet 2017 et de l'AVOIR condamnée aux dépens ;
1°) ALORS QU'en application de l'article 4 du décret n°83-40 du 26 janvier 1983 relatif à la durée du travail dans les transports routiers, la durée hebdomadaire de travail du personnel roulant effectuant des transports de voyageurs peut être calculée sur deux semaines consécutives dès lors que le salarié bénéficie au cours de cette période d'au moins trois jours de repos et que la durée maximale de la semaine de travail ne dépasse pas 48 heures ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a refusé de décompter sur deux semaines consécutives le temps de travail réalisé par la salariée entre le 29 juin et le 12 juillet 2017 (lire 2015), au prétexte que la semaine de congés payés prise par la salariée du 29 juin 2017 (lire 2015) au 5 juillet 2017 (lire 2015) ne pouvait pas se compenser avec celle du 6 au 12 juillet 2017 (lire 2015), au cours de laquelle 45 heures avaient été notées, dans la mesure où cela revenait à lisser sur deux semaines les heures effectuées sur la seule semaine travaillée de quatorzaine ; qu'en statuant ainsi, quand pourtant la salariée avait bénéficié, durant cette quatorzaine, d'au moins 3 jours de repos et que la durée maximale de la semaine de travail n'avait pas dépassé 48 heures, la cour d'appel a violé l'article 4 du décret n°83-40 du 26 janvier 1983 relatif à la durée du travail dans les transports routiers ;
2°) ALORS QU'en application de l'article 4 du décret n°83-40 du 26 janvier 1983 relatif à la durée du travail dans les transports routiers, la durée hebdomadaire de travail du personnel roulant effectuant des transports de voyageurs peut être calculée sur deux semaines consécutives dès lors que le salarié bénéficie au cours de cette période d'au moins trois jours de repos et que la durée maximale de la semaine de travail ne dépasse pas 48 heures ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir, preuve à l'appui, que la salariée avait pris en compte des temps de pause, portant la durée de travail au delà de 48 heures par semaine, afin de décompter le temps de travail à la semaine, et précisait que pour la semaine du 28 septembre au 4 octobre 2015, la salariée avait ajouté au calcul de son temps de travail 2,7 heures de temps de pause, ce qui avait porté la durée hebdomadaire de travail à 50,5 heures au lieu des 47,8 heures de travail effectif réalisées, de sorte que le décompte des heures devait être fait sur la quatorzaine et non sur la semaine (conclusions d'appel p.15 ; production n°8) ; qu'en affirmant péremptoirement que la salariée avait opéré des calculs à la semaine lorsque les deux conditions cumulatives pour les effectuer sur une quatorzaine n'étaient pas réunies, sans à aucun moment s'expliquer sur la semaine du 28 septembre au 4 octobre 2015, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 4 du décret n°83-40 du 26 janvier 1983 relatif à la durée du travail dans les transports routiers ;
3°) ALORS QUE les juges ne peuvent pas dénaturer, par commission ou par omission, les écrits soumis à leur examen ; qu'en l'espèce, il résultait du tableau de calcul 2015 produit par la salariée que cette dernière avait pris en compte les temps de pause dans le décompte des heures supplémentaires, notamment le 17 janvier 2015 pour 2,25 heures, le 30 mars 2015 pour 0,25 heures, le 7 mai 2015 pour 0,3 heures, le 19 mai 2015 pour 0,3 heures, et le 3 octobre 2015 pour 2,7 heures (production n°8) ; qu'en affirmant que la salariée n'avait pas comptabilisé dans la détermination de l'assiette de calcul des heures supplémentaires les temps de pause, la cour d'appel a dénaturé par omission le tableau susvisé en violation du principe faisant interdiction aux juges de dénaturer les documents de la cause ;
4°) ALORS QUE lorsque le temps de travail est décompté sur deux semaines consécutives, la détermination du taux de majoration des heures supplémentaires implique de procéder au calcul de la moyenne des heures réalisées chaque semaine et d'appliquer le taux de majoration correspondant ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir avec offre de preuve que la salariée avait procédé à un calcul erroné des taux de majorations des heures supplémentaires, lorsqu'elle avait décompté son temps de travail sur deux semaines consécutives, notamment en mai 2015, et exposait que sur la première quatorzaine, la salariée avait effectué 81,85 heures supplémentaires, soit une moyenne de 40,9 heures par semaine, comprenant 5,9 heures supplémentaires chacune majorée au taux de 25% et que lors de la seconde quatorzaine, la salariée avait réalisé 72,575 heures, soit une moyenne de 36,28 heures par semaine comprenant chacune 1,28 heures supplémentaires majorées au taux de 25%, de sorte que la salariée ne pouvait prétendre qu'au paiement de 14,36 heures supplémentaires majorées à 25%, quand pourtant cette dernière sollicitait le paiement de 10,575 heures majorées à 25 % et de 3,875 euros majorées à 50% (conclusions d'appel p.15 ; production n°8) ; qu'en affirmant péremptoirement que la salariée avait appliqué exactement les taux de majorations prévus pour les heures supplémentaires, sans à aucun moment s'expliquer sur les taux appliqués en mai 2015, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3121-22 du code du travail, dans sa version issue de l'ordonnance n°2007-329 du 12 mars 2007 et L. 3121-36 du code du travail, dans sa version issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, ensemble l'article 4 du décret n°83-40 du 26 janvier 1983 relatif à la durée du travail dans les transports routiers.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
La société Ambulances de la Côte d'Argent fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR condamnée à verser à la salariée la somme 4 630,06 euros au titre des repas pris sur la période de novembre 2012 au 22 juillet 2017 hors de son lieu de travail habituel et de l'AVOIR condamnée aux dépens ;
1°) ALORS QU' en application de l'article 8 du protocole du 30 avril 1974 de l'annexe I de la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires, le salarié ne peut prétendre au paiement d'une indemnité de repas majorée que s'il n'a pas été averti au moins la veille et au plus tard à midi d'un déplacement effectué en dehors de ses conditions habituelles de travail, lesquelles s'apprécient in concreto ; qu'en affirmant que ni la convention collective, ni le protocole du 30 avril 1974 de l'annexe I de la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires, ni le contrat de travail de la salariée ne prévoyaient qu'un trajet de 150 à 200 kms devait être considéré comme ressortant des conditions habituelles de travail pour une ambulancière, et qu'il ne pouvait pas être considéré que dans la région landogirondine largement peuplée et urbaine, dans laquelle exerçait la salariée, la réalisation de trajets dans un rayon de 150 à 200 kms était représentative des conditions habituelles de travail pour un ambulancier, la cour d'appel a apprécié in abstracto les conditions habituelles de travail ; qu'en statuant ainsi, sans apprécier in concreto les conditions habituelles de travail de la salariée, i.e.sans rechercher si dans les faits la salariée ne réalisait pas habituellement des trajets de 150 à 200 km, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la disposition susvisée ;
