id
stringlengths
20
20
formation
stringclasses
17 values
applied_laws
stringlengths
6
2.66k
origin
stringclasses
1 value
jurisdiction
stringclasses
2 values
summary
stringlengths
1
14.6k
solution
stringclasses
769 values
content
stringlengths
48
1.17M
title
stringlengths
60
256
keywords
stringlengths
3
6.44k
decision_date
stringdate
1805-09-29 00:00:00
2025-06-27 00:00:00
ecli
stringlengths
21
26
url
stringlengths
59
59
nature
stringclasses
4 values
JURITEXT000049989158
CHAMBRE_CIVILE_1
null
JURI
Cour de cassation
Il résulte des articles L. 312-48, L. 312-55 du code de la consommation et 1231-1 du code civil que la résolution ou l'annulation d'un contrat de crédit affecté, en conséquence de celle du contrat constatant la vente ou la prestation de services qu'il finance, emporte pour l'emprunteur l'obligation de restituer au prêteur le capital prêté. Cependant le prêteur qui a versé les fonds sans s'être assuré, comme il y était tenu, de la complète exécution du contrat principal, peut être privé en tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que l'emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute. Viole ces dispositions une cour d'appel qui, pour condamner les emprunteurs, à la suite de l'annulation de la vente et du contrat de crédit affecté, à restituer à la banque le capital prêté sous déduction des sommes déjà versées, retient que la banque n'a commis aucune faute en versant les fonds au vendeur au vu de l'attestation de conformité du Comité national pour la sécurité des usagers de l'électricité et de l'acceptation sans réserve, signée de l'un des emprunteurs après l'expiration du délai de rétractation, de la livraison et de l'exécution des prestations, alors que l'attestation signée par l'emprunteur n'était pas suffisamment précise pour permettre au prêteur de s'assurer de l'exécution de chacune des prestations énumérées au contrat principal, dont les prestations administratives en vue du raccordement au réseau auxquelles le vendeur s'était engagé
Cassation partielle
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br> CIV. 1<br> <br> MY1<br> <br> <br> <br> COUR DE CASSATION<br> ______________________<br> <br> <br> Audience publique du 10 juillet 2024<br> <br> <br> <br> <br> Cassation partielle<br> <br> <br> Mme CHAMPALAUNE, président<br> <br> <br> <br> Arrêt n° 399 FS-B<br> <br> Pourvoi n° B 23-12.122 <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E <br> <br> _________________________<br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 10 JUILLET 2024<br> <br> 1°/ M. [H] [B] [N],<br> <br> 2°/ Mme [F] [U] [N], épouse [B] [N], <br> <br> tous deux domiciliés [Adresse 1],<br> <br> ont formé le pourvoi n° B 23-12.122 contre l'arrêt rendu le 6 avril 2022 par la cour d'appel d'Agen (chambre civile), dans le litige les opposant :<br> <br> 1°/ à la société Cofidis, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],<br> <br> 2°/ à la société Futura Internationale, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4],<br> <br> 3°/ à la société [D], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], représentée par M. [T] [D], pris en qualité de mandataire liquidateur de la société Futura Internationale,<br> <br> défenderesses à la cassation.<br> <br> Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.<br> <br> Le dossier a été communiqué au procureur général.<br> <br> Sur le rapport de Mme Peyregne-Wable, conseiller, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. et Mme [B] [N], de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Cofidis, et l'avis de Mme Cazaux-Charles, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 mai 2024 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Peyregne-Wable, conseiller rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, MM. Bruyère, Ancel, Mmes Tréard, Corneloup, conseillers, Mmes Kloda, Robin-Raschel, conseillers référendaires, Mme Cazaux-Charles, avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre,<br> <br> la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; <br> <br> Faits et procédure<br> <br> 1. Selon l'arrêt attaqué (Agen, 6 avril 2022), le 21 mars 2017, M. [B] [N] a conclu hors établissement avec la société Futura internationale (le vendeur) un contrat de fourniture et d'installation d'une centrale solaire photovoltaïque financé par un crédit souscrit le même jour avec Mme [B] [N] auprès de la société Cofidis (la banque).<br> <br> 2. A la suite de leur défaillance dans le règlement des échéances du crédit, la banque a assigné M. et Mme [B] [N] (les emprunteurs) en paiement.<br> <br> 3. Les emprunteurs ont assigné le vendeur notamment en nullité du contrat principal.<br> <br> 4. Le vendeur a été placé en liquidation judiciaire et M. [D] désigné en qualité de mandataire liquidateur.<br> <br> Examen des moyens<br> <br> Sur le premier moyen, pris en sa première branche<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 5. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de les condamner solidairement à payer à la banque une certaine somme en restitution du capital prêté sous déduction des sommes déjà versées, alors « que commet une faute le privant de la possibilité de prétendre au remboursement du capital prêté le prêteur qui délivre les fonds au vendeur au seul vu de l'attestation de livraison signée par l'emprunteur qui n'est pas suffisamment précise pour rendre compte de la complexité de l'opération financée et lui permettre de s'assurer de l'exécution complète du contrat principal ; qu'après avoir constaté que « le matériel a été livré, installé puis facturé le 24 avril 2017 » et que M. [B] [N] avait établi une attestation de livraison et d'installation de panneaux photovoltaïques le 22 avril 2017, soit deux jours plus tôt, et un mois à peine après la signature du contrat de vente, la cour d'appel ne pouvait retenir que la banque n'avait pas commis de faute en libérant les fonds au vu de cette attestation au seul motif que M. [B] [N] avait certifié que les travaux avaient été complètement réalisés : qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée si, compte tenu des circonstances et du court délai écoulé depuis, la banque avait légitimement pu se convaincre, à la seule lecture de l'attestation, de la réalisation complète de l'opération complexe de livraison et d'installation financée par le contrat de crédit, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> Vu les articles L. 312-48, L. 312-55 du code de la consommation et 1231-1 du code civil :<br> <br> 6. Il résulte de ces textes que la résolution ou l'annulation d'un contrat de crédit affecté, en conséquence de celle du contrat constatant la vente ou la prestation de services qu'il finance, emporte pour l'emprunteur l'obligation de restituer au prêteur le capital prêté.<br> <br> 7. Cependant le prêteur qui a versé les fonds sans s'être assuré, comme il y était tenu, de la complète exécution du contrat principal, peut être privé en tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que l'emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute.(1re Civ., 16 janvier 2013, pourvoi n° 12-13.022, Bull. 2013, n° 6, 1re Civ., 25 novembre 2020, pourvoi n° 19-14.908, publié).<br> <br> 8. La Cour de cassation juge ainsi que commet une faute le prêteur qui libère les fonds au vu d'une attestation de livraison et de demande de financement signée par l'emprunteur, insuffisamment précise pour rendre compte de la complexité de l'opération financée et permettre au prêteur de s'assurer de l'exécution effective des prestations de mise en service de l'installation auxquelles le vendeur s'était également engagé, ou bien encore d'une attestation mentionnant que les travaux terminés ne concernent pas les prestations de raccordement ni l'obtention des autorisations administratives auxquelles le vendeur s'était engagé (1re Civ., 10 septembre 2015, pourvoi n° 14-13.658, Bull. 2015, I, n° 200, 1re Civ., 12 décembre 2018, pourvoi n° 17-20.882, 1re Civ., 14 février 2024, pourvoi n° 21-12.246.).<br> <br> 9. Pour condamner les emprunteurs, à la suite de l'annulation de la vente et du contrat de crédit affecté, à restituer à la banque le capital prêté sous déduction des sommes déjà versées, l'arrêt retient que la banque n'a commis aucune faute en versant les fonds au vendeur au vu de l'attestation de conformité du Comité national pour la sécurité des usagers de l'électricité (Consuel) et de l'acceptation sans réserve, signée de l'un des emprunteurs après l'expiration du délai de rétractation, de la livraison et de l'exécution des prestations.<br> <br> 10. En statuant ainsi, alors qu'elle relevait qu'aux termes du contrat de vente, le prix incluait les démarches administratives et les frais de raccordement au réseau ERDF « pris en charge à 100 % », de sorte que l'attestation signée par l'emprunteur, qui ne mentionnait pas ces prestations, n'était pas suffisamment précise pour permettre au prêteur de s'assurer de l'exécution de chacune des prestations énumérées au contrat principal auxquelles le vendeur s'était engagé, la cour d'appel a violé les textes susvisés.<br> <br> Et sur le second moyen<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 11. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de rejeter la demande de dommages et intérêts formée contre le vendeur, représenté par son mandataire liquidateur, alors « qu'en relevant d'office le moyen pris de ce que les époux [B] [N] n'auraient pas déclaré leur créance à l'encontre de la société Futura internationale entre les mains de M. [D] dans le cadre de la procédure collective, sans inviter les parties à s'expliquer sur ce point, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 16 du code de procédure civile. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> Vu l'article 16 du code de procédure civile :<br> <br> 12. Aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.<br> <br> 13. Pour rejeter la demande de dommages et intérêts formée par les emprunteurs, l'arrêt retient que ceux-ci ne prétendent pas avoir déclaré une créance à l'encontre du vendeur entre les mains de son liquidateur dans le cadre de la procédure collective.<br> <br> 14. En statuant ainsi, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen qu'elle relevait d'office, la cour d'appel a violé le texte susvisé.<br> <br> PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :<br> <br> CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne solidairement M. et Mme [B] [N] à payer à la société Cofidis la somme de 29 900 euros en restitution du capital prêté, sous déduction des sommes qu'ils lui ont déjà versées et en ce qu'il rejette la demande de dommages et intérêts formée par M. et Mme [B] [N], l'arrêt rendu le 06 avril 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ;<br> <br> Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;<br> <br> Condamne la société Cofidis aux dépens ; <br> <br> En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Cofidis et la condamne à payer à M. et Mme [B] [N] la somme globale de 3 000 euros ;<br> <br> Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;<br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille vingt-quatre.
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 10 juillet 2024, 23-12.122, Publié au bulletin
PROTECTION DES CONSOMMATEURS
2024-07-10
ECLI:FR:CCASS:2024:C100399
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000049989158
ARRET
JURITEXT000049989154
CHAMBRE_CIVILE_1
null
JURI
Cour de cassation
null
Rejet
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br> CIV. 1<br> <br> CF<br> <br> <br> <br> COUR DE CASSATION<br> ______________________<br> <br> <br> Audience publique du 10 juillet 2024<br> <br> <br> <br> <br> Rejet<br> <br> <br> Mme CHAMPALAUNE, président<br> <br> <br> <br> Arrêt n° 361 FS-B<br> <br> Pourvoi n° Q 22-23.170 <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E <br> <br> _________________________<br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 10 JUILLET 2024<br> <br> L'association Vegan impact, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 4], a formé le pourvoi n° Q 22-23.170 contre l'arrêt rendu le 8 septembre 2022 par la cour d'appel de Versailles (14e chambre), dans le litige l'opposant à la société Le Poulailler d'[Localité 2], exploitation agricole à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], [Localité 2], défenderesse à la cassation.<br> <br> La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.<br> <br> Le dossier a été communiqué au procureur général.<br> <br> Sur le rapport de Mme Kass-Danno, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de l'association Vegan impact, de la SCP Spinosi, avocat de la société Le Poulailler d'[Localité 2], et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 mai 2024 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Kass-Danno, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, MM. Jessel, Mornet, Chevalier, Mmes Kerner-Menay, Bacache-Gibeili, conseillers, Mmes de Cabarrus, Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, Mme Mallet-Bricout, avocat général, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,<br> <br> la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; <br> <br> Faits et procédure <br> <br> 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 8 septembre 2022), rendu en référé, les 11 avril et 26 mai 2021, l'association Vegan impact (l'association), qui a pour but la protection des animaux, a mis en ligne, sur son site internet et les réseaux sociaux, des images et des vidéos intitulées « Enquête : le calvaire de milliers de poules pondeuses de l'élevage plein air d'[Localité 2] » et « Nouveau scandale dans l'élevage de l'Oeuf de nos villages » tournées, sans autorisation, dans les locaux de la société Le Poulailler d'[Localité 2] (la société).<br> <br> 2. Le 29 juillet 2021, cette dernière a assigné en référé l'association afin d'obtenir le retrait des vidéos, l'interdiction de leur utilisation, la publication de la décision et une provision à valoir sur la réparation de son préjudice. L'association a opposé la nullité de cette assignation. <br> <br> Examen des moyens<br> <br> Sur le second moyen, pris en ses quatrième et sixième branches<br> <br> 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.<br> <br> Sur le premier moyen <br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 4. L'association fait grief à l'arrêt de rejeter l'exception de nullité de l'assignation, alors :<br> <br> « 1°/ que les abus de la liberté d'expression prévus et réprimés par la loi du 29 juillet 1881 ne peuvent être réparés sur un autre fondement ; qu'il appartient au juge de restituer leur exacte qualification aux faits litigieux sans s'arrêter à la qualification retenue par les parties ; que pour dire que l'action de la société Le Poulailler d'[Localité 2] ne constituait pas une action en diffamation, la cour d'appel a constaté que « l'assignation ne mentionne pas l'existence d'allégations ou d'imputations de faits de nature à porter atteinte à l'honneur ou à la considération d'une personne ou d'un corps et n'y fait pas référence de sorte qu'aucune interprétation de son contenu ou de son objet ne sont nécessaires » ; qu'en se considérant limitée par les termes de l'assignation, sans s'autoriser à restituer aux demandes, au-delà de la qualification retenue par la société Le Poulailler d'[Localité 2], leur véritable qualification, la cour d'appel a méconnu ses pouvoirs et a violé l'article 12 du code de procédure civile ensemble l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 ; <br> <br> 2°/ que l'action de la société Le Poulailler d'[Localité 2] n'avait d'autre objet que le retrait de vidéos portant atteinte à son image, qui constituait sa seule demande ; qu'il en résultait que son action, quel que soit le fondement invoqué, s'analysait en une action en diffamation relevant de la loi du 29 juillet 1881 ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a violé cette loi. » <br> <br> Réponse de la Cour <br> <br> 5. Ayant constaté que l'action de la société était fondée sur un trouble manifestement illicite résultant de la violation de son droit de propriété, de la protection de son domicile et de la mise en péril de ses intérêts par l'atteinte aux règles sanitaires applicables à son élevage, que l'assignation ne mentionnait pas d'allégations ou d'imputations de nature à porter atteinte à l'honneur ou à la considération de la société et que, si un constat d'huissier, décrivant les vidéos et les pages web litigieuses, avait été annexé à l'assignation, il visait seulement à sauvegarder la preuve des éléments dont se prévalait la société, la cour d'appel en a déduit, à bon droit et sans méconnaître son office, que cette action ne relevait pas des dispositions de la loi du 29 juillet 1881. <br> <br> 6. Le moyen n'est donc pas fondé.<br> <br> Sur le second moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches <br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 7. L'association fait grief à l'arrêt d'ordonner le retrait des vidéos et photographies, l'interdiction d'utilisation et de rediffusion des vidéos litigieuses et la publication du dispositif de l'arrêt ainsi que de la condamner au paiement d'une provision, alors :<br> <br> « 1°/ qu'il incombe à celui qui demande qu'il soit mis fin à un trouble de justifier du caractère manifestement illicite de ce trouble ; qu'il appartient à celui qui se prétend victime d'une atteinte à son droit de propriété du fait d'une intrusion d'établir l'intrusion et qu'elle est le fait de celui contre lequel il dirige son action ; que la cour d'appel a retenu que les captations litigieuses avaient été réalisées au cours d'une intrusion dont l'auteur n'était pas identifié ; qu'en condamnant l'association Vegan impact sur le fondement d'une atteinte à la propriété, tout en admettant qu'il n'était pas établi qu'elle en soit l'auteur, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé un trouble manifestement illicite qui soit imputable à l'association Vegan impact, a violé l'article 835 du code de procédure civile, ensemble l'article 10 de la Convention des droits de l'homme ; <br> <br> 2°/ que, pour les mêmes raisons, la cour d'appel qui a condamné l'association Vegan impact au titre de la violation de règlements sanitaires dont il n'était pas établi qu'elle en l'auteur, a violé l'article 835 du code de procédure civile, ensemble l'article 3 de l'arrêté du 8 février 2016 ;<br> <br> 3°/ que, pour les mêmes raisons, la cour d'appel qui a condamné l'association Vegan impact pour atteinte à la vie privée du fait d'une intrusion dont il n'était pas établi qu'elle en soit l'auteur, a violé l'article 835 du code de procédure civile ensemble l'article 9 du code civil. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> 8. Il résulte des articles 544 du code civil et 835 du code de procédure civile qu'un propriétaire peut s'opposer à la diffusion, par un tiers, d'une vidéo réalisée sur sa propriété, y compris par la voie d'une action en référé lorsque cette diffusion lui cause un trouble manifestement illicite. <br> <br> 9. Peut caractériser un tel trouble la diffusion d'une vidéo, tournée à l'intérieur de ses locaux sans son autorisation, peu important qu'elle l'ait été ou non au cours d'une intrusion et que son auteur soit ou non identifié.<br> <br> 8. Dès lors qu'elle a constaté que les vidéos diffusées avaient été réalisées à l'intérieur des locaux de la société, sans son autorisation, la cour d'appel a pu en déduire que cette société justifiait d'un trouble manifestement illicite. <br> <br> 9. Le moyen n'est donc pas fondé.<br> <br> Et sur le second moyen, pris en sa cinquième branche <br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 10. L'association fait le même grief à l'arrêt, alors « que pour apprécier l'illicéité manifeste du trouble résultant d'une atteinte à un droit conventionnellement garanti, le juge des référés est tenu de rechercher si cette atteinte n'est pas justifiée par l'exercice d'un droit fondamental de même valeur, et doit s'assurer que les mesures qu'il ordonne ne portent pas une atteinte disproportionnée à un tel droit ; que la liberté d'informer constitue un droit fondamental au même titre que le droit de propriété ; que la cour d'appel a retenu que les moyens choisis par l'association Vegan impact causaient une atteinte disproportionnée au droit de propriété de la société Le Poulailler d'[Localité 2] ; qu'en s'abstenant de préciser en quoi les moyens mis en oeuvre, dont il est constant qu'ils n'avaient causé aucune dégradation, étaient disproportionnés au regard du droit d'information des consommateurs, dont elle a reconnu qu'il constituait une cause d'intérêt public, et en quoi l'association Vegan impact n'avait pas agi de façon responsable, la cour d'appel a violé les articles 10 de la Convention des droits de l'homme. »<br> <br> Réponse de la Cour <br> <br> 11. Selon l'article 835, alinéa 1, du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire, même en présence d'une contestation sérieuse, peut prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour faire cesser un trouble manifestement illicite.<br> <br> 12. En vertu de l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne, y compris une association, a droit à la liberté d'expression, comprenant notamment la liberté de communiquer des informations ou des idées, l'exercice de cette liberté comportant toutefois des devoirs et des responsabilités et pouvant être soumis à des restrictions ou sanctions, prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires.<br> <br> 13. Suivant l'article 1er du protocole additionnel n° 1 de la Convention précitée, toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens.<br> <br> 14. Conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, entre deux droits conventionnellement protégés, le juge national doit toujours procéder à une mise en balance des intérêts en présence afin de rechercher un équilibre entre les droits en concours et, le cas échéant, privilégier la solution la plus protectrice de l'intérêt le plus légitime (CEDH, arrêt du 5 janvier 2000, Beyeler c. Italie, n° 33202/96, point 107 ; CEDH, arrêt du 16 juillet 2014, Alisic et autres c. Bosnie-Herzégovine, Croatie, Serbie, Slovénie et l'ex-République yougoslave de Macédoine [GC], n° 60642/08, point 108).<br> <br> 15. Selon cette jurisprudence, les restrictions à la liberté d'expression doivent répondre à un besoin social impérieux, en particulier lorsqu'elles concernent un sujet d'intérêt général, tel que la protection des animaux (CEDH, arrêt du 30 juin 2009, Verein gegen Tierfabriken Schweiz c. Suisse [GC], n° 32772/02, point 92 ; CEDH, arrêt du 22 avril 2013, Animal Defenders International c. Royaume-Uni [GC] n° 48876/08, points 103 à 105).<br> <br> 16. En outre, une association qui entend se prévaloir de la liberté d'expression au soutien de la défense de la cause animale doit, comme les journalistes, observer un comportement responsable et, partant, respecter la loi. Mais, si la violation de la loi constitue un motif pertinent dans l'appréciation de la légitimité d'une restriction, elle ne suffit pas, en soi, à la justifier, le juge national devant toujours procéder à cette mise en balance des intérêts en présence (CEDH, arrêt du 10 décembre 2007, Atoll c. Suisse [GC] n°69698/01, point 112 ; CEDH, arrêt du 20 octobre 2015, Pentikäinen c. Finlande [GC], n° 11882/10, point 90).<br> <br> 17. Il résulte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme que, lorsqu'il s'agit d'évaluer la proportionnalité d'une ingérence dans l'exercice du droit à la liberté d'expression, il y a lieu de prendre en considération la contribution de la publication incriminée à un débat d'intérêt général, la notoriété de la personne visée, l'objet du reportage, le comportement antérieur de la personne concernée, le contenu, la forme et les répercussions de ladite publication, le mode d'obtention des informations et leur véracité ainsi que la gravité de la sanction imposée (CEDH, arrêt du 10 novembre 2015, Couderc et Hachette Filipacchi associés c. France [GC], n° 40454/07, § 93, CEDH, Société éditrice de Mediapart et autres c. France, 14 janvier 2021, § 76).<br> <br> 18. La cour d'appel a retenu, d'abord, qu'il existait un débat public d'intérêt général sur la question du bien-être animal et que l'association disposait d'un droit d'informer le public sur le sujet des maltraitances animales et de choisir les moyens d'expression qui lui paraissaient les plus adaptés. Elle a relevé, ensuite, que le tournage des vidéos, sans autorisation, en violation du droit de propriété de la société, avait engendré un risque pour la santé des animaux et des consommateurs découlant de la méconnaissance des normes sanitaires très strictes en matière d'accès aux locaux et des mesures de biosécurité. Elle a considéré, enfin, que la divulgation des images présentées de manière particulièrement accrocheuse, destinée à susciter l'indignation de l'opinion publique, comportait un risque important de mise en péril de la jouissance paisible du propriétaire.<br> <br> 19. Ayant ainsi procédé à la mise en balance des droits en présence, elle en a justement déduit que les moyens choisis par l'association aux fins de parvenir à son objectif de sensibilisation à la cause animale avaient causé une atteinte disproportionnée aux droits de la société. <br> <br> 20. Le moyen n'est donc pas fondé.<br> <br> PAR CES MOTIFS, la Cour :<br> <br> REJETTE le pourvoi ;<br> <br> Condamne l'association Vegan impact aux dépens ;<br> <br> En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'association Vegan impact et la condamne à payer à la société Le Poulailler d'[Localité 2] la somme de 1 500 euros ;<br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille vingt-quatre.
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 10 juillet 2024, 22-23.170, Publié au bulletin
CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES
2024-07-10
ECLI:FR:CCASS:2024:C100361
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000049989154
ARRET
JURITEXT000049989166
CHAMBRE_CIVILE_1
null
JURI
Cour de cassation
null
Rejet
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br>CIV. 1<br> <br> VL12<br> <br> <br> <br> COUR DE CASSATION<br> ______________________<br> <br> <br> Audience publique du 10 juillet 2024<br> <br> <br> <br> <br> Rejet<br> <br> <br> Mme Champalaune, Président<br> <br> <br> <br> Arrêt n° 527 F-B<br> <br> Pourvoi n° Y 23-19.042 <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E <br> <br> _________________________<br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 10 JUILLET 2024<br> <br> Mme [D] [O], domiciliée [Adresse 1] INDE, a formé le pourvoi n° Y 23-19.042 contre l'arrêt rendu le 10 juillet 2023 par la cour d'appel de Rennes (6e chambre B), dans le litige l'opposant à M. [B] [S], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.<br> <br> La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.<br> <br> Le dossier a été communiqué au procureur général.<br> <br> Sur le rapport de Mme Beauvois, conseiller, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de Mme [O], de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de M. [S], après débats en l'audience publique du 2 juillet 2024 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Beauvois, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen et Mme Layemar, greffier de chambre,<br> <br> la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.<br> Faits et procédure <br> <br> 1. Selon l'arrêt attaqué ( Rennes, 10 juillet 2023), de l'union de Mme [O] et de M. [S], sont nés en Inde deux enfants, [T], le 5 mars 2007, et [W], le 2 juillet 2009. Mme [O] et M. [S] ont vécu avec leurs enfants dans ce pays jusqu'en juillet 2022.<br> <br> 2. Un jugement français du 15 juin 2016 a prononcé leur divorce et homologué la convention prévoyant l'exercice conjoint de l'autorité parentale, avec fixation de la résidence des enfants, en alternance au domicile de chacun des parents. <br> <br> 3. En juillet 2022, M. [S] est parti avec les enfants en France, où il est demeuré avec eux à la fin des congés d'été.<br> <br> 4. Le 23 novembre 2022, Mme [O] a saisi un juge aux affaires familiales, afin que soit constaté le déplacement illicite des enfants et ordonné, sous astreinte, leur retour immédiat en Inde.<br> <br> Examen du moyen<br> <br> Sur le moyen, pris en sa première branche en ce qu'elle invoque la violation de l'article 9 de la Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE) et en ses troisième et quatrième branches<br> <br> 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur la première branche, en ce qu'elle invoque la violation de l'article 9 de la CIDE, et sur la troisième branche du moyen, qui sont irrecevables, et sur la quatrième branche du moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.<br> <br> Sur le moyen, pris en sa première branche, en ce qu'elle invoque la violation des articles 4 et 11 de la CIDE et en sa deuxième branche<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 6. Mme [O] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de retour des enfants en Inde, alors :<br> <br> « 1°/ que les Etats parties à la Convention de New York du 26 janvier 1990 veillent à ce que l'enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré, à moins que les autorités compétentes ne décident, sous réserve de révision judiciaire et conformément aux lois et procédures applicables, que cette séparation est nécessaire dans l'intérêt supérieur de l'enfant ; qu'ils prennent des mesures pour lutter contre les déplacements et les non-retours illicites d'enfants à l'étranger ; que, pour débouter Mme [O] de sa demande de retour des enfants en Inde, la cour d'appel retient que les articles 4 et 11 de la Convention de New York du 26 janvier 1990 n'ont pas d'effet direct en France de sorte qu'elles ne peuvent être utilement invoquées pour fondement de la demande de retour ; qu'en se déterminant ainsi, quand le droit d'un enfant de ne pas être séparé de l'un de ses parents et d'être réuni avec le parent dont il est séparé en cas de déplacement illicite à l'étranger imposaient aux juges d'examiner si le retour de l'enfant ne devait pas être ordonné, la cour d'appel a violé les articles 4, 9 et 11 de la Convention de New York du 26 janvier 1990 ;<br> <br> 2°/ que les dispositions de la Convention de La Haye du 19 octobre 1996 sont applicables en France, peu important que la situation soumise au juge présente des liens avec un Etat non partie à la Convention ; que la cour d'appel relève que Mme [O] et M. [S] ont vécu en Inde avec les enfants jusqu'en juillet 2022, date à laquelle M. [S] est venu s'installer en France sans l'accord de Mme [O] ; que, pour débouter Mme [O] de sa demande de retour des enfants en Inde, la cour d'appel retient que la Convention de La Haye du 19 octobre 1996 n'est pas applicable à la situation invoquée par Mme [O] ; qu'en effet, les dispositions des chapitres autres que le chapitre 3 dont celles sur la compétence et sur les dispositions générales ne sont applicables qu'entre Etats contractants et que l'article 50 de la Convention renvoie bien aux Etats parties dont il est constant que l'Inde n'est pas signataire ; qu'en se déterminant ainsi, quand indépendamment des liens existants entre la situation litigieuse et l'Inde, Etat non partie à la Convention, les dispositions de la Convention étaient applicables en France, la cour d'appel a violé les articles 5, 7 et 50 de la Convention de La Haye du 19 octobre 1996. »<br> <br> Réponse de la Cour <br> <br> 7. En premier lieu, aux termes de l'article 4 de la CIDE, les Etats parties s'engagent à prendre toutes les mesures législatives, administratives et autres qui sont nécessaires pour mettre en oeuvre les droits reconnus dans la présente Convention. Dans le cas des droits économiques, sociaux et culturels, ils prennent ces mesures dans toutes les limites des ressources dont ils disposent et, s'il y a lieu, dans le cadre de la coopération internationale. <br> <br> 8. L'article 11 de cette Convention dispose :<br> <br> « 1. Les Etats parties prennent des mesures pour lutter contre les déplacements et les non-retours illicites d'enfants à l'étranger. <br> <br> 2. A cette fin, les Etats parties favorisent la conclusion d'accords bilatéraux ou multilatéraux ou l'adhésion aux accords existants. »<br> <br> 9. Ces dispositions ne peuvent être invoquées devant les tribunaux, dès lors que, ne créant des obligations qu'à la charge des Etats parties, elles ne sont pas directement applicables en droit interne.<br> <br> 10.La cour d'appel en a exactement déduit qu'elles ne pouvaient fonder la demande de retour.<br> <br> 11. En second lieu, la cour d'appel a également à bon droit retenu que les dispositions de l'article 7, réservé par l'article 5, de la Convention de La Haye du 19 octobre 1996 concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l'exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants, réglant les conflits de juridictions en cas de déplacement ou de non-retour illicite de l'enfant, qui se réfèrent à l'Etat contractant de la résidence habituelle de l'enfant immédiatement avant son déplacement ou son non-retour, et celles de l'article 50 de la même Convention, relatives aux rapports entre les Etats qui sont parties à la fois à cette Convention et à la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants, n'étaient applicables qu'entre Etats contractants.<br> <br> 12. Ayant en outre constaté que les questions liées à la responsabilité parentale étaient pendantes devant un juge aux affaires familiales, la cour d'appel en a exactement déduit que ces dispositions ne pouvaient être invoquées à l'appui de la demande de Mme [O] tendant au retour des enfants en Inde, Etat non signataire de ces conventions, de sorte que cette demande devait être rejetée.<br> <br> 13. Le moyen n'est donc pas fondé.<br> <br> PAR CES MOTIFS, la Cour :<br> <br> REJETTE le pourvoi ;<br> <br> Condamne Mme [O] aux dépens ;<br> <br> En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes.<br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille vingt-quatre.
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 10 juillet 2024, 23-19.042, Publié au bulletin
CONVENTIONS INTERNATIONALES
2024-07-10
ECLI:FR:CCASS:2024:C100527
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000049989166
ARRET
JURITEXT000049989156
CHAMBRE_CIVILE_1
null
JURI
Cour de cassation
Il résulte des articles L. 311-32 et L. 311-33, devenus L. 312-55 et L. 312-56 du code de la consommation, que l'annulation ou la résolution d'un contrat de crédit affecté, consécutive à celle du contrat principal, emporte, en principe, restitution par l'emprunteur au prêteur du capital que celui-ci a versé au vendeur à la demande de l'emprunteur. Lorsque la restitution du prix à laquelle le vendeur est condamné, par suite de l'annulation du contrat principal de vente ou de prestation de service, est devenue impossible du fait de l'insolvabilité du vendeur ou du prestataire, l'emprunteur, privé de la contrepartie de la restitution du bien vendu, justifie d'une perte subie équivalente au montant du crédit souscrit pour le financement du prix du contrat de vente ou de prestation de service annulé en lien de causalité avec la faute de la banque qui, avant de verser au vendeur le capital emprunté, n'a pas vérifié la régularité formelle du contrat principal. Dès lors, c'est à bon droit qu'une cour d'appel, après avoir annulé une vente conclue hors établissement en raison des irrégularités qui affectaient le bon de commande, puis caractérisé, d'une part, le manquement de la banque à son obligation de vérifier la régularité formelle du contrat principal avant de libérer le capital emprunté, d'autre part, le préjudice subi par l'emprunteuse, consistant à ne pas pouvoir obtenir, auprès d'un vendeur placé en liquidation judiciaire, la restitution du prix de vente d'un matériel dont elle n'était plus propriétaire, a condamné la banque à payer à celle-ci, à titre de dommages-intérêts, une somme correspondant au capital emprunté
Rejet
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br> CIV. 1<br> <br> MY1<br> <br> <br> <br> COUR DE CASSATION<br> ______________________<br> <br> <br> Audience publique du 10 juillet 2024<br> <br> <br> <br> <br> Rejet<br> <br> <br> Mme CHAMPALAUNE, président<br> <br> <br> <br> Arrêt n° 398 FS-B<br> <br> Pourvoi n° M 22-24.754 <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E <br> <br> _________________________<br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 10 JUILLET 2024<br> <br> La société Cofidis, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° M 22-24.754 contre l'arrêt rendu le 20 octobre 2022 par la cour d'appel de Lyon (6e chambre civile), dans le litige l'opposant :<br> <br> 1°/ à Mme [H] [P], veuve [B], domiciliée [Adresse 3],<br> <br> 2°/ à la société Alliance MJ, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], prise en qualité de mandataire ad hoc de la société Habitat et solutions durables, prise en son établissement sis [Adresse 2],<br> <br> défenderesses à la cassation.<br> <br> La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.<br> <br> Le dossier a été communiqué au procureur général.<br> <br> Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Cofidis, et l'avis de Mme Cazaux-Charles, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 mai 2024 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, MM. Bruyère, Ancel, Mmes Peyregne-Wable, Tréard, Corneloup, conseillers, Mme Kloda, conseiller référendaire, Mme Cazaux-Charles, avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre,<br> <br> la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; <br> <br> Désistement partiel<br> <br> 1. Il est donné acte à la société Cofidis du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Alliance MJ, en qualité de mandataire ad hoc de la société Habitat et solutions durables.<br> <br> Faits et procédure<br> <br> 2. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 20 octobre 2022), le 25 juin 2014, par contrat conclu hors établissement, Mme [B] (l'emprunteuse) a commandé auprès de Ia société Habitat et Solutions Durables (le vendeur) la fourniture et la pose de panneaux solaires ainsi que d'un ballon thermodynamique dont le prix a été financé par un crédit souscrit le 16 juillet suivant auprès de la société Cofidis (la banque).<br> <br> 3. Invoquant l'irrégularité du bon de commande, l'emprunteuse a assigné le vendeur et la banque en annulation du contrat de vente et du contrat de crédit affecté et en restitution par la banque des sommes versées en remboursement du contrat de crédit.<br> <br> 4. Par jugement du 17 décembre 2015, le vendeur a été placé en liquidation judiciaire.<br> <br> Examen du moyen<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 5. La banque fait grief à l'arrêt de la condamner à restituer à l'emprunteuse l'intégralité du capital prêté, alors :<br> <br> « 1°/ que l'annulation ou la résolution du contrat de vente ou de prestation de service emporte celle du contrat de crédit accessoire et que l'emprunteur est alors tenu de restituer le capital emprunté, sauf si l'emprunteur établit l'existence d'une faute du prêteur et d'un préjudice consécutif à cette faute ; qu'ayant constaté que le 11 août 2014, Mme [B] a signé une attestation de livraison et d'installation du matériel commandé et a demandé au prêteur de procéder au déblocage des fonds prêtés directement entre les mains de la société Habitat et Solutions Durables" et qu'elle ne conteste pas le bon fonctionnement du matériel", ce dont il résultait qu'elle n'avait subi aucun préjudice en relation de cause à effet avec la faute de la société Cofidis consistant à avoir financé un bon de commande irrégulier, de sorte qu'en privant néanmoins celle-ci de son droit à restitution du capital, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige ;<br> <br> 2°/ que l'annulation ou la résolution du contrat de vente ou de prestation de service emporte celle du contrat de crédit accessoire et que l'emprunteur est alors tenu de restituer le capital emprunté, sauf si l'emprunteur établit l'existence d'une faute du prêteur et d'un préjudice consécutif à cette faute ; qu'en se déterminant sur la considération selon laquelle Madame [B] n'a pas pu financer le matériel vendu par la revente d'électricité contrairement à ce qui lui avait été promis par le vendeur", ce qui n'est en rien imputable à l'établissement de crédit, ainsi que la cour d'appel le relève au demeurant, et après avoir constaté que le 11 août 2014, Mme [B] a signé une attestation de livraison et d'installation du matériel commandé et a demandé au prêteur de procéder au déblocage des fonds prêtés directement entre les mains de la société Habitat et Solutions Durables" et qu'elle ne conteste pas le bon fonctionnement du matériel", la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige ;<br> <br> 3°/ que l'annulation ou la résolution du contrat de vente ou de prestation de service emporte celle du contrat de crédit accessoire et que l'emprunteur est alors tenu de restituer le capital emprunté, sauf si l'emprunteur établit l'existence d'une faute du prêteur et d'un préjudice consécutif à cette faute ; que l'impécuniosité du contractant principal à la suite de l'annulation du contrat principal n'est pas en lien de cause à effet avec la faute consistant dans l'omission par le prêteur de s'assurer de la conformité du contrat principal aux dispositions légales avant de libérer les fonds ; qu'en se fondant néanmoins sur cette circonstance pour priver la société Cofidis de son droit à restitution du capital emprunté, après avoir pourtant constaté que le 11 août 2014, Mme [B] a signé une attestation de livraison et d'installation du matériel commandé et a demandé au prêteur de procéder au déblocage des fonds prêtés directement entre les mains de la société Habitat et Solutions Durables" et qu'elle ne conteste pas le bon fonctionnement du matériel" la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> 6. Selon les articles L. 311-32 et L. 311-33, devenus L. 312-55 et L. 312-56 du code de la consommation, en cas de contestation sur l'exécution du contrat principal, le tribunal peut, jusqu'à la solution du litige, suspendre l'exécution du contrat de crédit. Celui-ci est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé. Si la résolution judiciaire ou l'annulation du contrat principal survient du fait du vendeur, celui-ci peut, à la demande du prêteur, être condamné à garantir l'emprunteur du remboursement du prêt, sans préjudice de dommages et intérêts vis-à-vis du prêteur et de l'emprunteur.<br> <br> 7. Il en résulte que l'annulation ou la résolution du contrat de crédit, consécutive à celle du contrat principal, emporte, en principe, restitution par l'emprunteur au prêteur du capital, que celui-ci a versé au vendeur à la demande de l'emprunteur (1re Civ., 2 mai 1989, pourvoi n° 87-18.059, Bulletin 1989 I N° 181 ; 1re Civ., 9 novembre 2004, pourvoi n° 02-20.999, Bull., 2004, I, n° 263).<br> <br> 8. Toutefois, la Cour de cassation juge de manière constante que le banquier commet une faute en consentant le crédit affecté sans avoir vérifié la régularité du contrat principal au regard des dispositions protectrices du consentement du consommateur (1re Civ., 10 décembre 2014, pourvois n° 13-26.585, 14-12.290 ; 1re Civ., 26 septembre 2018, pourvoi n° 17-14.951).<br> <br> 9. Quant aux conséquences qu'il convenait de tirer d'une telle faute, la jurisprudence a évolué.<br> <br> 10. La Cour de cassation a d'abord jugé que cette faute emportait, pour la banque, privation du droit d'obtenir la restitution du capital, ce qui constituait un mécanisme de réparation conduisant à ce que l'emprunteur se trouve déchargé de sa dette (1re Civ. 27 juin 2018, pourvoi n° 17-16.352 et 14 février 2018, pourvois n° 16-29.118 à 16-29.122).<br> <br> 11. Depuis un arrêt du 25 novembre 2020, elle juge qu'en vertu du droit commun de la responsabilité civile, le prêteur ne peut être privé de sa créance de restitution, en tout ou en partie, que si l'emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien causal avec cette faute (1re Civ., 25 novembre 2020, pourvoi n° 19-14.908, publié).<br> <br> 12. La Cour de cassation a ainsi approuvé les arrêts de cours d'appel qui avaient retenu une absence de préjudice dès lors que l'installation avait été raccordée au réseau d'électricité, qu'elle avait fonctionné après sa mise en service et qu'un contrat avait été conclu pour vendre l'électricité produite et, le cas échéant, pour bénéficier d'un crédit d'impôt, et ce, indépendamment de l'insolvabilité du vendeur (1re Civ., 25 novembre 2020, précité ; 1re Civ., 19 mai 2021, pourvoi n° 19-20.992 ; 1re Civ., 22 septembre 2021, pourvoi n° 19-24.817 ; 1re Civ., 20 octobre 2021, pourvoi n° 20-12.411 ; 1re Civ., 5 janvier 2022, pourvoi n° 20-11.970 ; 1re Civ., 20 avril 2022, pourvoi n° 20-22.457 ; 1re Civ.,17 mai 2023, pourvoi n° 22-16.429).<br> <br> 13. La doctrine s'est montrée favorable à cette évolution en relevant qu'une faute ne pouvait être sanctionnée qu'en cas de preuve d'un préjudice en résultant et qu'une telle approche permettait l'adoption de solutions équilibrées entre les intérêts en présence.<br> <br> 14. Sur la question de savoir si l'impossibilité pour l'emprunteur de récupérer le prix de l'installation auprès du vendeur constitue un préjudice en lien de causalité avec la faute de la banque de nature à la priver de sa créance de restitution, les juridictions du fond sont divisées. Certaines cours d'appel retiennent que le préjudice matériel subi par les emprunteurs en raison de la libération fautive, par la banque, du capital emprunté, est caractérisé par l'impossibilité d'obtenir la restitution du prix auprès du vendeur insolvable (Aix-en-Provence 25 octobre 2023 n° RG 22/02047 ; Bordeaux 20 mars 2023 n° RG 20/02889 ; Grenoble 7 mars 2023 n° RG 21/00 ; Lyon 5 janvier 2023 n° RG 21/05492 ; Paris 14 juin 2023 n° RG 20/03044 ; Amiens, 22 décembre 2022, n° RG 21/02654 ; Dijon, 15 septembre 2022, n° RG 20/00314). D'autres jugent à l'inverse que si l'installation conservée par les acquéreurs fonctionne et produit de l'électricité, aucun préjudice n'est subi, malgré l'insolvabilité du vendeur et l'impossibilité de récupérer auprès de celui-ci le prix de vente, la faute de la banque n'étant pas en lien causal avec la liquidation judiciaire (Toulouse, 28 mars 2022, n° RG 19/03996 ; Caen 23 novembre 2021 n° RG 19/02444 ; Nancy 7 octobre 2021 n° RG 20/02094 ; Colmar 1er septembre 2023 n° RG 21/02683 ; Metz 13 avril 2023 n° RG 21/01050 ; Reims 17 janvier 2023 n° RG 21/01940 ; Caen, 21 juin 2022, n° RG 20/01662).<br> <br> 15. La portée de l'arrêt précité du 25 novembre 2020 doit donc être précisée.<br> <br> 16. Si, en principe, à la suite de l'annulation de la vente, l'emprunteur obtient du vendeur la restitution du prix, de sorte que l'obligation de restituer le capital à la banque ne constitue pas, en soi, un préjudice réparable, il en va différemment lorsque le vendeur est en liquidation judiciaire.<br> <br> 17. En effet, dans une telle hypothèse, d'une part, compte tenu de l'annulation du contrat de vente, l'emprunteur n'est plus propriétaire de l'installation qu'il avait acquise, laquelle doit pouvoir être restituée au vendeur ou retirée pour éviter des frais d'entretien ou de réparation.<br> <br> 18. D'autre part, l'impossibilité pour l'emprunteur d'obtenir la restitution du prix est, selon le principe d'équivalence des conditions, une conséquence de la faute de la banque dans l'examen du contrat principal.<br> <br> 19. Par conséquent, il convient de retenir que lorsque la restitution du prix à laquelle le vendeur est condamné, par suite de l'annulation du contrat de vente ou de prestation de service, est devenue impossible du fait de l'insolvabilité du vendeur ou du prestataire, l'emprunteur, privé de la contrepartie de la restitution du bien vendu, justifie d'une perte subie équivalente au montant du crédit souscrit pour le financement du prix du contrat de vente ou de prestation de service annulé en lien de causalité avec la faute de la banque qui, avant de verser au vendeur le capital emprunté, n'a pas vérifié la régularité formelle du contrat principal.<br> <br> 20. Après avoir annulé la vente en raison des irrégularités qui affectaient le bon de commande, l'arrêt retient, d'une part, qu'en libérant le capital emprunté sans vérifier la régularité du contrat principal, la banque avait manqué à ses obligations, d'autre part, que l'emprunteuse avait subi un préjudice consistant à ne pas pouvoir obtenir, auprès d'un vendeur placé en liquidation judiciaire, la restitution du prix de vente d'un matériel dont elle n'était plus propriétaire.<br> <br> 21. En l'état de ces constations et appréciations, dès lors que ce préjudice, indépendamment de l'état de fonctionnement de l'installation, n'aurait pas été subi sans la faute de la banque, c'est à bon droit que la cour d'appel a condamné celle-ci à payer à l'emprunteuse, à titre de dommages et intérêts, une somme correspondant au capital emprunté.<br> <br> 22. Partiellement inopérant, le moyen n'est pas fondé pour le surplus.<br> <br> PAR CES MOTIFS, la Cour :<br> <br> REJETTE le pourvoi ;<br> <br> Condamne la société Cofidis aux dépens ;<br> <br> En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;<br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille vingt-quatre.
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 10 juillet 2024, 22-24.754, Publié au bulletin
PROTECTION DES CONSOMMATEURS
2024-07-10
ECLI:FR:CCASS:2024:C100398
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000049989156
ARRET
JURITEXT000049989162
CHAMBRE_CIVILE_1
null
JURI
Cour de cassation
null
Qpc incidente - Non-lieu à renvoi au cc
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br>CIV. 1<br> <br> COUR DE CASSATION<br> <br> <br> <br> CF<br> <br> <br> ______________________<br> <br> QUESTIONS PRIORITAIRES<br> de<br> CONSTITUTIONNALITÉ<br> ______________________<br> <br> <br> <br> <br> <br> Audience publique du 10 juillet 2024<br> <br> <br> <br> <br> NON-LIEU A RENVOI<br> <br> <br> Mme CHAMPALAUNE, président<br> <br> <br> <br> Arrêt n° 506 F-B<br> <br> Pourvoi n° M 24-10.157<br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E <br> <br> _________________________<br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 10 JUILLET 2024<br> <br> Par mémoire spécial présenté le 7 mai 2024, M. [F] [P], domicilié [Adresse 1], a formulé des questions prioritaires de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi n° M 24-10.157 qu'il a formé contre l'arrêt rendu le 17 octobre 2023 par la cour d'appel de Colmar (5e chambre civile), dans une instance l'opposant à Mme [L] [B], domiciliée [Adresse 2].<br> <br> Le dossier a été communiqué au procureur général.<br> <br> Sur le rapport de Mme Lion, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [P], et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 2 juillet 2024 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Lion, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, M. Sassoust, avocat général, et Mme Layemar, greffier de chambre,<br> <br> la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.<br> <br> Faits et procédure<br> <br> 1. M. [P] et Mme [B], qui vivaient en concubinage, ont acquis en indivision, le 25 juin 2002, un bien immobilier destiné au logement de la famille. Ils se sont séparés en août 2019. <br> <br> 2. L'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de l'indivision a été ordonnée judiciairement, le 6 mai 2021, un notaire étant désigné pour y procéder. <br> <br> 3. Par arrêt du 17 octobre 2023, la cour d'appel de Colmar a déclaré prescrites tant la créance d'apport de M. [P] que les créances de conservation du bien indivis nées antérieurement au 6 mai 2016 dont il voudrait se prévaloir à l'égard de l'indivision constituée avec Mme [B].<br> <br> Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité<br> <br> 4. A l'occasion du pourvoi qu'il a formé contre l'arrêt précité, M. [P] a, par mémoire distinct et motivé, demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel deux questions prioritaires de constitutionnalité ainsi rédigées :<br> <br> « 1°/ L'article 2236 du code civil, en ce qu'il ne prévoit la suspension de la prescription qu'entre époux et partenaires pacsés, et non entre concubins, méconnaît-il le principe d'égalité garanti par les articles 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et 1er de la Constitution ? »<br> <br> « 2°/ L'article 2236 du code civil, qui ne prévoit la suspension de la prescription qu'entre époux et partenaires pacsés, ce qui contraint le concubin à agir en justice contre l'autre pendant le cours du concubinage pour interrompre la prescription applicable à ses créances patrimoniales contre ce dernier, laquelle peut se trouver acquise lors de sa rupture, méconnaît-il le droit de mener une vie familiale normale résultant des dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 ? » <br> <br> Examen des questions prioritaires de constitutionnalité<br> <br> 5. La disposition contestée, en ce qu'elle ne vise pas les concubins, est applicable au litige, au sens et pour l'application de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958. <br> <br> 6. Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel. <br> <br> 7. Cependant, d'une part, les questions posées, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, ne sont pas nouvelles.<br> <br> 8. D'autre part, les questions posées ne présentent pas un caractère sérieux. <br> <br> 9. D'abord, la disposition en cause, en ce qu'elle prévoit que la prescription ne court pas ou est suspendue entre époux, ainsi qu'entre partenaires liés par un pacte civil de solidarité (PACS), sans étendre ce régime de prescription aux concubins, ne méconnaît pas le principe d'égalité devant la loi, dès lors que la différence de traitement qui en résulte, fondée sur une différence de situation, est en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. <br> <br> 10. En effet, afin de préserver la paix des ménages en évitant qu'un époux puisse être contraint, pour interrompre la prescription, d'intenter une action contre son conjoint pendant la durée du mariage, le législateur a pu prévoir que la prescription ne courrait pas ou serait suspendue pendant la durée de l'union, et étendre ensuite cette disposition aux partenaires liés par un PACS, auxquels il a accordé des droits et des obligations particuliers en créant une autre forme d'union légale dotée d'un statut et produisant un ensemble d'effets de droit, sans toutefois inclure les concubins, dont la situation se distingue en ce qu'il s'agit d'une union de fait qui se forme et se défait par la seule volonté, en dehors de tout cadre juridique, et qui emporte des droits et obligations moins nombreux.<br> <br> 11. Ensuite, l'application de la disposition contestée, elle-même, ne peut entraîner une atteinte au droit des concubins à mener une vie familiale normale, en ce qu'elle n'impose nullement à celui qui détient une créance contre l'autre d'agir en justice pendant la durée de leur relation afin d'éviter la prescription. <br> <br> 12. En outre, à supposer que la seconde question invoque l'atteinte à la vie familiale normale en ce qu'elle résulterait de la méconnaissance, par le législateur, de sa propre compétence, un tel grief d'incompétence négative, qui ne peut porter que sur l'insuffisance du dispositif instauré par la disposition contestée, serait inopérant à critiquer l'abstention du législateur qui n'a pas élaboré de régime de prescription réservé aux concubins. <br> <br> 13. En conséquence, il n'y a pas lieu de renvoyer les questions au Conseil constitutionnel.<br> <br> PAR CES MOTIFS, la Cour :<br> <br> DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité.<br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille vingt-quatre.
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 10 juillet 2024, 24-10.157, Publié au bulletin
QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE
2024-07-10
ECLI:FR:CCASS:2024:C100506
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000049989162
ARRET
JURITEXT000049989295
CHAMBRE_CIVILE_2
null
JURI
Cour de cassation
null
Cassation partielle
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br>CIV. 2<br> <br> LM<br> <br> <br> <br> COUR DE CASSATION<br> ______________________<br> <br> <br> Audience publique du 11 juillet 2024<br> <br> <br> <br> <br> Cassation partielle<br> <br> <br> Mme MARTINEL, président<br> <br> <br> <br> Arrêt n° 674 F-B<br> <br> Pourvoi n° D 22-21.366 <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E <br> <br> _________________________<br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 11 JUILLET 2024<br> <br> M. [Y] [S], domicilié [Adresse 3], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'héritier d'[W] [C], épouse [S], décédée le 1er mars 2023, a formé le pourvoi n° D 22-21.366 contre l'arrêt rendu le 11 juillet 2022 par la cour d'appel de Toulouse (1re chambre, section 1), dans le litige les opposant :<br> <br> 1°/ à la société Mutuelle assurance des travailleurs mutualistes (Matmut), société d'assurance mutuelle à cotisations variables, dont le siège est [Adresse 4],<br> <br> 2°/ à la société Novilis immobilier, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de l'Agence de [Localité 5],<br> <br> 3°/ à la société Groupama d'Oc, dont le siège est [Adresse 1],<br> <br> 4°/ à M. [Z] [M], domicilié [Adresse 6],<br> <br> 5°/ à Mme [J] [X], épouse [M], domiciliée [Adresse 6],<br> <br> défendeurs à la cassation.<br> <br> Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation.<br> <br> Le dossier a été communiqué au procureur général.<br> <br> Sur le rapport de Mme Chauve, conseiller, les observations de la SARL Ortscheidt, avocat de M. [S], en son nom personnel et en qualité d'héritier d'[W] [C], épouse [S], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Mutuelle assurance des travailleurs mutualistes (Matmut), et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 juin 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Chauve, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,<br> <br> la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.<br> <br> Reprise d'instance<br> <br> 1. Il est donné acte à M. [S] de sa reprise d'instance en lieu et place d'[W] [C], épouse [S], décédée le 1er mars 2023.<br> <br> Désistement partiel<br> <br> 2. Il est donné acte à M. [S] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Novilis immobilier, venant aux droits de l'Agence de [Localité 5], et de la société Groupama d'Oc.<br> <br> Faits et procédure<br> <br> 3. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 11 juillet 2022), M. et Mme [S] ont acquis de M. et Mme [M], par acte authentique du 20 juin 2004, une maison d'habitation située à [Localité 7].<br> <br> 4. Ils ont découvert, début juillet 2004 de nombreuses micro-fissures pour lesquelles leurs réclamations auprès de leurs vendeurs sont demeurées vaines.<br> <br> 5. Le 27 avril 2015, ils ont assigné en référé afin d'instauration d'une mesure d'expertise, M. et Mme [M], qui ont eux-mêmes appelé en garantie le 19 novembre 2015, leur assureur multi-risques-habitation, la société Matmut (l'assureur).<br> <br> 6. L'expert a déposé son rapport le 13 juillet 2016. Il a conclu que les désordres affectant la maison ont pour origine exclusive l'épisode de sécheresse qu'a connu la commune du 1er avril 2011 au 30 juin 2011, épisode qui a été reconnu catastrophe naturelle par arrêté du 27 juillet 2012.<br> <br> 7. M. et Mme [S] ont alors assigné leurs vendeurs et l'assureur devant un tribunal de grande instance afin d'obtenir l'indemnisation de leurs préjudices.<br> <br> Examen du moyen<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 8. M. et Mme [S] font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme prescrite leur action à l'encontre de l'assureur, alors « que toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y a donné naissance ; que ce délai ne court, en cas de sinistre, que toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y a donné naissance ; que ce délai ne court, en cas de sinistre, que du jour où les intéressés en ont eu connaissance, s'ils prouvent qu'ils l'ont ignoré jusque-là ; que si en cas de catastrophe naturelle, la prescription ne peut pas commencer à courir avant la publication de l'arrêté constatant l'état de catastrophe naturelle, ce délai ne peut nécessairement pas courir non plus tant que l'assuré ou le bénéficiaire de la garantie n'a pas eu connaissance que son dommage était dû aux mouvements de terrains consécutifs à une sécheresse constitutive <br> d'une catastrophe naturelle ; qu'il résulte des propres énonciations de la cour d'appel que ni M. et Mme [M], vendeurs, ni M. et Mme [S] n'avaient eu connaissance des fissures litigieuses avant la vente du 20 juin 2014 et que celles-ci n'étaient pas visibles en raison de la végétation recouvrant les murs ; qu'en déclarant l'action de M. et Mme [S] prescrite, motif pris que s'agissant d'un sinistre dû à une catastrophe naturelle, le point de départ de la prescription est la date de publication de l'arrêté reconnaissant à la commune de [Localité 7] l'état de catastrophe naturelle pour la sécheresse et la déshydratation des sols du 1er avril au 30 juin 2011, soit le 2 août 2012, quand le délai de prescription ne pouvait pas courir avant que les parties, spécialement les époux [S], aient eu connaissance du dommage ayant pour origine la catastrophe naturelle de 2011, reconnue en 2012, la cour d'appel a violé l'article L. 114-1 du code des assurances dans sa rédaction issue de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> Vu l'article 2224 du code civil et l'article L. 114-1 du code des assurances :<br> <br> 9. Il résulte de la combinaison de ces textes que le point de départ de la prescription de l'action en indemnisation des conséquences dommageables d'un sinistre de catastrophe naturelle se situe à la date de publication de l'arrêté, mais peut être reporté au-delà si l'assuré n'a eu connaissance des dommages causés à son bien par ce sinistre qu'après cette publication.<br> <br> 10. Pour déclarer irrecevable comme prescrite la demande présentée à l'encontre de l'assureur, l'arrêt retient que le point de départ de la prescription est la date de l'arrêté reconnaissant à la commune de [Localité 7] l'état de catastrophe naturelle pour la sécheresse et la déshydratation des sols du 1er avril au 30 juin 2011, soit le 2 août 2012 et que les assignations en référé et au fond ont été délivrées plus de deux ans après cette date.<br> <br> 11. En statuant ainsi, alors que le délai de prescription n'avait pu commencer à courir avant que M. et Mme [S] aient eu connaissance des dommages affectant leur bien, la cour d'appel a violé les textes susvisés.<br> <br> PAR CES MOTIFS, la Cour :<br> <br> CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable comme prescrite l'action de M. et Mme [S] à l'encontre de la société Matmut, condamne M. et Mme [S] aux dépens de première instance, en ce compris les dépens de la procédure de référé et les frais d'expertise judiciaire, et aux dépens d'appel, avec autorisation de recouvrement direct au profit de la Selas Atcm, de maître James-Foucher et de la Selarl Arcanthe et déboute toutes les parties de leur demande au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel, l'arrêt rendu le 11 juillet 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;<br> <br> Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse autrement composée ;<br> <br> Condamne la société Matmut aux dépens ;<br> <br> En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Matmut et la condamne à payer à M. [S] la somme de 3 000 euros ;<br> <br> Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;<br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze juillet deux mille vingt-quatre.
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 11 juillet 2024, 22-21.366, Publié au bulletin
ASSURANCE (règles générales)
2024-07-11
ECLI:FR:CCASS:2024:C200674
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000049989295
ARRET
JURITEXT000049989297
CHAMBRE_CIVILE_2
Article 2226 du code civil;
JURI
Cour de cassation
S'il résulte de l'article 2226 du code civil que l'action en indemnisation de l'aggravation du préjudice est autonome au regard de l'action en indemnisation du préjudice initial, en ce qu'un nouveau délai de prescription recommence à courir à compter de la consolidation de l'aggravation, une demande en réparation de l'aggravation d'un préjudice ne peut être accueillie que si la responsabilité de l'auteur prétendu du dommage a été reconnue et le préjudice initial déterminé.
Rejet
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br>CIV. 2<br> <br> LM<br> <br> <br> <br> COUR DE CASSATION<br> ______________________<br> <br> <br> Audience publique du 11 juillet 2024<br> <br> <br> <br> <br> Rejet<br> <br> <br> Mme MARTINEL, président<br> <br> <br> <br> Arrêt n° 683 F-B<br> <br> Pourvoi n° T 23-10.688 <br> <br> Aide juridictionnelle totale en demande<br> au profit de M. [M].<br> Admission du bureau d'aide juridictionnelle<br> près la Cour de cassation<br> en date du 15 novembre 2022.<br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E <br> <br> _________________________<br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 11 JUILLET 2024<br> <br> M. [W] [M], domicilié [Adresse 3], représenté par sa s?ur, tutrice légale, Mme [I] [D], a formé le pourvoi n° T 23-10.688 contre l'arrêt rendu le 7 avril 2022 par la cour d'appel de Nîmes (1re chambre), dans le litige l'opposant :<br> <br> 1°/ à la société GMF assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],<br> <br> 2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de Vaucluse, dont le siège est [Adresse 2],<br> <br> défenderesses à la cassation.<br> <br> Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.<br> <br> Le dossier a été communiqué au procureur général.<br> <br> Sur le rapport de Mme Philippart, conseiller référendaire, les observations de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de M. [M], représenté par sa tutrice Mme [D], de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société GMF assurances, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 juin 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Philippart, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,<br> <br> la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.<br> <br> Faits et procédure<br> <br> 1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 7 avril 2022), M. [M] a été victime de deux accidents de la circulation, survenus en 1967 et en 1994, ce dernier ayant impliqué un véhicule automobile assuré par la société GMF assurances (l'assureur).<br> <br> 2. Faisant valoir que l'accident de 1967 avait impliqué un véhicule assuré par le même assureur, et invoquant une aggravation de ses préjudices liés aux deux accidents, survenue à partir de l'année 2001, M. [M], représenté par Mme [D], sa tutrice légale, a assigné cet assureur, en 2015, aux fins d'expertise médicale et de provision.<br> <br> 3. À la suite du dépôt de deux rapports d'expertise médicale, il a sollicité, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse, la condamnation de l'assureur à lui payer diverses sommes en réparation de l'aggravation de ses préjudices causés par les deux accidents.<br> <br> Examen du moyen<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 4. M. [M] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de condamnation de l'assureur à lui payer la somme de 59 750 euros au titre de l'aggravation du préjudice neurologique consécutif à l'accident de 1967, alors :<br> <br> « 1°/ que, selon l'article 2226 du code civil, l'action en responsabilité née à raison d'un événement ayant entraîné un dommage corporel, engagée par la victime directe ou indirecte des préjudices qui en résultent, se prescrit par dix ans à compter de la date de la consolidation du dommage initial ou aggravé ; que l'action en aggravation d'un préjudice est autonome au regard de l'action en indemnisation du préjudice initial de sorte que l'absence de demande de réparation du dommage initial est sans effet sur la recevabilité de la demande de réparation de l'aggravation de celui-ci au regard des règles de prescription ; qu'en l'espèce, pour rejeter comme prescrite la demande de M. [M] tendant à la réparation de l'aggravation du préjudice consécutif à l'accident de 1967, la cour d'appel a toutefois retenu l'absence de demande en indemnisation du dommage initial causé par cet accident ; qu'elle a donc violé le texte susvisé ;<br> <br> 2°/ que la cour d'appel a expressément relevé que M. [M], étant piéton, avait été victime d'un accident de la circulation en 1967 ayant provoqué notamment un traumatisme crânien et laissé des séquelles neurologiques graves ; que la réalité de cet accident et de ses conséquences dommageables était d'ailleurs établie par le rapport de police et celui de l'hôpital produits par M. [M] ; que de ces constatations et énonciations faisant ressortir que l'accident de 1967 avait laissé à celui-ci des séquelles neurologiques graves, la cour d'appel aurait dû déduire l'existence du dommage initial tant dans sa cause que dans ses conséquences ; que, pour rejeter comme prescrite la demande de M. [M] tendant à la réparation de l'aggravation du préjudice consécutif à l'accident de 1967, la cour d'appel a néanmoins retenu l'absence de preuve du dommage initial causé par cet accident de 1967 ; qu'elle n'a donc pas déduit de ses propres constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient et violé le même texte. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> 5. S'il résulte de l'article 2226 du code civil que l'action en indemnisation de l'aggravation d'un préjudice corporel est autonome au regard de l'action en indemnisation du préjudice initial, en ce qu'un nouveau délai de prescription recommence à courir à compter de la consolidation de l'aggravation, une demande en réparation de l'aggravation d'un préjudice ne peut être accueillie que si la responsabilité de l'auteur prétendu du dommage a été reconnue et le préjudice initial déterminé.<br> <br> 6. L'arrêt retient que l'action de M. [M] en indemnisation de l'aggravation de ses préjudices supposait que soit établi un dommage initial, ce qui n'était pas le cas s'agissant de l'accident de 1967, M. [M] ne rapportant pas la preuve d'un dommage initial.<br> <br> 7. Il précise, par motifs adoptés, qu'il n'existe un rapport d'expertise constatant un dommage et fixant une date de consolidation qu'en ce qui concerne l'accident de 1994.<br> <br> 8. En l'état de ces constatations et énonciations, procédant de son pouvoir souverain d'appréciation, faisant ressortir l'inexistence d'un préjudice initial déterminé consécutif à l'accident de 1967, c'est sans encourir les griefs du moyen que la cour d'appel a statué comme elle l'a fait.<br> <br> 9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.<br> <br> PAR CES MOTIFS, la Cour :<br> <br> REJETTE le pourvoi ;<br> <br> Condamne M. [M], représenté par sa tutrice Mme [D], aux dépens ;<br> <br> En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [M], représenté par sa tutrice Mme [D] ;<br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze juillet deux mille vingt-quatre.,2e Civ., 21 mars 2024, pourvoi n° 22-18.089, Bull. (rejet).
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 11 juillet 2024, 23-10.688, Publié au bulletin
RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE - Dommage - Aggravation - Action en réparation - Prescription - Autonomie - Portée,RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE - Dommage - Aggravation - Aggravation postérieure - Demande en réparation - Recevabilité - Conditions - Détermination
2024-07-11
ECLI:FR:CCASS:2024:C200683
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000049989297
ARRET
JURITEXT000049418199
CHAMBRE_CIVILE_2
null
JURI
Cour de cassation
L'admission en soins psychiatriques sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète étant une mesure provisoire qui peut faire l'objet à tout moment, indépendamment de son réexamen obligatoire tous les six mois, d'une demande de mainlevée, le défaut d'impartialité du juge des libertés et de la détention ne saurait se déduire du seul fait que celui-ci a précédemment statué, en application de l'article L. 3211-12-1 du code de la santé publique, sur la poursuite de la mesure.
Rejet
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br> CIV. 2<br> <br> LM<br> <br> <br> <br> COUR DE CASSATION<br> ______________________<br> <br> <br> Audience publique du 28 mars 2024<br> <br> <br> <br> <br> Rejet<br> <br> <br> Mme MARTINEL, président<br> <br> <br> <br> Arrêt n° 292 F-B<br> <br> Pourvoi n° V 22-20.599 <br> <br> <br> Aide juridictionnelle totale en demande<br> au profit de Mme [D].<br> Admission du bureau d'aide juridictionnelle<br> près la Cour de cassation<br> en date du 5 juillet 2022.<br> <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E <br> <br> _________________________<br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 MARS 2024<br> <br> <br> Mme [Y] [D], domiciliée chez M. [Z] [L], [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 22-20.599 contre l'ordonnance rendue le 23 juin 2022 par le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, dans le litige l'opposant au procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence, domicilié en son parquet général, 20 place de Verdun, 13616 Aix-en-Provence cedex 1, défendeur à la cassation.<br> <br> La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.<br> <br> Le dossier a été communiqué au procureur général.<br> <br> Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Poupet &amp; Kacenelenbogen, avocat de Mme [D], et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 février 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,<br> <br> la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; <br> <br> Faits et procédure<br> <br> 1. Selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel (Aix-en-Provence, 23 juin 2022), Mme [D] a été admise, le 26 mai 2022, en soins psychiatriques sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète.<br> <br> 2. Par ordonnance du 3 juin 2022, confirmée par un arrêt du 17 juin 2022, la poursuite de la mesure a été autorisée par Mme Gaillet, juge des libertés et de la détention.<br> <br> 3. Ayant formé une demande de mainlevée de la mesure fixée à une audience tenue par Mme Gaillet, Mme [D] a sollicité sa récusation et le renvoi pour cause de suspicion légitime au motif que celle-ci avait déjà connu de l'affaire.<br> <br> Examen des moyens<br> <br> Sur le premier moyen<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 4. Mme [D] fait grief à l'ordonnance de rejeter ses demandes aux fins de renvoi pour cause de suspicion légitime devant une juridiction de même nature et de récusation de Mme Gaillet, juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Grasse, et en conséquence de la condamner au paiement d'une amende civile de 500 euros, alors :<br> <br> « 1°/ que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal indépendant et impartial ; qu'un même juge ne peut successivement connaître du maintien d'une mesure de soins sans consentement puis de la demande de mainlevée de cette même mesure ; que pour débouter Mme [D] de sa demande de récusation de la magistrate appelée à statuer sur la mainlevée des soins psychiatriques sans consentement dont elle fait l'objet, le Premier Président se borne à affirmer que la requérante ne justifie d'aucun motif sérieux permettant de remettre en cause l'impartialité de ce juge ; qu'en statuant ainsi, le Premier Président n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait que le même juge des libertés et de la détention, après avoir rendu une ordonnance de maintien en hospitalisation complète de Mme [D] le 3 juin 2022, était appelé à statuer ensuite sur la demande de mainlevée de cette même mesure, violant ainsi le principe d'impartialité tel qu'il résulte des articles 341 du code de procédure civile et 6, § 1er de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;<br> <br> 2°/ que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal indépendant et impartial ; qu'il ressort des constatations de l'arrêt que Mme [D] avait sollicité le renvoi pour cause de suspicion légitime et la récusation de Mme Gaillet en application de l'article 341 du code de procédure civile, au motif que celle-ci avait déjà connu de son affaire le 3 juin 2022 ; qu'en rejetant pourtant la demande de Mme [D], au motif qu'elle ne justifiait d'aucun motif sérieux permettant de remettre en cause l'impartialité de Mme Gaillet, sans rechercher s'il existait effectivement un motif sérieux rendant absolument nécessaire sa participation à la formation de jugement de la demande de mainlevée des soins psychiatriques sans consentement présentée par Mme [D] et dont l'audience était fixée au 22 juin, quand cette même magistrat avait ordonné le maintien de ces mesures de soins le 3 juin 2022, de sorte qu'elle avait à l'évidence eu l'occasion de porter un jugement sur le comportement de Mme [D], le Premier Président a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles 6, § 1er de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 341 du code de procédure civile et L. 111-6 du code de l'organisation judiciaire. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> 5. Selon l'article L. 111-6 du code de l'organisation judiciaire, la récusation d'un juge peut être demandée, notamment, s'il a précédemment connu de l'affaire comme juge ou comme arbitre ou s'il a conseillé l'une des parties.<br> <br> 6. L'admission en soins psychiatriques sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète étant une mesure provisoire qui peut faire l'objet à tout moment, indépendamment de son réexamen obligatoire tous les six mois, d'une demande de mainlevée, le défaut d'impartialité du juge des libertés et de la détention ne saurait se déduire du seul fait que celui-ci a précédemment statué, en application de l'article L. 3211-12-1 du code de la santé publique, sur la poursuite de la mesure.<br> <br> 7. Il en résulte que c'est sans méconnaître les dispositions de l'article L. 111-6 du code de l'organisation judiciaire et de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et sans encourir les griefs du pourvoi, que le premier président de la cour d'appel a rejeté les demandes de renvoi pour cause de suspicion légitime et de récusation.<br> <br> 8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.<br> <br> Sur le second moyen<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 9. Mme [D] fait grief à l'ordonnance de la condamner au paiement d'une amende civile de 500 euros, alors « que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi ; que pour condamner Mme [D] à une amende civile de 500 euros, le Premier Président se borne à énoncer qu'elle aurait présenté sa requête avec légèreté, malgré les conseils de son avocat qui lui a expliqué à l'audience que les critères de la suspicion légitime n'étaient pas remplis ; qu'en statuant par ces motifs inopérants, le Premier Président a porté une atteinte disproportionnée au droit du justiciable à soumettre sa cause à une juridiction, en violation des articles 6, § 1er et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 341 du code de procédure civile et L. 111-6 du code de l'organisation judiciaire. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> 10. L'amende civile à laquelle peut être condamné celui dont la requête en récusation est rejetée ou déclarée irrecevable constitue une mesure de procédure civile qui peut être prononcée d'office par le juge, usant du pouvoir qu'il tient de l'article 353, devenu 348, du code de procédure civile.<br> <br> 11. En outre, l'amende civile, qui n'emporte pas détermination d'un droit ou d'une obligation de caractère civil, ne saurait soulever une question d'accès à la justice civile au sens l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que la procédure de récusation à l'issue de laquelle elle a été infligée, qui ne porte pas elle-même sur le bien-fondé d'une accusation en matière pénale et ne concerne pas une contestation sur un droit ou une obligation de caractère civil, n'entre pas dans le champ d'application de ce texte.<br> <br> 12. Le moyen est, dès lors, inopérant.<br> <br> PAR CES MOTIFS, la Cour :<br> <br> REJETTE le pourvoi ;<br> <br> Condamne Mme [D] aux dépens ;<br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mars deux mille vingt-quatre.,Article L. 3211-12-1 du code de la santé publique.
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 28 mars 2024, 22-20.599, Publié au bulletin
SANTE PUBLIQUE - Lutte contre les maladies mentales - Modalités d'hospitalisation - Hospitalisation d'office - Droits des personnes hospitalisées - Impartialité du juge - Absence de conséquences - Décision ordonnant la poursuite de la mesure de soins par le même juge - Mesure provisoire
2024-03-28
ECLI:FR:CCASS:2024:C200292
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000049418199
ARRET
JURITEXT000049321549
CHAMBRE_CIVILE_1
Articles R. 3211-22, alinéa 1, et R. 3211-19, alinéa 1, du code de la santé publique.
JURI
Cour de cassation
Le délai de douze jours prévu à l'article R.3211-22 du code de la santé publique pour statuer sur l'appel formé contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention commence à courir à compter de la réception de la déclaration d'appel
Cassation partielle sans renvoi
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br> CIV. 1<br> <br> MY1<br> <br> <br> <br> COUR DE CASSATION<br> ______________________<br> <br> <br> Audience publique du 20 mars 2024<br> <br> <br> <br> <br> Cassation partielle sans renvoi<br> <br> <br> Mme CHAMPALAUNE, président<br> <br> <br> <br> Arrêt n° 136 FS-B<br> <br> Pourvoi n° H 22-21.898<br> <br> Aide juridictionnelle totale en demande<br> au profit de Mme [Y].<br> Admission du bureau d'aide juridictionnelle<br> près la Cour de cassation<br> en date du 5 août 2022.<br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E <br> <br> _________________________<br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 20 MARS 2024<br> <br> Mme [F] [Y], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° H 22-21.898 contre l'ordonnance rendue le 9 juin 2022 par le premier président de la cour d'appel de Caen, dans le litige l'opposant :<br> <br> 1°/au directeur du centre hospitalier [2], domicilié [Adresse 1],<br> <br> 2°/ à l'Association tutélaire majeurs protégés (ATMP) Manche, dont le siège est [Adresse 4], prise en qualité de curatrice de Mme [F] [Y],<br> <br> défenderesses à la cassation.<br> <br> La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.<br> <br> Le dossier a été communiqué au procureur général.<br> <br> Sur le rapport de Mme Bacache-Gibeili, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [Y], de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat du directeur du centre hospitalier [2], et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 janvier 2024 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Bacache-Gibeili, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, MM. Jessel, Mornet, Chevalier, Mme Kerner-Menay, conseillers, Mmes de Cabarrus, Feydeau-Thieffry, Kass-Danno, conseillers référendaires, M. Chaumont, avocat général, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,<br> <br> la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; <br> <br> Faits et procédure<br> <br> 1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Caen, 9 juin 2022), le 17 mai 2022, Mme [Y] a été admise en soins psychiatriques sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète, au centre hospitalier [2], par décision du directeur d'établissement, en application de l'article L. 3212-1, II, 2° du code de la santé publique, pour péril imminent.<br> <br> 2. Le 23 mai 2022, le directeur d'établissement a saisi le juge des libertés et de la détention, sur le fondement de l'article L. 3211-12-1 du même code, aux fins de poursuite de la mesure.<br> <br> 3. Le 27 mai 2022, Mme [Y] a relevé appel de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du même jour maintenant la mesure de soins sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète.<br> <br> Examen des moyens<br> <br> Sur le deuxième moyen<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 4. Mme [Y] fait grief à l'ordonnance de maintenir la mesure de soins sans consentement, alors « que lorsque la personne qui fait l'objet de soins psychiatriques sans consentement est, comme en l'espèce, sous curatelle, le greffier convoque, par tout moyen, le curateur à l'audience ; en jugeant conforme aux dispositions de l'article R. 3211-19 du code de la santé publique la seule convocation de Mme [Y], de son avocat, du directeur hospitalier et du ministère public, l'ordonnance attaquée a violé ce texte, ensemble l'article R 3211-13 du code de la santé publique ».<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> 5. Il résulte des pièces de la procédure que l'Association tutélaire des majeurs protégés (ATMP) de la Manche, curateur de Mme [Y], a été convoquée le 31 mai 2022 à l'audience du 9 juin 2022.<br> <br> 6. Le moyen n'est donc pas fondé.<br> <br> Mais sur le premier moyen<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 7. Mme [Y] fait le même grief à l'ordonnance, alors « qu' il résulte de la combinaison des articles R. 3211-22 et R. 3211-19 du code de la santé publique, que le point de départ du délai de 12 jours pour statuer court à compter du jour de la saisine du premier président ou son délégué par la déclaration d'appel motivée transmise par tout moyen au greffe de la Cour d'appel, et non du jour de son enregistrement par le greffe ; l'appel ayant été interjeté le vendredi 27 mai 2022 à 18h02, le magistrat délégué devait statuer le 7 juin au plus tard ; en jugeant que le magistrat délégué par le premier président, en statuant le jeudi 9 juin 2022, statue dans les 12 jours de sa saisine, au motif que l'appel n'a pu être enregistré par le greffe que le 30 mai 2022, l'ordonnance attaquée a violé les articles R. 3211-22 et R. 3211-19 du code de la santé publique. »<br> <br> Réponse de la Cour <br> <br> Vu les articles R. 3211-22, alinéa 1er, et R. 3211-19, alinéa 1er, du code de la santé publique :<br> <br> 8. Il résulte de ces textes que le premier président ou son délégué, saisi par une déclaration d'appel motivée transmise par tout moyen au greffe de la cour d'appel, statue dans les douze jours de sa saisine.<br> <br> 9. L'ordonnance maintient la mesure de soins sans consentement, après avoir retenu que l'appel, relevé le vendredi 27 mai 2022 à 18h02 après l'heure de fermeture du greffe, avait été enregistré le lundi 30 mai suivant et que le jeudi 9 juin, le délai de douze jours, courant à compter de l'enregistrement de l'appel, n'était pas écoulé.<br> <br> 10. En statuant ainsi, alors que le délai pour statuer avait commencé à courir à compter de la réception de la déclaration d'appel et que, conformément aux règles de computation des délais en jours, il avait expiré le 8 juin suivant, le premier président a violé les textes susvisés.<br> <br> Portée et conséquences de la cassation<br> <br> 11. Tel que suggéré par le mémoire ampliatif, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.<br> <br> 12. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond, dès lors que les délais légaux pour statuer sur la mesure étant expirés, il ne reste plus rien à juger.<br> <br> PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le troisième moyen, la Cour :<br> <br> CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'elle déclare l'appel recevable, l'ordonnance rendue le 9 juin 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;<br> <br> DIT n'y avoir lieu à renvoi ;<br> <br> Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elles exposés ;<br> <br> En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande.<br> <br> Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de la ordonnance partiellement cassée ;<br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mars deux mille vingt-quatre.
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 20 mars 2024, 22-21.898, Publié au bulletin
SANTE PUBLIQUE - Lutte contre les maladies et les dépendances - Lutte contre les maladies mentales - Modalités de soins psychiatriques - Procédure - Appel - Procédure devant le premier président de la cour d'appel - Délai pour statuer - Point de départ - Réception de la déclaration d'appel
2024-03-20
ECLI:FR:CCASS:2024:C100136
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000049321549
ARRET
JURITEXT000049906505
CHAMBRE_CIVILE_1
null
JURI
Cour de cassation
Il se déduit de l'article 883 du code civil que l'effet déclaratif du partage est sans incidence sur l'efficacité de la cession d'une quote-part de l'universalité d'une indivision, de sorte que le cessionnaire acquiert, par le seul effet de la cession, la qualité d'indivisaire. Il résulte de l'article 840-1 du même code, qu'il ne peut être procédé au partage unique de plusieurs indivisions que si celles-ci existent entre les mêmes personnes. En conséquence, viole ces textes la cour d'appel qui, pour ordonner le partage, entre les trois fondateurs de sociétés civiles immobilières, des parts sociales indivises de celles-ci et dire qu'il conviendra de procéder à un partage unique de ces parts avec d'autres biens indivis entre eux, retient que le sort des donations qu'ils ont faites à leurs propres enfants, dans des proportions variables, de leurs quotes-parts indivises des parts de tout ou partie des SCI, dépendra du sort du partage à intervenir entre eux trois
Cassation partielle
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br> CIV. 1<br> <br> IJ<br> <br> <br> <br> COUR DE CASSATION<br> ______________________<br> <br> <br> Audience publique du 3 juillet 2024<br> <br> <br> <br> <br> Cassation partielle<br> <br> <br> Mme CHAMPALAUNE, président<br> <br> <br> <br> Arrêt n° 387 F-B<br> <br> <br> Pourvois n°<br> E 22-13.639<br> A 22-15.084 JONCTION<br> <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E <br> <br> _________________________<br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 3 JUILLET 2024<br> <br> <br> I - 1°/ M. [D] [U], domicilié [Adresse 1],<br> <br> 2°/ Mme [R] [U], épouse [J], domiciliée [Adresse 5],<br> <br> agissant tous deux à titre personnel et en qualité d'ayants droit de leur mère [X] [G], veuve [U],<br> <br> 3°/ Mme [Y] [J], épouse [Z], domiciliée [Adresse 6],<br> <br> 4°/ Mme [N] [J], domiciliée [Adresse 9],<br> <br> 5°/ M. [A] [J], domicilié [Adresse 10],<br> <br> 6°/ Mme [B] [U], épouse [E], domiciliée [Adresse 8],<br> <br> 7°/ M. [K] [U], domicilié [Adresse 7] (États-Unis),<br> <br> 8°/ Mme [I] [U], épouse [T], domiciliée [Adresse 11],<br> <br> 9°/ Mme [L] [U], domiciliée [Adresse 1],<br> <br> ont formé le pourvoi n° E 22-13.639 contre un arrêt rendu le 8 décembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 3, chambre 1), dans le litige les opposant :<br> <br> 1°/ à Mme [S] [U], épouse [F], domiciliée [Adresse 2], prise à titre personnel et en qualité d'ayant droit de sa mère [X] [G], veuve [U],<br> <br> 2°/ à Mme [P] [F], domiciliée [Adresse 3],<br> <br> 3°/ à M. [H] [F], domicilié [Adresse 4],<br> <br> 4°/ à Mme [C] [F], épouse [V], domiciliée [Adresse 13],<br> <br> défendeurs à la cassation.<br> <br> II - 1°/ Mme [S] [U], épouse [F], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'ayant droit de sa mère [X] [G], veuve [U],<br> <br> 2°/ Mme [P] [F],<br> <br> 3°/ M. [H] [F],<br> <br> 4°/ Mme [C] [F], épouse [V],<br> <br> ont formé le pourvoi n° A 22-15.084 contre le même arrêt rendu, dans le litige les opposant :<br> <br> 1°/ à Mme [R] [U], épouse [J],<br> <br> 2°/ à M. [D] [U],<br> <br> pris tous deux tant en leur nom personnel qu'en qualité d'ayants droit de leur mère [X] [G], veuve [U],<br> <br> <br> 3°/ à Mme [Y] [J], épouse [Z],<br> <br> 4°/ à Mme [N] [J],<br> <br> 5°/ à M. [A] [J],<br> <br> 6°/ à Mme [B] [U], épouse [E],<br> <br> 7°/ à M. [K] [U],<br> <br> 8°/ à Mme [I] [U], épouse [T],<br> <br> 9°/ à Mme [L] [U],<br> <br> défendeurs à la cassation.<br> <br> Les demandeurs au pourvoi n° E 22-13.639 invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen de cassation.<br> <br> Les demandeurs au pourvoi n° A 22-15.084 invoquent, à l'appui de leur recours, deux moyens de cassation.<br> <br> Les dossiers ont été communiqués au procureur général.<br> <br> Sur le rapport de Mme Dard, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de MM. [D] et [K] [U], de Mmes [R], [B], [I] et [L] [U], de Mmes [Y] et [N] [J] et de M. [A] [J], de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de Mme [S] [U], de Mmes [P] et [C] [F] et de M. [H] [F], après débats en l'audience publique du 22 mai 2024 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Dard, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Layemar, greffier de chambre,<br> <br> la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; <br> <br> Jonction<br> <br> 1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 22-15.084 et 22-13.639 sont joints. <br> <br> Faits et procédure <br> <br> 2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 décembre 2021) et les productions, [O] [U] est décédé le 9 avril 2013, en laissant pour lui succéder son épouse, [X] [G],et leurs trois enfants, Mme [S] [F], Mme [R] [J] et M. [D] [U] (les enfants [U]). <br> <br> 3. Par six actes de donation-partage, chacun de ceux-ci avait reçu, outre la nue-propriété d'un bien immobilier situé à [Localité 15], celle du tiers indivis de divers biens immobiliers appartenant soit aux deux époux, soit à l'un ou l'autre d'entre eux. <br> <br> 4. Les enfants [U] avaient ensuite constitué ensemble seize sociétés civiles immobilières, chacune d'elles, au capital social réparti en 360 000 parts indivises, recevant l'apport de la nue-propriété de l'un de ces biens, puis donné, dans des proportions variables, la nue-propriété de leurs quotes-parts des parts sociales de tout ou partie des sociétés à leurs propres enfants.<br> <br> 5. Un immeuble, situé à [Localité 12], une ferme et des parcelles, situées en Ardèche, et un parking, situé à [Localité 14], étaient demeurés indivis entre les enfants [U].<br> <br> 6. Mme [S] [F] a donné à sa fille, Mme [C] [V], la nue-propriété de ses droits indivis sur la ferme et les parcelles.<br> <br> 7. Des difficultés étant survenues dans le règlement de la succession et la gestion des sociétés, Mme [R] [J] et M. [D] [U] ont assigné Mme [S] [F], les enfants de celle-ci, Mme [P] [F], M. [H] [F] et Mme [C] [V], et leurs propres enfants, soit, d'une part, Mme [Y] [Z], Mme [N] [J] et M. [A] [J], et, d'autre part, Mme [B] [E], M. [K] [U], Mme [I] [T] et Mme [L] [U], en partage des indivisions existant entre eux.<br> <br> 8. [X] [G], appelée à l'instance, est décédée le 25 juillet 2021. <br> <br> 9. Mme [S] [F], Mme [R] [J] et M. [D] [U] sont intervenus à la procédure en qualité d'ayants droit de celle-ci. <br> <br> Examen des moyens<br> <br> Sur le second moyen du pourvoi n° 22-15.084 et sur le moyen du pourvoi n° 22-13.639, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de rejeter la demande de partage unique<br> <br> 10. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le second moyen du pourvoi n° 22-15.084, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation, et sur le moyen du pourvoi n° 22-13.639, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de rejeter la demande de partage unique, qui est irrecevable. <br> <br> Mais sur le premier moyen du pourvoi n° 22-15.084<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 11. Mmes [F], M. [F] et Mme [V] (les consorts [F]) font grief à l'arrêt d'ordonner le partage de la succession de [O] [U], alors « qu'une action en partage judiciaire ne peut plus être engagée lorsque les parties, ayant déjà procédé au partage amiable de la succession, ne sont plus en indivision, sauf à ce qu'elles engagent une action en nullité de ce partage, en complément de part ou en partage complémentaire ; qu'en ordonnant le partage de la succession de [O] [U], sans rechercher, comme elle y était expressément invitée, si les héritiers de celui-ci, à savoir Mme [S] [F], M. [D] [U], Mme [R] [J] et [X] [G], n'avaient pas d'ores et déjà procédé au partage amiable de cette succession selon acte sous seing privé du 16 octobre 2013, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 816 du code civil. » <br> <br> Réponse de la Cour <br> <br> Recevabilité du moyen <br> <br> 12. Mmes [J], M. [J], MM. [U] et Mmes [Z], [E], [T] et [U] contestent la recevabilité du moyen. Il soutiennent qu'il est contraire aux écritures et aux intérêts des consorts [F].<br> <br> 13. Cependant, dans leurs conclusions, les consorts [F] se sont opposés au partage de la succession de [O] [U], dont ils ont seulement sollicité le partage complémentaire.<br> <br> 14. Le moyen, qui n'est contraire ni aux écritures ni aux intérêts des consorts [F], est donc recevable.<br> <br> Bien-fondé du moyen <br> <br> Vu l'article 816 du code civil : <br> <br> 15. Selon ce texte, le partage ne peut être demandé s'il y a eu préalablement acte de partage.<br> <br> 16. Pour ordonner le partage de la succession de [O] [U], l'arrêt retient qu'à l'exception des biens situés à [Localité 15], les biens donnés par [O] [U] et [X] [G] à leurs enfants sont soumis à rapport. <br> <br> 17. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, s'il n'avait pas été déjà procédé au partage amiable de cette succession par acte sous seing privé du 16 octobre 2013, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. <br> <br> Sur le moyen relevé d'office <br> <br> 18. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.<br> <br> Vu les articles 840-1 et 883 du code civil :<br> <br> 19. Il se déduit du second de ces textes que l'effet déclaratif du partage est sans incidence sur l'efficacité de la cession d'une quote-part de l'universalité d'une indivision, de sorte que le cessionnaire acquiert, par le seul effet de la cession, la qualité d'indivisaire.<br> <br> 20. Il résulte du premier qu'il ne peut être procédé au partage unique de plusieurs indivisions que si celles-ci existent entre les mêmes personnes.<br> <br> 21. Pour ordonner le partage des indivisions existant entre les enfants [U] sur les parts sociales des sociétés civiles immobilières et dire qu'il conviendra de procéder à un partage unique en incluant ces parts, l'arrêt retient que le sort des donations que les enfants [U] ont consenties à leurs propres enfants dépendra du sort du partage à intervenir entre eux trois. <br> <br> 22. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que les enfants [U] avaient donné, selon des proportions variables, leurs quotes-parts indivises des parts sociales à leurs propres enfants de sorte que ceux-ci avaient, par le seul effet de ces donations, acquis la qualité d'indivisaires de ces parts et que celles-ci ne pouvaient faire l'objet d'un partage unique avec d'autres biens indivis entre les seuls enfants [U], la cour d'appel a violé les textes susvisés.<br> <br> Portée et conséquences de la cassation<br> <br> 23. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt ordonnant le partage de la succession de [O] [U] et des indivisions existant entre les enfants [U] sur les parts sociales des sociétés civiles immobilières et disant qu'il conviendra de procéder à un partage unique en incluant ces parts entraîne la cassation des chefs de dispositif ordonnant le partage de la communauté des époux [U]-[G] et disant que les parts sociales de chacune des sociétés civiles devront être partagées entre les enfants [U], que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage et supportés par chacune des parties à proportion de ses droits dans l'indivision, et n'y avoir lieu de faire application au profit de l'une ou l'autre des parties des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.<br> <br> PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen du pourvoi n° 22-13.639, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de dire que les parts sociales de chacune des sociétés civiles devront être partagées entre Mme [S] [F], Mme [R] [J] et M. [D] [U] à proportion de leurs droits indivis préalablement aux donations qu'ils ont eux-mêmes consenties, la Cour :<br> <br> CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il ordonne le partage de la communauté des époux [U]-[G], de la succession de [O] [U] et des indivisions existant entre Mme [S] [U] épouse [F], Mme [R] [U] épouse [J] et M. [D] [U] portant sur les parts sociales des SCI [U] Clichy 1, [U] Clichy 2, [U] Clichy 3, [U] Clichy 4, [U] Clichy 5, [U] Clichy 6, [U] Lafayette 3, [U] Lafayette 6, V [U] Saint-Honoré 1, [U] Saint-Honoré 2, [U] Phalsbourg, [U] Desnouettes, [U] 57 Vasco de Gama, [U] 62 Vasco de Gama, [U] Panorama, [U] Lammenais, [U] Pinel, dit qu'il conviendra de procéder à un partage unique en incluant ces parts et dit que les parts sociales de chacune des sociétés civiles devront être partagées entre Mme [S] [U] épouse [F], Mme [R] [U] épouse [J] et M. [D] [U], leurs trois associés fondateurs, à proportion de leurs droits indivis préalablement aux donations qu'ils ont eux-mêmes consenties, que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage et supportés par chacune des parties à proportion de ses droits dans l'indivision et n'y avoir lieu de faire application au profit de l'une ou l'autre des parties des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 8 décembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;<br> <br> Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;<br> <br> Condamne Mmes [J], [Z], [E], [T] et [U] et MM. [U] et [J] aux dépens ; <br> <br> En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;<br> <br> Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;<br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois juillet deux mille vingt-quatre.
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 3 juillet 2024, 22-13.639 22-15.084, Publié au bulletin
SUCCESSION
2024-07-03
ECLI:FR:CCASS:2024:C100387
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000049906505
ARRET
JURITEXT000049906624
CHAMBRE_CIVILE_3
Article 2241 du code civil ; Article 42, alinéa 2, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965.
JURI
Cour de cassation
null
Cassation partielle
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br>CIV. 3<br> <br> MF<br> <br> <br> <br> COUR DE CASSATION<br> ______________________<br> <br> <br> Audience publique du 4 juillet 2024<br> <br> <br> <br> <br> Cassation partielle<br> <br> <br> Mme TEILLER, président<br> <br> <br> <br> Arrêt n° 401 FS-B<br> <br> <br> Pourvois n°<br> H 22-24.060<br> T 23-10.573 JONCTION<br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E <br> <br> _________________________<br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 JUILLET 2024<br> <br> M. [T] [H], domicilié [Adresse 1], a formé les pourvois n° H 22-24.060 et n° T 23-10.573 contre un arrêt rendu le 12 octobre 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 2), dans le litige l'opposant au syndicat des copropriétaires du [Adresse 1], représenté par son syndic la société Immo de France Paris Ile-de-France, dont le siège est [Adresse 2], défendeur à la cassation.<br> <br> Le demandeur aux pourvois n° H 22-24.060 et n° T 23-10.573 invoque, à l'appui de son recours, deux moyens identiques de cassation.<br> <br> Les dossiers ont été communiqués au procureur général.<br> <br> Sur le rapport de Mme Schmitt, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. [H], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat du syndicat des copropriétaires du [Adresse 1], et l'avis de Mme Compagnie, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 mai 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Schmitt, conseiller référendaire rapporteur, Mme Grandjean, conseiller faisant fonction de doyen, Mme Grall, M. Bosse-Platière, Mmes Proust, Pic, conseillers, Mmes Aldigé, Gallet, Davoine, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, et Mme Maréville, greffier de chambre,<br> <br> la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.<br> <br> Jonction<br> <br> 1. En raison de leur connexité, les pourvois n° H 22-24.060 et n° T 23-10.573 sont joints. <br> <br> Faits et procédure <br> <br> 2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 octobre 2022), M. [H], propriétaire de lots dans un immeuble soumis au statut de la copropriété, a assigné le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] à Paris (le syndicat des copropriétaires) en annulation, en son entier, de l'assemblée générale des copropriétaires tenue le 21 juin 2016, puis, par conclusions additionnelles, a présenté une demande subsidiaire en annulation de certaines résolutions adoptées lors de cette assemblée générale.<br> <br> Examen des moyens<br> <br> Sur le premier moyen<br> <br> 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.<br> <br> Mais sur le second moyen, pris en sa troisième branche<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 4. M. [H] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes en annulation des résolutions n° 5, 6 et 15 de l'assemblée générale du 21 juin 2016, alors « que sont recevables, même formées hors le délai de l'article 42 alinéa 2 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, les demandes d'annulation de résolutions d'une assemblée générale présentées à titre subsidiaire par rapport à une demande principale d'annulation de l'assemblée générale en son entier formée dans le délai ; qu'en décidant le contraire, s'agissant des demandes d'annulation des résolutions n° 5, n° 6 et n° 15 de l'assemblée générale du 21 juin 2016 formées par M. [H] à titre subsidiaire par rapport à sa demande principale d'annulation de l'assemblée générale du 21 juin 2016 en son entier, les juges du fond ont violé l'article 42, alinéa 2 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965. »<br> <br> Réponse de la Cour <br> <br> Vu l'article 2241 du code civil et l'article 42, alinéa 2, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 :<br> <br> 5. Selon le second de ces textes, les actions qui ont pour objet de contester les décisions des assemblées générales doivent, à peine de déchéance, être introduites par les copropriétaires opposants ou défaillants dans un délai de deux mois à compter de la notification desdites décisions qui leur est faite à la diligence du syndic.<br> <br> 6. Il résulte du premier que si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions, bien qu'ayant une cause distincte, tendent aux mêmes fins, de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première.<br> <br> 7. Pour déclarer irrecevables les demandes en annulation des résolutions n° 5, 6 et 15 de l'assemblée générale du 21 juin 2016, l'arrêt retient que le procès-verbal de cette assemblée générale a été notifié à M. [H] le 8 juillet 2016, que ces prétentions, formées par conclusions du 27 septembre 2017, reposent sur des moyens distincts de ceux qui étaient formulés au soutien de la demande en annulation de l'assemblée générale en son entier formée par assignation du 18 août 2016 et qu'elles sont donc tardives pour avoir été formulées, alors que le délai de contestation était expiré.<br> <br> 8. En statuant ainsi, alors qu'une demande subsidiaire en annulation de diverses résolutions d'une assemblée générale tend aux mêmes fins que la demande en annulation de l'assemblée générale en son entier, de sorte que la demande subsidiaire étant virtuellement comprise dans la demande principale initiale, le délai de forclusion de l'action en nullité des décisions d'assemblée générale avait été interrompu par la délivrance de l'assignation en nullité de l'assemblée générale en son entier, la cour d'appel a violé les textes susvisés.<br> <br> PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :<br> <br> CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevables les demandes de M. [H] en annulation des résolutions n° 5, 6 et 15 de l'assemblée générale du 21 juin 2016, l'arrêt rendu le 12 octobre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;<br> <br> Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;<br> <br> Condamne le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] à [Localité 3] aux dépens ; <br> <br> En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] à [Localité 3] et le condamne à payer à M. [H] la somme de 3 000 euros ;<br> <br> Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;<br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juillet deux mille vingt-quatre.,3e Civ., 14 mars 2019, pourvoi n° 18-10.379, publié (cassation).
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 4 juillet 2024, 22-24.060 23-10.573, Publié au bulletin
COPROPRIETE - Action en justice - Action individuelle des copropriétaires - Action en nullité d'une assemblée générale - Action en nullité de certaines résolutions à titre subsidiaire - Délai - Délai de forclusion - Interruption - Cas - Assignation en nullité de l'assemblée générale en son entier,APPEL CIVIL - Demande nouvelle - Prétention virtuellement comprise dans la demande originaire - Portée PRESCRIPTION CIVILE - Interruption - Acte interruptif - Action en justice - Actions tendant aux mêmes fins - Portée - Cas - Action en nullité d'une assemblée générale de copropriétaires
2024-07-04
ECLI:FR:CCASS:2024:C300401
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000049906624
ARRET
JURITEXT000049906620
CHAMBRE_CIVILE_3
Article 1751 du code civil ; Article 14 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989.
JURI
Cour de cassation
Le conjoint survivant, qui satisfait aux conditions de l'article 1751 du code civil, peut renoncer expressément à l'exclusivité de son droit au bail pour permettre, le cas échéant, aux personnes qui satisfont aux conditions de l'article 14 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 de bénéficier de droits concurrents aux siens sur le bail. Cette renonciation ne peut porter que sur l'exclusivité du droit au bail et ne peut permettre au conjoint survivant, à défaut de congé valablement délivré par lui, de mettre fin au droit au bail dont il est titulaire
Cassation partielle
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br> CIV. 3<br> <br> MF<br> <br> <br> <br> COUR DE CASSATION<br> ______________________<br> <br> <br> Audience publique du 4 juillet 2024<br> <br> <br> <br> <br> Cassation partielle<br> <br> <br> Mme TEILLER, président<br> <br> <br> <br> Arrêt n° 398 FS-B<br> <br> Pourvoi n° X 22-24.856 <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E <br> <br> _________________________<br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 JUILLET 2024<br> <br> La société Seqens, société anonyme d'habitation à loyer modéré, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° X 22-24.856 contre l'arrêt rendu le 27 septembre 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 4), dans le litige l'opposant :<br> <br> 1°/ à M. [U] [N], domicilié [Adresse 3],<br> <br> 2°/ à Mme [G] [N], épouse [R],<br> <br> 3°/ à M. [K] [N], <br> <br> tous deux domiciliés [Adresse 2],<br> <br> défendeurs à la cassation.<br> <br> La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.<br> <br> Le dossier a été communiqué au procureur général.<br> <br> Sur le rapport de Mme Gallet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Françoise Fabiani - François Pinatel, avocat de la société Seqens, de Me Balat, avocat de MM. [U] et [K] [N] et de Mme [G] [N], et l'avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 mai 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Gallet, conseiller référendaire rapporteur, Mme Grandjean, conseiller faisant fonction de doyen, Mme Grall, M. Bosse-Platière, Mmes Proust, Pic, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, Davoine, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, et Mme Maréville, greffier de chambre,<br> <br> la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; <br> <br> Faits et procédure<br> <br> 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 septembre 2022), le 9 janvier 2001, la société France habitation, aux droits de laquelle est venue la société Seqens (la bailleresse), a donné à bail à M. [U] [N] et [B] [N] un appartement, qu'ils ont occupé avec leurs enfants [G] et [K].<br> <br> 2. [B] [N] est décédée le 17 juin 2016, après qu'une ordonnance de non-conciliation entre les époux lui a attribué la jouissance du domicile familial.<br> <br> 3. Le 22 juin 2016, M. [U] [N] a signé un avenant par lequel il était désigné comme restant seul titulaire du bail.<br> <br> 4. Plusieurs mensualités étant demeurées impayées, la bailleresse a fait signifier à M. [U] [N] un commandement de payer visant la clause résolutoire insérée au contrat de bail, puis l'a assigné en constat d'acquisition de cette clause, en expulsion et en paiement d'un arriéré locatif. <br> <br> 5. Ses enfants sont intervenus volontairement à l'instance. Ils ont sollicité la reconnaissance, au bénéfice de M. [K] [N], du transfert du bail au décès de sa mère, avec laquelle il cohabitait depuis plus d'un an.<br> <br> Sur le moyen relevé d'office<br> <br> 6. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.<br> <br> Vu les articles 1751 du code civil et 14 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 :<br> <br> 7. Selon le premier de ces textes, le droit au bail du local, sans caractère professionnel ou commercial, qui sert effectivement à l'habitation de deux époux, est réputé appartenir à l'un et à l'autre des époux. En cas de décès d'un des époux, le conjoint survivant cotitulaire du bail dispose d'un droit exclusif sur celui-ci sauf s'il y renonce expressément.<br> <br> 8. Selon le second, lors du décès du locataire, le contrat de location est transféré : <br> - au conjoint survivant qui ne peut se prévaloir des dispositions de l'article 1751 du code civil ; <br> - aux descendants qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date du décès ; <br> - au partenaire lié au locataire par un pacte civil de solidarité ;<br> - aux ascendants, au concubin notoire ou aux personnes à charge, qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date du décès.<br> En cas de demandes multiples, le juge se prononce en fonction des intérêts en présence.<br> <br> 9. Il est jugé, en application du premier de ces textes, que la séparation de fait des époux ou l'autorisation qui leur est donnée de résider séparément ne remet pas en cause la cotitularité du bail portant sur le logement qui a servi effectivement à leur habitation commune (3e Civ., 27 mai 1998, pourvoi n° 96-13.543, Bull. 1998, III, n° 109 ; 3e Civ., 31 mai 2006, pourvoi n° 04-16.920, Bull. 2006, III, n° 135).<br> <br> 10. Il est également jugé que le conjoint survivant qui satisfait aux conditions de l'article 1751 du code civil dispose d'un droit exclusif sur le logement qui a servi effectivement à l'habitation des époux avant le décès et que ce droit prive les descendants qui vivent dans les lieux au moment du décès du preneur de tout droit locatif (3e Civ., 28 juin 2018, pourvoi n° 17-20.409, Bull. 2018, III, n° 77).<br> <br> 11. Le conjoint survivant, qui satisfait aux conditions de l'article 1751 du code civil, peut renoncer expressément à l'exclusivité de son droit au bail pour permettre, le cas échéant, aux personnes qui satisfont aux conditions de l'article 14 de la loi du 6 juillet 1989 de bénéficier de droits concurrents aux siens sur le bail. Cette renonciation ne peut cependant porter que sur l'exclusivité du droit au bail et ne peut permettre au conjoint survivant, à défaut de congé valablement délivré par lui, de mettre fin au droit au bail dont il est titulaire.<br> <br> 12. Pour rejeter la demande en paiement de la bailleresse, dirigée contre M. [U] [N] au titre d'un supplément de loyer de solidarité, l'arrêt retient que le local loué avait servi à l'habitation des époux, que M. [U] [N], bien que n'ayant pas donné congé, a fait connaître en 2011 son désintérêt pour les locaux qu'il n'habitait plus, qu'il n'a jamais demandé à bénéficier du transfert du contrat de location après le décès de son épouse le 17 juin 2016, nonobstant l'avenant du 22 juin 2016 le désignant comme seul titulaire, de sorte que le contrat de location doit se poursuivre au profit de son fils, titulaire, en concurrence avec son père, du droit au transfert comme vivant avec sa mère dans les lieux loués durant l'année ayant précédé le décès de cette dernière, conformément aux dispositions de l'article 14, alinéa 2, de la loi du 6 juillet 1989.<br> <br> 13. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que M. [U] [N], cotitulaire du bail, n'avait pas expressément renoncé, après le décès de son épouse, à l'exclusivité de son droit au bail et qu'il n'avait par ailleurs pas mis fin à ce bail par un congé valablement délivré, la cour d'appel a violé les textes susvisés.<br> <br> PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen du pourvoi, la Cour :<br> <br> CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande en paiement du solde des loyers impayés, l'arrêt rendu le 27 septembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;<br> <br> Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;<br> <br> Condamne Mme [G] [N] et MM. [K] et [U] [N] in solidum aux dépens ;<br> <br> En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [G] [N] et MM. [K] et [U] [N] et les condamne à payer à la société Seqens la somme de 3 000 euros ;<br> <br> Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;<br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juillet deux mille vingt-quatre.,3e Civ., 28 juin 2018, pourvoi n° 17-20.409, Bull. 2018, III, n° 77 (cassation partielle).
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 4 juillet 2024, 22-24.856, Publié au bulletin
BAIL D'HABITATION - Bail soumis à la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 - Transfert - Bénéficiaires - Conjoint survivant du preneur - Droit au bail - Droit exclusif - Renonciation - Conditions - Portée
2024-07-04
ECLI:FR:CCASS:2024:C300398
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000049906620
ARRET
JURITEXT000049906618
CHAMBRE_CIVILE_3
Article 1630 du code civil.
JURI
Cour de cassation
Lorsque le cédant d'un droit au bail est tenu de garantir sur le fondement de l'article 1630 du code civil le cessionnaire de l'éviction du bail qu'il souffre du fait que le bailleur lui dénie la qualité de locataire en raison de l'inopposabilité de la cession, il ne peut obtenir du cessionnaire évincé le remboursement des loyers et indemnités d'occupation qu'il a payés au bailleur pour la période où le cessionnaire a occupé sans faute les locaux
Rejet
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br> CIV. 3<br> <br> FC<br> <br> <br> <br> COUR DE CASSATION<br> ______________________<br> <br> <br> Audience publique du 4 juillet 2024<br> <br> <br> <br> <br> Rejet<br> <br> <br> Mme TEILLER, président<br> <br> <br> <br> Arrêt n° 397 FS-B<br> <br> Pourvoi n° Z 23-13.822 <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E <br> <br> _________________________<br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 JUILLET 2024<br> <br> La société TNT Serge Blanco, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Z 23-13.822 contre l'arrêt rendu le 25 octobre 2022 par la cour d'appel de Pau (2e chambre - section 1), dans le litige l'opposant :<br> <br> 1°/ à M. [F] [H], domicilié [Adresse 3],<br> <br> 2°/ à la société O'Pit, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2],<br> <br> défendeurs à la cassation.<br> <br> La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.<br> <br> Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Aldigé, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société TNT Serge Blanco, et l'avis de Mme Compagnie, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 mai 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Aldigé, conseiller référendaire rapporteur, Mme Grandjean, conseiller faisant fonction de doyen, Mme Grall, M. Bosse-Platière, Mmes Proust, Pic, conseillers, Mmes Schmitt, Gallet, Davoine, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires et Mme Maréville, greffier de chambre,<br> <br> la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; <br> <br> Désistement partiel <br> <br> 1. Il est donné acte à la société TNT Serge Blanco du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. [H].<br> <br> Faits et procédure <br> <br> 2. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 25 octobre 2022), par acte sous seing privé du 30 septembre 2015, la société TNT Serge Blanco (la cédante), locataire de locaux commerciaux appartenant à M. [V] (le bailleur), a cédé son droit au bail à la société O'Pit (la cessionnaire). <br> <br> 3. Un arrêt du 31 mai 2018 a prononcé, à la demande du bailleur, la résiliation judiciaire du bail à effet au 27 avril 2016 aux torts de la cédante en raison de l'irrégularité de la cession du bail, a ordonné l'expulsion de la locataire et de tout occupant de son chef, et l'a condamnée au paiement d'une certaine somme au titre des loyers et indemnités d'occupation. <br> <br> 4. La cédante a délivré le 24 octobre 2018 à la cessionnaire un commandement de quitter les lieux, au visa de l'arrêt du 31 mai 2018.<br> <br> 5. La cessionnaire a quitté les lieux le 30 octobre 2018, puis elle a assigné la société TNT Serge Blanco sur le fondement de la garantie d'éviction en indemnisation de son préjudice.<br> <br> 6. La société TNT Serge Blanco a demandé, à titre reconventionnel, le remboursement des loyers et indemnités d'occupation pour la période du 1er octobre 2015 au 30 octobre 2018. <br> <br> Examen des moyens <br> <br> Sur le premier moyen <br> <br> 7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui est irrecevable.<br> <br> Sur le second moyen <br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 8. La cédante fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes en condamnation de la cessionnaire au paiement d'une certaine somme au titre des loyers et indemnités d'occupation pour la période du 1er octobre 2015 au 30 octobre 2018, alors : <br> <br> « 1°/ que l'indemnité d'occupation représente la contrepartie de la jouissance des lieux et est partant due par l'occupant ; qu'en jugeant que la société TNT Serge Blanco était « seule débitrice [...] des indemnités d'occupation postérieures à la résiliation du bail » intervenue le 27 avril 2016 cependant qu'elle constatait que la société O'PIT avait occupé les lieux jusqu'au 30 octobre 2018, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1240 du code civil ;<br> <br> 2°/ que l'indemnité d'occupation représente la contrepartie de la jouissance des lieux et est due par l'occupant, même en l'absence de toute faute ; qu'en jugeant que la société O'PIT n'était pas débitrice de l'indemnité d'occupation litigieuse au motif inopérant que « les décisions de justice lui ont été signifiées le 17 octobre 2018 avec sommation de libérer les lieux, ce qu'elle a fait le 30 octobre 2018 », la cour d'appel a violé l'article 1240 du code civil. »<br> <br> Réponse de la Cour <br> <br> 9. Aux termes de l'article 1630 du code civil, lorsque la garantie a été promise, ou qu'il n'a rien été stipulé à ce sujet, si l'acquéreur est évincé, il a droit de demander contre le vendeur :<br> 1° La restitution du prix ;<br> 2° Celle des fruits, lorsqu'il est obligé de les rendre au propriétaire qui l'évince ;<br> 3° Les frais faits sur la demande en garantie de l'acheteur, et ceux faits par le demandeur originaire ;<br> 4° Enfin les dommages et intérêts, ainsi que les frais et loyaux coûts du contrat.<br> <br> 10. Il en résulte que, lorsque le cédant est tenu de garantir sur le fondement de l'article précité, le cessionnaire de l'éviction du bail dont il souffre du fait que le bailleur lui dénie la qualité de locataire en raison de l'inopposabilité de la cession, il ne peut obtenir du cessionnaire évincé le remboursement des loyers et indemnités d'occupation qu'il a payés au bailleur pour la période où le cessionnaire a occupé sans faute les locaux.<br> <br> 11. La cour d'appel a, d'abord, retenu que la cédante était seule et entièrement responsable de l'éviction de la cessionnaire et qu'elle devait l'en garantir.<br> <br> 12. Elle a, ensuite, constaté que la cessionnaire avait libéré les locaux le 30 octobre 2018 après signification le 17 octobre 2018 de la décision rendue dans l'instance opposant la bailleresse à la cédante.<br> <br> 13. Elle en a exactement déduit que la demande formée par la cédante à l'encontre de la cessionnaire en remboursement des loyers et indemnités d'occupation payés au bailleur devait être rejetée. <br> <br> 14. Le moyen n'est donc pas fondé. <br> <br> PAR CES MOTIFS, la Cour :<br> <br> REJETTE le pourvoi ;<br> <br> Condamne la société TNT Serge Blanco aux dépens ;<br> <br> En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;<br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juillet deux mille vingt-quatre.
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 4 juillet 2024, 23-13.822, Publié au bulletin
BAIL COMMERCIAL - Cession - Rapports entre le cédant et le cessionnaire - Obligation de garantie du cédant - Eviction - Effets - Remboursement des loyers et indemnités d'occupation par le cessionnaire - Exclusion - Condition
2024-07-04
ECLI:FR:CCASS:2024:C300397
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000049906618
ARRET
JURITEXT000049906600
CHAMBRE_CIVILE_2
Articles 122 et 123 du code de procédure civile.
JURI
Cour de cassation
La fin de non-recevoir fondée sur la prescription de l'action, soulevée par l'intimé à l'occasion de l'appel d'un jugement ayant condamné en paiement les appelants, constitue un moyen de défense à l'appel principal, qui n'a pas à faire l'objet d'un appel incident
Cassation
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br> CIV. 2<br> <br> LM<br> <br> <br> <br> COUR DE CASSATION<br> ______________________<br> <br> <br> Audience publique du 4 juillet 2024<br> <br> <br> <br> <br> Cassation<br> <br> <br> Mme MARTINEL, président<br> <br> <br> <br> Arrêt n° 644 FS-B<br> <br> Pourvoi n° N 21-21.968 <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E <br> <br> _________________________<br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 JUILLET 2024<br> <br> <br> Mme [G] [M], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° N 21-21.968 contre l'arrêt rendu le 18 juin 2021 par la cour d'appel de Colmar (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :<br> <br> 1°/ à M. [L] [T], domicilié [Adresse 2],<br> <br> 2°/ à Mme [O] [T], domiciliée [Adresse 1],<br> <br> défendeurs à la cassation.<br> <br> La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.<br> <br> Le dossier a été communiqué au procureur général.<br> <br> Sur le rapport de Mme Vendryes, conseiller, les observations de Me Guermonprez, avocat de Mme [M], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. et Mme [T], et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 mai 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, Mme Vendryes, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, Mmes Grandemange, Caillard, M. Waguette, conseillers, Mmes Jollec, Bohnert, M. Cardini, Mmes Latreille, Bonnet, Chevet, conseillers référendaires, Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, et Mme Thomas, greffier de chambre,<br> <br> la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; <br> <br> Faits et procédure<br> <br> 1.Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 18 juin 2021), et les productions, M. et Mme [T] (les consorts [T]) ont assigné Mme [M] devant un tribunal de grande instance en paiement d'une certaine somme.<br> <br> 2. Par jugement du 7 juin 2019, le tribunal, devant lequel Mme [M] a opposé la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action, a, dans le dispositif de son jugement, débouté les demandeurs.<br> <br> 3. Les consorts [T] ont relevé appel de ce jugement.<br> <br> Examen des moyens<br> <br> Sur le moyen relevé d'office<br> <br> 4. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.<br> <br> Vu les articles 122 et 123 du code de procédure civile :<br> <br> 5. Selon le premier de ces textes, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.<br> <br> 6. Selon le second, les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu'il en soit disposé autrement.<br> <br> 7. Il en résulte que la fin de non-recevoir, invoquée par un intimé pour s'opposer à l'appel principal, en vue de déclarer la demande irrecevable, constitue un moyen de défense et peut être proposée en tout état de cause jusqu'à ce que le juge statue.<br> <br> 8. Pour retenir qu'elle n'était pas saisie de la fin de non-recevoir opposée par l'intimée, l'arrêt relève que la prescription, invoquée dans le corps des conclusions de Mme [M], n'a pas fait l'objet d'un appel incident dans le dispositif de celles-ci.<br> <br> 9. En statuant ainsi, alors qu'elle était saisie de la fin de non-recevoir proposée par l'intimée, tirée de la prescription de l'action, moyen de défense opposé à l'appel principal, qui n'avait pas à faire l'objet d'un appel incident, la cour d'appel a violé les textes susvisés.<br> <br> PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les griefs du pourvoi, la Cour :<br> <br> CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;<br> <br> Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy. <br> <br> Condamne M. et Mme [T] aux dépens ;<br> <br> En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme [T] et les condamne à payer à Mme [M] la somme globale de 3 000 euros ;<br> <br> Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;<br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juillet deux mille vingt-quatre.
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 4 juillet 2024, 21-21.968, Publié au bulletin
APPEL CIVIL - Intimé - Moyen de défense - Définition - Fin de non-recevoir - Recevabilité - Appel incident - Nécessité (non)
2024-07-04
ECLI:FR:CCASS:2024:C200644
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000049906600
ARRET
JURITEXT000049906608
CHAMBRE_CIVILE_2
Article 576 du code de procédure civile ; articles 914, alinéa 1er, 2 et 3 et 916, alinéa 1er, 2 et 3 du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017.
JURI
Cour de cassation
En application de l'article 576 du code de procédure civile et des articles 914, alinéa 1er, 2 et 3 et 916, alinéa 1er, 2 et 3 du même code, dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, le conseiller de la mise en état n'est pas compétent pour statuer sur la recevabilité de l'opposition formée contre un arrêt d'une cour d'appel. Il en résulte que la cour d'appel, qui, sur déféré, confirme l'ordonnance d'un conseiller de la mise en état ayant déclaré irrecevable l'opposition formée par une partie contre un arrêt rendu par défaut, consacre l'excès de pouvoir ainsi commis et viole les textes susvisés
Cassation
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br> CIV. 2<br> <br> LM<br> <br> <br> <br> COUR DE CASSATION<br> ______________________<br> <br> <br> Audience publique du 4 juillet 2024<br> <br> <br> <br> <br> Cassation<br> <br> <br> Mme MARTINEL, président<br> <br> <br> <br> Arrêt n° 650 F-B<br> <br> Pourvoi n° N 22-14.681 <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E <br> <br> _________________________<br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 JUILLET 2024<br> <br> <br> M. [V] [W] [Y], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° N 22-14.681 contre l'arrêt rendu le 16 mars 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 4), dans le litige l'opposant :<br> <br> 1°/ à M. [X] [J], domicilié [Adresse 3],<br> <br> 2°/ à Mme [O] [K], domiciliée [Adresse 1],<br> <br> défendeurs à la cassation.<br> <br> Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.<br> <br> Le dossier a été communiqué au procureur général.<br> <br> Sur le rapport de Mme Caillard, conseiller, les observations de Me Balat, avocat de M. [W] [Y], de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de M. [J], et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 mai 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Caillard, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,<br> <br> la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; <br> <br> Désistement partiel<br> <br> 1. Il est donné acte à M. [W] [Y] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme [K].<br> <br> Faits et procédure<br> <br> 2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 mars 2021), dans un litige l'opposant à M. [J], Mme [K] a interjeté appel du jugement d'un tribunal d'instance qui a notamment ordonné son expulsion et l'a condamnée à paiement ainsi que M. [W] [Y].<br> <br> 3. Par arrêt rendu par défaut le 13 janvier 2015, signifié à M. [W] [Y] le 31 mars 2015, une cour d'appel a confirmé ce jugement.<br> <br> 4. Le 7 mai 2019, M. [W] [Y] a formé opposition à cet arrêt.<br> <br> 5. M. [J] a saisi le conseiller de la mise en état d'un incident tendant à voir constater l'irrecevabilité de l'opposition en raison de sa tardiveté et l'irrecevabilité des conclusions de M. [W] [Y].<br> <br> 6. Par ordonnance du 19 mai 2020, que M. [W] [Y] a déférée à une cour d'appel, un conseiller de la mise en état a déclaré l'opposition irrecevable et dit les autres demandes sans objet.<br> <br> Sur le moyen relevé d'office<br> <br> 7. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.<br> <br> Vu l'article 576 du code de procédure civile, et les articles 914, alinéas 1er, 2 et 3, et 916, alinéas 1er, 2 et 3, du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 :<br> <br> 8. Selon le premier de ces textes, l'affaire est instruite et jugée selon les règles applicables devant la juridiction qui a rendu la décision frappée d'opposition.<br> <br> 9. Il résulte du deuxième que les parties soumettent au conseiller de la mise en état, qui est seul compétent depuis sa désignation et jusqu'à la clôture de l'instruction, leurs conclusions, spécialement adressées à ce magistrat, tendant à :<br> ¿ prononcer la caducité de l'appel ;<br> ¿ déclarer l'appel irrecevable et trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l'appel ; les moyens tendant à l'irrecevabilité de l'appel doivent être invoqués simultanément à peine d'irrecevabilité de ceux qui ne l'auraient pas été.<br> <br> 10. Selon le dernier, les ordonnances du conseiller de la mise en état ne sont susceptibles d'aucun recours indépendamment de l'arrêt sur le fond. Toutefois, elles peuvent être déférées par requête à la cour dans les quinze jours de leur date lorsqu'elles ont pour effet de mettre fin à l'instance, lorsqu'elles constatent son extinction ou lorsqu'elles ont trait à des mesures provisoires en matière de divorce ou de séparation de corps. Elles peuvent être déférées dans les mêmes conditions lorsqu'elles statuent sur une exception de procédure, sur un incident mettant fin à l'instance, sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel ou la caducité de celui-ci ou sur l'irrecevabilité des conclusions et des actes de procédure en application des articles 909, 910, et 930-1.<br> <br> 11. Pour confirmer l'ordonnance, l'arrêt retient que le conseiller de la mise en état était compétent pour statuer sur la recevabilité de l'opposition en application des dispositions combinées des articles 576 et 914 du code de procédure civile.<br> <br> 12. En statuant ainsi, alors que le conseiller de la mise en état ne pouvait, se prononcer sur l'irrecevabilité de l'opposition formée par M. [W] [Y], la cour d'appel a consacré l'excès de pouvoir ainsi commis et violé les textes susvisés.<br> <br> PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les griefs du pourvoi, la Cour :<br> <br> CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;<br> <br> Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée. <br> <br> Condamne M. [J] aux dépens ;<br> <br> En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [J] et le condamne à payer à M. [W] [Y] la somme de 3 000 euros ;<br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juillet deux mille vingt-quatre.
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 4 juillet 2024, 22-14.681, Publié au bulletin
PROCEDURE CIVILE - Procédure de la mise en état - Conseiller de la mise en état - Compétence - Limite - Opposition d'un arrêt - Recevabilité,JUGEMENTS ET ARRETS PAR DEFAUT - Opposition - Ordonnance du conseiller de la mise en état statuant sur la recevabilité - Cas - Cour d'appel statuant sur l'opposition - Limites
2024-07-04
ECLI:FR:CCASS:2024:C200650
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000049906608
ARRET
JURITEXT000049906628
CHAMBRE_CIVILE_3
Articles R. 311-26, alinéa 1er, et R. 311-29 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ; Article 930-1, alinéa 3, du code de procédure civile.
JURI
Cour de cassation
En matière d'expropriation, le délai de trois mois accordé à l'appelant, à peine de caducité, pour adresser au greffe son mémoire d'appel et les documents qu'il entend produire, court à compter de l'expédition de la déclaration d'appel par lettre recommandée avec demande d'avis de réception
Cassation
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br> CIV. 3<br> <br> MF<br> <br> <br> <br> COUR DE CASSATION<br> ______________________<br> <br> <br> Audience publique du 4 juillet 2024<br> <br> <br> <br> <br> Cassation<br> <br> <br> Mme TEILLER, président<br> <br> <br> <br> Arrêt n° 421 FS-B<br> <br> Pourvoi n° N 23-16.019 <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E <br> <br> _________________________<br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 JUILLET 2024<br> <br> La société Etablissements Moncassin, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° N 23-16.019 contre l'arrêt rendu le 15 mars 2023 par la cour d'appel de Versailles (4e chambre expropriations), dans le litige l'opposant à l'établissement public foncier d'Ile-de-France, dont le siège est [Adresse 2], défendeur à la cassation.<br> <br> La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.<br> <br> Le dossier a été communiqué au procureur général.<br> <br> Sur le rapport de Mme Rat, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de la société Etablissements Moncassin, de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de l'établissement public foncier d'Ile-de-France, et l'avis de Mme Vassallo, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 4 juin 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Rat, conseiller référendaire rapporteur, M. Boyer, conseiller faisant fonction de doyen, Mme Abgrall, MM. Pety, Brillet, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mmes Brun, Vernimmen, conseillers référendaires, Mme Vassallo, premier avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre,<br> <br> la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; <br> <br> Faits et procédure <br> <br> 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 15 mars 2023), à la suite de l'expropriation à son profit d'une parcelle louée à la société Etablissements Moncassin, l'établissement public foncier d'Ile-de-France (l'EPFIF) a saisi le juge de l'expropriation en fixation des indemnités revenant à celle-ci. <br> <br> Examen du moyen<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 2. La société Etablissements Moncassin fait grief à l'arrêt de déclarer caduc son appel, alors « que lorsque l'appel est interjeté par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, c'est à compter de la réception de cette lettre par le greffe de la cour d'appel que court le délai de trois mois imparti à l'appelant pour déposer ou adresser ses conclusions et les documents qu'il entend produire ; que l'arrêt retient que les Etablissements Moncassin avaient un délai de trois mois pour conclure qui courait de l'expédition de leur déclaration d'appel le 15 juillet 2020 et qui expirait donc le 15 octobre 2020, la date d'enregistrement par le greffe étant sans incidence à cet égard ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles R. 311-24 et R. 311-26 du code de l'expropriation et, par fausse application, l'article 930-1 du code de procédure civile. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> Vu les articles R. 311-26, alinéa 1er, et R. 311-29 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et l'article 930-1, alinéa 3, du code de procédure civile :<br> <br> 3. Aux termes du premier de ces textes, à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel. <br> <br> 4. Il résulte du deuxième que, sous réserve des articles R. 311-24 à R. 311-28, R. 311-19, R. 311-22 et R. 312-2 du même code, la procédure devant la cour d'appel statuant en matière d'expropriation est régie par les dispositions du titre VI du livre II du code de procédure civile.<br> <br> 5. Selon le dernier, rendu applicable par le texte qui précède, lorsque la déclaration d'appel est faite par voie postale, le greffe enregistre l'acte à la date figurant sur le cachet du bureau d'émission.<br> <br> 6. En matière d'expropriation, il est jugé que le délai pour déposer ou adresser le mémoire d'appel au greffe de la cour d'appel court à compter de la date de réception, par le greffe, de l'appel formé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception (3e Civ., 20 octobre 1981, pourvoi n° 80-70.328, Bull. n° 165 ; 3eCiv., 11 mai 2006, pourvoi n° 05-70.020, Bull. 2006, III, n° 121 ; 3e Civ., 22 juin 2023, pourvoi n° 22-15.569).<br> <br> 7. Toutefois, en matière de procédure d'appel ordinaire avec représentation obligatoire, ce point de départ est fixé au jour de l'expédition de cette lettre (2e Civ., 9 janvier 2020, n° 18-24.107, publié).<br> <br> 8. L'objectif d'harmonisation et de simplification des charges procédurales pesant sur les parties doit conduire à juger désormais que le délai de trois mois accordé à l'appelant, à peine de caducité, pour adresser au greffe son mémoire d'appel et les documents qu'il entend produire, court à compter de l'expédition de la déclaration d'appel par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.<br> <br> 9. Cependant, l'application immédiate de cette règle de procédure dans l'instance en cours aboutirait à priver la société Etablissements Moncassin, qui n'a pu raisonnablement anticiper ce revirement de jurisprudence, d'un procès équitable, au sens de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en lui interdisant l'accès au juge.<br> <br> 10. Dès lors, il ne peut être fait application de la nouvelle règle de procédure énoncée au paragraphe 8 à l'occasion du présent pourvoi. <br> <br> 11. En conséquence, en faisant courir le délai de dépôt des conclusions à compter de l'expédition de la déclaration d'appel, la cour d'appel a violé les textes susvisés.<br> <br> PAR CES MOTIFS, la Cour :<br> <br> CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 mars 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;<br> <br> Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;<br> <br> Condamne l'établissement public foncier d'Ile-de-France aux dépens ;<br> <br> En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'établissement public foncier d'Ile-de-France et le condamne à payer à la société Etablissements Moncassin la somme de 3 000 euros ;<br> <br> Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;<br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juillet deux mille vingt-quatre.,En sens contraire :3e Civ., 20 octobre 1981, pourvoi n° 80-70.328, Bull. 1981, III, n° 165 (cassation) ; 3e Civ., 11 mai 2006, pourvoi n° 05-70.020, Bull. 2006, III, n° 121 (rejet).A rapprocher : 2e Civ., 9 janvier 2020, pourvoi n° 18-24.107, Bull., (rejet).
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 4 juillet 2024, 23-16.019, Publié au bulletin
EXPROPRIATION POUR CAUSE D'UTILITE PUBLIQUE - Indemnité - Appel - Mémoire - Dépôt et notification - Mémoire de l'appelant - Délai de trois mois - Point de départ - Date de l'expédition de la déclaration d'appel par lettre recommandée avec avis de réception
2024-07-04
ECLI:FR:CCASS:2024:C300421
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000049906628
ARRET
JURITEXT000049906626
CHAMBRE_CIVILE_3
Article 14-2, II, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018.
JURI
Cour de cassation
La cotisation au fonds de travaux prévue par l'article 14-2, II, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, est appelée au même rythme que le budget prévisionnel et n'est pas répartie à proportion des provisions de ce budget incombant à chaque copropriétaire, mais comme les charges relatives à la conservation, à l'entretien et à l'administration des parties communes
Rejet
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br> CIV. 3<br> <br> FC<br> <br> <br> <br> COUR DE CASSATION<br> ______________________<br> <br> <br> Audience publique du 4 juillet 2024<br> <br> <br> <br> <br> Rejet<br> <br> <br> Mme TEILLER, président<br> <br> <br> <br> Arrêt n° 402 FS-B<br> <br> Pourvoi n° E 22-21.758 <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E <br> <br> _________________________<br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 JUILLET 2024<br> <br> M. [B] [S], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° E 22-21.758 contre l'arrêt rendu le 7 juin 2022 par la cour d'appel de Grenoble (2e chambre civile), dans le litige l'opposant au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [2], représenté par son syndic, la société Foncia immobilière des Hautes-Alpes, dont le siège est [Adresse 3], défendeur à la cassation.<br> <br> Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.<br> <br> Le dossier a été communiqué au procureur général.<br> <br> Sur le rapport de Mme Schmitt, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. [S], de Me Haas, avocat du syndicat des copropriétaires de l'immeuble [2], et l'avis de Mme Compagnie, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 mai 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Schmitt, conseiller référendaire rapporteur, Mme Grandjean conseiller faisant fonction de doyen, Mme Grall, M. Bosse-Platière, Mmes Proust, Pic, Mmes Aldigé, Gallet, Davoine, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires et Mme Maréville, greffier de chambre,<br> <br> la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; <br> <br> Faits et procédure <br> <br> 1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 7 juin 2022), M. [S] est propriétaire d'un lot situé dans le bâtiment D d'un ensemble immobilier, soumis au statut de la copropriété, qui comprend plusieurs bâtiments. A ce lot sont attachés 20/10 000e des parties communes générales et 285/10 000e des parties communes spéciales du sous-sol du bâtiment D.<br> <br> 2. M. [S] a assigné le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [2] (le syndicat des copropriétaires) en annulation de la résolution n° 12 de l'assemblée générale du 25 septembre 2018, qui avait décidé d'alimenter un fonds de travaux par une cotisation annuelle égale à cinq pour cent du budget prévisionnel, répartie à proportion des tantièmes généraux de charges. <br> <br> Examen du moyen<br> <br> Sur le moyen, pris en sa seconde branche<br> <br> 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.<br> <br> Et sur le moyen, pris en sa première branche<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 4. M. [S] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en annulation de la résolution n° 12 de l'assemblée générale du 25 septembre 2018, alors « que l'appel de cotisations destinées à alimenter le fonds de travaux ne doit pas avoir pour effet d'obliger le copropriétaire à participer aux charges entraînées par les services collectifs et les éléments d'équipement commun n'ayant aucune utilité pour son lot ; qu'à défaut d'avoir recherché, comme elle y était invitée, si le budget prévisionnel de la copropriété [2] n'avait pas été ventilé en dépenses générales, dépenses bâtiments A, B, C et dépenses garages bâtiment D et si la résolution litigieuse ne conduisait pas à faire supporter à M. [S] les dépenses afférentes aux bâtiments A, B et C, cependant que M. [S] n'était titulaire que d'un garage implanté sur le bâtiment D, lequel ne pouvait bénéficier des services collectifs et autres éléments d'équipement commun propres aux autres bâtiments, tels le chauffage, d'équipement en eau et le raccordement à l'égout, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 14-2 de la loi du 10 juillet 1965. »<br> <br> Réponse de la Cour <br> <br> 5. Selon l'article 14-2, II, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, dans les immeubles à destination partielle ou totale d'habitation soumis à la loi, le syndicat des copropriétaires constitue un fonds de travaux alimenté par une cotisation annuelle obligatoire versée par les copropriétaires selon les mêmes modalités que celles décidées par l'assemblée générale pour le versement des provisions du budget prévisionnel. Le montant, en pourcentage du budget prévisionnel, de cette cotisation ne peut être inférieur à 5 % du budget prévisionnel mentionné à l'article 14-1. <br> <br> 6. Selon l'article 10, alinéa 2, de cette loi, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019, les copropriétaires sont tenus de participer aux charges relatives à la conservation, à l'entretien et à l'administration des parties communes et de verser au fonds de travaux mentionné à l'article 14-2 la cotisation prévue au même article, proportionnellement aux valeurs relatives des parties privatives comprises dans leurs lots, telles que ces valeurs résultent des dispositions de l'article 5.<br> <br> 7. Il résulte du premier de ces textes que cette cotisation est appelée au même rythme que le budget prévisionnel et du second qu'elle n'est pas répartie à proportion des provisions de ce budget incombant à chaque copropriétaire, mais comme les charges relatives à la conservation, à l'entretien et à l'administration des parties communes générales.<br> <br> 8. Sans être tenue d'effectuer une recherche que ses constatations rendaient inopérante, la cour d'appel a exactement retenu que la délibération litigieuse, qui avait décidé d'une répartition des cotisations en fonction des « millièmes » généraux, ne contrevenait pas à la loi et a ainsi légalement justifié sa décision de rejeter la demande d'annulation.<br> <br> PAR CES MOTIFS, la Cour :<br> <br> REJETTE le pourvoi ;<br> <br> Condamne M. [S] aux dépens ;<br> <br> En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [S] et le condamne à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [2] la somme de 3 000 euros ;<br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juillet deux mille vingt-quatre.
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 4 juillet 2024, 22-21.758, Publié au bulletin
COPROPRIETE - Parties communes - Charges - Répartition - Conservation, entretien et administration - Cotisation au fonds de travaux
2024-07-04
ECLI:FR:CCASS:2024:C300402
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000049906626
ARRET
JURITEXT000049906616
CHAMBRE_CIVILE_3
Article L. 321-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.
JURI
Cour de cassation
L'éviction partielle d'un fonds de commerce consécutive à une expropriation peut générer un préjudice affectant l'activité poursuivie par l'exploitant dans les locaux hors emprise, distinct de celui indemnisé par l'allocation de la valeur partielle du fonds et par l'indemnité de remploi, à charge pour celui-ci d'en rapporter la preuve
Cassation partielle
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br> CIV. 3<br> <br> JL<br> <br> <br> <br> COUR DE CASSATION<br> ______________________<br> <br> <br> Audience publique du 4 juillet 2024<br> <br> <br> <br> <br> Cassation partielle<br> <br> <br> Mme TEILLER, président<br> <br> <br> <br> Arrêt n° 366 FS-B<br> <br> Pourvoi n° J 23-15.027 <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E <br> <br> _________________________<br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 JUILLET 2024<br> <br> La société République auto Montrouge, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° J 23-15.027 contre l'arrêt rendu le 15 février 2023 par la cour d'appel de Versailles (4e chambre civile, expropriations), dans le litige l'opposant à l'établissement public foncier d'Ile-de-France (EPFIF), dont le siège est [Adresse 1], défendeur à la cassation.<br> <br> La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.<br> <br> Le dossier a été communiqué au procureur général.<br> <br> Sur le rapport de Mme Rat, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société République auto Montrouge, de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de l'établissement public foncier d'Ile-de-France, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 22 mai 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Rat, conseiller référendaire rapporteur, M. Boyer, conseiller faisant fonction de doyen, Mme Abgrall, MM. Pety, Brillet, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mmes Brun, Vernimmen, conseillers référendaires, M. Brun, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre,<br> <br> la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; <br> <br> Faits et procédure <br> <br> 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 15 février 2023) et les productions, par suite de l'expropriation à son profit de parcelles louées à la société République auto Montrouge, exerçant une activité de vente et de réparation de véhicules, l'établissement public foncier d'Ile-de-France (l'EPFIF) a saisi le juge de l'expropriation en fixation des indemnités revenant à cette société. <br> <br> Examen des moyens<br> <br> Sur le premier moyen<br> <br> 2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. <br> <br> Mais sur le second moyen<br> <br> Enoncé du moyen <br> <br> 3. La société République auto Montrouge fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'indemnité pour trouble commercial, alors « qu'aux termes de l'article L. 321-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, les indemnités allouées couvrent l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation ; que l'éviction de l'exploitant d'une partie des locaux d'exercice de son activité commerciale, subissant ainsi une perte partielle de son fonds de commerce, lui cause nécessairement un trouble commercial ; qu'en décidant du contraire pour refuser d'indemniser la société République auto Montrouge, la cour d'appel a violé la disposition susvisée. »<br> <br> Réponse de la Cour <br> <br> Vu l'article L. 321-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique :<br> <br> 4. Aux termes de ce texte, les indemnités allouées couvrent l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation.<br> <br> 5. L'exploitant évincé peut demander réparation du trouble commercial consécutif à la mesure d'expropriation, dès lors qu'il est distinct du préjudice indemnisé par l'allocation de la valeur totale du fonds et par l'indemnité de remploi. <br> <br> 6. Pour rejeter la demande au titre d'une indemnité pour trouble commercial, l'arrêt retient qu'une telle indemnité, due en cas de transfert d'activité pour compenser la période d'adaptation nécessaire, ne l'est pas en cas de perte partielle du fonds de commerce, faute pour l'activité évincée d'avoir vocation à reprendre.<br> <br> 7. En statuant ainsi, alors que l'éviction partielle d'un fonds de commerce peut générer un préjudice affectant l'activité poursuivie par l'exploitant dans les locaux hors emprise, distinct de celui indemnisé par l'allocation de la valeur partielle du fonds et par l'indemnité de remploi, à charge pour celui-ci d'en rapporter la preuve, la cour d'appel a violé le texte susvisé. <br> <br> PAR CES MOTIFS, la Cour :<br> <br> CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il infirme le jugement du chef du trouble commercial et en ce qu'il rejette la demande formée à ce titre par la société République auto Montrouge, l'arrêt rendu le 15 février 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;<br> <br> Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;<br> <br> Condamne l'établissement public foncier d'Ile-de-France aux dépens ; <br> <br> En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'établissement public foncier d'Ile-de-France et le condamne à payer à la société République auto Montrouge la somme de 3 000 euros ;<br> <br> Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;<br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juillet deux mille vingt-quatre.,3e Civ., 26 juin 1970, pourvoi n° 69-70.249, Bull. 1970, III, n° 453 (rejet) ;3e Civ., 25 juin 1997, pourvoi n° 95-70.257, Bull. 1997, III, n° 156 (cassation partielle).
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 4 juillet 2024, 23-15.027, Publié au bulletin
EXPROPRIATION POUR CAUSE D'UTILITE PUBLIQUE - Indemnité - Préjudice - Réparation - Fonds de commerce - Trouble commercial - Eviction partielle - Préjudice distinct de celui indemnisé par l'indemnité principale et l'indemnité de remploi
2024-07-04
ECLI:FR:CCASS:2024:C300366
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000049906616
ARRET
JURITEXT000049906604
CHAMBRE_CIVILE_2
Articles 2 et 4 de la loi du 31 décembre 1903 relative à la vente de certains objets abandonnés.
JURI
Cour de cassation
Il résulte des articles 2 et 4 de la loi du 31 décembre 1903 relative à la vente de certains objets abandonnés, que le propriétaire peut former opposition à l'ordonnance sur requête ordonnant la vente publique du bien à la demande du professionnel, lorsqu'il n'aura pas été entendu dans les conditions prévues à l'article 2 de la loi précitée, l'opposition ayant pour seul objet de soumettre à un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées. Dès lors, la cour d'appel, qui a constaté que l'ordonnance du juge avait été rendue après un débat contradictoire tenu à l'audience au cours de laquelle le propriétaire avait comparu et développé ses moyens de défense, en a exactement déduit que son opposition à l'encontre de cette décision était irrecevable
Rejet
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br> CIV. 2<br> <br> LM<br> <br> <br> <br> COUR DE CASSATION<br> ______________________<br> <br> <br> Audience publique du 4 juillet 2024<br> <br> <br> <br> <br> Rejet<br> <br> <br> Mme MARTINEL, président<br> <br> <br> <br> Arrêt n° 648 F-B<br> <br> Pourvoi n° D 21-25.801 <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E <br> <br> _________________________<br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 JUILLET 2024<br> <br> M. [B] [G], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 21-25.801 contre l'arrêt rendu le 24 juin 2021 par la cour d'appel de Basse-Terre (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Transat Antilles voyages, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.<br> <br> Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.<br> <br> Le dossier a été communiqué au procureur général.<br> <br> Sur le rapport de Mme Caillard, conseiller, les observations de la SCP Françoise Fabiani - François Pinatel, avocat de M. [G], et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 mai 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Caillard, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,<br> <br> la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; <br> <br> Faits et procédure<br> <br> 1. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 24 juin 2021), saisi par une assignation de la société Transat Antilles voyages (la société), un juge d'instance, par ordonnance du 20 novembre 2017, a autorisé la vente aux enchères publiques d'un navire qui lui avait été confié par son propriétaire, M. [G].<br> <br> 2. Le 22 mars 2018, M. [G] a signifié à la société son opposition à cette vente et l'a assignée devant un tribunal d'instance qui, par jugement du 15 novembre 2019, a rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'opposition, a dit l'opposition recevable, a mis à néant l'ordonnance du 20 novembre 2017 et a autorisé la vente du navire en application de la loi du 31 décembre 1903 relative à la vente de certains objets abandonnés.<br> <br> 3. M. [G] a interjeté appel de cette décision.<br> <br> Examen du moyen<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 4. M. [G] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable son opposition formée à l'encontre de l'ordonnance du 20 novembre 2017, alors « qu'il ressort de la combinaison des articles 1, 2 et 4 de la loi du 31 décembre 1903 qui régit spécifiquement la vente d'un objet dit abandonné que l'opposition à la vente formée par le propriétaire dudit objet n'est pas limitée au seul cas où il n'a pas été entendu ; que ce dispositif déroge au droit général régissant les ordonnances sur requête, tel qu'il ressort du code de procédure civile ; que pour déclarer irrecevable l'opposition formée par M. [G] à l'encontre de l'ordonnance du 20 novembre 2017, l'arrêt attaqué retient que la mise en oeuvre de la procédure particulière de la loi du 31 décembre 1903 s'apprécie au prisme des dispositions figurant dans le code de procédure civile dès lors que le législateur n'a pas entendu y déroger ni spécifiquement, ni explicitement et que l'instance en rétractation n'a pour seul objet que de soumettre à un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées à l'initiative d'une partie en l'absence de son adversaire ; qu'en statuant ainsi, quand le propriétaire peut faire opposition à la vente aux enchères publiques que l'ordonnance ait été ou non rendue de manière contradictoire, la cour d'appel a violé par fausse interprétation les textes susvisés dans leur rédaction applicable en la cause. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> 5. Selon l'article 2 de la loi du 31 décembre 1903 relative à la vente de certains objets abandonnés, lorsque des biens n'auront pas été retirés dans le délai d'un an auprès d'un professionnel auquel ils auront été confiés, ce professionnel peut présenter à un juge du tribunal d'instance une requête à fin de vente publique de ces biens. L'ordonnance du juge est rendue après que le propriétaire aura été entendu ou appelé. Lorsque l'ordonnance n'aura pas été rendue en présence du propriétaire, l'officier public commis le préviendra sous un certain délai, par lettre recommandée, des lieu, jour et heure de la vente, dans le cas où son domicile sera connu.<br> <br> 6. L'article 4 de la même loi dispose que le propriétaire peut s'opposer à la vente par exploit signifié au professionnel et que cette opposition emportera de plein droit citation à comparaître à la première audience utile du juge du tribunal d'instance qui a autorisé la vente.<br> <br> 7. Il résulte de ces textes que le propriétaire peut former opposition à l'ordonnance sur requête lorsqu'il n'aura pas été entendu dans les conditions prévues à l'article 2 de la loi précitée, l'opposition ayant pour seul objet de soumettre à un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées.<br> <br> 8. Ayant relevé que l'ordonnance du 20 novembre 2017 avait été rendue après un débat contradictoire tenu à l'audience, au cours de laquelle M. [G] avait comparu et développé ses moyens de défense, la cour d'appel en a exactement déduit que son opposition à l'encontre de cette décision était irrecevable.<br> <br> 9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.<br> <br> PAR CES MOTIFS, la Cour :<br> <br> REJETTE le pourvoi. <br> <br> Condamne M. [G] aux dépens ;<br> <br> En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;<br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juillet deux mille vingt-quatre.,2e Civ., 19 mars 2020, pourvoi n° 19-11.547 (rejet).
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 4 juillet 2024, 21-25.801, Publié au bulletin
PROCEDURE CIVILE - Ordonnance sur requête - Sauvegarde des droits d'une partie ou d'un tiers - Mesures prises contradictoirement - Vente de certains objets abandonnés - Cas - Opposition - Irrecevabilité
2024-07-04
ECLI:FR:CCASS:2024:C200648
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000049906604
ARRET
JURITEXT000049906606
CHAMBRE_CIVILE_2
Articles 424, 600 et 978 du code de procédure civile.
JURI
Cour de cassation
Il résulte des articles 424 et 600 du code de procédure civile que le ministère public, en matière de recours en révision, n'est pas partie principale, mais partie jointe. Les dispositions de l'article 978 du code de procédure civile ne s'appliquant pas lorsque le ministère public a la qualité de partie jointe devant la cour d'appel, la déchéance du pourvoi, faute de signification du mémoire ampliatif au procureur général de la cour d'appel, n'est pas encourue en matière de recours en révision
Cassation partielle
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br> CIV. 2<br> <br> LM<br> <br> <br> <br> COUR DE CASSATION<br> ______________________<br> <br> <br> Audience publique du 4 juillet 2024<br> <br> <br> <br> <br> Cassation partielle<br> <br> <br> Mme MARTINEL, président<br> <br> <br> <br> Arrêt n° 649 F-B<br> <br> Pourvoi n° K 22-13.575 <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E <br> <br> _________________________<br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 JUILLET 2024<br> <br> Mme [P] [K], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° K 22-13.575 contre l'arrêt rendu le 1er mars 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 3, chambre 2), dans le litige l'opposant à M. [J] [N], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.<br> <br> La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.<br> <br> Le dossier a été communiqué au procureur général.<br> <br> Sur le rapport de Mme Caillard, conseiller, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de Mme [K], de la SCP Boullez, avocat de M. [N], et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 mai 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, Mme Caillard, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,<br> <br> la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; <br> <br> Déchéance du pourvoi soulevée par la défense<br> <br> 1. M. [N] demande que Mme [K] soit déchue de son pourvoi, sur le fondement des articles 978 et 615 du code de procédure civile, au motif que le mémoire ampliatif n'a pas été signifié au ministère public qui figurait dans l'instance en révision comme partie jointe et que l'objet du pourvoi étant indivisible, la déchéance du pourvoi en résultant est encourue à l'égard de toutes les parties.<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> 2. Selon l'article 978 du code de procédure civile, le mémoire déposé par le demandeur en cassation doit, à peine de déchéance du pourvoi, être notifié dans le délai de quatre mois à compter du pourvoi, aux avocats des autres parties ou à la partie qui n'est pas tenue de constituer un avocat au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation.<br> <br> 3. Il est jugé que le ministère public ne peut être défendeur au pourvoi que s'il est partie principale à la décision attaquée (1re Civ., 21 mars 2018, pourvoi n° 16-10.677)<br> <br> 4. Or, il résulte des articles 424 et 600 du code de procédure civile que le ministère public, en matière de recours en révision, n'est pas partie principale, mais partie jointe.<br> <br> 5. Dès lors, les dispositions de l'article 978 ne trouvant pas à s'appliquer quand le ministère public avait la qualité de partie jointe devant la cour d'appel, la déchéance du pourvoi, faute de signification du mémoire ampliatif au ministère public, n'est pas encourue.<br> <br> Faits et procédure<br> <br> 6. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 1er mars 2022) et les productions, une cour d'appel, par arrêt du 10 mars 2020, a confirmé le jugement du 3 juillet 2018 d'un juge aux affaires familiales ayant prononcé le divorce de Mme [K] et M. [N] à leurs torts partagés, rejeté leurs demandes indemnitaires et condamné M. [N] à payer à Mme [K] une prestation compensatoire d'un certain montant.<br> <br> 7. Le 18 juin 2020, Mme [K] s'est pourvue en cassation contre cet arrêt.<br> <br> 8. Le 31 août 2020, elle a également formé un recours en révision contre l'arrêt du 10 mars 2020, sollicitant sa rétractation en ce qu'il a confirmé le jugement de première instance ayant rejeté ses demandes indemnitaires et limité le montant de la prestation compensatoire.<br> <br> 9. Par une ordonnance du 12 novembre 2020, la Cour de cassation a constaté son désistement.<br> <br> 10. Le 28 décembre 2020, Mme [K] a formé un second recours en révision contre l'arrêt du 10 mars 2020, sollicitant les mêmes demandes. Les deux procédures ont été jointes et M. [N] a conclu à l'irrecevabilité des deux recours en révision.<br> <br> Examen du moyen<br> <br> Sur le moyen, pris en sa première branche<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 11. Mme [K] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses recours en révision d'un arrêt du 10 mars 2020 de la cour d'appel de Paris, formés les 31 août et 28 décembre 2020, alors « que dans les cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée, l'irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue ; qu'en l'espèce, pour déclarer irrecevable le recours en révision de Mme [K] formé le 31 août 2020, motifs pris que la décision d'appel dont la révision était demandée n'était pas passée en force de chose jugée en raison du pourvoi interjeté, le 18 juin 2020, à l'encontre de cette même décision par l'exposante, la Cour d'appel, après avoir pourtant constaté que l'arrêt de la Cour d'appel du 10 mars 2020 avait « acquis force de chose jugée au désistement du pourvoi le 27 octobre 2020 », a cru pouvoir affirmer que « c'est à la date du recours en révision qu'il convient de se placer pour en apprécier la régularité » ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a violé les articles 126 et 593 du code de procédure civile. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> 12. Aux termes de l'article 593 du code de procédure civile, le recours en révision tend à faire rétracter un jugement passé en force de chose jugée pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit.<br> <br> 13. La condition de recevabilité du recours en révision, tenant à l'existence d'un jugement passé en force de chose jugée, s'apprécie au jour de l'introduction de ce recours.<br> <br> 14. Ayant constaté qu'en raison de l'effet suspensif du pourvoi en cassation, l'arrêt du 10 mars 2020 n'était pas passé en force de chose jugée le 31 août 2020, date d'introduction du premier recours en révision, mais à la date du désistement du pourvoi le 27 octobre 2020, la cour d'appel en a exactement déduit, sans méconnaître les dispositions de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que le recours en révision, formé le 31 août 2020, était irrecevable.<br> <br> 15. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.<br> <br> Mais sur le moyen, pris en sa deuxième branche<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 16. Mme [K] fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'une partie n'est pas recevable à demander la révision d'une décision qu'elle a déjà attaquée par cette voie, si ce n'est pour une cause qui se serait révélée postérieurement ; que lorsqu'un recours en révision est irrecevable pour avoir été formé de façon prématurée, il ne peut faire obstacle à la formation d'un second recours en révision, au seul motif qu'il est fondé sur la même cause que le premier, cependant que le premier recours n'a pas été examiné ; qu'en l'espèce, pour juger irrecevable le second recours en révision formé par Mme [K] le 28 décembre 2020, la Cour d'appel, après avoir énoncé que « l'article 603 du code de procédure civile exige expressément l'existence d'une cause révélée postérieurement au premier », a relevé que « le second recours en révision de Mme [K], identique au premier et ne se fondant sur aucune des causes énumérées à l'article 595 [du code de procédure civile] survenue postérieurement au 31 août 2020, mais se limitant à invoquer les mêmes faits que dans le recours en révision du 31 août 2020, est donc également irrecevable » ; qu'en statuant ainsi, cependant que la cause justifiant le premier recours en révision formé par Mme [K] ¿ tenant dans la découverte de pièces décisives dissimulées par M. [N] ¿ n'avait pas été examinée, de sorte qu'elle n'avait pas à invoquer une nouvelle cause de révision au soutien de son second recours en révision, la Cour d'appel a violé les articles 126, 595 et 603 du code de procédure civile. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> Vu les articles 126 et 603, alinéa 1er, du code de procédure civile :<br> <br> 17. Selon le premier de ces textes, dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée, l'irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue.<br> <br> 18. Aux termes du second, une partie n'est pas recevable à demander la révision d'un jugement qu'elle a déjà attaqué par cette voie, si ce n'est pour une cause qui se serait révélée postérieurement.<br> <br> 19. Il en résulte que lorsqu'un recours en révision a été formé prématurément contre une décision rendue en matière familiale, objet d'un pourvoi suspensif en application des articles 1086 et 1087 du code de procédure civile, ce texte n'interdit pas à son auteur de former un second recours en révision contre la même décision, après désistement de son pourvoi, sans que la partie ait à invoquer une nouvelle cause de révision tant que le premier recours en révision n'a pas été examiné ou déclaré irrecevable.<br> <br> 20. Pour déclarer irrecevable le second recours en révision formé par Mme [K] le 28 décembre 2020, l'arrêt retient que ce recours, identique au premier, ne se fonde sur aucune des causes énumérées à l'article 595 du même code, survenue postérieurement au 31 août 2020, mais se limite à invoquer les mêmes faits que dans le recours en révision du 31 août 2020.<br> <br> 21. En statuant ainsi, alors, d'une part, que le premier recours en révision était dirigé contre un arrêt n'ayant pas force de chose jugée en raison de l'effet suspensif du pourvoi, d'autre part, que cet arrêt ayant acquis force de chose jugée à la suite du désistement du pourvoi de la demanderesse, celle-ci a introduit le second recours en révision avant que le premier recours en révision ait été examiné ou que son irrecevabilité ait été prononcée, la cour d'appel a violé le texte susvisé.<br> <br> PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :<br> <br> DIT n'y avoir lieu à déchéance du pourvoi ;<br> <br> CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré irrecevable le recours en révision formé par Mme [K] le 28 décembre 2020, l'arrêt rendu le 1er mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;<br> <br> Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée. <br> <br> Condamne M. [N] aux dépens ;<br> <br> En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;<br> <br> Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;<br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juillet deux mille vingt-quatre.,2e Civ., 1 juillet 2021, pourvoi n° 19-24.316 (cassation) ;2e Civ., 3 septembre 2015, pourvoi n° 14-18.750 (déchéance).
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 4 juillet 2024, 22-13.575, Publié au bulletin
RECOURS EN REVISION - Procédure - Ministère public - Mémoire ampliatif - Absence de notification - Déchéance du pourvoi (non),RECOURS EN REVISION - Procédure - Ministère public - Qualité - Effet
2024-07-04
ECLI:FR:CCASS:2024:C200649
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000049906606
ARRET
JURITEXT000049857501
CHAMBRE_CIVILE_3
Articles L. 121-1, L. 123-4, L. 123-15 et L. 124-1 du code rural et de la pêche maritime.
JURI
Cour de cassation
Il résulte des articles L. 121-1, L. 123-4, L. 123-15 et L. 124-1 du code rural et de la pêche maritime que les échanges amiables d'immeubles ruraux, même en l'absence d'un périmètre d'aménagement, constituent un mode d'aménagement foncier rural, reposant sur le principe d'équivalence des attributions, et que les coéchangistes ne peuvent déroger, sans l'accord du preneur, au report du bail rural sur les parcelles acquises par le bailleur
Rejet
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br> CIV. 3<br> <br> MF<br> <br> <br> <br> COUR DE CASSATION<br> ______________________<br> <br> <br> Audience publique du 27 juin 2024<br> <br> <br> <br> <br> Rejet<br> <br> <br> Mme TEILLER, président<br> <br> <br> <br> Arrêt n° 343 FS-B<br> <br> Pourvoi n° C 22-23.803 <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E <br> <br> _________________________<br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 JUIN 2024<br> <br> 1°/ M. [R] [I], domicilié [Adresse 6], [Localité 5],<br> <br> 2°/ M. [L] [N],<br> <br> 3°/ Mme [Z] [J], épouse [N], <br> <br> tous deux domiciliés [Adresse 1], [Localité 4],<br> <br> 4°/ la société [N] agriculture, société civile d'exploitation agricole, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 4],<br> <br> ont formé le pourvoi n° C 22-23.803 contre deux arrêts rendus les 25 mai et 5 octobre 2022 par la cour d'appel de Reims (chambre sociale), dans le litige les opposant à M. [W] [S], domicilié [Adresse 3], [Localité 2], défendeur à la cassation.<br> <br> Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.<br> <br> Le dossier a été communiqué au procureur général.<br> <br> Sur le rapport de M. Bosse-Platière, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [I], M. et Mme [N] et de la société [N] agriculture, de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [S], et l'avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 mai 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Bosse-Platière, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, M. David, Mmes Grandjean, Grall, Proust, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, et Mme Maréville, greffier de chambre,<br> <br> la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; <br> <br> Faits et procédure <br> <br> 1. Selon les arrêts attaqués (Reims, 25 mai et 5 octobre 2022) et les productions, par acte du 9 août 2017, M. [I] a cédé, à titre d'échange, à M. et Mme [N], trois parcelles, louées par bail rural à M. [S], contre une parcelle, d'une superficie équivalente, en précisant que le preneur continuerait à exploiter les terres dont il est locataire.<br> <br> 2. Le 28 décembre 2017, M. [S] a formé opposition à l'acte d'échange.<br> <br> 3. Le 14 février 2018, M. [I] a donné à bail rural à M. et Mme [N], ainsi qu'à leur fils, M. [X] [N], la parcelle avec eux échangée, laquelle a été mise à disposition de la société civile d'exploitation agricole [N] agriculture (la SCEA).<br> <br> 4. Le 10 février 2020, M. [S] a saisi un tribunal paritaire des baux ruraux en demandant la poursuite de son bail sur la parcelle acquise par M. [I]. <br> <br> Examen du moyen<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 5. M. [I], M. et Mme [N], et la SCEA font grief à l'arrêt du 5 octobre 2022 d'ordonner que le bail consenti par M. [I] à M. [S] se poursuive sur la parcelle désormais propriété de M. [I], alors :<br> <br> « 1°/ qu'en cas d'échange amiable d'immeubles ruraux, le report des effets du bail sur les parcelles acquises en échange par le bailleur n'a lieu qu'en l'absence de volonté contraire exprimée par les parties à l'acte d'échange ; qu'en présence d'une telle volonté contraire exprimée dans l'acte, le preneur ¿ voyant ses droits maintenus sur les parcelles objet du bail ¿ ne dispose d'aucune faculté d'opposition ; qu'en retenant néanmoins, pour considérer que le bail consenti par M. [I] à M. [S] se poursuivait sur la parcelle acquise en échange par M. [I], qu'en convenant seuls d'une absence de transfert du droit au bail à laquelle M. [S] aurait dû consentir, les échangistes ¿ M. [I] et les époux [N] ¿ auraient méconnu son droit au report des effets du bail sur la parcelle échangée, la cour d'appel a violé les articles L. 124-1 et L. 123-15 du code rural et de la pêche maritime, ensemble les articles 1702, 1707 et 1743 du code civil ;<br> <br> 2°/ que le locataire d'une parcelle faisant l'objet d'un échange amiable n'a le droit d'obtenir le report des effets du bail sur les parcelles acquises en échange par le bailleur que dans la mesure où l'étendue de sa jouissance est diminuée par l'effet de l'échange amiable ; qu'en retenant, pour statuer comme elle l'a fait, que le droit de M. [S] au report des effets du bail sur la parcelle échangée par M. [I] ne serait pas subordonnée à une diminution de sa jouissance par l'effet de l'échange amiable, la cour d'appel a violé les articles L. 124-1 et L. 123-15 du code rural et de la pêche maritime, ensemble les articles 1702, 1707 et 1743 du code civil. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> 6. Selon les articles L. 121-1, L. 123-4, L. 123 15 et L. 124-1 du code rural et de la pêche maritime, les échanges amiables d'immeubles ruraux, même en l'absence d'un périmètre d'aménagement, constituent un mode d'aménagement foncier rural, reposant sur le principe d'équivalence des attributions, et les coéchangistes ne peuvent déroger, sans l'accord du preneur, au report du bail rural sur les parcelles acquises par le bailleur. <br> <br> 7. En premier lieu, la cour d'appel a relevé qu'il résultait de l'acte notarié du 9 août 2017 que l'échange entre M. [I] et M. et Mme [N] était intervenu en application de l'article L. 124-1 du code rural et de la pêche maritime, et a, à bon droit, retenu que ce type d'échange était assimilé à ceux réalisés par voie d'aménagement foncier, agricole et forestier, pour lesquels le preneur a le choix d'obtenir le report des effets du bail sur les parcelles acquises en échange, sans que celui-ci soit subordonné à une diminution de sa jouissance par l'effet de l'échange ou à la résiliation du bail sans indemnité.<br> <br> 8. En second lieu, elle a constaté que les parties à l'acte d'échange avaient stipulé que M. [S] continuerait à exploiter les terres dont il était locataire, sans qu'il ait consenti à cette disposition.<br> <br> 9. Elle en a exactement déduit que M. [S] était fondé à demander que le bail dont il était titulaire se poursuive sur la parcelle reçue en échange par M. [I], l'échange intervenu lui imposant une substitution de bailleur à laquelle il n'avait pas consenti. <br> <br> 10. Le moyen n'est donc pas fondé.<br> <br> PAR CE MOTIFS, la Cour :<br> <br> REJETTE le pourvoi ;<br> <br> Condamne M. [I], M. et Mme [N] et la société civile d'exploitation agricole [N] agriculture aux dépens ;<br> <br> En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [I], M. et Mme [N] et la société civile d'exploitation agricole [N] agriculture et les condamne à payer à M. [S] la somme de 3 000 euros ;<br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept juin deux mille vingt-quatre.