2°) ALORS QU'il appartient au salarié qui réclame le bénéfice d'une indemnité de démontrer qu'il en remplit les conditions d'attribution ; qu'en affirmant que ni la convention collective, ni le protocole du 30 avril 1974 de l'annexe I de la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires, ni le contrat de travail de la salariée ne prévoyaient qu'un trajet de 150 à 200 kms devait être considéré comme ressortant des conditions habituelles de travail pour une ambulancière et qu'il ne pouvait pas être considéré que dans la région landogirondine largement peuplée et urbaine, dans laquelle exerçait la salariée, la réalisation de trajets dans un rayon de 150 à 200 kms était représentative des conditions habituelles de travail pour un ambulancier, quand il appartenait à la salariée de démontrer que les trajets litigieux étaient effectués en dehors de ses conditions habituelles de travail, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation de l'article 1315 devenu 1353 du code civil, ensemble l'article 8 du protocole du 30 avril 1974 de l'annexe I de la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires ;
3°) ALORS QU' en application de l'article 8 du protocole du 30 avril 1974 de l'annexe I de la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires, le salarié ne peut prétendre au paiement d'une indemnité de repas majorée que s'il n'a pas été averti au moins la veille et au plus tard à midi d'un déplacement effectué en dehors des ses conditions habituelles de travail ; qu'en octroyant à la salariée un rappel d'indemnité de repas majorée, sans à aucun moment constater que cette dernière n'avait pas été avertie au moins la veille et au plus tard à midi de déplacements effectués en dehors des ses conditions habituelles de travail, la cour d'appel a violé l'article 8 du protocole du 30 avril 1974.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
La société Ambulances de la Côte d'Argent fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser à la salariée la somme de 800 euros au titre des dommages et intérêts pour non respect des obligations conventionnelles attachées au mandat représentatif et de l'AVOIR condamnée aux dépens ;
ALORS QUE l'octroi de dommages et intérêts suppose l'existence d'un préjudice qui ne peut résulter de la seule existence d'une faute ; que pour condamner l'employeur à verser à la salariée la somme de 800 euros pour non respect des obligations conventionnelles attachées au mandat représentatif, la cour d'appel a affirmé péremptoirement que le préjudice de la salariée était caractérisé par les limites apportées à l'exercice de ses missions de déléguée du personnel ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a déduit l'existence du préjudice de la seule faute commise par l'employeur, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 devenu 1231-1 du code civil.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION
La société Ambulances de la Côte d'Argent fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il a annulé l'avertissement notifié à la salariée le 21 janvier 2016 et de l'AVOIR condamnée aux dépens ;
1°) ALORS QU'il appartient au salarié, qui allègue un fait de nature à justifier le comportement qui lui est reproché, d'en démontrer la réalité, et non à l'employeur de prouver son inexactitude ; qu'en l'espèce, pour justifier le manquement tiré du défaut de remise à l'employeur des feuilles de route hebdomadaires depuis mai 2015, invoqué à l'appui de l'avertissement du 21 janvier 2016, la salariée avait prétendu que ce dernier n'était pas disponible pour signer les feuilles litigieuses alors qu'elles devaient être cosignées avant leur remise ; qu'en reprochant à l'employeur de ne pas établir qu'il se rendait disponible chaque fin de semaine pour venir signer avec la salariée la feuille de route hebdomadaire, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et, partant, a violé les articles 1315 devenu 1353 du code civil et L. 1333-1 et L. 1333-2 du code du travail ;
2°) ALORS QUE tenu de motiver sa décision, le juge ne peut statuer par voie d'affirmation péremptoire sans préciser l'origine de ses constatations ; qu'en l'espèce, en affirmant, par motifs adoptés, que les feuilles de route hebdomadaires déposées en attente de contre-signature disparaissaient, sans préciser l'origine d'une telle affirmation, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QU'il appartient au salarié qui l'invoque d'établir, et aux juges de le caractériser, que la véritable cause d'une sanction n'est pas celle invoquée par l'employeur ; qu'en l'espèce, en affirmant péremptoirement, par motifs adoptés, que l'avertissement était intervenu une fois la saisine effectuée par la salariée, soit le jour de l'audience de conciliation, et que la sanction était en lien direct avec une des demandes de la salariée, la cour d'appel a statué par des motifs insuffisants à caractériser que la véritable cause de la sanction n'était pas celle invoquée par l'employeur et a ainsi privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1333-1 et L. 1333-2 du code du travail.
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INCA/JURITEXT000047324584.xml
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 15 mars 2023
Rejet
M. SOMMER, président
Arrêt n° 256 FS-D
Pourvoi n° K 20-20.996
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 MARS 2023
M. [E] [S], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 20-20.996 contre l'arrêt rendu le 10 septembre 2020 par la cour d'appel de Poitiers (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société SNCF voyageurs, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la société SNCF mobilités, défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Sornay, conseiller, les observations de Me Haas, avocat de M. [S], de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société SNCF voyageurs, et l'avis de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 25 janvier 2023 où étaient présents M. Sommer, président, M. Sornay, conseiller rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, MM. Rouchayrole, Flores, Mmes Lecaplain-Morel, Deltort, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, Techer, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 10 septembre 2020), M. [S] a été engagé en qualité d'agent de service commercial en 1991 par la SNCF, aux droits de laquelle vient la société SNCF voyageurs. Il travaille depuis 2010 à temps partiel choisi.