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 27 juin 2024, 22-23.803, Publié au bulletin
BAIL RURAL - Bail à ferme - Remembrement - Effets - Option du preneur - Report du bail - Parcelles acquises en échange amiable - Dérogation - Conditions - Accord du preneur
2024-06-27
ECLI:FR:CCASS:2024:C300343
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000049857501
ARRET
JURITEXT000049857370
CHAMBRE_CIVILE_1
null
JURI
Cour de cassation
En matière d'isolement et de contention, les dispositions spécifiques de l'article R. 3211-33-1, III, 3°, du code de la santé publique, dérogeant aux règles générales applicables à la procédure en matière de soins psychiatriques sans consentement prévues à l'article R. 3211-12, 5°, b), du même code, l'avis médical, qui indique les motifs médicaux faisant obstacle à l'audition du patient par le juge, peut être rédigé par un psychiatre participant à la prise en charge. Il résulte de l'article L. 3222-5-1, alinéa 5, du code de la santé publique, qu'après une première ordonnance de maintien d'une mesure d'isolement ou de contention, le délai de 48 heures dont dispose le médecin pour informer le juge des libertés et de la détention du renouvellement de la mesure court à compter de l'expiration du délai de 24 heures dont le juge disposait pour statuer sur la requête en première prolongation. Il résulte de ce même article qu'après une première ordonnance de maintien d'une mesure d'isolement ou de contention, le délai de 72 heures dont dispose le juge des libertés et de la détention pour statuer sur la nouvelle requête court à compter de l'expiration du délai de 24 heures dont celui-ci disposait pour statuer sur la requête en première prolongation
Rejet
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br> CIV. 1<br> <br> MY1<br> <br> <br> <br> COUR DE CASSATION<br> ______________________<br> <br> <br> Audience publique du 26 juin 2024<br> <br> <br> <br> <br> Rejet<br> <br> <br> Mme CHAMPALAUNE, président<br> <br> <br> <br> Arrêt n° 379 F-B<br> <br> Pourvoi n° T 23-14.230<br> <br> Aide juridictionnelle totale en demande<br> au profit de Mme [E].<br> Admission du bureau d'aide juridictionnelle<br> près la Cour de cassation<br> en date du 10 février 2023.<br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E <br> <br> _________________________<br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 26 JUIN 2024<br> <br> Mme [X] [E], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° T 23-14.230 contre l'ordonnance rendue le 20 janvier 2023 par le premier président de la cour d'appel de Rennes, dans le litige l'opposant au centre hospitalier [3], dont le siège est [Adresse 1], défendeur à la cassation.<br> <br> La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.<br> <br> Le dossier a été communiqué au procureur général.<br> <br> Sur le rapport de Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de Mme [E], et après débats en l'audience publique du 14 mai 2024 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,<br> <br> la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; <br> <br> Faits et procédure<br> <br> 1. Selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel (Rennes, 20 janvier 2023), le 20 décembre 2022, Mme [E] a été admise en soins psychiatriques sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète sur décision du représentant de l'Etat dans le département. Par ordonnance du 30 décembre 2022, le juge des libertés et de la détention a autorisé la poursuite de la mesure. Par arrêté du 8 janvier 2023, la patiente a fait l'objet d'un transfert dans une unité hospitalière spécialement aménagée (UHSA) du centre hospitalier [3] de [Localité 4]. Le 11 janvier 2023 à 17h58, elle a été placée à l'isolement. Par ordonnance rendue le 14 janvier 2023 à 19h07, le juge des libertés et de la détention a autorisé le maintien de la mesure d'isolement.<br> <br> 2. Le 18 janvier 2022 à 15h39, le directeur d'établissement a saisi le juge d'une nouvelle demande d'autorisation de poursuite de la mesure.<br> <br> Examen des moyens<br> <br> Sur le troisième moyen<br> <br> 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. <br> <br> Sur le premier moyen<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 4. Mme [E] fait grief à l'ordonnance d'autoriser le maintien de la mesure d'isolement, alors « que, lorsque le directeur de l'établissement saisit le juge des libertés et de la détention, en application du II de l'article L. 3222-5-1 du code de la santé publique, sont jointes à la requête les pièces mentionnées à l'article R. 3211-12 du même code ainsi que les précédentes décisions d'isolement ou de contention prises à l'égard du patient et tout autre élément de nature à éclairer le juge ; que l'article R. 3211-12, 5° du code de la santé publique prévoit que sont communiqués au juge des libertés et de la détention afin qu'il statue l'avis d'un psychiatre ne participant pas à la prise en charge de la personne qui fait l'objet de soins, indiquant les motifs médicaux qui feraient obstacle à son audition ; qu'en décidant que cette prescription n'avait pas à être observée dès lors que l'article R. 3211-33-1 du code de la santé publique institue "un régime spécial pour l'audition du patient à l'état d'isolement", quand le renvoi aux pièces mentionnées à l'article R. 3211-12 dudit code était général et qu'elle constatait que, le 18 janvier 2023, le docteur [K] avait certifié que l'état de Mme [X] [E] ne permettait son audition par le juge des libertés et de la détention "ni par représentation physique, ni par moyen de télécommunication", mais que ce médecin avait « effectivement participé, parmi d'autres, à la mise en oeuvre de la mesure d'isolement », la cour d'appel a violé lesdits textes, ensemble l'article 6.1 de la convention EDH. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> 5. Selon l'article R. 3211-33-1, III, 3°, du code de la santé publique, si le patient placé à l'isolement ou sous contention demande à être entendu par le juge des libertés et de la détention, saisi par le directeur de l'établissement, celui-ci communique au greffe un avis d'un médecin relatif à l'existence éventuelle de motifs médicaux faisant obstacle, dans son intérêt, à son audition et à la compatibilité de l'utilisation de moyens de télécommunication avec son état mental.<br> <br> 6. C'est à bon droit que le premier président, par motifs propres et adoptés, a retenu que ces dispositions spécifiques en matière d'isolement et de contention dérogeaient aux règles générales applicables à la procédure en matière de soins psychiatriques sans consentement prévues à l'article R. 3211-12, 5°, b) du code de la santé publique et n'imposaient pas que l'avis médical soit rédigé par un psychiatre ne participant pas à la prise en charge.<br> <br> 7. Le moyen n'est donc pas fondé.<br> <br> Sur le quatrième moyen<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 8. Mme [E] fait le même grief à l'ordonnance, alors « qu'à titre exceptionnel, le médecin peut renouveler, au-delà de la durée totale prévue au I de l'article L. 3222-5-1 du code de la santé publique la mesure d'isolement et le directeur de l'établissement informe sans délai le juge des libertés et de la détention du renouvellement de cette mesure ; qu'il résulte des constatations de l'ordonnance que Mme [X] [E] a été placée à l'isolement depuis le 11 janvier 2023 à 17h58, de sorte que la première période d'isolement venait à expiration le 14 janvier 2023 à 17h58 et que le juge des libertés et de la détention devait être informé sans délai du renouvellement au-delà de la durée totale de quarante-huit heures, soit le 16 janvier 2023 à 17h58 ; d'où il suit qu'en statuant comme il l'a fait, en retenant que "le renouvellement a été opéré le 17 janvier 2023 à 17h48, de sorte qu'il [le premier juge] a pu juger convenable le délai de prévenance de deux heures observé par le directeur du centre hospitalier", le président de la cour d'appel de Rennes a, dans son ordonnance attaquée, violé l'article L. 3222-5-1 du code de la santé publique. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> 9. Il résulte de l'article L. 3222-5-1, alinéa 5, du code de la santé publique, qu'après une première autorisation judiciaire de maintien d'une mesure d'isolement et si celle-ci est renouvelée par le médecin, le juge des libertés et de la détention doit être informé sans délai de ce renouvellement au-delà de quarante-huit heures après l'expiration du délai de vingt-quatre heures dont il disposait pour statuer sur la première requête.<br> <br> 10. C'est donc à bon droit qu'après avoir relevé que la mesure d'isolement avait débuté le 11 janvier 2023 à 17h58, le premier président s'est placé à la date du 17 janvier 2023 à 17h58 pour apprécier si le juge des libertés et de la détention avait été informé, sans délai, du renouvellement de la mesure à l'issue de la première autorisation de maintien.<br> <br> 11. Le moyen n'est donc pas fondé.<br> <br> Sur le deuxième moyen<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 12. Mme [E] fait le même grief à l'ordonnance, alors « que la mesure d'isolement dont le maintien a été autorisé judiciairement court à compter du terme de la précédente période d'isolement et non à compter de l'autorisation délivrée par le juge des libertés et de la détention ; qu'il résulte des constatations de l'ordonnance que Mme [X] [E] a été placée à l'isolement depuis le 11 janvier 2023 à 17h58, de sorte que la première période d'isolement venait à expiration le 14 janvier 2023 à 17h58 et que le juge des libertés et de la détention devait être saisi avant l'expiration d'une nouveau délai courant à compter de cette date, pour venir ainsi à expiration le 17 janvier 2023 à 17h58 ; d'où il suit qu'en statuant comme il l'a fait, en retenant que "le directeur du centre hospitalier a saisi le juge des libertés et de la détention pour le renouvellement de la mesure le 18 janvier 2023 à 15h39, soit dans les délais requis", le président de la cour d'appel de Rennes a, dans son ordonnance attaquée, violé l'article L. 3222-5-1 du code de la santé publique. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> 13. Il résulte de l'article L. 3222-5-1, alinéa 5, du code de la santé publique, qu'après une première autorisation judiciaire de maintien d'une mesure d'isolement et si celle-ci est renouvelée par le médecin, le directeur de l'établissement doit saisir le juge des libertés et de la détention avant la soixante-douzième heure d'isolement après l'expiration du délai de vingt-quatre heures dont le juge disposait pour statuer sur la première requête.<br> <br> 14. C'est donc à bon droit qu'après avoir relevé que la mesure d'isolement avait débuté le 11 janvier 2023 à 17h58, le premier président a retenu que la nouvelle saisine du juge des libertés et de la détention, à l'issue de la première autorisation de maintien, devait avoir lieu avant le 18 janvier 2023 à 17h58.<br> <br> 15. Le moyen n'est donc pas fondé.<br> <br> PAR CES MOTIFS, la Cour :<br> <br> REJETTE le pourvoi ;<br> <br> Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;<br> <br> En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;<br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six juin deux mille vingt-quatre.
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 26 juin 2024, 23-14.230, Publié au bulletin
SANTE PUBLIQUE
2024-06-26
ECLI:FR:CCASS:2024:C100379
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000049857370
ARRET
JURITEXT000049857491
CHAMBRE_CIVILE_3
Article 1709 du code civil ; article L. 145-31, alinéa 3, du code de commerce.
JURI
Cour de cassation
En bail commercial, selon l'article L. 145-31 du code de commerce, lorsque le loyer de la sous-location est supérieur au prix de la location principale, le propriétaire a la faculté d'exiger une augmentation du loyer de la location principale. La qualification de sous-location, au sens de ce texte, est exclue lorsque le locataire met à disposition de tiers les locaux loués moyennant un prix fixé globalement, qui rémunère indissociablement tant la mise à disposition des locaux que des prestations de service spécifiques recherchées par les clients. Dès lors, doit être censuré l'arrêt qui, pour faire droit à une action en réajustement de loyers, énonce que la prestation essentielle fournie par le locataire à des tiers était la mise à disposition de bureaux équipés, que les autres prestations fournies comme l'entretien, l'accueil, la sécurité, l'assurance et le wifi n'étaient qu'accessoires et que la contrepartie financière était fixée notamment en fonction de la superficie du bureau et pas seulement par les prestations de services, alors qu'il résultait de ses constatations que la redevance fixée globalement rémunérait indissociablement tant la mise à disposition de bureaux équipés que les prestations de service spécifiques recherchées par les clients
Cassation partielle
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br> CIV. 3<br> <br> MF<br> <br> <br> <br> COUR DE CASSATION<br> ______________________<br> <br> <br> Audience publique du 27 juin 2024<br> <br> <br> <br> <br> Cassation partielle<br> <br> <br> Mme TEILLER, président<br> <br> <br> <br> Arrêt n° 338 FS-B<br> <br> <br> Pourvois n°<br> N 22-22.823<br> S 22-24.046 JONCTION<br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E <br> <br> _________________________<br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 JUIN 2024<br> <br> I. La société Le Pont Thomas, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° N 22-22.823 contre un arrêt rendu le 12 octobre 2022 par la cour d'appel de Rennes (5e chambre), dans le litige l'opposant à la société Modulobox, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.<br> <br> II. La société Modulobox, société à responsabilité limitée, a formé le pourvoi n° S 22-24.046 contre le même arrêt rendu, dans le litige l'opposant à la société Le Pont Thomas, société civile immobilière, défenderesse à la cassation.<br> <br> La demanderesse au pourvoi n° N 22-22.823 invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.<br> <br> La demanderesse au pourvoi n° S 22-24.046 invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.<br> <br> Les dossiers ont été communiqués au procureur général.<br> <br> Sur le rapport de Mme Aldigé, conseiller référendaire, les observations de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de la société Modulobox, de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de la société Le Pont Thomas, et l'avis de Mme Compagnie, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 mai 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Aldigé, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, M. David, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, Mme Proust, conseillers, Mme Schmitt, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, et Mme Maréville, greffier de chambre,<br> <br> la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; <br> <br> Jonction<br> <br> 1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 22-24.046 et 22-22.823 sont joints.<br> <br> Faits et procédure<br> <br> 2. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 12 octobre 2022), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 9 septembre 2021, pourvoi n° 20-19.631), le 27 juillet 2006, la société civile immobilière Le Pont Thomas (la bailleresse) a donné en location à la société Modulobox (la locataire) des locaux à usage commercial.<br> <br> 3. La locataire a conclu avec des tiers des contrats intitulés « prestations de services et mises à dispositions de bureaux ». <br> <br> 4. Alléguant de sous-locations irrégulières, la bailleresse a assigné la locataire en réajustement du loyer principal.<br> <br> Examen des moyens <br> <br> Sur le premier moyen, pris en ses première, troisième et quatrième branches, et sur le second moyen, pris en sa quatrième branche, du pourvoi n° 22-24.046<br> <br> 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. <br> <br> Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche, du même pourvoi<br> <br> Enoncé du moyen <br> <br> 6. La locataire fait grief à l'arrêt de constater l'existence de contrats de sous-locations et, en conséquence, d'accueillir l'action en réajustement du loyer de la bailleresse, alors « que seul un contrat de location peut justifier un réajustement du loyer entre le bailleur et son preneur ; que pour qu'il y ait sous-location, le contrat doit remplir deux conditions cumulatives, à savoir d'une part qu'il ne doit porter que sur la mise à disposition des locaux ou, à tout le moins, cette mise à disposition ne doit pas s'accompagner d'importantes prestations complémentaires et d'autre part qu'il doit assurer au cocontractant du locataire principal une jouissance continue des lieux ; qu'une convention de mise à disposition d'espaces consentie à un tiers par un preneur à bail commercial, distincte d'une sous-location, prévoyant le paiement d'un prix correspondant à une jouissance limitée dans le temps et à des prestations assurées par le locataire principal, relatives à l'équipement, à l'entretien des locaux et au contrôle de l'accueil et de la sécurité ne peut être qualifié de sous-location permettant au bailleur de demander le réajustement du loyer principal sur le fondement de l'article L. 145-31 du code de commerce ; qu'en l'espèce, la société Modulobox avait fait valoir dans ses conclusions, preuves à l'appui que la mise à disposition de locaux équipés assortie de nombreuses prestations de services comprises dans le prix des bureaux en fonction de leur surface, telles qu'ameublement et entretien des locaux, chauffage, accès internet, téléphone, assurance, accès à des espaces partagés (réfectoire, kitchenette, salle de réunion, salle de détente, machine à café en libre-service gratuit, sanitaires), service d'accueil, surveillance et sécurisation des bâtiments ne pouvaient être qualifiés de sous location ; qu'en énonçant néanmoins que la prestation essentielle du contrat passé avec la société Modulobox est bien la mise à disposition de bureaux et non la fourniture de prestations comme l'entretien, l'accueil et la sécurité, l'assurance et la wifi, lesquelles ne sont que des prestations accessoires à la fourniture de bureaux, quand, au contraire les nombreuses prestations relatives à l'équipement et à l'entretien des locaux assurés par la société Modulobox ainsi que le contrôle de l'accueil et de la sécurité conservée par cette dernière en constituaient la condition nécessaire et indispensable et étaient de nature à démontrer que les contrats de mise à disposition passés par celle-ci ne pouvaient être requalifiés de sous-location permettant un réajustement du loyer, la cour d'appel a violé l'article 1709 du code civil, ensemble L. 145-31 du code de commerce. » <br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> Vu les articles 1709 du code civil et L. 145-31, alinéa 3, du code de commerce :<br> <br> 7. Aux termes du premier de ces textes, le louage des choses est un contrat par lequel l'une des parties s'oblige à faire jouir l'autre d'une chose pendant un certain temps, et moyennant un certain prix que celle-ci s'oblige de lui payer.<br> <br> 8. Aux termes du second, lorsque le loyer de la sous-location est supérieur au prix de la location principale, le propriétaire a la faculté d'exiger une augmentation du loyer de la location principale, dont le montant, à défaut d'accord entre les parties, est déterminé selon une procédure fixée par décret en Conseil d'Etat, en application des dispositions de l'article L. 145-56 du code du commerce.<br> <br> 9. La qualification de sous-location, au sens de l'article L. 145-31 du code de commerce, est exclue lorsque le locataire met à disposition de tiers les locaux loués moyennant un prix fixé globalement, qui rémunère indissociablement tant la mise à disposition des locaux que des prestations de service spécifiques recherchées par les clients.<br> <br> 10. Pour retenir la qualification de sous-location et faire droit à la demande de réajustement de loyers, l'arrêt relève que les contrats de mise à disposition d'un bureau aux entreprises mentionnent précisément le numéro de bureau ainsi que sa surface, qu'ils prévoient une contrepartie financière fixée notamment en fonction de la superficie du bureau et pas seulement par la prestation de services, que les entreprises ont un accès permanent à leur bureau, qu'elles s'engagent à le maintenir dans un bon état d'entretien et en assurent la fermeture et que la durée des contrats est fixée à un mois mais renouvelable par tacite reconduction.<br> <br> 11. Il en déduit que la prestation essentielle du contrat est la mise à disposition de bureaux à des tiers, de manière exclusive et sans limitation dans le temps, dès lors que les prestations fournies comme l'entretien, l'accueil, la sécurité, l'assurance et la wifi ne sont qu'accessoires à la fourniture de bureaux équipés.<br> <br> 12. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la redevance fixée globalement rémunérait indissociablement tant la mise à disposition de bureaux équipés que les prestations de service spécifiques recherchées par les clients, la cour d'appel, par des motifs impropres à caractériser des contrats de sous-location au sens de l'article L. 145-31 du code de commerce, a violé les textes susvisés.<br> <br> Et sur le second moyen, pris en sa première branche, du même pourvoi<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 13. La locataire fait grief à l'arrêt de faire droit à la demande de réajustement du loyer principal et de fixer le montant du loyer réajusté à une certaine somme et pour une certaine période, alors « que la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation ayant constaté l'existence de contrats de sous-location portant sur le bien immobilier loué par la SCI Le Pont Thomas à la société Modulobox sis zone d'activités des basses forges à Noyal-sur-Vilaine entrainera par voie de conséquence en application de l'article 624 du code de procédure civile les chefs de l'arrêt ayant en conséquence fait droit à la demande de réajustement du loyer principal engagée par la SCI Pont Thomas et d'avoir en conséquence fixé le montant du loyer réajusté à la somme de 94 018,15 euros HT par an pour la période du 19 juin 2013 au 31 décembre 2016. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> Vu l'article 624 du code de procédure civile :<br> <br> 14. Selon ce texte, la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.<br> <br> 15. La cassation du chef de dispositif constatant l'existence de contrats de sous-location portant sur les locaux loués s'étend aux chefs de dispositif faisant droit à la demande en réajustement du loyer principal et fixant le montant du loyer réajusté à une certaine somme, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.<br> <br> 16. Cette cassation rend sans objet l'examen du pourvoi en cassation n° 22-22.823 formé par la bailleresse qui fait grief à l'arrêt de fixer le montant du loyer réajusté à une certaine somme.<br> <br> PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi n° 22-24.046, la Cour :<br> <br> CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il écarte la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en réajustement de loyers et déclare recevable cette action, l'arrêt rendu le 12 octobre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;<br> <br> Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;<br> <br> Condamne la société civile immobilière Le Pont Thomas aux dépens ;<br> <br> En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société civile immobilière Le Pont Thomas et la condamne à payer à la société Modulobox la somme de 3 000 euros ;<br> <br> Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;<br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept juin deux mille vingt-quatre.,3e Civ., 13 février 2002, pourvoi n° 00-17.994, Bull. 2002, III, n° 40 (rejet).
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 27 juin 2024, 22-22.823 22-24.046, Publié au bulletin
BAIL COMMERCIAL - Sous-location - Définition - Exclusion - Cas - Mise à disposition d'un tiers - Mise à disposition des locaux assortie de prestations de services - Prix global fixé,BAIL COMMERCIAL - Prix - Révision - Conditions - Sous-location - Loyer supérieur au prix de la location principale
2024-06-27
ECLI:FR:CCASS:2024:C300338
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000049857491
ARRET
JURITEXT000049857489
CHAMBRE_CIVILE_3
Articles 1147 et 1149, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 1732 du code civil ; Principe de réparation intégrale du préjudice.
JURI
Cour de cassation
II résulte de la combinaison des articles 1147 et 1149 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, 1732 du même code, et du principe de la réparation intégrale du préjudice, que le locataire qui restitue les locaux dans un état non conforme à ses obligations découlant de la loi ou du contrat commet un manquement contractuel et doit réparer le préjudice éventuellement subi de ce chef par le bailleur. Ce préjudice peut comprendre le coût de la remise en état des locaux, sans que son indemnisation ne soit subordonnée à l'exécution des réparations ou à l'engagement effectif de dépenses. Tenu d'évaluer le préjudice à la date à laquelle il statue, le juge doit prendre en compte, lorsqu'elles sont invoquées, les circonstances postérieures à la libération des locaux, telles la relocation, la vente ou la démolition. Dès lors, doit être approuvé l'arrêt qui rejette la demande de dommages-intérêts du bailleur, fondée sur une restitution en mauvais état des locaux, aux motifs qu'il ne prouve pas avoir subi de préjudice alors qu'il avait vendu les locaux loués trois mois après leur restitution sans effectuer de travaux et qu'il ne justifiait pas d'une dépréciation de leur prix à la revente en lien avec les manquements du locataire
Rejet
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br> CIV. 3<br> <br> MF<br> <br> <br> <br> COUR DE CASSATION<br> ______________________<br> <br> <br> Audience publique du 27 juin 2024<br> <br> <br> <br> <br> Rejet<br> <br> <br> Mme TEILLER, président<br> <br> <br> <br> Arrêt n° 337 FS-B<br> <br> Pourvoi n° Y 22-10.298 <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E <br> <br> _________________________<br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 JUIN 2024<br> <br> La société Pergopark, ayant eu son siège [Adresse 2], représentée par M. [G] [V], domiciliée [Adresse 1], agissant en sa qualité de mandataire ad hoc, a formé le pourvoi n° Y 22-10.298 contre l'arrêt rendu le 10 novembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 3), dans le litige l'opposant à M. [T] [H], domicilié chez M. [X], [Adresse 3], défendeur à la cassation.<br> <br> La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.<br> <br> Le dossier a été communiqué au procureur général.<br> <br> Sur le rapport de Mme Aldigé, conseiller référendaire, les observations et les plaidoiries de la SCP Marc Lévis, avocat de la société Pergopark, les observations et les plaidoiries de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [H], et l'avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, auquel la SCP Marc Lévis a répliqué, après débats en l'audience publique du 14 mai 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Aldigé, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, M. David, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, Mme Proust, conseillers, Mme Schmitt, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, Mme Morel-Coujard, avocat général, et Mme Maréville, greffier de chambre,<br> <br> la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; <br> <br> Faits et procédure <br> <br> 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 novembre 2021), la société Pergopark (la bailleresse), propriétaire de locaux commerciaux donnés à bail à M. [H] (le locataire), après avoir consigné une certaine somme en exécution d'une condamnation au paiement d'une indemnité d'éviction a fait opposition au versement d'une partie des fonds séquestrés, au motif que les locaux n'avaient pas été restitués par le locataire en bon état de réparations locatives.<br> <br> 2. Le locataire a assigné la bailleresse en mainlevée de l'opposition et en restitution du dépôt de garantie.<br> <br> 3. Une ordonnance du 14 mars 2019 a désigné M. [V] en qualité de mandataire judiciaire ad hoc de la société Pergopark, laquelle a été radiée du registre du commerce et des sociétés le 28 novembre 2017 à la suite de la clôture d'opérations de liquidation amiable.<br> <br> 4. Faisant valoir que le fait d'avoir cédé l'immeuble sans effectuer de travaux de réparation ne la privait pas de son droit à indemnisation et alléguant d'un préjudice de moins-value lors de la revente, la bailleresse a sollicité, à titre reconventionnel, des dommages et intérêts en indemnisation des dégradations locatives correspondant au montant du coût de la remise en état des locaux. <br> <br> Examen du moyen<br> <br> Sur le moyen, pris en sa seconde branche<br> <br> 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. <br> <br> Et sur le moyen, pris en sa première branche <br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 6. La bailleresse fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en dommages-intérêts, de la condamner à payer une certaine somme en remboursement du dépôt de garantie et d'ordonner la mainlevée de l'opposition sur les sommes séquestrées, alors « que le preneur répond des dégradations ou des pertes qui arrivent pendant sa jouissance, à moins qu'il ne prouve qu'elles ont eu lieu sans sa faute ; que le seul constat de dégradations ou de pertes qui arrivent pendant la jouissance du bien loué ouvre droit à réparation au profit du preneur, sans que ce dernier puisse prétendre que le bailleur ne subirait pas de préjudice du chef de ces dégradations ou pertes ; qu'en jugeant néanmoins, en l'espèce, que le bailleur ne rapporte pas la preuve d'un préjudice après avoir pourtant retenu que le manquement de M. [H] à son obligation de restituer les locaux en bon état de réparations locatives est établi, la cour d'appel a violé l'article 1732 du code civil. »<br> <br> Réponse de la Cour <br> <br> 7. Selon l'article 1732 du code civil, le locataire répond des dégradations ou des pertes qui arrivent pendant sa jouissance, à moins qu'il ne prouve qu'elles ont eu lieu sans sa faute.<br> <br> 8. Aux termes de l'article 1147 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.<br> <br> 9. Selon l'article 1149 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance précitée, et le principe de la réparation intégrale du préjudice, les dommages et intérêts dus au créancier sont de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé sans qu'il en résulte pour lui ni perte ni profit.<br> <br> 10. Il résulte de la combinaison de ces textes et principe que le locataire qui restitue les locaux dans un état non conforme à ses obligations découlant de la loi ou du contrat commet un manquement contractuel et doit réparer le préjudice éventuellement subi de ce chef par le bailleur.<br> <br> 11. Ce préjudice peut comprendre le coût de la remise en état des locaux, sans que son indemnisation ne soit subordonnée à l'exécution des réparations ou à l'engagement effectif de dépenses.<br> <br> 12. Tenu d'évaluer le préjudice à la date à laquelle il statue, le juge doit prendre en compte, lorsqu'elles sont invoquées, les circonstances postérieures à la libération des locaux, telles la relocation, la vente ou la démolition.<br> <br> 13. Après avoir, d'une part, rappelé à bon droit qu'il appartenait à la bailleresse de rapporter la preuve d'un préjudice, d'autre part, constaté qu'elle avait vendu les locaux loués trois mois après leur restitution sans effectuer de travaux et qu'elle ne prouvait pas une dépréciation du prix des locaux à la revente en lien avec les manquements du locataire, la cour d'appel en a souverainement déduit que la bailleresse n'apportait pas la preuve du préjudice allégué, de sorte que sa demande devait être rejetée.<br> <br> 14. Le moyen n'est donc pas fondé.<br> <br> PAR CES MOTIFS, la Cour :<br> <br> REJETTE le pourvoi ;<br> <br> Condamne M. [V], en sa qualité de mandataire judiciaire ad hoc de la société Pergopark, aux dépens ;<br> <br> En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;<br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé le vingt-sept juin deux mille vingt-quatre, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.,3e Civ., 11 décembre 1991, pourvoi n° 90-15.246, Bull. 1991, III, n° 310 (cassation partielle) ; 3e Civ., 3 décembre 2003, pourvoi n° 02-18.033, Bull. 2003, III, n° 221 (rejet), et l'arrêt cité.
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 27 juin 2024, 22-10.298, Publié au bulletin
BAIL (règles générales) - Preneur - Obligations - Restitution de la chose louée en fin de bail - Dégradations - Réparation - Préjudice - Existence - Preuve - Nécessité - Portée,BAIL (règles générales) - Preneur - Obligations - Restitution de la chose louée en fin de bail - Dégradations - Réparation - Préjudice - Remise en état des lieux - Coût des travaux - Indemnisation - Evaluation - Eléments pris en considération - Appréciation
2024-06-27
ECLI:FR:CCASS:2024:C300337
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000049857489
ARRET
JURITEXT000049857495
CHAMBRE_CIVILE_3
Articles L. 631-7 et L. 651-1-2 du code de la construction et de l'habitation ; article L. 324-1 du code du tourisme.
JURI
Cour de cassation
La décision de classement en meublé de tourisme prévue par l'article L. 324-1 du code du tourisme ne peut se substituer à l'autorisation de changement d'usage prévue par l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation
Cassation partielle
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br> CIV. 3<br> <br> MF<br> <br> <br> <br> COUR DE CASSATION<br> ______________________<br> <br> <br> Audience publique du 27 juin 2024<br> <br> <br> <br> <br> Cassation partielle<br> <br> <br> Mme TEILLER, président<br> <br> <br> <br> Arrêt n° 340 FS-B<br> <br> Pourvoi n° Y 23-13.131 <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E <br> <br> _________________________<br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 JUIN 2024<br> <br> la commune de [Localité 2], représentée par son maire en exercice domicilié en cette qualité en l'Hôtel de ville, [Adresse 3], a formé le pourvoi n° Y 23-13.131 contre l'arrêt rendu le 8 décembre 2022 par la cour d'appel de Bordeaux (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :<br> <br> 1°/ à Mme [P] [N], épouse [S], domiciliée [Adresse 1],<br> <br> 2°/ à la société Paris [Localité 2] Le Pyla, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1],<br> <br> défenderesses à la cassation.<br> <br> La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.<br> <br> Le dossier a été communiqué au procureur général.<br> <br> Sur le rapport de Mme Gallet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la commune de [Localité 2], et l'avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 mai 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Gallet, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, M. David, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, Mme Proust, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mme Davoine, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, et Mme Maréville, greffier de chambre,<br> <br> la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; <br> <br> Faits et procédure <br> <br> 1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 8 décembre 2022), la commune de [Localité 2] a assigné Mme [S] et la société Paris [Localité 2] Le Pyla, respectivement locataire et gestionnaire d'un appartement situé à [Localité 2], devant le président du tribunal judiciaire de Bordeaux, statuant selon la procédure accélérée au fond, pour obtenir son retour à l'habitation et la condamnation des défenderesses au paiement d'une amende civile pour en avoir changé l'usage en le louant de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage n'y élisant pas domicile, en contravention avec les dispositions de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation <br> <br> Examen du moyen<br> <br> Enoncé du moyen <br> <br> 2. La commune de [Localité 2] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « que dans les communes de plus de 200 000 habitants le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile constitue un changement d'usage qui doit faire l'objet d'une autorisation préalable ; que toute personne qui enfreint cette obligation est condamnée à une amende civile, sans préjudice de la faculté pour le maire de la commune de voir ordonner le retour à l'usage d'habitation du local transformé sans autorisation, sous astreinte d'un montant de 1 000 euros par jour et par mètre carré utile du local irrégulièrement transformé ; qu'en relevant, pour refuser de faire application de ces dispositions à Mme [S] et la société Paris [Localité 2] Le Pyla que même s'il n'était pas discuté que le bien immobilier dont Mme [S] était locataire avait été offert à la location à une clientèle de passage n'ayant pas l'intention d'y établir sa résidence habituelle, Mme [S] et la société Paris [Localité 2] Le Pyla avaient obtenu, le 19 septembre 2017, une décision de classement de l'appartement litigieux en meublé de tourisme, en application de l'article L. 324-1 du code du tourisme, ce qui les autorisait à utiliser sans autre condition l'appartement litigieux à des fins de location meublée touristique et les dispensait d'obtenir l'autorisation de changement d'usage, cependant que cette décision, délivrée par les Gites de France Gironde était totalement indépendante et distincte de l'autorisation que Mme [S] et la société Paris [Localité 2] Le Pyla devaient obtenir auprès de la commune de [Localité 2] en raison du changement d'usage du local d'habitation, la cour d'appel s'est fondée sur des motifs inopérants et a violé les articles L. 631-7 et L. 651-1-2 du code de la construction et de l'habitation par refus d'application, ensemble l'article L. 324-1 du code du tourisme, par fausse application. »<br> <br> Réponse de la Cour <br> <br> Vu les articles L. 631-7 et L. 651-1-2 du code de la construction et de l'habitation et L. 324-1 du code du tourisme :<br> <br> 3. Selon le premier de ces textes, dans certaines communes, le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est soumis à autorisation préalable. Le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile constitue un changement d'usage au sens de ce texte.<br> <br> 4. Selon le deuxième, toute personne, qui enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application de cet article, est condamnée à une amende civile.<br> <br> 5. Selon le dernier, l'Etat détermine les procédures de classement des meublés de tourisme selon des modalités fixées par décret, et la décision de classement d'un meublé de tourisme dans une catégorie est prononcée par l'organisme qui a effectué la visite de classement.<br> <br> 6. Pour rejeter les demandes de la commune de [Localité 2], l'arrêt retient que la décision du 19 septembre 2017 de classement de l'appartement litigieux en meublé de tourisme, qui emportait pour son bénéficiaire autorisation sans condition d'utiliser l'appartement litigieux à des fins de location meublée touristique, s'imposait à la commune de [Localité 2], et dispensait Mme [S] et la société Paris [Localité 2] Le Pyla de solliciter l'autorisation de changement d'usage prévue à l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation.<br> <br> 7. En statuant ainsi, alors qu'une décision de classement en meublé de tourisme ne peut se substituer à l'autorisation de changement d'usage prévue à l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, la cour d'appel a violé les textes susvisés. <br> <br> PAR CES MOTIFS, la Cour :<br> <br> CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare l'établissement Bordeaux Métropole irrecevable en ses demandes, l'arrêt rendu le 8 décembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;<br> <br> Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée ;<br> <br> Condamne Mme [S] et la société Paris [Localité 2] Le Pyla aux dépens ; <br> <br> En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme [S] et la société Paris [Localité 2] Le Pyla à payer à la commune de [Localité 2] la somme de 3 000 euros ;<br> <br> Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;<br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept juin deux mille vingt-quatre.
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 27 juin 2024, 23-13.131, Publié au bulletin
URBANISME - Logements - Changement d'affectation - Local à usage d'habitation - Affectations à d'autres fins - Meublé de tourisme - Décision de classement - Effets - Substitution à l'autorisation de changement d'usage (non)
2024-06-27
ECLI:FR:CCASS:2024:C300340
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000049857495
ARRET
JURITEXT000049857499
CHAMBRE_CIVILE_3
Articles 1147 et 1149, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 1732 du code civil ; principe de réparation intégrale du préjudice.
JURI
Cour de cassation
II résulte de la combinaison des articles 1147 et 1149 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, 1732 du même code, et du principe de la réparation intégrale du préjudice, que le locataire qui restitue les locaux dans un état non conforme à ses obligations découlant de la loi ou du contrat commet un manquement contractuel et doit réparer le préjudice éventuellement subi de ce chef par le bailleur. Ce préjudice peut comprendre le coût de la remise en état des locaux, sans que son indemnisation ne soit subordonnée à l'exécution des réparations ou à l'engagement effectif de dépenses. Tenu d'évaluer le préjudice à la date à laquelle il statue, le juge doit prendre en compte, lorsqu'elles sont invoquées, les circonstances postérieures à la libération des locaux, telles la relocation, la vente ou la démolition. Dès lors, doit être censuré l'arrêt qui condamne un locataire à payer au bailleur des dommages-intérêts équivalents au coût de la remise en état des locaux précédemment loués au seul motif de l'inexécution des réparations par le locataire, sans constater qu'un préjudice pour le bailleur était résulté de sa faute contractuelle, alors que ce dernier invoquait une relocation rapide des locaux sans que le bailleur ait effectué de travaux et à des conditions plus favorables
Cassation
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br> CIV. 3<br> <br> MF<br> <br> <br> <br> COUR DE CASSATION<br> ______________________<br> <br> <br> Audience publique du 27 juin 2024<br> <br> <br> <br> <br> Cassation<br> <br> <br> Mme TEILLER, président<br> <br> <br> <br> Arrêt n° 342 FS-B<br> <br> Pourvoi n° N 22-24.502 <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E <br> <br> _________________________<br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 JUIN 2024<br> <br> La société RPG, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° N 22-24.502 contre l'arrêt rendu le 20 octobre 2022 par la cour d'appel de Douai (chambre 2, section 2), dans le litige l'opposant à la société du [Adresse 2], société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.<br> <br> La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.<br> <br> Le dossier a été communiqué au procureur général.<br> <br> Sur le rapport de Mme Proust, conseiller, les observations et les plaidoiries de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de la société RPG, les observations de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de la société du [Adresse 2], et l'avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 mai 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Proust, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, M. David, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, Mme Morel-Coujard, avocat général, et Mme Maréville, greffier de chambre,<br> <br> la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; <br> <br> Faits et procédure <br> <br> 1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 20 octobre 2022), par acte du 10 janvier 1992, la société civile immobilière du [Adresse 2] (la bailleresse) a donné à bail commercial un local à la Société de promotion et d'exploitation, aux droits de laquelle est venue la société RPG (la locataire).<br> <br> 2. La locataire a donné congé à effet au 30 septembre 2016 et a restitué les locaux à la date d'effet du congé.<br> <br> 3. La bailleresse a saisi un tribunal judiciaire aux fins d'obtenir la condamnation de la locataire à lui payer une certaine somme au titre du coût des travaux de remise en état des locaux, de la régularisation des charges et des impôts fonciers.<br> <br> Examen du moyen<br> <br> Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 4. La locataire fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la bailleresse une certaine somme au titre des travaux de remise en état, alors :<br> <br> « 1°/ qu'une faute contractuelle n'impliquant pas nécessairement par elle-même l'existence d'un dommage en relation de cause à effet avec cette faute, le juge ne peut allouer des dommages-intérêts au bailleur qu'à la condition de constater, au jour où il statue, qu'il est résulté un préjudice de la faute contractuelle du preneur ; que dès lors en affirmant, pour condamner la société RPG au paiement de dommages-intérêts, que cette dernière avait manqué à ses obligations contractuelles de restitution en bon état et d'entretien des locaux, la cour d'appel qui a ainsi déduit l'existence d'un préjudice prétendument subi par le bailleur du seul manquement contractuel du preneur, a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et l'article 1732 du même code ;<br> <br> 2°/ qu'une faute contractuelle n'impliquant pas nécessairement par elle-même l'existence d'un dommage en relation de cause à effet avec cette faute, le juge ne peut allouer des dommages-intérêts au bailleur qu'à la condition de constater, au jour où il statue, qu'il est résulté un préjudice de la faute contractuelle du preneur ; qu'en se bornant, pour condamner la société RPG au paiement de dommages-intérêts, à énoncer que l'ensemble des postes du devis visait à remédier aux dégradations et à l'absence d'entretien commis par la société RPG afin de permettre une réfection des lieux loués pour qu'ils se trouvent en bon état, sans même constater le préjudice résultant pour le bailleur de la faute contractuelle du preneur, la cour d'appel a de nouveau violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et l'article 1732 du même code. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> Vu les articles 1147 et 1149, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 1732 du code civil et le principe de réparation intégrale du préjudice :<br> <br> 5. Selon le troisième de ces textes, le locataire répond des dégradations ou des pertes qui arrivent pendant sa jouissance, à moins qu'il ne prouve qu'elles ont eu lieu sans sa faute.<br> <br> 6. Aux termes du premier, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages-intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.<br> <br> 7. Selon le deuxième et le principe susvisé, les dommages-intérêts dus au créancier sont de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé sans qu'il en résulte pour lui ni perte ni profit.<br> <br> 8. Il résulte de la combinaison de ces textes et principe que le locataire qui restitue les locaux dans un état non conforme à ses obligations découlant de la loi ou du contrat commet un manquement contractuel et doit réparer le préjudice éventuellement subi de ce chef par le bailleur.<br> <br> 9. Ce préjudice peut comprendre le coût de la remise en état des locaux, sans que son indemnisation ne soit subordonnée à l'exécution des réparations ou à l'engagement effectif de dépenses.<br> <br> 10. Tenu d'évaluer le préjudice à la date à laquelle il statue, le juge doit prendre en compte, lorsqu'elles sont invoquées, les circonstances postérieures à la libération des locaux, telles la relocation, la vente ou la démolition.<br> <br> 11. Pour condamner la locataire à payer le coût des travaux de remise en état des locaux, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, qu'elle s'était engagée à restituer un local en bon état général, que le procès-verbal de constat d'état des lieux de sortie établissait que le local n'avait pas été restitué en bon état, que l'indemnisation du bailleur, en raison des dégradations affectant le bien loué et consécutives à l'inexécution par le preneur de ses obligations, n'étant subordonnée ni à l'exécution de réparations par le bailleur, ni à l'engagement effectif de dépenses, ni à la justification d'une perte de valeur locative, le fait que la bailleresse ait reloué le local et ne justifiait pas avoir effectivement engagé des dépenses était sans incidence, et que la locataire devait l'indemniser du coût des travaux nécessaires à la remise en état des locaux au vu du devis présenté.<br> <br> 12. En statuant ainsi, au seul motif de l'inexécution des réparations par la locataire, sans constater qu'un préjudice pour la bailleresse était résulté de la faute contractuelle de la locataire, la cour d'appel a violé les textes et principe susvisés.<br> <br> PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :<br> <br> CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 octobre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;<br> <br> Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai autrement composée ; <br> <br> Condamne la société civile immobilière du [Adresse 2] aux dépens ; <br> <br> En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société civile immobilière du [Adresse 2] et la condamne à payer à la société RPG la somme de 3 000 euros.<br> <br> Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;<br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé le vingt-sept juin deux mille vingt-quatre, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.,3e Civ., 11 décembre 1991, pourvoi n° 90-15.246, Bull. 1991, III, n° 310 (cassation partielle) ; 3e Civ., 3 décembre 2003, pourvoi n° 02-18.033, Bull. 2003, III, n° 221 (rejet), et l'arrêt cité.
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 27 juin 2024, 22-24.502, Publié au bulletin
BAIL (règles générales) - Preneur - Obligations - Restitution de la chose louée en fin de bail - Dégradations - Réparation - Préjudice - Existence - Preuve - Nécessité - Portée,BAIL (règles générales) - Preneur - Obligations - Restitution de la chose louée en fin de bail - Dégradations - Réparation - Préjudice - Remise en état des lieux - Coût des travaux - Indemnisation - Evaluation - Eléments pris en considération - Appréciation
2024-06-27
ECLI:FR:CCASS:2024:C300342
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000049857499
ARRET
JURITEXT000049857497
CHAMBRE_CIVILE_3
Articles 1147 et 1149, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 1732 du code civil ; principe de réparation intégrale du préjudice.
JURI
Cour de cassation
II résulte de la combinaison des articles 1147 et 1149 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, 1732 du même code, et du principe de la réparation intégrale du préjudice, que le locataire qui restitue les locaux dans un état non conforme à ses obligations découlant de la loi ou du contrat commet un manquement contractuel et doit réparer le préjudice éventuellement subi de ce chef par le bailleur. Ce préjudice peut comprendre le coût de la remise en état des locaux, sans que son indemnisation ne soit subordonnée à l'exécution des réparations ou à l'engagement effectif de dépenses. Tenu d'évaluer le préjudice à la date à laquelle il statue, le juge doit prendre en compte, lorsqu'elles sont invoquées, les circonstances postérieures à la libération des locaux, telles la relocation, la vente ou la démolition. Dès lors, doit être censuré, l'arrêt qui condamne un locataire à payer au bailleur des dommages-intérêts équivalents au coût de la remise en état des locaux précédemment loués au seul motif de l'inexécution des réparations par le locataire, sans constater qu'un préjudice pour le bailleur était résulté de sa faute contractuelle, alors que ce dernier invoquait une revente des locaux aux fins de leur destruction sans que le bailleur ait effectué de travaux de remise en état ni n'ait subi de dévalorisation du prix de vente
Cassation partielle
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br> CIV. 3<br> <br> MF<br> <br> <br> <br> COUR DE CASSATION<br> ______________________<br> <br> <br> Audience publique du 27 juin 2024<br> <br> <br> <br> <br> Cassation partielle<br> <br> <br> Mme TEILLER, président<br> <br> <br> <br> Arrêt n° 341 FS-B<br> <br> Pourvoi n° B 22-21.272 <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E <br> <br> _________________________<br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 JUIN 2024<br> <br> La société Carrefour proximité France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 7], venant aux droits de la société Erteco France, anciennement dénommée Dia France, a formé le pourvoi n° B 22-21.272 contre l'arrêt rendu le 15 juin 2022 par la cour d'appel de Paris (pole 5 - chambre 3), dans le litige l'opposant :<br> <br> 1°/ à Mme [E] [R], épouse [I], domiciliée [Adresse 5] (Allemagne),<br> <br> 2°/ à Mme [C] [R], épouse [H], domiciliée [Adresse 4],<br> <br> 3°/ à Mme [F] [R], épouse [W], domiciliée [Adresse 6],<br> <br> 4°/ à M. [M] [R], domicilié [Adresse 3],<br> <br> 5°/ à M. [A] [R], domicilié [Adresse 1],<br> <br> 6°/ à M. [P] [J], domicilié [Adresse 2], venant aux droits de [Y] [R],<br> <br> défendeurs à la cassation.<br> <br> La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.<br> <br> Le dossier a été communiqué au procureur général.<br> <br> Sur le rapport de M. David, conseiller, les observations et les plaidoiries de la SCP Lesourd, avocat de la société Carrefour proximité France, et l'avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 mai 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. David, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, Mme Proust, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, Mme Morel-Coujard, avocat général, et Mme Maréville, greffier de chambre,<br> <br> la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; <br> <br> Faits et procédure<br> <br> 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 juin 2022), le 16 mai 2002, [N] [R], aux droits duquel viennent Mmes [C], [F] et [E] [R], MM. [M] et [A] [R] et M. [J] (les bailleurs), a donné à bail à la société ED, aux droits de laquelle vient la société Carrefour proximité France (la locataire), divers locaux commerciaux.<br> <br> 2. Le 10 novembre 2010, les bailleurs ont délivré à la locataire un congé avec offre de renouvellement du bail.<br> <br> 3. La locataire ayant accepté le principe du renouvellement mais contesté le loyer proposé, les bailleurs l'ont assignée en fixation du prix du bail renouvelé.<br> <br> 4. Exerçant son droit d'option, la locataire a, le 6 août 2018, renoncé au renouvellement du bail et, le 20 septembre 2018, a libéré les biens loués que, le 13 novembre 2019, les bailleurs ont vendus à l'établissement public foncier d'Ile-de-France.<br> <br> 5. Les bailleurs ont demandé la condamnation de la locataire à leur payer une certaine somme au titre de dégradations commises dans les locaux loués.<br> <br> Examen du moyen<br> <br> Sur le moyen, pris en sa première branche<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 6. La locataire fait grief à l'arrêt de la dire redevable envers les bailleurs d'une certaine somme en réparation du préjudice causé par les dégradations commises durant son occupation des lieux et de dire que cette somme serait déduite du montant du dépôt de garantie, alors « que des dommages-intérêts ne peuvent être alloués que si le juge, au moment où il statue, constate qu'il est résulté un préjudice de la faute contractuelle ; qu'en se fondant exclusivement sur l'inexécution par le locataire des réparations locatives pour indemniser le bailleur, à défaut de préciser la nature de son préjudice, la cour d'appel a violé les articles 1731, 1732 et 1231-1 du code civil. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> Vu les articles 1147 et 1149, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 1732 du code civil et le principe de réparation intégrale du préjudice :<br> <br> 7. Selon le troisième de ces textes, le locataire répond des dégradations ou des pertes qui arrivent pendant sa jouissance, à moins qu'il ne prouve qu'elles ont eu lieu sans sa faute.<br> <br> 8. Aux termes du premier, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages-intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.<br> <br> 9. Selon le deuxième et le principe susvisé, les dommages-intérêts dus au créancier sont de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé sans qu'il en résulte pour lui ni perte ni profit.<br> <br> 10. Il résulte de la combinaison de ces textes et principe que le locataire qui restitue les locaux dans un état non conforme à ses obligations découlant de la loi ou du contrat commet un manquement contractuel et doit réparer le préjudice éventuellement subi de ce chef par le bailleur.<br> <br> 11. Ce préjudice peut comprendre le coût de la remise en état des locaux, sans que son indemnisation ne soit subordonnée à l'exécution des réparations ou à l'engagement effectif de dépenses.<br> <br> 12. Tenu d'évaluer le préjudice à la date à laquelle il statue, le juge doit prendre en compte, lorsqu'elles sont invoquées, les circonstances postérieures à la libération des locaux, telles la relocation, la vente ou la démolition.<br> <br> 13. Pour condamner la locataire à payer aux bailleurs une certaine somme au titre de la réparation des dégradations commises durant son occupation des lieux, l'arrêt retient que l'absence de devis de travaux de réparation ou le fait que les bailleurs aient réalisé le cas échéant une plus value lors de la vente du bien immobilier sont inopérants sur le droit à indemnisation des bailleurs qui est la conséquence de l'inexécution par la locataire de son obligation de réparations locatives.<br> <br> 14. En statuant ainsi, au seul motif de l'inexécution des réparations par la locataire, sans constater qu'un préjudice pour les bailleurs était résulté de la faute contractuelle de la locataire, la cour d'appel a violé les textes et principe susvisés.<br> <br> PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :<br> <br> CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il infirme le jugement en ce qu'il a condamné la société Carrefour proximité France à verser aux consorts [R] la somme de 53 799,21 euros et en ce qu'il a dit que cette somme serait payée par le dépôt de garantie que Mmes [C], [F] et [E] [R], MM. [M] et [A] [R] et M. [J] pourraient conserver et en ce que, statuant à nouveau, il dit que la société Carrefour proximité France est redevable envers Mmes [C], [F] et [E] [R], MM. [M] et [A] [R] et M. [J] de la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice causé par les dégradations commises durant son occupation des lieux, dit que cette somme sera déduite du montant du dépôt de garantie qui a été conservé à hauteur de 53 799,21 euros par Mmes [C], [F] et [E] [R], MM. [M] et [A] [R] et M. [J] et condamne, en conséquence, solidairement Mmes [C], [F] et [E] [R], MM. [M] et [A] [R] et M. [J] à restituer à la société Carrefour proximité France la somme de 43 799,21 euros au titre du dépôt de garantie, l'arrêt rendu le 15 juin 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;<br> <br> Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;<br> <br> Condamne Mmes [C], [F] et [E] [R], MM. [M] et [A] [R] et M. [J] aux dépens ; <br> <br> En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mmes [C], [F] et [E] [R], MM. [M] et [A] [R] et M. [J], in solidum, à payer à la société Carrefour proximité France la somme de 3 000 euros ;<br> <br> Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;<br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé le vingt-sept juin deux mille vingt-quatre, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.,3e Civ., 11 décembre 1991, pourvoi n° 90-15.246, Bull. 1991, III, n° 310 (cassation partielle) ; 3e Civ., 3 décembre 2003, pourvoi n° 02-18.033, Bull. 2003, III, n° 221 (rejet), et l'arrêt cité.
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 27 juin 2024, 22-21.272, Publié au bulletin
BAIL (règles générales) - Preneur - Obligations - Restitution de la chose louée en fin de bail - Dégradations - Réparation - Préjudice - Existence - Preuve - Nécessité - Portée,BAIL (règles générales) - Preneur - Obligations - Restitution de la chose louée en fin de bail - Dégradations - Réparation - Préjudice - Remise en état des lieux - Coût des travaux - Indemnisation - Evaluation - Eléments pris en considération - Appréciation
2024-06-27
ECLI:FR:CCASS:2024:C300341
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000049857497
ARRET
JURITEXT000049857493
CHAMBRE_CIVILE_3
Article L. 324-1-1, II, III et V, du code du tourisme, dans sa version issue de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 ; article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation.
JURI
Cour de cassation
L'obligation de déclaration préalable soumise à enregistrement de toute location d'un meublé de tourisme prévue par l'article L. 324-1-1, III, du code du tourisme, s'impose quel que soit l'usage du local au sens de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation
Cassation
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br> CIV. 3<br> <br> MF<br> <br> <br> <br> COUR DE CASSATION<br> ______________________<br> <br> <br> Audience publique du 27 juin 2024<br> <br> <br> <br> <br> Cassation<br> <br> <br> Mme TEILLER, président<br> <br> <br> <br> Arrêt n° 339 FS-B<br> <br> Pourvoi n° X 23-13.567 <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E <br> <br> _________________________<br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 JUIN 2024<br> <br> La Ville de [Localité 3], représentée par son maire en exercice domicilié en cette qualité en l'Hôtel de ville, direction des affaires juridiques, [Adresse 2], n° X 23-13.567 contre le jugement rendu le 18 janvier 2023 par le tribunal judiciaire de Paris (procédure accélérée au fond), dans le litige l'opposant à M. [R] [B], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.<br> <br> La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.<br> <br> Le dossier a été communiqué au procureur général.<br> <br> Sur le rapport de Mme Gallet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la Ville de [Localité 3], et l'avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 mai 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Gallet, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, M. David, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, Mme Proust, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mme Davoine, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, et Mme Maréville, greffier de chambre,<br> <br> la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; <br> <br> Faits et procédure <br> <br> 1. Selon le jugement attaqué (Paris, 18 janvier 2023), rendu en dernier ressort, la Ville de [Localité 3] a fait assigner M. [B], propriétaire d'un local situé à Paris, devant le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond, afin de le voir condamner au paiement d'une amende civile pour ne pas avoir déclaré sa mise en location comme meublé de tourisme. <br> <br> Examen du moyen<br> <br> Sur le moyen, pris en sa première branche<br> <br> Enoncé du moyen <br> <br> 2. La Ville de [Localité 3] fait grief au jugement de rejeter sa demande en paiement d'une amende civile sur le fondement des dispositions de l'article L. 324-1-1, III et V, du code du tourisme, alors « qu'en application de l'article L. 324-1-1, II du code du tourisme, toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme doit en avoir fait préalablement la déclaration auprès du maire de la commune où est situé le meublé ; que l'article L. 324-1-1, III précise que dans les communes où le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est soumis à autorisation préalable, une délibération du conseil municipal peut décider de soumettre à une déclaration préalable soumise à enregistrement toute location d'un meublé de tourisme ; qu'aux termes de la délibération DLH 2017-128 du Conseil de [Localité 3] des 3 et 4 juillet 2017, une déclaration préalable obligatoire est soumise à enregistrement pour toute location de courte durée d'un local meublé en faveur d'une clientèle de passage n'y élisant pas domicile ; qu'ainsi tout local situé à [Localité 3], quel que soit son usage, doit donner lieu à une déclaration préalable soumise à enregistrement avant de pouvoir être loué en tant que meublé de tourisme, sans que cette obligation ne soit limitée aux locaux à usage d'habitation ; que pour débouter la Ville de [Localité 3] de sa demande de condamnation de M. [B] au paiement d'une amende civile en raison de l'absence d'enregistrement d'une déclaration préalable, le jugement relève que les dispositions de l'article L. 324-1-1, III du code du tourisme concernent exclusivement les locaux à usage d'habitation et que faute pour la Ville de [Localité 3] de faire la preuve d'un tel usage, il y a lieu de la débouter de sa demande ; qu'en statuant ainsi quand la déclaration préalable soumise à enregistrement s'impose pour toute location d'un meublé de tourisme, le président du tribunal judiciaire a violé l'article L. 324-1-1 du code du tourisme, ensemble la délibération DLH 2017-128 du Conseil de Paris des 3, 4 et 5 juillet 2017. »<br> <br> Réponse de la Cour <br> <br> Vu l'article L. 324-1-1, II, III, et V, du code du tourisme, dans sa version issue de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 :<br> <br> 3. Selon le II de ce texte, toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme, que celui-ci soit classé ou non au sens du code susvisé, doit en avoir préalablement fait la déclaration auprès du maire de la commune où est situé le meublé, sauf si le local constitue sa résidence principale.<br> <br> 4. Selon le III du même texte, dans les communes où le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est soumis à autorisation préalable au sens des articles L. 631-7 et L. 631-9 du code de la construction et de l'habitation, une délibération du conseil municipal peut décider de substituer à cette obligation de déclaration, une procédure de déclaration préalable soumise à enregistrement de toute location d'un meublé de tourisme, donnant lieu à la délivrance par la commune d'un accusé-réception comprenant un numéro de déclaration.<br> <br> 5. Selon le V, toute personne qui ne se conforme pas aux obligations résultant du III est passible d'une amende civile.<br> <br> 6. Pour rejeter la demande de la Ville de [Localité 3], le jugement, après avoir constaté qu'une délibération du Conseil de [Localité 3] des 4, 5 et 6 juillet 2017 avait rendu obligatoire la procédure d'enregistrement de la déclaration de location de courtes durées d'un local meublé en faveur d'une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile, retient que l'article L. 324-1-1, III, du code du tourisme ne concernait, à cette période, que les locaux destinés à l'habitation comme cela résulte des termes du texte et de la référence aux articles L. 631-7 et L. 631-9 qui concernent le changement d'usage des locaux résidentiels et que ce n'est que par l'adoption de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 que cet article a été étendu aux locaux commerciaux.<br> <br> 7. En statuant ainsi, alors que l'article L. 324-1-1, III, du code du tourisme impose une obligation de déclaration préalable soumise à enregistrement de toute location d'un meublé de tourisme, quel que soit son usage au sens de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, le président du tribunal judiciaire a violé le texte susvisé.<br> <br> PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :<br> <br> CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 18 janvier 2023, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Paris ;<br> <br> Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant la juridiction du tribunal judiciaire de Paris autrement composée ;<br> <br> Condamne M. [B] aux dépens ;<br> <br> En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [B] à payer à la Ville de [Localité 3] la somme de 3 000 euros ;<br> <br> Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;<br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept juin deux mille vingt-quatre.,3e Civ., 7 septembre 2023, pourvoi n° 22-18.101, Bull., (rejet).
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 27 juin 2024, 23-13.567, Publié au bulletin
URBANISME - Logements - Meublé de tourisme - Obligations de déclaration - Domaine d'application - Détermination
2024-06-27
ECLI:FR:CCASS:2024:C300339
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000049857493
ARRET
JURITEXT000049989189
CHAMBRE_SOCIALE
null
JURI
Cour de cassation
null
Cassation
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br>SOC.<br> <br> JL10<br> <br> <br> <br> COUR DE CASSATION<br> ______________________<br> <br> <br> Audience publique du 10 juillet 2024<br> <br> <br> <br> <br> Cassation<br> <br> <br> M. HUGLO, conseiller doyen <br> faisant fonction de président<br> <br> <br> <br> Arrêt n° 789 F-B<br> <br> Pourvoi n° W 23-14.900<br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E <br> <br> _________________________<br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 10 JUILLET 2024<br> <br> Mme [F] [J], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° W 23-14.900 contre l'arrêt rendu le 29 juin 2022 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre sociale), dans le litige l'opposant à Domitia habitat OPH, établissement public à caractère industriel et commercial, dont le siège est [Adresse 1], défendeur à la cassation.<br> <br> La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.<br> <br> Le dossier a été communiqué au procureur général.<br> <br> Sur le rapport de Mme Sommé, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [J], de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de Domitia habitat OPH, après débats en l'audience publique du 12 juin 2024 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Sommé, conseiller rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,<br> <br> la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.<br> <br> Faits et procédure<br> <br> 1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 29 juin 2022), Mme [J] a été engagée, le 1er avril 2010, en qualité de secrétaire, puis à compter du 17 mai 2010, en qualité de secrétaire comptable, par l'EPIC Domitia habitat OPH (l'employeur). A la suite d'un accident du travail survenu le 14 juin 2013, elle a repris son poste de travail à temps partiel thérapeutique le 1er octobre 2014.<br> <br> 2. Le 4 juin 2015, la salariée a été licenciée pour cause réelle et sérieuse.<br> <br> 3. Soutenant avoir subi un harcèlement moral, la salariée a saisi, le 5 octobre 2015, la juridiction prud'homale de demandes tendant au paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral et licenciement abusif.<br> <br> 4. En cause d'appel elle a demandé que son licenciement soit jugé nul et subsidiairement sans cause réelle et sérieuse.<br> <br> Examen des moyens<br> <br> Sur le premier moyen, pris en sa première branche<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 5. La salariée fait grief à l'arrêt de dire son licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et de la débouter de l'ensemble de ses demandes, alors « que l'illicéité d'un moyen de preuve n'entraîne pas nécessairement son rejet des débats, le juge devant apprécier si l'utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, si la production est indispensable à l'exercice du droit de la preuve et si l'atteinte est strictement proportionnée au but poursuivi ; qu'en écartant la pièce n° 9 de Mme [J] consistant en la retranscription d'un enregistrement de l'employeur réalisé à son insu, sans rechercher si Mme [J] disposait d'autres moyens pour établir la réalité des pressions exercées par l'employeur afin qu'elle signe une rupture conventionnelle, en la menaçant de licenciement et si l'atteinte ainsi portée au droit de l'employeur n'était pas strictement proportionnée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1121-1 et L. 1154-1 du code du travail, 9 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> Recevabilité du moyen<br> <br> 6. L'employeur conteste la recevabilité du moyen. Il soutient, d'une part, qu'il est nouveau, mélangé de fait et de droit, d'autre part, qu'il est contraire aux conclusions de la salariée soutenues devant la cour d'appel.<br> <br> 7. Cependant, d'abord le moyen invoque un vice résultant de l'arrêt lui-même et qui ne pouvait être décelé avant que celui-ci ne soit rendu. Ensuite, devant la cour d'appel, la salariée invoquait son droit à la preuve en faisant valoir que la preuve des agissements de l'employeur ne pouvait être rapportée autrement que par l'enregistrement des propos tenus par ce dernier, en sorte que le moyen n'est pas contraire à la thèse qu'elle soutenait devant les juges du fond.<br> <br> 8. Le moyen est donc recevable.<br> <br> Bien-fondé du moyen<br> <br> Vu les articles 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 9 du code de procédure civile, L. 1152-1 et L. 1154-1, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, du code du travail :<br> <br> 9. En application des deux premiers de ces textes, dans un procès civil, l'illicéité ou la déloyauté dans l'obtention ou la production d'un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l'écarter des débats. Le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d'éléments portant atteinte à d'autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.<br> <br> 10. Selon l'article L. 1154-1, alinéas 1 et 2, du code du travail dans sa rédaction applicable, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.<br> <br> 11. Il en résulte que la preuve du harcèlement moral ne pèse pas sur le salarié.<br> <br> 12. Pour débouter la salariée de ses demandes au titre du harcèlement moral et du licenciement, l'arrêt retient que, dans la mesure où, contrairement à ce que soutient la salariée, elle avait d'autres choix que d'enregistrer l'entretien du 1er décembre 2014 avec son employeur pour prouver la réalité du harcèlement subi depuis plusieurs mois, cet enregistrement clandestin, contraire au principe de la loyauté dans l'administration de la preuve, doit être écarté des débats, l'atteinte portée aux principes protégés en l'espèce n'étant pas strictement proportionnée au but poursuivi.<br> <br> 13. En statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de vérifier si la production de l'enregistrement de l'entretien du 1er décembre 2014, effectué à l'insu de l'employeur, était indispensable à l'exercice du droit à la preuve du harcèlement moral allégué, au soutien duquel la salariée invoquait, au titre des éléments permettant de présumer l'existence de ce harcèlement, les pressions exercées par l'employeur pour qu'elle accepte une rupture conventionnelle, et, dans l'affirmative, si l'atteinte au respect de la vie personnelle de l'employeur n'était pas strictement proportionnée au but poursuivi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.<br> <br> Et sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 14. La salariée fait le même grief à l'arrêt, alors :<br> <br> « 2°/ que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge de se prononcer sur chaque fait allégué par le salarié, pris isolément, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; qu'en jugeant qu'aucun des faits avancés par la salariée permettant de présumer l'existence d'un harcèlement n'était établi, sans se prononcer sur l'ensemble des faits invoqués par Mme [J], et notamment sur le fait qu'elle n'avait pas reçu de formation adaptée à son nouveau poste, et avait subi des sanctions injustifiées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;<br> <br> 3°/ que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail et, dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en l'espèce, il résultait des constatations de la cour d'appel que Mme [J] démontrait que son poste avait été modifié lors de la reprise à mi-temps thérapeutique, qu'elle produisait des articles de presse confirmant la pression exercée par l'employeur sur les salariés, et enfin que son état de santé s'était dégradé ; qu'en jugeant que Mme [J] n'établissait pas la matérialité d'agissements répétés permettant de présumer un harcèlement moral, sans examiner les faits matériellement établis pris dans leur ensemble, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, du code du travail :<br> <br> 15. Il résulte de ces textes que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.<br> <br> 16. Pour débouter la salariée de ses demandes au titre du harcèlement moral et du licenciement, l'arrêt retient, après avoir écarté des débats l'enregistrement litigieux produit par la salariée pour faire la preuve des pressions alléguées lors de l'entretien du 1er décembre 2014, qu'en ce qui concerne la reprise du travail, la salariée précise elle-même que le service est réorganisé puisque huit personnes y sont désormais affectées alors qu'avant son départ ils étaient quatre pour accomplir toute la charge de travail, qu'il n'est pas établi que la salariée s'est vu retirer la plupart de ses tâches et attribuer exclusivement des tâches administratives, que son signalement relatif aux difficultés qu'elle rencontrait a donné lieu à des réponses de l'employeur, en janvier et février 2015, sur la conformité de ses nouvelles tâches en mi-temps thérapeutique avec son poste et les préconisations du médecin du travail, qu'aucun élément ne permet d'établir que l'employeur n'a pas pris en compte la nécessité pour la salariée d'avoir un fauteuil avec accoudoir comme sollicité par le médecin du travail et qu'en conséquence aucun des faits avancés par la salariée qui permettraient de présumer l'existence d'un harcèlement n'est établi. Il en déduit que même si la dégradation de l'état de santé de la salariée est avérée, le comportement de l'employeur est exclusif de tout agissement répété de harcèlement moral.<br> <br> 17. En se déterminant ainsi, alors que la salariée invoquait, au titre des éléments permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral, notamment le défaut de formation sur son nouveau poste de travail et le fait qu'elle avait été sanctionnée à plusieurs reprises, la cour d'appel, à laquelle il appartenait d'examiner ces éléments de fait et d'apprécier si ceux-ci, pris dans leur ensemble avec les autres éléments dont les éléments médicaux, permettaient de présumer l'existence d'un harcèlement moral, et, dans l'affirmative, si l'employeur démontrait que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement, n'a pas donné de base légale à sa décision.<br> <br> PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen, la Cour :<br> <br> CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 juin 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;<br> <br> Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;<br> <br> Condamne l'EPIC Domitia habitat OPH aux dépens ;<br> <br> En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'EPIC Domitia habitat OPH et le condamne à payer à Mme [J] la somme de 3 000 euros ;<br> <br> Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;<br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille vingt-quatre.
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 10 juillet 2024, 23-14.900, Publié au bulletin
PREUVE
2024-07-10
ECLI:FR:CCASS:2024:SO00789
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000049989189
ARRET
JURITEXT000049989179
CHAMBRE_SOCIALE
null
JURI
Cour de cassation
null
Rejet
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br>SOC.<br> <br> ZB1<br> <br> <br> <br> COUR DE CASSATION<br> ______________________<br> <br> <br> Audience publique du 10 juillet 2024<br> <br> <br> <br> <br> Rejet<br> <br> <br> M. SOMMER, président<br> <br> <br> <br> Arrêt n° 781 FS-B<br> <br> Pourvoi n° X 23-14.372 <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E <br> <br> _________________________<br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 10 JUILLET 2024<br> <br> La société Vallair Industry, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 23-14.372 contre l'arrêt rendu le 16 septembre 2022 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre civile, section 2), dans le litige l'opposant à M. [F] [L], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.<br> <br> La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.<br> <br> Le dossier a été communiqué au procureur général.<br> <br> Sur le rapport de Mme Douxami, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Vallair Industry, de la SCP Boullez, avocat de M. [L], et l'avis de M. Gambert, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 juin 2024 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Douxami, conseiller rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen, MM. Pietton, Barincou, Seguy, Mmes Panetta, Brinet, conseillers, Mme Prieur, M. Carillon, Mme Maitral, M. Redon, conseillers référendaires, M. Gambert, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre,<br> <br> la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.<br> <br> Faits et procédure <br> <br> 1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 16 septembre 2022), M. [L], engagé par la société Latécoère aéroservices et dont le contrat de travail a été transféré à la société Vallair Industry, a saisi la juridiction prud'homale le 10 mai 2017 aux fins de résiliation judiciaire de son contrat de travail.<br> <br> 2. Par lettre du 18 juillet 2017, il a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement économique. Son contrat de travail a été rompu à l'issue du délai de réflexion dont il disposait après son adhésion, le 31 juillet 2017, au contrat de sécurisation professionnelle.<br> <br> 3. Par conclusions du 25 février 2019, il a formé devant les premiers juges des demandes additionnelles tendant à contester son licenciement et à obtenir des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.<br> <br> Examen du moyen<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 4. L'employeur fait grief à l'arrêt de juger le licenciement du salarié sans cause réelle et sérieuse et de le condamner à ce titre au paiement de dommages-intérêts, outre une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et au remboursement à Pôle emploi des indemnités de chômage, alors « que l'effet interruptif de prescription attaché à la saisine du conseil de prud'hommes (après le 1er août 2016) ne s'étend pas à une demande additionnelle qui ne poursuit pas la même fin et n'est pas comprise virtuellement dans la demande initiale ; qu'en jugeant que la contestation par le salarié du bien-fondé de son licenciement pour motif économique, introduite le 25 février 2019, n'était pas prescrite quand bien même il avait adhéré au contrat de sécurisation professionnelle plus d'un an auparavant, le 31 juillet 2017, aux motifs que "le conseil de prud'hommes était déjà saisi, dès le 10 mai 2017, d'une demande de résiliation emportant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, de sorte que la contestation du licenciement emportait des prétentions de même nature", quand la demande initiale de résiliation judiciaire du contrat de travail introduite devant le conseil de prud'hommes reposait sur la contestation des conditions d'exécution du contrat de travail qui était toujours en cours et avait pour finalité d'en obtenir la rupture en raison de fautes supposées de l'employeur contrairement à la demande additionnelle introduite par conclusions du salarié du 25 février 2019 qui visait à contester le bien-fondé de la rupture du contrat pour motif économique intervenue ultérieurement à l'initiative de l'employeur, de sorte que sa seconde demande qui ne reposait pas sur les mêmes faits et n'avait pas le même objet ni la même finalité ne pouvait bénéficier de l'effet interruptif de prescription attaché à la première demande, la cour d'appel qui a jugé l'inverse a violé l'article 2241 du code civil, l'article 70 du code de procédure civile et l'article L. 1233-67 du code du travail. »<br> <br> Réponse de la Cour <br> <br> 5. D'abord, selon l'article L. 1233-67 du code du travail, dans sa version issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, toute contestation portant sur la rupture du contrat de travail ou son motif se prescrit par douze mois à compter de l'adhésion au contrat de sécurisation professionnelle.<br> <br> 6. Ensuite, il résulte de l'article 2241 du code civil que si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque deux actions, bien qu'ayant une cause distincte, tendent à un seul et même but, de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première.<br> <br> 7. La cour d'appel a retenu que le conseil de prud'hommes était déjà saisi, dès le 10 mai 2017, d'une demande tendant à la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur emportant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, de sorte que la contestation par le salarié du bien-fondé de son licenciement emportait des prétentions de même nature et que le salarié pouvait, au cours de la procédure, contester le licenciement économique ayant donné lieu à l'adhésion au contrat de sécurisation professionnelle du 31 juillet 2017, sans être tenu de le faire par conclusions au plus tard du 31 juillet 2018.<br> <br> 8. De ces constatations et énonciations, dont il ressortait que les deux demandes, quoiqu'ayant des causes distinctes, tendaient à un seul et même but, à savoir la réparation des conséquences de la rupture du contrat de travail que le salarié estimait imputable à l'employeur, en sorte que la seconde était virtuellement comprise dans la première, la cour d'appel a exactement déduit que la prescription de la demande additionnelle avait été interrompue par la demande originaire.<br> <br> 9. Le moyen n'est donc pas fondé.<br> <br> PAR CES MOTIFS, la Cour :<br> <br> REJETTE le pourvoi ;<br> <br> Condamne la société Vallair Industry aux dépens ;<br> <br> En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Vallair Industry et la condamne à payer à M. [L] la somme de 3 000 euros ;<br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille vingt-quatre.
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 10 juillet 2024, 23-14.372, Publié au bulletin
PRESCRIPTION CIVILE
2024-07-10
ECLI:FR:CCASS:2024:SO00781
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000049989179
ARRET
JURITEXT000049989181
CHAMBRE_SOCIALE
null
JURI
Cour de cassation
null
Rejet
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br>SOC.<br> <br> ZB1<br> <br> <br> COUR DE CASSATION<br> ______________________<br> <br> <br> Audience publique du 10 juillet 2024<br> <br> <br> <br> <br> Rejet<br> <br> <br> M. SOMMER, président<br> <br> <br> <br> Arrêt n° 782 FS-B<br> <br> Pourvoi n° Y 23-14.373 <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E <br> <br> _________________________<br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 10 JUILLET 2024<br> <br> La société Vallair Industry, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Y 23-14.373 contre l'arrêt rendu le 16 septembre 2022 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre civile, section 2), dans le litige l'opposant à M. [O] [B], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.<br> <br> La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.<br> <br> Le dossier a été communiqué au procureur général.<br> <br> Sur le rapport de Mme Douxami, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Vallair Industry, de la SCP Boullez, avocat de M. [B], et l'avis de M. Gambert, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 juin 2024 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Douxami, conseiller rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen, MM. Pietton, Barincou, Seguy, Mmes Panetta, Brinet, conseillers, Mme Prieur, M. Carillon, Mme Maitral, M. Redon, conseillers référendaires, M. Gambert, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre,<br> <br> la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.<br> <br> Faits et procédure <br> <br> 1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 16 septembre 2022), M. [B], engagé par la société Latécoère aéroservices et dont le contrat de travail a été transféré à la société Vallair Industry, a saisi la juridiction prud'homale le 10 mai 2017 aux fins de résiliation judiciaire de son contrat de travail.<br> <br> 2. Par lettre du 7 juin 2017, il a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement économique. Son contrat de travail a été rompu à l'issue du délai de réflexion dont il disposait après son adhésion, le 3 juillet 2017, au contrat de sécurisation professionnelle.<br> <br> 3. Par conclusions du 25 février 2019, il a formé devant les premiers juges des demandes additionnelles tendant à contester son licenciement et à obtenir des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.<br> <br> Examen du moyen<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 4. L'employeur fait grief à l'arrêt de juger le licenciement du salarié sans cause réelle et sérieuse et de le condamner à ce titre au paiement de dommages-intérêts, outre une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et au remboursement à Pôle emploi des indemnités de chômage, alors « que l'effet interruptif de prescription attaché à la saisine du conseil de prud'hommes après le 1er août 2016 ne s'étend pas à une demande additionnelle qui ne poursuit pas la même fin et n'est pas comprise virtuellement dans la demande initiale ; qu'en jugeant que la contestation par le salarié du bien-fondé de son licenciement pour motif économique, introduite le 25 février 2019, n'était pas prescrite quand bien même il avait adhéré au contrat de sécurisation professionnelle plus d'un an auparavant, le 3 juillet 2017, aux motifs que "le conseil de prud'hommes était déjà saisi, dès le 10 mai 2017, d'une demande de résiliation emportant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, de sorte que la contestation du licenciement emportait des prétentions de même nature", quand la demande initiale de résiliation judiciaire du contrat de travail introduite devant le conseil de prud'hommes reposait sur la contestation des conditions d'exécution du contrat de travail qui était toujours en cours et avait pour finalité d'en obtenir la rupture en raison de fautes supposées de l'employeur contrairement à la demande additionnelle introduite par conclusions du salarié du 25 février 2019 qui visait à contester le bien-fondé de la rupture du contrat pour motif économique intervenue ultérieurement à l'initiative de l'employeur, de sorte que sa seconde demande qui ne reposait pas sur les mêmes faits et n'avait pas le même objet ni la même finalité ne pouvait bénéficier de l'effet interruptif de prescription attaché à la première demande, la cour d'appel qui a jugé l'inverse a violé l'article 2241 du code civil, l'article 70 du code de procédure civile et l'article L. 1233-67 du code du travail. » <br> <br> Réponse de la Cour <br> <br> 5. D'abord, selon l'article L. 1233-67 du code du travail, dans sa version issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, toute contestation portant sur la rupture du contrat de travail ou son motif se prescrit par douze mois à compter de l'adhésion au contrat de sécurisation professionnelle.<br> <br> 6. Ensuite, il résulte de l'article 2241 du code civil que si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque deux actions, bien qu'ayant une cause distincte, tendent à un seul et même but, de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première.<br> <br> 7. La cour d'appel a retenu que le conseil de prud'hommes était déjà saisi, dès le 10 mai 2017, d'une demande tendant à la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur emportant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, de sorte que la contestation par le salarié du bien-fondé de son licenciement emportait des prétentions de même nature et que le salarié pouvait, au cours de la procédure, contester le licenciement économique ayant donné lieu à l'adhésion au contrat de sécurisation professionnelle du 3 juillet 2017, sans être tenu de la faire par conclusions au plus tard du 3 juillet 2018.<br> <br> 8. De ces constatations et énonciations, dont il ressortait que les deux demandes, quoiqu'ayant des causes distinctes, tendaient à un seul et même but, à savoir la réparation des conséquences de la rupture du contrat de travail que le salarié estimait imputable à l'employeur, en sorte que la seconde était virtuellement comprise dans la première, la cour d'appel a exactement déduit que la prescription de la demande additionnelle avait été interrompue par la demande originaire.<br> <br> 9. Le moyen n'est donc pas fondé.<br> <br> PAR CES MOTIFS, la Cour :<br> <br> REJETTE le pourvoi ;<br> <br> Condamne la société Vallair Industry aux dépens ;<br> <br> En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Vallair Industry et la condamne à payer à M. [B] la somme de 3 000 euros ;<br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille vingt-quatre.
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 10 juillet 2024, 23-14.373, Publié au bulletin
PRESCRIPTION CIVILE
2024-07-10
ECLI:FR:CCASS:2024:SO00782
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000049989181
ARRET
JURITEXT000049989193
CHAMBRE_SOCIALE
Article L. 2132-3 du code du travail.
JURI
Cour de cassation
Il résulte de l'article L.2132-3 du code du travail qu'un syndicat, lorsque les éléments invoqués par un salarié titulaire d'un mandat syndical ou représentatif comme laissant supposer un harcèlement moral sont en lien avec l'exercice des fonctions syndicales ou représentatives de ce salarié, est recevable à agir en réparation du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession
Rejet
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br> SOC.<br> <br> CL6<br> <br> <br> <br> COUR DE CASSATION<br> ______________________<br> <br> <br> Audience publique du 10 juillet 2024<br> <br> <br> <br> <br> Rejet<br> <br> <br> M. SOMMER, président<br> <br> <br> <br> Arrêt n° 796 FS-B<br> <br> Pourvoi n° R 22-22.803 <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E <br> <br> _________________________<br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 10 JUILLET 2024<br> <br> L'établissement [4], dénommé [5], établissement public à caractère industriel et commercial, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° R 22-22.803 contre l'arrêt rendu le 15 septembre 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 8), dans le litige l'opposant :<br> <br> 1°/ à M. [H] [V], domicilié [Adresse 2],<br> <br> 2°/ au syndicat national CFTC spectacles-communication-sports et loisirs, dont le siège est [Adresse 1],<br> <br> défendeurs à la cassation.<br> <br> Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.<br> <br> Le dossier a été communiqué au procureur général.<br> <br> Sur le rapport de Mme Ott, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'établissement [4], dénommé [5], de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [V], et du syndicat national CFTC spectacles-communication-sports et loisirs, et l'avis de Mme Laulom, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 juin 2024 où étaient présents M. Sommer, président, M. Huglo, conseiller doyen, Mme Ott, conseiller rapporteur, M. Rinuy, Mmes Sommé, Bouvier, Bérard, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, Ollivier, Arsac, conseillers référendaires, Mme Laulom, avocat général, et Mme Dumont, greffier de chambre,<br> <br> la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; <br> <br> Faits et procédure<br> <br> 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 septembre 2022), statuant sur renvoi après cassation ( Soc., 10 juillet 2019, pourvoi n° 18-10.137), rectifié par arrêt de la cour d'appel du 16 février 2023, M. [V] a été engagé le 1er décembre 2001 en qualité d'ingénieur maintenance industrielle et ingénieur en froid et climatisation par [4], aux droits de laquelle vient désormais l'établissement public [4], dénommé [5]. Il a ensuite occupé le poste de chef de projet confirmé spécialisé.<br> <br> 2. Invoquant un harcèlement moral, il a saisi la juridiction prud'homale le 23 août 2011 de diverses demandes. Le syndicat national CFTC spectacles-communication-sports et loisirs (le syndicat) est intervenu volontairement à l'instance.<br> <br> 3. Le salarié a été désigné représentant syndical au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) en juillet 2013 puis représentant syndical au comité d'entreprise en janvier 2014.<br> <br> Examen des moyens<br> <br> Sur le premier moyen<br> <br> 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.<br> <br> Sur le second moyen<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 5. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à verser au syndicat une somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession, alors « que l'action en justice des syndicats professionnels est limitée aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent ; que le constat d'une situation de harcèlement moral au préjudice d'un salarié ne porte pas atteinte à l'intérêt collectif de la profession ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 2132-3 du code du travail. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> 6. Aux termes de l'article L. 2132-3 du code du travail, les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.<br> <br> 7. Il en résulte qu'un syndicat, lorsque les éléments invoqués par un salarié titulaire d'un mandat syndical ou représentatif comme laissant supposer un harcèlement moral sont en lien avec l'exercice des fonctions syndicales ou représentatives de ce salarié, est recevable à agir en réparation du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession. <br> <br> 8. L'arrêt constate que le salarié, membre du CHSCT, invoque au soutien de sa demande au titre d'un harcèlement moral notamment l'aggravation de sa mise à l'écart à compter de sa désignation en qualité de membre du CHSCT en avril 2014, son exclusion de la distribution des plannings de travaux, le courrier d'alerte du syndicat adressé à l'employeur pour stigmatiser la « placardisation » dont il a fait l'objet depuis juin 2014 et les conclusions du rapport d'enquête établi à la demande du CHSCT en octobre 2018 stigmatisant le retrait de certaines tâches à des salariés ou la mise à l'écart de représentants du personnel.<br> <br> 9. De ces constatations et énonciations dont il ressortait que les faits allégués par le salarié au soutien de sa demande au titre d'un harcèlement moral étaient ainsi en lien avec son mandat, la cour d'appel a déduit exactement que le syndicat était recevable en son action en réparation du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession.<br> <br> 10. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.<br> <br> PAR CES MOTIFS, la Cour :<br> <br> REJETTE le pourvoi ;<br> <br> Condamne l'établissement public [4], dénommé [5], aux dépens ;<br> <br> En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'établissement public [4], dénommé [5], et le condamne à payer à M. [V] et au syndicat national CFTC spectacles-communication-sports et loisirs la somme globale de 3 000 euros ;<br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille vingt-quatre.,Sur l'atteinte à l'intérêt collectif de la profession lorsque le harcèlement ou la discrimination touche un salarié du fait de l'exercice de fonctions de représentation, à rapprocher : Soc., 13 janvier 2021, pourvoi n° 19-17.182, Bull., (cassation sans renvoi).
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 10 juillet 2024, 22-22.803, Publié au bulletin
SYNDICAT PROFESSIONNEL - Action en justice - Conditions - Intérêt collectif de la profession - Atteinte - Applications diverses - Action fondée sur le harcèlement moral d'un salarié - Conditions - Salarié titulaire d'un mandat syndical ou représentatif - Salarié invoquant des éléments laissant supposer un harcèlement moral en lien avec son mandat - Portée
2024-07-10
ECLI:FR:CCASS:2024:SO00796
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000049989193
ARRET
JURITEXT000049989187
CHAMBRE_SOCIALE
null
JURI
Cour de cassation
null
Cassation partielle
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br>SOC.<br> <br> JL10<br> <br> <br> <br> COUR DE CASSATION<br> ______________________<br> <br> <br> Audience publique du 10 juillet 2024<br> <br> <br> <br> <br> Cassation partielle<br> <br> <br> M. SOMMER, président<br> <br> <br> <br> Arrêt n° 785 FS-B<br> <br> Pourvoi n° X 22-20.049<br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E <br> <br> _________________________<br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 10 JUILLET 2024<br> <br> M. [R] [V], domicilié [Adresse 1], [Localité 4], a formé le pourvoi n° X 22-20.049 contre l'arrêt rendu le 15 juin 2022 par la cour d'appel de Limoges (chambre économique et sociale), dans le litige l'opposant à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 3], défenderesse à la cassation.<br> <br> Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.<br> <br> Le dossier a été communiqué au procureur général.<br> <br> Sur le rapport de Mme Deltort, conseiller, les observations de Me Balat, avocat de M. [V], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou, et l'avis de M. Gambert, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 juin 2024 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Deltort, conseiller rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen, MM. Pietton, Barincou, Seguy, Mmes Douxami, Panetta, Brinet, conseillers, Mme Prieur, M. Carillon, Mme Maitral, M. Redon, conseillers référendaires, M. Gambert, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre,<br> <br> la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.<br> <br> Faits et procédure<br> <br> 1. Selon l'arrêt attaqué (Limoges, 15 juin 2022), statuant sur renvoi après cassation (Soc., 13 octobre 2021, pourvoi n° 19-20.561), M. [V] a été engagé en qualité d'agent administratif par la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou à compter du 13 mars 1992. Il a signé une convention de forfait en jours le 29 juin 2006.<br> <br> 2. Après avoir démissionné par lettre du 11 avril 2016, il a saisi la juridiction prud'homale le 9 décembre 2016 aux fins, notamment, d'obtenir la requalification de sa démission en prise d'acte aux torts exclusifs de l'employeur produisant les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, avec toutes conséquences de droit, ainsi que le paiement d'une somme au titre des congés payés et le prononcé de la nullité de la convention de forfait en jours.<br> <br> Examen des moyens<br> <br> Sur les premier et second moyens, réunis<br> <br> Enoncé des moyens<br> <br> 3. En son premier moyen, le salarié fait grief à l'arrêt de déclarer prescrite et en conséquence irrecevable sa demande en paiement d'un rappel de salaire, outre congés payés afférents, alors « que si, lorsqu'elle s'inscrit dans le prolongement d'un autre contentieux soumis au juge prud'homal, l'action en rappel de salaire doit être introduite avant l'expiration du délai de trois ans décompté à partir de la date à laquelle les salaires auraient dû être versés et non pas à compter de celle à laquelle le salarié a eu connaissance de l'irrégularité motivant l'engagement de ce contentieux, la prescription de cette action en rappel de salaire est interrompue par la saisine de la juridiction prud'homale appelée à statuer sur ce contentieux ; qu'en considérant que la demande en paiement d'un arriéré de salaires formée par M. [V] au titre des années 2013 à 2016 constituait une demande additionnelle au contentieux principal relatif à la validité de la convention de forfait en jours, qui aurait due être formée à compter du jour où il avait eu connaissance de l'irrégularité motivant l'engagement du contentieux et dont la prescription n'avait pas été interrompue par la saisine de la juridiction prud'homale le 9 décembre 2016, cependant que, dans la mesure où la demande en paiement de salaires s'inscrivait dans le prolongement de la demande visant à ce que soit annulée la convention de forfait en jours signée par les parties le 29 juin 2006, la prescription de cette action en paiement avait nécessairement été interrompue par la saisine de la juridiction prud'homale le 9 décembre 2016, la cour d'appel a violé l'article L. 3245-1 du code du travail. »<br> <br> 4. En son second moyen, le salarié fait grief à l'arrêt de déclarer prescrite et en conséquence irrecevable sa demande en paiement de dommages-intérêts pour travail dissimulé, alors « que la prescription d'une action en paiement de dommages et intérêts pour travail dissimulé qui s'inscrit dans le prolongement d'un autre contentieux qui en établit de bien-fondé est interrompue par la saisine de la juridiction prud'homale appelée à statuer sur ce contentieux ; qu'en considérant que la demande en paiement de dommages et intérêts pour travail dissimulé formée par M. [V] au titre des années 2013 à 2016 constituait une demande additionnelle au contentieux principal relatif à la validité de la convention de forfait en jours, qui aurait due être formée à compter du jour où il avait eu connaissance de l'irrégularité motivant l'engagement du contentieux et dont la prescription n'avait pas été interrompue par la saisine de la juridiction prud'homale le 9 décembre 2016, cependant que, dans la mesure où la demande en paiement de l'indemnité litigieuse s'inscrivait dans le prolongement de la demande visant à ce que soit annulée la convention de forfait en jours signée par les parties le 29 juin 2006, la prescription de cette action avait nécessairement été interrompue par la saisine de la juridiction prud'homale le 9 décembre 2016, la cour d'appel a violé l'article L. 1471-1 du code du travail. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> Vu les articles L. 1471-1 et L. 3245-1 du code du travail dans leur rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 et 2241 du code civil :<br> <br> 5. D'abord, selon le premier de ces textes toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.<br> <br> 6. Selon le deuxième, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, la demande pouvant porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.<br> <br> 7. Ensuite, il résulte du troisième de ces textes que si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque deux actions, bien qu'ayant une cause distincte, tendent à un seul et même but, de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première.<br> <br> 8. Pour déclarer prescrites et en conséquence irrecevables les demandes du salarié, l'arrêt retient, d'abord, concernant la demande de rappel de salaires, outre congés payés afférents, que c'est par ses écritures notifiées le 14 décembre 2021 que le salarié a présenté, pour la première fois, devant la cour d'appel, des demandes au titre de l'exécution de son contrat de travail, s'agissant de la condamnation de la caisse à des rappels de salaire, au titre des années 2013 à 2016, alors que dès le 9 décembre 2016, jour de la saisine du conseil de prud'hommes, il invoquait les conditions de la rupture de son contrat de travail et l'inopposabilité de sa convention de forfait en jours, de sorte qu'il avait donc nécessairement connaissance, à cette date, du fait qu'il pouvait demander le paiement des heures supplémentaires qu'il considérait avoir effectuées au titre des années 2013 à 2016, et le rappel de salaire.<br> <br> 9. Il en déduit que l'interruption de prescription dont bénéficie la demande principale ne s'étend pas à la demande formée après l'expiration du délai de prescription et dont l'objet est différent, ce qui est bien le cas en l'espèce s'agissant de demandes fondées sur l'exécution du contrat de travail et non sur sa rupture.<br> <br> 10. Il énonce ensuite, concernant la demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, qu'il s'agit, comme précédemment, d'une demande relative à l'exécution de son contrat de travail, formée pour la première fois par des conclusions notifiées le 14 décembre 2021, n'ayant pas le même objet que les demandes principales relatives à la rupture de son contrat de travail, de sorte que c'est à bon droit que la caisse invoque la prescription de cette action, laquelle a été exercée par les écritures notifiées plus de deux ans après la connaissance qu'il avait eue de l'existence des faits lui permettant de l'exercer.<br> <br> 11. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que les demandes en paiement de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires outre congés payés afférents et d'indemnité pour travail dissimulé poursuivaient le même but que la demande initiale tendant à la nullité de la convention de forfait en jours, à savoir la sanction du manquement par l'employeur à ses obligations en matière de droit au repos et paiement des heures de travail effectuées, de sorte qu'elles étaient virtuellement comprises dans la demande initiale, ce dont elle aurait dû déduire que la prescription des demandes nouvelles avait été interrompue par la demande initiale, la cour d'appel a violé les textes susvisés.<br> <br> PAR CES MOTIFS, la Cour :<br> <br> CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il annule la convention de forfait en jours signée entre les parties le 29 juin 2006, l'arrêt rendu le 15 juin 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ;<br> <br> Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Riom ;<br> <br> Condamne la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou aux dépens ;<br> <br> En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou et la condamne à payer à M. [V] la somme de 3 000 euros ;<br> <br> Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;<br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille vingt-quatre.
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 10 juillet 2024, 22-20.049, Publié au bulletin
PRESCRIPTION CIVILE
2024-07-10
ECLI:FR:CCASS:2024:SO00785
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000049989187
ARRET
JURITEXT000049989191
CHAMBRE_SOCIALE
null
JURI
Cour de cassation
null
Rejet
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br>SOC.<br> <br> ZB1<br> <br> <br> <br> COUR DE CASSATION<br> ______________________<br> <br> <br> Audience publique du 10 juillet 2024<br> <br> <br> <br> <br> Rejet<br> <br> <br> M. SOMMER, président<br> <br> <br> <br> Arrêt n° 795 FS-B<br> <br> Pourvoi n° V 22-21.082 <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E <br> <br> _________________________<br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 10 JUILLET 2024<br> <br> Le [4], (établissement d'hospitalisation), dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 22-21.082 contre l'ordonnance rendue le 23 août 2022 par le premier président du tribunal judiciaire du Havre, statuant selon la procédure accélérée au fond, dans le litige l'opposant :<br> <br> 1°/ à l'association Emergences formation, dont le siège est [Adresse 5],<br> <br> 2°/ au comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de l'hôpital [6], dont le siège est [Adresse 1],<br> <br> défendeurs à la cassation.<br> <br> Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.<br> <br> Le dossier a été communiqué au procureur général.<br> <br> Sur le rapport de M. Rinuy, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat du [4], de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de l'association Emergences formation, et l'avis de Mme Laulom, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 juin 2024 où étaient présents M. Sommer, président, M. Rinuy, conseiller rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, Mmes Ott, Sommé, Bouvier, Bérard, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, Ollivier, Arsac, conseillers référendaires, Mme Laulom, avocat général, et Mme Dumont, greffier de chambre,<br> <br> la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.<br> <br> Faits et procédure <br> <br> 1. Selon l'ordonnance attaquée (président du tribunal judiciaire du Havre, 23 août 2022), rendue selon la procédure accélérée au fond, le [4] (le groupe hospitalier) emploie environ 400 salariés répartis sur sept établissements. Il est doté de quatre comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, trois étant rattachés à chacun des hôpitaux [6], [3] et [7], le dernier constituant le comité de coordination.<br> <br> 2. Le 25 novembre 2021, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l'hôpital [6] (le CHSCT) a décidé de recourir à une expertise sur le fondement de l'article L. 4614-12, 1°, du code du travail et a désigné l'association Emergences formation (l'expert) pour y procéder.<br> <br> 3. Suivant ordonnance du 26 avril 2022, le président du tribunal judiciaire a débouté le groupe hospitalier de sa demande d'annulation de cette délibération mais a limité le périmètre de l'expertise aux services de la direction des ressources humaines de l'hôpital [6].<br> <br> 4. Le 13 juin 2022, le groupe hospitalier a fait assigner le CHSCT et l'expert devant le président du tribunal judiciaire pour obtenir la limitation de la communication des documents sollicités par l'expert au périmètre de la direction des ressources humaines et la réduction du coût de l'expertise.<br> <br> Examen du moyen<br> <br> Sur le moyen, pris en sa troisième branche<br> <br> 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.<br> <br> Sur le moyen, pris en sa première branche<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 6. Le groupe hospitalier fait grief à l'ordonnance de le débouter de ses demandes, alors « que l'expert habilité désigné par le CHSCT en application de l'article L. 4614-12, 1° du code du travail, ne peut exiger de l'employeur que ''les informations nécessaires à l'exercice de sa mission'' ; que pour assurer l'effectivité du droit, pour l'employeur, de contester le coût prévisionnel de l'expertise, le juge doit en conséquence s'assurer, concrètement, que les documents réclamés par l'expert et dont l'analyse est prise en compte dans le coût prévisionnel de l'expertise sont bien nécessaires à l'exercice de sa mission ; qu'en se bornant en l'espèce à viser les ''interactions constantes'' entre la direction des ressources humaines et les autres services, pour retenir que les enjeux de l'expertise confiée à l'association Emergences formation, bien que limitée à la direction des ressources humaines, nécessitent que l'expert prenne connaissance et analyse, outre les documents concernant la direction des ressources humaines et ses 41 agents, des documents intéressant tout l'hôpital [6], tels que l'organigramme par site et par fonction, les procès-verbaux des CHSCT de ce site des deux années précédentes, le bilan social, le bilan hygiène sécurité, les rapports annuels et la fiche entreprise du médecin du travail, le programme annuel de prévention et le document unique d'évaluation des risques qui concernent l'ensemble des agents et par conséquent ceux de la direction des ressources humaines, sans rechercher si l'analyse de tous les documents sollicités par l'expert, lequel réclamait non seulement les éléments précités, mais aussi des statistiques sur les accidents du travail et l'absentéisme au cours des trois années précédentes, était concrètement nécessaire à l'exercice de la mission de l'expert, le tribunal a méconnu son office, en violation de l'article L. 4614-13 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige interprété au regard de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »<br> <br> Réponse de la Cour <br> <br> 7. En cas de litige, il appartient au juge d'apprécier la nécessité des informations réclamées par l'expert pour accomplir sa mission.<br> <br> 8. Ayant constaté que l'expertise pour risque grave portait sur la direction des ressources humaines de l'hôpital [6], ce qui nécessitait que l'expert prenne connaissance et analyse, outre les documents concernant directement la direction des ressources humaines et ses 41 agents, des documents intéressant l'hôpital, tels que l'organigramme par site et par fonction, afin de situer le service de la direction des ressources humaines au sein de l'établissement de l'hôpital en raison des interactions constantes avec les autres services, les procès-verbaux des CHSCT de ce site des deux années précédentes pour identifier les difficultés éventuellement déjà soulignées, le bilan social, le bilan hygiène et sécurité, les rapports annuels et la fiche entreprise du médecin du travail, le programme annuel de prévention et le document unique d'évaluation des risques qui concernaient l'ensemble des agents et par conséquent, ceux de la direction des ressources humaines, le président du tribunal judiciaire, qui n'a pas méconnu son office, n'encourt pas le grief du moyen.<br> <br> Sur le moyen, pris en sa deuxième branche<br> <br> 9. Le groupe hospitalier fait grief à l'ordonnance de le débouter de ses demandes, alors « que si l'expert habilité a libre accès aux locaux de l'entreprise et détermine librement ses méthodes de travail, il ne dispose d'aucun pouvoir d'audition des membres du personnel ; qu'en l'espèce, le [4] dénonçait le caractère excessif du coût prévisionnel de l'expertise fixé par l'association Emergences formation, en faisant valoir qu'il résultait, pour une grande part, du nombre démesuré (70) d'entretiens avec les membres du personnel prévu par l'expert, ces entretiens représentant au total 105 heures ou 13,5 jours de travail, alors que le service des ressources humaines auquel l'expertise était limitée compte 41 salariés seulement ; qu'à cet égard, l'exposant soutenait que l'expert habilité ne dispose d'aucun droit à organiser des entretiens avec le personnel, sur le lieu de travail ; qu'en affirmant néanmoins, pour retenir que le coût prévisionnel de l'expertise n'était pas excessif, que ''l'expertise ordonnée (?) impose que l'ensemble de la chaîne hiérarchique et organisationnelle, tous les intervenants en matière de santé au travail, les représentants du personnel et délégués syndicaux, de même que chacun des agents de la direction concernée, y compris les 6 agents ayant récemment quitté ses services, puissent être entendus, s'ils le souhaitent'', le tribunal a reconnu à l'expert un pouvoir d'audition dont il ne dispose pas, en violation de l'article L. 4614-13 du code du travail dans sa version applicable au litige. »<br> <br> Réponse de la Cour <br> <br> 10. Selon l'article L. 4614-12 du code du travail applicable en la cause, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail peut faire appel à un expert agréé lorsqu'un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l'établissement.<br> <br> 11. Aux termes de l'article L. 4614-13 du code du travail applicable en la cause, l'employeur ne peut s'opposer à l'entrée de l'expert dans l'établissement. Il lui fournit les informations nécessaires à l'exercice de sa mission. <br> <br> 12. Selon l'article L. 4121-2 du code du travail, l'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention, notamment planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l'article L. 1142-2-1.<br> <br> 13. Aux termes de l'article L. 4612-3 du même code, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail contribue à la promotion de la prévention des risques professionnels dans l'établissement et suscite toute initiative qu'il estime utile dans cette perspective. Il peut proposer notamment des actions de prévention du harcèlement moral, du harcèlement sexuel et des agissements sexistes définis à l'article L. 1142-2-1. Le refus de l'employeur est motivé.<br> <br> 14. Il en résulte que l'expert désigné dans le cadre d'une expertise pour risque grave, s'il considère que l'audition de certains salariés de l'entreprise est utile à l'accomplissement de sa mission, peut y procéder à la condition d'obtenir l'accord des salariés concernés.<br> <br> 15. En cas de contestation par l'employeur, il appartient au juge d'apprécier la nécessité des auditions prévues par l'expert au regard de la mission de celui-ci.<br> <br> 16. Ayant relevé que l'expertise ordonnée à la suite du constat de l'existence d'un risque grave pour l'ensemble des agents de la direction des ressources humaines de l'Hôpital [6] qui se traduisait par des risques psycho-sociaux et physiques et par la manifestation d'une souffrance au travail mise en évidence par de multiples faits, sans que les alertes préalables y aient mis un terme, imposait que l'ensemble de la chaîne hiérarchique et organisationnelle, tous les intervenants en matière de santé au travail, les représentants du personnel et délégués syndicaux, de même que chacun des agents de la direction concernée, y compris les six agents ayant récemment quitté ces services, puissent être entendus avec leur accord, le président du tribunal judiciaire n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 4614-13 du code du travail.<br> <br> 17. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.<br> <br> PAR CES MOTIFS, la Cour :<br> <br> REJETTE le pourvoi ;<br> <br> Condamne le [4] aux dépens ;<br> <br> En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le [4] et le condamne à payer à l'association Emergences formation la somme de 3 000 euros ;<br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille vingt-quatre.
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 10 juillet 2024, 22-21.082, Publié au bulletin
TRAVAIL REGLEMENTATION, SANTE ET SECURITE
2024-07-10
ECLI:FR:CCASS:2024:SO00795
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000049989191
ARRET
JURITEXT000049989185
CHAMBRE_SOCIALE
null
JURI
Cour de cassation
null
Cassation partielle
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br>SOC.<br> <br> CZ<br> <br> <br> <br> COUR DE CASSATION<br> ______________________<br> <br> <br> Audience publique du 10 juillet 2024<br> <br> <br> <br> <br> Cassation partielle<br> <br> <br> M. SOMMER, président<br> <br> <br> <br> Arrêt n° 784 FS-B<br> <br> Pourvoi n° W 22-16.805 <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E <br> <br> _________________________<br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 10 JUILLET 2024<br> <br> M. [B] [N], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° W 22-16.805 contre l'arrêt rendu le 24 mars 2022 par la cour d'appel de Pau (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Volcom, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.<br> <br> Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.<br> <br> Le dossier a été communiqué au procureur général.<br> <br> Sur le rapport de M. Carillon, conseiller référendaire, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [N], de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Volcom, et l'avis de M. Gambert, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 juin 2024 où étaient présents M. Sommer, président, M. Carillon, conseiller référendaire rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen, MM. Pietton, Barincou, Seguy, Mmes Douxami, Panetta, Brinet, conseillers, Mmes Prieur, Maitral, M. Redon, conseillers référendaires, M. Gambert, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre,<br> <br> la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.<br> <br> Faits et procédure <br> <br> 1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 24 mars 2022), M. [N] a été engagé en qualité de directeur administratif et financier à compter du 2 janvier 2006 par la société Volcom (la société).<br> <br> 2. A compter du 8 août 2014, il a été placé en arrêt de travail pour maladie professionnelle. Déclaré apte à son poste par le médecin du travail le 8 novembre 2016, la société lui a demandé de solder ses jours de congés acquis. Il a fait l'objet d'un nouvel arrêt maladie pour rechute le 16 décembre 2016.<br> <br> 3. Licencié pour motif économique le 21 février 2017, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes en annulation de son licenciement pour discrimination en raison de son état de santé et en réintégration, subsidiairement en contestation de son bien-fondé, ainsi qu'en paiement, notamment, des salaires et des congés payés afférents pendant la période d'éviction et d'une indemnité compensatrice au titre des congés payés que l'employeur lui avait imposé de prendre sans délai de prévenance.<br> <br> Examen des moyens<br> <br> Sur le premier moyen, pris en sa première branche<br> <br> Enoncé du moyen <br> <br> 4. Le salarié fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable la demande au titre des congés payés acquis pendant la période d'arrêt maladie formulée pour la première fois en cause appel, alors « que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent ; que la demande au titre des congés payés acquis au cours d'un arrêt maladie tend à la même fin que les demandes formées au titre des congés payés acquis à un autre titre, la finalité étant de remplir le salarié de l'intégralité de ses droits à congés payés acquis, quelle qu'en soit la période d'acquisition ; qu'en décidant au contraire que la demande au titre des congés payés acquis pendant la période d'arrêt maladie formulée pour la première fois en appel n'avait pas les mêmes fins que les autres demandes formulées au titre des congés payés, - congés forcés et congés dans le cadre de l'indemnité d'éviction-, la cour d'appel a violé l'article 565 du code de procédure civile. »<br> <br> Réponse de la Cour <br> <br> Vu les articles 564 et 565 du code de procédure civile :<br> <br> 5. Selon le premier de ces textes, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. <br> <br> 6. Aux termes du second, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.<br> <br> 7. Pour déclarer irrecevable comme nouvelle la demande formée par le salarié au titre des congés payés pendant la période d'arrêt maladie, l'arrêt retient, d'une part, que cette demande et celles formulées à titre d'indemnité compensatrice des congés payés forcés et au titre des congés payés pendant la période d'éviction, ne tendent pas aux mêmes fins, d'autre part, que cette demande ne découle pas de ces prétentions originaires et ne leur est pas accessoire, qu'elle n'en est ni la conséquence, ni le complément nécessaire.<br> <br> 8. En statuant ainsi, alors que la demande nouvelle du salarié au titre des congés payés acquis au cours d'un arrêt de travail pour maladie, tend aux mêmes fins que les demandes initiales en paiement des congés payés pendant la période d'éviction et d'une indemnité compensatrice au titre des congés payés que l'employeur lui avait imposé de prendre sans délai de prévenance, même si le fondement juridique est différent, à savoir l'indemnisation des conséquences du non-respect par l'employeur de son obligation d'assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé, la cour d'appel a violé les textes susvisés.<br> <br> Et sur le second moyen, pris en sa troisième branche <br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 9. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que son licenciement n'est pas discriminatoire et lié à son état de santé, que la société n'avait pas à le réintégrer et de le débouter de ses demandes à titre d'indemnité d'éviction et de dommages-intérêts au titre du préjudice distinct causé par la discrimination fondée sur l'état de santé, alors « lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination à raison de l'état de santé, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le motif économique n'était pas établi dès lors que les données comptables relatives aux exercices 2013, 2014 et 2015 sur lesquelles l'employeur s'appuyait ne permettaient pas d'établir l'existence de difficultés économiques à la date du licenciement ; qu'elle a en outre relevé, au titre de la restructuration, que la modification du poste de l'exposant, désormais occupé par le remplaçant de ce dernier ; qu'en retenant néanmoins que la situation économique avait entraîné la réorganisation ayant justifié le licenciement de l'exposant, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail. »<br> <br> Réponse de la Cour <br> <br> Vu les articles L. 1132-1, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, et L. 1134-1 du code du travail :<br> <br> 10. Il résulte du premier de ces textes qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, en raison de son état de santé ou de son handicap. <br> <br> 11. En application de ces textes, lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui une discrimination, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'une discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'une discrimination et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.<br> <br> 12. Pour débouter le salarié de sa demande de nullité du licenciement pour discrimination, l'arrêt, après avoir constaté qu'il avait été en arrêt de travail pendant plus de deux ans et qu'à son retour, l'employeur lui avait imposé de solder ses congés puis l'avait licencié avant qu'il ait pu reprendre son poste et qu'il n'était pas contesté qu'aucun outil de travail ou bureau n'était disponible à son retour ni qu'il était le seul cadre à avoir été licencié au titre de la restructuration opérée par l'employeur, et retenu que ces éléments laissaient supposer l'existence d'une discrimination liée à son état de santé, retient, d'une part, que l'employeur était déficitaire au cours des exercices comptables 2014 et 2015, que le chiffre d'affaires était en baisse significative sur les années 2013, 2014 et 2015, d'autre part, que le salarié, ayant initialement remplacé le salarié sur son poste pendant son arrêt maladie, occupait, depuis le courant de l'année 2016, un poste réunissant les attributions rattachées au directeur administratif et financier ainsi que d'autres rattachées à la logistique, à l'informatique, aux ressources humaines et au service client.<br> <br> 13. Il en déduit que l'employeur a licencié le salarié pour des motifs tenant à une réorganisation intervenue pendant son arrêt maladie en raison de sa situation économique en sorte que le licenciement n'est pas survenu pour un motif discriminatoire, ces justifications constituant des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.<br> <br> 14. En statuant ainsi, par des motifs impropres à établir que la décision de l'employeur était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, alors qu'elle avait constaté, pour déclarer le licenciement injustifié, que le motif économique invoqué n'était pas établi dès lors que les données comptables relatives aux exercices 2013, 2014 et 2015 sur lesquelles l'employeur s'appuyait ne permettaient pas d'établir l'existence de difficultés économiques à la date du licenciement, la cour d'appel a violé les textes susvisés.<br> <br> Portée et conséquences de la cassation<br> <br> 15. La cassation du chef de dispositif déboutant le salarié de sa demande en nullité de son licenciement, emporte la cassation des chefs de dispositif condamnant la société à payer au salarié des sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.<br> <br> PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :<br> <br> CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit recevables les conclusions adressées par la société Volcom au greffe par voie électronique le 3 janvier 2022 , condamne la société Volcom à verser à M. [N] les sommes de 21 365,63 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés pour les congés illégalement imposés par l'employeur à l'issue de l'arrêt maladie, 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement aux obligations d'organiser un entretien professionnel et de formation, 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation d'exécuter loyalement le contrat de travail et à son obligation de sécurité, et condamne la société Volcom aux dépens et à verser à M. [N] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 24 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;<br> <br> Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Agen ;<br> <br> Condamne la société Volcom aux dépens ; <br> <br> En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Volcom et la condamne à payer à M. [N] la somme de 3 000 euros ;<br> Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;<br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille vingt-quatre.
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 10 juillet 2024, 22-16.805, Publié au bulletin
APPEL CIVIL
2024-07-10
ECLI:FR:CCASS:2024:SO00784
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000049989185
ARRET
JURITEXT000049989183
CHAMBRE_SOCIALE
null
JURI
Cour de cassation
null
Cassation partielle sans renvoi
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br>SOC.<br> <br> CH9<br> <br> <br> <br> COUR DE CASSATION<br> ______________________<br> <br> <br> Audience publique du 10 juillet 2024<br> <br> <br> <br> <br> Cassation partielle sans renvoi<br> <br> <br> M. SOMMER, président<br> <br> <br> <br> Arrêt n° 783 FS-B<br> <br> Pourvoi n° X 23-15.453 <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E <br> <br> _________________________<br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 10 JUILLET 2024<br> <br> Mme [W] [S], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 23-15.453 contre l'arrêt rendu le 15 mars 2023 par la cour d'appel de Versailles (17e chambre), dans le litige l'opposant à la société Gobé, aux droits de laquelle vient la société Circet, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.<br> <br> La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.<br> <br> Le dossier a été communiqué au procureur général.<br> <br> Sur le rapport de Mme Douxami, conseiller, les observations de la SCP Françoise Fabiani-François Pinatel, avocat de Mme [S], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Gobé, aux droits de laquelle vient la société Circet, et l'avis de M. Gambert, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 juin 2024 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Douxami, conseiller rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen, MM. Pietton, Barincou, Seguy, Mmes Panetta, Brinet, conseillers, Mme Prieur, M. Carillon, Mme Maitral, M. Redon, conseillers référendaires, M. Gambert, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre,<br> <br> la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.<br> <br> Faits et procédure<br> <br> 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 15 mars 2023), Mme [S] a été engagée en qualité de conductrice de travaux, à compter du 16 juin 2011, par la société Gobé aux droits de laquelle vient la société Circet.<br> <br> 2. Licenciée pour inaptitude par lettre du 28 avril 2018, elle a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant à la requalification de son licenciement en licenciement nul et au paiement consécutif de diverses sommes au titre de la rupture de son contrat de travail ainsi que de dommages-intérêts pour préjudice moral.<br> <br> 3. En cours d'instance devant les premiers juges, elle a formé des demandes additionnelles aux fins de paiement de diverses sommes à titre de rappel de salaire, de congés payés afférents et de dommages-intérêts pour violation des dispositions conventionnelles relatives au salaire minimum.<br> <br> Examen des moyens<br> <br> Sur le second moyen<br> <br> 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.<br> <br> Mais sur le premier moyen<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 5. La salariée fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement en ce qu'il a dit recevables ses demandes additionnelles aux fins de condamnation de l'employeur à lui payer diverses sommes à titre de rappel de salaire pour la <br> période du 24 avril 2015 au 24 avril 2018, de congés payés afférents et de <br> dommages-intérêts pour violation des dispositions conventionnelles relatives <br> au salaire minimum et de les déclarer irrecevables comme ne se rattachant <br> pas aux prétentions originaires par un lien suffisant, alors « que les demandes additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux <br> prétentions originaires par un lien suffisant ; qu'en se bornant, pour en déduire que les demandes additionnelles de rappel de salaire en lien avec <br> un non-respect des minima conventionnels étaient irrecevables, à énoncer <br> que les prétentions originaires de Mme [S] qui se prévalait pourtant d'un <br> harcèlement moral de la part de son employeur, étaient seulement afférentes à la rupture de son contrat de travail et non à son exécution, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 70 du <br> code de procédure civile. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> Vu l'article 70 du code de procédure civile :<br> <br> 6. Selon ce texte, les demandes additionnelles ou reconventionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.<br> <br> 7. Pour déclarer irrecevables les demandes additionnelles, l'arrêt retient que <br> les prétentions originaires de la salariée n'avaient ni pour objet matériel ni pour cause un rappel de salaire en lien avec un non-respect des minima conventionnels et qu'en réalité, en formant les demandes additionnelles litigieuses, la salariée a initié un autre litige que celui initialement introduit et que l'objet mais également la cause invoqués sont différents et privent les demandes litigieuses de tout lien, et a fortiori d'un lien suffisant, avec les prétentions originaires afférentes à la rupture du contrat de travail.<br> <br> 8. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que la salariée invoquait le non-respect de la classification conventionnelle tant comme élément laissant supposer l'existence du harcèlement moral fondant sa demande de nullité, qu'à l'appui de ses demandes de rappel de salaire, congés payés afférents et dommages-intérêts pour non respect des dispositions conventionnelles relatives au salaire minimum, ce dont elle aurait dû déduire que les demandes additionnelles présentaient un lien suffisant avec les demandes originaires, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé.<br> <br> Portée et conséquences de la cassation<br> <br> 9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.<br> <br> 10. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond puisque les faits, tels qu'ils ont été souverainement constatés et appréciés par les juges du fond, permettent d'appliquer la règle de droit appropriée et ainsi de mettre fin au litige.<br> <br> 11. Il convient de déclarer recevables les demandes additionnelles de la salariée.<br> <br> 12. La qualification d'un salarié s'apprécie au regard des fonctions qu'il exerce réellement au sein de l'entreprise et de la définition des emplois donnée par la convention collective.<br> <br> 13. Il appartient au salarié qui se prévaut d'une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie de démontrer qu'il assure effectivement, de façon habituelle, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu'il revendique.<br> <br> 14. La cour d'appel ayant retenu, au titre de l'examen des éléments de fait invoqués par la salariée laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral, qu'indépendamment de l'ancienneté dont elle se prévalait, elle ne présentait aucun élément propre à établir qu'elle prenait des « initiatives et responsabilités » pour « représenter l'entreprise à l'extérieur » justifiant la classification conventionnelle revendiquée, il convient de dire qu'elle ne peut prétendre au rappel de salaire correspondant à la classification conventionnelle revendiquée et de rejeter ses demandes.<br> <br> PAR CES MOTIFS, la Cour :<br> <br> CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevables les demandes de condamnation de la société Gobé, aux droits de laquelle vient la société Circet, à payer à Mme [S] les sommes de 7 280,04 euros brut à titre de rappel de salaire pour la période du 24 avril 2015 au 24 avril 2018, outre 728 euros au titre des congés payés afférents et 8 758,26 euros à titre de dommages-intérêts pour violation des dispositions conventionnelles relatives au salaire minimum, l'arrêt rendu le 15 mars 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;<br> <br> Dit n'y avoir lieu à renvoi ;<br> <br> Déclare recevables les demandes additionnelles de Mme [S] ;<br> <br> Déboute Mme [S] de ces demandes ;<br> <br> Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;<br> <br> En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;<br> <br> Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;<br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille vingt-quatre.
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 10 juillet 2024, 23-15.453, Publié au bulletin
PRUD'HOMMES
2024-07-10
ECLI:FR:CCASS:2024:SO00783
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000049989183
ARRET
JURITEXT000049989203
CHAMBRE_SOCIALE
articles 3 et 6 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles.
JURI
Cour de cassation
Est renvoyée à la Cour de justice de l'Union européenne la question suivante : "Les articles 3 et 6 de la Convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles ouverte à la signature à Rome le 19 juin 1980 doivent-ils être interprétés en ce sens que, dans l'hypothèse où le salarié exerce les mêmes activités au profit de son employeur dans plus d'un État contractant, il convient, pour déterminer la loi qui serait applicable à défaut de choix des parties, de tenir compte de toute la durée de la relation de travail pour déterminer le lieu où l'intéressé accomplissait habituellement son travail ou si la période de travail la plus récente devrait être retenue lorsque le travailleur, après avoir accompli son travail pendant une certaine durée à un endroit déterminé, exerce ensuite ses activités de manière durable en un lieu différent, destiné, selon la volonté claire des parties, à devenir un nouveau lieu de travail habituel ?"Est renvoyée à la Cour de justice de l'Union européenne la question suivante : "Les articles 3 et 6 de la Convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles ouverte à la signature à Rome le 19 juin 1980 doivent-ils être interprétés en ce sens que, dans l'hypothèse où le salarié exerce les mêmes activités au profit de son employeur dans plus d'un État contractant, il convient, pour déterminer la loi qui serait applicable à défaut de choix des parties, de tenir compte de toute la durée de la relation de travail pour déterminer le lieu où l'intéressé accomplissait habituellement son travail ou si la période de travail la plus récente devrait être retenue lorsque le travailleur, après avoir accompli son travail pendant une certaine durée à un endroit déterminé, exerce ensuite ses activités de manière durable en un lieu différent, destiné, selon la volonté claire des parties, à devenir un nouveau lieu de travail habituel ?"
Renvoi devant la Cour de justice de l'Union européenne
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br> SOC.<br> <br> JL10<br> <br> <br> <br> COUR DE CASSATION<br> ______________________<br> <br> <br> Audience publique du 10 juillet 2024<br> <br> <br> <br> <br> Renvoi préjudiciel devant la Cour de justice de l'Union européenne<br> <br> <br> M. SOMMER, président<br> <br> <br> <br> Arrêt n° 798 FS-B<br> <br> Pourvoi n° T 19-24.978<br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E <br> <br> _________________________<br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 10 JUILLET 2024<br> <br> La société Locatrans, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° T 19-24.978 contre l'arrêt rendu le 2 mai 2019 par la cour d'appel de Dijon (chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. [S] [X], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.<br> <br> La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.<br> <br> Le dossier a été communiqué au procureur général.<br> <br> Sur le rapport de Mme Ollivier, conseiller référendaire, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société Locatrans, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [X], et l'avis de Mme Laulom, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 juin 2024 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Ollivier, conseiller référendaire rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, M. Rinuy, Mmes Ott, Sommé, Bouvier, Bérard, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, Arsac, conseillers référendaires, Mme Laulom, avocat général, et Mme Dumont, greffier de chambre,<br> <br> la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; <br> <br> Faits et procédure<br> <br> 1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 2 mai 2019), M. [X] a été engagé en qualité de conducteur, par contrat de travail conclu le 15 octobre 2002, à compter du 21 octobre suivant, par la société Locatrans, dont le siège social se trouve à [Localité 2] au Luxembourg. Son temps de travail mensuel était fixé à 166 heures. Le contrat de travail stipulait que la loi applicable était la loi luxembourgeoise et que les pays essentiellement concernés par les transports étaient l'Allemagne, le Bénélux, l'Italie, l'Espagne, le Portugal et l'Autriche.<br> <br> 2. Par lettre du 14 janvier 2014, l'employeur a informé le salarié de sa décision de réduire son nombre d'heures de travail hebdomadaire à 35 heures, soit 151,55 heures mensuelles à compter du 16 juillet 2014.<br> <br> 3. Par lettre du 7 février 2014, le salarié a informé son employeur de son opposition à la modification de son contrat de travail.<br> <br> 4. Par lettre du 31 mars 2014, l'employeur a informé le salarié qu'à la suite de l'analyse de son activité sur les dix-huit derniers mois, il avait constaté qu'il effectuait une part substantielle de son activité salariée (plus de 50 %) en France et qu'il avait l'obligation de l'affilier à la sécurité sociale française.<br> <br> 5. L'employeur a confirmé une proposition d'embauche au bénéfice du salarié au sein d'une société française par lettre du 17 avril 2014 et a indiqué à celui-ci qu'il ne ferait plus partie des effectifs de l'entreprise à compter du 16 juillet 2014 à la suite de son refus de diminution de son temps de travail.<br> <br> 6. Le 8 janvier 2015, contestant la rupture de son contrat de travail, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Dijon de diverses demandes indemnitaires.<br> <br> 7. Par jugement du 4 avril 2017, le conseil de prud'hommes a dit que la loi luxembourgeoise était applicable à l'exécution et à la rupture du contrat de travail du salarié, que sa démission était claire et sans équivoque et qu'il n'y avait pas lieu de la requalifier en résiliation abusive et a débouté le salarié de ses demandes.<br> <br> 8. Sur l'appel du salarié, la cour d'appel de Dijon, par arrêt du 2 mai 2019, a infirmé le jugement déféré, dit qu'en application de l'article 6 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 le choix par les parties de la loi luxembourgeoise ne pouvait avoir pour résultat de priver le salarié de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi française, applicables au litige, requalifié la rupture du contrat de travail en licenciement, dit que le licenciement ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse, condamné l'employeur à verser au salarié certaines sommes à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité de préavis et des congés payés afférents, d'indemnité légale de licenciement et au titre des frais irrépétibles.<br> <br> 9. Dans son arrêt du 2 mai 2019, la cour d'appel a relevé que les parties avaient conclu à [Localité 2] (Luxembourg), le 15 octobre 2002, un contrat de travail à durée indéterminée aux termes duquel il était stipulé que « Le présent contrat sera régi par les dispositions de la loi modifiée du 24 mai 1989 sur le contrat de travail, la Convention Collective (pour les transports professionnels de marchandises par route de la confédération du Commerce Luxembourgeois), ainsi que par le Règlement Intérieur de la société. (...) Les parties conviennent expressément que le point d'attache se situera à [Localité 2], étant entendu que ce lieu de travail pourra être transféré pour des raisons liées à l'organisation technique et commerciale de notre entreprise. Ce transfert, de votre lieu de travail, constituera alors une modification de vos conditions de travail présentant le caractère non substantiel que vous acceptez par avance. Les pays essentiellement concernés par les transports, sont : l'Allemagne, le Bénélux, l'Italie, l'Espagne, le Portugal et l'Autriche. (...) Pour toutes les questions non prévues par le présent contrat, nous nous référons aux dispositions légales et réglementaires en vigueur, à la Convention Collective et plus particulièrement par la loi du 24 mai 1989 sur le contrat de travail, ainsi qu'aux usages en vigueur au sein de la Société » et qu'il résultait de façon certaine et expresse des dispositions du contrat que les parties avaient fait le choix d'appliquer à la relation de travail le droit luxembourgeois.<br> <br> 10. La cour d'appel a également relevé que M. [X] faisait valoir que la liberté contractuelle ne devait, cependant, pas le priver de la protection des dispositions impératives de la loi qui serait applicable au contrat à défaut de choix et qu'en l'absence de choix, la loi française aurait trouvé à s'appliquer en raison du lieu d'accomplissement habituel de son travail.<br> <br> 11. La cour d'appel a ensuite relevé que par lettre du 31 mars 2014, la société Locatrans avait reconnu que le salarié accomplissait l'essentiel de son travail en France en ces termes « Comme précisé à votre délégation du personnel lors des deux dernières réunions des 7 décembre 2013 et 1er février 2014, nous avons été amenés à analyser l'ensemble de votre activité sur les 18 derniers mois. Nous avons ainsi constaté que, désormais, vous effectuez une part substantielle de votre activité salariée (plus de 50 %) sur le territoire de votre Etat de résidence à savoir la France. Dans ces conditions nous sommes dans l'obligation de vous affilier à la sécurité sociale française », qu'il résultait de la lecture des bulletins de salaire de M. [X] qu'il avait cotisé au régime de la sécurité sociale française dès le mois d'avril 2014, que le salarié rapportait la preuve qu'il accomplissait l'essentiel de ses obligations à l'égard de son employeur en France, que dès lors, la loi française, à défaut de choix des parties, aurait trouvé à s'appliquer en raison du lieu d'accomplissement habituel du travail, et qu'il en résultait que le choix par les parties de la loi luxembourgeoise ne pouvait avoir pour résultat de priver M. [X] de la protection que lui assuraient les dispositions impératives de la loi française.<br> <br> 12. La cour d'appel a enfin retenu que constituaient des dispositions impératives celles auxquelles il ne pouvait être dérogé par contrat, que constituaient notamment des normes françaises légales et impératives tendant à protéger les salariés les dispositions de la loi française concernant la modification et la rupture du contrat de travail et qu'ainsi, la loi française avait vocation à s'appliquer au litige.<br> <br> 13. La société Locatrans s'est pourvue en cassation.<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 14. Par son moyen, pris en sa première branche, l'employeur fait grief à l'arrêt de dire qu'en application de l'article 6 de la Convention de Rome du 19 juin 1980, le choix par les parties de la loi luxembourgeoise ne peut avoir pour résultat de priver le salarié de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi française, applicables au présent litige, de requalifier la rupture du contrat de travail du salarié en licenciement, de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et de le condamner à verser diverses sommes subséquentes, alors « que le lieu de travail habituel est l'endroit où le travailleur accomplit la majeure partie de son temps de travail pour le compte de son employeur en tenant compte de l'intégralité de la période d'activité du travailleur ; qu'en cas de périodes stables de travail dans des lieux successifs différents, le dernier lieu d'activité devrait être retenu dès lors que, selon la volonté claire des parties, il a été décidé que le travailleur y exercerait de façon stable et durable ses activités ; que pour dire que le choix par les parties de la loi luxembourgeoise ne pouvait avoir pour résultat de priver le salarié de la protection que lui assuraient les dispositions impératives de la loi française, la cour d'appel a retenu que, par courrier du 31 mars 2014, l'employeur avait reconnu que le salarié, lequel avait été engagé le 15 octobre 2002 en qualité de chauffeur routier pour effectuer des transports de marchandises dans plusieurs pays, accomplissait l'essentiel de son travail en France en ces termes : ''[?] nous avons été amenés à analyser l'ensemble de votre activité sur les 18 derniers mois. Nous avons ainsi constaté que, désormais, vous effectuez une part substantielle de votre activité salariée (plus de 50 %) sur le territoire de votre Etat de résidence à savoir la France. Dans ces conditions nous sommes dans l'obligation de vous affilier à la sécurité sociale française'', et qu'il résultait de la lecture des bulletins de salaire que le salarié avait cotisé au régime de la sécurité sociale française dès le mois d'avril 2014 ; qu'en statuant ainsi, sans constater que la France était le pays de travail habituel où le salarié avait accompli la majeure partie de son temps de travail pour le compte de son employeur en tenant compte de l'intégralité de sa période d'activité ou qu'il avait été décidé selon la volonté claire des parties que le salarié y exercerait de façon stable et durable ses activités, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 3 et 6 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles. »<br> <br> Rappel des textes applicables<br> <br> Le droit de l'Union<br> <br> 15. Aux termes de l'article 3 de la Convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, ouverte à la signature à Rome le 19 juin 1980, <br>1. Le contrat est régi par la loi choisie par les parties. Ce choix doit être exprès ou résulter de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause. Par ce choix, les parties peuvent désigner la loi applicable à la totalité ou à une partie seulement de leur contrat.<br> 2. Les parties peuvent convenir, à tout moment, de faire régir le contrat par une loi autre que celle qui le régissait auparavant soit en vertu d'un choix antérieur selon le présent article, soit en vertu d'autres dispositions de la présente Convention. Toute modification quant à la détermination de la loi applicable, intervenue postérieurement à la conclusion du contrat, n'affecte pas la validité formelle du contrat au sens de l'article 9 et ne porte pas atteinte aux droits des tiers. <br> 3. Le choix par les parties d'une loi étrangère, assorti ou non de celui d'un tribunal étranger, ne peut, lorsque tous les autres éléments de la situation sont localisés au moment de ce choix dans un seul pays, porter atteinte aux dispositions auxquelles la loi de ce pays ne permet pas de déroger par contrat, ci-après dénommées « dispositions impératives ».<br> 4. L'existence et la validité du consentement des parties quant au choix de la loi applicable sont régies par les dispositions établies aux articles 8, 9 et 11.<br> <br> 16. Aux termes de l'article 6 de la même Convention, <br>1. Nonobstant les dispositions de l'article 3, dans le contrat de travail, le choix par les parties de la loi applicable ne peut avoir pour résultat de priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi qui serait applicable, à défaut de choix, en vertu du paragraphe 2 du présent article.<br> 2. Nonobstant les dispositions de l'article 4 et à défaut de choix exercé conformément à l'article 3, le contrat de travail est régi :<br> a) par la loi du pays où le travailleur, en exécution du contrat, accomplit habituellement son travail, même s'il est détaché à titre temporaire dans un autre pays<br> ou <br> b) si le travailleur n'accomplit pas habituellement son travail dans un même pays, par la loi du pays où se trouve l'établissement qui a embauché le travailleur,<br> à moins qu'il ne résulte de l'ensemble des circonstances que le contrat de travail présente des liens plus étroits avec un autre pays, auquel cas la loi de cet autre pays est applicable.<br> <br> 17. Le règlement (CE) n° 593/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 17 juin 2008, sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I) (JO, 4 juillet 2008, L 177, p. 6), a remplacé la Convention de Rome. Ce règlement s'applique aux contrats conclus à compter du 17 décembre 2009.<br> <br> 18. Aux termes de l'article 8, paragraphe 2, de ce règlement, intitulé « Contrats individuels de travail », à défaut de choix exercé par les parties, le contrat individuel de travail est régi par la loi du pays dans lequel ou, à défaut, à partir duquel le travailleur, en exécution du contrat, accomplit habituellement son travail. Le pays dans lequel le travail est habituellement accompli n'est pas réputé changer lorsque le travailleur accomplit son travail de façon temporaire dans un autre pays.<br> <br> 19. Selon l'article 5 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 1972, L 299, p. 32), telle que modifiée par la Convention du 29 novembre 1996 relative à l'adhésion de la République d'Autriche, de la République de Finlande et du Royaume de Suède (JO 1997, C 15, p. 1, ci-après la « Convention de Bruxelles »), le défendeur domicilié sur le territoire d'un État contractant peut être attrait, dans un autre État contractant, en matière contractuelle, devant le tribunal du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée ; en matière de contrat individuel de travail, ce lieu est celui où le travailleur accomplit habituellement son travail ; lorsque le travailleur n'accomplit pas habituellement son travail dans un même pays, l'employeur peut être également attrait devant le tribunal du lieu où se trouve ou se trouvait l'établissement qui a embauché le travailleur.<br> <br> 20. Le règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2001, L 12, p. 1), a remplacé la Convention de Bruxelles. Il est entré en vigueur le 1er mars 2002.<br> <br> 21. L'article 19 du règlement n° 44/2001 dispose qu'un employeur ayant son domicile sur le territoire d'un État membre peut être attrait :<br> 1) devant les tribunaux de l'État membre où il a son domicile, ou 2) dans un autre État membre :<br> a) devant le tribunal du lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail ou devant le tribunal du dernier lieu où il a accompli habituellement son travail, ou<br> b) lorsque le travailleur n'accomplit pas ou n'a pas accompli habituellement son travail dans un même pays, devant le tribunal du lieu où se trouve ou se trouvait l'établissement qui a embauché le travailleur.<br> <br> 22. Le règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2012, L 351, p. 1), a remplacé le règlement (CE) n° 44/2001. Il est entré en vigueur le 10 janvier 2015.<br> <br> 23. Aux termes de l'article 21, paragraphe 1, de ce règlement, un employeur domicilié sur le territoire d'un État membre peut être attrait :<br> a) devant les juridictions de l'État membre où il a son domicile ; ou<br> b) dans un autre État membre :<br> i) devant la juridiction du lieu où ou à partir duquel le travailleur accomplit habituellement son travail ou devant la juridiction du dernier lieu où il a accompli habituellement son travail ; ou<br> ii) lorsque le travailleur n'accomplit pas ou n'a pas accompli habituellement son travail dans un même pays, devant la juridiction du lieu où se trouve ou se trouvait l'établissement qui a embauché le travailleur.<br> <br> Le droit luxembourgeois<br> <br> 24. Aux termes de l'article L. 121-7 du code du travail luxembourgeois, toute modification en défaveur du salarié portant sur une clause essentielle du contrat de travail doit, sous peine de nullité, être notifiée au salarié dans les formes et délais visés aux articles L. 124-2 et L. 124-3 et indiquer la date à laquelle elle sort ses effets. Dans ce cas, le salarié peut demander à l'employeur les motifs de la modification et l'employeur est tenu d'énoncer ces motifs dans les formes et délais prévus à l'article L. 124-5. La modification immédiate pour motif grave doit être notifiée au salarié, sous peine de nullité, dans les formes et délais prévus aux articles L. 124-2 et L. 124-10. La résiliation du contrat de travail découlant du refus du salarié d'accepter la modification lui notifiée constitue un licenciement susceptible du recours judiciaire visé à l'article L. 124-11.<br> <br> 25. Aux termes de l'article L. 124-11 du code du travail luxembourgeois, <br> (1) Est abusif et constitue un acte socialement et économiquement anormal, le licenciement qui est contraire à la loi ou qui n'est pas fondé sur des motifs réels et sérieux liés à l'aptitude ou à la conduite du salarié ou fondé sur les nécessités du fonctionnement de l'entreprise, de l'établissement ou du service. Il en est de même lorsque le licenciement est contraire aux critères généraux visés à l'article L. 423-1, sous 3.<br> (2) L'action judiciaire en réparation de la résiliation abusive du contrat de travail doit être introduite auprès de la juridiction du travail, sous peine de forclusion, dans un délai de trois mois à partir de la notification du licenciement ou de sa motivation. A défaut de motivation, le délai court à partir de l'expiration du délai visé à l'article L. 124-5, paragraphe (2). Ce délai est valablement interrompu en cas de réclamation écrite introduite auprès de l'employeur par le salarié, son mandataire ou son organisation syndicale. Cette réclamation fait courir, sous peine de forclusion, un nouveau délai d'une année.<br> (3) En cas de contestation, la charge de la preuve de la matérialité et du caractère réel et sérieux des motifs incombe à l'employeur. L'employeur peut en cours d'instance apporter des précisions complémentaires par rapport aux motifs énoncés.<br> (4) L'abstention du salarié de prester son travail en raison d'une grève professionnelle, décrétée dans des conditions légitimes et licites, ne constitue ni un motif grave au sens de l'article L. 124-10, ni un motif sérieux au sens du paragraphe (1) du présent article.<br> (5) Sans préjudice des dispositions du livre V, titre Ier, chapitre Ier relatif aux mesures destinées à prévenir les licenciements conjoncturels, pour autant qu'elles régissent l'indemnisation des chômeurs partiels, le refus par un salarié occupé à temps plein d'effectuer un travail à temps partiel ne constitue ni un motif grave, ni un motif légitime de licenciement. Il en est de même pour le salarié occupé à temps partiel qui refuse d'accepter ou de reprendre un travail à temps plein. Toutefois, si le salarié occupé à temps partiel est inscrit à l'Agence pour le développement de l'emploi au titre de demandeur d'un emploi à plein temps, son refus d'accepter un emploi à plein temps lui offert par son employeur, correspondant à sa qualification, ses connaissances, ses aptitudes et son expérience professionnelle, et conforme aux critères de l'emploi approprié visé à l'article L. 521-3, peut constituer un motif légitime de licenciement, s'il n'est pas dûment justifié par des causes réelles et sérieuses.<br> (6) Le refus du salarié à temps partiel d'effectuer des heures de travail au-delà des limites fixées par le contrat ou à d'autres conditions et modalités que celles prévues au contrat ne constitue ni un motif grave, ni un motif légitime de licenciement.<br> (7) Doit être considéré comme abusif le licenciement du salarié au motif qu'il renonce à prétendre à l'indemnité de préretraite.<br> <br> Le droit national<br> <br> 26. Aux termes de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.<br> <br> 27. Aux termes de l'article L. 1231-1, alinéa 1er, du code du travail, le contrat de travail à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié, ou d'un commun accord, dans les conditions prévues par les dispositions du présent titre.<br> <br> 28. Aux termes de l'article L. 1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel est motivé dans les conditions définies par le présent chapitre. Il est justifié par une cause réelle et sérieuse.<br> <br> 29. Aux termes de l'article L. 1233-2 du code du travail, tout licenciement pour motif économique est motivé dans les conditions définies par le présent chapitre. Il est justifié par une cause réelle et sérieuse.<br> <br> 30. Aux termes de l'article L. 1235-1, alinéas 3 à 5, du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, à défaut d'accord, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Il justifie dans le jugement qu'il prononce le montant des indemnités qu'il octroie. Si un doute subsiste, il profite au salarié.<br> <br> 31. Selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, l'employeur ne peut imposer à un salarié, sans son accord, la modification de son contrat de travail et la rupture du contrat de travail résultant du refus du salarié d'accepter une modification de son contrat s'analyse en un licenciement. Le refus du salarié d'accepter une modification de son contrat de travail n'est pas fautif et le licenciement motivé uniquement par le refus du salarié d'accepter une modification de son contrat de travail est dépourvu de cause réelle et sérieuse (Soc., 7 juillet 1998, pourvois n° 96-40.256, 96-45.047, Bull. 1998, V, n° 367 ; Soc., 15 juillet 1998, pourvoi n° 97-43.985, Bull. 1998, V, n° 381 ; Soc., 16 décembre 1998, pourvoi n° 96-41.845, Bull. 1998, V, n° 557 ; Soc., 24 novembre 1999, pourvoi n° 97-45.202, Bull. 1999, V, n° 456).<br> <br> Motifs justifiant le renvoi préjudiciel<br> <br> 32. L'article 6 de la Convention de Rome édicte des règles de conflit spéciales relatives au contrat individuel de travail qui dérogent aux règles générales contenues aux articles 3 et 4 de cette Convention, portant respectivement sur la liberté de choix de la loi applicable et sur les critères de détermination de celle-ci en l'absence d'un tel choix.<br> <br> 33. Ainsi, l'article 6 de la Convention de Rome prévoit, à son paragraphe 1, que le choix par les parties de la loi applicable au contrat de travail ne peut pas conduire à priver le travailleur des garanties prévues par les dispositions impératives de la loi qui serait applicable au contrat en l'absence d'un tel choix. Le paragraphe 2 dudit article énonce les critères de rattachement du contrat de travail sur la base desquels doit être déterminée la lex contractus, à défaut de choix des parties.<br> <br> 34. Ces critères sont, en premier lieu, celui du pays où le travailleur « accomplit habituellement son travail » [article 6, paragraphe 2, sous a)], et, à titre subsidiaire, en l'absence d'un tel lieu, celui du siège de « l'établissement qui a embauché le travailleur » [article 6, paragraphe 2, sous b)].<br> <br> 35. En outre, selon la dernière phrase de ce paragraphe 2, ces deux critères de rattachement ne sont pas applicables lorsqu'il résulte de l'ensemble des circonstances que le contrat de travail présente des liens plus étroits avec un autre pays, auquel cas la loi de cet autre pays est applicable.<br> <br> 36. La Cour de justice de l'Union européenne a précisé les critères d'interprétation de la notion de lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail, dans l'hypothèse où le travailleur exerce ses activités dans plus d'un État contractant, au sens de la Convention de Rome, dans les arrêts Heiko Koelzsch du 15 mars 2011 (arrêt du 15 mars 2011, Heiko Koelzsch, C-29/10) et Voogsgeerd du 15 décembre 2011 (arrêt du 15 décembre 2011, Voogsgeerd, C-384/10).<br> <br> 37. Elle a dit pour droit dans l'arrêt Heiko Koelzsch que l'article 6, paragraphe 2, sous a), de la Convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, ouverte à la signature à Rome le 19 juin 1980, doit être interprété en ce sens que, dans l'hypothèse où le travailleur exerce ses activités dans plus d'un État contractant, le pays dans lequel le travailleur, dans l'exécution du contrat, accomplit habituellement son travail au sens de cette disposition est celui où ou à partir duquel, compte tenu de l'ensemble des éléments qui caractérisent ladite activité, le travailleur s'acquitte de l'essentiel de ses obligations à l'égard de son employeur.<br> <br> 38. La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit dans l'arrêt Voogsgeerd que l'article 6, paragraphe 2, de la Convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, ouverte à la signature à Rome le 19 juin 1980, doit être interprété en ce sens que la juridiction nationale saisie doit tout d'abord établir si le travailleur, dans l'exécution du contrat, accomplit habituellement son travail dans un même pays, qui est celui dans lequel ou à partir duquel, compte tenu de l'ensemble des éléments qui caractérisent ladite activité, le travailleur s'acquitte de l'essentiel de ses obligations à l'égard de son employeur.<br> <br> 39. La Cour de justice de l'Union européenne a indiqué que le critère du pays où le travailleur « accomplit habituellement son travail » doit être interprété de manière autonome, dans le sens que le contenu et la portée de cette règle de renvoi ne peuvent pas être déterminés sur la base du droit du juge saisi, mais doivent être établis selon des critères uniformes et autonomes pour assurer à la Convention de Rome sa pleine efficacité dans la perspective des objectifs qu'elle poursuit (arrêt du 15 mars 2011, Heiko Koelzsch, C-29/10, point 32).<br> <br> 40. En outre, une telle interprétation ne doit pas faire abstraction de celle relative aux critères prévus à l'article 5, point 1, de la Convention de Bruxelles lorsqu'ils fixent les règles de détermination de la compétence juridictionnelle pour les mêmes matières et édictent des notions similaires. En effet, il découle du préambule de la Convention de Rome que celle-ci a été conclue afin de poursuivre, dans le domaine du droit international privé, l'oeuvre d'unification juridique amorcée par l'adoption de la Convention de Bruxelles (arrêt du 15 mars 2011, Heiko Koelzsch, C-29/10, point 33).<br> <br> 41. À cet égard, il ressort du rapport concernant la Convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, de MM. Giuliano et Lagarde (JO 1980, C 282, p. 1), que l'article 6 de celle-ci a été conçu pour « donner une réglementation plus appropriée dans des matières où les intérêts d'un des contractants ne se posent pas sur le même plan que ceux de l'autre et d'assurer [ainsi] une protection adéquate à la partie qui est à considérer, d'un point de vue socio-économique, comme la plus faible dans la relation contractuelle » (arrêt du 15 mars 2011, Heiko Koelzsch, C-29/10, point 40).<br> <br> 42. La Cour de justice s'est inspirée également de ces principes dans l'interprétation des règles de compétence relatives aux contrats de travail qui sont fixées par la Convention de Bruxelles. Elle a en effet jugé que, dans une hypothèse où le travailleur exerce ses activités professionnelles dans plus d'un État contractant, il importe de tenir dûment compte du souci d'assurer une protection adéquate au travailleur en tant que partie contractante la plus faible (arrêt du 15 mars 2011, Heiko Koelzsch, C-29/10, point 41).<br> <br> 43. Il s'ensuit que, dans la mesure où l'objectif de l'article 6 de la Convention de Rome est d'assurer une protection adéquate au travailleur, cette disposition doit être lue comme garantissant l'applicabilité de la loi de l'État dans lequel il exerce ses activités professionnelles plutôt que celle de l'État du siège de l'employeur. En effet, c'est dans le premier État que le travailleur exerce sa fonction économique et sociale et que l'environnement professionnel et politique influence l'activité de travail. Dès lors, le respect des règles de protection du travail prévues par le droit de ce pays doit, dans la mesure du possible, être garanti (arrêt du 15 mars 2011, Heiko Koelzsch, C-29/10, point 42).<br> <br> 44. Ainsi, compte tenu de l'objectif poursuivi par l'article 6 de la Convention de Rome, il y a lieu de constater que le critère du pays où le travailleur « accomplit habituellement son travail », édicté au paragraphe 2, sous a), de celui-ci, doit être interprété de façon large, alors que le critère du siège de « l'établissement qui a embauché le travailleur », prévu au paragraphe 2, sous b), du même article, devrait s'appliquer lorsque le juge saisi n'est pas en mesure de déterminer le pays d'accomplissement habituel du travail (arrêt du 15 mars 2011, Heiko Koelzsch, C-29/10, point 43 ; arrêt du 15 décembre 2011, Voogsgeerd, C-384/10, point 35).<br> <br> 45. Il découle de ce qui précède que le critère contenu à l'article 6, paragraphe 2, sous a), de la Convention de Rome a vocation à s'appliquer également dans une hypothèse où le travailleur exerce ses activités dans plus d'un État contractant, lorsqu'il est possible, pour la juridiction saisie, de déterminer l'État avec lequel le travail présente un rattachement significatif (arrêt du 15 mars 2011, Heiko Koelzsch, C-29/10, point 44 ; arrêt du 15 décembre 2011, Voogsgeerd, C-384/10, point 36).<br> <br> 46. Selon la jurisprudence de la Cour de justice relative à l'article 5, point 1, de la Convention de Bruxelles (arrêt du 13 juillet 1993, Mulox IBC, C-125/92, Rec. p. I-4075, points 21 à 23 ; arrêt du 9 janvier 1997, Rutten, C-383/95, Rec. p. I-57, point 23 ; arrêt du 27 février 2002, Weber, C-37/00, Rec. p. I-2013, point 42), qui reste pertinente dans l'analyse de l'article 6, paragraphe 2, de la Convention de Rome, lorsque les prestations de travail sont exécutées dans plus d'un État membre, le critère du pays de l'accomplissement habituel du travail doit faire l'objet d'une interprétation large et être entendu comme se référant au lieu dans lequel ou à partir duquel le travailleur exerce effectivement ses activités professionnelles et, en l'absence de centre d'affaires, au lieu où celui-ci accomplit la majeure partie de ses activités (arrêt du 15 mars 2011, Heiko Koelzsch, C-29/10, point 45).<br> <br> 47. Par ailleurs, cette interprétation se concilie également avec le libellé de la nouvelle disposition sur les règles de conflit relatives aux contrats individuels de travail, introduite par le règlement n° 593/2008, qui n'est pas applicable en l'espèce ratione temporis. En effet, selon l'article 8 de ce règlement, à défaut de choix exercé par les parties, le contrat individuel de travail est régi par la loi du pays dans lequel ou, à défaut, à partir duquel le travailleur, en exécution du contrat, accomplit habituellement son travail. Cette loi reste applicable également lorsque le travailleur accomplit des prestations temporairement dans un autre État. En outre, ainsi que l'indique le vingt-troisième considérant de ce règlement, l'interprétation de cette disposition doit être inspirée des principes du favor laboratoris car les parties les plus faibles au contrat doivent être protégées « par des règles de conflit plus favorables » (arrêt du 15 mars 2011, Heiko Koelzsch, C-29/10, point 46).<br> <br> 48. Il ressort de ce qui précède que la juridiction de renvoi doit interpréter de manière large le critère de rattachement édicté à l'article 6, paragraphe 2, sous a), de la Convention de Rome pour établir si le requérant au principal a accompli habituellement son travail dans l'un des États contractants et pour déterminer lequel d'entre eux (arrêt du 15 mars 2011, Heiko Koelzsch, C-29/10, point 47).<br> <br> 49. À cette fin, en considération de la nature du travail dans le secteur du transport international, tel que celui en cause dans l'affaire au principal, la juridiction de renvoi doit tenir compte de l'ensemble des éléments qui caractérisent l'activité du travailleur (arrêt du 15 mars 2011, Heiko Koelzsch, C-29/10, point 48).<br> <br> 50. Elle doit notamment établir dans quel État est situé le lieu à partir duquel le travailleur effectue ses missions de transport, reçoit les instructions sur ses missions et organise son travail, ainsi que le lieu où se trouvent les outils de travail. Elle doit également vérifier quels sont les lieux où le transport est principalement effectué, les lieux de déchargement de la marchandise ainsi que le lieu où le travailleur rentre après ses missions (arrêt du 15 mars 2011, Heiko Koelzsch, C-29/10, point 49 ; arrêt du 15 décembre 2011, Voogsgeerd, C-384/10, point 38).<br> <br> 51. S'il ressort de ces constatations que le lieu à partir duquel le travailleur effectue ses missions de transport et reçoit également les instructions pour ses missions est toujours le même, ce lieu doit être considéré comme étant celui où il accomplit habituellement son travail, au sens de l'article 6, paragraphe 2, sous a). En effet, le critère du lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail s'applique en priorité (arrêt du 15 décembre 2011, Voogsgeerd, C-384/10, point 39).<br> <br> 52. Dès lors, les éléments caractérisant la relation de travail, à savoir le lieu de l'occupation effective, le lieu où le travailleur reçoit les instructions ou celui où il doit se présenter avant d'accomplir ses missions, ont une incidence pour la détermination de la loi applicable à cette relation de travail en ce sens que, lorsque ces lieux sont situés dans le même pays, le juge saisi peut considérer que la situation relève de l'hypothèse prévue à l'article 6, paragraphe 2, sous a), de la Convention de Rome (arrêt du 15 décembre 2011, Voogsgeerd, C-384/10, point 40).<br> <br> 53. Dans des litiges concernant un salarié affecté à une activité mobile internationale de transport aérien et un salarié technicien mécanicien mis à disposition d'une société de droit français exploitant une barge dans des eaux territoriales étrangères ou internationales, la Cour de cassation a fait application du critère du lieu où le salarié accomplit habituellement son travail, tel qu'interprété par la Cour de justice de l'Union européenne lorsque la Convention de Rome est applicable et a énoncé que le critère contenu à l'article 6, paragraphe 2, sous a), de la Convention de Rome avait vocation à s'appliquer également dans une hypothèse où le travailleur exerce ses activités dans plus d'un Etat contractant, lorsqu'il est possible, pour la juridiction saisie, de déterminer l'Etat avec lequel le travail présente un rattachement significatif (Soc., 11 avril 2012, pourvois n° 11-17.096, 11-17.097, Bull. 2012, V, n° 119 ; Soc., 13 janvier 2016, pourvoi n° 14-14.019).<br> <br> 54. La Cour de justice a également fait référence dans l'arrêt Heiko Koelzsch à sa jurisprudence relative à l'article 5, point 1, de la Convention de Bruxelles (arrêt du 13 juillet 1993, Mulox IBC, C-125/92, points 21 à 23 ; arrêt du 9 janvier 1997, Rutten, C-383/95, point 23 ; arrêt du 27 février 2002, Weber, C-37/00, point 42) et a énoncé que selon cette jurisprudence, qui reste pertinente dans l'analyse de l'article 6, paragraphe 2, de la Convention de Rome, lorsque les prestations de travail sont exécutées dans plus d'un État membre, le critère du pays de l'accomplissement habituel du travail doit faire l'objet d'une interprétation large et être entendu comme se référant au lieu dans lequel ou à partir duquel le travailleur exerce effectivement ses activités professionnelles et, en l'absence de centre d'affaires, au lieu où celui-ci accomplit la majeure partie de ses activités (arrêt du 15 mars 2011, Heiko Koelzsch, C-29/10, point 45).<br> <br> 55. La Cour de justice a également indiqué dans l'arrêt Nogueira du 14 septembre 2017 que l'interprétation autonome de l'article 19, point 2, du règlement Bruxelles I ne s'oppose pas à ce qu'il soit tenu compte des dispositions correspondantes contenues dans la Convention de Rome, dès lors que cette Convention, ainsi qu'il ressort de son préambule, vise également à poursuivre, dans le domaine du droit international privé, l'oeuvre d'unification juridique déjà entreprise dans l'Union, notamment en matière de compétence judiciaire et d'exécution des jugements (arrêt du 14 septembre 2017, Nogueira, C-168/16 et C-169/16, point 55).<br> <br> 56. La Cour de cassation constate dès lors que le renvoi à sa jurisprudence élaborée à propos de la Convention de Bruxelles sur la détermination de la juridiction compétente auquel la Cour de justice procède, alors qu'elle est saisie d'une question préjudicielle sur la Convention de Rome sur la loi applicable, démontre que la Cour de justice entend faire une interprétation univoque des critères de rattachement en matière de conflit de juridictions et de conflit de lois.<br> <br> 57. La Cour de justice a dit pour droit dans l'arrêt Weber du 27 février 2002 (arrêt du 27 février 2002, Weber, C-37/00) que l'article 5, point 1, de ladite Convention doit être interprété en ce sens que, dans l'hypothèse où le salarié exécute les obligations résultant de son contrat de travail dans plusieurs États contractants, le lieu où il accomplit habituellement son travail, au sens de cette disposition, est l'endroit où, ou à partir duquel, compte tenu de toutes les circonstances du cas d'espèce, il s'acquitte en fait de l'essentiel de ses obligations à l'égard de son employeur.<br> S'agissant d'un contrat de travail en exécution duquel le salarié exerce les mêmes activités au profit de son employeur dans plus d'un État contractant, il faut, en principe, tenir compte de toute la durée de la relation de travail pour déterminer le lieu où l'intéressé accomplissait habituellement son travail, au sens de ladite disposition.<br> À défaut d'autres critères, ce lieu est celui où le travailleur a accompli la plus grande partie de son temps de travail.<br> Il n'en serait autrement que si, au regard des éléments de fait du cas d'espèce, l'objet de la contestation en cause présentait des liens de rattachement plus étroits avec un autre lieu de travail, cas dans lequel ce lieu serait pertinent aux fins de l'application de l'article 5, point 1, de ladite Convention.<br> Au cas où les critères définis par la Cour ne permettraient pas à la juridiction nationale de déterminer le lieu habituel de travail visé par l'article 5, point 1, de ladite Convention, le travailleur aura le choix d'attraire son employeur soit devant le tribunal du lieu de l'établissement qui l'a embauché, soit devant les juridictions de l'État contractant sur le territoire duquel est situé le domicile de l'employeur.<br> <br> 58. La Cour de justice a précisé que la période de travail la plus récente devrait être retenue lorsque le travailleur, après avoir accompli son travail pendant une certaine durée à un endroit déterminé, exerce ensuite ses activités de manière durable en un lieu différent, dès lors que, selon la volonté claire des parties, ce dernier est destiné à devenir un nouveau lieu de travail habituel au sens de l'article 5, point 1, de la Convention de Bruxelles (arrêt du 27 février 2002, Weber, C-37/00, point 54).<br> <br> 59. En l'espèce, la société Locatrans soutient en substance que les critères de l'arrêt Weber sont également applicables en présence d'un conflit de lois nécessitant l'application de la Convention de Rome et que les juges du fond ont privé leur décision de base légale en faisant application de la loi française, sans rechercher si la France était le pays de travail habituel où M. [X] avait accompli la majeure partie de son temps de travail pour le compte de son employeur en tenant compte de l'intégralité de sa période d'activité, ni s'il avait été décidé selon la volonté claire des parties que le salarié y exercerait de façon stable et durable ses activités.<br> <br> 60. M. [X] soutient en substance que la cour d'appel a exactement caractérisé la loi du pays à partir duquel, en exécution du contrat de travail, il accomplissait habituellement son travail en constatant que le contrat de travail présentait avec la France des liens plus étroits, notamment parce que le salarié accomplissait effectivement la majeure partie de ses missions en France et qu'il en allait de même s'agissant du choix fait en matière de sécurité sociale. Il fait valoir que les dispositions des articles 3 et 6 de la Convention de Rome n'imposent pas au juge de prendre en considération l'intégralité de la période d'activité pour apprécier le lieu où le travail s'accomplit habituellement.<br> <br> 61. La Cour de cassation considère qu'un doute raisonnable subsiste sur ce point.<br> <br> 62. En effet, la Cour de justice de l'Union européenne, dans l'arrêt Nogueira du 14 septembre 2017 (arrêt du 14 septembre 2017, Nogueira, C-168/16, point 58), a jugé que l'article 5, point 1, de la Convention de Bruxelles doit, au regard de la nécessité tant de déterminer le lieu avec lequel le litige présente le lien de rattachement le plus significatif aux fins de désigner le juge le mieux placé pour statuer que d'assurer une protection adéquate au travailleur en tant que partie contractante la plus faible et d'éviter la multiplication des tribunaux compétents, être interprété comme visant le lieu où, ou à partir duquel, le travailleur s'acquitte en fait de l'essentiel de ses obligations à l'égard de son employeur. En effet, c'est à cet endroit que le travailleur peut, à moindre frais, intenter une action judiciaire à l'encontre de son employeur ou se défendre et que le juge de ce lieu est le plus apte à trancher la contestation relative au contrat de travail.<br> <br> 63. Il n'est toutefois pas certain que ce critère du dernier lieu où le salarié accomplit habituellement son travail, pertinent pour déterminer quelle juridiction le salarié doit saisir puisque cela lui permet d'intenter une action judiciaire à moindre frais, le soit également pour déterminer la loi applicable à défaut de choix. Cela conduirait en outre à ce qu'un même contrat de travail soit soumis successivement à des lois impératives différentes en fonction des changements intervenant quant au lieu de travail.<br> <br> 64. Si les précisions apportées par la Cour de justice de l'Union européenne dans l'arrêt Heiko Koelzsch (arrêt du 15 mars 2011, Heiko Koelzsch, C-29/10, points 40 et 46) sur l'interprétation de la notion du lieu où le salarié accomplit habituellement son travail pourraient conduire, en application du principe favor laboratoris, à retenir le critère du dernier lieu où le salarié accomplit habituellement son travail, cependant, dans le « dit pour droit » de l'arrêt Weber, la Cour de justice se réfère expressément à la prise en compte de « toute la durée de la relation de travail » sans reprendre le critère du dernier lieu où le salarié accomplit habituellement son travail, énoncé au § 54 de l'arrêt Weber.<br> <br> 65. Depuis lors, ce critère du dernier lieu où le salarié accomplit habituellement son travail a été consacré par le législateur européen lors de la refonte du règlement de Bruxelles I, à l'article 21 du règlement n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale.<br> <br> 66. En revanche, il pourrait être déduit de l'arrêt Voogsgeerd que, si le travailleur, dans l'exécution du contrat, n'accomplit pas habituellement son travail dans un même pays, alors le juge national doit appliquer le critère subsidiaire du lieu où se trouve l'établissement qui a embauché le travailleur.<br> <br> 67. Enfin, l'article 8, § 2, du règlement Rome I prévoit que le pays dans lequel le travail est habituellement accompli n'est pas réputé changer lorsque le travailleur accomplit son travail de façon temporaire dans un autre pays. Cette disposition est éclairée par le considérant n° 36 de ce règlement : « S'agissant des contrats individuels de travail, l'accomplissement du travail dans un autre pays devrait être considéré comme temporaire lorsque le travailleur est censé reprendre son travail dans le pays d'origine après l'accomplissement de ses tâches à l'étranger ».<br> <br> 68. Dès lors, se pose la question de savoir si les articles 3 et 6 de la Convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, ouverte à la signature à Rome le 19 juin 1980 doivent être interprétés en ce sens que, dans l'hypothèse où le salarié exerce les mêmes activités au profit de son employeur dans plus d'un État contractant, il convient, pour déterminer la loi qui serait applicable à défaut de choix des parties, de tenir compte de toute la durée de la relation de travail pour déterminer le lieu où l'intéressé accomplissait habituellement son travail ou si la période de travail la plus récente devrait être retenue lorsque le travailleur, après avoir accompli son travail pendant une certaine durée à un endroit déterminé, exerce ensuite ses activités de manière durable en un lieu différent, destiné, selon la volonté claire des parties, à devenir un nouveau lieu de travail habituel.<br> <br> PAR CES MOTIFS, la Cour :<br> <br> Vu l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;<br> <br> RENVOIE à la Cour de justice de l'Union européenne la question suivante :<br> <br> « Les articles 3 et 6 de la Convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, ouverte à la signature à Rome le 19 juin 1980 doivent-ils être interprétés en ce sens que, dans l'hypothèse où le salarié exerce les mêmes activités au profit de son employeur dans plus d'un État contractant, il convient, pour déterminer la loi qui serait applicable à défaut de choix des parties, de tenir compte de toute la durée de la relation de travail pour déterminer le lieu où l'intéressé accomplissait habituellement son travail ou si la période de travail la plus récente devrait être retenue lorsque le travailleur, après avoir accompli son travail pendant une certaine durée à un endroit déterminé, exerce ensuite ses activités de manière durable en un lieu différent, destiné, selon la volonté claire des parties, à devenir un nouveau lieu de travail habituel ? »<br> <br> SURSOIT à statuer sur le pourvoi jusqu'à la décision de la Cour de justice de l'Union européenne ;<br> <br> RÉSERVE les dépens ;<br> <br> DIT qu'une expédition du présent arrêt ainsi que le dossier de l'affaire seront transmis par le directeur de greffe de la Cour de cassation au greffe de la Cour de justice de l'Union européenne.<br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille vingt-quatre.