2. Il a saisi le 12 mars 2018 la juridiction prud'homale d'une demande en paiement de diverses sommes au titre notamment de congés payés lui restant dus.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
3. Le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter la demande qu'il avait formée au titre des journées chômées supplémentaires, alors :
« 1°/ que les journées chômées supplémentaires doivent faire l'objet d'une programmation au moins à l'avance ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, à quelle date le salarié avait reçu la lettre de son employeur datée du 15 février 2018 l'informant du positionnement des jours de congés supplémentaires des mois de mars et d'avril 2018, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 3.3 de l'annexe 1 à l'accord collectif sur le temps de travail RH00662 ;
2°/ qu'en tout état de cause, ni la lettre de la SNCF du 15 février 2018 ni la lettre de la SNCF du 26 février 2018 ne permettent de déterminer à quelle date le salarié a reçu notification de la première de ces deux lettres ; que, dès lors, en considérant qu'il ressortait de ces documents que l'employeur avait notifié au salarié les dates de ses journées chômées supplémentaires dès le 15 février 2018, la cour d'appel les a dénaturés, en violation du principe selon lequel le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis. »
Réponse de la Cour
4. Ayant relevé que le solde des journées chômées supplémentaires de l'intéressé pour l'exercice 2017 avait été intégralement résorbé au 16 avril 2018 et, procédant à la recherche prétendument omise, retenu, hors toute dénaturation, qu'il résultait des pièces versées aux débats que l'employeur avait notifié au salarié le 15 février 2018, soit dans le délai de prévenance d'un mois, qu'il lui avait accordé douze journées chômées supplémentaires entre le 16 mars et le 27 avril 2018, la cour d'appel, qui en a déduit que le salarié ne rapportait pas la preuve de ce que son employeur avait été défaillant dans la mise en oeuvre des modalités de fixation de ses journées chômées supplémentaires de l'année 2017, a légalement justifié sa décision.
Et sur le second moyen
Énoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande au titre des congés supplémentaires pour enfants à charge, alors :
« 1°/ que lorsque le droit à congé dans l'entreprise, exprimé en jours ouvrés, excède l'équivalent de trente jours ouvrables, le droit à congés supplémentaires pour enfants à charge s'exerce dans la limite de la durée maximale du congé annuel applicable dans l'entreprise et exprimée en jours ouvrés ; que la cour d'appel a constaté, d'une part, qu'au sein de la SNCF, le congé annuel des agents à temps complet est de vingt-huit jours ouvrés et, d'autre part, que, compte tenu de sa durée du travail, M. [S] pouvait prétendre à un congé annuel de vingt-cinq jours ouvrés ; qu'en considérant qu'il ne pouvait pas bénéficier de jours de congés supplémentaires pour enfants à charge dès lors que la durée maximale du congé annuel de trente jours ouvrables était d'ores et déjà atteinte, la cour d'appel a violé les articles L. 3141-3 et L. 3141-8 du code du travail, ensemble le chapitre 3 du règlement RH00143 relatif aux congés du personnel du cadre permanent du groupe public ferroviaire ;
2°/ que dans ses conclusions d'appel, le salarié faisait valoir que, depuis qu'il était à temps partiel, il ne bénéficiait que de vingt-trois jours de congés par an et n'avait, de ce fait, pas bénéficié de l'intégralité des jours de congés annuels ni des jours supplémentaires pour enfants à charge auxquels il avait droit ; qu'en se bornant à retenir que le nombre de jours de congé annuel auxquels pouvait prétendre l'intéressé était de vingt-cinq jours ouvrés pour en déduire qu'il ne pouvait bénéficier de jours de congés supplémentaires pour enfants à charge, sans répondre à ce moyen déterminant, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
6. Il résulte des dispositions des articles L. 3141-3 et L. 3141-8 du code du travail que les salariés âgés de vingt-et-un ans au moins à la date du 30 avril de l'année précédente bénéficient de deux jours de congés supplémentaires par enfant à charge, sans que le cumul du nombre des jours de congés supplémentaires et des jours de congés annuels puisse excéder la durée maximale du congé annuel de trente jours ouvrables.
7. L'arrêt constate que le nombre de jours de congés annuels auxquels pouvait prétendre le salarié demandeur était de vingt-cinq jours ouvrés, soit l'équivalent de plus de trente jours ouvrables.
8. La cour d'appel, qui n'avait pas à répondre aux conclusions réputées délaissées par la seconde branche du moyen que ses constatations rendaient inopérantes, en a exactement déduit que, la durée totale du congé de l'intéressé excédant trente jours ouvrables, le salarié ne pouvait bénéficier de jours de congés supplémentaires pour enfants à charge.
9. Le moyen est donc mal fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [S] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mars deux mille vingt-trois.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par Me Haas, avocat aux Conseils, pour M. [S]
PREMIER MOYEN DE CASSATION
M. [S] fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR rejeté la demande qu'il avait formée au titre des journées chômées supplémentaires ;
ALORS, 1°), QUE les journées chômées supplémentaires doivent faire l'objet d'une programmation au moins à l'avance ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, à quelle date le salarié avait reçu la lettre de son employeur datée du 15 février 2018 l'informant du positionnement des jours de congés supplémentaires des mois de mars et d'avril 2018, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 3.3 de l'annexe 1 à l'accord collectif sur le temps de travail RH00662 ;
ALORS, 2°) et en tout état de cause, QUE ni la lettre de la SNCF du 15février 2018 (pièce du salarié n° 7) ni la lettre de la SNCF du 26 février 2018 (pièce du salarié n° 5) ne permettent de déterminer à quelle date le salarié a reçu notification de la première de ces deux lettres ; que, dès lors, en considérant qu'il ressortait de ces documents que l'employeur avait notifié au salarié les dates de ses journées chômées supplémentaires dès le 15 février 2018, la cour d'appel les a dénaturés, en violation du principe selon lequel le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis.
SECOND MOYEN DE CASSATION
M. [S] fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR rejeté la demande qu'il avait formée au titre des congés supplémentaires pour enfants à charge ;
ALORS, 1°), QUE lorsque le droit à congé dans l'entreprise, exprimé en jours ouvrés, excède l'équivalent de 30 jours ouvrables, le droit à congés supplémentaires pour enfants à charge s'exerce dans la limite de la durée maximale du congé annuel applicable dans l'entreprise et exprimée en jours ouvrés ; que la cour d'appel a constaté, d'une part, qu'au sein de la SNCF, le congé annuel des agents à temps complet est de 28 jours ouvrés et, d'autre part, que, compte tenu de sa durée du travail, M. [S] pouvait prétendre à un congé annuel de 25 jours ouvrés ; qu'en considérant qu'il ne pouvait pas bénéficier de jours de congés supplémentaires pour enfants à charge dès lors que la durée maximale du congé annuel de 30 jours ouvrables était d'ores et déjà atteinte, la cour d'appel a violé les articles L. 3141-3 et L. 3141-8 du code du travail, ensemble le chapitre 3 du règlement RH00143 relatif aux congés du personnel du cadre permanent du groupe public ferroviaire ;
ALORS, 2°) et en tout état de cause, QUE dans ses conclusions d'appel (pp. 12 à 16), le salarié faisait valoir que, depuis qu'il était à temps partiel, il ne bénéficiait que de 23 jours de congés par an et n'avait, de ce fait, pas bénéficié de l'intégralité des jours de congés annuels ni des jours supplémentaires pour enfants à charge auxquels il avait droit ; qu'en se bornant à retenir que le nombre de jours de congé annuel auxquels pouvait prétendre M. [S] était de 25 jours ouvrés pour en déduire qu'il ne pouvait bénéficier de jours de congés supplémentaires pour enfants à charge, sans répondre à ce moyen déterminant, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile.