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 10 juillet 2024, 19-24.978, Publié au bulletin
UNION EUROPEENNE - Cour de justice de l'Union européenne - Question préjudicielle - Interprétation des actes pris par les institutions de l'Union européenne - Convention de Rome du 19 juin 1980 - Articles 3 et 6 - Contrat de travail - Loi applicable - Défaut de choix par les parties - Lieu d'accomplissement habituel du travail - Détermination - Cas - Salarié exerçant les mêmes activités dans plus d'un État contractant - Période à prendre en considération - Portée,CONFLIT DE LOIS - Contrats - Contrat de travail - Loi applicable - Défaut de choix par les parties - Convention de Rome du 19 juin 1980 - Article 6, § 2 - Critère - Accomplissement habituel du travail dans un même pays - Cas - Salarié exerçant les mêmes activités dans plus d'un État contractant - Période à prendre en considération - Détermination - Portée
2024-07-10
ECLI:FR:CCASS:2024:SO00798
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000049989203
ARRET
JURITEXT000049989221
CHAMBRE_SOCIALE
null
JURI
Cour de cassation
null
Rejet
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br>SOC.<br> <br> ZB1<br> <br> <br> <br> COUR DE CASSATION<br> ______________________<br> <br> <br> Audience publique du 10 juillet 2024<br> <br> <br> <br> <br> Rejet<br> <br> <br> M. SOMMER, président<br> <br> <br> <br> Arrêt n° 839 FP-B+R<br> <br> Pourvoi n° R 22-19.675 <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E <br> <br> _________________________<br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 10 JUILLET 2024<br> <br> 1°/ Le comité social et économique de l'établissement Service communication aux entreprises de l'unité économique et sociale Orange, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits du comité d'établissement Service communication aux entreprises de l'unité économique et sociale Orange, <br> <br> 2°/ le comité social et économique de l'établissement Orange France siège de l'unité économique et sociale Orange, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits du comité d'établissement Orange France siège de l'unité économique et sociale Orange, <br> <br> 3°/ le syndicat CFE-CGC Orange, dont le siège est [Adresse 3],<br> <br> ont formé le pourvoi n° R 22-19.675 contre l'arrêt rendu le 19 mai 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 2), dans le litige les opposant :<br> <br> 1°/ à la fédération syndicaliste Force ouvrière de la communication, dont le siège est [Adresse 8],<br> <br> 2°/ à la fédération Communication conseil culture (F3C) CFDT, dont le siège est [Adresse 7],<br> <br> 3°/ à la fédération des syndicats solidaires, unitaires et démocratiques des activités postales et de télécommunications SUD PTT, dont le siège est [Adresse 5],<br> <br> 4°/ à la fédération CGT des activités postales et de télécommunications, dont le siège est [Adresse 6],<br> <br> 5°/ à la société Orange, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4],<br> <br> 6°/ à la société Orange Caraïbe, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],<br> <br> défendeurs à la cassation.<br> <br> Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.<br> <br> Le dossier a été communiqué au procureur général.<br> <br> Sur le rapport de Mme Ott, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat du comité social et économique de l'établissement Service communication aux entreprises de l'unité économique et sociale Orange, du comité social et économique de l'établissement Orange France siège de l'unité économique et sociale Orange et du syndicat CFE-CGC Orange, de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de la fédération syndicaliste Force ouvrière de la communication, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la fédération Communication conseil culture (F3C) CFDT et de la fédération CGT des activités postales et de télécommunications, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Orange, les plaidoiries de Me Lyon-Caen pour les demandeurs au pourvoi, de Me Grévy pour la fédération Communication conseil culture (F3C) CFDT et la fédération CGT des activités postales et de télécommunications, de Me Grévy substituant Me Marlange pour la fédération syndicaliste Force ouvrière de la communication et de Me Gatineau pour la société Orange et l'avis de Mme Roques, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 20 juin 2024 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Ott, conseiller rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, Mmes Capitaine, Monge, Mariette, MM. Rinuy, Pietton, Mme Cavrois, MM. Barincou, Flores, Mmes Lacquemant, Nirdé-Dorail, conseillers, Mmes Ala, Chamley-Coulet, Valéry, Prieur, conseillers référendaires, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Piquot, greffier de chambre,<br> <br> la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application des articles R. 421-4-1 et R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.<br> <br> Faits et procédure <br> <br> 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 mai 2022), la société Orange (la société) constitue avec la société Orange Caraïbe une unité économique et sociale (UES) qui rassemble plus de 88 000 personnes et comprend 17 comités d'établissement (CE), dont le comité d'établissement Service communication aux entreprises (SCE) et le comité d'établissement Orange France siège (OFS) lesquels gèrent notamment l'activité sociale de restauration pour les salariés et fonctionnaires de leur périmètre, soit environ 7 300 collaborateurs pour le CE SCE et 3 900 collaborateurs pour le CE OFS.<br> <br> 2. Le CE SCE a signé en 2017 avec la société un accord concernant l'accès aux restaurants d'Orange dans le cadre de la reprise de la gestion directe de l'activité de restauration décidée en 2009 et le CE OFS a, en 2017, décidé également de reprendre la gestion directe de la restauration.<br> <br> 3. A la suite des négociations ouvertes en vue de la mise en place des comités sociaux et économiques d'établissement succédant aux comités d'établissement par application de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, la société a engagé différentes négociations avec les organisations syndicales.<br> <br> 4. Le 31 mai 2019, un accord collectif, portant sur la gestion de l'activité sociale et culturelle de restauration au sein de l'UES Orange, a été signé entre d'une part la société, d'autre part la fédération CGT des activités postales et de télécommunications, la fédération syndicaliste Force ouvrière de la communication, la fédération Communication conseil culture (F3C) CFDT et la fédération des syndicats solidaires, unitaires et démocratiques des activités postales et de télécommunications SUD PTT.<br> <br> 5. Le CE SCE et le CE OFS, estimant que cet accord collectif entrave la transmission de la gestion directe de l'activité sociale et culturelle de restauration aux deux comités sociaux et économiques qui leur succéderont après les élections professionnelles et méconnaît tant les règles du financement des activités sociales et culturelles que l'autonomie des comités sociaux et économiques dans leurs décisions de gestion de ces activités, ont entendu solliciter, aux côtés du syndicat CFE-CGC Orange, non-signataire de l'accord, l'annulation de l'accord collectif conclu le 31 mai 2019.<br> <br> 6. Sur autorisation du 26 juillet 2019, le CE SCE et le CE OFS ainsi que le syndicat CFE-CGC Orange ont assigné selon la procédure à jour fixe devant le tribunal de grande instance les sociétés Orange et Orange Caraïbe ainsi que les organisations syndicales signataires de l'accord aux fins d'annulation de l'accord collectif du 31 mai 2019.<br> <br> 7. Les comités sociaux et économiques d'établissement (CSEE) SCE et OFS viennent aux droits des deux CE SCE et OFS. <br> <br> Examen des moyens <br> <br> Sur le second moyen, pris en sa troisième branche, en ce qu'il est soutenu par le syndicat CFE-CGC Orange, et sur le second moyen en ce qu'il est soutenu par les CSEE SCE et OFS<br> <br> 8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation en ce qu'il est soutenu par le syndicat CFE-CGC Orange et sur ce moyen qui est irrecevable en ce qu'il est soutenu par les CSEE SCE et OFS.<br> <br> Sur le premier moyen <br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 9. Le CSEE SCE de l'UES Orange, venant aux droits du CE SCE de l'UES Orange, le CSEE OFS de l'UES Orange, venant aux droits du CE OFS de l'UES Orange et le syndicat CFE-CGC Orange font grief à l'arrêt de dire que le comité d'établissement SCE et le comité d'établissement OFS n'avaient pas qualité pour agir afin de solliciter la nullité de l'accord collectif du 31 mai 2019 et de dire en conséquence que les demandes formulées par le comité d'établissement SCE et le comité d'établissement OFS au titre de la nullité de l'accord étaient irrecevables, avec cette précision que le comité social et économique de l'établissement SCE et le comité social et économique de l'établissement Orange France siège (OFS) viennent aux droits des comités d'établissement SCE et OFS, alors « qu'un comité d'entreprise a qualité et intérêt à agir pour obtenir l'annulation d'un accord collectif aux motifs que cet accord viole ses droits propres résultant des prérogatives qui lui sont reconnues par la loi ; qu'en l'espèce, pour considérer que les comités sociaux et économiques des établissements SCE et OFS, venant aux droits des comités de ces établissements, n'avaient pas qualité à agir en nullité de l'accord collectif du 31 mai 2019 portant sur la gestion de l'activité sociale et culturelle de restauration au sein de l'UES Orange, la cour d'appel a relevé que les CSE des établissements SCE et OFS n'avaient pas qualité à agir en nullité d'un accord collectif auquel ils ne sont pas parties et négocié par les organisations syndicales ; qu'en statuant par de tels motifs alors qu'il ressortait des constatations des juges du fond que les CSE exposants poursuivaient la nullité de cet accord en raison notamment de l'atteinte qu'il porte aux prérogatives qui leur sont reconnues par la loi en matière d'activités sociales et culturelles ce dont elle aurait dû déduire que ces comités avaient qualité et intérêt à agir en nullité de cet accord collectif, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 31 du code de procédure civile ainsi que celles des articles L. 2312-78, L. 2231-1, L. 2262-11 et L. 2262-14 du code du travail. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> 10. En vertu de l'article L. 2231-1 du code du travail, en son premier alinéa, la convention ou l'accord est conclu entre d'une part, une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives dans le champ d'application de la convention ou de l'accord, d'autre part, une ou plusieurs organisations syndicales d'employeurs, ou toute autre association d'employeurs, ou un ou plusieurs employeurs pris individuellement.<br> <br> 11. La Cour de cassation juge qu'indépendamment de l'action réservée par l'article L. 2262-11 du code du travail aux syndicats liés par une convention ou un accord collectif de travail, les syndicats professionnels, qu'ils soient ou non signataires, sont recevables à demander sur le fondement de l'article L. 2132-3 de ce code, l'exécution d'une convention ou d'un accord collectif de travail, même non étendu, son inapplication causant nécessairement un préjudice à l'intérêt collectif de la profession (Soc., 11 juin 2013, pourvoi n° 12-12.818, Bull. 2013, V, n° 151). En revanche, la Cour de cassation juge qu'un comité d'entreprise n'a pas qualité pour intenter une action visant à obtenir l'exécution des engagements résultant de la convention collective applicable, cette action étant réservée aux organisations ou groupements définis à l'article L. 2231-1 du code du travail, qui ont le pouvoir de conclure une convention ou un accord collectif de travail (Soc., 19 novembre 2014, pourvoi n° 13-23.899, Bull. 2014, V, n° 271) et, de façon plus générale, n'a pas qualité pour intenter une action ou intervenir dans une action tendant au respect ou à l'exécution de dispositions légales ou conventionnelles (Soc., 14 décembre 2016, pourvoi n° 15-20.812, Bull. 2016, V, n° 255).<br> <br> 12. Toutefois, la Cour de cassation a jugé qu'ayant relevé que le Conseil supérieur consultatif des comités mixtes à la production d'Electricité de France et de Gaz de France, qui exerce au sein d'EDF et de GDF l'ensemble des attributions d'un comité d'entreprise, soutenait, notamment, qu'il aurait dû être consulté préalablement à la signature de l'accord collectif de travail en cause et que l'inobservation de cette obligation légale entachait l'accord de nullité, ce dont il résultait qu'il invoquait un droit qui lui était propre, la cour d'appel en a justement déduit qu'il avait un intérêt à agir et qualité pour ce faire (Soc., 5 mai 1998, pourvoi n° 96-13.498, Bull. 1998, V, n° 219). Elle a de même retenu la recevabilité de l'action d'un comité d'entreprise en contestation de la validité d'un accord collectif du fait de l'irrégularité de l'information - consultation invoquée par l'institution représentative du personnel (Soc., 19 mars 2003, pourvoi n° 01-12.094, Bulletin civil 2003, V, n° 105). Enfin, dans des circonstances similaires, la Cour de cassation a jugé que le comité d'entreprise ne tient d'aucune disposition légale le pouvoir d'exercer une action en justice au nom des salariés ou de se joindre à l'action de ces derniers, lorsque ses intérêts propres ne sont pas en cause (Soc., 14 mars 2007, pourvoi n° 06-41.647, Bull. 2007, V, n° 51).<br> <br> 13. Certes, la Cour de cassation a jugé qu'un comité d'établissement n'a pas, quel que soit son intérêt à agir, qualité pour critiquer la validité d'un accord d'entreprise conclu dans le cadre de la négociation annuelle entre l'employeur et les organisations syndicales représentatives, dès lors qu'il n'est ni partie à cet accord ni de droit partie à sa négociation (Soc., 1er juin 1994, pourvoi n° 92-18.896, Bulletin 1994, V, n° 186). Néanmoins l'accord collectif en cause conclu dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire sur la rémunération décidait le remplacement du salaire au pourboire par un salaire fixe, de sorte qu'il ne concernait pas l'exercice par l'institution représentative du personnel d'une de ses prérogatives légales.<br> <br> 14. Il ne résulte donc pas de la jurisprudence de la Cour de cassation qu'un comité social et économique est irrecevable à invoquer par voie d'action la nullité d'un accord collectif aux motifs que cet accord viole ses droits propres. <br> <br> 15. Selon une jurisprudence établie, en vertu du principe selon lequel ce qui est nul est réputé n'avoir jamais existé, un accord nul ne peut produire aucun effet (Soc., 9 décembre 2014, pourvoi n° 13-21.766, Bull. 2014, V, n° 283), tandis que la reconnaissance de l'illégalité d'une clause d'une convention ou d'un accord collectif par voie d'exception d'illégalité la rend seulement inopposable à celui qui a soulevé l'exception (Soc., 2 mars 2022, pourvoi n° 20-20.077, publié).<br> <br> 16. Par ailleurs, dans des circonstances certes différentes, la Cour de cassation juge que les partenaires sociaux sont en droit de conclure, dans les conditions fixées par l'article L. 2261-7 du code du travail, un avenant de révision d'un accord collectif de branche à durée indéterminée mettant fin à cet accord, dès lors que cette extinction prend effet à compter de l'entrée en vigueur d'un autre accord collectif dont le champ d'application couvre dans son intégralité le champ professionnel et géographique de l'accord abrogé par l'avenant de révision (Soc., 4 octobre 2023, pourvoi n° 22-23.551, publié).<br> <br> 17. Eu égard aux effets de l'action en nullité d'un accord collectif, il y a lieu de juger que seule l'institution représentative du personnel, dont le périmètre couvre dans son intégralité le champ d'application de l'accord collectif contesté, a qualité à agir par voie d'action en nullité d'un accord collectif aux motifs qu'il viole ses droits propres résultant de l'exercice des prérogatives qui lui sont reconnues par des dispositions légales d'ordre public. <br> <br> 18. En l'espèce, il ressort de l'arrêt que les deux comités sociaux et économiques d'établissement contestent la légalité de l'accord du 31 mai 2019 portant sur la gestion de l'activité sociale et culturelle de restauration au sein de l'UES Orange, conclu au sein de cette UES par les organisations syndicales représentatives dans ce même périmètre de l'unité économique et sociale.<br> <br> 19. Le périmètre de chacun des deux comités sociaux et économiques d'établissement ne couvrant pas l'intégralité du champ d'application de cet accord collectif, leur action en nullité est irrecevable.<br> <br> 20. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile,<br> l'arrêt se trouve légalement justifié. <br> <br> Sur le second moyen, en ce qu'il est soutenu par le syndicat CFE-CGC Orange, pris en ses première et deuxième branches<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 21. Le syndicat CFE-CGC Orange fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande d'annulation de l'accord portant sur la gestion de l'activité sociale et culturelle de restauration au sein de l'UES Orange conclu le 31 mai 2019, alors :<br> <br> « 1°/ que le comité social et économique assure la gestion des activités sociales et culturelles qui n'ont pas de personnalité civile, à l'exception des centres d'apprentissage et de formation professionnelle ; que, quel que soit le mode de financement, cette gestion est assurée soit par le comité social et économique, soit par une commission spéciale du comité, soit par des personnes désignées par le comité, soit par des organismes créés par le comité et ayant reçu une délégation ; que ces personnes ou organismes agissent dans la limite des attributions qui leur ont été déléguées et sont responsables devant le comité ; que les partenaires sociaux n'ont pas compétence pour définir les conditions dans lesquelles un CSE peut déléguer une activité sociale et culturelle à un tiers ; qu'en l'espèce, au soutien de sa demande de nullité de l'accord collectif du 31 mai 2019 portant sur la gestion de l'activité sociale et culturelle de restauration au sein de l'UES Orange, le syndicat CFE-CGC Orange faisait valoir que cet accord privait les CSEE de la faculté de décider des conditions dans lesquelles ils étaient susceptibles de déléguer l'activité de restauration en leur imposant d'adhérer, à cet effet, à une convention de délégation dont le contenu était entièrement prédéterminé et non modifiable ; que pour considérer néanmoins que cet accord ne violait aucune disposition d'ordre public et débouter en conséquence le syndicat CFE-CGC Orange de sa demande d'annulation dudit accord, la cour d'appel a retenu, par motifs propres et adoptés, que, si les CSE avaient le monopole de la gestion des activités sociales et culturelles, rien n'interdisait pour autant que la négociation collective porte sur les modalités de gestion de la restauration des salariés, afférentes à leurs garanties sociales, sous réserve de respecter les prérogatives du comité social et économique ; qu'en statuant par de tels motifs, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 2221-1, L. 2312-78, L. 2316-23, L. 2312-81 et L. 2312-82 et R. 2312-36 du code du travail ; <br> <br> 2°/ que le comité social et économique assure la gestion des activités sociales et culturelles qui n'ont pas de personnalité civile, à l'exception des centres d'apprentissage et de formation professionnelle ; que, quel que soit le mode de financement, cette gestion est assurée soit par le comité social et économique, soit par une commission spéciale du comité, soit par des personnes désignées par le comité, soit par des organismes créés par le comité et ayant reçu une délégation ; que ces personnes ou organismes agissent dans la limite des attributions qui leur ont été déléguées et sont responsables devant le comité ; que les partenaires sociaux ne peuvent, sans porter atteinte aux prérogatives du CSE en la matière, définir sans son accord les conditions dans lesquelles ce dernier peut déléguer une activité sociale et culturelle à un tiers ; qu'en l'espèce, au soutien de sa demande de nullité de l'accord collectif du 31 mai 2019 portant sur la gestion de l'activité sociale et culturelle de restauration au sein de l'UES Orange, le syndicat CFE-CGC Orange faisait valoir que cet accord privait les CSEE de la faculté de décider des conditions dans lesquelles ils étaient susceptibles de déléguer l'activité de restauration en leur imposant d'adhérer, à cet effet, à une convention de délégation dont le contenu était entièrement prédéterminé et non modifiable ; que pour considérer néanmoins que cet accord ne violait aucune disposition d'ordre public et débouter en conséquence le syndicat CFE-CGC Orange de sa demande d'annulation dudit accord, la cour d'appel a retenu, par motifs propres et adoptés, que l'accord du 31 mai 2019 ne remettait pas en cause la compétence exclusive des CSEE en matière de restauration et s'inscrivait dans le cadre des dispositions de l'article R. 2312-36 du code du travail, le CSE conservant son monopole de la gestion, en ce sens, qu'il lui appartient, seul, de décider du mode de gestion qu'il entend choisir ; qu'en statuant par de tels motifs, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 2221-1, L. 2312-78, L. 2316-23, L. 2312-81 et L. 231282 et R. 2312-36 du code du travail. »<br> <br> Réponse de la Cour <br> <br> 22. Selon l'article L. 2221-1 du code du travail, le livre II « La négociation collective - Les conventions et accords collectifs de travail » est relatif à la détermination des relations collectives entre employeurs et salariés. Il définit les règles suivant lesquelles s'exerce le droit des salariés à la négociation collective de l'ensemble de leurs conditions d'emploi, de formation professionnelle et de travail ainsi que de leurs garanties sociales.<br> <br> 23. Selon l'article L. 2312-78 du code du travail, le comité social et économique assure, contrôle ou participe à la gestion de toutes les activités sociales et culturelles établies dans l'entreprise, quel qu'en soit le mode de financement, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat.<br> <br> 24. Aux termes de l'article R. 2312-36 du code du travail, le comité social et économique assure la gestion des activités sociales et culturelles qui n'ont pas de personnalité civile, à l'exception des centres d'apprentissage et de formation professionnelle. Quel que soit leur mode de financement, cette gestion est assurée :<br> 1° Soit par le comité social et économique ;<br> 2° Soit par une commission spéciale du comité ;<br> 3° Soit par des personnes désignées par le comité ;<br> 4° Soit par des organismes créés par le comité et ayant reçu une délégation.<br> Ces personnes ou organismes agissent dans la limite des attributions qui leur ont été déléguées et sont responsables devant le comité.<br> <br> 25. Par ailleurs, en vertu de l'article L. 2312-81, alinéa 1er , du code du travail, la contribution versée chaque année par l'employeur pour financer des institutions sociales du comité social et économique est fixée par accord d'entreprise.<br> <br> 26. Il résulte de ces dispositions, d'une part que les activités sociales et culturelles ne sont pas exclues du champ de la négociation collective, d'autre part que l'employeur, à qui le comité social et économique choisit de déléguer une des activités sociales et culturelles que constitue la restauration des salariés, et les organisations syndicales représentatives de l'entreprise ont compétence pour négocier et conclure un accord collectif d'entreprise précisant les modalités d'exercice de la gestion de la restauration déléguée à l'employeur qui reste responsable devant le comité social et économique.<br> <br> 27. L'arrêt retient, par motifs adoptés, que la négociation collective peut porter sur les modalités de gestion de la restauration des salariés, sous réserve de respecter les prérogatives du comité social et économique, et que l'accord du 31 mai 2019, ne remettant pas en cause la compétence exclusive des comités sociaux et économiques d'établissement en matière de restauration, s'inscrit dans le cadre des dispositions de l'article R. 2312-36 du code du travail qui permettent au comité social et économique de déléguer la gestion à des personnes désignées, ces personnes agissant dans la limite des attributions qui leur sont déléguées et étant responsables devant le comité.<br> <br> 28. L'arrêt constate, par motifs adoptés, que l'accord du 31 mai 2019 définit les conditions dans lesquelles la société Orange entend accepter qu'une délégation de gestion soit opérée par les comités sociaux et économiques à son profit en matière de restauration, le préambule de l'accord définissant notamment son objectif principal qui est de « favoriser un traitement homogène et équitable des prestations de restauration aux salariés à la condition que leur CSEE de rattachement décide de mutualiser leurs ressources au sein d'une structure unique nationale ».<br> <br> 29. Il ajoute, par motifs adoptés, que l'organisation de cette délégation est précisément définie dans l'accord collectif et que les CSEE conservent leur mission de définition de la politique de restauration et de contrôle sur la gestion du délégataire, en relevant notamment que le comité national de restauration, instauré par l'article 3.1.4 de l'accord, est composé majoritairement de représentants des CSEE et a pour mission « de valider et mettre en oeuvre la politique de restauration définie par la CTNR (commission technique nationale de restauration), de prendre les décisions relatives à la mise en oeuvre de cette politique après sa validation, de définir et valider la politique de subventionnement et de contrôler la gestion de l'activité et du budget de restauration confiés par les CSEE à la direction déléguée de la restauration de l'UES Orange ».<br> <br> 30. L'arrêt relève encore, par motifs propres, que si les CSE, après les CE, ont le monopole de la gestion des activités sociales et culturelles, dont fait partie la restauration, la signature avec les organisations syndicales d'un accord collectif relatif à la restauration n'est pas interdite à l'employeur que rien n'oblige à être délégataire, l'employeur ayant la possibilité, s'il accepte la délégation, de l'organiser avec les partenaires sociaux pour l'ensemble de l'entreprise par une gestion mutualisée et solidaire plutôt que de procéder établissement par établissement, chaque CSEE demeurant maître d'opter pour la délégation ou pour la gestion directe.<br> <br> 31. La cour d'appel en a déduit à bon droit qu'en l'absence de violation de règles d'ordre public et d'atteinte aux prérogatives des comités sociaux et économiques d'établissement, la demande de nullité de l'accord collectif du 31 mai 2019 devait être rejetée.<br> <br> 32. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.<br> <br> Sur le second moyen, en ce qu'il est soutenu par le syndicat CFE-CGC Orange, pris en sa quatrième branche<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 33. Le syndicat CFE-CGC Orange fait le même grief à l'arrêt, alors « que le comité social et économique assure, contrôle ou participe à la gestion de toutes les activités sociales et culturelles établies dans l'entreprise ; que le comité social et économique est libre de définir ses actions en la matière ainsi que la part du budget dédié à ces activités qu'il consacre à chacune d'entre elles ; qu'en conséquence, si la contribution versée chaque année par l'employeur pour le financement des activités sociales et culturelles est fixée par accord d'entreprise, cet accord ne peut valablement prévoir qu'une partie déterminée de cette contribution sera allouée à l'une ou plusieurs de ces activités ; qu'au cas présent, l'accord du 31 mai 2019 portant sur la gestion de l'activité sociale et culturelle de restauration au sein de l'UES Orange prévoit, en son article 4, que « les parties conviennent, par la présente, que le budget national de restauration ¿ au niveau de l'UES Orange ¿ est fixé à 2,26 % de la masse salariale brute de l'Unité Economique et Sociale » ; que pour considérer que cet accord ne violait aucune disposition d'ordre public et débouter en conséquence le syndicat CFE-CGC Orange de sa demande d'annulation dudit accord, la cour d'appel a relevé, d'une part que le budget global pour les activités sociales et culturelles était bien le même pour tous les CSEE et était unique (4,51 %), l'accord prévoyant seulement que la partie consacrée à la restauration est fixée à 2,26 % de la masse salariale brute de l'UES (soit 2,25 % pour les autres activités) et que, dès lors qu'un taux unique avait bien été fixé pour tous les établissements, aucune disposition légale ou réglementaire n'interdisait de prévoir la partie qu'il convient de consacrer à la restauration dans le budget des activités sociales ; qu'en statuant par ces motifs erronés, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 2312-78, L. 2316-23, L. 2312-81 et L. 2312-82 du code du travail. »<br> <br> Réponse de la Cour <br> <br> 34. Aux termes de l'article L. 2312-81 du code du travail, la contribution versée chaque année par l'employeur pour financer des institutions sociales du comité social et économique est fixée par accord d'entreprise. A défaut d'accord, le rapport de cette contribution à la masse salariale brute ne peut être inférieur au même rapport existant pour l'année précédente.<br> <br> 35. Aux termes de l'article L. 2312-82 du même code, dans les entreprises comportant plusieurs comités sociaux et économiques d'établissement, la détermination du montant global de la contribution patronale versée pour financer les activités sociales et culturelles du comité est effectuée au niveau de l'entreprise dans les conditions prévues à l'article L. 2312-81. La répartition de la contribution entre les comités d'établissement est fixée par un accord d'entreprise au prorata des effectifs des établissements ou de leur masse salariale ou de ces deux critères combinés. A défaut d'accord, cette répartition est effectuée au prorata de la masse salariale de chaque établissement.<br> <br> 36. L'arrêt constate que le budget global des activités sociales et culturelles est le même pour tous les CSEE selon un taux unique de 4,51 %, l'accord d'entreprise prévoyant en son article 4 que « le budget national de restauration - au niveau de l'UES ORANGE - est fixé à 2,26 % de la masse salariale brute de l'Unité Economique et Sociale », soit 2,25 % pour les autres activités sociales et culturelles. Il ajoute qu'aucune disposition légale ou réglementaire n'interdit de prévoir la part qu'il convient de consacrer à la restauration dans le budget des activités sociales et culturelles dès lors qu'un taux unique a été fixé pour tous les établissements. <br> <br> 37. La cour d'appel en a exactement déduit que la nullité de l'accord collectif du 31 mai 2019 n'était pas encourue.<br> <br> 38. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.<br> <br> PAR CES MOTIFS, la Cour :<br> <br> REJETTE le pourvoi ;<br> <br> Condamne le comité social et économique de l'établissement Service communication aux entreprises de l'UES Orange, venant aux droits du comité d'établissement Service communication aux entreprises de l'UES Orange, le comité social et économique de l'établissement Orange France siège de l'UES Orange, venant aux droits du comité d'établissement Orange France siège de l'UES Orange, et le syndicat CFE-CGC Orange aux dépens ;<br> <br> En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;<br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé le dix juillet deux mille vingt-quatre, par mise à disposition au greffe de la Cour, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 10 juillet 2024, 22-19.675, Publié au bulletin
REPRESENTATION DES SALARIES
2024-07-10
ECLI:FR:CCASS:2024:SO00839
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000049989221
ARRET
JURITEXT000049989201
CHAMBRE_SOCIALE
null
JURI
Cour de cassation
null
Cassation partielle sans renvoi
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br>SOC.<br> <br> CH9<br> <br> <br> <br> COUR DE CASSATION<br> ______________________<br> <br> <br> Audience publique du 10 juillet 2024<br> <br> <br> <br> <br> Cassation partielle sans renvoi<br> <br> <br> M. SOMMER, président<br> <br> <br> <br> Arrêt n° 797 FS-B<br> <br> Pourvoi n° M 22-21.856 <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E <br> <br> _________________________<br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 10 JUILLET 2024<br> <br> M. [E] [U], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° M 22-21.856 contre l'arrêt rendu le 15 septembre 2022 par la cour d'appel de Versailles (11e chambre), dans le litige l'opposant :<br> <br> 1°/ à la société Onet services, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],<br> <br> 2°/ à Pôle emploi de [Localité 4], dont le siège est [Adresse 1],<br> <br> défendeurs à la cassation.<br> <br> La société Onet services a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.<br> <br> Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation.<br> <br> La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.<br> <br> Le dossier a été communiqué au procureur général.<br> <br> Sur le rapport de Mme Bérard, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. [U], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Onet services, et l'avis de Mme Laulom, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 juin 2024 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Bérard, conseiller rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, M. Rinuy, Mmes Ott, Sommé, Bouvier, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, Ollivier, Arsac, conseillers référendaires, Mme Laulom, avocat général, et Mme Dumont, greffier de chambre,<br> <br> la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.<br> <br> Faits et procédure<br> <br> 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 15 septembre 2022) et les productions, M. [U] a été engagé en qualité d'agent de service le 27 juin 2016 par la société Onet services dans le cadre d'un contrat à durée déterminée à temps partiel.<br> <br> 2. Il a signé le 1er septembre 2016 un contrat à durée indéterminée à temps partiel, qui a été transféré à la société Atalian le 1er mars 2019.<br> <br> 3. Il a été désigné conseiller du salarié le 15 février 2017.<br> <br> 4. Le 1er mars 2019, le salarié a été engagé par la société Onet services dans le cadre d'un contrat à durée déterminée à temps partiel à échéance du 31 juillet 2019 motivé par un accroissement temporaire d'activité.<br> <br> 5. Le 18 septembre 2019, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes de requalification du contrat de travail du 27 juin 2016 en contrat à durée indéterminée, de requalification du contrat de travail à temps partiel en temps plein, de nullité de la rupture du contrat de travail au titre d'une violation du statut protecteur et de condamnation de l'employeur à lui verser diverses sommes à titre de rappel de salaires et d'indemnités, tant au titre de la requalification que de la violation du statut protecteur et de la rupture du contrat de travail.<br> <br> Examen des moyens<br> <br> Sur le premier moyen du pourvoi principal<br> <br> 6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.<br> <br> Mais sur le premier moyen du pourvoi incident<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 7. La société fait grief à l'arrêt de la condamner à verser au salarié diverses sommes à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur, d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité légale de licenciement et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, alors « que dans leur rédaction applicable au contrat à durée déterminée conclu entre la société et le salarié le 1er mars 2019, les dispositions de l'article L. 2421-8 du code du travail, telles que modifiées par la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018, disposent que ''pour l'application de la protection prévue au dernier alinéa des articles L. 2412-2 [délégués syndicaux], L. 2412-3 [membres des représentants du personnel du comité social et économique], L. 2412-4 [représentants de proximité], L. 2412-5 [membres de la délégation du personnel du comité social et économique interentreprises], L. 2412-8 [représentants du personnel d'une entreprise extérieure à la commission santé, sécurité et conditions de travail], L. 2412-9 [membres d'une commission paritaire d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail en agriculture] et L. 2412-13, l'arrivée du terme du contrat de travail à durée déterminée n'entraîne sa rupture qu'après constatation par l'inspecteur du travail, saisi en application de l'article L. 2412-1, que le salarié ne fait pas l'objet d'une mesure discriminatoire '' ; que ces dispositions ne visent que le non renouvellement du contrat à durée déterminée des salariés titulaires de l'un de ces mandats, ce dans le seul cas d'un contrat à durée déterminée saisonnier ou d'usage, en outre prévoyant une clause de reconduction ; qu'en l'espèce, pour dire que l'employeur aurait été tenu de saisir l'inspection du travail préalablement au terme du contrat à durée déterminée en date du 1er mars 2019, le salarié étant titulaire d'un mandat de conseiller du salarié, et condamner l'exposante au paiement d'indemnités de rupture ainsi que d'une indemnité pour méconnaissance du statut protecteur, la cour d'appel a retenu que la cessation des relations contractuelles, intervenue en méconnaissance de l'article L. 2421-8 du code du travail, imposant une sollicitation préalable de l'administration du travail, devait être considérée comme nulle ; qu'en statuant ainsi, quand le salarié n'était pas titulaire de l'un des mandat visés par l'article L. 2421-8 du code du travail dans sa rédaction applicable en l'espèce, que le contrat à durée déterminée n'était pas un contrat saisonnier ou d'usage, et qu'enfin, ce dernier ne comportait aucune clause de reconduction, la cour d'appel a violé l'article L. 2421-8 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> Vu les articles L. 2412-1, L. 2421-7 et L. 2421-8 du code du travail :<br> <br> 8. Selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, aux termes de l'ancien article L. 122-14-16 du code du travail, le licenciement par l'employeur du salarié inscrit sur une liste dressée par le représentant de l'Etat dans le département, chargé d'assister les salariés convoqués par leur employeur en vue d'un licenciement, est soumis à la procédure prévue par l'article L. 412-8 du présent code. Aux termes de l'ancien article L. 412-8, le délégué syndical lié à l'employeur par un contrat de travail à durée déterminée bénéficie des mêmes garanties et protections que celles accordées aux délégués du personnel et aux membres du comité d'entreprise, conformément aux articles L. 425-2 et L. 436-2. Il en résulte que, la recodification étant intervenue à droit constant, le conseiller du salarié bénéficie de la protection prévue à l'article L. 2421-8 du code du travail imposant que, lorsque le contrat à durée déterminée arrive à son terme, l'inspecteur du travail autorise préalablement la cessation du lien contractuel (Soc., 7 juillet 2021, pourvoi n° 19-23.989, publié ; Soc., 23 octobre 2012, pourvoi n° 11-19.210, Bull. 2012, V, n° 270 ; Soc., 13 mars 2012, pourvoi n° 10-21.785, Bull. 2012, V, n° 99).<br> <br> 9. Cette jurisprudence était fondée sur le fait que l'article L. 436-2 de l'ancien code du travail comportait un deuxième alinéa qui disposait que l'arrivée du terme du contrat n'entraîne la cessation du lien contractuel qu'après la constatation par l'inspecteur du travail, saisi dans les conditions prévues à l'article L. 436-1, que le salarié ne fait pas l'objet d'une mesure discriminatoire et qu'un mois avant l'arrivée du terme du contrat, l'employeur doit saisir l'inspecteur du travail qui doit statuer avant la date du terme du contrat. Ces dispositions, après la recodification, ont été reprises à l'article L. 2421-8 dans sa version applicable du 1er mai 2008 au 1er avril 2018.<br> <br> 10. Toutefois, depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018, l'article L. 2421-8 prévoit désormais que, pour l'application de la protection prévue au dernier alinéa des articles L. 2412-2, L. 2412-3, L. 2412-4, L. 2412-5, L. 2412-8, L. 2412-9 et L. 2412-13, l'arrivée du terme du contrat de travail à durée déterminée n'entraîne sa rupture qu'après constatation par l'inspecteur du travail, saisi en application de l'article L. 2412-1, que le salarié ne fait pas l'objet d'une mesure discriminatoire. L'employeur saisit l'inspecteur du travail avant l'arrivée du terme. L'inspecteur du travail statue avant la date du terme du contrat.<br> <br> 11. Le dernier alinéa des articles L. 2412-2, L. 2412-3, L. 2412-4, L. 2412-5, L. 2412-8, L. 2412-9 et L. 2412-13 vise les contrats conclus sur le fondement du 3° de l'article L. 1242-2, à savoir les contrats dits saisonniers ou d'usage pour, aux termes de ce dernier texte, des emplois à caractère saisonnier, dont les tâches sont appelées à se répéter chaque année selon une périodicité à peu près fixe, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs ou emplois pour lesquels, dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.<br> <br> 12. Il en résulte qu'il y a lieu de juger désormais qu'en application des articles L. 2412-1, L. 2421-7 et L. 2421-8 du code du travail, la rupture du contrat de travail à durée déterminée d'un conseiller du salarié avant l'échéance du terme en raison d'une faute grave ou de l'inaptitude constatée par le médecin du travail, ou à l'arrivée du terme lorsque l'employeur n'envisage pas de renouveler un contrat comportant une clause de renouvellement, ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail et qu'en revanche, il n'y a pas lieu de saisir l'inspecteur du travail dans le cas de l'arrivée du terme d'un contrat à durée déterminée ne relevant pas des contrats conclus sur le fondement du 3° de l'article L. 1242-2 du même code et ne comportant pas de clause de renouvellement.<br> <br> 13. En l'espèce, l'arrêt, après avoir retenu à bon droit que, bien que le conseiller du salarié ne figure pas sur la liste des salariés protégés en cas de rupture d'un contrat de travail à durée déterminée figurant à l'article L. 2412-1 du code du travail, la recodification étant intervenue le 1er mai 2008 à droit constant, le conseiller du salarié bénéficie de la protection prévue aux articles L. 2421-7 et L. 2421-8 du même code, décide par ailleurs que l'avis de l'inspecteur du travail est requis même si, comme en l'espèce, le contrat de travail ne devait pas être renouvelé.<br> <br> 14. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le contrat de travail à durée déterminée avait été conclu le 1er mars 2019 et qu'il n'était pas contesté qu'il avait été conclu pour accroissement temporaire d'activité, de sorte que, ce contrat à durée déterminée ne relevant pas des contrats conclus sur le fondement du 3° de l'article L. 1242-2 et ne comportant pas de clause de renouvellement, il n'y avait pas lieu pour l'employeur de saisir l'inspecteur du travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés.<br> <br> Portée et conséquences de la cassation<br> <br> 15. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.<br> <br> 16. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.<br> <br> PAR CES MOTIFS, la Cour, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :<br> <br> CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Onet services à payer à M. [U] les sommes de 5 188,78 euros à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur, de 1 596,26 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de 470,66 euros à titre d'indemnité légale de licenciement et de 4 794 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu'il condamne aux dépens la société Onet, l'arrêt rendu le 15 septembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;<br> <br> DIT n'y avoir lieu à renvoi ;<br> <br> Déboute M. [U] de ses demandes d'indemnité pour violation du statut protecteur, d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité légale de licenciement et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;<br> <br> Condamne M. [U] aux dépens, en ce compris ceux exposés devant les juridictions de fond ;<br> <br> En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;<br> <br> Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;<br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille vingt-quatre.
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 10 juillet 2024, 22-21.856, Publié au bulletin
REPRESENTATION DES SALARIES
2024-07-10
ECLI:FR:CCASS:2024:SO00797
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000049989201
ARRET
JURITEXT000043045921
CHAMBRE_SOCIALE
article L. 2132-3 du code du travail.
JURI
Cour de cassation
Selon l'article L. 2132-3 du code du travail, les syndicats professionnels peuvent, devant toutes les juridictions, exercer les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent. Le syndicat, qui poursuit le paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant d'un licenciement dont il est soutenu qu'il a été prononcé de façon discriminatoire en considération de l'appartenance ou de l'activité syndicale du salarié, de sorte que la violation invoquée des dispositions relatives à l'interdiction de toute discrimination syndicale est de nature à porter un préjudice à l'intérêt collectif de la profession, est recevable en son action
Cassation sans renvoi
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br>SOC.<br> <br>IK<br> <br> <br> <br>COUR DE CASSATION<br>______________________<br> <br> <br>Audience publique du 13 janvier 2021<br> <br> <br> <br> <br>Cassation sans renvoi<br> <br> <br>M. HUGLO, conseiller doyen<br>faisant fonction de président<br> <br> <br> <br>Arrêt n° 61 F-P+B sur le 4e moyen<br> <br>Pourvoi n° U 19-17.182<br> <br> <br> <br> <br>R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E<br> <br>_________________________<br> <br>AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br>_________________________<br> <br> <br>ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 13 JANVIER 2021<br> <br>1°/ M. D... J..., domicilié [...] ,<br> <br>2°/ le syndicat Union des travailleurs guyanais, dont le siège est [...] ,<br> <br>ont formé le pourvoi n° U 19-17.182 contre l'arrêt rendu le 1er février 2019 par la cour d'appel de Cayenne (chambre sociale), dans le litige les opposant à la société STP Manutention, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.<br> <br>Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.<br> <br>Le dossier a été communiqué au procureur général.<br> <br>Sur le rapport de Mme Ott, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. J... et du syndicat Union des travailleurs guyanais, après débats en l'audience publique du 18 novembre 2020 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ott, conseiller rapporteur, Mme Lanoue, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,<br> <br>la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; <br> <br>Faits et procédure<br> <br>1. Selon l'arrêt attaqué (Cayenne, 1er février 2019), M. J..., engagé par la société STP Manutention (la société) le 26 février 2010 en qualité de chauffeur super poids lourds - grutier, a été licencié pour faute grave le 22 juillet 2013.<br> <br>2. Invoquant une discrimination syndicale, il a saisi le 3 février 2014 la juridiction prud'homale aux fins de contester son licenciement.<br> <br>3. Le syndicat Union des travailleurs guyannais UTG (le syndicat) est intervenu à l'instance.<br> <br>Examen des moyens<br> <br>Sur les deuxième et troisième moyens, ci-après annexés<br> <br>4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.<br> <br>Sur le premier moyen<br> <br>Enoncé du moyen<br> <br>5. Le salarié et le syndicat font grief à l'arrêt de débouter le salarié de ses demandes au titre de la nullité du licenciement, alors :<br> <br>« 1°/ que toute mesure prise par l'employeur en considération de l'appartenance ou de l'activité syndicale d'un salarié est nulle ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que la lettre de licenciement adresse le 22 juillet 2013 à M. J... indiquait : « Je tiens à préciser que vous avez mêlé l'UTG au sein de STP et que vous avez créé des conflits entre cette union et la société qui vous avait embauché » ; qu'il en résultait que l'appartenance et l'exercice d'une activité syndicale avaient été prises en considération dans la décision de licencier en sorte que le licenciement était nul ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel, n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et violé les articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail ;<br> <br>2°/ que lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que la lettre de licenciement adresse le 22 juillet 2013 à M. J... indiquait : « Je tiens à préciser que vous avez mêlé l'UTG au sein de STP et que vous avez créé des conflits entre cette union et la société qui vous avait embauché » ; qu'il en résultait que l'appartenance et l'exercice d'une activité syndicale avaient été prises en considération dans la décision de licencier en sorte que le salarié présentait des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination ; qu'en jugeant le contraire la cour d'appel, n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et violé les articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail ;<br> <br>3°/ qu'interdiction est faite au juge de dénaturer les documents de la cause ; que le salarié produisait sa carte d'adhésion au syndicat Union des travailleurs guyanais (UTG) pour l'année 2013 ; qu'il résultait par ailleurs de la lettre de licenciement, dont les termes sont reproduits par le jugement confirmé, que M. J... avait « mêlé l'UTG au sein de STP » ; qu'en retenant, par motifs adoptés, que le salarié n'établit pas qu'il est adhérent à ce syndicat ni qu'il a effectué des démarches auprès de ce syndicat dans le cadre de son activité professionnelle, la cour d'appel a dénaturé ces pièces, en violation du principe susrappelé. »<br> <br>Réponse de la Cour<br> <br>6. Ayant, par motifs propres et adoptés, constaté, d'une part que la lettre de licenciement reprochait au salarié quatre griefs parmi lesquels l'activité syndicale ne figurait pas, et d'autre part que l'existence de l'abandon de poste de la part du salarié depuis le 22 avril 2013, reproché à celui-ci dans la lettre de licenciement, était démontrée, de sorte que cette faute rendait impossible la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel qui en a déduit l'absence d'éléments laissant supposer l'existence d'une discrimination en raison de l'activité syndicale, a légalement justifié sa décision.<br> <br>7. Le moyen, inopérant en sa troisième branche en ce qu'il critique des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus.<br> <br>Mais sur le quatrième moyen, pris en sa première branche<br> <br>Enoncé du moyen<br> <br>8. Le syndicat fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable son action, alors « que le licenciement prononcé en considération de l'appartenance à un syndicat ou de l'exercice d'une activité syndicale porte atteinte aux intérêts collectifs de la profession représentée par un syndicat qui est donc recevable à demander réparation du préjudice en résultant ; en jugeant que le syndicat UTG ne démontre pas en quoi, le litige opposant M. J... à la société STP Manutention présente un intérêt collectif et n'a donc ni intérêt ni qualité à agir, la cour d'appel a violé l'article L. 2132-3 du code du travail. »<br> <br>Réponse de la Cour<br> <br>Vu l'article L. 2132-3 du code du travail :<br> <br>9. Selon ce texte, les syndicats professionnels peuvent, devant toutes les juridictions, exercer les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.<br> <br>10. Pour déclarer irrecevable l'intervention volontaire du syndicat, l'arrêt énonce que le syndicat n'a ni intérêt ni qualité à agir dans le cadre d'un litige sur le licenciement d'un salarié non protégé, un tel litige n'intéressant que la personne du salarié et non l'intérêt collectif de la profession.<br> <br>11. En statuant ainsi, alors que la violation invoquée des dispositions relatives à l'interdiction de toute discrimination syndicale est de nature à porter un préjudice à l'intérêt collectif de la profession, la cour d'appel a violé le texte susvisé.<br> <br>Portée et conséquences de la cassation<br> <br>12. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.<br> <br>13. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.<br> <br>14. Le syndicat, qui poursuit le paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant d'un licenciement dont il est soutenu qu'il a été prononcé de façon discriminatoire en considération de l'appartenance ou de l'activité syndicale du salarié, de sorte que la violation invoquée des dispositions relatives à l'interdiction de toute discrimination syndicale est de nature à porter un préjudice à l'intérêt collectif de la profession, est recevable en son action.<br> <br>15. Cependant, le rejet du premier moyen, en ce que celui-ci critique le chef de la décision ayant, en l'absence de toute discrimination syndicale, débouté le salarié de ses demandes au titre de la nullité de son licenciement, prive de tout fondement la demande en dommages-intérêts présentée par le syndicat.<br> <br>16. Le syndicat doit en conséquence être débouté de sa demande en dommages-intérêts.<br> <br>PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :<br> <br>CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable l'intervention volontaire du syndicat Union des travailleurs guyanais, l'arrêt rendu le 1er février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Cayenne ;<br> <br>DIT n'y avoir lieu à renvoi ;<br> <br>Déclare le syndicat Union des travailleurs guyanais recevable en son action ;<br> <br>Déboute le syndicat Union des travailleurs guyanais de sa demande en paiement de dommages-intérêts en raison de l'atteinte aux intérêts collectifs de la profession ;<br> <br>Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens ;<br> <br>En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. J... et le syndicat Union des travailleurs guyanais ;<br> <br>Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;<br> <br>Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize janvier deux mille vingt et un. MOYENS ANNEXES au présent arrêt<br> <br>Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. J... et le syndicat Union des travailleurs guyanais<br> <br>PREMIER MOYEN DE CASSATION<br> <br>Le moyen fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté le salarié de ses demandes au titre de la nullité du licenciement.<br> <br>AUX MOTIFS propres QUE le licenciement n'est pas fondé sur un motif discriminatoire ; M. J... se trompe lorsqu'il soutient que le motif de son licenciement serait son appartenance syndicale et ses activités syndicales ; la lecture de la lettre du 22 juillet 2013 démontre que les motifs du licenciement sont exclusivement : l'abandon de poste, la détérioration de trois véhicules, la transmission tardive de lettre de voiture, la dissimulation de l'absence de permis SPL ; si elle évoque aussi le fait qu'il a été à l'origine d'un conflit entre la SARL STP Manutention et le syndicat UTG, cet élément n'est pas retenu comme motif du licenciement ; le premier juge a justement retenu que ces quatre reproches, et eux seuls, constituent la motivation du licenciement faite par la SARL STP Manutention, sans avoir substitué son appréciation à celle de l'employeur quant aux motifs de rupture.<br> <br>AUX MOTIFS adoptés QU' il résulte de cette pièce que l'employeur évoque un conflit avec un syndicat ; néanmoins, il est notable que la référence à l'UTG constitue une phrase isolée du paragraphe, et que le paragraphe en question est un paragraphe liminaire ne faisant mention d'aucun grief à l'appui du licenciement, l'employeur rappelant qu'il s'était rapproché de l'inspection du travail afin de vérifier le statut du salarié ; en outre, le salarié n'établit pas qu'il est adhérent à ce syndicat, qu'il a effectué des démarches auprès de ce syndicat dans le cadre de son activité professionnelle ou qu'il a subi des sanctions ou représailles de l'employeur en raison de son activité syndicale ; bref, la référence, certes maladroite par l'employeur, à l'intervention de l'UTG, intervient pour rappeler un élément de contexte, l'employeur s'étant au contraire assuré du possible statut de salarié protégé, ce qui n'a pas été confirmé par l'administration compétente ; de plus la lettre fait figurer les griefs reprochés au salarié ; il en résulte que M. J... ne présente aucun élément de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination en raison de son activité syndicale, laquelle n'est d'ailleurs objectivée par aucun élément tangible.<br> <br>1° ALORS QUE toute mesure prise par l'employeur en considération de l'appartenance ou de l'activité syndicale d'un salarié est nulle ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que la lettre de licenciement adresse le 22 juillet 2013 à M. J... indiquait : « Je tiens à préciser que vous avez mêlé l'UTG au sein de STP et que vous avez créé des conflits entre cette union et la société qui vous avait embauché » ; qu'il en résultait que l'appartenance et l'exercice d'une activité syndicale avaient été prises en considération dans la décision de licencier en sorte que le licenciement était nul ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel, n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et violé les articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail.<br> <br>2° ALORS à tout le moins QUE lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que la lettre de licenciement adresse le 22 juillet 2013 à M. J... indiquait : « Je tiens à préciser que vous avez mêlé l'UTG au sein de STP et que vous avez créé des conflits entre cette union et la société qui vous avait embauché » ; qu'il en résultait que l'appartenance et l'exercice d'une activité syndicale avaient été prises en considération dans la décision de licencier en sorte que le salarié présentait des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination ; qu'en jugeant le contraire la cour d'appel, n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et violé les articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail.<br> <br>3° ALORS en toute hypothèse QUE interdiction est faite au juge de dénaturer les documents de la cause ; que le salarié produisait sa carte d'adhésion au syndicat Union des Travailleurs Guyanais (UTG) pour l'année 2013 (pièce n° 36) ; qu'il résultait par ailleurs de la lettre de licenciement, dont les termes sont reproduits par le jugement confirmé, que M. J... avait « mêlé l'UTG au sein de STP » ; qu'en retenant, par motifs adoptés, que le salarié n'établit pas qu'il est adhérent à ce syndicat ni qu'il a effectué des démarches auprès de ce syndicat dans le cadre de son activité professionnelle, la cour d'appel a dénaturé ces pièces, en violation du principe sus-rappelé.<br> <br>DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)<br> <br>Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit le licenciement fondé sur une faute grave et débouté le salarié de ses demandes au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.<br> <br>AUX MOTIFS propres QUE la cour adopte les motifs développés par le premier juge pour écarter les faits reprochés au salarié, dans la lettre de licenciement, autres que l'abandon de poste, à titre de cause du licenciement ; si M. J... conteste cet abandon de poste à compter du 22 avril 2013, soutenant être revenu dans l'entreprise après cette date, la SARL STP Manutention ne lui ayant plus donné de travail, aucun élément versé au dossier ne permet d'accréditer un tel retour, tandis que l'employeur justifie lui avoir demandé des explications quant à cette absence, par courriers des 26 avril, 24 mai et 15 juin 2013, et l'avoir placé en congé sans solde de ce fait ; aucune réponse de la part de M. J... à ces courriers n'est produite, le premier juge a fait une exacte appréciation des faits en retenant que la réalité de l'abandon de poste reproché est caractérisée.<br> <br>AUX MOTIFS partiellement adoptés QU'i1 résulte de la pièce du défendeur n°13 que le salarié a été absent de son poste à compter du 22 avril 2013 malgré plusieurs appels de la société, i1 résulte des bulletins de salaire de M. D... J... qu'il a été absent du 22 avril au 30 avril 2013, du 2 mai au 7 mai 2013, du 10 mai au 19 mai 2013 et du 21 mai au 31 mai 2013, du 1er juin au 30 juin 2013, et du 1er juillet jusqu'à sa date de sortie à savoir le 22 juillet 2013 ; ainsi, si M. D... J... n'a pas suivi la formation prévue par l'employeur, la lettre de licenciement qui fixe le cadre du litige ne vise que l'abandon de poste du 22 avril 2013.<br> <br>1° ALORS QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en considérant que le licenciement du salarié était légitimement fondé sur son absence injustifiée à compter du 22 avril 2013 quand celui-ci justifiait par la production d'une fiche de présence délivrée par la société Ohlicher (pièce n° 10) qu'il se trouvait en formation « Poids lourds CE » prescrite par l'employeur à compter de cette même date et pour une durée totale de 126 heures, en sorte qu'il ne se trouvait pas en absence injustifiée, la cour d'appel, qui n'a procédé à aucun examen de cette pièce déterminante, n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile.<br> <br>2° ALORS QUE n'est pas en absence injustifiée le salarié auquel son employeur a accordé un congé sans solde ; qu'aux termes des énonciations de l'arrêt attaqué, les bulletins de salaire de l'exposant mentionnent qu'il était absent du 22 avril au 30 avril 2013, du 2 mai au 7 mai 2013, du 10 mai au 19 mai 2013 et du 21 mai au 31 mai 2013, du 1er juin au 30 juin 2013, et du 1er juillet jusqu'à sa date de sortie à savoir le 22 juillet 2013 et que l'employeur l'a placé en congé sans solde pendant cette période en sorte que l'éventuelle absence du salarié ne pouvait être considérée comme un abandon de poste ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui découlaient de ses propres constatations, a violé l'article 1134, devenu 1103, du code civil<br> <br>TROISIEME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)<br> <br>Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit le licenciement fondé sur une faute grave et débouté le salarié de ses demandes d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, et d'indemnité légale de licenciement.<br> <br>AUX MOTIFS QU'il est établi que M. J... ne s'est plus présenté dans l'entreprise à compter du 22 avril 2013 et jusqu'au prononcé de son licenciement, sans motif légitime et malgré l'opposition de son employeur, établie par les courriers précités ; cette attitude démontre un abandon de poste, M. J... se soustrayant à ses obligations à l'égard de la Sarl STP Manutention; cette faute doit être retenue comme grave dès lors qu'elle rend impossible la poursuite des relations contractuelles de travail.<br> <br>ALORS QUE le salarié faisait valoir dans ses écritures à hauteur d'appel, et offrait de démontrer, que par courrier du 15 juin 2013 (pièce n° 15) lui reprochant un « abandon de poste alors que [son] planning [lui] était donné », l'employeur avait proposé de « trouver un accord amiable » par la voie d'une rupture conventionnelle, ce dont il résultait qu'il avait admis la possibilité de le maintenir dans les effectifs de l'entreprise dans l'attente de la décision du salarié sur cette proposition puis du déroulement de la procédure de rupture conventionnelle ; qu'en jugeant le licenciement fondé sur une faute grave rendant impossible la poursuite des relations contractuelles de travail même pendant la durée du préavis, sans répondre à ce moyen déterminant des écritures du salarié, la cour d'appel a statué en méconnaissance des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.<br> <br>QUATRIEME MOYEN DE CASSATION<br> <br>Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable l'action du syndicat.<br> <br>AUX MOTIFS QUE le syndicat UTG a intérêt et qualité à agir si le litige en cause soulève une question de principe dont la solution, de nature à avoir des conséquences pour l'ensemble des adhérents, peut porter un préjudice même indirect ou d'ordre moral, à l'intérêt collectif de la profession ; en conséquence, il n'a ni intérêt, ni qualité à agir dans le cadre d'un litige portant sur le licenciement d'un salarié non protégé, un tel litige n'intéressant que la personne du salarié, et non l'intérêt collectif de la profession ; M. J... n'établit pas être représentant syndical, ni salarié protégé. Il n'établit pas non plus avoir eu une quelconque appartenance syndicale ou activité syndicale ; l'action entreprise ne vise que son cas personnel ; et le syndicat UTG ne démontre pas en quoi, le litige opposant M. J... à la Sarl STP Manutention présente un intérêt collectif ; aussi, faute d'intérêt et de qualité à agir, l'intervention volontaire du syndicat UTG sera déclarée irrecevable.<br> <br>1° ALORS QUE le licenciement prononcé en considération de l'appartenance à un syndicat ou de l'exercice d'une activité syndicale porte atteinte aux intérêts collectifs de la profession représentée par un syndicat qui est donc recevable à demander réparation du préjudice en résultant ; en jugeant que le syndicat UTG ne démontre pas en quoi, le litige opposant M. J... à la société STP Manutention présente un intérêt collectif et n'a donc ni intérêt ni qualité à agir, la cour d'appel a violé l'article L. 2132-3 du code du travail.<br> <br>2° ALORS à tout le moins QUE interdiction est faite au juge de dénaturer les documents de la cause ; que le salarié produisait sa carte d'adhésion au syndicat Union des Travailleurs Guyanais (UTG) pour l'année 2013 (pièce n° 36) ; qu'en retenant qu'il n'établit pas avoir eu une quelconque appartenance syndicale, la cour d'appel a dénaturé cette pièce, en violation du principe sus-rappelé.<br> <br>3° ALORS en toute hypothèse QUE la cassation à intervenir au premier moyen emportera censure du chef de dispositif ici querellé en application de l'article 624 du code de procédure civile.
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 13 janvier 2021, 19-17.182, Publié au bulletin
SYNDICAT PROFESSIONNEL - Action en justice - Conditions - Intérêt collectif de la profession - Atteinte - Applications diverses - Action invoquant la violation des dispositions relatives à l'interdiction de toute discrimination syndicale - Portée,REPRESENTATION DES SALARIES - Règles communes - Contrat de travail - Licenciement - Manquements de l'employeur - Discrimination syndicale - Demande en réparation - Action exercée par un syndicat - Recevabilité - Conditions - Atteinte à l' intérêt collectif de la profession - Détermination - Portée
2021-01-13
ECLI:FR:CCASS:2021:SO00061
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000043045921
ARRET
JURITEXT000050384796
CHAMBRE_COMMERCIALE
article L. 1263-2, I, du code des transports lu à la lumière de l'article 56, paragraphe 1, de la directive 2012/34/UE
JURI
Cour de cassation
En application de l'article L. 1263-2, I, du code des transports lu à la lumière de l'article 56, paragraphe 1, de la directive 2012/34/UE, l'Autorité de Régulation des transports est compétente, dans l'exercice de son pouvoir de contrôle ex post, pour connaître à la fois des différends relatifs à la tarification tant de l'accès au réseau ferroviaire que de l'accès aux installations de service et de ceux relatifs à la mise en oeuvre de cette tarification.
Cassation sans renvoi
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br> COMM.<br> <br> MB<br> <br> <br> <br> COUR DE CASSATION<br> ______________________<br> <br> <br> Audience publique du 16 octobre 2024<br> <br> <br> <br> <br> Cassation sans renvoi<br> <br> <br> M. VIGNEAU, président<br> <br> <br> <br> Arrêt n° 575 FS-B<br> <br> Pourvoi n° T 22-23.219 <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E <br> <br> _________________________<br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 16 OCTOBRE 2024<br> <br> La région Nouvelle-Aquitaine, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° T 22-23.219 contre l'arrêt rendu le 27 octobre 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 7), dans le litige l'opposant :<br> <br> 1°/ à la société SNCF gares et connexions, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],<br> <br> 2°/ au président de l'Autorité de régulation des transports, dont le siège est [Adresse 1],<br> <br> défendeurs à la cassation.<br> <br> La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.<br> <br> Le dossier a été communiqué au procureur général.<br> <br> Sur le rapport de Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de la région Nouvelle-Aquitaine, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société SNCF gares et connexions, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat du président de l'Autorité de régulation des transports, et l'avis de Mme Texier, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 septembre 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, Mme Sabotier, Mme Tréfigny, M. Chazalette, Mme Gouarin, conseillers, M. Le Masne de Chermont, Mme Comte, Mme Bessaud, Mme Bellino, M. Regis, Mme Buquant, conseillers référendaires, Mme Texier, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre,<br> <br> la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; <br> <br> Faits et procédure <br> <br> 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 octobre 2022) et les productions, le document de référence des gares de voyageurs établi par la société SNCF gares et connexions pour l'année 2020 (le DRG 2020) a, conformément à l'article L. 2133-5, II, du code des transports, été soumis à l'Autorité de régulation des transports (l'ART), qui a émis un avis conforme le 28 février 2020.<br> <br> 2. Le 12 janvier 2021, contestant le modèle économique retenu dans le DRG 2020 pour le calcul de la redevance due en contrepartie de l'accès aux gares et aux services qui y sont rendus, la région Nouvelle-Aquitaine a, sur le fondement de l'article L. 1263-2 du code des transports, saisi l'ART d'une demande de règlement de différend, aux fins de voir modifier ce document et de voir appliquer les modifications rétroactivement à compter de 2014.<br> <br> 3. Par sa décision n° 2021-016 du 11 février 2021 relative au différend entre la région Nouvelle-Aquitaine et la société SNCF gares et connexions, l'ART a rejeté cette demande au motif qu'un tel différend échappait à sa compétence fondée sur l'article L. 1263-2 du code des transports.<br> <br> 4. La région Nouvelle-Aquitaine a formé un recours contre cette décision.<br> <br> Examen du moyen<br> <br> Sur le moyen, pris en sa première branche<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 5. La région Nouvelle-Aquitaine fait grief à l'arrêt de rejeter son recours contre la décision n° 2021-016 du 11 février 2021 de l'ART, alors « qu'aux termes de l'article L. 1263-2, I, 2°, du code des transports, tout candidat, tout gestionnaire d'infrastructure ou tout exploitant d'installation de service au sens du livre Ier de la deuxième partie peut saisir l'ARTd'un différend, dès lors qu'il s'estime victime d'un traitement inéquitable, d'une discrimination ou de tout autre préjudice liés à l'accès aux installations de service, y compris la fourniture et la mise en oeuvre de la tarification des services de base fournis dans ces installations et des prestations complémentaires ou connexes ; que ces dispositions, interprétées à la lumière des dispositions de l'article 56, paragraphe 1, de la directive 2012/34/UE du 21 novembre 2012 établissant un espace ferroviaire unique européen, confèrent au régulateur la compétence pour connaître des différends de cette nature relatifs aux redevances auxquelles les personnes susmentionnées sont soumises pour l'accès aux installations de service, parmi lesquels ceux portant sur leur fixation ; qu'en affirmant que le législateur, en limitant la compétence du régulateur ex post aux différends portant sur la mise en oeuvre de la tarification des services fournis pour l'accès aux installations de service, a entendu exclure tout pouvoir de contrôle de l'ART a posteriori sur la tarification des redevances et ainsi tenir compte de l'attribution à cette même autorité d'un pouvoir de contrôle ex ante sur la tarification des redevances dans le cadre de la procédure d'avis conforme prévue par le II de l'article L. 2133-5 du code des transports, la cour d'appel a méconnu les dispositions de l'article L. 1263-2 du même code, de l'article 56, paragraphe 1, de la directive 2012/34/UE du 21 novembre 2012, ensemble le principe de primauté du droit de l'Union européenne. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> Vu les articles L. 1263-2, I, 1°, a), et 2°, du code des transports et 17 du décret n° 2003-194 du 7 mars 2003 relatif à l'utilisation du réseau ferroviaire, dans sa rédaction issue du décret n° 2020-1820 du 29 décembre 2020, interprétés à la lumière de l'article 56, paragraphe 1, de la directive 2012/34/UE du 21 novembre 2012 établissant un espace ferroviaire unique européen : <br> <br> 6. Selon le premier de ces textes tout candidat, tout gestionnaire d'infrastructure ou tout exploitant d'installation de service au sens du livre Ier de la deuxième partie du code des transports peut saisir l'ART d'un différend, dès lors qu'il s'estime victime d'un traitement inéquitable, d'une discrimination ou de tout autre préjudice liés, d'une part, à l'accès au réseau ferroviaire, et en particulier au sens du même livre, au contenu du document de référence du réseau, d'autre part, à l'accès aux installations de service, y compris la fourniture et la mise en oeuvre de la tarification des services de base fournis dans ces installations et des prestations complémentaires ou connexes.<br> <br> 7. Selon le second, qui assure la transposition en droit national de l'article 27 de la directive 2012/34/UE, le document de référence du réseau comprend un chapitre relatif aux principes de tarification et aux tarifs. Ce chapitre contient des précisions appropriées concernant le système de tarification ainsi que des informations suffisantes sur les redevances d'infrastructure. A ce titre, il décrit en détail la méthode, les règles et, le cas échéant, les barèmes utilisés pour déterminer les coûts et les redevances d'infrastructure. Ce document contient également un chapitre contenant des informations sur l'accès aux installations de service mentionnées à l'article 3 du présent décret et à l'article 1er du décret n° 2012-70 du 20 janvier 2012 relatif aux installations de service du réseau ferroviaire et sur la tarification de leur utilisation. Il en résulte que le document de référence des gares de voyageurs est compris dans le document de référence du réseau.<br> <br> 8. La Cour de justice de l'Union européenne juge qu'en appliquant le droit interne et, notamment, les dispositions d'une réglementation spécifiquement adoptée aux fins de mettre en oeuvre les exigences d'une directive, la juridiction nationale est tenue d'interpréter le droit national dans toute la mesure du possible à la lumière du texte et de la finalité de la directive en cause pour atteindre le résultat visé par celle-ci (arrêts du 10 avril 1984, von Colson et Kamann, 14/83, point 26, et du 27 mars 2014, LCL Le Crédit Lyonnais, C 565/12, point 54).<br> <br> 9. Selon l'article 56, paragraphe 1, de la directive 2012/34/UE, toute entreprise ferroviaire, tout regroupement international d'entreprises ferroviaires ou une autre personne physique ou morale ou entité peut saisir l'organisme de contrôle du secteur ferroviaire institué par chaque État membre, dès lors qu'il estime être victime d'un traitement inéquitable, d'une discrimination ou de tout autre préjudice, notamment pour introduire un recours contre les décisions prises par le gestionnaire de l'infrastructure ou, le cas échéant, par l'entreprise ferroviaire ou l'exploitant d'une installation de service en ce qui concerne le document de référence du réseau dans ses versions provisoire et définitive, les critères exposés dans ce document, le système de tarification, le niveau ou la structure des redevances d'utilisation de l'infrastructure qu'il est ou pourrait être tenu d'acquitter, l'accès aux services et leur tarification.<br> <br> 10. L'article L. 1263-2, I, 1°, du code des transports, en tant qu'il met au nombre des différends liés à l'accès au réseau ferroviaire, ceux qui se rapportent au contenu du document de référence du réseau, fait, en raison de la teneur de ce document, entrer dans la compétence de l'ART tant les différends afférents au système de tarification que ceux afférents à sa mise en oeuvre. Il en résulte qu'en conférant à l'ART, à l'article L. 2133-5 du code des transports, le pouvoir de contrôler ex ante la tarification en dehors de toute demande de règlement de différend, le législateur national n'a pas entendu priver l'ART, saisie d'un différend, du pouvoir de contrôler ex post cette même tarification. En outre, si sont seuls cités à l'article L. 1263-2, I, 2°, de ce code, au nombre des différends liés aux installations de services, les différends liés à la fourniture et à la mise en oeuvre de la tarification des services de base fournis dans les installations de service et des prestations complémentaires et connexes, il se déduit de l'emploi du terme « y compris », précédant la désignation de ces deux dernières catégories de différends, que la compétence de l'ART pour connaître des différends liés aux installations de service n'est pas limitée à celles-ci.<br> <br> 11. Il s'ensuit que l'ART est compétente, en application de l'article L. 1263-2, I, du code des transports, pour connaître à la fois des différends relatifs à la tarification tant de l'accès au réseau ferroviaire que de l'accès aux installations de service et de ceux relatifs à la mise en oeuvre de cette tarification.<br> <br> 12. Pour rejeter le recours de la région Nouvelle-Aquitaine contre la décision n° 2021-016 de l'ART, l'arrêt énonce qu'il se déduit du terme « mise en oeuvre de la tarification » que l'article L. 1263-2, I, 2°, du code des transports limite l'intervention de celle-ci, en matière de règlement de différend, à un litige portant sur l'application du tarif et non sur le tarif lui-même, tel qu'il est prévu dans le document de référence des gares de voyageurs. Il ajoute qu'une telle interprétation littérale est confortée par l'article L. 2133-5 du code des transports qui confère à l'ART le pouvoir de contrôler ex ante la tarification, en dehors de toute demande de règlement de différend, suivant une procédure associant, à des fins consultatives, les autorités organisatrices de transports et donnant lieu à une décision susceptible de recours, et en déduit que l'article L. 1263-2 du code des transports, qui résulte de la transposition des dispositions de la directive 2012/34/UE, en ce qu'il limite le pouvoir de l'ART de statuer en matière de règlement des différends à la seule mise en oeuvre de la tarification des redevances d'accès aux gares et installations de service, ne méconnaît pas les dispositions de l'article 56 de cette directive.<br> <br> 13. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.<br> <br> 14. Et en l'absence de doute raisonnable quant à l'interprétation de l'article 56, paragraphe 1, de la directive 2012/34/UE, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de la question préjudicielle suggérée par la région Nouvelle-Aquitaine.<br> <br> Portée et conséquences de la cassation <br> <br> 15. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.<br> <br> 16. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.<br> <br> 17. Pour les raisons exposées ci-dessus, le différend, dont la région Nouvelle-Aquitaine a saisi l'ART, relève de la compétence de celle-ci.<br> <br> 18. Il convient dès lors d'annuler la décision de l'ART n° 2021-016 du 11 février 2021 et de renvoyer à cette autorité le différend qui oppose la région Nouvelle-Aquitaine à la société SNCF gares et connexions.<br> <br> PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :<br> <br> CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 octobre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;<br> <br> DIT n'y avoir lieu à renvoi ;<br> <br> Annule la décision de l'Autorité de régulation des transports n° 2021-016 du 11 février 2021 relative au différend entre la région Nouvelle-Aquitaine et la société SNCF gares et connexions ;<br> <br> Renvoie à l'autorité de régulation des transports le différend opposant la région Nouvelle-Aquitaine à la société SNCF gares et connexions ;<br> <br> Condamne la société SNCF gares et connexions et le président de l'Autorité de régulation des transports aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel de Paris ; <br> <br> En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société SNCF gares et connexions et le président de l'Autorité de régulation des transports et condamne la société SNCF gares et connexions à payer à la région Nouvelle-Aquitaine la somme de 3 000 euros ;<br> <br> Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;<br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize octobre deux mille vingt-quatre.
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 16 octobre 2024, 22-23.219, Publié au bulletin
TRANSPORTS FERROVIAIRES - Régulation - Autorité de régulation des transports - Règlement des différends - Compétence - Etendue - Détermination,AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES - Autorité de Régulation des transports - Règlement des différends - Compétence - Etendue - Détermination
2024-10-16
ECLI:FR:CCASS:2024:CO00575
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000050384796
ARRET
JURITEXT000050290645
CHAMBRE_COMMERCIALE
article L. 481-2 du code de commerce
JURI
Cour de cassation
Aux termes de l'article L. 481-2 du code de commerce, une pratique anticoncurrentielle mentionnée à l'article L. 481-1 est présumée établie de manière irréfragable à l'égard de la personne physique ou morale désignée au même article dès lors que son existence et son imputation à cette personne ont été constatées par une décision qui ne peut plus faire l'objet d'une voie de recours ordinaire pour la partie relative à ce constat, prononcée par l'Autorité ou par la juridiction de recours. En revanche, aucune présomption, fût-elle réfragable, n'est attachée à une décision de l'Autorité qui se borne à rejeter sa saisine faute d'éléments suffisamment probants.
Cassation
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br> COMM.<br> <br> SH<br> <br> <br> <br> COUR DE CASSATION<br> ______________________<br> <br> <br> Audience publique du 25 septembre 2024<br> <br> <br> <br> <br> Cassation<br> <br> <br> M. VIGNEAU, président<br> <br> <br> <br> Arrêt n° 512 FS-B<br> <br> <br> Pourvois n°<br> D 23-13.067<br> T 23-14.828 JONCTION<br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E <br> <br> _________________________<br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 25 SEPTEMBRE 2024<br> <br> I - La société Groupe canal +, société anonyme à directoire et conseil de surveillance, dont le siège est [Adresse 2], anciennement [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 23-13.067 contre un arrêt n° RG 21/06512 rendu le 3 février 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 11), dans le litige l'opposant :<br> <br> 1°/ à la société beIN Sports France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],<br> <br> 2°/ à la société Filiale LFP1, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4],<br> <br> 3°/ à la société Amazon Digital UK, société de droit anglais, dont le siège est [Adresse 5] (Royaume-Uni),<br> <br> 4°/ à l'association Ligue de football professionnel, dont le siège est [Adresse 4],<br> <br> défenderesses à la cassation.<br> II - la société beIN Sports France, société par actions simplifiée, a formé le pourvoi n° T 23-14.828 contre le même arrêt n° RG 21/06512 rendu, dans le litige l'opposant :<br> <br> 1°/ à la société Groupe canal +, société anonyme à directoire et conseil de surveillance,<br> <br> 2°/ à la société Filiale LFP1, société par actions simplifiée,<br> <br> 3°/ à l'association Ligue de football professionnel,<br> <br> 4°/ à la société Amazon Digital UK, société de droit anglais, <br> <br> défenderesses à la cassation.<br> <br> La demanderesse au pourvoi n° D 23-13.067 invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation.<br> <br> La demanderesse au pourvoi n° T 23-14.828 invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation<br> <br> Les dossiers ont été communiqués au procureur général.<br> <br> Sur le rapport de Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller, les observations de la SCP Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société beIN Sports France, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Groupe canal +, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Filiale LFP1 et de l'association Ligue de football professionnel, de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la société Amazon Digital UK, et l'avis de M. Douvreleur, avocat général, à la suite duquel le président a demandé aux avocats s'ils souhaitaient présenter des observations complémentaires ; après débats en l'audience publique du 25 juin 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, Mmes Michel-Amsellem, Sabotier, Tréfigny, conseillers, M. Le Masne de Chermont, Mmes Comte, Bellino, M. Regis, conseillers référendaires, M. Douvreleur, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre,<br> <br> la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; <br> <br> Jonction <br> <br> 1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 23-13.067 et 23-14.828 sont joints.<br> <br> Faits et procédure <br> <br> 2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 février 2023) et les productions, en 2018, agissant par délégation de la Fédération française de football, l'association Ligue française de football professionnel (la LFP), aux droits de laquelle est venue la société Filiale LFP1, a lancé un appel à candidatures pour l'acquisition des droits de diffusion télévisuelle des matchs de football de Ligue 1 pour les saisons 2020-2021 à 2023-2024, ces droits étant divisés en sept lots. A l'issue de cette procédure, les lots 1, 2, 4, 5 et 7 ont été attribués à la société Mediapro, le lot 3, à la société beIN Sports France (la société beIN Sports) pour un prix de 332 millions d'euros par saison, laquelle en a concédé l'exploitation à la société Groupe canal + (la société Canal +), et le lot 6, à la société Free.<br> <br> 3. Le contrat passé avec la société Mediapro ayant été résilié en 2020, à la suite de la défaillance de cette société dans le paiement du prix, la LFP a lancé, le 19 janvier 2021, un nouvel appel à candidatures aux fins de commercialisation des seuls lots 1, 2, 4, 5 et 7, restitués par la société Mediapro.<br> <br> 4. Le 29 janvier 2021, reprochant à la LFP de ne pas inclure le lot 3 dans cet appel à candidatures et, en conséquence, de ne pas résilier le contrat conclu pour ce lot à l'issue de l'appel à candidatures de 2018, la société Canal + a saisi l'Autorité de la concurrence (l'Autorité) de pratiques d'abus de position dominante mises en oeuvre par la LFP dans le secteur de la vente de droits de diffusion télévisuelle des compétitions sportives, consistant notamment en un traitement discriminatoire de l'attributaire du lot 3 par rapport aux autres candidats à l'appel à candidatures de 2021. Par sa décision n° 21-D-12 du 11 juin 2021 relative à des pratiques mises en oeuvre par la Ligue de Football Professionnel dans le secteur de la vente de droits de diffusion télévisuelle de compétitions sportives, l'Autorité a rejeté la saisine au motif qu'elle n'était pas étayée d'éléments suffisamment probants. Le recours introduit contre la décision de l'Autorité a été rejeté par la cour d'appel de Paris par un arrêt du 30 juin 2022, contre lequel la société Canal + a formé un pourvoi sous le numéro 22-19.527. <br> <br> 5. Le 11 juin 2021, la LFP, qui, avait, le 1er février 2021, déclaré l'appel à candidatures infructueux et ouvert une phase de négociation de gré à gré, a annoncé qu'elle avait retenu comme la mieux-disante l'offre présentée par la société Amazon Digital UK (la société Amazon), par préférence à celle faite en commun par les sociétés Canal + et beIN Sports, et lui a attribué la totalité des lots restitués par la société Mediapro.<br> <br> 6. Les 2 novembre et 24 décembre 2021, faisant valoir que la décision de la LFP d'attribuer 80 % des droits de Ligue 1 à la société Amazon pour 250 millions d'euros par saison, tout en contraignant les sociétés beIN Sports et Canal + à exploiter les droits restants dans les conditions de concurrence résultant de l'appel à candidatures de 2018, constituait une discrimination, les sociétés beIN Sports et Canal + ont saisi l'Autorité des pratiques ainsi mises en oeuvre par la LFP sur le marché de l'acquisition des droits de diffusion télévisuelle de Ligue 1. Par sa décision n° 22-D-22 du 30 novembre 2022 relative à des pratiques mises en oeuvre par la Ligue de Football Professionnel dans le secteur de la vente des droits de diffusion télévisuelle de compétitions sportives, l'Autorité a rejeté la saisine au motif qu'elle n'était pas étayée d'éléments suffisamment probants.<br> <br> 7. Parallèlement à ces procédures, la société Canal + a, le 26 janvier 2021, assigné la LFP, en présence de la société beIN Sports, aux fins de voir annuler l'appel à candidatures du 19 janvier 2021 ainsi que tout accord de gré à gré subséquent portant sur les saisons 2021-2022 à 2023-2024, voir enjoindre à la LFP d'organiser un nouvel appel à candidatures, comprenant le lot 3, et la voir condamner à réparer son préjudice moral.<br> <br> Examen des moyens <br> <br> Sur la recevabilité des moyens du pourvoi n° 23-13.067 et du premier moyen du pourvoi n° 23-14.828, en ce qu'ils portent sur l'absence de remise en concurrence du lot 3<br> <br> 8. La société Filiale LFP1, venant aux droits de la LFP, conteste la recevabilité des moyens du pourvoi n° 23-13.067 et du premier moyen du pourvoi n° 23-14.828 en tant qu'ils concernent l'absence de remise en concurrence du lot 3 lors de l'appel à candidatures de 2021. Après avoir énoncé que les moyens dirigés contre une décision ayant déclaré à tort une demande irrecevable sont eux-mêmes irrecevables pour défaut d'intérêt lorsqu'il résulte de la décision attaquée que, si cette demande avait été déclarée recevable, elle aurait en toute hypothèse été rejetée, elle soutient qu'il s'infère des motifs propres et adoptés de l'arrêt, et qu'il s'inférera de l'arrêt à intervenir sur le pourvoi n° 22-19.527, que si la cour d'appel n'avait pas déclaré irrecevables les demandes des sociétés Canal + et beIN Sports fondées sur l'absence de remise en concurrence du lot 3, elle les auraient rejetées.<br> <br> 9. Cependant, d'abord, ayant déclaré irrecevables les demandes des sociétés Canal + et beIN Sports, la cour d'appel n'a pas adopté les motifs par lesquels le jugement a rejeté ces demandes comme mal fondées, ensuite, les pourvois critiquent les motifs propres de l'arrêt, enfin, l'inopérance des moyens d'un pourvoi critiquant un arrêt ne saurait être appréciée en se référant à une décision rendue postérieurement dans une autre instance.<br> <br> 10. Les moyens sont donc recevables.<br> <br> Sur le deuxième moyen, pris en sa quatrième branche, et le troisième moyen du pourvoi n° 23-14.828<br> <br> 11. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.<br> <br> Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche, du pourvoi n° 23-13.067 et le premier moyen, pris en sa deuxième branche, du pourvoi n° 23-14.828<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 12. La société Canal + fait grief à l'arrêt de dire irrecevables ses demandes fondées sur le refus de la LFP de remettre en concurrence le lot 3 pour l'appel à candidatures de janvier 2021, alors « que l'autorité de chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif ; que, par un arrêt rendu le 30 juin 2022, la cour d'appel de Paris a rejeté "le recours en annulation formé par la société [Canal +] contre la décision n° 21-D-12 du 11 juin 2021 de l'[Autorité] relative à des pratiques mises en oeuvre par la Ligue de Football Professionnel dans le secteur de la vente de droits de diffusion télévisuelle de compétitions sportives" ayant rejeté, faute d'éléments suffisants à l'appui de ses allégations, la saisine et la demande de mesures conservatoires de la société Canal + et, "en conséquence, dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande au fond tendant à juger que la LFP a commis un abus de position dominante" ; qu'en déclarant irrecevable la société Canal + en ses demandes tirées du refus de la LFP de remettre en concurrence le lot 3 pour l'appel à candidature aux motifs qu' "il n'est pas discutable que suivant les articles 1355 du code civil et 122 du code de procédure civile, l'autorité de la chose jugée est attachée aux arrêts rendus par la chambre [de la régulation économique] de la cour d'appel de Paris désignée comme organe juridictionnel pour connaître des recours contre les décisions de l'Autorité", que "la cour examinera les faits et moyens tirés de l'abus de position dominante reproché par les sociétés Canal + et beIN Sports à la LFP et à la société Amazon d'après l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 30 juin 2022, statuant sur le recours à l'encontre de la première déclaration décision de l'Autorité n° 21-D-12 du 11 juin 2021", que les moyens développés en fait par la société Canal + "ont déjà été soumis, dans leur substance à l'Autorité, puis, en cause de recours contre sa décision du 11 juin 2021, à la chambre [de la régulation économique] de la cour d'appel de Paris, qui, dans son arrêt du 30 juin 2022, les a écartés", et qu' "en conséquence, la demande de ce chef sera déclarée irrecevable par application de la chose jugée de l'arrêt du 30 juin 2022", quand les motifs d'un arrêt sont dépourvus de toute autorité de chose jugée et que, dans son dispositif, l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris, le 30 juin 2022, s'était borné à rejeter le recours en annulation de la décision de l'Autorité et dire, en conséquence, sans statuer sur la demande tendant à voir juger que la LFP avait commis un abus de position dominante, qu'il n'y avait pas lieu à statuer, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 1355 du code civil, ensemble les articles 122 et 480 du code de procédure civile. »<br> <br> 13. La société beIN Sports fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable en ses demandes tirées du refus de la LFP de remettre en concurrence le lot 3 pour l'appel à candidature de janvier 2021, alors « que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevables les demandes de la société beIN Sports tirées du refus de la LFP de remettre en concurrence le lot 3 pour l'appel à candidature de janvier 2021, que les moyens soulevés de ce chef avaient "déjà été soumis, dans leur substance, à l'Autorité, puis en cause de recours contre sa décision du 11 juin 2021, à la chambre [de la régulation économique] de la cour d'appel de Paris, qui, dans son arrêt du 30 juin 2022, les a écartés", cependant que l'arrêt du 30 juin 2022 n'a tranché, dans son dispositif, aucune demande tendant à caractériser un abus de position dominante de la LFP pour avoir refusé de remettre en concurrence le lot 3 lors de l'appel d'offres de janvier 2021, et que les motifs de cet arrêt, qui indiquaient expressément que la cour d'appel ne pouvait pas statuer sur une telle demande, étaient pour le surplus dépourvus d'autorité de chose jugée, de sorte que cet arrêt du 30 juin 2022 ne pouvait faire obstacle aux demandes soulevées de ce chef par la société beIN Sports, la cour d'appel a violé les articles 1355 du code civil et 480 du code de procédure civile. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> Vu les articles 1355 du code civil, L. 462-8, alinéa 2, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-649 du 26 mai 2021 relative à la transposition de la directive (UE) 2019/1 du 11 décembre 2018 visant à doter les autorités de concurrence des États membres des moyens de mettre en oeuvre plus efficacement les règles de concurrence et à garantir le bon fonctionnement du marché intérieur, et L. 464-8 du même code :<br> <br> 14. En vertu du premier de ces textes, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif.<br> <br> 15. Selon le deuxième, lorsque l'Autorité estime que les faits invoqués au soutien d'une saisine ne sont pas appuyés d'éléments suffisamment probants, elle dispose de la faculté de rejeter cette saisine.<br> <br> 16. Il résulte du troisième que les recours formés contre les décisions de l'Autorité sont limités à leur objet. Dès lors, la cour d'appel de Paris, saisie d'un recours formé contre une décision de l'Autorité rejetant sa saisine sur le fondement de l'article L. 462-8, alinéa 2, du code de commerce, doit seulement vérifier si les faits invoqués, tels qu'ils ont été soumis à l'Autorité, étaient appuyés d'éléments suffisamment probants.<br> <br> 17. Pour déclarer irrecevables les demandes des sociétés Canal + et beIN Sports tendant à l'annulation de l'appel à candidatures de 2021 et à ce qu'il soit enjoint à la LFP d'organiser un nouvel appel à candidatures incluant le lot 3, ainsi que leur demande tendant à l'annulation de la cession de gré à gré à la société Amazon des droits restitués par la société Mediapro, en tant qu'elle est fondée sur les manquements commis par la LFP lors de l'appel à candidatures de 2021, l'arrêt retient que les moyens « développés en fait » par la société Canal + et la société beIN Sports au soutien de ces demandes, ont déjà été soumis, « dans leur substance », à la chambre de la régulation économique de la cour d'appel d'appel de Paris, qui les a écartés par son arrêt du 30 juin 2022, et en déduit que lesdites demandes méconnaissent l'autorité de chose jugée de cet arrêt.<br> <br> 18. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.<br> <br> Sur le troisième moyen, pris en sa cinquième branche, du pourvoi n° 23-13.067 et le deuxième moyen, pris en sa sixième branche, du pourvoi n° 23-14.828<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 19. La société Canal + fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de nullité de l'attribution de gré à gré, par la LFP à la société Amazon, des lots restitués par la société Mediapro tirée de la discrimination tarifaire sur le marché aval de la distribution de services de télévision payante, alors « que la société Canal + sollicitait dans ses conclusions l'annulation de l'attribution de gré à gré, par la LFP à la société Amazon, des lots restitués par la société Mediapro, attribution constitutive d'une discrimination tarifaire sur le marché aval de la distribution télévisuelle des matchs de Ligue 1 ; qu'elle faisait valoir, notamment et preuves à l'appui, que le refus, en janvier 2021, de remettre le lot 3 dans l'appel d'offres, n'avait pas permis l'attribution des lots dans des conditions similaires, créant une discrimination tarifaire à son détriment en raison d'un coût de revient plus élevé eu égard aux conditions inflationnistes dans lesquelles s'était déroulé l'appel d'offres en 2018 ; qu'en se bornant à relever que "l'essentiel de ces moyens rapportés à la conduite de la procédure d'adjudication en 2021 a été écarté par l'arrêt [de la chambre de la régulation économique] de la cour d'appel de Paris [du 30 juin 2022]", quand l'arrêt rendu le 30 juin 2022 était dépourvu de toute autorité de chose jugée et qu'il lui appartenait d'examiner elle-même l'existence d'une discrimination tarifaire, née du refus de la LFP de réintégrer le lot 3 pour la réattribution, la cour d'appel, qui a méconnu les termes de son office, a violé l'article 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, ensemble l'article L. 420-2 du code de commerce. »<br> <br> 20. La société beIN Sports fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de nullité de l'attribution de gré à gré, par la LFP à la société Amazon, des lots restitués par la société Mediapro tirée de la discrimination tarifaire sur le marché aval de la distribution de services de télévision payante, alors « que, pour motiver sa décision, le juge doit se déterminer d'après les éléments particuliers de fait et de preuve qui lui sont soumis et non par voie de référence à des causes déjà jugées ; qu'en retenant, pour écarter tout abus de position dominante de la LFP sur le marché aval de l'édition et de la commercialisation des chaînes de télévision payante, que "l'essentiel [des] moyens rapportés à la conduite de la procédure d'adjudication en 2021 a été écarté par l'arrêt [de la chambre de la régulation économique] de la cour d'appel de Paris [du 30 juin 2022]" et que, "s'agissant des mêmes griefs appliqués à l'attribution de gré à gré des lots à la société Amazon, ils ont aussi [?] déjà été soumis à l'Autorité", quand elle devait se livrer à un examen effectif de la cause, en se déterminant d'après les éléments particuliers de fait et de preuve qui lui étaient soumis et non par voie de référence à l'arrêt du 30 juin 2022 et à la décision du 30 novembre 2022 de l'Autorité, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> Vu l'article 455 du code de procédure civile :<br> <br> 21. Il résulte de ce texte que, pour motiver sa décision, le juge ne peut se borner à se référer à une décision antérieure, intervenue dans une autre cause.<br> <br> 22. Pour rejeter la demande de nullité de l'attribution de gré à gré, par la LFP à la société Amazon, des lots restitués par la société Mediapro prise de la discrimination tarifaire sur le marché aval de la distribution de services de télévision payante, l'arrêt retient que l'essentiel des moyens se rapportant à la conduite de l'appel à candidatures de 2021 a été écarté par l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 30 juin 2022.<br> <br> 23. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.<br> <br> <br> Sur le troisième moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi n° 23-13.067 et le deuxième moyen, pris en sa cinquième branche, du pourvoi n° 23-14.828<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 24. La société Canal + fait le même grief à l'arrêt, alors « que l'article L. 481-2 du code de commerce ne crée, dans les conditions et la mesure qu'il prévoit, de présomption irréfragable d'une pratique concurrentielle que lorsque "son existence et son imputation à cette personne ont été constatées par une décision qui ne peut plus faire l'objet d'une voie de recours ordinaire pour la partie relative à ce constat, prononcée par l'Autorité de la concurrence ou par la juridiction de recours" ; que, par la décision n° 22-D-22 du 30 novembre 2022, l'Autorité a rejeté, faute d'éléments suffisamment probants, la saisine de la société Canal + et sa demande de mesures conservatoires ; qu'en affirmant, pour confirmer le jugement entrepris et débouter la société Canal + de ses demandes, qu'en application des termes de l'article L. 481-2 du code de commerce, dont l'application est d'ordre public, "la cour examinera les faits et moyens tirés de l'abus de position dominante reproché par les sociétés Canal + et beIN Sports à la LFP et à la société Amazon [...] d'après les présomptions irréfragablement établies par la seconde décision de l'Autorité n° 22-D-22 du 30 novembre 2022", quand aucune présomption irréfragable ne pouvait être déduite de cette décision, qui se bornait à rejeter, faute d'éléments suffisamment probants, une plainte pour abus de position dominante, la cour d'appel a violé l'article L. 481-2 du code de commerce. »<br> <br> 25. La société beIN Sports fait le même grief à l'arrêt, alors que « la présomption irréfragable instituée par l'article L. 481-2 du code de commerce porte seulement sur l'existence d'une pratique anticoncurrentielle reconnue caractérisée par l'Autorité ou la cour d'appel dans une décision devenue définitive ; qu'en retenant, pour refuser de caractériser un abus de position dominante de la LFP sur le marché aval de l'édition de chaînes de télévision premium, qu'elle "examinera les faits et moyens tirés de l'abus de position dominante reproché par les sociétés Canal + et beIN Sports à la LFP et à la société Amazon d'après [?] les présomptions irréfragablement établies par la seconde décision de l'Autorité n° 22-D-22 du 30 novembre 2022" et que "[ces griefs] ont aussi été soumis à l'Autorité, telle qu'elle l'a rapporté aux paragraphes 57 et 83 à 89 de sa décision du 30 novembre 2022", cependant que cette décision de l'Autorité a écarté l'existence de la pratique anticoncurrentielle dénoncée devant elle pour insuffisance de preuve, de sorte qu'aucune présomption irréfragable ne pouvait en être déduite, la cour d'appel a violé l'article L. 481-2 du code de commerce, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> Vu l'article L. 481-2 du code de commerce :<br> <br> 26. Aux termes de ce texte, une pratique anticoncurrentielle mentionnée à l'article L. 481-1 est présumée établie de manière irréfragable à l'égard de la personne physique ou morale désignée au même article dès lors que son existence et son imputation à cette personne ont été constatées par une décision qui ne peut plus faire l'objet d'une voie de recours ordinaire pour la partie relative à ce constat, prononcée par l'Autorité ou par la juridiction de recours.<br> <br> 27. Pour rejeter la demande de nullité de l'attribution de gré à gré, par la LFP à la société Amazon, des lots restitués par la société Mediapro, prise de la discrimination tarifaire sur le marché aval de la distribution de services de télévision payante, l'arrêt, après avoir énoncé que la cour d'appel examinera les faits et moyens tirés de l'abus de position dominante reproché par les sociétés Canal + et beIN Sports aux sociétés LFP et Amazon d'après les présomptions irréfragablement établies par la seconde décision de l'Autorité, retient que les moyens se rapportant à l'attribution de gré à gré des lots à la société Amazon ont déjà été soumis à l'Autorité, qui, par sa décision du 30 novembre 2022, les a écartés.<br> <br> 28. En statuant ainsi, alors que l'Autorité s'étant, par sa décision, bornée à rejeter sa saisine faute d'éléments suffisamment probants, il n'en résultait aucune présomption, fût-elle même seulement réfragable, que l'attribution de gré à gré à la société Amazon des lots restitués par la société Mediapro n'était pas constitutive d'un abus de position dominante sur le marché aval des droits de diffusion télévisuelle, la cour d'appel, à qui il appartenait donc d'examiner elle-même l'existence d'une discrimination tarifaire, a violé le texte susvisé par fausse application.<br> <br> Sur le troisième moyen, pris en sa septième branche, du pourvoi n° 23-13.067 et le deuxième moyen, pris en sa huitième branche, du pourvoi n° 23-14.828<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 29. La société Canal + fait le même grief à l'arrêt, alors « que, dans ses conclusions, elle faisait valoir à l'appui de sa demande tendant à l'annulation de l'attribution de gré à gré, par la LFP à la société Amazon, des lots restitués par la société Mediapro, attribution ayant pour conséquence une discrimination tarifaire sur le marché aval de la distribution télévisuelle des matchs de Ligue 1, qu'ainsi qu'il avait été reconnu par la pratique décisionnelle européenne et française, l'importance des droits audiovisuels du football et de la Ligue 1, en particulier, revêtait pour la concurrence sur les marchés avals de la télévision payante une importance primordiale et qu'il était impossible pour l'exploitant du lot 3 de conserver ou d'acquérir des abonnés en proposant 20 % des matchs de Ligue 1, avec un coût de revient annuel de 332 millions d'euros, quand la société Amazon pouvait proposer 80 % des matchs de Ligue 1, dont les meilleures affiches, avec un coût de revient de 250 millions d'euros ; qu'elle observait que, de fait, la société Amazon proposait un abonnement Pass Ligue, permettant l'accès à 80 % des matchs de Ligue 1, aux abonnés Prime pour un montant mensuel de 12,99 euros, quand la société Canal + ne pouvait proposer à ses abonnés que la chaîne Canal Plus Sports permettant d'avoir accès aux 20 % des matchs constituant le lot 3 pour un montant de 21 euros supplémentaires ; qu'en se bornant à affirmer, pour rejeter la demande par un motif qualifié de surabondant, qu'en l'absence de mesure des coûts supportés par les sociétés beIN Sports et Canal +, de l'économie des investissements amortis par le distributeur historique et de l'absence de données sur les prix et les coûts des abonnements pour la réceptions des matchs de football en rapport avec les autres programmes premium de la société Canal +, le prix de revient de la retransmission des matchs du lot 3 n'était pas établi, de sorte que n'était pas non plus établie "la preuve de son caractère excessif entraînant un désavantage dans la concurrence par les prix sur les marchés avals ou connexes", sans rechercher s'il ne ressortait pas de la seule comparaison des prix d'achat respectifs des droits de diffusion télévisuelle, compte tenu de la composition des lots acquis, lesquels constituaient la quasi-totalité des coûts de revient de retransmission, l'existence d'un désavantage dans la concurrence par les prix sur le marché aval de la distribution télévisuelle des matchs de Ligue 1, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et de l'article L. 420-2 du code de commerce. »<br> <br> 30. La société beIN Sports fait le même grief à l'arrêt, alors « que la constatation d'un désavantage dans la concurrence, au sens de l'article 102, second alinéa, sous c), du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, ne requiert pas la preuve d'une détérioration effective et quantifiable de la position concurrentielle, mais doit se fonder sur une analyse de l'ensemble des circonstances pertinentes de l'espèce qui permet de conclure que ledit comportement a une influence sur les coûts, sur les bénéfices ou sur un autre intérêt pertinent d'un ou de plusieurs partenaires commerciaux sur le marché aval, de sorte que ce comportement est de nature à affecter ladite position ; qu'en retenant, pour écarter tout abus de position dominante de la LFP sur le marché aval de l'édition et de la commercialisation des chaînes de télévision payante, en dépit d'un traitement tarifaire différencié entre les sociétés beIN Sports et Amazon, qu' "en l'absence de prix de revient de la retransmission des matchs du lot 3, il ne peut non plus être établi la preuve que sa valeur est excessive et entraîne un désavantage dans la concurrence par les prix sur les marchés avals ou connexes", cependant que l'influence de la pratique anticoncurrentielle dénoncée par la société beIN Sports sur ses coûts ne constituait pas le seul élément susceptible de caractériser ladite pratique anticoncurrentielle qui devait, au contraire, être appréciée au vu de l'ensemble des circonstances pertinentes de l'espèce, tirées en particulier des écarts entre les prix des droits payés par les sociétés beIN Sports et Amazon, des écarts entre les prix moyens des matchs dont les deux sociétés ont, respectivement, acquis les droits, du fait que la LFP avait adopté une logique de péréquation qui revenait à faire supporter à la société beIN Sports l'avantage concurrentiel octroyé à la société Amazon, ainsi que du traitement de faveur ainsi accordé à la société Amazon au regard de la faiblesse des droits payés par celle-ci, en valeur absolue, comme en valeur relative des matchs, la cour d'appel a violé les articles 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et L. 420-2 du code de commerce. »<br> <br> Réponse de la Cour <br> <br> Vu l'article 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et l'article L. 420-2 du code de commerce :<br> <br> 31. Aux termes du premier de ces textes, est incompatible avec le marché intérieur et interdit, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d'en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d'exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché intérieur ou dans une partie substantielle de celui-ci. Ces pratiques abusives peuvent notamment consister à appliquer à l'égard de partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes, en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence.<br> <br> 32. Aux termes du second, est prohibée, dans les conditions prévues à l'article L. 420-1 du code de commerce, l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises d'une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci. Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées ou en conditions de vente discriminatoires ainsi que dans la rupture de relations commerciales établies, au seul motif que le partenaire refuse de se soumettre à des conditions commerciales injustifiées. <br> <br> 33. Pour rejeter la demande en nullité de l'attribution de gré à gré, par la LFP à la société Amazon, des lots restitués par la société Mediapro, tirée de la discrimination tarifaire sur le marché aval de la distribution de services de télévision payante, l'arrêt relève qu'aucun des écarts, arithmétiques ou différentiels entre le prix d'attribution du lot 3 aux sociétés beIN Sports et Canal + et le prix des lots attribués à la société Amazon, avec les prix de distribution des matchs selon les lots, leur programme ou leur attractivité, ne sont mesurés avec les coûts supportés par les sociétés beIN Sports ou Canal +, ni non plus d'après l'économie des investissements amortis par la distribution historique de ces programmes par la société Canal +, ni encore d'après des données, dont la société Canal + se prévaut, sur les prix et les coûts des abonnements pour la réception des matchs de football en rapport avec les autres programmes premium de la société Canal +, ni enfin, d'après des valeurs sur les marchés intermédiaires de l'édition et de la commercialisation de chaînes de télévision payante des sociétés beIN Sports et Canal +. Il en déduit qu'en l'absence de prix de revient de la retransmission des matchs du lot 3, il ne peut être établi la preuve que sa valeur est excessive et entraîne un désavantage dans la concurrence par les prix sur les marchés avals ou connexes.<br> <br> 34. En se déterminant ainsi sur la question des prix de revient dont la comparaison pouvait dépendre de l'efficacité des différents acteurs, et sans procéder à une appréciation de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.<br> <br> Et sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, du pourvoi n° 23-13.067<br> <br> Enoncé du moyen <br> <br> 35. La société Canal + fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande de condamnation de la société Filiale LFP1, venant aux droits de la LFP, à lui payer 68,1 % des sommes qu'elle avait acquittées au titre du lot 3 depuis l'attribution des droits de Ligue 1 à la société Amazon, alors :<br> <br> « 2°/ que les parties peuvent soumettre à la cour d'appel de nouvelles prétentions pour faire juger les questions nées de la survenance d'un fait postérieur au jugement entrepris ; que la cour d'appel a constaté qu'alors que le jugement entrepris avait été rendu par le tribunal de commerce de Paris le 11 mars 2021, la LFP avait attribué, le 11 juin 2021, aux termes d'une négociation de gré à gré, à la société Amazon l'ensemble des lots restitués par la société Mediapro, incluant les droits de diffusion de 80 % des matchs du championnat de Ligue 1, dont les dix meilleures affiches, pour un prix de 250 millions d'euros par saison ; qu'à la suite de cette attribution, la société Canal + avait sollicité, en cause d'appel, la condamnation de la LFP à lui payer la différence entre le prix qu'elle avait payé pour le lot 3 (332 millions d'euros par saison) et la valeur de ce lot, telle qu'elle aurait été fixée dans les termes de l'accord conclu avec la société Amazon (105,9 millions d'euros par saison), soit 68,1 % des sommes qu'elle avait acquittées au titre du lot 3 depuis l'attribution des droits de Ligue 1 à la société Amazon ; qu'en déclarant irrecevable cette demande, tendant à l'indemnisation du préjudice né de l'attribution, postérieure au jugement entrepris, des lots restitués par la société Mediapro à la société Amazon au prix de 250 millions d'euros par saison, la cour d'appel a violé l'article 564 du code de procédure civile ;<br> <br> 3°/ que les parties peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire ; que la cour d'appel a constaté qu'en première instance, la société Canal + avait sollicité l'annulation de l'appel à candidatures lancé le 19 janvier 2021 par la LFP ainsi que tout accord de gré à gré subséquent portant sur les saisons 2021-2022 à 2023-2024 et qu'il soit enjoint à la LFP d'organiser un appel à candidatures pour la commercialisation des droits du championnat de Ligue 1 restitués par la société Mediapro pour les saisons 2021-2022 à 2023-2024 incluant le Lot 3 attribué à beIN Sports et exploité par Canal + ; qu'en se bornant à relever, pour déclarer irrecevable la demande de condamnation de la société Filiale LFP1 à payer à la société Canal + 68,1 % des sommes acquittées par cette dernière au titre du lot 3 depuis l'attribution des droits de Ligue 1 à la société Amazon, que "les demandes soumises par la société Canal + aux premiers juges ne comprennent pas celle soutenue pour la première fois en cause d'appel tendant à la condamnation de la LFP à payer à 68,1 % des sommes qu'elle a acquittées au titre du lot 3 depuis l'attribution des droits de Ligue 1 à la société Amazon", sans rechercher, au besoin même d'office, si cette demande n'était pas la conséquence ou le complément nécessaire des demandes d'annulation de tout accord de gré à gré portant sur les saisons 2021-2022 à 2023-2024 et d'injonction d'organiser un appel à candidatures pour la commercialisation des droits du championnat de Ligue 1 restitués par la société Mediapro pour les saisons 2021-2022 à 2023-2024 incluant le lot 3, la LFP ayant, entre-temps, conclu un accord de gré à gré avec la société Amazon, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 566 du code de procédure civile. »<br> <br> Réponse de la Cour <br> <br> Vu les articles 564 et 566 du code de procédure civile :<br> <br> 36. Aux termes du premier de ces textes, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour d'appel de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.<br> <br> 37. Aux termes du second, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.<br> <br> 38. Pour déclarer irrecevable la société Canal + en sa demande de condamnation de la société Filiale LFP1 à payer 68,1 % des sommes qu'elle a acquittées au titre du lot 3 depuis l'attribution des droits de Ligue 1 à la société Amazon, l'arrêt retient que les demandes soumises par la société Canal + aux premiers juges ne comprennent pas celles soutenues pour la première fois en cause d'appel et tendant à la condamnation de la LFP à lui verser 68,1 % des sommes qu'elle a acquittées au titre du lot 3 depuis l'attribution des droits de Ligue 1 à la société Amazon.<br> <br> 39. En se déterminant ainsi, sans rechercher, au besoin d'office, comme il lui incombait, si, d'une part, cette prétention ne tendait pas à faire juger les questions nées de la cession, le 11 juin 2021, postérieurement au jugement entrepris, à la société Amazon des droits restitués par la société Mediapro ou, d'autre part, elle ne constituait pas l'accessoire, la conséquence ou le complément de celles présentées en première instance, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.<br> <br> PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :<br> <br> CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 février 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;<br> <br> Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;<br> <br> Condamne, d'une part, l'association Ligue française de football professionnel et la société Filiale LFP1, d'autre part, la société Amazon Digital UK aux dépens ;<br> <br> En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes, d'une part, de l'association Ligue française de football professionnel et de la société Filiale LFP1, d'autre part, de la société Amazon Digital UK, condamne l'association Ligue française de football professionnel, la société Filiale LFP1 et la société Amazon Digital UK à payer à la société Groupe canal + la somme globale de 3 000 euros et condamne la société Filiale LFP1 à payer à la société beIN Sports France la somme de 3 000 euros ;<br> <br> Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;<br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq septembre deux mille vingt-quatre.
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 25 septembre 2024, 23-13.067 23-14.828, Publié au bulletin
CONCURRENCE - Pratique anticoncurrentielle - Présomption irréfragable - Conditions - Détermination,CONCURRENCE - Pratique anticoncurrentielle - Présomption - Absence - Cas - Décision de l'Autorité se bornant à rejeter sa saisine faute d'éléments suffisamment probants CONCURRENCE - Pratique anticoncurrentielle - Présomption - Absence - Cas - Décision de l'Autorité se bornant à rejeter sa saisine faute d'éléments suffisamment probants
2024-09-25
ECLI:FR:CCASS:2024:CO00512
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000050290645
ARRET
JURITEXT000050761541
CHAMBRE_COMMERCIALE
articles L. 526-1 et L. 622-21 du code de commerce
JURI
Cour de cassation
Le créancier titulaire d'une sûreté réelle, à qui l'insaisissabilité d'un immeuble appartenant à un débiteur en liquidation judiciaire est inopposable en application de l'article L. 526-1 du code de commerce, peut faire procéder à sa vente sur saisie, laquelle n'est pas une action tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent prohibée à l'article L. 622-21 du même code
Cassation partielle
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br> COMM.<br> <br> SH<br> <br> <br> <br> COUR DE CASSATION<br> ______________________<br> <br> <br> Audience publique du 20 novembre 2024<br> <br> <br> <br> <br> Cassation partielle<br> <br> <br> M. VIGNEAU, président<br> <br> <br> <br> Arrêt n° 690 F-B<br> <br> Pourvoi n° H 23-19.924 <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E <br> <br> _________________________<br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 20 NOVEMBRE 2024<br> <br> La société Crédit Logement, société anonyme, dont le siège est [Adresse 7], a formé le pourvoi n° H 23-19.924 contre l'arrêt rendu le 1er juin 2023 par la cour d'appel de Bordeaux (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :<br> <br> 1°/ à M. [K] [J],<br> <br> 2°/ à Mme [C] [Z], épouse [J],<br> <br> tous deux domiciliés [Adresse 5],<br> <br> 3°/ à la société EKIP', société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], prise en la personne de M. [B] [W], en qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de M. [K] [J],<br> <br> 4°/ à la société prestation viti-vinicoles Banton Lauret, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 8],<br> <br> 5°/ au trésor public service impôts des entreprises,<br> <br> 6°/ au trésor public service impôts des particuliers de [Localité 9],<br> <br> ayant toutes deux leur siège [Adresse 6],<br> <br> 7°/ à la société coopérative vinicole Alliance Bourg, dont le siège est [Adresse 4],<br> <br> 8°/ à la société Vitivista, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],<br> <br> 9°/ au directeur général des finances publiques, domicilié [Adresse 2],<br> <br> défendeurs à la cassation.<br> <br> La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.<br> <br> Le dossier a été communiqué au procureur général.<br> <br> Sur le rapport de Mme Coricon, conseiller référendaire, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de la société Crédit Logement, de Me Carbonnier, avocat de la société EKIP', ès qualités, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 1er octobre 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Coricon, conseiller référendaire rapporteur, Mme Schmidt, conseiller doyen, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,<br> <br> la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; <br> <br> Faits et procédure <br> <br> 1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 1er juin 2023), la société Crédit Logement, créancière à titre non professionnel de M. [J] et de son épouse en vertu d'un jugement du 14 décembre 2017 devenu irrévocable, leur a fait délivrer le 11 mai 2021 un commandement aux fins de saisie-vente de leur résidence principale, sur laquelle elle détient une hypothèque. <br> <br> 2. Le 28 janvier 2022, M. [J] a été mis en liquidation judiciaire. La société EKIP', prise en la personne de M. [W], a été désigné liquidateur.<br> <br> Examen du moyen<br> <br> Sur le moyen, pris en sa première branche<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 3. La société Crédit Logement fait grief à l'arrêt de dire que la vente forcée de l'immeuble en cause ne peut être poursuivie jusqu'à la clôture de la procédure de liquidation judiciaire de M. [J] alors « qu'un créancier, titulaire d'une sûreté réelle, à qui l'insaisissabilité d'un immeuble appartenant à un débiteur en liquidation judiciaire est inopposable en application de l'article L. 526-1 du code de commerce, peut faire procéder à la vente de cet immeuble sur saisie ; que pour débouter Crédit Logement de sa demande de vente forcée de l'immeuble saisi, qui constituait la résidence principale des époux [J], la cour d'appel a jugé que s'il est acquis que le créancier non professionnel peut réaliser son droit sur un immeuble bénéficiant d'une insaisissabilité légale, la règle de l'arrêt des poursuites, qui présente un caractère d'ordre public, l'empêche toutefois d'exercer une action qui tend au paiement de sa créance ; que la cour d'appel en a déduit que le créancier peut prendre toutes mesures visant à faire constater l'existence, le montant et l'exigibilité de sa créance, qu'il peut effectuer toute action tendant à la préservation ses droits sur le patrimoine saisissable de l'entrepreneur individuel, mais qu'en revanche il ne peut exercer d'action visant au paiement de sa créance, hors application des règles de la procédure collective, comme la vente forcée de l'immeuble (arrêt, p. 9, §§ 3 et 4) ; qu'en statuant ainsi tandis qu'étant titulaire d'une sûreté réelle et l'insaisissabilité de la résidence principale lui étant inopposable, Crédit Logement devait pouvoir faire procéder à la vente forcée de cet immeuble, peu important la liquidation judiciaire ouverte à l'égard de M. [J], la cour d'appel a violé les articles L. 526-1 et L. 641-3 du code de commerce. »<br> <br> Réponse de la Cour <br> <br> Vu les articles L. 526-1 et L. 622-21 du code de commerce : <br> <br> 4. Le créancier titulaire d'une sûreté réelle, à qui la déclaration d'insaisissabilité d'un immeuble appartenant à un débiteur en liquidation judiciaire est inopposable en application du premier de ces textes, peut faire procéder à sa vente sur saisie, qui n'est pas une action tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent, prohibée par le second de ces textes. <br> <br> 5. Pour rejeter la demande, formée par la société Crédit Logement, de vente forcée de l'immeuble appartenant notamment à M. [J] et constituant sa résidence principale, l'arrêt, après avoir énoncé que si un créancier non professionnel peut réaliser son droit sur l'immeuble bénéficiant d'une insaisissabilité légale, l'ouverture d'une procédure collective, qui a pour corollaire l'arrêt des poursuites, fait obstacle à l'exercice d'une action qui tend au paiement d'une créance, et donc à la vente forcée de l'immeuble. Il en déduit que la vente forcée de l'immeuble appartenant à M. [J], mis en liquidation judiciaire, ne pourra pas être poursuivie jusqu'à la clôture de la procédure collective. <br> <br> 6. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.<br> <br> PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :<br> <br> CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la vente forcée de l'immeuble ne peut être poursuivie jusqu'à la clôture de la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l'égard de M. [J], l'arrêt rendu le 1er juin 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;<br> <br> Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée ;<br> <br> Condamne la société EKIP' prise en la personne de M. [W], en qualité de liquidateur de M. [J], aux dépens ; <br> <br> En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;<br> <br> Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;<br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt novembre deux mille vingt-quatre, et signé par lui, le conseiller référendaire rapporteur et Mme Labat, greffier, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 20 novembre 2024, 23-19.924, Publié au bulletin
ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005) - Liquidation judiciaire - Règlement des créanciers - Créanciers bénéficiant d'une sûreté - Possibilité de vente sur saisie - Insaisissabilité d'un immeuble - Inopposabilité - Portée
2024-11-20
ECLI:FR:CCASS:2024:CO00690
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000050761541
ARRET
JURITEXT000050192449
CHAMBRE_COMMERCIALE
article 6, paragraphe 2, de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-444 du 13 avril 2016 ; article L.442-6, I, 2°, devenu l'article L. 442-1, 2° du code de commerce
JURI
Cour de cassation
Au regard de l'article 6, paragraphe 2, de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-444 du 13 avril 2016, en prévoyant une clause contractuelle lui permettant de suspendre promptement l'usage de ses services de référencement pour des raisons légales, puis en l'appliquant lorsqu'il est informé du caractère trompeur d'un site auquel il donne accès, un hébergeur ne crée pas un déséquilibre significatif au sens de l'article L.442-6, I, 2°, devenu l'article L. 442-1, 2° du code de commerce. Un hébergeur ne commet pas d'abus en suspendant puis en refusant de réactiver le compte d'une société dont l'activité est illicite.
Rejet
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br> COMM.<br> <br> CC<br> <br> <br> <br> COUR DE CASSATION<br> ______________________<br> <br> <br> Audience publique du 4 septembre 2024<br> <br> <br> <br> <br> Rejet<br> <br> <br> M. VIGNEAU, président<br> <br> <br> <br> Arrêt n° 434 FS-B<br> <br> Pourvoi n° X 22-12.321 <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E <br> <br> _________________________<br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 4 SEPTEMBRE 2024<br> <br> La société Up to Motion, venant aux droits de la société Fathi Enterprise, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1] (Luxembourg), a formé le pourvoi n° X 22-12.321 contre l'arrêt rendu le 17 septembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 11), dans le litige l'opposant :<br> <br> 1°/ à la société Google France, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],<br> <br> 2°/ à la société Google Ireland Limited, dont le siège est [Adresse 3] (Irlande),<br> <br> défenderesses à la cassation.<br> <br> La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.<br> <br> Le dossier a été communiqué au procureur général.<br> <br> Sur le rapport de Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller, les observations de la SCP Le Griel, avocat de la société Up to Motion, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat des sociétés Google France, et Google Ireland Limited, et l'avis de M. Douvreleur, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 juin 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, Mmes Michel-Amsellem, Sabotier, Tréfigny, conseillers, M. Le Masne de Chermont, Mmes Comte, Bessaud, Bellino et M. Regis, conseillers référendaires, M. Douvreleur, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre,<br> <br> la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; <br> <br> Faits et procédure <br> <br> 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 septembre 2021) et les productions, en 2013, la société de droit luxembourgeois Fathi Enterprise (la société Fathi), titulaire des droits sur la plateforme accessible par le nom de domaine « cartegrisefrance.fr », dédiée aux démarches destinées à l'obtention sur internet de certificats d'immatriculation de véhicules automobiles auprès des services de l'Etat français, a conclu avec la société de droit irlandais Google Ireland un contrat pour le référencement payant de son site au moyen du service « Google Adwords » devenu « Google Ads ». <br> <br> 2. Les conditions générales de ce contrat comportaient un article 13 précisant : « Google peut apporter des modifications mineures aux présentes Conditions à tout moment sans préavis ; toutefois, en cas de modifications majeures des présentes Conditions, un préavis sera adressé par Google (...). Chaque partie peut résilier immédiatement les présentes Conditions à tout moment en notifiant à l'autre partie moyennant un préavis sauf en cas de manquement contractuel répété ou grave, notamment à une politique. (...) Google peut suspendre la participation du client aux programmes à tout moment, par exemple en cas de problème de paiement, de manquements suspectés ou avérés aux politiques ou aux présentes Conditions ou pour raisons légales ».<br> <br> 3. A la suite de la réception par la société Google France, le 3 novembre 2017, d'un courriel émanant du secrétariat d'Etat chargé du numérique, la société Google Ireland a suspendu le compte de la société Fathi.<br> <br> 4. Contestant cette suspension et le refus de réactiver son compte, la société Fathi, aux droits de laquelle vient la société Up to motion, a assigné les sociétés Google Ireland et Google France. A hauteur d'appel, elle a demandé l'annulation de l'article 13 des conditions générales du contrat. Les sociétés Google Ireland et Google France lui ont opposé que les stipulations de cet article répondaient à une nécessité propre à la qualité d'hébergeur de la société Google Ireland, tenue, conformément à l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, d'agir promptement pour retirer des données ou en rendre l'accès impossible dès le moment où elle a connaissance du caractère illicite des activités ou des informations en cause, ou de faits ou circonstances faisant apparaître ce caractère.<br> <br> Examen des moyens<br> <br> Sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches et sur le troisième moyen, pris en sa sixième branche<br> <br> 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.<br> <br> Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 6. La société Up to Motion fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'annulation de l'article 13 des conditions générales du contrat, alors « que, pour rejeter la demande de nullité de l'article 13 des conditions générales du contrat conclu entre la société Fathi et la société Google, la cour d'appel a retenu que la faculté que s'était ainsi réservée cette dernière "d'interrompre immédiatement (...) le référencement" était "justifiée" par "l'accès universel, instantané et continu des services numériques sur internet et la téléphonie mobile (...) si leur contenu est susceptible de porter atteinte à l'ordre public en particulier en cas de publicité trompeuse" ; qu'il résultait cependant de ces constatations que la société Google, dont la cour d'appel a fait un gardien de l'ordre public, avait, par la clause litigieuse et au gré des faits dont elle était exclusivement le juge, fût-ce sur un simple soupçon, la faculté de décider unilatéralement et sans préavis la fin du contrat ; qu'en jugeant pourtant, pour exclure la demande d'annulation de cette clause, qu'elle n'avait créé aucun déséquilibre significatif entre les parties, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article L. 442-6 du code de commerce, dans sa rédaction applicable au litige. »<br> <br> Réponse de la Cour <br> <br> 7. Il résulte de l'article 6, paragraphe 2, de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-444 du 13 avril 2016, que pèse sur les hébergeurs l'obligation légale d'agir promptement pour retirer des données dont ils connaissent le caractère illicite ou pour en rendre l'accès impossible et qu'ils engagent leur responsabilité en cas de manquement à cette obligation.<br> <br> 8. Il s'en déduit qu'en prévoyant une clause contractuelle lui permettant de suspendre promptement l'usage de ses services de référencement pour des raisons légales, puis en l'appliquant lorsqu'il est informé du caractère trompeur d'un site auquel il donne accès, un hébergeur ne crée pas un déséquilibre significatif au sens de l'article L. 442-6, I, 2°, devenu l'article L. 442-1, 2° du code de commerce.<br> <br> 9. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée.<br> <br> Sur le deuxième moyen<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 10. La société Up to Motion fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes tendant à voir ordonner à la société Google Ireland la réactivation de son compte « Adwords » pour le référencement de son site « cartegrisefrance.fr », à voir déclarer cette société responsable de la rupture abusive du contrat Adwords et à la voir condamner à lui payer certaines sommes au titre de ses préjudices financier et commercial, alors « que la société Google s'étant fondée sur l'article 13 des conditions générales du contrat conclu avec la société Fathi pour rompre ce dernier, la question de savoir si un abus avait été commis dans l'application de cet article dépendait nécessairement de celle de sa validité ; qu'il s'ensuit que la cassation à intervenir sur le premier moyen, relatif au constat de l'invalidité de cet article 13, entraînera par voie de conséquence, par application de l'article 625 du code de procédure civile, la cassation de l'arrêt en ce qu'il a jugé que la société Google avait fait une application légitime de cet article 13. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> 11. Le rejet du premier moyen rend sans portée ce moyen.<br> <br> Sur le troisième moyen, pris en ses première à cinquième branches<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 12. La société Up to Motion, venant aux droits de la société Fathi, fait le même grief à l'arrêt, alors :<br> <br> « 1°/ qu'en vertu de l'article R. 322-1, I, du code de la route, la "demande de certificat d'immatriculation est adressée au ministre de l'intérieur, soit par l'intermédiaire du préfet d'un département choisi par le propriétaire d'un véhicule, soit par l'intermédiaire d'un professionnel de l'automobile habilité par le ministère de l'intérieur" ; que, cependant, ainsi que l'indiquait son site internet, la société Fathi proposait exclusivement une "intermédiation entre les usagers et les organismes habilités par le Ministère de l'Intérieur", dont elle se distinguait ainsi nécessairement, pour aider les usagers, contre rémunération, à constituer leur dossier ; qu'elle avait précisé avoir conclu un partenariat avec la société Auto Business, laquelle, professionnelle de l'automobile, bénéficiait quant à elle, depuis le 8 novembre 2013, d'une convention d'habilitation accordée par la préfecture des Yvelines l'autorisant à "intervenir en qualité de professionnel du commerce de l'automobile dans le SIV", complétée, le 19 novembre 2014, par la signature, avec la même préfecture, d'une convention d'agrément lui permettant de "percevoir les taxes et la redevance sur les certificats d'immatriculation, sous forme dématérialisée" ; qu'ainsi, la société Fathi, qui ne prétendait aucunement être un organisme habilité, exerçait légalement une simple activité de mandataire qui ne requérait aucune habilitation ; qu'en retenant dès lors contre elle, pour justifier la décision de la société Google de suspendre le service convenu et son refus de le réactiver, que la société Fathi ne disposait d'aucune habilitation et n'avait pas cherché à en avoir, la cour d'appel, qui lui a imposé les conditions d'un régime réglementaire qui ne correspondait aucunement à son activité, a violé l'article susvisé par fausse application ;<br> <br> 2°/ que la demande de certificat d'immatriculation est adressée au ministre de l'intérieur soit par l'intermédiaire du préfet d'un département choisi par le propriétaire du véhicule, soit par l'intermédiaire d'un professionnel de l'automobile habilité par le ministre de l'intérieur ; qu'ayant tiré de cette norme qu'aucun professionnel ne pouvait présenter une demande d'immatriculation au ministère de l'intérieur sans y être personnellement habilité, la cour d'appel a retenu, pour rejeter les demandes de la société Fathi et justifier la rupture unilatérale par la société Google du contrat qui les liait, que "la société Fathi ne dispos[ait] pas de cette habilitation, ni même n'a[vait] cherché à l'obtenir après la suspension de son compte" ; qu'en se déterminant ainsi, sans avoir retenu aucun élément permettant de justifier que la société Fathi aurait prétendu pouvoir elle-même procéder à l'immatriculation des véhicules ou cherché le faire et sans rechercher, comme elle y était explicitement invitée, si ladite société ne recourait pas aux services de la société Auto Business qui, elle, était dûment habilitée à accéder au système d'immatriculation des véhicules, dit SIV, ce qui excluait qu'elle dût être elle-même l'objet d'aucune habilitation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 322-1 du code la route, ensemble de l'article 1134, devenu 1103, du code civil ;<br> <br> 3°/ que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi ; que, pour rejeter les demandes de la société Fathi, la cour d'appel a retenu que la société Google n'avait pas "commis d'abus dans la suspension puis dans son refus de réactiver le compte de la société Fathi sur la base du courriel du service de l'Etat et de son autorité qu'il ne lui appartenait (...) de contester" ; qu'en se déterminant ainsi, après avoir constaté, par motifs adoptés, d'une part, que la société Google ne disposait d'aucun "élément propre, antérieur à la suspension du 3 novembre 2017, justifiant l'existence du manquement avéré ou même suspecté aux règles Adwords du site" et que, d'autre part, au 18 décembre 2017, la DGCCRF elle-même avait indiqué à la société Google qu'aucun des éléments qu'elle lui avait antérieurement signalés n'était établi, ce dont il résultait que la décision prise unilatéralement par la société Google le 3 novembre 2017 de suspendre définitivement le compte de la société Fathi, non seulement n'avait aucun fondement mais ne pouvait trouver aucune justification dans une quelconque injonction de la DGCCRF à l'autorité de laquelle elle n'aurait pu se soustraire, la cour d'appel a violé l'article 1134, devenu 1103, du code civil ;<br> <br> 4°/ pour justifier la légitimité de la rupture unilatérale du contrat par la société Google, la cour d'appel, par motifs adoptés, a retenu que "Google avait pour obligation de suspendre les annonces suspicieuses, et ce sans délai compte tenu de la demande sans équivoque émanant des services de contrôle de la DGCCRF" ; que, de fait, la société Google, dans un courriel adressé à la société Fathi le 10 novembre 2017, lui avait affirmé : "Pour votre parfaite information, nous vous informons qu'en date 3 novembre 2017, nos équipes ont reçu un signalement de la part de la DGCCRF et du SGMAP (Secrétariat général pour la modernisation de l'action publique) demandant la suppression des annonces [de la société Fathi] en raison de leur caractère de 'pratique commerciale trompeuse'" ; que, cependant, dans sa note du 18 décembre 2017, la DGCCRF elle-même a indiqué que le document adressé le 3 novembre 2017 ne constituait qu'un "avis informel", émané du SGMAP ; que la note de la DGCCRF venant étayer ce simple avis indiquait d'ailleurs qu'une enquête était toujours en cours, qui n'avait donc encore rien conclu ; qu'en se déterminant dès lors comme elle l'a fait, quand il résultait de la note examinée du 18 décembre 2017 que la DGCCRF elle-même n'avait formulé aucune demande de fermeture du service, mais qu'elle faisait suite, postérieurement à la rupture, à un simple "avis informel" du SGMAP qui n'avait aucune valeur contraignante, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article violé l'article 1134, devenu 1103, du code civil ;<br> <br> 5°/ qu'il incombe à l'auteur de la rupture d'un contrat d'établir la faute de son cocontractant sensée la justifier, et non à ce dernier d'établir qu'il ne l'a pas commise ; qu'en l'espèce, pour légitimer la décision prise unilatéralement par la société Google de rompre la convention conclue, la cour d'appel a retenu, par motifs adoptés, que si la société Fathi contestait les griefs de la DGCCRF contenues dans sa note du 18 décembre 2017, en faisant valoir en particulier que son activité était légale, elle "ne dispose pas d'élément issu de la DGCCRF venant confirmer (ses) allégations ni modérer (sic) la demande spécifique de suppression des annonces" ; qu'en se déterminant ainsi, quand il incombait à la société Google de prouver qu'au jour où elle a provoqué la rupture du contrat, soit le 3 novembre 2017, les griefs supposés justifier cette rupture étaient établis, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation de l'article 1315 du code civil, dans sa version applicable au litige. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> 13. Après avoir énoncé à bon droit que seules les entreprises qui jouissent de l'habilitation prévues à l'article R. 322-1, I, du code de la route ont le droit de collecter les données de leurs clients nécessaires à l'établissement de certificats d'immatriculation et le droit de prélever les taxes prévues par le code général des impôts au titre de la délivrance des certificats d'immatriculation, l'arrêt relève que la société Fathi ne disposait pas de l'habilitation requise et n'a pas cherché à l'obtenir après la suspension de son compte " Google Ads ".<br> <br> 14. En l'état de ces énonciations et constatations, la cour d'appel a exactement retenu que l'activité de la société Fathi était illicite, de sorte que la société Google Ireland n'avait pas commis d'abus en suspendant puis en refusant de réactiver ledit compte.<br> <br> 15. Inopérant en ses troisième, quatrième et cinquième branche, qui critiquent des motifs surabondants, le moyen n'est donc pas fondé pour le surplus. <br> <br> PAR CES MOTIFS, la Cour :<br> <br> REJETTE le pourvoi ;<br> <br> Condamne la société Up to Motion aux dépens ;<br> <br> En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Up to Motion et la condamne à payer à chacune des sociétés Google Ireland et la société Google France la somme de 1 500 euros ;<br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre septembre deux mille vingt-quatre.
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 4 septembre 2024, 22-12.321, Publié au bulletin
CONCURRENCE - Transparence et pratiques restrictives - Sanctions des pratiques restrictives - Déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties - Applications diverses - Clause stipulant une suspension prompte de l'usage de services de référencement,CONCURRENCE - Transparence et pratiques restrictives - Sanctions des pratiques restrictives - Déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties - Applications diverses - Abus - Absence - Cas - Suspension par l'hébergeur d'un compte suivie d'un refus de réactivation du compte d'une société dont l'activité est illicite - Objet - Clause - Mise en oeuvre
2024-09-04
ECLI:FR:CCASS:2024:CO00434
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000050192449
ARRET
JURITEXT000051367831
CHAMBRE_COMMERCIALE
Article 873-1 du code de procédure civile ; articles 4 et 70 du code de procédure civile.
JURI
Cour de cassation
Lorsque le juge est saisi pour statuer au fond sur renvoi du juge des référés en application de l'article 873-1 du code de procédure civile, les parties peuvent présenter devant lui des demandes incidentes, additionnelles ou reconventionnelles, au sens de l'article 70 du code de procédure civile, qui n'avaient pas été présentées devant le juge des référés
Rejet
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br> COMM.<br> <br> FM<br> <br> <br> <br> COUR DE CASSATION<br> ______________________<br> <br> <br> Audience publique du 19 mars 2025<br> <br> <br> <br> <br> Rejet<br> <br> <br> M. MOLLARD, conseiller doyen faisant fonction de président<br> <br> <br> <br> Arrêt n° 147 F-B<br> <br> Pourvoi n° U 22-24.761 <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E <br> <br> _________________________<br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 19 MARS 2025<br> <br> La société Nordex France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° U 22-24.761 contre l'arrêt rendu le 9 septembre 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 11), dans le litige l'opposant :<br> <br> 1°/ à la société Parc éolien Nordex XVI, société par actions simplifiée unipersonnelle, venant aux droits de la société Parc éolien Nordex XII et de la société Parc éolien Nordex XVII,<br> <br> 2°/ à la société Eoliennes vent de Seine, société par actions simplifiée, venant aux droits des sociétés Éoliennes de roses, Éoliennes soleil de Seine, Eoliennes de Georges et Éoliennes aubes et vent,<br> <br> toutes deux ayant leur siège [Adresse 2], <br> <br> défenderesses à la cassation.<br> <br> Les sociétés Parc éolien Nordex XVI et Eoliennes vent de Seine ont formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt. <br> <br> La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, cinq moyens de cassation.<br> <br> Les demanderesses au pourvoi incident éventuel invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen de cassation. <br> <br> Le dossier a été communiqué au procureur général.<br> <br> Sur le rapport de Mme Bellino, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Briard, Bonichot et Associés, avocat de la société Nordex France, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat des sociétés Parc éolien Nordex XVI et Eoliennes vent de Seine, après débats en l'audience publique du 28 janvier 2025 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bellino, conseiller référendaire rapporteur, Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,<br> <br> la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; <br> <br> Faits et procédure <br> <br> 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 septembre 2022), par contrats du 21 décembre 2013, la société Nordex France (la société Nordex), filiale du groupe Nordex, concepteur et exploitant de centrales éoliennes, a vendu trente éoliennes aux sociétés Soleil de Seine, Aubes et vent, Georges et Rose, aux droits desquelles vient la société Eoliennes vent de Seine, et aux sociétés Parc éolien Nordex XII, Parc éolien Nordex XV et Parc éolien Nordex XVII, aux droits desquelles vient la société Parc éolien Nordex XVI (les sociétés de parc éolien).<br> <br> 2. La société Nordex a livré les éoliennes sur le site prévu pour leur implantation entre le 24 septembre 2014 et le 21 janvier 2015, les a érigées et mises en service au cours de l'année 2015, puis a remis, pour chacune d'elles, le « substancial completion certificate » entre le 4 février 2015 et le 27 août 2015.<br> <br> 3. Par courriel du 1er octobre 2018, la société Nordex a informé les sociétés de parc éolien de la chute, survenue au Royaume-Uni, d'une pale d'éolienne appartenant à la même série que plusieurs des pales qu'elle leur avait livrées, puis leur a indiqué, dans une lettre du 5 octobre suivant, que ce dommage avait pour origine « un délaminage inattendu en pied de pale entre la coque et les inserts de boulons » résultant d'une « déviation du processus de fabrication entraînant une adhérence réduite des entretoises utilisées comme espaceurs entre les inserts du boulon ».<br> <br> 4. A la suite d'un second sinistre survenu le 27 juin 2020 sur un autre parc éolien, la société Nordex a, dans l'attente de l'analyse de ses causes, recommandé aux sociétés de parc éolien la mise à l'arrêt à titre conservatoire de quatre éoliennes et procédé au paramétrage spécifique de quinze autres éoliennes destiné à limiter les efforts sur les pales en fonction des conditions de vent sur le site.<br> <br> 5. Entre temps, le 3 février 2020, les sociétés de parc éolien avaient assigné en référé la société Nordex devant le président d'un tribunal de commerce aux fins, d'une part, de désigner un expert avec la mission de déterminer les vices affectant les pales des éoliennes et le préjudice d'exploitation en étant résulté, d'autre part, d'obtenir une provision à valoir sur les pertes liées à la mise à l'arrêt et au bridage des éoliennes.<br> <br> 6. Le président du tribunal a renvoyé l'affaire devant la juridiction du fond dans les conditions de l'article 873-1 du code de procédure civile.<br> <br> Examen des moyens <br> <br> Sur le quatrième moyen du pourvoi principal<br> <br> 7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.<br> <br> Sur le premier moyen du pourvoi principal <br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 8. La société Nordex fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement ayant déclaré non prescrite l'action en garantie des vices cachés des sociétés de parc éolien à son encontre, alors :<br> <br> « 1°/ qu'il est interdit au juge de dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en jugeant que la société Nordex avait reconnu, aux termes de sa lettre du 5 octobre 2018, que les pales équipant les éoliennes qu'elle avait livrées aux sociétés de parc éolien étaient affectées d'un "vice les rend[ant] impropre à leur destination" et qu'elle se trouvait dans l'"obligation de remédier au[dit] vice", quand il ressort des stipulations claires et précises de ce courrier que la société Nordex avait seulement reconnu l'existence d'un "problème affectant potentiellement le pied de pale d'une population limitée de pales de rotor de type LM58.8 P3", sans jamais le qualifier de "vice caché", et annonçait la mise en oeuvre de mesures d'instruction destinées à permettre de déterminer si "certaines lames du lot [détenu par les sociétés de parc éolien] [pourraient en être] affectées", ce dont il résulte que le défaut suspecté présentait à cette date un caractère purement hypothétique, la cour d'appel a violé le principe de l'interdiction faite au juge de dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; <br> <br> 2°/ qu'il est interdit au juge de dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en jugeant que la société Nordex avait reconnu, aux termes de sa lettre du 5 octobre 2018, son obligation personnelle et inconditionnelle de "remédier au vice", quand il ressort des stipulations claires et précises de ce courrier que la société Nordex s'était engagée de façon strictement conditionnelle, "en fonction des résultats", à mettre en oeuvre les "réparations requises", le cas échéant par le résultat des campagnes de contrôle menées conjointement par elle-même et le fabricant de pales de rotor, ce qui ne pouvait en aucun cas être assimilé à un engagement ferme de prendre en charge à titre personnel l'intégralité des conséquences du problème suspecté, la cour d'appel a violé le principe de l'interdiction faite au juge de dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;<br> <br> 3°/ que dans ses écritures d'appel, la société Nordex faisait valoir qu'à supposer même qu'elle ait reconnu, dans sa lettre du 5 octobre 2018, se trouver dans l'obligation ferme de réparer ou de remplacer les composants des éoliennes potentiellement défaillantes, cette reconnaissance aurait pu être effectuée sur le fondement, non pas de la garantie des vices cachés, mais des stipulations du contrat de maintenance qui trouvait à s'appliquer entre les parties et mettait notamment à sa charge une obligation de réparer ou remplacer certains composants des éoliennes dont la défectuosité serait avérée, selon des modalités convenues à l'avance entre les parties ; qu'elle en déduisait que le fait qu'elle se soit reconnue débitrice d'une telle obligation contractuelle de réparation, à le supposer avéré, ne pouvait caractériser une reconnaissance du droit des sociétés de parc éolien à la garantie des vices cachés mais, tout au plus, une reconnaissance de leur droit de bénéficier de réparations en vertu du contrat de maintenance liant les parties, de sorte qu'aucun effet interruptif de prescription de l'action exercée par les sociétés de parc éolien sur le fondement de la garantie des vices cachés ne saurait être attaché à la lettre du 5 octobre 2018 ; qu'en se bornant à énoncer, pour juger le contraire, qu'il résultait des termes de la lettre du 5 octobre 2018 que la société Nordex avait reconnu de façon non équivoque "son obligation de remédier au vice" affectant potentiellement les éoliennes, ce qui caractérisait, selon elle, une reconnaissance "du droit des [s]ociétés de [parc éolien] d'être garanties des conséquences du vice caché affectant la destination des pales au sens de l'article 1641 du code civil", sans rechercher, comme cela lui était demandé, si le courrier du 5 octobre 2018 ne s'inscrivait pas dans le cadre de l'exécution du contrat de maintenance, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1641 et 2240 du code civil ; <br> <br> 4°/ que l'effet interruptif de prescription attaché à la reconnaissance visée par l'article 2240 du code civil est limité aux droits qui en sont strictement l'objet ; qu'après avoir relevé que la société Nordex avait reconnu l'existence d'un vice seulement "susceptible" d'affecter les éoliennes livrées aux sociétés parc éolien, la cour d'appel a énoncé que cette reconnaissance avait valablement interrompu la prescription de l'action en garantie des vices cachés initiée par les sociétés de parc éolien ; qu'en statuant de la sorte, quand il résultait de ses propres constatations que les conditions de la garantie de la société Nordex sur le fondement des vices cachés n'étaient pas réunies au jour où cette reconnaissance était formulée, l'existence, la cause et la gravité du vice suspecté demeurant à être confirmées, de sorte que celle-ci ne pouvait porter sur le droit des sociétés de parc éolien de mettre en oeuvre une telle garantie et qu'aucun effet interruptif de prescription ne pouvait par conséquent y être attaché, la cour d'appel a violé les articles 1641 et 2240 code civil ; <br> <br> 5°/ que l'action en garantie des vices cachés est enserrée à la fois dans le délai de prescription de cinq ans prévu par l'article L. 110-4 du code de commerce, lequel commence à courir au jour de la vente initiale, et dans le délai de deux ans prévu par l'article 1648 du code civil, lequel commence à courir au jour de la découverte du vice ; qu'il en résulte que lorsque, par l'effet des dispositions de l'article 2240 du code civil, le point de départ du délai de la prescription quinquennale est reporté à une date ultérieure à celle de la vente initiale, ce délai ne saurait venir à expiration postérieurement au terme du délai biennal prévu par l'article 1648 du code civil, sauf à priver celui-ci de tout effet ; qu'en jugeant que l'action en garantie des vices cachés n'était pas prescrite dès lors qu'elle avait été initiée moins de cinq ans à compter du point de départ de la garantie des vices cachés, la cour d'appel, qui a implicitement considéré que le délai biennal prescrit par l'article 1648 ne s'appliquait pas, a violé cette disposition, ensemble les articles L. 110-4 du code de commerce et 2240 du code civil. »<br> <br> Réponse de la Cour <br> <br> 9. Il résulte des articles 1648 et 2232, alinéa 1er, du code civil que l'action en garantie des vices cachés doit être formée dans le délai de deux ans à compter de la découverte du vice ou, en matière d'action récursoire, à compter de l'assignation, sans pouvoir dépasser le délai-butoir de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit, lequel est, en matière de garantie des vices cachés, le jour de la vente conclue par la partie recherchée en garantie.<br> <br> 10. L'arrêt relève que la vente a été conclue par contrats du 21 décembre 2013, que, dans une lettre du 5 octobre 2018, le vendeur a informé les acquéreurs que les pales équipant les éoliennes livrées étaient susceptibles d'être affectées d'un vice né lors du processus de fabrication et pouvant potentiellement conduire au détachement de la pale et, enfin, que l'action en garantie des vices cachés a été introduite le 3 février 2020.<br> <br> 11. Il en résulte que l'action, introduite dans les deux ans de la découverte du vice, et moins de vingt ans après la date du contrat de vente, n'est pas prescrite. <br> <br> 12. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués par le moyen, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision attaquée se trouve légalement justifiée de ce chef. <br> <br> 13. Le moyen ne peut donc être accueilli.<br> <br> Sur le deuxième moyen du pourvoi principal<br> <br> 14. Il est statué sur ce moyen après avis de la deuxième chambre civile, sollicité en application de l'article 1015-1 du code de procédure civile.<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 15. La société Nordex fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement ayant ordonné la communication de documents, de dire que la société Nordex dispose de deux mois à compter de l'arrêt pour exécuter la communication des documents et, passé ce délai, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, et de réserver à la chambre 5 du pôle 11 de la cour d'appel le pouvoir de liquider l'astreinte, alors :<br> <br> « 1°/ que la cassation du chef de dispositif d'une décision de justice entraîne par voie de conséquence l'annulation de toute autre disposition qui entretient avec lui un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que la demande de communication sous astreinte de documents formulée par les sociétés de parc éolien n'a été examinée que parce que la fin de non-recevoir tirée de la prescription de leur action en garantie des vices cachés a été préalablement rejetée ; qu'il en résulte que la cassation du chef de dispositif de l'arrêt rejetant la fin de non-recevoir tirée de la prescription <br> qui sera prononcée sur le premier moyen du pourvoi entraînera, par voie de conséquence, la cassation de l'arrêt en ce qu'il confirme le jugement ayant ordonné la communication de documents, dit que la société Nordex dispose de deux mois à compter de l'arrêt pour exécuter la communication des documents et, passé ce délai, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, et réserve à la chambre 5 du pôle 11 de la cour d'appel le pouvoir de liquider l'astreinte, en application de l'article 624 du code de procédure civile ;<br> <br> 2°/ que, lorsque le président du tribunal de commerce saisi en référé décide de faire usage de la faculté de renvoi qui lui est ouverte par l'article 873-1 du code de procédure civile, son ordonnance détermine l'objet du litige dont le tribunal se trouve saisi au fond ; que ce dernier ne peut, par conséquent, connaître des demandes non visées dans l'ordonnance qui n'auraient pas été préalablement soumises au juge des référés, puisqu'il n'en est par hypothèse pas saisi ; que, lorsque le tribunal a statué en méconnaissance des principes précités sur une demande qui excédait le périmètre de l'ordonnance du juge des référés, la cour d'appel ne saurait statuer à nouveau, par l'effet dévolutif de l'appel, sur aucun des chefs de dispositif du jugement qui se rapportent à cette demande ; qu'après avoir constaté que la demande des sociétés de parc éolien tendant à la condamnation de la société Nordex à réparer ou à remplacer les pales litigieuses ne figurait pas parmi les demandes dont la juridiction du fond avait été saisie en application de l'ordonnance du président du tribunal, ce dont elle a déduit que cette demande était irrecevable, la cour d'appel a néanmoins confirmé le jugement en ce qu'il avait condamné sous astreinte la société Nordex à produire des documents décrivant la solution réparatoire envisagée, ainsi que le calendrier de sa mise en oeuvre ; qu'en statuant de la sorte, quand il ressortait sans équivoque des termes du jugement que cette condamnation à communiquer des documents sous astreinte avait été prononcée par le tribunal dans le cadre de l'examen de la demande de réparation ou de remplacement des pales litigieuses qui était formulée par les sociétés de parc éolien en dehors du périmètre de l'ordonnance présidentielle, la cour d'appel a violé l'article 873-1 du code de procédure civile, ensemble l'article 4 du même code, et a excédé ses pouvoirs. »<br> <br> Réponse de la Cour <br> <br> 16. En premier lieu, le premier moyen du pourvoi principal étant rejeté, le deuxième moyen, pris en sa première branche, qui invoque une cassation par voie de conséquence, est devenu sans portée.<br> <br> 17. En second lieu, aux termes de l'article 873-1 du code de procédure civile, à la demande de l'une des parties, et si l'urgence le justifie, le président saisi en référé peut renvoyer l'affaire à une audience dont il fixe la date pour qu'il soit statué au fond. Il veille à ce que le défendeur dispose d'un temps suffisant pour préparer sa défense. L'ordonnance emporte saisine du tribunal.<br> <br> 18. Selon les articles 4 et 70 du code de procédure civile, l'objet du litige, déterminé par les prétentions respectives des parties, peut être modifié par des demandes incidentes, additionnelles ou reconventionnelles, lorsque celles-ci se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.<br> <br> 19. En cas de saisine de la juridiction de fond en application de l'article 873-1 précité, aucun texte spécial ne vient déroger à ces dispositions générales.<br> <br> 20. Lorsque le juge est saisi pour statuer au fond sur renvoi du juge des référés en application de l'article 873-1 du code de procédure civile, les parties peuvent présenter devant lui des demandes incidentes, additionnelles ou reconventionnelles, au sens de l'article 70 du code de procédure civile, qui n'avaient pas été présentées devant le juge des référés.<br> <br> 21. La cour d'appel est saisie, le cas échéant, de ces demandes, en application des règles générales relatives à l'effet dévolutif de l'appel.<br> <br> 22. Le moyen, pris en sa seconde branche, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé.<br> <br> Sur le troisième moyen du pourvoi principal<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 23. La société Nordex fait grief à l'arrêt de la condamner à verser les provisions de 100 000 euros et 50 000 euros et d'ordonner la compensation entre le montant des restitutions au paiement desquelles les sociétés de parc éolien ont été condamnées, correspondant aux sommes auxquelles la société Nordex a été condamnée au titre des pertes d'exploitation avec intérêts au taux légal à compter de leur versement, et lesdites provisions, alors « que la cassation du chef de dispositif d'une décision de justice entraîne par voie de conséquence l'annulation de toute autre disposition qui entretient avec lui un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que la demande de condamnation de la société Nordex à verser des provisions aux sociétés de parc éolien n'a été examinée que parce que la fin de non-recevoir tirée de la prescription de leur action en garantie des vices cachés a été préalablement rejetée ; qu'il en résulte que la cassation du chef de dispositif de l'arrêt rejetant la fin de non-recevoir tirée de la prescription qui sera prononcée sur le premier moyen du pourvoi entraînera, par voie de conséquence, la cassation de l'arrêt en ce qu'il a condamné la société Nordex à verser une provision de 100 000 euros à la société Parc éolien Nordex [XVI] et une provision de 50 000 euros à la société Eoliennes vent de Seine, en application de l'article 624 du code de procédure civile. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> 24. Le premier moyen du pourvoi principal étant rejeté, le troisième, qui invoque une cassation par voie de conséquence, est devenu sans portée.<br> <br> Sur le cinquième moyen du pourvoi principal<br> <br> Enoncé du moyen <br> <br> 25. La société Nordex fait grief à l'arrêt d'ordonner une mesure d'instruction et de désigner un expert avec pour mission de « proposer une analyse des préjudices d'exploitation en lien avec les vices cachés affectant le fonctionnement des éoliennes à compter du jour de leur manifestation jusqu'à la cessation des dysfonctionnements constatés ou prévisibles », alors « que la cassation du chef de dispositif d'une décision de justice entraîne par voie de conséquence l'annulation de toute autre disposition qui entretient avec lui un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que la demande de nomination d'un expert formulée par les sociétés de parc éolien n'a été examinée que parce que la fin de non-recevoir tirée de la prescription de leur action en garantie des vices cachés a été préalablement rejetée ; qu'il en résulte que la cassation du chef de dispositif de l'arrêt rejetant la fin de non-recevoir tirée de la prescription qui sera prononcée sur le premier moyen du pourvoi entraînera, par voie de conséquence, la cassation de l'arrêt en ce qu'il a ordonné une mesure d'instruction et désigné un expert avec pour mission de "proposer une analyse des préjudices d'exploitation en lien avec les vices cachés affectant le fonctionnement des éoliennes à compter du jour de leur manifestation jusqu'à la cessation des dysfonctionnements constatés ou prévisibles", en application de l'article 624 du code de procédure civile. » <br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> 26. Le premier moyen du pourvoi principal étant rejeté, le cinquième, qui invoque une cassation par voie de conséquence, est devenu sans portée.<br> <br> PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident, qui n'est qu'éventuel, la Cour :<br> <br> REJETTE le pourvoi ;<br> <br> Condamne la société Nordex France aux dépens ;<br> <br> En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Nordex France et la condamne à payer aux sociétés Parc éolien Nordex XVI et Eoliennes vent de Seine la somme globale de 3 000 euros ;<br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mars deux mille vingt-cinq, et M. Doyen, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt, conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile.
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 19 mars 2025, 22-24.761, Publié au bulletin
PROCEDURE CIVILE - Fin de non-recevoir - Absence - Demandes - Demandes incidentes, additionnelles ou reconventionnelles - Renvoi au fond par le juge des référés - Cas,PROCEDURE CIVILE - Demande - Demande incidente - Recevabilité - Renvoi au fond par le juge des référés - Cas PROCEDURE CIVILE - Demande - Demande additionnelle - Recevabilité - Renvoi au fond par le juge des référés - Cas PROCEDURE CIVILE - Demande - Demande reconventionnelle - Recevabilité - Renvoi au fond par le juge des référés - Cas
2025-03-19
ECLI:FR:CCASS:2025:CO00147
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000051367831
ARRET
JURITEXT000051367829
CHAMBRE_COMMERCIALE
null
JURI
Cour de cassation
Le franchisé peut, sans violer la clause de non-concurrence stipulée au contrat de franchise ni les obligations de loyauté et de bonne foi contractuelles, accomplir des actes préparatoires à une activité concurrente de celle du franchiseur, à condition que cette activité ne débute effectivement qu'après l'expiration du contrat de franchise et de son engagement de non-concurrence
Cassation partielle
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br> COMM.<br> <br> FM<br> <br> <br> <br> COUR DE CASSATION<br> ______________________<br> <br> <br> Audience publique du 19 mars 2025<br> <br> <br> <br> <br> Cassation partielle<br> <br> <br> M. MOLLARD, conseiller doyen faisant fonction de président<br> <br> <br> <br> Arrêt n° 145 F-B<br> <br> Pourvoi n° U 23-22.925 <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E <br> <br> _________________________<br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 19 MARS 2025<br> <br> La société Adhap performances, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 23-22.925 contre l'arrêt rendu le 13 septembre 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 4), dans le litige l'opposant :<br> <br> 1°/ à M. [C] [V], domicilié [Adresse 4],<br> <br> 2°/ à la société Everest Silver, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 7], venant aux droits de la société Sjm,<br> <br> 3°/ à la société Aj up, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], prise en qualité d'administrateur judiciaire de la société Everest Silver,<br> <br> 4°/ à la société Philippe Delaere et associés, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], prise en qualité de liquidateur de la société Everest Silver,<br> <br> défendeurs à la cassation.<br> <br> La société Philippe Delaere et associés a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. <br> <br> La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.<br> <br> La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation. <br> <br> Le dossier a été communiqué au procureur général.<br> <br> Sur le rapport de Mme Bellino, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Adhap performances, de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de la société Philippe Delaere et associés, ès qualités, après débats en l'audience publique du 28 janvier 2025 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bellino, conseiller référendaire rapporteur, Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,<br> <br> la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; <br> <br> Faits et procédure <br> <br> 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 septembre 2023) et les productions, le 2 décembre 2015, M. [V], en son nom personnel et en sa qualité de représentant de la société Sjm, a conclu avec la société Adhap performances (la société Adhap), qui exploite un concept d'assistance à domicile pour les personnes âgées et/ou handicapées, et qui appartient au groupe Orpea, un contrat de franchise d'une durée de sept années en vue d'exploiter un centre à Troyes.<br> <br> 2. M. [V] avait précédemment conclu trois contrats de franchise avec la société Domidom franchise (la société Domidom), spécialisée dans l'accompagnement à domicile des seniors, laquelle est également contrôlée depuis 2014 par le groupe Orpea :<br> <br> - le 13 février 2010, agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant de la société Aideo, un contrat de franchise d'une durée de sept ans en vue d'exploiter une agence à [Localité 6], lequel s'est renouvelé tacitement le 12 février 2017 pour une durée de cinq ans,<br> <br> - le 24 juillet 2013, agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant de la société Aideo, aux droits de laquelle est venue la société Aidis, un contrat de franchise d'une durée de cinq ans en vue d'exploiter une agence à [Localité 5],<br> <br> - le 1er septembre 2014, agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant de la société SBM, un contrat de franchise d'une durée de cinq ans en vue d'exploiter une agence à [Localité 8]. <br> <br> 3. Le 20 août 2018, la société SBM a notifié la résiliation du contrat de franchise de l'agence de [Localité 8] à son échéance, le 31 août 2019.<br> <br> 4. Le 1er août 2019, la société Aidis a notifié la résiliation du contrat de franchise de l'agence d'[Localité 5] à sa nouvelle échéance, le 31 décembre 2019.<br> <br> 5. Le 18 février 2020, la société Domidom a notifié à la société Aideo la résiliation immédiate du contrat de franchise de l'agence de [Localité 6], au torts exclusifs du franchisé, pour violation des obligations de non-concurrence, de loyauté et de confidentialité et non paiement de factures de redevances.<br> <br> 6. Le 14 février 2020, la société Adhap a notifié à la société Sjm la résiliation immédiate du contrat de franchise relatif au centre de [Localité 9] pour fautes graves du franchisé, tenant en la violation des obligations de non-concurrence, de loyauté, de bonne foi, de confidentialité et financières. <br> <br> 7. La société Adhap a ensuite assigné la société Sjm afin de voir constater la résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs du franchisé et d'obtenir la réparation des préjudices subis au titre de la résiliation anticipée du contrat, de l'utilisation sans droit ni titre des signes distinctifs Adhap, et de la violation des obligations contractuelles du franchisé.<br> <br> 8. La société Everest Silver est venue aux droits de la société Sjm à la suite d'une fusion-absorption. <br> <br> 9. Le 15 juin 2022, la société Everest Silver a été mise en redressement judiciaire, puis le 22 février 2023 en liquidation judiciaire, la Selarl Philippe Delaere et associés (la société Delaere) étant désignée liquidateur. <br> <br> Examen des moyens<br> <br> Sur le moyen du pourvoi principal, pris en ses cinquième, sixième et septième branches<br> <br> 10. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.<br> <br> Sur le moyen du pourvoi principal, pris en ses première, deuxième, troisième et quatrième branches<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 11. La société Adhap fait grief à l'arrêt de dire qu'elle a résilié à tort, par lettre du 14 février 2020, le contrat de franchise conclu avec la société Sjm et M. [V], et en conséquence de rejeter ses demandes de dommages et intérêts, de rejeter sa demande en réparation d'un préjudice pour l'usage sans droit ni titre des signes distinctifs sur internet par le franchisé et de la condamner à payer à la société Delaere, en sa qualité de liquidateur de la société Everest Silver, la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié à la désactivation brusque des outils informatiques, alors : <br> <br> « 1°/ que l'existence d'un projet avéré et concrétisé par des actes préparatoires, de la part d'une personne liée par une clause de non-concurrence, de créer une activité concurrente de celle de son cocontractant, que cette nouvelle activité ait effectivement débuté ou non, constitue un manquement et autorise ce cocontractant à procéder à la résiliation du contrat afin de préserver ses intérêts ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'article 21 du contrat de franchise, conclu entre la société Adhap, d'une part, et M. [V] et la société Sjm, d'autre part, comportait une clause "fidélité ¿ non affiliation" par laquelle le franchisé s'engageait à ne pas exercer, directement ou indirectement, en dehors du réseau Adhap et pendant toute la durée du contrat, une activité concurrente centrée autour des prestations à domicile en faveur des personnes fragilisées, handicapées et/ou dépendantes ; que la cour d'appel a encore constaté que M. [V] avait, au printemps 2019, créé plusieurs sociétés, dont Everest Silver, et déposé diverses marques, dont "Monalisa", qu'il en avait informé ses clients via un courriel du 17 décembre 2019 et une publication Facebook, et qu'il avait, fin décembre 2019, à tout le moins le projet de créer une activité de soutien aux personnes âgées par la société Everest Silver, sous l'enseigne "Monalisa", projet d'activité qui était effectivement en concurrence directe avec l'activité du réseau Adhap ; qu'en jugeant néanmoins, pour dire que la société Adhap avait résilié à tort le contrat, qu'il n'était pas démontré que l'activité de la société Everest Silver était effective au moment de la notification de la résiliation du contrat de franchise le 14 février 2020, pour en déduire l'absence de violation par le franchisé de son obligation de non-concurrence, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu l'article 1103 du code civil ;<br> <br> 2°/ que les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes ; qu'elles ne nuisent point au tiers ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté, dans son exposé des faits, que M. [V], tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant de la société Sjm en cours de constitution, avait signé en 2015 avec la société Adhap un contrat de franchise en vue d'exploiter un centre à Troyes, et qu'il avait par ailleurs signé trois autres contrats de franchise, en 2010, 2013 et 2014, avec la société Domidom pour exploiter des agences à Cholet, Angers et Rennes ; que le 14 février 2020, la société Adhap a notifié à la société Sjm et M. [V] la résiliation immédiate du contrat de franchise les liant, au motif notamment d'une violation des obligations de non-concurrence, de loyauté et de bonne foi ; que, statuant sur cette résiliation, la cour d'appel a préalablement retenu que la clause de non-concurrence stipulée à l'article 21 du contrat de franchise se trouvait en elle-même, et telle que libellée dans le contrat de franchise Adhap, proportionnée à la protection des intérêts légitimes du franchiseur pendant l'exécution du contrat ; qu'elle a aussi indiqué que la clause de non-concurrence du contrat de franchise Adhap était en elle-même licite ; que la cour d'appel a néanmoins jugé la résiliation infondée, en opposant à la société Adhap l'existence des clauses de non-concurrence figurant dans les autres contrats, conclus par M. [V] avec la société Domidom, pour en déduire que le jeu des clauses de non-concurrence des contrats de franchise n'ayant pas d'échéance commune produisait l'effet d'une clause de non-concurrence post-contractuelle pendant près de cinq années au profit du groupe Orpea détenant les réseaux Domidom et Adhap, ce qui, dans ce contexte, porterait une atteinte excessive et disproportionnée à la liberté d'entreprendre de M. [V] ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu l'effet relatif des contrats et violé les articles 1134 et 1165 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenus les articles 1103 et 1199 du code civil ;<br> <br> 3°/ que, de surcroît, chaque société, même appartenant à un même groupe, jouit de la personnalité morale ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté, dans son exposé des faits, que M. [V], tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant de la société Sjm en cours de constitution, avait signé en 2015 avec la société Adhap un contrat de franchise en vue d'exploiter un centre à Troyes, et qu'il avait par ailleurs signé trois autres contrats de franchise, en 2010, 2013 et 2014, avec la société Domidom pour exploiter des agences à Cholet, Angers et Rennes ; qu'en affirmant que le jeu des clauses de non-concurrence des contrats de franchise n'ayant pas d'échéance commune produisait l'effet d'une clause de non-concurrence post-contractuelle pendant près de cinq années au profit du groupe Orpea détenant les réseaux Domidom et Adhap, la cour d'appel a méconnu le principe d'autonomie des personnes morales, en l'occurrence la société Adhap, d'une part, et la société Domidom, d'autre part, et a violé l'article 1842 du code civil ;<br> <br> 4°/ que l'obligation de loyauté d'un contrat de franchise implique que le franchisé ne porte pas atteinte au réseau de franchise par la création d'une activité concurrente ; qu'en l'espèce, la société Adhap faisait valoir, dans ses conclusions d'appel, que le fait pour le franchisé de créer des sociétés et des marques en vue d'exploiter des activités concurrentes était contraire à la bonne foi et à la loyauté contractuelle, en violation tant de l'article 18 du contrat de franchise que du droit commun des contrats ; que la cour d'appel a constaté que M. [V] avait, au printemps 2019, créé plusieurs sociétés, dont Everest Silver, et déposé diverses marques, dont "Monalisa", qu'il en avait informé ses clients via un courriel du 17 décembre 2019 et une publication Facebook, et qu'il avait, fin décembre 2019, à tout le moins le projet de créer une activité de soutien aux personnes âgées par la société Everest Silver, sous l'enseigne "Monalisa", projet d'activité qui était effectivement en concurrence directe avec l'activité du réseau Adhap ; qu'en se bornant à apprécier ces faits sous l'angle de l'obligation de non-concurrence, pour laquelle elle a estimé qu'il n'y avait pas eu de violation, sans rechercher par ailleurs s'ils ne constituaient pas des manquements à la loyauté et à la bonne foi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu 1103 du code civil. »<br> <br> Réponse de la Cour <br> <br> 12. D'une part, le franchisé peut, sans violer la clause de non-concurrence stipulée au contrat de franchise ni les obligations de loyauté et de bonne foi contractuelles, accomplir des actes préparatoires à une activité concurrente de celle du franchiseur, à condition que cette activité ne débute effectivement qu'après l'expiration du contrat de franchise et de son engagement de non-concurrence.<br> <br> 13. Le moyen, qui, en ses première et quatrième branches, postule le contraire, n'est pas fondé.<br> <br> 14. D'autre part, le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, qui critique des motifs surabondants, est inopérant.<br> <br> Mais sur le moyen du pourvoi incident<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 15. La société Delaere, ès qualités, fait grief à l'arrêt de condamner in solidum la société Everest Silver et M. [V] à payer à la société Adhap une indemnité de 10 500 euros en réparation du préjudice causé par l'exploitation sans droit ni titre des signes distinctifs Adhap sur le local de l'ancien franchisé et de condamner la société Everest Silver à payer à la société Adhap la somme de 2 169,08 euros au titre de sa facture de redevance impayée, alors « qu'aux termes de l'article L. 622-7 du code de commerce, le jugement d'ouverture de la procédure collective interdit tout paiement des créances nées antérieurement, à l'exception du paiement par compensation de créances connexes ; qu'aux termes de l'article L. 641-9 du code de commerce, le jugement qui prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens et interdiction de tout règlement ; que, dans le dispositif de ses conclusions d'appel, la société Delaere, ès qualités, qui était intervenue volontairement à l'instance, avait rappelé à titre infiniment subsidiaire que les demandes formées par la société Adhap ne pouvaient tendre qu'à une demande en fixation au passif de la société Everest Silver ; que la cour d'appel a déclaré recevable l'intervention volontaire de la société Delaere, ès qualités ; qu'en confirmant néanmoins le jugement du tribunal de commerce de Paris du 9 juin 2021 ayant condamné la société Everest Silver à payer diverses sommes à la société Adhap en réparation du préjudice causé par l'exploitation sans droit ni titre des signes distinctifs Adhap sur le local de l'ancien franchisé et au titre de sa facture de redevance impayée, soit rendu avant le jugement du 22 février 2023 convertissant la procédure de redressement judiciaire (15 juin 2022) en liquidation judiciaire, la cour d'appel, qui ne pouvait condamner la société Everest Silver, objet d'une procédure de liquidation judiciaire, à payer une quelconque somme d'argent au titre de créances nées avant le jugement ayant ouvert ladite procédure de liquidation judiciaire, a violé les articles L. 622-7 et L. 641-9 du code de commerce. »<br> <br> Réponse de la Cour <br> <br> Vu les articles L. 622-7, L. 622-21 et L. 622-22 du code de commerce :<br> <br> 16. Selon le premier de ces textes, le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception du paiement par compensation de créances connexes. Selon le deuxième, le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 du code de commerce et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent. Selon le troisième, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance ; elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.<br> <br> 17. Après avoir relevé que, le 15 juin 2022, la société Everest Silver avait été mise en redressement judiciaire, puis, le 22 février 2023, en liquidation judiciaire, et déclaré recevables les interventions volontaires des sociétés AJ up et Delaere, en leurs qualités d'administrateur judiciaire et liquidateur de la société Everest Silver, l'arrêt confirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné in solidum la société Everest Silver et M. [V] à payer à la société Adhap une indemnité de 10 500 euros en réparation du préjudice causé par l'exploitation sans droit ni titre des signes distinctifs Adhap sur le local de l'ancien franchisé et en ce qu'il a condamné la société Everest Silver à payer à la société Adhap la somme de 2 169,08 euros au titre d'une facture de redevance impayée.<br> <br> 18. En statuant ainsi, alors qu'elle ne pouvait que fixer le montant de la créance de la société Adhap au passif de la liquidation judiciaire de la société Everest Silver pour la somme qu'elle retenait, sans pouvoir prononcer une condamnation en paiement contre la société débitrice, la cour d'appel a violé les textes susvisés. <br> <br> PAR CES MOTIFS, la Cour :<br> <br> CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement en ce qu'il a condamné la société Everest Silver, venant aux droits de la société Sjm, à payer à la société Adhap performances une indemnité de 10 500 euros en réparation du préjudice causé par l'exploitation sans droit ni titre des signes distinctifs Adhap sur le local de l'ancien franchisé et en ce qu'il a condamné la société Everest Silver, venant aux droits de la société Sjm, à payer à la société Adhap performances la somme de 2 169,08 euros TTC au titre de sa facture de redevance impayée, l'arrêt rendu le 13 septembre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;<br> <br> Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; <br> <br> Condamne la société Adhap performances aux dépens ; <br> <br> En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Adhap performances et la condamne à payer à la Selarl Philippe Delaere et associés, prise en sa qualité de liquidateur de la société Everest Silver, la somme de 3 000 euros ; <br> <br> Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;<br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mars deux mille vingt-cinq, et M. Doyen, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt, conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile.
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 19 mars 2025, 23-22.925, Publié au bulletin
CONCURRENCE DELOYALE OU ILLICITE - Clause de non-concurrence - Clause stipulée au contrat de franchise - Violation - Absence - Exercice de l'activité postérieur à l'expiration du contrat de franchise - Condition - Accomplissement par le franchisé d'actes préparatoires à une activité concurrente - Cas
2025-03-19
ECLI:FR:CCASS:2025:CO00145
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000051367829
ARRET
JURITEXT000051367867
CHAMBRE_COMMERCIALE
Article L. 614-12, alinéa 1er, du code de la propriété intellectuelle ; articles 52, paragraphe 1, 56 et 138, paragraphe 1, de la Convention sur la délivrance de brevets européens.