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INCA/JURITEXT000047324579.xml
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
BD4
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 15 mars 2023
Cassation partielle
Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 250 F-D
Pourvois n°
M 21-20.196
N 21-20.197
Q 21-20.199
U 21-20.203
W 21-20.205
Y 21-20.207
B 21-20.210
A 21-20.209
G 21-23.896
H 21-23.895
E 21-23.893
Z 21-23.888
X 21-23.886
V 21-23.884
D 21-23.892
U 21-23.883
JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 MARS 2023
I. M. [D] [I], domicilié [Adresse 7],
II. Mme [Z] [Y], domiciliée [Adresse 4],
III. Mme [S] [J], domiciliée [Adresse 2],
IV. Mme [A] [B], épouse [U], domiciliée [Adresse 6],
V. M. [R] [C], domicilié [Adresse 9],
VI. M. [T] [K], domicilié [Adresse 3],
VII. M. [X] [H], domicilié [Adresse 1],
VIII. Mme [P] [L], épouse [E], domiciliée [Adresse 5],
ont formé les pourvois n° M 21-20.196, N 21-20.197, Q 21-20.199, U 21-20.203, W 21-20.205,Y 21-20.207, B 21-20.210 et A 21-20.209.
IX. l'Opéra de [Localité 10] Provence Méditerranée, établissement public de coopération culturelle, dont le siège est [Adresse 8] a formé les pourvois n° G 21-23.896, H 21-23.895, E 21-23.893, Z 21-23.888, X 21-23.886, V 21-23.884, D 21-23.892, U 21-23.883,
contre les huit même arrêts rendus le 28 mai 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-7) dans les litiges les opposant.
Les demandeurs aux pourvois n° M 21-20.196, N 21-20.197, Q 21-20.199, U 21-20.203, W 21-20.205,Y 21-20.207, B 21-20.210, et A 21-20.209 invoquent, à l'appui de chacun de leur recours, les trois moyens de cassation commun annexés au présent arrêt.
Le demandeur aux pourvois n° G 21-23.896, H 21-23.895, E 21-23.893, Z 21-23.888, X 21-23.886, V 21-23.884, D 21-23.892, U 21-23.883 invoque, à l'appui de chacun de ses recours, le moyen unique de cassation commun également annexé au présent arrêt.
Les dossiers ont été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [I], Mmes [Y], [J], [B], MM. [C], [K], [H], et Mme [L], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de l'Opéra de [Localité 10] Provence Méditerranée, après débats en l'audience publique du 25 janvier 2023 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° M 21-20.196, N 21-20.197, Q 21-20.199, U 21-20.203, W 21-20.205, Y 21-20.207, B 21-20.210, A 21-20.209, G 21-23.896, H 21-23.895, E 21-23.893, Z 21-23.888, X 21-23.886, V 21-23.884, D 21-23.892 et U 21-23.883 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon les arrêts attaqués (Aix-en-Provence, 28 mai 2021), M. [I] et sept autres salariés de l'Opéra de [Localité 10] Provence Méditerranée EPCC ont saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir, notamment, la condamnation de ce dernier à leur payer des rappels de salaire et de prime d'ancienneté en application de la rémunération minimale prévue par la convention collective nationale des entreprises artistiques et culturelles du 1er janvier 1984 ainsi qu'une indemnité pour travail dissimulé.
Examen des moyens
Sur le moyen des pourvois n° G 21-23.896, H 21-23.895, E 21-23.893, Z 21-23.888, X 21-23.886, V 21-23.884, D 21-23.892 et U 21-23.883 de l'employeur
Enoncé du moyen
3. L'employeur fait grief aux arrêts de le condamner à payer aux salariés des sommes à titre de rappel de salaire et de prime d'ancienneté, outre les congés payés afférents sur ces sommes, pour la période de décembre 2017 à avril 2019, alors :
« 1°/ que si des minimums" conventionnels sont définis par rapport à une durée de travail précise, l'appréciation du respect de leur montant doit être effectuée au regard de la durée du travail pratiquée dans l'entreprise ; que la convention collective nationale pour les entreprises artistiques et culturelles du 1er janvier 1984 prévoit une rémunération minimale définie par rapport à une durée de travail précise, soit 1224 heures annuelles pour les artistes musiciens ; qu'en jugeant que la rémunération conventionnelle est garantie hors proratisation du temps de travail pour allouer aux salariés, dont l'horaire de référence était de 81 heures par mois, une rémunération égale à la rémunération minimale conventionnelle prévue pour un horaire de référence de 1224 heures par an soit 102 heures par mois, la cour d'appel a violé les articles X.1, X.3 et XV.2 de la convention collective nationale pour les entreprises artistiques et culturelles du 1er janvier 1984 ;
2°/ que selon l'article X.3 de la convention collective dans sa rédaction issue de l'avenant du 6 décembre 2017, ''la rémunération mensuelle telle que prévue dans les articles X. 3.1, X. 3.2, X. 3.3, X. 3.4 et les grilles annexées à la convention est garantie non proratisée et non lissée quel que soit le temps de travail effectif réalisé par l'artiste au cours du mois'' ; qu'en déduisant de ce texte une interdiction de proratisation au regard de l'horaire de référence dans l'entreprise cependant qu'il ne s'en évince qu'une interdiction de proratisation au regard du temps de travail effectif, la cour d'appel a violé les articles X.1, X.3 dans sa rédaction issue de l'avenant du 6 décembre 2017, et XV.2 de la convention collective nationale pour les entreprises artistiques et culturelles du 1er janvier 1984. »
Réponse de la Cour
4. Selon l'article X.3 de la convention collective nationale pour les entreprises artistiques et culturelles du 1er janvier 2004, dans sa rédaction issue de l'avenant du 6 décembre 2017, à chaque emploi correspond un salaire brut minimum, au-dessous duquel aucun salarié ne peut être rémunéré. La rémunération mensuelle telle que prévue dans les articles X. 3.1, X. 3.2, X. 3.3, X. 3.4 et les grilles annexées à la convention est garantie non proratisée et non lissée quel que soit le temps de travail effectif réalisé par l'artiste au cours du mois.