JURI
Cour de cassation
La personne du métier est celle du domaine technique où se pose le problème que l'invention, objet de ce brevet, se propose de résoudre. Elle possède les connaissances normales de la technique en cause et est capable, à l'aide de ses seules connaissances professionnelles, de concevoir la solution du problème que propose de résoudre l'invention. Viole les articles L. 614-12, alinéa 1er, du code de la propriété intellectuelle et les articles 52, paragraphe 1, 56 et 138, paragraphe 1, de la Convention sur la délivrance de brevets européens, l'arrêt qui, après avoir constaté que le but de l'invention était de proposer un dispositif d'alimentation électrique pour les cabines d'avion, retient que la personne du métier est un ingénieur électronicien spécialisé dans la conception d'équipements électriques consultant éventuellement un ingénieur de sécurité dans le domaine de l'aviation
Cassation
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br> COMM.<br> <br> JB<br> <br> <br> <br> COUR DE CASSATION<br> ______________________<br> <br> <br> Audience publique du 19 mars 2025<br> <br> <br> <br> <br> Cassation<br> <br> <br> M. MOLLARD, conseiller doyen faisant fonction de président<br> <br> <br> <br> Arrêt n° 150 F-B<br> <br> Pourvoi n° H 23-13.576 <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E <br> <br> _________________________<br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 19 MARS 2025<br> <br> La société Lufthansa Technik AG, société de droit allemand, dont le siège est [Adresse 6] (Allemagne), a formé le pourvoi n° H 23-13.576 contre l'arrêt rendu le 24 février 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 2), dans le litige l'opposant :<br> <br> 1°/ à la société Astronics Advanced Electronic Systems, société de droit américain, dont le siège est [Adresse 1] (États-Unis),<br> <br> 2°/ à la société Panasonic Avionics Corporation, société de droit américain, dont le siège est [Adresse 3] (États-Unis), et ayant un établissement [Adresse 4],<br> <br> 3°/ à la société Thales Avionics Inc., société de droit américain, dont le siège est [Adresse 2] (États-Unis),<br> défenderesses à la cassation.<br> <br> La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.<br> <br> Le dossier a été communiqué au procureur général.<br> <br> Sur le rapport de Mme Sabotier, conseiller, les observations de la SCP Le Guerer, Bouniol-Brochier, Lassalle-Byhet, avocat de la société Lufthansa Technik AG, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat des sociétés Astronics Advanced Electronic Systems, Panasonic Avionics Corporation et Thales Avionics Inc., après débats en l'audience publique du 28 janvier 2025 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Sabotier, conseiller rapporteur, Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,<br> <br> la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; <br> <br> Faits et procédure<br> <br> 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 février 2023), la société Lufthansa Technik est titulaire du brevet européen désignant la France n° EP 0 881 145 (le brevet EP 145) ayant pour titre « dispositif d'alimentation électrique ». Ce brevet, déposé le 22 mai 1998 sous priorité d'une demande allemande du 31 mai 1997, a été délivré le 26 novembre 2003. Il a expiré le 22 mai 2018.<br> <br> 2. Les 29 décembre 2017 et 18 juin 2018, la société Lufthansa Technik a assigné les sociétés Panasonic Avionics, Astronics Advanced Electronic Systems et Thales Avionics en contrefaçon de ce brevet. A titre reconventionnel, ces sociétés ont sollicité l'annulation des revendications opposées n° 1, 2, 3 et 7.<br> <br> Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 3. La société Lufthansa Technik fait grief à l'arrêt de déclarer la revendication 1 du brevet EP 145 dépourvue d'activité inventive, alors « que l'activité inventive doit s'apprécier au regard de l'invention telle qu'elle est revendiquée dans le brevet ; qu'elle doit également s'apprécier au regard de l'homme du métier, qui est celui du domaine technique où se pose le problème que l'invention se propose de résoudre ; qu'en l'espèce, la revendication 1 du brevet EP 145 porte expressément sur un dispositif d'alimentation électrique permettant de mettre à disposition une tension d'alimentation électrique pour des appareils électriques dans la cabine d'un avion" ; qu'en l'espèce, la société Lufthansa Technik soulignait les particularités du système électrique d'un avion et faisait valoir, eu égard à ces spécificités, que l'homme du métier devait être défini comme un ingénieur électronicien spécialisé dans la conception d'équipements électroniques pour l'aviation et pouvant optionnellement consulter un ingénieur spécialisé dans la sécurité aérienne pour des demandes particulières ; qu'en refusant néanmoins de tenir compte de ces spécificités, telles qu'invoquées par la société Lufthansa Technik, au motif inopérant que le risque de décharge accidentelle lors de la manipulation d'une prise femelle est un problème bien connu qui n'est pas lié au seul domaine aéronautique", pour en déduire que l'homme du métier serait un ingénieur électronicien d'abord spécialisé dans la conception d'équipements électriques ou électroniques et consultant éventuellement un ingénieur de sécurité dans le domaine de l'aviation pour des exigences particulières", quand elle constatait elle-même que le problème technique à résoudre était d'assurer une plus grande sécurité d'une prise de courant placée dans un fauteuil d'avion" et que le domaine technique de l'invention était celui des dispositifs d'alimentation électrique qui permettent aux compagnies aériennes de mettre à disposition de leurs passagers une prise électrique afin qu'ils puissent faire fonctionner leurs appareils électriques en toute sécurité", la cour d'appel a violé les articles 56 et 138 de la Convention sur la délivrance de brevets européens du 5 octobre 1973 ainsi que l'article L. 614-12 du code de la propriété intellectuelle. »<br> <br> Réponse de la Cour <br> <br> Vu l'article L. 614-12, alinéa 1er, du code de la propriété intellectuelle et les articles 52, paragraphe 1, 56 et 138, paragraphe 1, sous a), de la Convention sur la délivrance de brevets européens signée à [Localité 5] le 5 octobre 1973 :<br> <br> 4. Aux termes du premier de ces textes, la nullité du brevet européen est prononcée, en ce qui concerne la France, par décision de justice pour l'un quelconque des motifs visés à l'article 138, paragraphe 1, de la Convention de Munich. Il résulte du dernier qu'est déclaré nul, avec effet pour un État contractant, un brevet européen dont l'objet n'est pas brevetable en vertu des articles 52 à 57 de la Convention de Munich. Selon le deuxième, les brevets européens sont délivrés pour toute invention dans tous les domaines technologiques, à condition, notamment, qu'elle implique une activité inventive. Selon le troisième, une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour une personne du métier, elle ne découle pas d'une manière évidente de l'état de la technique.<br> <br> 5. La personne du métier est celle du domaine technique où se pose le problème que l'invention, objet de ce brevet, se propose de résoudre (Com., 20 novembre 2012, pourvoi n° 11-18.440). Elle possède les connaissances normales de la technique en cause et est capable à l'aide de ses seules connaissances professionnelles de concevoir la solution du problème que propose de résoudre l'invention (Com., 17 octobre 1995, pourvoi n° 94-10.433, Bull. 1995, IV, n° 232).<br> <br> 6. Pour déclarer nulle la revendication 1 du brevet EP 145, l'arrêt retient que la personne du métier est un ingénieur électronicien spécialisé dans la conception d'équipements électriques ou électroniques et consultant éventuellement un ingénieur de sécurité dans le domaine de l'aviation pour des exigences particulières. <br> <br> 7. En statuant ainsi, alors même qu'elle constatait que le but de l'invention était de proposer un dispositif d'alimentation électrique pour des cabines d'avion, la cour d'appel a violé les textes susvisés. <br> <br> Sur le second moyen, pris en sa cinquième branche<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 8. La société Lufthansa Technik fait grief à l'arrêt de déclarer la revendication 2 du brevet EP 145 dépourvue d'activité inventive, alors « qu'une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d'une manière évidente de l'état de la technique ; qu'en l'espèce, après avoir relevé que le critère de temporalité" était pris en compte" dans le document Miller et suggéré" dans le document Neuenschwander, la cour d'appel a affirmé que l'homme du métier disposait des éléments l'incitant à intégrer une temporisation s'ajoutant à la condition de simultanéité des deux broches insérées et la mise en oeuvre de ce critère impliquait des opérations d'adaptation du circuit électrique qui étaient à sa portée, la configuration d'un circuit électrique et le choix des moyens adaptés pour parvenir à un résultat donné relevant de l'activité ordinaire de l'homme du métier" ; qu'en statuant par des tels motifs, impropres à caractériser en quoi ces deux documents, qui n'enseignaient pas un contrôle du temps écoulé entre la détection de l'enfichage de chacune des deux broches, auraient conduit, de manière évidente, l'homme du métier à prévoir, comme la revendication 2 du brevet EP 145, une mesure du temps écoulé entre la détection de la première et de la deuxième broches, une comparaison de la durée mesurée avec une valeur maximale et la délivrance d'une tension uniquement si une durée de contact maximale n'a pas été dépassée, la cour d'appel a statué en violation des articles 56 et 138 de la Convention sur la délivrance de brevets européens du 5 octobre 1973 ainsi que de l'article L. 614-12 du code de la propriété intellectuelle. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> Vu l'article L. 614-12, alinéa 1er, du code de la propriété intellectuelle et les articles 52, paragraphe 1, 56 et 138, paragraphe 1, sous a), de la Convention sur la délivrance de brevets européens signée à [Localité 5] le 5 octobre 1973 :<br> <br> 9. Pour retenir l'évidence de la revendication 2, l'arrêt relève, d'abord, que la description du brevet Neuenschwander enseigne une ligne d'alimentation qui n'est ouverte que si les broches sont déplacées simultanément le long de la ligne théorique de mouvement de la broche jusqu'au contact avec le connecteur. L'arrêt ajoute que le brevet Miller résoud le même problème que la revendication 2, à savoir l'insertion accidentelle de deux épingles dans une prise, et qu'à cette fin, il propose que le système reste inactif tant que trois broches n'ont pas été simultanément insérées, de sorte que, pour se trouver en situation dangereuse, il est nécessaire d'insérer une épingle dans chacun des trois trous ce qui est en pratique extrêmement difficile à accomplir.<br> <br> 10. L'arrêt énonce ensuite que l'apport inventif de la revendication 2 du brevet EP 145 consiste en une mesure de temps entre le premier actionnement de l'un des commutateurs de contact de la prise de courant et celui de l'autre commutateur, qui doit être inférieur à une valeur maximale pour que l'unité de commande et de contrôle applique la tension d'alimentation. <br> <br> 11. L'arrêt ajoute que, si les moyens de mise en oeuvre du critère de temporalité ne sont pas enseignés par les documents Neuenschwander et Miller, le brevet EP 145 ne les décrit pas plus. <br> <br> 12. L'arrêt en déduit que la personne du métier disposait, avec les documents Neuenschwander et Miller, des éléments l'incitant à intégrer une temporisation s'ajoutant à la condition de simultanéité d'insertion des deux broches, tandis que la mise en oeuvre de ce critère de temporalité impliquait des opérations d'adaptation du circuit électrique qui étaient à sa portée, la configuration d'un circuit électrique et le choix des moyens adaptés pour parvenir à un résultat donné relevant de l'activité ordinaire de la personne du métier.<br> <br> 13. En se déterminant ainsi, sans caractériser en quoi la mesure du temps écoulé entre la détection de la première et de la deuxième broches, sa comparaison avec une valeur maximale et la délivrance d'une tension uniquement si une durée de contact maximale n'est pas atteinte, constituaient des étapes évidentes pour la personne du métier partant des documents Neuenschwander et Miller, alors même qu'elle constatait que le document Miller n'enseignait pas un contrôle de la simultanéité de l'enfichage et que le document Neuenschwander, qui n'enseignait pas davantage un tel contrôle, ne traitait même pas du problème de l'enfichage accidentel de deux épingles, qui correspond au problème objectif que la revendication 2 du brevet en cause propose de résoudre, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.<br> <br> Portée et conséquences de la cassation<br> <br> 14. La validité d'une revendication principale entraîne celle des revendications placées sous sa dépendance (Com., 12 décembre 1995, pourvois n° 94-12.488 et 93-21.640, Bull. 1995, IV, n° 292 ; Com., 8 avril 2008, pourvois n° 05-17.570 et 05-19.280 ; Com., 17 mai 2023, pourvoi n° 19-25.509). <br> <br> 15. La cassation du chef de l'arrêt ayant déclaré nulles les revendications 1 et 2 du brevet entraîne par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de l'arrêt ayant déclaré nulles les revendications dépendantes 3 et 7, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.<br> <br> PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :<br> <br> CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 février 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;<br> <br> Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;<br> <br> Condamne les sociétés Panasonic Avionics Corporation, Thales Avionics et Astronics Advanced Electronic Systems aux dépens ; <br> <br> En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Panasonic Avionics Corporation, Thales Avionics et Astronics Advanced Electronic Systems et les condamne in solidum à payer à la société Lufthansa Technik la somme de 10 000 euros ;<br> <br> Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;<br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mars deux mille vingt-cinq, et M. Doyen, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt, conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile.
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 19 mars 2025, 23-13.576, Publié au bulletin
BREVET D'INVENTION ET CONNAISSANCES TECHNIQUES - Connaissances techniques - Personne du métier - Définition
2025-03-19
ECLI:FR:CCASS:2025:CO00150
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000051367867
ARRET
JURITEXT000051367818
CHAMBRE_COMMERCIALE
articles L. 411-4 et R. 411-19 du code de la propriété intellectuelle.
JURI
Cour de cassation
Ne méconnaît pas l'absence d'effet dévolutif du recours prévu par les articles L. 411-4 et R. 411-9 du code de la propriété intellectuelle l'arrêt qui retient que le brevet de base n'était pas explicite sur les étapes nécessaires pour aboutir à l'identification spécifique du produit pour lequel était formée la demande de certificat complémentaire de protection (CCP), et qu'il n'était pas démontré qu'il s'agissait de simples opérations de routine, lorsque le directeur général de l'INPI avait lui-même retenu qu'en l'état de la technique à la date de priorité du brevet , le produit n'était pas spécifiquement identifiable par la personne du métier. Est approuvé l'arrêt qui rejette le recours formé contre la décision de rejet de la demande de CCP en retenant que le produit n'est pas spécifiquement identifiable par la personne du métier à la lumière de l'ensemble des éléments divulgués par le brevet de base, sur la base de ses connaissances générales et de l'état de la technique dans le domaine considéré à la date de dépôt ou de priorité de ce brevet. Les directives de l'Office européen des brevets sont des éléments de preuve dont la force probante est soumise à l'appréciation souveraine des juges du fond
Rejet
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br> -COMM.<br> <br> MB<br> <br> <br> <br> COUR DE CASSATION<br> ______________________<br> <br> <br> Audience publique du 19 mars 2025<br> <br> <br> <br> <br> Rejet<br> <br> <br> M. MOLLARD, conseiller doyen faisant fonction de président<br> <br> <br> <br> Arrêt n° 140 FS-B<br> <br> Pourvoi n° Q 23-20.000 <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E <br> <br> _________________________<br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 19 MARS 2025<br> <br> La société Dana-Farber Cancer Institute Inc., société de droit américain sans but lucratif de l'Etat du Massachusetts, dont le siège est [Adresse 2] (États-Unis), a formé le pourvoi n° Q 23-20.000 contre l'arrêt rendu le 26 mai 2023 par la cour d'appel de Paris (pole 5, chambre 2), dans le litige l'opposant au directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle, domicilié [Adresse 1], défenderesse à la cassation.<br> <br> La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.<br> <br> Le dossier a été communiqué au procureur général.<br> <br> Sur le rapport de Mme Bessaud, conseiller référendaire, les observations de la SCP Le Guerer, Bouniol-Brochier, Lassalle-Byhet, avocat de la société Dana-Farber Cancer Institute Inc., de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat du directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle, et l'avis de Mme Texier, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 janvier 2025 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bessaud, conseiller référendaire rapporteur, Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller faisant fonction de doyen, Mmes Michel-Amsellem, Sabotier, Tréfigny, M. Gauthier, conseillers, M. Le Masne de Chermont, Mmes Comte, Bellino, M. Regis, conseillers référendaires, Mme Texier, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre,<br> <br> la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; <br> <br> Faits et procédure <br> <br> 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 mai 2023), le 14 novembre 2017, la société Dana-Farber Cancer Institute Inc. (la société Dana-Farber) a, sur le fondement du règlement (CE) n° 469/2009 du 6 mai 2009 concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments, déposé une demande de certificat complémentaire de protection (CCP) n° 17C1045, portant sur le produit atézolizumab.<br> <br> 2. Cette demande était formulée sur la base d'un brevet européen déposé le 23 août 2000, publié sous le numéro EP 1210424 (le brevet EP 424) et délivré le 7 février 2007 sous le titre « Nouvelles molécules B7-4 et leurs utilisations », sous priorité d'un brevet américain du 23 août 1999. Ce brevet porte sur la découverte de nouvelles molécules, les protéines B7-4 (appelées plus tard PD-L1), qui sont utiles pour moduler la réponse immunitaire, menant à une nouvelle façon de traiter le cancer appelée « immunologie du cancer ». En ses revendications 17 et 27, le brevet revendique les anticorps susceptibles de se lier auxdites protéines.<br> <br> 3. La demande de CCP faisait également référence à une autorisation de mise sur le marché (AMM) communautaire octroyée le 21 septembre 2017 à la société Roche Registration Ltd pour une spécialité pharmaceutique dénommée « Tecentriq », qui a pour principe actif l'atézolizumab, un anticorps monoclonal humanisé se liant à la protéine PD-L1.<br> <br> 4. Par décision du 13 juillet 2021, le directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle (l'INPI) a rejeté la demande de CCP au motif qu'elle ne satisfaisait pas aux conditions de l'article 3, sous a), du règlement (CE) n° 469/2009.<br> <br> 5. La société Dana-Farber a formé un recours contre cette décision.<br> <br> Examen du moyen <br> <br> Sur le moyen, pris en ses deuxième, cinquième, sixième, septième et onzième à treizième branches <br> <br> 6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.<br> <br> Sur le moyen, pris en sa première branche <br> <br> Enoncé du moyen <br> <br> 7. La société Dana-Farber fait grief à l'arrêt de rejeter le recours qu'elle a formé contre la décision du directeur général de l'INPI du 13 juillet 2021, alors « que si le demandeur à un CCP doit, devant l'INPI, démontrer que les conditions énoncées à l'article 3 du règlement (CE) n° 469/2009 sont réunies, il incombe au directeur général de cet institut, s'il entend rejeter cette demande de CCP, de faire connaître en temps utile au demandeur les éléments pertinents sur lesquels il appuie sa décision, afin de permettre à ce dernier de rapporter les éléments complémentaires en cours d'instruction de la demande ; que, dans sa décision du 13 juillet 2021, pour retenir que l'atézolizumab ne serait pas spécifiquement identifiable" au sens de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, le directeur général de l'INPI a relevé que ce produit n'est nullement spécifié dans la description et n'y est pas identifiable en tant que tel", qu' en l'absence de précision, les revendications [17 et 27] peuvent couvrir tout anticorps se liant à la protéine B7-4, soit des milliers de molécules, de sorte que le composé liant B7-4 n'est pas défini de façon précise (cf. alinéas [0115] à [0121], [0286] à [0291] et [0292] à [0254] (sic))", que, contrairement à l'assertion de la demanderesse, les passages cités de la description du brevet de base ne contiennent pas d'informations suffisantes pour permettre à l'homme du métier d'identifier spécifiquement l'atézolizumab à la date de dépôt du brevet de base, soit le 23 août 2000", et que le brevet Genentech, issu d'une demande déposée le 9 décembre 2008, ne ferait que confirmer que le brevet de base EP 424, déposé à un stade précoce de la recherche sur de tels anticorps, ne portait pas de manière nécessaire et spécifique sur l''atézolizumab', anticorps qui a été divulgué postérieurement" ; qu'il ne résulte cependant ni de cette décision ni même des différents documents de la procédure devant le directeur général de l'INPI, que ce dernier ait fait valoir que les méthodes de production d'anticorps monoclonaux décrites dans le brevet de base EP 424 ne décriraient pas l'ensemble des étapes permettant d'aboutir à des anticorps humanisés ni que ces étapes manquantes ne seraient pas de simples opérations de routine ; qu'en relevant, pour dire que l'atézolizumab ne pouvait être regardé comme un produit protégé par un brevet de base en vigueur", que le brevet ne serait pas explicite sur la technique de phage display, que certaines étapes de cette technique ne seraient nullement décrites dans le brevet et il n'est pas démontré par la requérante qu'il s'agit pour l'homme du métier d'une simple opération de routine même longue et fastidieuse", que, s'agissant de la technique des hybridomes, le brevet n'expose pas la technique de caractérisation d'un anticorps qui nécessite d'autres étapes fastidieuses d'identification et de sélection des hybridomes, d'isolement et de purification pour aboutir à un anticorps murin ou humain qui n'est pas une simple opération de routine comme une simple purification d'une molécule chimique", qu'il ne pourrait être déduit de ces deux techniques que l'atézolizumab était spécifiquement identifiable par l'homme du métier, alors que les travaux de recherche sont encore nécessaires pour parvenir aux anticorps humanisés, le brevet de base n'explicitant nullement comme aboutir à de tels anticorps monoclonaux humanisés anti PD-L1 ou anti B7-4", et que le paragraphe 118 de la description est à ce titre insuffisant", cependant que la décision du 13 juillet 2021 ne s'est pas fondée sur ces éléments pour rejeter la demande de CCP et qu'il ne résulte, au demeurant, ni de cette décision ni de la procédure devant le directeur général de l'INPI, que ces différentes objections aient été portées à la connaissance de l'Institut Dana-Farber et que celui-ci ait ainsi été mis en mesure de rapporter des éléments complémentaires en cours d'instruction de la demande afin de les contester, la cour d'appel a violé les articles L. 411-4 et R. 411-19 du code de la propriété intellectuelle. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> 8. Il résulte des articles L. 411-4 et R. 411-19 du code de la propriété intellectuelle que le recours formé contre une décision du directeur général de l'INPI à l'occasion de la délivrance de titres de propriété industrielle, tel un CCP, est un recours en annulation, sans effet dévolutif. Par conséquent, la cour d'appel saisie d'un recours contre une telle décision doit se placer dans les conditions qui étaient celles existant au moment où celle-ci a été prise.<br> <br> 9. Le directeur général de l'INPI, après avoir retenu que le brevet de base ne contenait aucune indication permettant de considérer que l'atézolizumab y était visé de manière spécifique, a indiqué que, pour déterminer si le produit pouvait y être identifié de façon spécifique par la personne du métier, il convenait d'avoir uniquement égard à l'état de la technique à la date du dépôt ou à la date de priorité du brevet de base à la lumière de l'ensemble des éléments divulgués par le brevet de base et a retenu que, contrairement à l'assertion de la demanderesse, les passages cités de la description du brevet ne contenaient pas d'informations suffisantes pour permettre à la personne du métier d'identifier spécifiquement l'atézolizumab à la date de dépôt du brevet de base.<br> <br> 10. Répondant aux arguments de la société Dana-Farber critiquant ce motif, l'arrêt relève que le brevet de base expose deux techniques pour générer des anticorps murins ou humains, celle du phage display et celle des hybridomes, mais retient qu'il n'est pas explicite sur l'ensemble des étapes nécessaires pour aboutir à l'identification spécifique de l'atézolizumab dont il n'est pas démontré qu'il s'agit, pour la personne du métier de simples opérations de routine, même longues et fastidieuses.<br> <br> 11. Dès lors, la cour d'appel, qui, comme le directeur général de l'INPI, a fondé sa décision sur le constat qu'en l'état de la technique à la date de priorité du brevet EP 424, l'atézolizumab n'était pas spécifiquement identifiable par la personne du métier, n'a pas méconnu l'absence d'effet dévolutif du recours formé devant elle. <br> <br> 12. Le moyen n'est donc pas fondé. <br> <br> Sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches <br> <br> Enoncé du moyen <br> <br> 13. La société Dana-Farber fait le même grief à l'arrêt, alors : <br> <br> « 3°/ qu'un produit est protégé par un brevet de base en vigueur, au sens de l'article 3, sous a), du règlement (CE) n° 469/2009, lorsqu'il répond à une définition fonctionnelle générale employée par l'une des revendications du brevet de base et relève nécessairement de l'invention couverte par ce brevet, sans pour autant être individualisé en tant que mode concret de réalisation à tirer de l'enseignement dudit brevet, dès lors qu'il est spécifiquement identifiable, à la lumière de l'ensemble des éléments divulgués par le même brevet, par la personne du métier, sur la base de ses connaissances générales dans le domaine considéré à la date de dépôt ou de priorité du brevet de base et de l'état de la technique à cette même date ; qu'à cet égard, lorsque le produit n'est pas explicitement divulgué par les revendications du brevet de base mais relève d'une définition fonctionnelle générale, la personne du métier doit être en mesure de déduire directement et sans ambiguïté du fascicule du brevet tel que déposé que le produit faisant l'objet du CCP relève de l'objet de la protection ; que cette condition est satisfaite dès lors qu'à la date de dépôt ou de priorité du brevet de base, la personne du métier, qui cherche à identifier les produits remplissant la fonction visée dans ce brevet de base, est en mesure d'obtenir le produit faisant l'objet de la demande de CCP ; qu'il importe peu que des tests pharmacologiques soient ensuite nécessaires pour déterminer si ce produit pourra faire l'objet d'un médicament susceptible de donner lieu à une AMM ; qu'en retenant, pour juger que l'atézolizumab ne serait pas spécifiquement identifiable", que l'identification d'un anticorps qui pourra faire l'objet d'un médicament susceptible de donner lieu à une AMM nécessite de nombreux tests pharmacologiques et un anticorps tel l'atézolizumab qui est un anticorps qui se lie à la protéine B7-4 possède des caractéristiques différentes de celles d'autres anticorps ayant cette même fonction", la cour d'appel s'est déterminée par des motifs inopérants, en violation de l'article 3, sous a), du règlement (CE) n° 469/2009 du 6 mai 2009 concernant le certificat complémentaire de protection ; <br> <br> 4°/ qu'afin de déterminer si la condition relative au caractère spécifiquement identifiable" du produit est remplie, il revient au juge de vérifier si l'objet du CCP concerné est compris dans les limites de ce que la personne du métier est objectivement en mesure, à la date du dépôt ou de priorité du brevet de base, de déduire directement et sans équivoque du fascicule de ce brevet tel qu'il a été déposé, en se fondant sur ses connaissances générales dans le domaine considéré à la date de dépôt ou de priorité et à la lumière de l'état de la technique à la date de dépôt ou de priorité ; que cette condition est satisfaite dès lors qu'à la date de dépôt ou de priorité du brevet de base, la personne du métier, qui cherche à identifier les produits remplissant la fonction visée dans ce brevet de base, est en mesure d'obtenir le produit faisant l'objet de la demande de CCP ; qu'en relevant, pour juger que l'atézolizumab ne serait pas spécifiquement identifiable", qu' un anticorps tel l'atézolizumab qui est un anticorps qui se lie à la protéine B7-4 possède des caractéristiques différentes de celles d'autres anticorps ayant cette même fonction" et que si le brevet de base mentionne bien des protocoles génériques permettant de fabriquer des anticorps, il vise à la fois les anticorps chimériques et les anticorps humanisés et n'enseigne pas à l'homme du métier la direction dans laquelle il doit orienter ses recherches", cependant qu'elle relevait elle-même que le brevet de base mentionnait des protocoles permettant de fabriquer des anticorps humanisés, et qu'il n'était pas nécessaire qu'il oriente particulièrement les recherches de la personne du métier vers ce type d'anticorps pour que l'atézolizumab puisse être regardé comme spécifiquement identifiable", la cour d'appel a violé l'article 3, sous a), du règlement (CE) n° 469/2009 du 6 mai 2009 concernant le certificat complémentaire de protection. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> 14. Dans son arrêt du 30 avril 2020, Royalty Pharma Collection Trust (C-650/17), la Cour de justice de l'Union européenne, interprétant l'article 3, sous a), du règlement (CE) n° 469/2009, a dit pour droit qu' « un produit est protégé par un brevet de base en vigueur, au sens de cette disposition, lorsqu'il répond à une définition fonctionnelle générale employée par l'une des revendications du brevet de base et relève nécessairement de l'invention couverte par ce brevet, sans pour autant être individualisé en tant que mode concret de réalisation à tirer de l'enseignement dudit brevet, dès lors qu'il est spécifiquement identifiable, à la lumière de l'ensemble des éléments divulgués par le même brevet, par l'homme du métier, sur la base de ses connaissances générales dans le domaine considéré à la date de dépôt ou de priorité du brevet de base et de l'état de la technique à cette même date ».<br> <br> 15. Ainsi, l'objet du CCP concerné doit être compris dans les limites de ce que la personne du métier est objectivement en mesure, à la date du dépôt ou de priorité du brevet de base, de déduire directement et sans équivoque du fascicule de ce brevet tel qu'il a été déposé, en se fondant sur ses connaissances générales dans le domaine considéré à la date de dépôt ou de priorité et à la lumière de l'état de la technique à cette même date (arrêt Royalty Pharma Collection Trust, précité, point 40).<br> <br> 16. Après avoir relevé que les revendications du brevet EP 424 visent un anticorps qui se lie de manière sélective à l'antigène donné et que le brevet vise des méthodes pour parvenir à l'identification de tels anticorps ainsi que des exemples pour générer des anticorps murins ou entièrement humains, l'arrêt retient que le demandeur procède par voie de simple affirmation pour dire que la personne du métier pouvait parvenir à l'identification de l'atézolizumab, anticorps humanisé, au vu des enseignements du brevet et sur la base de l'état de la technique. Il relève que de très nombreux anticorps peuvent se lier à l'antigène concerné, sans être identifiables à la date de priorité du brevet et que l'atézolizumab possède des caractéristiques différentes de celles d'autres anticorps ayant la même fonction de se lier à la protéine B7-4.<br> <br> 17. Il ajoute qu'il ne peut être déduit des deux techniques indiquées dans le brevet de base (techniques dites des hybridomes ou de phage display) pour aboutir à des anticorps murins ou humains, que l'atézolizumab était spécifiquement identifiable par la personne du métier, alors que des travaux de recherche étaient encore nécessaires pour parvenir aux anticorps humanisés, le brevet de base n'explicitant nullement comment aboutir à de tels anticorps monoclonaux humanisés anti PD-L1 ou anti B7-4.<br> <br> 18. En cet état, la cour d'appel a pu retenir que l'atézolizumab n'était pas spécifiquement identifiable par la personne du métier à la lumière de l'ensemble des éléments divulgués par le brevet EP 424, sur la base de ses connaissances générales et de l'état de la technique dans le domaine considéré à la date de dépôt ou de priorité de ce brevet.<br> <br> 19. Le moyen, inopérant en sa troisième branche comme attaquant des motifs erronés mais surabondants, n'est donc pas fondé pour le surplus.<br> <br> Sur le moyen, pris en ses huitième et neuvième branches<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 20. La société Dana-Farber fait le même grief à l'arrêt, alors : <br> <br> « 8°/ qu'en se fondant, pour écarter les directives de l'Office européen des brevets (OEB) invoquées par l'Institut Dana-Farber, sur le fait qu'elles n'étaient pas contemporaines de la date de priorité du brevet de base EP 424, cependant que ces directives ne font qu'entériner des pratiques et jurisprudences constantes de l'OEB bien antérieures à la date de leur édition, la cour d'appel s'est déterminée par un motif inopérant, en violation de l'article 3, sous a), du règlement (CE) n° 469/2009 du 6 mai 2009 concernant le certificat complémentaire de protection ; <br> <br> 9°/ qu'en relevant, pour écarter les directives de l'OEB invoquées par l'Institut Dana-Farber, qu'elles viseraient la découverte d'un nouvel anticorps se liant au même antigène, d'autres anticorps se liant à cet antigène étant déjà connus", cependant qu'en l'espèce, selon ses propres constatations, le brevet de base EP 424 divulgue précisément des anticorps se liant à un polypeptide B7-4 de la SEQ ID N° 2 ou 4, la cour d'appel s'est encore déterminée par un motif inopérant, en violation de l'article 3, sous a), du règlement (CE) n° 469/2009 du 6 mai 2009 concernant le certificat complémentaire de protection. »<br> <br> Réponse de la Cour <br> <br> 21. L'arrêt retient d'abord que le brevet EP 424 ne décrit pas toutes les étapes nécessaires pour permettre à la personne du métier de parvenir à l'identification de l'atézolizumab par l'une des deux techniques courantes visées par le brevet de base, que ce soit la technique du phage-display ou celle des hybridomes, et que la société Dana-Farber ne démontre pas que ces étapes relèvent d'une simple opération de routine pour la personne du métier. Il en déduit que des travaux de recherche supplémentaires sont encore nécessaires pour parvenir à un anticorps humanisé.<br> <br> 22. Il écarte ensuite les jurisprudences des chambres de recours de l'Office européen des brevets (l'OEB) citées par la société Dana-Farber pour établir que les étapes de ces deux méthodes faisaient partie des connaissances générales de la personne du métier, en considérant, d'une part, que les circonstances des affaires citées dans les directives de l'OEB sont différentes, dans la mesure où elles portaient sur la découverte d'un nouvel anticorps se liant au même antigène que d'autres anticorps déjà connus, structurellement différents, d'autre part, que les directives de l'OEB ne sont pas contemporaines de la date de priorité du brevet de base, le directeur général de l'INPI ayant soutenue que ce qui peut être considéré comme dépourvu d'activité inventive aujourd'hui ne l'était pas forcément vingt ans auparavant compte tenu de l'évolution de la recherche en immunologie.<br> <br> 23. Sous le couvert de griefs infondés de violation de l'article 3, sous a), du règlement (CE) n° 469/2009 du 6 mai 2009, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine portée par la cour d'appel sur la force probante et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, notamment les directives de l'OEB.<br> <br> 24. Le moyen n'est donc pas fondé. <br> <br> Sur le moyen, pris en sa dixième branche<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 25. La société Dana-Farber fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'en relevant que la circonstance que [les brevets Genentech] visent le brevet de base EP 424 et utilisent les techniques du phage display ou des hybridomes pour développer l'atézolizumab ne démontre pas que l'homme du métier savait mettre en oeuvre ces techniques équivalentes décrites dans le brevet EP 424 à la date de priorité du brevet de base (23 août 1999), afin d'identifier et de générer l'atézolizumab", sans s'expliquer, comme elle y était invitée, sur le fait que lorsqu'il décrivait les méthodes de préparation d'anticorps monoclonaux et d'humanisation des anticorps, le brevet Genentech faisait référence à des publications antérieures à 1999, dont certaines étaient déjà visées dans le brevet EP 424, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »<br> <br> Réponse de la Cour <br> <br> 26. Ayant relevé que les « brevets Genentech » identifient l'atézolizumab et peuvent être un indice de la complexité des recherches à effectuer pour aboutir à cet anticorps humanisé à leur date de priorité revendiquée, soit le 9 décembre 2008, l'arrêt estime que la référence qui y est faite au brevet antérieur EP 424 et aux techniques de phage-display et d'hybridomes, n'est pas de nature à démontrer que la personne du métier savait mettre en oeuvre ces techniques à la date de priorité du brevet de base, le 23 août 1999. Il en déduit que ces brevets ne sont pas suffisants pour établir que cet anticorps était spécifiquement identifiable dans le premier brevet à sa date de priorité.<br> <br> 27. En l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a répondu aux conclusions invoquées.<br> <br> 28. Le moyen n'est donc pas fondé.<br> <br> PAR CES MOTIFS, la Cour :<br> <br> REJETTE le pourvoi ;<br> <br> Condamne la société Dana-Farber Cancer Institute Inc. aux dépens ;<br> <br> En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Dana-Farber Cancer Institute Inc. et la condamne à payer au directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle la somme de 5 000 euros ;<br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mars deux mille vingt-cinq, et M. Doyen, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt, conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile.
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 19 mars 2025, 23-20.000, Publié au bulletin
PROPRIETE INDUSTRIELLE - Brevets d'invention - Institut national de la propriété intellectuelle (INPI) - Décision du directeur - Recours contre les décisions du directeur général - Brevet de base non explicite - objet de la demande de certificat complémentaire de protection - Produit non spécifiquement identifiable par la personne du métier,PREUVE - Règles générales - Eléments de preuve - Force probante - Appréciation souveraine - Directives de l'Office européen des brevets
2025-03-19
ECLI:FR:CCASS:2025:CO00140
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000051367818
ARRET
JURITEXT000051336009
CHAMBRE_COMMERCIALE
Article 796-0 ter du code général des impôts.
JURI
Cour de cassation
Au sens de l'article 796-0 ter du code général des impôts, est domicilié avec le défunt, le frère ou la soeur qui a fixé son principal établissement au même lieu que ce dernier
Rejet
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br> COMM.<br> <br> FM<br> <br> <br> <br> COUR DE CASSATION<br> ______________________<br> <br> <br> Audience publique du 12 mars 2025<br> <br> <br> <br> <br> Rejet<br> <br> <br> M. VIGNEAU, président<br> <br> <br> <br> Arrêt n° 34 F-B<br> <br> Pourvoi n° T 22-20.873 <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E <br> <br> _________________________<br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 12 MARS 2025<br> <br> Mme [U] [L], veuve [Y], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° T 22-20.873 contre l'arrêt n° RG 21/00644 rendu le 30 juin 2022 par la cour d'appel de Limoges (chambre civile), dans le litige l'opposant au directeur général des finances publiques, représenté par le directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône,domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.<br> <br> La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.<br> <br> Le dossier a été communiqué au procureur général.<br> <br> Sur le rapport de Mme Tostain, conseiller référendaire, les observations de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat de Mme [L], veuve [Y], de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur général des finances publiques, représenté par le directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône, après débats en l'audience publique du 26 novembre 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Tostain, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,<br> <br> la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; <br> <br> Faits et procédure <br> <br> 1. Selon l'arrêt attaqué (Limoges, 30 juin 2022), [C] [L] est décédé le [Date décès 1] 2017 en laissant pour lui succéder sa soeur Mme [L]. La déclaration de succession a été déposée le 6 juin 2017. <br> <br> 2. Soutenant que Mme [L] ne pouvait bénéficier de l'exonération prévue à l'article 796-0 ter du code général des impôts, faute de justifier d'un domicile commun avec le défunt pendant les cinq années ayant précédé le décès, l'administration fiscale lui a notifié, le 19 juin 2018, une proposition de rectification portant rappel des droits de mutation à titre gratuit. <br> <br> 3. Après le rejet de sa réclamation contentieuse, Mme [L] a assigné l'administration fiscale en annulation de l'avis de mise en recouvrement et de la décision de rejet de sa réclamation et en décharge totale des droits mis en recouvrement. <br> <br> Examen du moyen<br> <br> Sur le moyen, pris en ses première et troisième branches<br> <br> 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.<br> <br> Sur le moyen, pris en sa deuxième branche<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 5. Mme [L] fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il a dit qu'elle ne pouvait bénéficier des dispositions de l'article 796-0 ter du code général des impôts et de rejeter l'ensemble de ses prétentions, alors « qu'est exonérée de droits de mutation par décès la part de chaque frère ou soeur, célibataire, veuf, divorcé ou séparé de corps, à la double condition qu'il soit, au moment de l'ouverture de la succession, âgé de plus de cinquante ans ou atteint d'une infirmité le mettant dans l'impossibilité de subvenir par son travail aux nécessités de l'existence, et qu'il ait été constamment domicilié avec le défunt pendant les cinq années ayant précédé le décès ; qu'au sens de cette disposition, est domicilié avec le défunt le collatéral qui a fixé sa résidence effective chez son frère ou sa soeur décédé, peu important qu'il n'ait pas fixé en ce lieu le centre de son principal établissement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a toutefois retenu, pour juger que Mme [L] ne pouvait prétendre à l'exonération des droits de succession, que "pour l'administration fiscale la notion de domicile commun s'entend au sens de l'article 102 du code civil, comme le lieu où l'intéressé avait son principal établissement", et que, si les pièces en débats démontraient la cohabitation de Mme [L] et de feu [C] [L], elles auraient été insuffisantes "à caractériser la volonté non équivoque de Mme [U] [L] de se domicilier durablement chez son frère [C] [L] durant les cinq années précédant le décès de ce dernier, et ce en l'absence de toute démarche entreprise par l'intéressée du vivant de son frère, à l'effet de faire officialiser son changement de domicile pour le choix d'une domiciliation commune avec ce dernier à son domicile situé à [Localité 4] (Creuse), lieudit "[Adresse 3]"" ; qu'en statuant ainsi, quand l'existence d'une résidence effective avec le de cujus était suffisante à justifier l'application de l'exonération, peu important que Mme [L] n'ait pas eu la volonté de fixer le lieu de son principal établissement chez son frère, la cour d'appel a violé l'article 796-0 ter du code général des impôts par refus d'application, et l'article 102 du code civil par fausse application. »<br> <br> Réponse de la Cour <br> <br> 6. L'article 796-0 ter du code général des impôts dispose : <br> <br> « Est exonérée de droits de mutation par décès la part de chaque frère ou soeur, célibataire, veuf, divorcé ou séparé de corps, à la double condition :<br> <br> 1° Qu'il soit, au moment de l'ouverture de la succession, âgé de plus de cinquante ans ou atteint d'une infirmité le mettant dans l'impossibilité de subvenir par son travail aux nécessités de l'existence ;<br> <br> 2° Qu'il ait été constamment domicilié avec le défunt pendant les cinq années ayant précédé le décès. »<br> <br> 7. Selon l'article 102 du code civil, le domicile de tout Français, quant à l'exercice de ses droits civils, est au lieu où il a son principal établissement.<br> <br> 8. Il en résulte qu'au sens de l'article 796-0 ter du code général des impôts, est domicilié avec le défunt celui ou celle qui a fixé son principal établissement au même lieu que son frère ou sa soeur décédé.<br> <br> 9. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé. <br> <br> PAR CES MOTIFS, la Cour :<br> <br> REJETTE le pourvoi ;<br> <br> Condamne Mme [L], aux dépens ;<br> <br> En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [L], et la condamne à payer au directeur général des finances publiques, représenté par le directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône, la somme de 3 000 euros ; <br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze mars deux mille vingt-cinq, et M. Doyen, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt, conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile.
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 12 mars 2025, 22-20.873, Publié au bulletin
IMPOTS ET TAXES - Enregistrement - Droits de mutation - Mutation à titre gratuit - Succession - Exonération - Conditions - Domiciliation avec le défunt - Détermination,DOMICILE - Détermination - Mutation à titre gratuit - Exonération - Frère ou soeur du défunt - Principal établissement au même lieu que le défunt
2025-03-12
ECLI:FR:CCASS:2025:CO00034
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000051336009
ARRET
JURITEXT000051336080
CHAMBRE_COMMERCIALE
Sur le numéro 1 : Article L. 59 B du livre des procédures fiscales ; article 667, 2, 1°, du code général des impôts.
JURI
Cour de cassation
Il résulte des articles L. 59 B du livre des procédures fiscales et 667, 2, 1°, du code général des impôts, que si la commission départementale de conciliation peut être saisie, pour tous les actes ou déclarations constatant la transmission ou l'énonciation de la propriété d'un bien meuble, des insuffisances de prix ou évaluations ayant servi de base à la perception de l'impôt dès lors qu'il existe un désaccord entre l'administration et le redevable portant sur la valeur du bien meuble, tel n'est pas le cas lorsque celui-ci a été, selon l'administration fiscale, dissimulé,L'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil, qui s'attache à ce qui a été définitivement, nécessairement et certainement décidé par le juge pénal sur l'existence du fait qui forme la base commune de l'action civile et de l'action pénale, sur sa qualification ainsi que sur la culpabilité de celui à qui le fait est imputé, interdit au juge civil de retenir comme établi le fait qui ne l'a pas été par le juge pénal
Cassation sans renvoi
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br> COMM.<br> <br> MB<br> <br> <br> <br> COUR DE CASSATION<br> ______________________<br> <br> <br> Audience publique du 12 mars 2025<br> <br> <br> <br> <br> Cassation sans renvoi<br> <br> <br> M. PONSOT, conseiller doyen faisant fonction de président<br> <br> <br> <br> Arrêt n° 139 F-B<br> <br> Pourvoi n° U 23-12.253 <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E <br> <br> _________________________<br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 12 MARS 2025<br> <br> 1°/ M. [Z] [J],<br> <br> 2°/ Mme [K] [V], épouse [J],<br> <br> tous deux domiciliés [Adresse 1] (Israel),<br> <br> ont formé le pourvoi n° U 23-12.253 contre l'arrêt rendu le 12 décembre 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 10), dans le litige les opposant au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, domicilié [Adresse 2], agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, défendeur à la cassation.<br> <br> Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, trois moyens de cassation.<br> <br> Le dossier a été communiqué au procureur général.<br> <br> Sur le rapport de M. Maigret, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. et Mme [J], de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, après débats en l'audience publique du 21 janvier 2025 où étaient présents M. Ponsot, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Maigret, conseiller référendaire rapporteur, Mme Graff-Daudret, conseiller, et M. Doyen, greffier de chambre,<br> <br> la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; <br> <br> Faits et procédure <br> <br> 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 décembre 2022), à la suite d'une plainte de l'administration fiscale, à laquelle le procureur de la République de Nice avait transmis, en application de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales, des informations laissant supposer que M. [J] était titulaire de comptes ouverts dans les livres de la banque HSBC établie en Suisse, celui-ci et son épouse ont été renvoyés devant un tribunal correctionnel notamment du chef de fraude fiscale par minoration de leurs déclarations d'impôts sur le revenu et omission et minorations de leurs déclarations d'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), lequel les a relaxés par un jugement du 9 mai 2017 devenu définitif.<br> <br> 2. Parallèlement, l'administration fiscale a adressé à M. et Mme [J], le 23 juillet 2015, une proposition de rectification relative aux années 2009, 2010, 2012 et 2013 au titre de rappels d'ISF, et le 12 octobre 2015, une proposition de rectification au titre de l'ISF dû pour les années 2008 et 2011, réintégrant à leur actif le montant des avoirs détenus sur les comptes ouverts dans les livres de la banque HSBC en Suisse, en appliquant aux droits recalculés une majoration de 80 % pour manoeuvres frauduleuses en application de l'article 1729 du code général des impôts.<br> <br> 3. Les droits résultant de ces notifications ont fait l'objet de trois avis de mise en recouvrement (AMR) du 27 mai 2016 d'un montant total de 196 141 euros au titre de l'ISF dû pour les années 2008 à 2013.<br> <br> 4. L'administration fiscale ayant rejeté leurs réclamations le 12 avril 2018, M. et Mme [J] l'ont assignée en décharge de ces droits. <br> <br> Examen des moyens <br> <br> Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche, et sur le troisième moyen<br> <br> 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.<br> <br> Sur le deuxième moyen<br> <br> Enoncé du moyen <br> <br> 6. M. et Mme [J] font grief à l'arrêt de déclarer la procédure régulière et de rejeter leurs demandes, alors :<br> <br> « 1°/ que la commission départementale de conciliation est compétente pour donner son avis sur l'évaluation des biens ayant servi de base à l'établissement de l'impôt sur la fortune ; qu'à peine d'irrégularité de la procédure, la saisine de cette commission doit être proposée au contribuable qui, au stade de la procédure de redressement, a contesté l'évaluation par l'administration d'un bien servant de base à l'établissement de l'imposition, quand bien même le redressement serait fondé sur l'absence de déclaration de ce bien ; que pour juger que la commission départementale de conciliation n'était pas compétente en l'espèce et que l'administration fiscale n'avait pas entaché la procédure d'irrégularité en ne proposant pas aux époux [J] la faculté de saisir cette commission, la cour d'appel a énoncé que la commission départementale de conciliation ne peut être saisie que des insuffisances de prix ou évaluations ayant servi de base à la perception de l'impôt et non des dissimulations ; qu'en statuant de la sorte, quand les époux [J] avaient, dans leurs observations en réponse aux propositions de rectification qui leur avaient été notifiées, contesté l'évaluation faite par le service du montant des avoirs objet des redressements qui leur avaient été infligés, de sorte que l'administration était tenue de leur proposer de saisir la commission départementale de conciliation, la cour d'appel a violé les articles 151 et 667 du code général des impôts, ensemble les articles L. 59 et L. 59 B du livre des procédures fiscales ;<br> <br> 2°/ que l'article 151 du code général des impôts, qui prévoit que l'impôt sur les revenus des avoirs à l'étranger est établi sur le produit du montant de ces avoirs par la moyenne annuelle des taux de rendement brut à l'émission des obligations des sociétés privées, n'est pas applicable de droit à l'établissement de l'impôt sur la fortune ; qu'en retenant, pour juger que la commission départementale de conciliation n'était pas compétente en l'espèce et que l'administration fiscale n'avait pas entaché la procédure d'irrégularité en ne proposant pas aux époux [J] la faculté de saisir cette commission, que "l'administration a choisi de déterminer le montant des avoirs litigieux selon la méthode prévue par l'article 151 du code général des impôts", de sorte que "la commission départementale de conciliation n'éta[it] pas compétente en l'espèce", quand la mise en oeuvre des modalités de calcul des avoirs détenus à l'étranger prévues par l'article 151 du code général des impôts relevait d'un choix de l'administration pouvant être contesté par le contribuable, la cour d'appel a violé les articles 151 et 667 du code général des impôts, ensemble les articles L. 59 et L. 59 B du livre des procédures fiscales. »<br> <br> Réponse de la Cour <br> <br> 7. Aux termes de l'article L. 59 B du livre des procédures fiscales, la commission départementale de conciliation intervient en cas d'insuffisance des prix ou évaluations ayant servi de base aux droits d'enregistrement ou à la taxe de publicité foncière dans les cas mentionnés au 2 de l'article 667 du code général des impôts ainsi qu'à l'impôt de solidarité sur la fortune. <br> <br> 8. Selon l'article 667, 2, 1°, du code général des impôts, la commission départementale de conciliation peut être saisie pour tous les actes ou déclarations constatant la transmission ou l'énonciation de la propriété de biens meubles notamment. <br> <br> 9. Il en résulte que si la commission départementale de conciliation peut être saisie, pour tous les actes ou déclarations constatant la transmission ou l'énonciation de la propriété d'un bien meuble, des insuffisances de prix ou évaluations ayant servi de base à la perception de l'impôt dès lors qu'il existe un désaccord entre l'administration et le redevable portant sur la valeur du bien meuble, tel n'est pas le cas lorsque celui-ci a été selon l'administration fiscale dissimulé. <br> <br> 10. Le moyen, qui, en sa première branche, postule le contraire et qui, en sa seconde, critique un motif surabondant, n'est pas fondé.<br> <br> Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 11. M. et Mme [J] font grief à l'arrêt infirmatif de ce chef, de rejeter leurs demandes, alors « que la décision définitive de relaxe prononcée par le juge pénal est revêtue de l'autorité de chose jugée à l'égard de tous et fût-elle fondée sur le bénéfice du doute, exclut que le prévenu en ayant bénéficié puisse faire l'objet d'une condamnation par le juge de l'impôt au titre des mêmes faits que ceux examinés par le juge répressif ; qu'en l'espèce, par jugement devenu définitif du 9 mai 2017, le tribunal correctionnel de Paris a relaxé les époux [J] des faits de fraude fiscale et de blanchiment de ce délit, après avoir retenu que "l'enquête n'a[vait] permis d'établir aucune certitude concernant le véritable titulaire des comptes bancaires suisses litigieux" et que "la titularité des comptes bancaires suisses litigieux ne pouvant être imputée avec certitude à M. [J], l'infraction de fraude fiscale par non-déclaration de ces comptes ne peut être retenue à l'encontre du couple, pas plus que l'infraction de blanchiment en résultant" ; que, pour juger que l'autorité de chose jugée attachée à ce jugement ne faisait pas obstacle aux redressements infligés aux époux [J] au titre de l'impôt sur la fortune, pour ne pas avoir déclaré les avoirs financiers qu'ils détiendraient dans la banque suisse HSBC, la cour d'appel a relevé que la relaxe avait été prononcée au bénéfice du doute, ce doute portant sur la titularité des comptes bancaires suisses litigieux, "or, la Cour de cassation a rappelé à maintes reprises l'authenticité de la preuve constituée par les fichiers HSBC", et a considéré qu'en l'occurrence, l'administration fiscale démontrait que M. [J] était titulaire des avoirs figurant sur les comptes ouverts au sein de la banque HSBC ; qu'en statuant de la sorte, quand l'autorité de chose jugée attachée au jugement de relaxe, fût-ce au bénéfice du doute, s'imposait au juge judiciaire de l'impôt et excluait que ce dernier puisse retenir l'existence d'un fait écarté comme non-établi par le juge pénal, la cour d'appel a violé le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil, ensemble l'article 6 § 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et l'article 4 du protocole additionnel n° 7 à cette Convention. »<br> <br> Réponse de la Cour <br> <br> Vu le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil :<br> <br> 12. L'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil, qui s'attache à ce qui a été définitivement, nécessairement et certainement décidé par le juge pénal sur l'existence du fait qui forme la base commune de l'action civile et de l'action pénale, sur sa qualification ainsi que sur la culpabilité de celui à qui le fait est imputé, interdit au juge civil de retenir comme établi le fait qui ne l'a pas été par le juge pénal. <br> <br> 13. Pour rejeter la demande de décharge de M. et Mme [J], l'arrêt, après avoir relevé qu'il ressort des motifs et du dispositif du jugement devenu définitif du tribunal correctionnel sur lequel s'appuient M. et Mme [J], d'une part, que le juge pénal les a relaxés au bénéfice du doute, en indiquant que la titularité des comptes bancaires suisses litigieux ne pouvait être imputée avec certitude à M. [J], d'autre part, que le doute portait sur la titularité des comptes bancaires suisses litigieux, le tribunal correctionnel ayant considéré que le fichier ne saurait constituer à lui seul une preuve suffisante, retient qu'il ressort du travail de rapprochement et de synthèse individuelle réalisé par l'administration fiscale à partir des données provenant des fichiers de la banque HSBC saisis, que M. [J] détenait soit directement depuis 1994 en tant que titulaire désigné sous le profil « 5039DL » clôturé le 28 juillet 2005, soit en tant que mandataire depuis le 7 juin 2005 par l'intermédiaire de la société « Pacific Ace Group Inc » située au Panama, les avoirs non déclarés en cause permettant de le désigner comme le véritable bénéficiaire des comptes taxés. Il en déduit que l'administration fiscale rapporte la preuve de la détention par M. et Mme [J] d'avoirs à l'étranger, et que les rappels d'impôt de solidarité sur la fortune sont bien fondés.<br> <br> 14. En statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que la procédure de redressement avait pour origine des faits identiques à ceux ayant donné lieu à un jugement définitif de relaxe devenu irrévocable, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé le principe susvisé. <br> <br> Portée et conséquences de la cassation<br> <br> 15. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.<br> <br> 16. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. <br> <br> 17. La procédure de redressement ayant pour origine des faits identiques à ceux ayant donné lieu au jugement définitif de relaxe du 9 mai 2017 du tribunal correctionnel, il y a lieu de confirmer le jugement rendu le 28 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Paris ayant prononcé la décharge de l'imposition et de ses accessoires.<br> <br> PAR CES MOTIFS, la Cour :<br> <br> CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 décembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;<br> <br> DIT n'y avoir lieu à renvoi ;<br> <br> Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 28 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Paris ;<br> <br> Condamne le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel de Paris ; <br> <br> En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris et le condamne à payer à M. et Mme [J] la somme globale de 3 000 euros ;<br> <br> DIT n'y avoir lieu à renvoi ;<br> <br> Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;<br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze mars deux mille vingt-cinq.
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 12 mars 2025, 23-12.253, Publié au bulletin
IMPOTS ET TAXES - Redressement et vérifications (règles communes) - Redressement contradictoire - Commission départementale de conciliation - Saisine - Possibilité - Absence - Cas - Valeur du bien meuble dissimulé à l'administration fiscale,CHOSE JUGEE - Autorité du pénal sur le civil - Etendue - Détermination - Portée - Office du juge - Interdiction - Retenue d'un fait non établi par le juge pénal
2025-03-12
ECLI:FR:CCASS:2025:CO00139
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000051336080
ARRET
JURITEXT000051464426
CHAMBRE_COMMERCIALE
article 125 du code de procédure civile ; article R. 621-21 du code de commerce
JURI
Cour de cassation
Il résulte de l'article R. 621-21 du code de commerce que le recours contre l'ordonnance du juge-commissaire, statuant sur une contestation de la liste des créances prévues au I de l'article L. 622-17 en application de l'article R. 642-39 du même code, doit être porté devant le tribunal ayant ouvert la procédure collective et non devant la cour d'appel, seul le jugement rendu sur ce recours étant susceptible d'appel
Cassation sans renvoi
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br> COMM.<br> <br> FM<br> <br> <br> <br> COUR DE CASSATION<br> ______________________<br> <br> <br> Audience publique du 26 mars 2025<br> <br> <br> <br> <br> Cassation sans renvoi<br> <br> <br> Mme SCHMIDT, <br> conseiller doyen faisant fonction de président<br> <br> <br> <br> Arrêt n° 153 FS-B<br> <br> Pourvoi n° T 23-21.958 <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E <br> <br> _________________________<br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 26 MARS 2025<br> <br> La société [T] &amp;amp; associés, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], en la personne de M. [P] [T], agissant en qualité de liquidateur de la société L. [V], a formé le pourvoi n° T 23-21.958 contre l'arrêt rendu le 30 août 2023 par la cour d'appel de Colmar (1re chambre civile, section A), dans le litige l'opposant :<br> <br> 1°/ à l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales d'Alsace (URSSAF), dont le siège est [Adresse 2],<br> <br> 2°/ à l'association AGEA-AGS Nord-Est, dont le siège est [Adresse 6],<br> <br> 3°/ au procureur général près la cour d'appel de Colmar, domiclié en son parquet général [Adresse 5],<br> <br> 4°/ à la société L. [V], société par actions simplifiée, dont le siège est chez M. [V] [N], [Adresse 4], anciennement au [Adresse 3],<br> <br> défendeurs à la cassation.<br> <br> La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.<br> <br> Le dossier a été communiqué au procureur général.<br> <br> Sur le rapport de Mme Coricon, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boucard-Capron-Maman, avocat de la société [T] &amp;amp; associés, ès qualités, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF d'Alsace, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 4 février 2025 où étaient présents Mme Schmidt, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Coricon, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guillou, conseiller faisant fonction de doyen, MM. Bedouet, Calloch, Chazalette, Mme Gouarin, M. Gauthier, conseillers, Mmes Brahic-Lambrey, Champ, M. Boutié, Mme Buquant, conseillers référendaires, Mme Guinamant, avocat général référendaire, et Mme Sezer, greffier de chambre,<br> <br> la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; <br> <br> Faits et procédure <br> <br> 1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 30 août 2023), les 3 mars et 16 octobre 2020, la société L. [V] a été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la société [T] &amp;amp; Associés étant désignée liquidateur. <br> <br> 2. Le 4 novembre 2020, l'URSSAF d'Alsace a informé le liquidateur de l'existence d'une créance de cotisations impayées de mars à octobre 2020, et, le 20 mai 2021, lui a communiqué le montant définitif de cette créance.<br> <br> 3. Le 6 décembre 2021, le liquidateur lui a répondu que les cotisations au titre du mois d'octobre 2020 ayant été réglées, leur montant sera retranché de la somme à inscrire sur la liste des créances mentionnées au I de l'article L. 641-13 du code de commerce. Cette liste a été déposée au greffe le 7 janvier 2022 et ce dépôt a été publié au Bulletin d'annonces civiles et commerciales le 31 janvier suivant.<br> <br> 4. L'URSSAF d'Alsace l'a contestée devant le juge-commissaire.<br> <br> Examen des moyens<br> <br> Sur le moyen relevé d'office<br> <br> 5. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code. <br> <br> Vu les articles 125 du code de procédure civile et R. 621-21 du code de commerce :<br> <br> 6. En l'absence de disposition particulière contraire, il se déduit du second de ces textes que le recours contre l'ordonnance du juge-commissaire, statuant sur une contestation de la liste des créances prévues au I de l'article L. 622-17 du code de commerce en application de l'article R. 642-39 du même code, doit être porté devant le tribunal ayant ouvert la procédure collective et non devant la cour d'appel, seul le jugement rendu sur ce recours étant susceptible d'appel.<br> <br> 7. La cour d'appel, saisie du recours formé par l'URSSAF d'Alsace contre une ordonnance du juge-commissaire ayant rejeté sa contestation de la liste des créances mentionnées au I de l'article L. 641-13 du même code, a infirmé l'ordonnance et inscrit le montant de la créance tel que demandé par l'URSSAF d'Alsace. <br> <br> 8. En statuant ainsi, alors que la voie de l'appel n'était pas ouverte à l'encontre de cette ordonnance, la cour d'appel, à laquelle il incombait de relever, au besoin d'office, cette fin de non-recevoir, a violé les textes susvisés.<br> <br> Portée et conséquences de la cassation <br> <br> 9. Tel que suggéré par le liquidateur, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.<br> <br> 10. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond.<br> <br> PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre moyen du pourvoi, la Cour :<br> <br> CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 août 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;<br> <br> DIT n'y avoir lieu à renvoi ;<br> <br> Déclare l'appel interjeté par l'URSSAF d'Alsace irrecevable ;<br> <br> Condamne l'URSSAF d'Alsace aux dépens ; <br> <br> En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'URSSAF d'Alsace et la condamne à payer à la société [T] &amp;amp; associés, en qualité de liquidateur de la société L. [V], la somme de 3 000 euros ;<br> <br> Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;<br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mars deux mille vingt-cinq.
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 26 mars 2025, 23-21.958, Publié au bulletin
ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005) - Procédure (dispositions générales) - Voies de recours - Appel (non) - Liquidation judiciaire - Juge-commissaire - Ordonnance - Recours - Tribunal ayant ouvert la procédure collective - Compétence - Ordonnance statuant sur la liste des créances postérieures privilégiées - Contestation - Cas
2025-03-26
ECLI:FR:CCASS:2025:CO00153
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000051464426
ARRET
JURITEXT000051464727
CHAMBRE_COMMERCIALE
article 2291, alinéa 2, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021
JURI
Cour de cassation
La sous-caution ne garantit pas la dette du débiteur principal envers le créancier, mais la dette de remboursement du débiteur principal envers la caution qui a payé à sa place le créancier. Il en résulte que la caution, qui n'est pas le dispensateur de crédit, n'est tenue d'aucun devoir de mise en garde à l'égard de la sous-caution sur le risque de l'endettement né de l'octroi du prêt garanti, lequel résulte de l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur.
Rejet
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br>COMM.<br> <br> MB<br> <br> <br> <br> COUR DE CASSATION<br> ______________________<br> <br> <br> Audience publique du 2 avril 2025<br> <br> <br> <br> <br> Rejet<br> <br> <br> M. PONSOT, conseiller doyen faisant fonction de président<br> <br> <br> <br> Arrêt n° 185 F-B<br> <br> Pourvoi n° B 23-22.311 <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E <br> <br> _________________________<br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 2 AVRIL 2025<br> <br> M. [R] [F], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° B 23-22.311 contre l'arrêt rendu le 13 septembre 2023 par la cour d'appel de Colmar (1re chambre civile, section A), dans le litige l'opposant à la société Kronenbourg, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.<br> <br> Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.<br> <br> Le dossier a été communiqué au procureur général.<br> <br> Sur le rapport de Mme Graff-Daudret, conseiller, les observations de la SAS Boucard-Capron-Maman, avocat de M. [F], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Kronenbourg, et l'avis de M. Bonthoux, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 février 2025 où étaient présents M. Ponsot, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Graff-Daudret, conseiller rapporteur, Mme Ducloz, conseiller, et M. Doyen, greffier de chambre,<br> <br> la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.<br> <br> Faits et procédure <br> <br> 1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 13 septembre 2023), par un acte authentique du 15 mars 2012, la société CIC Est (la banque) a consenti à la société Capeve 2 (la société) un prêt garanti par le cautionnement de la société Kronenbourg, au profit de laquelle M. [F] s'est lui-même rendu caution.<br> <br> 2. La société s'étant montrée défaillante, la banque a demandé le paiement des sommes qui lui étaient dues à la société Kronenbourg, laquelle a honoré son engagement de caution puis a diligenté des mesures d'exécution contre M. [F]. <br> <br> 3. M. [F] a assigné la société Kronenbourg en paiement de dommages et intérêts, pour défaut de mise en garde. <br> <br> Examen du moyen<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 4. M. [F] fait grief à l'arrêt de rejeter ses prétentions relatives à l'engagement de la responsabilité de la société Kronenbourg pour défaut de mise en garde et à son indemnisation à hauteur de 90 000 euros pour la perte de chance de ne pas contracter, alors :<br> <br> « 1°/ que la caution professionnelle est tenue d'un devoir de mise en garde au profit de la sous-caution non avertie ; que pour rejeter les demandes de M. [F] du chef de la violation de son devoir de mise en garde par la société Kronenbourg, la cour d'appel a dit, par motifs propres, que la société Kronenbourg n'est pas un établissement de crédit et, par motifs éventuellement adoptés, que la caution n'est pas tenue d'un devoir de mise en garde car n'étant pas prêteur et que les obligations du prêteur ne sauraient lui être transférées ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;<br> <br> 2°/ que la caution professionnelle est tenue d'un devoir de mise en garde à l'égard de la sous-caution non avertie s'il existe un risque d'endettement excessif né de l'octroi du prêt garanti, lequel risque résulte de l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur ; qu'au cas présent, la société Kronenbourg s'est portée caution auprès du CIC Est du remboursement d'un prêt de 125 600 euros souscrit par la société Capeve 2 et M. [F] s'est porté sous-caution au profit de la société Kronenbourg ; que pour rejeter les demandes de M. [F] du chef de la violation de son devoir de mise en garde par la société Kronenbourg, la cour d'appel a dit que M. [F] se bornait à faire valoir que la société Capeve 2 avait acquis un fonds de commerce aux fins d'exploiter un débit de boissons pour un montant de 320 000 euros laissant paraître un chiffre d'affaires annuel de 300 000 euros seulement sans alléguer plus avant l'existence d'un tel risque d'endettement du débiteur principal ou de la sous-caution, que les éléments versés aux débats ne permettent en tout état de cause pas d'établir" ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, à elle seule, la souscription d'un prêt de 125 600 euros par une société dont le chiffre d'affaires annuel était de 300 000 euros n'emportait pas un risque d'endettement excessif car représentant plus de la moitié de ce chiffre d'affaires annuel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »<br> <br> Réponse de la Cour <br> <br> 5. Aux termes de l'article 2291, alinéa 2, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, on peut aussi se rendre caution, non seulement du débiteur principal, mais encore de celui qui l'a cautionné.<br> <br> 6. La sous-caution ne garantit pas la dette du débiteur principal envers le créancier, mais la dette de remboursement du débiteur principal envers la caution qui a payé à sa place le créancier. <br> <br> 7. Il en résulte que la caution, qui n'est pas le dispensateur de crédit, n'est tenue d'aucun devoir de mise en garde à l'égard de la sous-caution sur le risque de l'endettement né de l'octroi du prêt garanti, lequel résulte de l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur.<br> <br> 8. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé. <br> <br> PAR CES MOTIFS, la Cour :<br> <br> REJETTE le pourvoi ;<br> <br> Condamne M. [F] aux dépens ;<br> <br> En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [F] et le condamne à payer à la société Kronenbourg la somme de 3 000 euros ;<br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du deux avril deux mille vingt-cinq.
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 2 avril 2025, 23-22.311, Publié au bulletin
CAUTIONNEMENT - Caution - Responsabilité de la caution envers la sous-caution - Risque de l'endettement né de l'octroi du prêt garanti - Objet - Devoir de mise en garde - Absence
2025-04-02
ECLI:FR:CCASS:2025:CO00185
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000051464727
ARRET
JURITEXT000051464735
CHAMBRE_COMMERCIALE
articles 640 et 642, alinéa 2, du code procédure civile
JURI
Cour de cassation
Il résulte des articles 640 et 642, alinéa 2, du code procédure civile qu'en prévoyant une date avant laquelle son ordonnance autorisant des opérations de visites et de saisies, prise sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédure fiscales, doit être exécutée sous peine de caducité, le juge des libertés et de la détention fixe, pour un acte qu'il ordonne, le délai avant l'expiration duquel celui-ci doit être accompli, et que ce délai, s'il expire normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant. C'est dès lors à bon droit que le premier président a retenu que le juge des libertés et de la détention a pu, par une ordonnance non frappée de caducité, le 13 juin 2022, prolonger au 30 juin suivant les effets de son ordonnance du 13 mai 2022, de sorte que les opérations de visite et de saisie ont pu être exécutées le 14 juin 2022.
Rejet
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br>COMM.<br> <br> SH<br> <br> <br> <br> COUR DE CASSATION<br> ______________________<br> <br> <br> Audience publique du 2 avril 2025<br> <br> <br> <br> <br> Rejet<br> <br> <br> M. PONSOT, conseiller doyen <br> faisant fonction de président<br> <br> <br> <br> Arrêt n° 199 F-B<br> <br> Pourvoi n° N 23-15.214 <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E <br> <br> _________________________<br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 2 AVRIL 2025<br> <br> La société Thiolat développement, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], [Localité 6] (Luxembourg), a formé le pourvoi n° N 23-15.214 contre l'ordonnance rendue le 19 avril 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 15), dans le litige l'opposant au directeur général des finances publiques, domicilié [Adresse 4], [Localité 5], représenté par l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction nationale des enquêtes fiscales, défendeur à la cassation.<br> <br> La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.<br> <br> Le dossier a été communiqué au procureur général.<br> <br> Sur le rapport de M. Maigret, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la société Thiolat développement, de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur général des finances publiques, représenté par l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction nationale des enquêtes fiscales, débats en l'audience publique du 11 février 2025 où étaient présents M. Ponsot, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Maigret, conseiller référendaire rapporteur, Mme Graff-Daudret, conseiller, et M. Doyen, greffier de chambre,<br> <br> la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.<br> <br> Faits et procédure <br> <br> 1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 19 avril 2023), un juge des libertés et de la détention a rendu, le 13 mai 2022, sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, une ordonnance autorisant des opérations de visite et saisie dans les locaux et dépendances sis [Adresse 2] à [Localité 7], susceptibles d'être occupés par la société de droit luxembourgeois Thiolat développement, en vue de rechercher la preuve d'une fraude fiscale de cette société au regard de l'impôt sur les bénéfices et de la taxe sur le chiffre d'affaires, ainsi que des infractions d'achats ou ventes sans factures et d'omissions d'écritures comptables ou de passations d'écritures comptables inexactes ou fictives. <br> <br> 2. Le juge des libertés a précisé, dans son ordonnance, que celle-ci sera réputée caduque si elle n'est pas exécutée avant le 13 juin 2022.<br> <br> 3. Le 13 juin 2022, le juge des libertés et de la détention a rendu une ordonnance dans laquelle il a prolongé l'effet de l'ordonnance délivrée le 13 mai 2022, du 13 mai au 30 juin 2022, et les opérations de visite et de saisie se sont déroulées le 14 juin 2022.<br> <br> 4. La société Thiolat développement a interjeté appel des deux ordonnances du juge des libertés et de la détention rendues les 13 mai et 13 juin 2022. <br> <br> Examen du moyen<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 5. La société Thiolat développement fait grief à l'ordonnance de confirmer et déclarer régulières les ordonnances rendues par le juge des libertés et de la détention les 13 mai et 13 juin 2022, déclarer régulières les opérations de visite et de saisie réalisées au [Adresse 1] à [Localité 7] le 14 juin 2022, et de rejeter toutes autres demandes, alors :<br> <br> « 1°/ que la société Thiolat développement faisait valoir que l'ordonnance du 13 mai 2022, qui n'autorise "qu'une visite unique des lieux désignés sera réputée caduque si elle n'est pas exécutée avant le 13 juin 2022", a fixé ainsi une date de caducité, qui expirait le 12 à 24 h 00, qu'à cette date, faute d'exécution de la visite unique des lieux autorisés par le juge des libertés et de la détention l'ordonnance était caduque, ce dont il s'évinçait que la demande de prorogation faite le 13 juin 2022 n'était pas recevable ; qu'ayant relevé que le JLD a prévu dans son ordonnance du 13 mai 2022 que celle-ci devait être exécutée avant le 13 juin 2022 puis retenu que le fait de déclarer l'ordonnance caduque à l'expiration du délai n'exclut pas l'application des articles 640 à 642 du code de procédure civile concernant la computation des délais, que l'article 642 alinéa 2 prévoit que lorsqu'un délai expire un samedi, un dimanche ou en jour férié, il est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable, qu'il résulte d'une jurisprudence constante que la règle formulée par l'alinéa 2 s'applique à la notification de tous actes juridiques et judiciaires, quelle que soit la qualification du délai, pour en déduire que l'article susvisé s'applique à l'ordonnance du JLD qui est une décision judiciaire et qui ne relève pas d'une procédure administrative comme le prétend la partie appelante, quand la mesure de visite et de saisie devait être exécutée avant la date ultime fixée par le JLD, laquelle excluait de ce fait toute prorogation, et non un délai au terme duquel l'ordonnance deviendrait caduque, la conseillère délégataire du premier président a violé l'article 642 alinéa 2 du code de procédure civile ; <br> <br> 2°/ que la société Thiolat développement faisait valoir que l'ordonnance du 13 mai 2022, qui n'autorise "qu'une visite unique des lieux désignés sera réputée caduque si elle n'est pas exécutée avant le 13 juin 2022", a fixé ainsi une date de caducité, qui expirait le 12 à 24 h 00, qu'à cette date, faute d'exécution de la visite unique des lieux autorisés par le juge des libertés et de la détention l'ordonnance était caduque, ce dont il s'évinçait que la demande de prorogation faite le 13 juin 2022 n'était pas recevable ; qu'ayant relevé que le JLD a prévu dans son ordonnance du 13 mai 2022 que celle-ci devait être exécutée avant le 13 juin 2022 puis retenu que le fait de déclarer l'ordonnance caduque à l'expiration du délai n'exclut pas l'application des articles 640 à 642 du code de procédure civile concernant la computation des délais, que l'article 642 alinéa 2 prévoit que lorsqu'un délai expire un samedi, un dimanche ou en jour férié, il est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable, qu'il résulte d'une jurisprudence constante que la règle formulée par l'alinéa 2 s'applique à la notification de tous actes juridiques et judiciaires, quelle que soit la qualification du délai, pour en déduire que l'article susvisé s'applique à l'ordonnance du JLD qui est une décision judiciaire et qui ne relève pas d'une procédure administrative comme le prétend la partie appelante quand ladite ordonnance se contentait de fixer une date d'exécution de la mesure autorisée, ce qui ne constituait pas une notification d'un acte ou d'une décision judiciaire et n'en imposait aucune, la conseillère délégataire du premier président de la cour d'appel de Paris qui se prononce par des motifs inopérants a violé l'article 642, alinéa 2, du code de procédure civile ; <br> <br> 3°/ que la cassation de l'arrêt sur les deux premières branches entraînera la cassation de l'arrêt en ce qu'il a décidé par voie de conséquence que l'ordonnance de prorogation du 13 juin 2022 est régulière ainsi que les opérations de visite et de saisie par application de l'article 624 du code de procédure civile. »<br> <br> Réponse de la Cour <br> <br> 6. Aux termes de l'article 640 du code de procédure civile, lorsqu'un acte ou une formalité doit être accompli avant l'expiration d'un délai, celui-ci a pour origine la date de l'acte, de l'événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir.<br> <br> 7. Aux termes de l'article 642, alinéa 2, du même code, le délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant.<br> <br> 8. Il en résulte qu'en prévoyant une date avant laquelle son ordonnance autorisant des opérations de visites et de saisies, prise sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédure fiscales, doit être exécutée sous peine de caducité, le juge des libertés et de la détention fixe, pour un acte qu'il ordonne, le délai avant l'expiration duquel celui-ci doit être accompli, et que ce dernier, conformément à l'article 642, alinéa 2, du code de procédure civile, s'il expire normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant.<br> <br> 9. C'est dès lors à bon droit que le premier président a retenu que le juge des libertés et de la détention a pu, par une ordonnance non frappée de caducité, le 13 juin 2022, prolonger au 30 juin suivant les effets de son ordonnance du 13 mai 2022, de sorte que les opérations de visite et de saisie ont pu être exécutées le 14 juin 2022.<br> <br> 10. Le moyen, qui en sa deuxième branche, critique des motifs surabondants, et, en sa troisième branche, est sans objet, n'est donc pas fondé. <br> <br> PAR CES MOTIFS, la Cour :<br> <br> REJETTE le pourvoi ;<br> <br> Condamne la société Thiolat développement aux dépens ;<br> <br> En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Thiolat développement et la condamne à payer au directeur général des finances publiques, représenté par l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction nationale des enquêtes fiscales, la somme de 3 000 euros ;<br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du deux avril deux mille vingt-cinq.