5. Après avoir constaté que l'accord d'entreprise des artistes musiciens permanents de l'Opéra de [Localité 10] Provence Méditerranée du 10 juillet 2009
stipulait que sont considérés comme du temps de travail effectif le temps musical et le temps de mission, que le temps musical et le temps de mission sont décomptés en service, chaque musicien devant 81 heures par mois soit 27 services, la cour d'appel a exactement retenu que, pour la période postérieure au mois de décembre 2017, l'appréciation du respect du montant des minima conventionnels devait être effectuée par comparaison du salaire conventionnel avec le salaire perçu par chaque salarié hors proratisation par rapport au temps de travail effectif prévu par l'accord d'entreprise.
6. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le premier moyen des pourvois n° M 21-20.196, N 21-20.197, Q 21-20.199, U 21-20.203, W 21-20.205, Y 21-20.207, B 21-20.210, A 21-20.209 des salariés, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
7. Les salariés font grief aux arrêts de ne condamner l'employeur à leur payer que des sommes minorées, pour la période de décembre 2017 à avril 2019, à titre de rappel de salaire et de prime d'ancienneté, outre les congés payés afférents, alors « qu'en retenant, pour estimer que les salariés ne pouvaient pas bénéficier du salaire conventionnel mensuel de référence, que l'accord d'entreprise des artistes musiciens permanents du 10 juillet 2009 avait fixé une durée mensuelle de travail de 81 heures sans se prononcer sur le moyen soulevé en appel selon lequel cet accord avait fixé, en son point 9, l'horaire de référence mensuel des artistes musiciens à temps plein à 151 heures 40, la durée de 81 heures correspondant seulement au temps de service, qui doit être complété par le temps pendant lequel les musiciens se tiennent à la disposition de leur employeur et leurs temps de préparation individuel, la cour d'appel a méconnu les exigences posées à l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
8. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.
9. Pour limiter les rappels de salaire versés aux salariés à la période postérieure au mois de décembre 2017, l'arrêt retient qu'il résulte des dispositions de la convention collective des entreprises artistiques et culturelles que les rémunérations étaient définies par rapport à une durée de travail précise, soit 1 224 heures par an, ce qui correspond à une durée de 102 heures par mois, qu'au sein de l'entreprise la durée du travail est inférieure à celle-ci, en l'espèce 81 heures par mois selon l'accord d'entreprise du 10 juillet 2009, de sorte que l'appréciation du respect du montant des minima conventionnels doit être effectuée au regard de la durée du travail effectivement pratiquée (soit salaire conventionnel /102 x 81) sur la période antérieure au mois de décembre 2017.
10. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions des salariés, qui soutenaient que l'accord d'entreprise des artistes musiciens permanents de l'Opéra de [Localité 10] Provence Méditerranée du 10 juillet 2009 prévoyait, en son point 9, que l'horaire de référence des artistes musiciens à temps plein était de 151,67 heures par mois ou 1 575 heures par an et que s'ils devaient au moins 81 heures par mois répartis en services mensuels, ils étaient néanmoins employés pour 151,67 heures de travail par mois et restaient à disposition de l'employeur pour cette durée, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
Sur le deuxième moyen des pourvois n° M 21-20.196, N 21-20.197, Q 21-20.199, U 21-20.203, W 21-20.205, Y 21-20.207, B 21-20.210, A 21-20.209, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
11. Les salariés font grief aux arrêts de déclarer irrecevables leurs demandes à titre de rappels de salaires, de prime d'ancienneté et congés payés afférents pour la période allant de mai 2019 à décembre 2020, alors « que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les salariés avaient saisi le conseil de prud'hommes aux fins de voir condamner l'employeur à leur payer des rappels de salaire et de prime d'ancienneté et qu'ils la saisissaient en appel de demandes à titre de rappel de salaires, prime d'ancienneté et congés payés y afférents, pour la période allant de mai 2019 à décembre 2020, ce dont il résultait que ces deux séries de demandes poursuivaient des fins identiques ; qu'en affirmant ensuite, pour déclarer irrecevables ces demandes formulées en appel, qu'elles ne tendaient pas aux mêmes fins que les demandes soumises au premier juge, la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 565 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 565 du code de procédure civile :
12. Aux termes de ce texte, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.
13. Pour déclarer irrecevables comme nouvelles les demandes des salariés tendant au paiement de rappels de salaires, de prime d'ancienneté et congés payés afférents pour la période allant de mai 2019 à décembre 2020, les arrêts retiennent que ces demandes formées pour la première fois en cause d'appel ne tendent pas aux mêmes fins que les demandes soumises au premier juge sur la détermination des minima conventionnels.
14. En statuant ainsi, alors que ces demandes poursuivaient la même fin de paiement du salaire dû par l'employeur au regard de la rémunération minimale prévue par la convention collective applicable, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Et sur le troisième moyen des pourvois n° M 21-20.196, N 21-20.197, Q 21-20.199, U 21-20.203, W 21-20.205, Y 21-20.207, B 21-20.210, A 21-20.209, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
15. Les salariés font grief aux arrêts de les débouter de leurs demandes tendant à l'application de certaines mesures à compter du présent arrêt, alors « qu'en se fondant, pour débouter les salariés de leur demande en versement d'une rémunération sur la base d'un salaire minimum conventionnel s'ajoutant à la prime d'ancienneté et aux autres primes perçues, après le 30 avril 2019, sur son caractère indéterminé et sur le fait que l'accord d'entreprise n'est plus en vigueur, la cour d'appel a retenu de son propre mouvement ces moyens relevés d'office, sans avoir au préalable invité les parties à s'expliquer en violation de l'article 16 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 16 du code de procédure civile :
16. Aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
17. Pour débouter les salariés de leurs demandes tendant à l'application de certaines mesures à compter des arrêts, les arrêts retiennent que les demandes des salariés de versement d'une rémunération sur la base d'un salaire minimum conventionnel s'ajoutant à la prime d'ancienneté et les autres primes jusqu'à présent perçues, après le 30 avril 2019, constituent des demandes indéterminées formées pour l'avenir, qu'il n'appartient pas à la cour de prononcer.
18. En statuant ainsi, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen, tiré du caractère indéterminé de la demande, relevé d'office, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
Rejette les pourvois n° G 21-23.896, H 21-23895, E 21-23.893, Z 21-23.888, X 21-23.886, V 21-23.884, D 21-23.892 et U 21-23.883 ;
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'ils déboutent MM. [I], [H], [K], [C] et Mmes [Y], [J], [B], [L] de leur demande de dommages-intérêts pour travail dissimulé, en ce qu'ils les déboutent de leur demande de dommages-intérêts pour appel abusif, en ce qu'ils déboutent M. [H] de ses demandes de rappels de primes d'instrument, d'une somme pour instrument supplémentaire, en ce qu'ils condamnent l'Opéra de [Localité 10] Provence Méditerranée aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à payer à MM. [I], [H], [K], [C] et Mmes [Y], [J], [B], [L] une somme de 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, les arrêts rendus le 28 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel de Aix-en-Provence autrement composée ;
Condamne l'Opéra de [Localité 10] Provence Méditerranée aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'Opéra de [Localité 10] Provence Méditerranée et le condamne à payer à MM. [I], [H], [K], [C] et Mmes [Y], [J], [B], [L] la somme totale de 2 400 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de s arrêts partiellement cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mars deux mille vingt-trois.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens communs produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. [I], Mmes [Y], [J], [B], MM. [C], [K], [H], et Mme [L], demandeurs aux pourvois n° M 21-20.196, N 21-20.197, Q 21-20.199, U 21-20.203, W 21-20.205,Y 21-20.207, B 21-20.210, A 21-20.209
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Les salariés exposants font grief aux arrêts attaqués, infirmatifs de ces chefs de n'AVOIR condamné l'Opéra de [Localité 10] Provence Méditerranée à leur payer que des sommes minorées, pour la période de décembre 2017 à avril 2019, à titre de rappel de salaire et de prime d'ancienneté, outre les congés payés afférents.
1° ALORS QU' en vertu de l'article L. 2254-1 du code du travail, lorsqu'un employeur est lié par les clauses d'une convention ou d'un accord collectif, ces clauses s'appliquent aux contrats de travail conclus avec lui, sauf stipulations plus favorables ; qu'en se fondant, pour estimer que les salariés ne pouvaient pas bénéficier du salaire conventionnel mensuel de référence, sur l'accord d'entreprise des artistes musiciens permanents du 10 juillet 2009 sans vérifier, comme cela lui était demandé, si l'application de cet accord ne devait pas être écartée dans la mesure où il était moins favorable que les contrats de travail, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard du principe de faveur découlant de l'article L. 2254-1 du code du travail et de l'accord d'entreprise des artistes musiciens permanents du 10 juillet 2009, ensemble les articles X-3.3A et XV-2.1 de la convention collective des entreprises artistiques et culturelles, l'article 1134 du code civil, dans sa version applicable en la cause, et l'article L. 1221-1 du code du travail,
2° ALORS QUE la durée du travail telle que stipulée au contrat de travail constitue un élément du contrat qui ne peut être modifié sans l'accord du salarié ; qu'en se fondant, pour estimer que les salariés ne pouvaient pas bénéficier du salaire conventionnel mensuel de référence, sur la durée du travail fixée par l'accord d'entreprise des artistes musiciens permanents du 10 juillet 2009 sans rechercher, comme cela lui était demandé, si l'employeur avait pu diminuer unilatéralement, par ledit accord d'entreprise, le temps de travail des salariés stipulé dans leur contrat de travail, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles 1134 du code civil, dans sa version applicable en la cause, et L. 1221-1 du code du travail, ensemble les articles X-3.3A et XV-2.1 de la convention collective des entreprises artistiques et culturelles et l'accord d'entreprise des artistes musiciens permanents du 10 juillet 2009,
3° ALORS QU'en retenant, pour estimer que les salariés ne pouvaient pas bénéficier du salaire conventionnel mensuel de référence, que l'accord d'entreprise des artistes musiciens permanents du 10 juillet 2009 avait fixé une durée mensuelle de travail de 81 heures sans se prononcer sur le moyen soulevé en appel selon lequel cet accord avait fixé, en son point 9, l'horaire de référence mensuel des artistes musiciens à temps plein à 151 heures 40, la durée de 81 heures correspondant seulement au temps de service, qui doit être complété par le temps pendant lequel les musiciens se tiennent à la disposition de leur employeur et leurs temps de préparation individuel, la cour d'appel a méconnu les exigences posées à l'article 455 du code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Les salariés exposants font grief aux arrêts attaqués d'AVOIR déclaré irrecevables leurs demandes à titre de rappels de salaires, de prime d'ancienneté et congés payés y afférents pour la période allant de mai 2019 à décembre 2020.
1° ALORS QUE les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les salariés avaient saisi le conseil de prud'hommes aux fins de voir condamner l'employeur à leur payer des rappels de salaire et de prime d'ancienneté (arrêt attaqué, p. 2) et qu'ils la saisissaient en appel de demandes à titre de rappel de salaires, prime d'ancienneté et congés payés y afférents, pour la période allant de mai 2019 à décembre 2020 (arrêt attaqué, p. 5), ce dont il résultait que ces deux séries de demandes poursuivaient des fins identiques ; qu'en affirmant ensuite, pour déclarer irrecevables ces demandes formulées en appel, qu'elles ne tendaient pas aux mêmes fins que les demandes soumises au premier juge (arrêt attaqué, p. 9), la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 565 du code de procédure civile
2° ALORS QUE les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles sont l'accessoire de celles soumises au premier juge, qu'elles en sont la conséquence ou le complément nécessaire ; qu'en déclarant irrecevables les demandes au titre de rappels de salaires, de prime d'ancienneté et congés payés y afférents pour la période allant de mai 2019 à décembre 2020 sans rechercher si ces demandes ne constituaient pas l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire de celles soumises au premier juge qui visaient à obtenir la condamnation de leur employeur à des rappels de salaire, de prime d'ancienneté et de congés payés y afférents, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 566 du code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Les salariés exposants font grief aux arrêts attaqués de les AVOIR déboutés de leurs demandes tendant à l'application de certaines mesures à compter du présent arrêt.
1° ALORS QU'en se fondant, pour débouter les salariés de leurs demandes en versement d'une rémunération sur la base d'un salaire minimum conventionnel s'ajoutant à la prime d'ancienneté et aux autres primes perçues, après le 30 avril 2019, sur leur caractère indéterminé, la cour d'appel a retenu de son propre mouvement ce moyen relevé d'office, sans avoir au préalable invité les parties à s'expliquer en violation de l'article 16 du code de procédure civile
2° ALORS QUE le caractère indéterminé d'une demande en justice ne justifie pas à lui seul son rejet ; qu'en rejetant les demandes en versement d'une rémunération sur la base d'un salaire minimum conventionnel s'ajoutant à la prime d'ancienneté et aux autres primes perçues, après le 30 avril 2019, motif pris qu'elles étaient indéterminées, la cour d'appel a violé les articles 4 du code civil et 12 du code de procédure civile
3° ALORS QU'en retenant que les demandes des salariés en versement d'une rémunération sur la base d'un salaire minimum conventionnel s'ajoutant à la prime d'ancienneté et aux autres primes perçues, après le 30 avril 2019 étaient indéterminées, la cour d'appel a dénaturé les conclusions des salariés, en violation du principe d'interdiction faite au juge de dénaturer les éléments de la cause
4° ALORS QU'en se bornant à affirmer, pour rejeter les demandes en versement d'une rémunération sur la base d'un salaire minimum conventionnel s'ajoutant à la prime d'ancienneté et aux autres primes perçues, après le 30 avril 2019, qu'elles étaient indéterminées sans autre précision, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son office et a méconnu les exigences posées à l'article 455 du code de procédure.
Moyen commun produit par SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour l'Opéra de [Localité 10] Provence Méditerranée EPCC, demandeur aux pourvois n° G 21-23.896, H 21-23.895, E 21-23.893, Z 21-23.888, X 21-23.886, V 21-23.884, D 21-23.892, U 21-23.883
L'Opéra de [Localité 10] Provence Méditerranée fait grief aux arrêts infirmatifs attaqué de l'avoir condamné à payer aux salariés des sommes à titre de rappel de salaire et congés payés y afférents et de prime d'ancienneté et congés payés y afférents, pour la période de décembre 2017 à avril 2019.
1° ALORS QUE si des minimums conventionnels sont définis par rapport à une durée de travail précise, l'appréciation du respect de leur montant doit être effectuée au regard de la durée du travail pratiquée dans l'entreprise ; que la convention collective nationale pour les entreprises artistiques et culturelles du 1er janvier 1984 prévoit une rémunération minimale définie par rapport à une durée de travail précise, soit 1224 heures annuelles pour les artistes musiciens ; qu'en jugeant que la rémunération conventionnelle est garantie hors proratisation du temps de travail pour allouer aux salariés, dont l'horaire de référence était de 81 heures par mois, une rémunération égale à la rémunération minimale conventionnelle prévue pour un horaire de référence de 1224 heures par an soit 102 heures par mois, la cour d'appel a violé les articles X.1, X.3 et XV.2 de la convention collective nationale pour les entreprises artistiques et culturelles du 1er janvier 1984.
2° ALORS QUE selon l'article X.3 de la convention collective dans sa rédaction issue de l'avenant du 6 décembre 2017, « la rémunération mensuelle telle que prévue dans les articles X. 3.1, X. 3.2, X. 3.3, X. 3.4 et les grilles annexées à la convention est garantie non proratisée et non lissée quel que soit le temps de travail effectif réalisé par l'artiste au cours du mois » ; qu'en déduisant de ce texte une interdiction de proratisation au regard de l'horaire de référence dans l'entreprise cependant qu'il ne s'en évince qu'une interdiction de proratisation au regard du temps de travail effectif, la cour d'appel a violé les articles X.1, X.3 dans sa rédaction issue de l'avenant du 6 décembre 2017, et XV.2 de la convention collective nationale pour les entreprises artistiques et culturelles du 1er janvier 1984.
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INCA/JURITEXT000047324586.xml
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CH9
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 15 mars 2023
Cassation
M. SOMMER, président
Arrêt n° 258 FS-D
Pourvoi n° X 21-11.903
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 MARS 2023
1°/ M. [K] [D], domicilié [Adresse 4],
2°/ M. [X] [H], domicilié [Adresse 3],
3°/ M. [M] [G], domicilié [Adresse 2],
4°/ le syndicat CGT Sanofi chimie Aramon, dont le siège est [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° X 21-11.903 contre l'arrêt rendu le 8 décembre 2020 par la cour d'appel de Nîmes (5e chambre sociale PH), dans le litige les opposant à la société Sanofi chimie, société anonyme, dont le siège est [Adresse 5], défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Techer, conseiller référendaire, les observations de Me Ridoux, avocat de M. [D], de M. [G] et du syndicat CGT Sanofi chimie Aramon, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Sanofi chimie, et l'avis de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 25 janvier 2023 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Techer, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, MM. Sornay, Rouchayrole, Flores, Mmes Lecaplain-Morel, Deltort, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à M. [H] du désistement de son pourvoi.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 8 décembre 2020), MM. [D] et [G] ont été engagés par la société Sanofi chimie à compter, respectivement, du 1er février 1998, en qualité d'opérateur de fabrication, et du 1er février 2002, en qualité de préparateur de charges.
3. Les salariés ont saisi la juridiction prud'homale le 6 août 2015 de diverses demandes au titre de l'exécution de leurs contrats de travail.
4. Le syndicat CGT Sanofi chimie Aramon (le syndicat) est intervenu volontairement à l'instance.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses deux premières branches
Enoncé du moyen
5. Les salariés et le syndicat font grief à l'arrêt de débouter les salariés de leurs demandes de rappels de salaire sur le temps d'habillage et de déshabillage, outre congés payés afférents, et de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, et le syndicat de sa demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par la collectivité des salariés, alors :
« 1°/ que selon les articles I-4 relatif au travail en 2 x 8, II-6 et II-7 relatifs au travail en 3 x 8 du protocole d'accord sur le travail posté en 2 x 8, 3 x 8 semi-continu et continu du 22 janvier 1986, la prime de poste a pour objet de compenser les contraintes liées au travail posté ; que le port obligatoire d'une tenue de travail – qui concerne tous les salariés quel que soit leur régime de travail, posté ou non posté, et qui s'applique uniquement dans certaines parties de l'établissement en dehors desquelles les salariés, quel que soit leur régime de travail, posté ou non posté, ne sont pas soumis à cette obligation – ne constitue pas une contrainte liée au travail posté ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés, ensemble l'article 4.4 du règlement intérieur Sanofi chimie Aramon ;
2°/ que les articles I-4, II-6 et II-7 du protocole d'accord sur le travail posté du 22 janvier 1986, qui sont antérieurs à la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 ayant posé le principe d'une contrepartie obligatoire aux temps d'habillage et de déshabillage, doivent être interprétés strictement ; qu'après avoir expressément énoncé que la prime de poste qu'ils instituent a pour objet de compenser les contraintes liées au travail posté en 2 x 8 ou en 3 x 8, ces articles ne mentionnent nulle part les temps d'habillage et de déshabillage ; qu'en jugeant néanmoins que la prime de poste valait contrepartie des temps d'habillage et de déshabillage, la cour d'appel a violé les textes susvisés. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 3121-3 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et dans celle issue de cette même loi, I-4, II-6 et II-7 du protocole d'accord sur le travail posté en 2 x 8, 3 x 8 semi-continu et continu, signé au sein de l'établissement Sanofi chimie Aramon et ayant pris effet le 1er janvier 1986 :
6. Selon le premier de ces textes, le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage fait l'objet de contreparties lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions légales, des stipulations conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail et que l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise ou sur le lieu de travail.
7. Selon le deuxième, relatif au travail en 2 x 8, il est créé une prime appelée prime de poste qui compense toutes les contraintes liées à ce type de travail : décalage horaire, passage de consignes sur le poste de travail, temps de douche et autres contraintes liées au poste de travail.
8. Selon le troisième, relatif au travail en 3 x 8, semi-continu et continu, il est créé une prime de poste intégrant les indemnités autres que les paniers de l'équipe de nuit ainsi que les dix minutes par poste de l'ancienne prime de consigne.
9. Aux termes du dernier, cette prime de poste compense toutes les contraintes liées au travail en 3 x 8 (passage de consignes sur le poste de travail, temps de douche et autres contraintes du poste de travail...).
10. Pour débouter, d'une part, les salariés de leurs demandes de rappels de salaire sur le temps d'habillage et de déshabillage et de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, d'autre part, le syndicat de sa demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par la collectivité des salariés, l'arrêt relève, d'abord, qu'une contrepartie est due aux salariés au titre des opérations d'habillage et de déshabillage et que ces derniers perçoivent une prime de poste en application d'un protocole d'accord sur le travail posté en 2 x 8 et 3 x 8 semi-continu et continu, lequel précise que cette prime compense toutes les contraintes liées à ce type de travail : décalage horaire, passage de consignes sur le poste de travail, temps de douche et autres contraintes liées au poste de travail.
11. Il retient, ensuite, que les temps d'habillage et de déshabillage, qui ne sont pas une contrainte exclusivement liée au travail posté, sont compris dans la formule générique « autres contraintes liées au poste de travail » citée par le protocole d'accord, d'autant plus qu'ils précèdent ou suivent immédiatement les temps de douche prévus dans la liste non exhaustive des contraintes visées, peu important que ledit protocole d'accord soit antérieur à la loi du 19 janvier 2000 qui a rendu obligatoire la mise en place d'une contrepartie aux temps d'habillage et de déshabillage, dès lors que rien n'empêchait que cette dernière ait été instituée au profit des salariés par le biais de la négociation collective avant même que le législateur ne l'ait prévue.
12. En statuant ainsi, alors que le protocole d'accord, antérieur à la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000, institue une prime de poste ayant pour objet de compenser les contraintes liées au travail posté et que les temps d'habillage et de déshabillage, d'une part, ne sont pas mentionnés dans ledit protocole, d'autre part, ne sont pas une contrainte exclusivement liée au travail posté, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne la société Sanofi chimie aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Sanofi chimie et la condamne à payer à MM. [D] et [G] ainsi qu'au syndicat CGT Sanofi chimie Aramon la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mars deux mille vingt-trois.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par Me Ridoux, avocat aux Conseils, pour demandeurs
MM. [D] et [G] et le syndicat CGT Sanofi Chimie Aramon FONT GRIEF à l'arrêt attaqué de les AVOIR déboutés, pour MM. [D] et [G], de leurs demandes de rappels de salaire sur le temps d'habillage et de déshabillage, outre les congés payés y afférents, et de dommages intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, et pour le syndicat CGT Sanofi Chimie Aramon, de sa demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par la collectivité des salariés ;
1°) ALORS, de première part, QUE selon les articles I-4 relatif au travail en 2 x 8, II-6 et II-7 relatifs au travail en 3 x 8 du protocole d'accord sur le travail posté en 2 x 8, 3 x 8 semi-continu et continu du 22 janvier 1986 (production n° 6), la prime de poste a pour objet de compenser les contraintes liées au travail posté ; que le port obligatoire d'une tenue de travail – qui concerne tous les salariés quel que soit leur régime de travail, posté ou non posté, et qui s'applique uniquement dans certaines parties de l'établissement en dehors desquelles les salariés, quel que soit leur régime de travail, posté ou non posté, ne sont pas soumis à cette obligation – ne constitue pas une contrainte liée au travail posté ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés, ensemble l'article 4.4 du règlement intérieur Sanofi Chimie Aramon ;
2°) ALORS, de deuxième part, QUE les articles I-4, II-6 et II-7 du protocole d'accord sur le travail posté du 22 janvier 1986, qui sont antérieurs à la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 ayant posé le principe d'une contrepartie obligatoire aux temps d'habillage et de déshabillage, doivent être interprétés strictement ; qu'après avoir expressément énoncé que la prime de poste qu'ils instituent a pour objet de compenser les contraintes liées au travail posté en 2 x 8 ou en 3 x 8, ces articles ne mentionnent nulle part les temps d'habillage et de déshabillage ; qu'en jugeant néanmoins que la prime de poste valait contrepartie des temps d'habillage et de déshabillage, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
3°) ALORS, de troisième part, QUE la rémunération du temps passé à la douche ne peut valoir contrepartie au temps d'habillage et de déshabillage pour revêtir une tenue de travail dont le port est obligatoire ; qu'en se fondant, pour dire que la prime de poste inclut les temps d'habillage et de déshabillage liés au port obligatoire d'une tenue de travail, sur le fait que cette prime vise les temps de douche, la cour d'appel a violé les articles I-4, II-6 et II-7 du protocole d'accord sur le travail posté en 2 x 8, 3 x 8 semi-continu et continu du 22 janvier 1986, ensemble l'article L. 3121-3 du code du travail.
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