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 2 avril 2025, 23-15.214, Publié au bulletin
IMPOTS ET TAXES - Visites domiciliaires - Article L. 16 B du livre des procédures fiscales - Ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention - Opérations de visite et de saisie - Délai d'exécution prévu par le juge - Computation - Jour de l'échéance - Jour férié ou chômé - Effet,IMPOTS ET TAXES - Visites domiciliaires - Article L. 16 B du livre des procédures fiscales - Ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention - Effets - Prolongation - Possibilité (oui) - Délai d'accomplissement de l'acte ordonné par le juge des libertés et de la détention - Expiration un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé DELAIS - Computation - Acte à accomplir avant l'expiration d'un délai - Article 642 du code de procédure civile - Application
2025-04-02
ECLI:FR:CCASS:2025:CO00199
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000051464735
ARRET
JURITEXT000051464920
CHAMBRE_COMMERCIALE
null
JURI
Cour de cassation
null
Cassation partielle
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br>COMM.<br> <br> HM<br> <br> <br> <br> COUR DE CASSATION<br> ______________________<br> <br> <br> Audience publique du 9 avril 2025<br> <br> <br> <br> <br> Cassation partielle<br> <br> <br> M. MOLLARD, conseiller doyen <br> faisant fonction de président<br> <br> <br> <br> Arrêt n° 202 FS-B<br> <br> Pourvoi n° W 23-22.122 <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E <br> <br> _________________________<br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 AVRIL 2025<br> <br> La société Uber France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 103], a formé le pourvoi n° W 23-22.122 contre l'arrêt rendu le 4 octobre 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 4), dans le litige l'opposant :<br> <br> 1°/ à M. [OB] [U], domicilié [Adresse 77],<br> <br> 2°/ à M. [CW] [J], domicilié [Adresse 81],<br> <br> 3°/ à M. [JD] [A], domicilié [Adresse 17],<br> <br> 4°/ à M. [DN] [X], domicilié [Adresse 98],<br> <br> 5°/ à M. [GB] [S], domicilié [Adresse 90],<br> <br> 6°/ à M. [RB] [W], domicilié [Adresse 83],<br> <br> 7°/ à M. [BP] [V], domicilié [Adresse 125],<br> <br> 8°/ à M. [FH] [XO] [SJ], domicilié [Adresse 49],<br> <br> 9°/ à M. [YE] [FI], domicilié [Adresse 29],<br> <br> 10°/ à M. [AR] [YP], domicilié [Adresse 48],<br> <br> 11°/ à M. [E] [OW] [UP], domicilié [Adresse 64],<br> <br> 12°/ à M. [EJ] [LO] [IC], domicilié [Adresse 34],<br> <br> 13°/ à M. [GJ] [CI], domicilié [Adresse 57],<br> <br> 14°/ à M. [HV] [NC], domicilié [Adresse 86],<br> <br> 15°/ à M. [HV] [KC], domicilié [Adresse 61],<br> <br> 16°/ à M. [DH] [HC], domicilié [Adresse 91],<br> <br> 17°/ à M. [VP] [NW], domicilié [Adresse 55],<br> <br> 18°/ à M. [HH] [NW], domicilié [Adresse 58],<br> <br> 19°/ à M. [B] [BO], domicilié [Adresse 50],<br> <br> 20°/ à M. [UX] [HI], domicilié [Adresse 102],<br> <br> 21°/ à M. [JW] [MW], domicilié [Adresse 133],<br> <br> 22°/ à M. [XI] [MC], domicilié [Adresse 112],<br> <br> 23°/ à M. [GB] [GC] [GD],<br> <br> 24°/ à M. [UV] [GC] [GD],<br> <br> tous deux domiciliés [Adresse 138],<br> <br> 25°/ à M. [YI] [BD], domicilié [Adresse 143],<br> <br> 26°/ à M. [L] [WP], domicilié [Adresse 6],<br> <br> 27°/ à M. [WK] [PP], domicilié [Adresse 145],<br> <br> 28°/ à M. [JP] [SW], domicilié [Adresse 16],<br> <br> 29°/ à M. [UO] [XJ], domicilié [Adresse 128],<br> <br> 30°/ à M. [CZ] [FC], domicilié [Adresse 107],<br> <br> 31°/ à M. [GP] [SC], domicilié [Adresse 84],<br> <br> 32°/ à M. [ZJ] [OC], domicilié [Adresse 67],<br> <br> 33°/ à M. [KV] [AI], domicilié [Adresse 120],<br> <br> 34°/ à M. [BB] [DO], domicilié [Adresse 117],<br> <br> 35°/ à M. [WO] [EC], domicilié [Adresse 130],<br> <br> 36°/ à M. [AH] [II], domicilié [Adresse 12],<br> <br> 37°/ à M. [OW] [UW], domicilié [Adresse 1],<br> <br> 38°/ à M. [PW] [VI] [VJ], domicilié [Adresse 119],<br> <br> 39°/ à M. [UC] [WD], domicilié [Adresse 96],<br> <br> 40°/ à M. [TI] [YJ], domicilié [Adresse 148],<br> <br> 41°/ à M. [WR] [EO], domicilié [Adresse 69],<br> <br> 42°/ à M. [LW] [IW], domicilié [Adresse 99],<br> <br> 43°/ à M. [RP] [RC], domicilié [Adresse 11],<br> <br> 44°/ à M. [LD] [ZD], domicilié [Adresse 71],<br> <br> 45°/ à M. [O] [LP], domicilié [Adresse 44],<br> <br> 46°/ à Mme [MO] [KI], domiciliée [Adresse 72],<br> <br> 47°/ à M. [XW] [TJ], domicilié [Adresse 129],<br> <br> 48°/ à M. [E] [MP], domicilié [Adresse 127],<br> <br> 49°/ à M. [UJ] [VW], domicilié chez M. [XX] [Adresse 89],<br> <br> 50°/ à M. [IV] [GW] [HW], domicilié [Adresse 20],<br> <br> 51°/ à M. [CG] [YD], domicilié [Adresse 101],<br> <br> 52°/ à M. [SD] [NI], domicilié [Adresse 9],<br> <br> 53°/ à M. [CW] [YX], domicilié [Adresse 5],<br> <br> 54°/ à M. [IO] [BN], domicilié [Adresse 92],<br> <br> 55°/ à M. [GB] [AZ], domicilié [Adresse 109],<br> <br> 56°/ à M. [GJ] [KO], domicilié [Adresse 146],<br> <br> 57°/ à M. [VK] [AU], domicilié [Adresse 115],<br> <br> 58°/ à M. [AG] [NJ], domicilié [Adresse 88],<br> <br> 59°/ à M. [AB] [YC] [DJ], domicilié [Adresse 13],<br> <br> 60°/ à M. [JX] [VX], domicilié [Adresse 137],<br> <br> 61°/ à M. [YK] [AK], domicilié [Adresse 30],<br> <br> 62°/ à M. [IP] [HP], domicilié [Adresse 79],<br> <br> 63°/ à M. [BS] [PD], domicilié [Adresse 74],<br> <br> 64°/ à M. [WO] [KJ], domicilié [Adresse 7],<br> <br> 65°/ à M. [H] [FP], domicilié [Adresse 3],<br> <br> 66°/ à M. [KP] [ND], domicilié [Adresse 26],<br> <br> 67°/ à M. [SI] [RX], domicilié [Adresse 108],<br> <br> 68°/ à M. [IJ] [RO], domicilié [Adresse 111],<br> <br> 69°/ à M. [PX] [BE], domicilié [Adresse 122],<br> <br> 70°/ à M. [KV] [DP], domicilié [Adresse 121],<br> <br> 71°/ à M. [YW] [CE], domicilié [Adresse 65],<br> <br> 72°/ à M. [EV] [UI], domicilié [Adresse 104],<br> <br> 73°/ à M. [GB] [LV], domicilié [Adresse 94],<br> <br> 74°/ à M. [VR] [CP], domicilié [Adresse 35],<br> <br> 75°/ à M. [WX] [MD], domicilié [Adresse 139],<br> <br> 76°/ à M. [PI] [TX], domicilié [Adresse 73],<br> <br> 77°/ à M. [YR] [DE], domicilié [Adresse 141],<br> <br> 78°/ à Mme [SK] [HJ], domiciliée [Adresse 64],<br> <br> 79°/ à M. [GV] [VO], domicilié [Adresse 24],<br> <br> 80°/ à M. [LC] [SO], domicilié [Adresse 19],<br> <br> 81°/ à M. [RD] [XR] [TC], domicilié [Adresse 136],<br> <br> 82°/ à M. [RD] [IB], domicilié [Adresse 60],<br> <br> 83°/ à M. [NV] [OX], domicilié [Adresse 51],<br> <br> 84°/ à M. [C] [TO], domicilié [Adresse 118],<br> <br> 85°/ à M. [AF] [EH], domicilié [Adresse 38],<br> <br> 86°/ à M. [JV] [JB], domicilié [Adresse 97],<br> <br> 87°/ à M. [GB] [TR] [YO], domicilié [Adresse 113],<br> <br> 88°/ à M. [SD] [RR], domicilié [Adresse 46],<br> <br> 89°/ à M. [TD] [UR] [SR], domicilié [Adresse 45],<br> <br> 90°/ à M. [UV] [ID], domicilié [Adresse 140],<br> <br> 91°/ à M. [IJ] [RV], domicilié [Adresse 56],<br> <br> 92°/ à M. [RI] [GH], domicilié [Adresse 15],<br> <br> 93°/ à M. [D] [HD], domicilié [Adresse 100],<br> <br> 94°/ à M. [JO] [HD], domicilié [Adresse 76],<br> <br> 95°/ à M. [K] [KX], domicilié [Adresse 43],<br> <br> 96°/ à M. [HB] [NX], domicilié [Adresse 54],<br> <br> 97°/ à M. [KB] [LB], domicilié [Adresse 10],<br> <br> 98°/ à M. [NP] [FO], domicilié [Adresse 106],<br> <br> 99°/ à M. [IH] [LX], domicilié [Adresse 63],<br> <br> 100°/ à M. [GV] [DG], domicilié [Adresse 87],<br> <br> 101°/ à M. [YE] [BC], domicilié [Adresse 52],<br> <br> 102°/ à M. [JJ] [VV], domicilié [Adresse 36],<br> <br> 103°/ à M. [OP] [XK], domicilié [Adresse 134],<br> <br> 104°/ à M. [EW] [FD], domicilié [Adresse 31],<br> <br> 105°/ à M. [LJ] [MV], domicilié [Adresse 62],<br> <br> 106°/ à M. [MB] [P], domicilié [Adresse 78],<br> <br> 107°/ à M. [UD] [T], domicilié [Adresse 53],<br> <br> 108°/ à M. [CW] [Y], domicilié [Adresse 114],<br> <br> 109°/ à M. [SI] [TP], domicilié [Adresse 75],<br> <br> 110°/ à M. [F] [AT], domicilié [Adresse 14],<br> <br> 111°/ à M. [FV] [DI], domicilié [Adresse 131],<br> <br> 112°/ à Mme [EI] [PV] [AL], domiciliée [Adresse 37],<br> <br> 113°/ à M. [XC] [CV], domicilié [Adresse 8],<br> <br> 114°/ à M. [MX] [TW], domicilié [Adresse 18],<br> <br> 115°/ à M. [ZC] [GI] [FJ], domicilié [Adresse 135],<br> <br> 116°/ à M. [N] [ZP], domicilié [Adresse 116],<br> <br> 117°/ à M. [AM] [WW], domicilié [Adresse 42],<br> <br> 118°/ à M. [H] [PC], domicilié [Adresse 110],<br> <br> 119°/ à M. [BP] [PC], domicilié [Adresse 23],<br> <br> 120°/ à M. [RJ] [XD], domicilié [Adresse 124],<br> <br> 121°/ à M. [PI] [XW] [LI], domicilié [Adresse 70],<br> <br> 122°/ à M. [ED] [VC], domicilié [Adresse 126],<br> <br> 123°/ à M. [BB] [BV], domicilié [Adresse 21],<br> <br> 124°/ à M. [WX] [DV], domicilié [Adresse 82],<br> <br> 125°/ à M. [XP] [BZ], domicilié [Adresse 132],<br> <br> 126°/ à M. [FW] [ZW], domicilié [Adresse 25],<br> <br> 127°/ à M. [RD] [PJ], domicilié [Adresse 147],<br> <br> 128°/ à M. [Z] [MJ], domicilié [Adresse 105],<br> <br> 129°/ à M. [VI] [OJ], domicilié [Adresse 68],<br> <br> 130°/ à M. [JC] [OJ], domicilié [Adresse 33],<br> <br> 131°/ à Mme [EP] [DW], épouse [OO], domiciliée [Adresse 66],<br> <br> 132°/ à M. [AY] [EB], domicilié [Adresse 32],<br> <br> 133°/ à M. [XC] [OD], domicilié [Adresse 95],<br> <br> 134°/ à M. [GB] [PO], domicilié [Adresse 39],<br> <br> 135°/ à M. [CN] [KD], domicilié [Adresse 85],<br> <br> 136°/ à M. [DH] [WI], domicilié [Adresse 93],<br> <br> 137°/ à M. [ZR] [OV], domicilié [Adresse 80],<br> <br> 138°/ à M. [HO] [KH], domicilié [Adresse 27],<br> <br> 139°/ à M. [WC] [G], domicilié [Adresse 28],<br> <br> 140°/ à M. [I] [SP], domicilié [Adresse 144],<br> <br> 141°/ à M. [ZI] [WJ], domicilié [Adresse 4],<br> <br> 142°/ à M. [OI] [KW], domicilié [Adresse 123],<br> <br> 143°/ à M. [NR] [JI], domicilié [Adresse 2],<br> <br> 144°/ à M. [SV] [GO], domicilié [Adresse 142],<br> <br> 145°/ à M. [R] [ZX], domicilié [Adresse 41],<br> <br> 146°/ à M. [BP] [NO], domicilié [Adresse 47],<br> <br> 147°/ à M. [PR] [AJ], domicilié [Adresse 59],<br> <br> 148°/ à M. [VD] [SX] [MI], domicilié [Adresse 40],<br> <br> 149°/ à M. [ZK] [FB], domicilié [Adresse 22],<br> <br> défendeurs à la cassation.<br> <br> La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.<br> <br> Le dossier a été communiqué au procureur général.<br> <br> Sur le rapport de Mme Bellino, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Uber France, de Me Soltner, avocat de MM. [U], [J], [A], [X], [S], [V], [SJ], [FI], [YP], [UP], [IC], [CI], [HC], [VP] [NW], [HH] [NW], [BO], [HI], [GB] [GC] [GD], [UV] [M] [CH] [GC] [GD], [SW], [XJ], [FC], [AI], [EC], [II], [UW], [VJ], [WD], [YJ], [EO], [IW], [RC], [ZD], [LP], [MP], [VW], [HW], [YD], [NI], [YX], [AZ], [KO], [NJ], [VX], [AK], [HP], [PD], [KJ], [FP], [ND], [RX], [RO], [BE], [DP], [CE], [LV], [CP], [DE], Mme [HJ], MM. [VO], [SO], [IB], [OX], [TO], [EH], [JB], [YO], [RV], [GH], [D] [HD], [JO] [HD], [KX], [NX], [LB], [FO], [LX], [DG], [BC], [FD], [MV], [P], [T], [TP], [DI], [RW], [GI] [FJ], [ZP], [H] [PC], [BP] [PC], [XD], [LI], [VC], [DV], [BZ], [ZW], [PJ], [MJ], [VI] [OJ], [JC] [OJ], Mme [DW], épouse [OO], MM. [EB], [PO], [OV], [KH], [SP], [KW], [JI], [GO], [ZX], [NO] et M. [SX] [MI], et l'avis de M. Douvreleur, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 février 2025 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bellino, conseiller référendaire rapporteur, Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller faisant fonction de doyen, Mmes Sabotier, Tréfigny, M. Gauthier, conseillers, M. Le Masne de Chermont, Mmes Comte, Bessaud, M. Regis, conseillers référendaires, M. Douvreleur, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre,<br> <br> la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.<br> <br> Faits et procédure <br> <br> 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 octobre 2023), de février 2014 à juillet 2015, la société Uber France a lancé, sous le nom d' « UberPop », un service consistant, grâce à une application mobile, à mettre en relation des particuliers entre eux, les uns, conducteurs, détenant un véhicule, les autres souhaitant être transportés.<br> <br> 2. Soutenant que cette application avait été lancée en violation des règles applicables au secteur réglementé du transport de particuliers à titre onéreux, des chauffeurs de taxi ont assigné la société Uber France aux fins d'engager sa responsabilité civile pour concurrence déloyale et obtenir la réparation de leur préjudice économique et moral.<br> <br> Examen des moyens<br> <br> Sur le second moyen, pris en sa première branche<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 3. La société Uber France fait grief à l'arrêt de la condamner à payer aux défendeurs au pourvoi les sommes telles qu'indiquées dans son dispositif à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice économique, alors que « la réparation intégrale d'un dommage oblige à placer celui qui l'a subi dans la situation où il se serait trouvé si le comportement dommageable n'avait pas eu lieu ; que le propre de la responsabilité civile ne peut donc être de placer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si, dans l'exercice de son activité économique, celle-ci avait elle-même recouru aux méthodes déloyales et illicites qu'elle reproche au défendeur d'avoir utilisées ; qu'il s'ensuit que, nonobstant les éventuelles difficultés de preuve ou de quantification des effets préjudiciables des pratiques consistant à s'affranchir d'une réglementation dont le respect a normalement un coût, leur réparation ne peut être fixée en prenant en considération l'avantage indu que se serait octroyé l'auteur des actes de concurrence déloyale, au détriment des demandeurs, modulé à proportion des volumes d'affaires respectifs des parties affectés par ces actes ; qu'en déterminant pourtant les dommages-intérêts dus par la société Uber France à 111 chauffeurs de taxi en réparation de leur préjudice économique au regard d'une telle méthode, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice, sans perte ni profit pour la victime ».<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> 4. Comme l'a jugé la chambre commerciale (Com., 12 février 2020, pourvoi n° 17-31.614, publié), si les effets préjudiciables de pratiques tendant à détourner ou s'approprier la clientèle ou à désorganiser l'entreprise du concurrent peuvent être assez aisément démontrés, en ce qu'elles induisent des conséquences économiques négatives pour la victime, soit un manque à gagner ou une perte subie, y compris sous l'angle d'une perte de chance, tel n'est pas le cas de ceux des pratiques consistant à parasiter les efforts et les investissements, intellectuels, matériels ou promotionnels, d'un concurrent, ou à s'affranchir d'une réglementation, dont le respect a nécessairement un coût, tous actes qui, en ce qu'ils permettent à l'auteur des pratiques de s'épargner une dépense en principe obligatoire, induisent un avantage concurrentiel indu dont les effets, en termes de trouble économique, sont difficiles à quantifier avec les éléments de preuve disponibles, sauf à engager des dépenses disproportionnées au regard des intérêts en jeu. Lorsque tel est le cas, il y a lieu d'admettre que la réparation du préjudice peut être évaluée en prenant en considération l'avantage indu que s'est octroyé l'auteur des actes de concurrence déloyale, au détriment de ses concurrents, modulé à proportion des volumes d'affaires respectifs des parties affectés par ces actes.<br> <br> 5. Par la modulation à proportion des volumes d'affaires respectifs des parties affectés par de tels actes, cette méthode d'évaluation des dommages et intérêts ne peut avoir pour effet d'aboutir à une évaluation des dommages et intérêts dûs à la victime qui excéderait l'avantage indu que s'est octroyé l'auteur de ces actes.<br> <br> 6. Elle vise à faciliter l'indemnisation effective des victimes de certains actes de concurrence déloyale ou parasitaire lorsqu'elles se heurtent à des difficultés de preuve de leur préjudice. <br> <br> 7. Il en résulte que cette méthode ne vise pas à placer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si elle avait recouru aux mêmes méthodes déloyales.<br> <br> 8. Le moyen, pris en sa première branche, n'est donc pas fondé.<br> Mais sur le second moyen, pris en ses deuxième et troisième branches<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 9. La société Uber France fait grief à l'arrêt de la condamner à payer aux défendeurs au pourvoi les sommes telles qu'indiquées dans son dispositif à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice économique, alors :<br> <br> « 2°/ que si les pratiques consistant à s'affranchir d'une réglementation dont le respect a un coût peuvent constituer des faits générateurs d'un trouble commercial, dont peut s'inférer un préjudice, fût-il seulement moral, une telle présomption de préjudice ne revêt de caractère irréfragable qu'à l'égard du préjudice moral que ces actes ont pu causer, le cas échéant, de sorte que toute réparation d'un préjudice économique doit être exclue si ces pratiques n'ont engendré ni perte ni gain manqué pour les demandeurs ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué constate successivement que le service UberPop attirait des personnes dont le profil était différent de celui des clients habituels de taxis et des conducteurs de VTC, que le développement des services Uber, dont UberPop, a contribué à élargir les perspectives de l'industrie du taxi, qui a connu une croissance du chiffre d'affaires total pour les entreprises de transport par taxis depuis 2007 et qui ne s'est pas infléchie pendant la période de mise en service d'UberPop, si bien que, pendant cette période, les chauffeurs de taxi artisans n'ont pas subi corrélativement de baisse de chiffres d'affaires par rapport aux périodes antérieure ou postérieure, ce que démontre l'analyse des bilans comptables de plusieurs chauffeurs de taxis, et enfin que les taxis étaient en toute hypothèse dans l'incapacité de satisfaire complètement la demande en raison du contingentement du nombre d'autorisations de stationnement et [des] modalités de tarification des courses ; que, pour décider néanmoins qu'il y avait lieu d'accorder aux chauffeurs de taxi une réparation de leur préjudice économique allégué, la cour d'appel énonce que la dynamisation de la concurrence dans un secteur d'activité ne peut reposer sur des pratiques illicites et que les pratiques de concurrence déloyale visant à développer en France le service UberPop en s'affranchissant de la réglementation ont eu pour conséquence de perturber le marché en plaçant le groupe Uber et les utilisateurs de ses services, conducteurs occasionnels ou chauffeurs professionnels, dans une situation anormalement favorable par rapport à leurs concurrents chauffeurs de taxi respectant la réglementation du transport de particuliers à titre onéreux ; qu'en se fondant sur de telles considérations, inopérantes dans le cadre d'un contentieux subjectif tendant à l'exercice des droits individuels à réparation, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui découlaient de ses propres constatations, desquelles s'évinçait l'absence de tout préjudice économique, a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;<br> <br> <br> <br> 3°/ que tout préjudice économique s'analyse en une perte subie, un gain manqué ou en la perte d'une chance d'éviter une perte ou de réaliser un gain ; que la méthode qui consiste, pour déterminer le montant des dommages et intérêts mis à la charge de l'auteur d'un acte de concurrence déloyale, à prendre en considération l'avantage indu que s'est octroyé celui-ci, modulé à proportion des volumes d'affaires respectifs des parties affectés par ces actes, à la supposer admissible dans son principe même, ne saurait s'appliquer qu'à des situations dans lesquelles les effets préjudiciables de tels actes, bien que certains, demeurent difficiles à quantifier avec les éléments de preuve disponibles, sauf à engager des dépenses disproportionnées au regard des intérêts en jeu ; que tel n'est pas le cas, lorsqu'il résulte des constatations mêmes des juges du fond que ces effets sont en réalité inexistants ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué constate successivement que le service UberPop attirait des personnes dont le profil était différent de celui des clients habituels de taxis et des VTC, que le développement des services Uber, dont UberPop, a contribué à élargir les perspectives de l'industrie du taxi, qui a connu une croissance du chiffre d'affaires total pour les entreprises de transport par taxis depuis 2007 et qui ne s'est pas infléchie pendant la période de mise en service d'UberPop, si bien que, pendant cette période, les chauffeurs de taxi artisans n'ont pas subi corrélativement de baisse de chiffres d'affaires par rapport aux périodes antérieure ou postérieure, ce que démontre l'analyse des bilans comptables de plusieurs chauffeurs de taxis ; que l'arrêt énonce, en outre, que l'impact du trouble commercial suscité par le service UberPop pouvait ne pas se traduire en un détournement de clientèle effectif ou significatif et en une baisse de chiffre d'affaires corrélative au cours de la période de mise en service UberPop, étant observé que les taxis étaient en toute hypothèse dans l'incapacité de satisfaire complètement la demande en raison du contingentement du nombre d'autorisations de stationnement et [des] modalités de tarification des courses, de sorte que ses effets préjudiciables ne sont pas nécessairement mesurables pour les chauffeurs de taxis artisan ou locataire gérant en un gain manqué et une perte subie sur la période de mise en service du service litigieux ; qu'en décidant néanmoins qu'il y avait lieu de réparer ces "effets préjudiciables", quand il ressortait de ses propres énonciations que ces effets préjudiciables étaient inexistants dès lors qu'elle était elle-même dans l'incapacité de caractériser l'existence d'un détournement de clientèle, d'une perte de recettes ou de la perte d'une opportunité de conquérir une clientèle que les demandeurs auraient été en <br> mesure de saisir, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui découlaient de ses propres constatations, en violation de l'article 1382, devenu 1240, du code civil. »<br> Réponse de la Cour <br> <br> Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil :<br> <br> 10. Ainsi qu'il a été rappelé au paragraphe 4, la Cour de cassation juge que, pour les pratiques consistant à parasiter les efforts et les investissements, intellectuels, matériels ou promotionnels, d'un concurrent, ou à s'affranchir d'une réglementation, dont le respect a nécessairement un coût, tous actes qui, en ce qu'ils permettent à l'auteur des pratiques de s'épargner une dépense en principe obligatoire, induisent un avantage concurrentiel indu dont les effets, en termes de trouble économique, sont difficiles à quantifier avec les éléments de preuve disponibles, sauf à engager des dépenses disproportionnées au regard des intérêts en jeu, il y a lieu d'admettre que la réparation du préjudice peut être évaluée en prenant en considération l'avantage indu que s'est octroyé l'auteur des actes de concurrence déloyale, au détriment de ses concurrents, modulé à proportion des volumes d'affaires respectifs des parties affectés par ces actes (Com., 12 février 2020, pourvoi n° 17-31.614, publié).<br> <br> 11. Lorsque l'auteur de la pratique déloyale rapporte la preuve que le concurrent n'a subi ni perte, ni gain manqué, ni perte de chance d'éviter une perte ou de réaliser un gain, il est seulement tenu de réparer un préjudice moral, lequel est irréfragablement présumé.<br> <br> 12. Pour condamner la société Uber France à payer aux défendeurs au pourvoi les sommes indiquées dans son dispositif à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice économique, l'arrêt constate que le service UberPop attirait des personnes au profil différent de celui des clients habituels des taxis et des VTC, que le développement des services Uber, dont UberPop, a contribué à élargir les perspectives de l'industrie du taxi, laquelle a connu une croissance de son chiffre d'affaires total depuis 2007, sans infléchissement pendant la période de mise en service d'UberPop, et que, pendant cette période, les chauffeurs de taxi artisans n'ont pas subi de baisse de chiffre d'affaires par rapport aux périodes antérieure et postérieure. Il retient que, néanmoins, la dynamisation de la concurrence dans un secteur d'activité ne peut reposer sur des pratiques illicites et que ces pratiques de concurrence déloyale visant à développer en France le service UberPop en s'affranchissant de la réglementation ont eu pour conséquence de perturber le marché en plaçant les chauffeurs utilisateurs de ses services dans une situation anormalement favorable par rapport à leurs concurrents chauffeurs de taxi respectant la réglementation du transport de particuliers à titre onéreux. Il relève que les pratiques illicites ont incontestablement créé un trouble commercial pour les chauffeurs de taxi. <br> 13. Il retient encore que l'impact de ce trouble commercial pouvait ne pas se traduire en un détournement de clientèle effectif ou significatif et en une baisse de chiffre d'affaires corrélative au cours de la période de mise en service du service UberPop et que les taxis étaient en toute hypothèse dans l'incapacité de satisfaire complètement la demande en raison du contingentement du nombre d'autorisations de stationnement et des modalités de tarification des courses. <br> <br> 14. Il ajoute que les effets préjudiciables pour les chauffeurs de taxis se sont traduits par une rupture d'égalité entre concurrents sur le marché du transport de particuliers à titre onéreux, permettant au groupe Uber, par l'intermédiaire de la société Uber France, de construire son modèle de développement économique à partir d'un avantage concurrentiel illicite en s'affranchissant de la réglementation.<br> <br> 15. L'arrêt en déduit qu'il y a lieu de réparer ces effets préjudiciables en prenant en considération l'avantage indu résultant de cette rupture d'égalité, à savoir l'économie de charges faite par un chauffeur UberPop en ne respectant pas la réglementation, modulé à proportion des volumes d'affaires respectifs des parties.<br> <br> 16. En statuant ainsi, par des motifs uniquement tirés de l'atteinte causée au marché, alors qu'il résultait de ses constatations qu'elle n'avait entraîné, pour les chauffeurs de taxis demandeurs, aucun préjudice économique autre qu'un préjudice moral intégrant l'atteinte à l'image, qu'elle réparait par ailleurs, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés.<br> <br> PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :<br> <br> CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Uber France à verser les sommes visées à son dispositif, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice économique, autre que le préjudice moral intégrant l'atteinte à l'image, de certains des demandeurs, l'arrêt rendu le 4 octobre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;<br> <br> Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;<br> <br> Condamne MM. [U], [J], [A], [X], [S], [V], [SJ], [FI], [YP], [UP], [IC], [CI], [HC], [VP] [NW], [HH] [NW], [BO], [HI], [GB] [GC] [GD], [UV] [M] [CH] [GC] [GD], [SW], [XJ], [FC], [AI], [EC], [II], [UW], [VJ], [WD], [YJ], [EO], [IW], [RC], [ZD], [LP], [MP], [VW], [HW], [YD], [NI], [YX], [AZ], [KO], [NJ], [VX], [AK], [HP], [PD], [KJ], [FP], [ND], [RX], [RO], [BE], [DP], [CE], [LV], [CP], [DE], Mme [HJ], MM. [VO], [SO], [IB], [OX], [TO], [EH], [JB], [YO], [RV], [GH], [D] [HD], [JO] [HD], [KX], [NX], [LB], [FO], [LX], [DG], [BC], [FD], [MV], [P], [T], [TP], [DI], [RW], [GI] [FJ], [ZP], [H] [PC], [BP] [PC], [XD], [LI], [VC], [DV], [BZ], [ZW], [PJ], [MJ], [VI] [OJ], [JC] [OJ], Mme [DW], épouse [OO], MM. [EB], [PO], [OV], [KH], [SP], [KW], [JI], [GO], [ZX], [NO] et M. [SX] [MI] aux dépens ; <br> <br> En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par MM. [U], [J], [A], [X], [S], [V], [SJ], [FI], [YP], [UP], [IC], [CI], [HC], [VP] [NW], [HH] [NW], [BO], [HI], [GB] [GC] [GD], [UV] [M] [CH] [GC] [GD], [SW], [XJ], [FC], [AI], [EC], [II], [UW], [VJ], [WD], [YJ], [EO], [IW], [RC], [ZD], [LP], [MP], [VW], [HW], [YD], [NI], [YX], [AZ], [KO], [NJ], [VX], [AK], [HP], [PD], [KJ], [FP], [ND], [RX], [RO], [BE], [DP], [CE], [LV], [CP], [DE], Mme [HJ], MM. [VO], [SO], [IB], [OX], [TO], [EH], [JB], [YO], [RV], [GH], [D] [HD], [JO] [HD], [KX], [NX], [LB], [FO], [LX], [DG], [BC], [FD], [MV], [P], [T], [TP], [DI], [RW], [GI] [FJ], [ZP], [H] [PC], [BP] [PC], [XD], [LI], [VC], [DV], [BZ], [ZW], [PJ], [MJ], [VI] [OJ], [JC] [OJ], Mme [DW], épouse [OO], MM. [EB], [PO], [OV], [KH], [SP], [KW], [JI], [GO], [ZX], [NO] et M. [SX] [MI] et les condamne in solidum à payer à la société Uber France la somme de 3 000 euros ;<br> <br> Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;<br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf avril deux mille vingt-cinq.
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 9 avril 2025, 23-22.122, Publié au bulletin
null
2025-04-09
ECLI:FR:CCASS:2025:CO00202
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000051464920
ARRET
JURITEXT000051464697
CHAMBRE_COMMERCIALE
Sur le numéro 1 : article 1705 du code général des impôts,Sur le numéro 2 : article 1705 du code général des impôts
JURI
Cour de cassation
Il résulte de l'article 1705 du code général des impôts que toutes les parties qui ont figuré dans un acte sont tenues solidairement envers l'administration des impôts du paiement des droits d'enregistrement auxquels cet acte est soumis. Il s'ensuit que l'administration fiscale peut choisir de notifier la proposition de rectification à l'un seulement des redevables solidaires de la dette fiscale, le respect de la procédure contradictoire et la loyauté des débats impliquant que seuls les actes de la procédure suivant la proposition de rectification soient notifiés par l'administration fiscale à tous les débiteurs solidaires.,Si l'administration fiscale peut choisir d'adresser la proposition de rectification à l'un seulement des redevables solidaires de la dette fiscale, la procédure ensuite suivie doit être contradictoire et la loyauté des débats l'oblige à notifier les actes de celle-ci à tous les redevables. L'irrégularité tirée du non-respect par l'administration fiscale de cette règle peut être soulevée par l'un quelconque des débiteurs solidaires, y compris par celui qui a été effectivement destinataire de l'acte en cause, sans qu'il lui soit besoin d'établir un grief.
Cassation
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br>COMM.<br> <br> HM<br> <br> <br> <br> COUR DE CASSATION<br> ______________________<br> <br> <br> Audience publique du 2 avril 2025<br> <br> <br> <br> <br> Cassation<br> <br> <br> M. PONSOT, conseiller doyen<br> faisant fonction de président<br> <br> <br> <br> <br> Arrêt n° 183 FS-B<br> <br> Pourvoi n° G 23-14.865 <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E <br> <br> _________________________<br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 2 AVRIL 2025<br> <br> Mme [I] [L], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° G 23-14.865 contre l'arrêt N° RG 20/10607 rendu le 23 janvier 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 10), dans le litige l'opposant :<br> <br> 1°/ au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de [Localité 4], domicilié [Adresse 5], agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques,<br> <br> 2°/ au directeur général des finances publiques, dont le siège est [Adresse 1],<br> <br> défenderesses à la cassation.<br> <br> La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.<br> <br> Le dossier a été communiqué au procureur général.<br> <br> Sur le rapport de M. Maigret, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de Mme [L], de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de [Localité 4], agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, et du directeur général des finances publiques, et l'avis de M. Lecaroz, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 février 2025 où étaient présents M. Ponsot, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Maigret, conseiller référendaire rapporteur, Mmes Graff-Daudret, Ducloz, M. Alt, Mme de Lacaussade, MM. Thomas, Gauthier, conseillers, Mmes Vigneras, Lefeuvre, M. Maigret, conseillers référendaires, M. Lecaroz, avocat général, et M. Doyen, greffier de chambre,<br> <br> la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.<br> <br> Faits et procédure <br> <br> 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 janvier 2023), par un acte du 7 avril 2011, enregistré le 19 avril 2011, [X] [M] a fait donation à ses neveux, nièces, petites-neveux et petites-nièces, dont Mme [L], de la nue-propriété d'un certain nombre de titres des sociétés Valorest, Acanthe et Cimofat.<br> <br> 2. Par une proposition de rectification du 13 décembre 2012, adressée à [X] [M], l'administration fiscale a remis en cause la valeur de la nue-propriété de ces titres ayant été déclarée au titre des droits de mutation à titre gratuit, et a prononcé les redressements correspondants. <br> <br> 3. [X] [M] a contesté cette rectification le 10 janvier 2013.<br> <br> 4. [X] [M] étant décédé le [Date décès 3] 2013, l'administration fiscale a, le 24 juin 2015, confirmé la rectification pour le compte de la succession de celui-ci et a adressé sa réponse à Mme [L].<br> <br> 5. Le 30 novembre 2015, un avis de mise en recouvrement (AMR) pour un montant global de 1 315 573 euros a été émis. <br> <br> 6. Sa réclamation contentieuse ayant été rejetée le 25 juillet 2017, Mme [L] a assigné l'administration fiscale afin d'obtenir la décharge des impositions supplémentaires réclamées au titre des droits de mutation à titre gratuit. <br> <br> Examen du moyen<br> <br> Sur le moyen, pris en sa première branche<br> <br> Enoncé du moyen <br> <br> 7. Mme [L] fait grief à l'arrêt de dire la procédure de contrôle régulière, de rejeter tous ses moyens et demandes, et de confirmer la décision de rejet de l'administration fiscale du 25 juillet 2017, alors que « si l'administration fiscale peut choisir de notifier une proposition de rectification à l'un seulement des redevables solidaires de la dette fiscale, afin d'interrompre la prescription du droit de reprise, conformément à l'article L. 189 du livre des procédures fiscales, la procédure ensuite suivie doit être contradictoire et la loyauté des débats l'oblige à notifier les actes de la procédure à tous les redevables, y compris la proposition de rectification, laquelle exprime la base légale et la motivation du redressement ; que pour écarter le moyen tiré de ce que l'administration fiscale s'était bornée à notifier la proposition de rectification du 13 décembre 2012 à [X] [M], donateur, et qu'elle s'était ensuite abstenue de la notifier aux autres débiteurs solidaires mentionnés dans l'acte de donation du 7 avril 2011, la cour a retenu, par motifs propres et adoptés, que l'administration fiscale doit seulement notifier aux débiteurs solidaires les actes de la procédure fiscale les concernant, autres que la proposition de rectification, et que seuls les actes postérieurs à la proposition de rectification doivent être notifiés à l'ensemble des débiteurs solidaires ; qu'en statuant ainsi, la cour a violé les articles 1705 et 1709 du code général des impôts. »<br> <br> Réponse de la Cour <br> <br> 8. Il résulte de l'article 1705 du code général des impôts que toutes les parties qui ont figuré dans un acte sont tenues solidairement envers l'administration des impôts du paiement des droits d'enregistrement auxquels cet acte est soumis.<br> <br> 9. Il s'ensuit que l'administration fiscale peut choisir de notifier la proposition de rectification à l'un seulement des redevables solidaires de la dette fiscale, le respect de la procédure contradictoire et la loyauté des débats impliquant que seuls les actes de la procédure suivant la proposition de rectification soient notifiés par l'administration fiscale à tous les débiteurs solidaires. <br> <br> 10. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé. <br> <br> Mais sur le moyen, pris en sa seconde branche<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 11. Mme [L] fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'en outre, un débiteur solidaire peut utilement faire valoir, à l'appui d'un moyen tiré de l'irrégularité de la procédure, que les actes de la procédure d'imposition n'ont pas été notifiés à l'ensemble des autres débiteurs solidaires, alors même qu'il a pour sa part reçu notification de ces actes ; que pour écarter le moyen tiré de ce que la réponse aux observation du contribuable confirmant les redressements n'avait pas été notifiée à l'ensemble des parties à l'acte de donation du 7 avril 2011, la cour a énoncé que nul ne plaide par procureur et que Mme [I] [L] ne pouvait contester le défaut d'envoi du document à sa propre personne ; qu'en statuant ainsi, la cour a violé les articles 1705 et 1709 du code général des impôts. »<br> <br> Réponse de la Cour <br> <br> Vu l'article 1705 du code général des impôts :<br> <br> 12. Si l'administration fiscale peut choisir d'adresser la proposition de rectification à l'un seulement des redevables solidaires de la dette fiscale, la procédure ensuite suivie doit être contradictoire et la loyauté des débats l'oblige à notifier les actes de celle-ci à tous les redevables.<br> <br> 13. L'irrégularité tirée du non-respect par l'administration fiscale de cette règle peut être soulevée par l'un quelconque des débiteurs solidaires, y compris par celui qui a été effectivement destinataire de l'acte en cause, sans qu'il lui soit besoin d'établir un grief. <br> <br> 14. Pour dire la procédure de contrôle régulière et rejeter les demandes de Mme [L], l'arrêt, après avoir relevé que celle-ci soutient, à titre subsidiaire, que toutes les parties à l'acte de donation du 7 avril 2011 n'ont pas été destinataires de la lettre de confirmation des redressements, retient que, nul ne pouvant plaider par procureur, Mme [L] peut uniquement contester le défaut d'envoi à sa propre personne, ce qu'elle ne soutient pas. <br> <br> 15. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé. <br> <br> PAR CES MOTIFS, la Cour :<br> <br> CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 janvier 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;<br> <br> Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;<br> <br> Condamne le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de [Localité 4], agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, et le directeur général des finances publiques aux dépens ;<br> <br> En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de [Localité 4], agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, et le directeur général des finances publiques et les condamne à payer à Mme [L] la somme globale de 3 000 euros ;<br> <br> Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;<br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du deux avril deux mille vingt-cinq.,N1>Sur la possibilité pour l'administration des impôts de notifier un redressement à l'un quelconque des débiteurs solidaires de la dette fiscale, chacun d'eux pouvant opposer à cette administration, outre les exceptions qui lui sont personnelles, toutes celles qui résultent de la nature de l'obligation ainsi que celles qui sont communes à tous les codébiteurs, à rapprocher :Com., 15 mars 1988, pourvoi n°86-16.362, Bull. civ. IV, n°109 ; Com., 21 juin 2011, pourvoi n°10-20.461, Bull. civ, IV n°104N2>Sur la possibilité pour les redevables solidaires (y compris, le redevable solidaire qui a été effectivement destinataire des acter de la procédure) de soulever l'irrégularité tenant à l'absence de notification des actes de la procédure à tous les redevables solidaires, à rapprocher : Com. 26 février 2013, n 12-13.877, Bull. 2013, IV, n°30
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 2 avril 2025, 23-14.865, Publié au bulletin
IMPOTS ET TAXES - Redressement et vérifications (règles communes) - Redressement contradictoire - Proposition de rectification - Notification - Destinataires - Détermination,IMPOTS ET TAXES - Procédure (règles communes) - Procédure contradictoire - Loyauté des débats - Tous les redevables solidaires - Obligation de notification - Objet - Seuls les actes de la procédure suivant la proposition de rectification IMPOTS ET TAXES - Redressement et vérifications (règles communes) - Redressement contradictoire - Notification - Proposition de rectification - Notification à l'un des redevables solidaires de la dette sociale - Validité,PROCEDURE CIVILE - Acte de procédure - Notification à tous les redevables solidaires de la dette fiscale - Obligation - Non-respect - Irrégularité soulevée par le destinataire de l'acte de la procédure - Démonstration d'un grief - Condition - Absence
2025-04-02
ECLI:FR:CCASS:2025:CO00183
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000051464697
ARRET
JURITEXT000051311717
CHAMBRE_COMMERCIALE
Article L. 110-4 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure et celle issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ; article 2224 du code civil.
JURI
Cour de cassation
Le délai de prescription de l'action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en a pas eu précédemment connaissance. Dès lors, viole l'article L. 110-4 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure et celle issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 et l'article 2224 du code civil, la cour d'appel, qui pour déclarer prescrite l'action en responsabilité engagée par l'acquéreur contre un conseiller en gestion de patrimoine pour manquement à ses obligations d'information, de conseil et de mise en garde, retient que le point de départ se situe, s'agissant de la surévaluation des biens, à la date du contrat de vente, s'agissant de leur perte de valeur, à la date de souscription de l'assurance couvrant le risque de perte financière à la revente et, s'agissant du risque de baisse de rentabilité locative, à la date de conclusion du premier contrat de location non conforme aux prévisions de progression du loyer pour chaque bien immobilier en litige, alors que, s'agissant d'investissements immobiliers locatifs avec défiscalisation, le dommage consistant en des pertes financières, ne peut se réaliser avant la vente des biens immobiliers acquis
Cassation
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br> COMM.<br> <br> FM<br> <br> <br> <br> COUR DE CASSATION<br> ______________________<br> <br> <br> Audience publique du 5 mars 2025<br> <br> <br> <br> <br> Cassation<br> <br> <br> Mme SCHMIDT, conseiller doyen faisant fonction de président<br> <br> <br> <br> Arrêt n° 117 F-B<br> <br> Pourvoi n° Y 23-23.918 <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E <br> <br> _________________________<br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 5 MARS 2025<br> <br> M. [S] [B], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Y 23-23.918 contre l'arrêt rendu le 23 octobre 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 10), dans le litige l'opposant à la société IFB France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.<br> <br> Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.<br> <br> Le dossier a été communiqué au procureur général.<br> <br> Sur le rapport de Mme Champ, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [B], de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la société IFB France, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 janvier 2025 où étaient présents Mme Schmidt, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Champ, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guillou, conseiller, et Mme Sezer, greffier de chambre,<br> <br> la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; <br> <br> Faits et procédure <br> <br> 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 octobre 2023) et les productions, les 20 septembre et 11 décembre 2006, 3 et 16 janvier 2007 et 19 janvier 2010, M. [B], démarché par la société IFB France, société de conseil en gestion de patrimoine, a acquis six biens immobiliers ouvrant droit à des réductions d'impôts, destinés à la location et a financé ces acquisitions à l'aide des prêts.<br> <br> 2. Le 2 janvier 2018, invoquant une baisse de rentabilité locative de ces biens ne lui permettant pas de régler les mensualités des prêts à l'issue de la période de défiscalisation, ainsi qu'une surévaluation de la valeur de ces biens, M. [B] a assigné la société IFB France en responsabilité pour manoeuvres dolosives et pratiques commerciales déloyales, ainsi que pour des manquements aux obligations d'information, de conseil et de mise en garde et en indemnisation de ses préjudices.<br> <br> 3. La société IFB France a soulevé une fin de non-recevoir tirée de la prescription de son action.<br> <br> Examen du moyen<br> <br> Sur le moyen, pris en sa première branche<br> <br> Enoncé du moyen <br> <br> 4. M. [B] fait grief à l'arrêt de le déclarer irrecevable en toutes ses demandes, alors « que le délai de l'action en responsabilité, qu'elle soit de nature contractuelle ou délictuelle, court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en a pas eu précédemment connaissance ; que s'agissant d'un investissement immobilier locatif avec défiscalisation, la manifestation du dommage pour l'acquéreur ne peut résulter que de faits susceptibles de lui révéler l'impossibilité d'obtenir la rentabilité prévue lors de la conclusion du contrat ; qu'en l'espèce, [S] [B] recherchait la responsabilité de la société IFB France, intermédiaire lui ayant fait souscrire six opérations d'investissement immobilier avec défiscalisation entre 2006 et 2009, en raison de manoeuvres dolosives et de manquements à l'obligation d'information, de conseil et de mise en garde ; que pour dire que la prescription de l'action en responsabilité était acquise, la cour d'appel a fixé un point de départ de la prescription au jour de l'acte authentique de chaque vente en l'état futur d'achèvement concernant le grief portant sur la dissimulation d'une surévaluation, au 21 mars 2007, pour le défaut d'information de conseil et de mise en garde sur l'existence d'un risque d'endettement excessif du fait de la multiplication des investissements immobiliers, et au jour de la signature du premier contrat de location non conforme aux prévisions de loyers pour le défaut d'information et de conseil sur le risque de baisse la rentabilité locative ; qu'en fixant ainsi le point de départ de la prescription de l'action en responsabilité en fonction de chacun des manquements invoqués et non au jour des faits susceptibles révéler l'impossibilité d'obtenir la rentabilité prévue lors de la conclusion des contrats, la cour d'appel a violé l'article L. 110-4 du code de commerce. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> Vu l'article L. 110-4 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure et celle issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 et l'article 2224 du code civil :<br> <br> 5. Il résulte de la combinaison de ces textes que, d'une part, depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, les obligations entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, sans que la durée totale puisse excéder celle de 10 ans prévue par le premier de ces textes dans sa version antérieure à la loi précitée et, d'autre part, que le délai de prescription de l'action en responsabilité, qu'elle soit de nature contractuelle ou délictuelle, court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en a pas eu précédemment connaissance. <br> <br> 6. Pour déclarer prescrite l'action en responsabilité engagée par M. [B], l'arrêt, après avoir relevé que les variables fondamentales des opérations d'optimisation fiscale en cause sont le prix d'acquisition du bien immobilier, qui détermine le montant de la réduction d'impôt sur le revenu, et la mise en location qui, à la fois, conditionne le bénéfice de la réduction d'impôt mais également complète le gain fiscal réalisé par l'acquéreur afin, notamment, de financer le remboursement du crédit immobilier souscrit pour le paiement du prix d'acquisition, retient que le point de départ se situe, s'agissant de la surévaluation des biens, à la date du contrat de vente, s'agissant de leur perte de valeur, au 21 mars 2007, date à laquelle M. [B] a souscrit une assurance couvrant le risque de perte financière à la revente et, s'agissant du risque de baisse de rentabilité locative, à la date de conclusion du premier contrat de location non conforme aux prévisions de progression du loyer pour chaque bien immobilier en litige.<br> <br> 7. En statuant ainsi, alors que le dommage invoqué consistant en des pertes financières, ne pouvait se réaliser avant la vente des biens immobiliers acquis, la cour d'appel a violé les textes susvisés.<br> <br> PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :<br> <br> CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 octobre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;<br> <br> Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composé ;<br> <br> Condamne la société IFB aux dépens ; <br> <br> En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société IFB et la condamne à payer à M. [B] la somme de 3 000 euros ;<br> <br> Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;<br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mars deux mille vingt-cinq.
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 5 mars 2025, 23-23.918, Publié au bulletin
PRESCRIPTION CIVILE - Prescription quinquennale - Article 2224 du code civil - Portée - Point de départ - Réalisation du dommage ou date à laquelle il est révélé à la victime - Applications diverses - Manquement d'un conseiller en gestion du patrimoine sur les obligations d'information, de conseil et de mise en garde,VENTE - Conseiller en gestion de patrimoine - Responsabilité - Obligation d'information ou de conseil - Manquement - Action en justice - Prescription - Délai - Point de départ - Détermination - Cas VENTE - Conseiller en gestion de patrimoine - Responsabilité - Obligation d'information ou de conseil - Manquement - Action en justice - Prescription - Délai - Point de départ - Applications diverses - Investissements immobiliers locatifs avec défiscalisation
2025-03-05
ECLI:FR:CCASS:2025:CO00117
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000051311717
ARRET
JURITEXT000051311715
CHAMBRE_COMMERCIALE
Articles L. 626-32, II, et L. 631-19, I, alinéa 5, du code de commerce ; articles L. 626-32, I, 3°, L. 626-31, 4°, L. 626-32, I, 2°, b), et L. 626-30-2 du code de commerce.
JURI
Cour de cassation
L'article L. 626-32, II, du code de commerce, rendu applicable au redressement judiciaire par l'article L. 631-19, I, alinéa 5, permet au tribunal de déroger à la règle dite « de la priorité absolue » énoncée à l'article L. 626-32, I, 3°, sur demande du débiteur ou de l'administrateur avec l'accord du débiteur, laquelle demande peut résulter de la présentation qui lui est faite, par ces derniers, du plan comportant une telle dérogation. Les dispositions combinées des articles L. 626-31, 4°, et L. 626-32, I, 2°, b), du code de commerce n'imposent à la juridiction chargée d'arrêter le plan qui n'a pas été approuvé conformément aux dispositions de l'article L. 626-30-2 du même code, de comparer le traitement que celui-ci réserve à une partie affectée qui a voté contre ce plan à celui qui serait le sien en cas de cession totale de l'entreprise que si une offre de reprise a été faite ou un projet de cession lui a été soumis
Rejet
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br> COMM.<br> <br> FM<br> <br> <br> <br> COUR DE CASSATION<br> ______________________<br> <br> <br> Audience publique du 5 mars 2025<br> <br> <br> <br> <br> Rejet<br> <br> <br> Mme SCHMIDT, conseiller doyen faisant fonction de président<br> <br> <br> <br> Arrêt n° 107 FS-B<br> <br> <br> Pourvois n°<br> D 23-22.267<br> F 23-22.315 JONCTION<br> <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E <br> <br> _________________________<br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 5 MARS 2025<br> <br> I - La société Caisse d'épargne et de prévoyance Ile-de-France, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 23-22.267 contre un arrêt rendu le 12 septembre 2023 par la cour d'appel de Versailles (13e chambre), dans le litige l'opposant :<br> <br> 1°/ à la société Unhycos, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 10],<br> <br> 2°/ à la société V &amp; V associés, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 7], en la personne de M. [I] [K], pris en qualité d'administrateur et de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société Unhycos,<br> <br> 3°/ à la société MMJ, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], en la personne de M. [X] [U], pris en qualité de mandataire de la société Unhycos,<br> <br> 4°/ à M. [O] [F], domicilié [Adresse 8], pris en qualité représentant des salariés de la société Unhycos,<br> <br> 5°/ à l'UNEDIC délégation AGS CGEA de [Localité 9], dont le siège est [Adresse 6],<br> <br> 6°/ à la société Bazar 5000, société à responsabilité limitée unipersonnelle, <br> <br> 7°/ à la société Orlina export, société à responsabilité limitée unipersonnelle,<br> <br> ayant toutes deux leur siège [Adresse 4],<br> <br> 8°/ à la Société générale, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],<br> <br> 9°/ au procureur général près la cour d'appel de Versailles, domicilié en son parquet général [Adresse 5],<br> <br> défendeurs à la cassation.<br> <br> II - La Société générale, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], venant aux droits de la société Crédit du Nord, a formé le pourvoi n° F 23-22.315 contre le même arrêt rendu, dans le litige l'opposant :<br> <br> 1°/ à la société Unhycos, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 10],<br> <br> 2°/ à la société V &amp; V associés, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 7], en la personne de M. [I] [K], pris en qualité d'administrateur et de commissaire à l'éxecution du plan de la société Unhycos,<br> <br> 3°/ à la société MMJ, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], en la personne de M. [X] [U], pris en qualité de mandataire de la société Unhycos,<br> <br> 4°/ à la société Caisse d'épargne et de prévoyance Ile-de-France, dont le siège est [Adresse 1],<br> <br> 5°/ à M. [O] [F], domicilié [Adresse 8], pris en qualité de représentant des salariés à la procédure de redressement judiciaire de la société Unhycos,<br> <br> 6°/ à l'UNEDIC délégation AGS CGEA de [Localité 9], dont le siège est [Adresse 6],<br> <br> 7°/ à la société Bazar 5000, société à responsabilité limitée,<br> <br> 8°/ à la société Orlina export, société à responsabilité limitée,<br> <br> ayant toutes deux leur siège [Adresse 4],<br> <br> 9°/ au procureur général près la cour d'appel de Versailles, domicilié en son parquet général [Adresse 5],<br> <br> défendeurs à la cassation.<br> <br> La demanderesse au pourvoi n° D 23-22.267 invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.<br> <br> La demanderesse au pourvoi n° F 23-22.315 invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.<br> <br> Les dossiers ont été communiqués au procureur général.<br> <br> Sur le rapport de M. Boutié, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boucard-Capron-Maman, avocat de la société Caisse d'épargne et de prévoyance Ile-de-France, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la Société générale, venant aux droits de la société Crédit du Nord, de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat des sociétés Unhycos, V &amp; V Associés et MMJ, et l'avis de Mme Henry, avocat général, à la suite duquel le président a demandé aux avocats s'ils souhaitaient présenter des observations complémentaires, après débats en l'audience publique du 14 janvier 2025 où étaient présents Mme Schmidt, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Boutié, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guillou, conseiller faisant fonction de doyen, MM. Bedouet, Calloch, Gauthier, conseillers, Mmes Brahic-Lambrey, Champ, Coricon, conseillers référendaires, Mme Henry, avocat général, et Mme Sezer, greffier de chambre,<br> <br> la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; <br> <br> Jonction<br> <br> 1. En raison de leur connexité, les pourvois n° D 23-22.267 et F 23-22.315 sont joints. <br> <br> Faits et procédure <br> <br> 2. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 12 septembre 2023), le 4 octobre 2021, la société Unhycos a été mise en redressement judiciaire. La société V &amp; V associés et la société MMJ, ont respectivement été désignées en qualité d'administrateur et de mandataire judiciaire.<br> <br> 3. La société Caisse d'épargne et de prévoyance Ile-de-France et la société Crédit du Nord, aux droits de laquelle vient la Société générale (les banques), ont déclaré leurs créances.<br> <br> 4. Par une ordonnance du 31 mai 2022, le juge-commissaire a autorisé la constitution de classes de parties affectées. Puis, par une ordonnance du 17 juillet 2022, il a désigné un expert pour déterminer la valeur de l'entreprise. <br> <br> 5. L'administrateur a constitué huit classes de parties affectées dont, en sixième rang, celle des établissements bancaires et, en septième rang, celle des crédits-bailleurs. La constitution de ces classes n'a pas fait l'objet d'opposition.<br> <br> 6. Six classes sur huit ont accepté le projet de plan. Les banques, appartenant à l'une des classes dissidentes ont formé un recours en demandant, à titre principal, la désignation d'un expert avec pour mission de déterminer la valeur de l'entreprise et, en tout état de cause, le rejet du projet de plan au motif qu'il ne respectait ni l'article L. 626-31, 4°, du code de commerce, qui énonce la règle dite « du meilleur intérêt des créanciers », ni l'article L. 626-32, 3°, du même code, qui énonce la règle dite « de la priorité absolue ».<br> <br> 7. Après avoir examiné leur recours et le projet de plan à son audience du 13 janvier 2023, au cours de laquelle le président de la société Unhycos a demandé l'arrêté du plan présenté par l'administrateur et que ce plan soit imposé aux classes de parties affectées qui avaient voté contre, le tribunal, par un jugement du 10 février 2023, a rejeté les demandes des banques, retenu la valeur de l'entreprise à hauteur de 2 470 000 euros et arrêté le plan de redressement de la société Unhycos décidant que les créances des classes des parties affectées, y compris les deux classes qui avaient voté contre le projet de plan, seraient remboursées à hauteur de 14 % de leurs créances sur dix ans. Il a nommé la société V &amp; V associés en qualité de commissaire à l'exécution de ce plan.<br> <br> Examen des moyens<br> <br> Sur le premier moyen du pourvoi n° D 23-22.267 et sur le moyen du pourvoi n° F 23-22.315, rédigés en des termes similaires réunis<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 8. La société Caisse d'épargne Ile-de-France et la Société générale font grief à l'arrêt de rejeter leurs contestations et d'arrêter le plan de redressement de la société Unhycos, alors :<br> <br> « 1°/ que le tribunal doit, avant d'arrêter le plan, vérifier le respect de la règle "de la priorité absolue" selon laquelle l'intégralité des créances des classes dissidentes de rang supérieur, sans distinction de créanciers au sein de ces classes, doit être payée avant que les créances d'un rang inférieur ne le soient ; que l'article L. 626-32 II du code de commerce prévoit la possibilité de déroger à la règle de la priorité absolue, à la condition que cette demande de dérogation ait été formulée par le débiteur ou l'administrateur judiciaire avec l'accord du débiteur ; qu'après avoir constaté que d'une part, les créanciers de la classe des établissements bancaires, comprenant notamment les banques mais également Bpifrance laquelle bénéficie d'une sûreté réelle sur les biens d'Unhycos, se sont vus imposer un abandon de créance à hauteur de 86 % et que d'autre part, les créanciers de la classe des crédits bailleurs seraient intégralement payés aux termes du plan, ce dont il résulte que la règle de la priorité absolue n'a pas été respectée, la cour d'appel, pour rejeter la contestation formulée par les banques, a jugé qu'en dépit de l'absence de demande de dérogation formulée dans les conditions prévues par le texte, a énoncé qu' "il doit être considéré, même si aucune demande expresse n'a été faite en ce sens, que l'administrateur judiciaire a sollicité l'adoption de son projet conformément aux modalités prévues par les textes, relatives en particulier à la possibilité de dérogation à la règle de priorité absolue" ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les termes de l'article L. 626-32 II du code de commerce.<br> <br> 2°/ que le plan de redressement qui n'a pas été approuvé conformément aux dispositions de l'article L. 626-30-2 du code de commerce ne peut être arrêté par le tribunal et être imposé aux classes qui ont voté contre le projet de plan qu'à la condition, exprimée par l'article 626-32, I, 3° du code de commerce, que les créances des créanciers affectés d'une classe qui a voté contre le plan soient intégralement désintéressées par des moyens identiques ou équivalents lorsqu'une classe de rang inférieur a droit à un paiement ou conserve un intéressement dans le cadre du plan ; que selon le II de l'article 626-32 du même code, "sur demande du débiteur ou de l'administrateur judiciaire avec l'accord du débiteur, le tribunal peut décider de déroger au 3° du I, lorsque ces dérogations sont nécessaires afin d'atteindre les objectifs du plan et si le plan ne porte pas une atteinte excessive aux droits ou intérêts de parties affectées" ; que la cour d'appel, après avoir constaté que la classe des établissements bancaires à laquelle appartient la Société générale bénéficiait d'un traitement de ses créances moins avantageux que celle des crédits-bailleurs, qui était pourtant de rang inférieur, a toutefois considéré que dès lors que le projet de plan avait été présenté selon les modalités adoptées par l'administrateur judiciaire et avec l'accord du président de la société Unhycos, ainsi qu'il l'avait confirmé à l'audience du tribunal, assisté de son directeur financier et de son conseil, il doit être considéré, même si aucune demande expresse n'a été faite en ce sens, que l'administrateur judiciaire a sollicité l'adoption de son projet conformément aux modalités prévues par les textes, relatives en particulier à la possibilité de déroger à la règle de priorité absolue ; qu'en statuant de la sorte, quand la dérogation à la règle de la priorité absolue doit avoir été demandée par le débiteur ou l'administrateur judiciaire avec l'accord du débiteur, condition dont il résulte de ses constatations qu'elle n'avait pas été remplie, sans que puisse y suppléer la présentation du plan selon les modalités adoptées par l'administrateur judiciaire et avec l'accord du représentant du débiteur, la cour d'appel a violé l'article L. 626-32 du code de commerce. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> 9. L'article L. 626-32, II, du code de commerce, rendu applicable au redressement judiciaire par l'article L. 631-19, I, alinéa 5, permet au tribunal de déroger à la règle dite « de la priorité absolue » énoncée à l'article L. 626-32, I, 3° sur demande du débiteur ou de l'administrateur avec l'accord du débiteur, laquelle demande peut résulter de la présentation qui lui est faite, par ces derniers, du plan comportant une telle dérogation. <br> <br> 10. Ayant constaté, par motifs propres et adoptés, que le projet de plan avait été présenté selon les modalités adoptées par l'administrateur judiciaire avec l'accord du président de la société Unhycos, ainsi qu'il l'a confirmé à l'audience du tribunal, la cour d'appel en a exactement déduit que, même si aucune demande expresse n'a été faite en ce sens, il pouvait être dérogé à la règle énoncée à l'article L. 626-32, I, 3° du code de commerce et qu'il lui appartenait de vérifier si les conditions prévues au II de ce texte étaient réunies.<br> <br> 11. Le moyen n'est donc pas fondé.<br> <br> Et sur le second moyen du pourvoi n° D 23-22.267 <br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 12. La société Caisse d'épargne Ile-de-France fait grief à l'arrêt de rejeter le recours des banques et, après avoir rejeté leur demande d'expertise, d'arrêter le plan de redressement de la société Unhycos, alors : « que selon la règle "du meilleur intérêt" des créanciers, aucune partie affectée ayant voté contre le projet de plan ne doit se trouver, du fait du plan, dans une situation plus défavorable que celle dans laquelle elle se serait trouvée dans un scénario liquidatif ou en présence d'un plan de cession, ou bien encore dans l'hypothèse de toute autre meilleure solution alternative ; que le juge doit comparer le sort de l'opposant au plan tel qu'il est prévu par le plan contesté au sort qui lui serait réservé dans des hypothèses alternatives en établissant si une classe de créanciers ou de détenteurs de capital est "dans la valeur", ce qui signifie qu'il doit être tenu compte de la valeur du débiteur en tant qu'entreprise en activité (ou "going concern"), valeur d'exploitation supposée supérieure à celle de la vente plus ou moins éclatée de ses éléments ; que pour rejeter la contestation de la société Caisse d'épargne Ile-de-France à ce titre, la cour d'appel s'est bornée à examiner, comme seule hypothèse alternative, la liquidation de l'entreprise, sans rechercher comme elle y était invitée quelle aurait été la valorisation dans l'hypothèse d'une cession ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale en violation des articles L. 626-31 4° et L. 626-32 du code de commerce. »<br> <br> Réponse de la Cour <br> <br> 13. Les dispositions combinées des articles L. 626-31, 4°, et L. 626-32, I, 2° b) du code de commerce n'imposent à la juridiction chargée d'arrêter le plan qui n'a pas été approuvé conformément aux dispositions de l'article L. 626-30-2 du même code, de comparer le traitement que celui-ci réserve à une partie affectée qui a voté contre ce plan à celui qui serait le sien en cas de cession totale de l'entreprise que si une offre de reprise a été faite ou que si un projet de cession lui a été soumis.<br> <br> 14. Ayant relevé qu'aucune cession de l'entreprise en activité ne pouvait être envisagée faute de réponse sérieuse à l'annonce judiciaire en faisant l'offre, la cour d'appel en a exactement déduit que la situation des parties affectées ayant voté contre le plan n'avait pas à être appréciée au regard d'une éventuelle cession de l'entreprise.<br> <br> 15. Le moyen n'est donc pas fondé.<br> <br> PAR CES MOTIFS, la Cour :<br> <br> REJETTE les pourvois ;<br> <br> Condamne la société Caisse d'épargne Ile-de-France et la Société générale aux dépens ;<br> <br> En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;<br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mars deux mille vingt-cinq.
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 5 mars 2025, 23-22.267 23-22.315, Publié au bulletin
ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005) - Redressement judiciaire - Plan - Article L. 626-32, I, 3° du code de commerce - Dérogation à la règle dite de la priorité absolue - Tribunal - Possibilité - Condition - Sur demande du débiteur ou de l'administrateur avec l'accord du débiteur, pouvant résulter de la présentation faite du plan comportant une dérogation à la règle dite de la priorité absolue,ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005) - Redressement judiciaire - Plan - Refus du plan par une partie affectée - Obligation de comparer le traitement que le plan réserve à une partie affectée à celui qui serait le sien en cas de cession totale de l'entreprise - Offre de reprise, ou projet de cession soumis à la juridiction chargée d'arrêter le plan - Condition
2025-03-05
ECLI:FR:CCASS:2025:CO00107
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000051311715
ARRET
JURITEXT000051151444
CHAMBRE_COMMERCIALE
article L. 623-4 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 ; article 25, alinéa 3, du décret n° 85-1388 du 27 décembre 1985
JURI
Cour de cassation
Il résulte des articles L. 623-4 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005, 25, alinéa 3, du décret n° 85-1388 du 27 décembre 1985, et des principes régissant l'excès de pouvoir, que les jugements par lesquels le tribunal a statué contre les ordonnances rendues par le juge-commissaire dans la limite de ses attributions ne sont susceptibles d'aucune voie de recours. Il n'est dérogé à cette règle, comme à toute règle interdisant ou différant un recours, qu'en cas d'excès de pouvoir. L'erreur commise par un tribunal, qui fait courir le délai d'opposition à l'ordonnance du juge-commissaire d'une durée de dix jours à compter de la date à laquelle la lettre recommandée de notification de ladite ordonnance a été présentée au débiteur et non à la date à laquelle il en a eu effectivement connaissance, pour en déduire que ledit délai était expiré lorsque le débiteur a fait opposition à l'ordonnance, de sorte que son recours était irrecevable comme tardif, constitue un excès de pouvoir
Cassation
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br> COMM.<br> <br> JB<br> <br> <br> <br> COUR DE CASSATION<br> ______________________<br> <br> <br> Audience publique du 5 février 2025<br> <br> <br> <br> <br> Cassation<br> <br> <br> M. VIGNEAU, président<br> <br> <br> <br> Arrêt n° 71 F-B<br> <br> Pourvoi n° K 23-22.089 <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E <br> <br> _________________________<br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 5 FÉVRIER 2025<br> <br> M. [T] [M], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° K 23-22.089 contre l'arrêt rendu le 6 septembre 2023 par la cour d'appel de Bordeaux (4e chambre commerciale), dans le litige l'opposant à la société Amauger - [K], société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 1] en la personne de M. [R] [K], prise en qualité de mandataire liquidateur de M. [T] [M], société civile professionnelle, défenderesse à la cassation.<br> <br> Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.<br> <br> Le dossier a été communiqué au procureur général.<br> <br> Sur le rapport de M. Bedouet, conseiller, les observations de la SAS Zribi et Texier, avocat de M. [M], et l'avis de Mme Henry avocat général, après débats en l'audience publique du 10 décembre 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Bedouet, conseiller rapporteur, Mme Schmidt, conseiller doyen, et Mme Sezer, greffier de chambre,<br> <br> la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; <br> <br> Faits et procédure <br> <br> 1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux , 06 septembre 2023), le 21 janvier 2003 M. [M] a été mis en liquidation judiciaire.<br> <br> 2. Le 31 mars 2022, sur requête du liquidateur, la société Amauger-[K], le juge-commissaire a ordonné une expertise aux fins d'évaluation de quatre bien immobiliers appartenant à M. [M].<br> <br> 3. Ce dernier a formé un recours contre cette ordonnance. Par un jugement du 4 juillet 2022, le tribunal l'a déclaré irrecevable.<br> <br> Examen du moyen<br> <br> Enoncé du moyen <br> <br> 4. M. [M] fait grief à l'arrêt de déclarer son appel irrecevable alors « que commet un excès de pouvoir négatif le juge qui déclare à tort un recours irrecevable comme tardif ; qu'en retenant que l'erreur manifeste d'appréciation prêtée au tribunal de commerce sur le calcul du délai de recours, et donc sur la recevabilité de l'opposition formée par M. [M], <br> ne peut être qualifiée d'excès de pouvoir, la cour d'appel a consacré l'excès <br> de pouvoir négatif commis par le tribunal et violé l'article L. 623-4 du code <br> de commerce dans sa rédaction applicable, ensemble les principes régissant l'excès de pouvoir. »<br> <br> Réponse de la Cour <br> <br> Vu l'article L 623-4 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005, l'article 25 alinéa 3 du décret du 27 décembre 1985, et les principes régissant l'excès de pouvoir :<br> <br> 5. Il résulte du premier de ces textes et des principes susvisés que les jugements par lesquels le tribunal statue contre les ordonnances rendues par le juge-commissaire dans la limite de ses attributions ne sont susceptibles d'aucune voie de recours ; qu'il n'est dérogé à cette règle, comme à toute autre règle interdisant ou différant un recours, qu'en cas d'excès de pouvoir.<br> <br> 6. L'erreur commise par le tribunal, qui fait courir le délai d'opposition à l'ordonnance du juge-commissaire d'une durée de dix jours à compter de la date à laquelle la lettre recommandée de notification de la dite ordonnance a été présentée au débiteur et non à la date à laquelle il en a eu effectivement connaissance, pour en déduire que le dit délai était expiré lorsque le débiteur a fait opposition à l'ordonnance de sorte que son recours était irrecevable comme tardif, constitue un excès de pouvoir. <br> <br> 7. Pour déclarer irrecevable l'appel formé contre le jugement, l'arrêt retient que M. [M] ne démontre pas que serait en cause un excès de pouvoir, l'erreur manifeste d'appréciation prêtée au tribunal sur le calcul du délai de recours ne pouvant être qualifiée d'excès de pouvoir.<br> <br> 8. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui, en confirmant le jugement du 4 juillet 2022 a consacré l'excès de pouvoir commis par le tribunal consistant à déclarer irrecevable comme tardif le recours formé par M. [M] contre l'ordonnance du juge-commissaire du 31 mars 2022, a violé les textes et les principes susvisés. <br> <br> PAR CES MOTIFS, la Cour :<br> <br> CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 06 septembre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;<br> <br> Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée ;<br> <br> Condamne la société Amauger-[K], prise en sa qualité de liquidateur de M. [M] aux dépens ; <br> <br> En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. [M].<br> <br> Dit que sur les diligences du procureur général prés la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;<br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé en l'audience publique du cinq février deux mille vingt-cinq et signé par Mme Schmidt, conseiller doyen en ayant délibéré, en remplacement de M. Vigneau, président, empêché, le conseiller rapporteur et le greffier de chambre, conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile.,Com., 22 mai 2007, pourvoi n° 06-11.794, Bull. 2007, IV, n° 140 (cassation)
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 5 février 2025, 23-22.089, Publié au bulletin
ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 25 janvier 1985) - Procédure (dispositions générales) - Voies de recours - Exclusion - Exception - Excès de pouvoir,ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 25 janvier 1985) - Procédure (dispositions générales) - Voies de recours - Décisions susceptibles - Jugement statuant sur une ordonnance du juge-commissaire - Erreur sur la computation du délai d'opposition - Excès de pouvoir
2025-02-05
ECLI:FR:CCASS:2025:CO00071
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000051151444
ARRET
JURITEXT000051151443
CHAMBRE_COMMERCIALE
article 18 du règlement (UE) 2015/848 du 20 mai 2015 relatif aux procédures d'insolvabilité ; articles L. 622-21, I, et L. 622-22 du code de commerce
JURI
Cour de cassation
L'article 18 du règlement (UE) 2015/848 du 20 mai 2015 relatif aux procédures d'insolvabilité prévoit que les effets de la procédure d'insolvabilité sur une instance ou une procédure arbitrale en cours concernant un bien ou un droit qui fait partie de la masse de l'insolvabilité d'un débiteur sont régis exclusivement par la loi de l'État membre dans lequel l'instance est en cours ou dans lequel le tribunal arbitral a son siège. Il en résulte que les règles relatives à l'interruption des instances en cours et à leur reprise, énoncées aux articles L. 622-21 et L. 622-22 du code de commerce, sont applicables aux instances en cours poursuivies en France à l'encontre d'une société de droit portugais déclarée en faillite dans son pays d'origine.
Cassation partielle
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br> COMM.<br> <br> HM<br> <br> <br> <br> COUR DE CASSATION<br> ______________________<br> <br> <br> Audience publique du 5 février 2025<br> <br> <br> <br> <br> Cassation partielle<br> <br> <br> M. VIGNEAU, président<br> <br> <br> <br> Arrêt n° 67 F-B<br> <br> Pourvoi n° G 23-12.588 <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E <br> <br> _________________________<br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 5 FÉVRIER 2025<br> <br> 1°/ La société Carmo Branco Lda, société de droit portugais , dont le siège est [Adresse 3] (Portugal),<br> <br> 2°/ M. [P] [O] [I] [T] [G], agissant en qualité d'administrateur d'insolvabilité de la société Carmo Branco Lda, domicilié [Adresse 4] (Portugal),<br> <br> ont formé le pourvoi n° G 23-12.588 contre l'arrêt rendu le 19 octobre 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 4), dans le litige les opposant :<br> <br> 1°/ à la société Coty France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], <br> <br> 2°/ à la société HFC Prestige International Opérations Switzerland, société de droit Suisse, dont le siège est [Adresse 1] (Suisse), venant aux droits de la société Coty Geneva Sarl Versoix,<br> <br> défenderesses à la cassation.<br> <br> Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.<br> <br> Le dossier a été communiqué au procureur général.<br> <br> Sur le rapport de Mme Coricon, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boucard-Capron-Maman, avocat de la société Carmo Branco Lda et de M. [I] [T] [G], de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat des sociétés Coty France et Hfc Prestige International Opérations Switzerland, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 10 décembre 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Coricon, conseiller référendaire rapporteur, Mme Schmidt, conseiller doyen, et Mme Sezer, greffier de chambre,<br> <br> la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; <br> <br> Faits et procédure<br> <br> 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 octobre 2022), la société de droit portugais Carmo Branco, établie au Portugal, était le distributeur local des produits cosmétiques et de parfumerie de marque « Bourjois » fabriqués et commercialisés par la société Bourjois, aux droits de laquelle vient la société Coty France, qui lui étaient livrés par la société Coty Geneva SA Versoix, devenue HFC Prestige International Operations Switzerland (la société HFC).<br> <br> 2. Par jugement du tribunal de commerce de Paris du 21 janvier 2019, la société Carmo Branco a été condamnée à payer aux sociétés Coty France et HFC la somme de 156 934,16 euros au titre de factures impayées. La société Carmo Branco a interjeté appel.<br> <br> 3. Le 27 avril 2021, le tribunal de commerce de Sintra (Portugal) a prononcé la faillite de la société Carmo Branco et désigné M. [I] [T] [G] en qualité d' « administrador de insolvência », lequel est intervenu volontairement à l'instance.<br> <br> Examen des moyens<br> <br> Sur le premier moyen<br> <br> 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.<br> <br> Mais sur le second moyen, pris en sa première branche<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 5. La société Carmo Branco et M. [I] [T] [G], en qualité d' « administrador de insolvência » de cette société, font grief à l'arrêt de condamner la société Carmo Branco à payer aux sociétés Coty France et HFC la somme de 156 934,16 euros au titre des factures émises et restant impayées, alors « que les effets d'une procédure d'insolvabilité ouverte dans un État membre de l'Union sur une instance en cours dans un autre État membre sont régis exclusivement par la loi de l'État membre dans lequel l'instance est en cours ; qu'en droit interne français, le jugement ouvrant une procédure collective interrompt ou interdit toute action en justice et cette règle constitue une fin de non-recevoir pouvant être proposée en tout état de cause et dont le caractère d'ordre public impose au juge de la relever d'office ; qu'en condamnant la société Carmo Branco à payer la somme de 156 934,16 euros au titre de factures impayées, après avoir constaté que, par jugement du 27 avril 2021, donc postérieurement à l'introduction de la présente instance par actes des 25 et 31 mai 2016 et postérieurement à la déclaration par laquelle la société Carmo Branco a interjeté appel du jugement du 21 janvier 2019, le tribunal de commerce de Sintra, au Portugal, avait prononcé la faillite de la société Carmo Branco, la cour d'appel a violé l'article 18 du règlement (UE) n° 2015/848 du 20 mai 2015 relatif aux procédures d'insolvabilité, ensemble l'article L. 622-21 du code de commerce. »<br> <br> Réponse de la Cour <br> <br> Vu l'article 18 du règlement (UE) 2015/848 du 20 mai 2015 relatif aux procédures d'insolvabilité et les articles L. 622-21, I, et L. 622-22 du code de commerce :<br> <br> 6. Aux termes du premier de ces textes, les effets de la procédure d'insolvabilité sur une instance ou une procédure arbitrale en cours concernant un bien ou un droit qui fait partie de la masse de l'insolvabilité d'un débiteur sont régis exclusivement par la loi de l'État membre dans lequel l'instance est en cours ou dans lequel le tribunal arbitral a son siège.<br> <br> 7. Il résulte du deuxième que le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance est née avant le jugement d'ouverture et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent. Selon le troisième, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance ; elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.<br> <br> 8. Après avoir relevé que la société Carmo Branco avait été condamnée à payer aux sociétés Coty France et HFC la somme de 156 934,16 euros au titre de factures impayées par un jugement du tribunal de commerce de Paris du 21 janvier 2019 frappé d'appel et que, le 27 avril 2021, le tribunal de commerce de Sintra avait prononcé la faillite de cette société, la cour d'appel a confirmé cette condamnation.<br> <br> 9. En statuant ainsi, alors que la créance des sociétés Coty et HFC était née antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure de faillite de la société Carmo Branco de sorte que l'instance interrompue devant elle ne pouvait reprendre qu'après la déclaration de cette créance à la procédure d'insolvabilité selon les régles de droit portugais et tendre qu'à sa fixation au passif de cette procédure, la cour d'appel a violé les textes susvisés.<br> <br> PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen, pris en sa seconde branche, la Cour :<br> <br> CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Carmo Branco au paiement de la somme de 156 934,16 euros au titre des factures émises et restant impayées, l'arrêt rendu le 19 octobre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;<br> <br> Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;<br> <br> Condamne les sociétés Coty France et HFC Prestige International Operations Switzerland aux dépens ;<br> <br> En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Coty France et HFC Prestige International Operations Switzerland et les condamne in solidum à payer à la société Carmo Branco et à M. [I] [T] [G] en qualité d' « administrador de insolvência » la somme globale de 3 000 euros ;<br> <br> Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;<br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé en l'audience publique du cinq février deux mille vingt-cinq et signé par Mme Schmidt , conseiller doyen en ayant délibéré, en remplacement de M. Vigneau président, empêché, le conseiller référendaire rapporteur et le greffier de chambre, conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile.
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 5 février 2025, 23-12.588, Publié au bulletin
UNION EUROPEENNE - Règlement (UE) n° 2015/848 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 - Article 18 - Procédure d'insolvabilité - Effets - Interruption des instances en cours dans un autre Etat membre - Loi applicable - Détermination
2025-02-05
ECLI:FR:CCASS:2025:CO00067
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000051151443
ARRET
JURITEXT000051399846
CHAMBRE_COMMERCIALE
null
JURI
Cour de cassation
L'action en contrefaçon et l'action en concurrence déloyale peuvent être exercées simultanément à titre principal dès lors que se trouve caractérisée au soutien de l'action en concurrence déloyale l'existence d'une faute relevant de faits distincts de ceux retenus au titre de la contrefaçon. Un même acte matériel peut caractériser des faits distincts s'il porte atteinte à des droits de nature différente. Il en résulte qu'un acte de concurrence déloyale peut résulter de l'atteinte fautive à un nom commercial ou à un nom de domaine, lorsqu'existe un risque de confusion entre les entreprises désignées sous les noms commerciaux concernés ou entre les noms de domaine. Néanmoins, la victime ne peut obtenir une double indemnisation d'un préjudice déjà réparé au titre de la contrefaçon en application de l'article L. 716-14, devenu L. 716-4-10, du code de la propriété intellectuelle, qui assure la transposition de l'article 13 de la directive 2004/48 du 29 avril 2004, relative au respect des droits de propriété intellectuelle
Rejet
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br> COMM.<br> <br> MB<br> <br> <br> <br> COUR DE CASSATION<br> ______________________<br> <br> <br> Arrêt du 26 mars 2025<br> <br> <br> <br> <br> Rejet<br> <br> <br> M. VIGNEAU, président<br> <br> <br> <br> Arrêt n° 257 FS-B<br> <br> Pourvoi n° W 23-13.589 <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E <br> <br> _________________________<br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 26 MARS 2025<br> <br> La société Cargo Media AG, société de droit Suisse, dont le siège est [Adresse 2] (Suisse), a formé le pourvoi n° W 23-13.589 contre l'arrêt rendu le 28 octobre 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 2), dans le litige l'opposant à la société Meta Platforms Inc., société de droit américain, dont le siège est [Adresse 1] (États-Unis), anciennement Facebook Inc., défenderesse à la cassation.<br> <br> La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.<br> <br> Le dossier a été communiqué au procureur général.<br> <br> Sur le rapport de Mme Bessaud, conseiller référendaire, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Cargo Media AG, de la SCP Le Guerer, Bouniol-Brochier, Lassalle-Byhet, avocat de la société Meta Platforms Inc., et l'avis de M. Douvreleur, avocat général, à la suite duquel le président a demandé aux avocats s'ils souhaitaient présenter des observations complémentaires, après débats en l'audience publique du 18 mars 2025 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Bessaud, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, Mmes Poillot-Peruzzetto, Michel-Amsellem, Tréfigny, conseillers, M. Le Masne de Chermont, Mmes Comte, Bellino, conseillers référendaires, M. Douvreleur, avocat général, et Mme Sezer, greffier de chambre,<br> <br> la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; <br> <br> Faits et procédure <br> <br> 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 octobre 2022), la société Facebook Inc., devenue Meta Platforms Inc. (la société Meta), offre un service de réseau social en ligne, « Facebook », créé en 2004, accessible via le nom de domaine « facebook.com ». <br> <br> 2. Elle est titulaire des marques verbales de l'Union européenne « Facebook » n° 5585518, déposée le 22 décembre 2006 et enregistrée le 25 mai 2011 pour désigner des services relevant des classes n° 35, 41, 42 et 45, et n° 4535381, déposée le 5 août 2005 et enregistrée le 22 juin 2011 pour désigner des services en classes 35 et 38. Elle est également titulaire de la marque figurative de l'Union européenne n° 9724774, déposée le 3 juin 2010 et enregistrée le 11 février 2011 pour les produits et services des classes n° 9, 36, 38, 41, 42 et 45, comprenant, pour cette dernière classe, les « services de rencontres sociales, de réseautage et de rendez-vous ».<br> <br> 3. La société Cargo Media AG (la société Cargo Media) a pour activité l'exploitation d'un site de rencontres pour adultes à caractère sexuel, dénommé « Fuckbook », pour lequel elle a acquis, en 2012, les noms de domaine « fuckbook.xxx » et « fuckbook.com ».<br> <br> 4. Soutenant que l'usage du signe « fuckbook » portait atteinte à ses droits, la société Meta a assigné la société Cargo Media en invoquant l'atteinte à ses marques renommées, la contrefaçon de marques et une concurrence déloyale.<br> <br> Examen des moyens<br> <br> Sur le premier moyen, pris en ses deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches, le deuxième moyen et le troisième moyen, pris en sa première branche<br> <br> 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.<br> <br> Sur le premier moyen, pris en sa première branche<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 6. La société Cargo Media fait grief à l'arrêt de dire qu'en utilisant le signe « fuckbook » pour l'enregistrement des noms de domaine « fuckbook.com » et « fuckbook.xxx » donnant accès au site dénommé « Fuckbook », la société Cargo Media avait porté atteinte à la renommée des marques de l'Union européenne « Facebook » n° 5585518 et n° 4535381 appartenant à la société Meta, prononcé des mesures d'interdiction et condamné la société Cargo Media à payer à la société Meta une certaine somme à titre de dommages et intérêts en réparation de ces atteintes, alors « que l'atteinte portée par des signes à une marque renommée suppose que le public concerné établisse un lien entre la marque et les signes en cause ; que le public de référence est celui des utilisateurs des services offerts sous la marque et signes en cause ; qu'il doit être précisément identifié ; qu'en affirmant, pour retenir que l'utilisation du signe fuckbook" avait porté atteinte à la renommée des marques verbales Facebook" n° 5585518 et n° 4535381, que le public concerné par les signes en présence" était "le public qui utilise les réseaux sociaux", la cour d'appel, qui s'est déterminée par référence à un public non précisément identifié, a violé l'article 9, paragraphe 2, sous c), du règlement (CE) n° 2017/1001 du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne. »<br> <br> Réponse de la Cour <br> <br> 7. Sous le couvert d'un grief infondé de violation de la loi, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine des juges du fond, qui, par motifs propres et adoptés, ont identifié le public de référence des marques de l'Union européenne « Facebook » et des noms de domaine « fuckbook.com » et « fuckbook.xxx » et retenu que le public du site « Fuckbook », majoritairement composé d'adultes de sexe masculin recherchant des partenaires, était compris dans le public plus large des services du réseau social « Facebook ».<br> <br> Et sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche <br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 8. La société Cargo Media fait grief à l'arrêt de dire qu'en utilisant le nom commercial « Fuckbook » et les noms de domaine « fuckbook.com » et « fuckbook.xxx », la société Cargo Media a commis des actes constitutifs de concurrence déloyale au préjudice de la société Meta et de condamner la société Cargo Media à lui payer une certaine somme en réparation des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société Facebook Inc., alors « que la condamnation au titre d'actes de concurrence déloyale doit avoir pour fondement la constatation de faits distincts de ceux à raison desquels a été prononcée une condamnation au titre de la contrefaçon ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société Meta avait, à l'appui de sa demande fondée sur l'atteinte portée au nom commercial Facebook", reproché à la société Cargo Media l'utilisation de la dénomination Fuckbook" à titre de nom commercial et au sein des noms de domaine fuckbook.com" et fuckbook.xxx" qu'elle considérait très proches du nom commercial Facebook" ; qu'il en résultait que la demande au titre de la concurrence déloyale était fondée sur les mêmes faits que ceux invoqués à l'appui de la demande en contrefaçon des marques Facebook" ; qu'en retenant néanmoins le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1240 du code civil. »<br> <br> Réponse de la Cour <br> <br> 9. Aux termes de l'article 1382, devenu 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.<br> <br> 10. L'action en contrefaçon et l'action en concurrence déloyale peuvent être exercées simultanément à titre principal dès lors que se trouve caractérisée au soutien de l'action en concurrence déloyale l'existence d'une faute relevant de faits distincts de ceux retenus au titre de la contrefaçon (Com., 23 mai 1973, pourvoi n° 72-10.279, Bull. civ. IV, n° 182 ; Com., 16 décembre 2008, pourvoi n° 07-17.092 ; Com., 14 novembre 2018, pourvoi n° 17-12.454 ; Civ. 1re, 5 octobre 2022, pourvoi n° 21-15.386 ; Com., 28 juin 2023, pourvoi n° 22-10.759).<br> <br> 11. Un même acte matériel peut caractériser des faits distincts s'il porte atteinte à des droits de nature différente. <br> <br> 12. Le nom commercial et le nom de domaine ont pour objet, le premier, d'identifier une entreprise et, le second, de permettre l'accès à un site internet. Ils se distinguent, par leur nature, des droits détenus sur une marque.<br> <br> 13. Un acte de concurrence déloyale peut résulter de l'atteinte fautive à un nom commercial ou à un nom de domaine, lorsqu'existe un risque de confusion entre les entreprises désignées sous les noms commerciaux concernés ou entre les noms de domaine (Com., 13 juillet 2010, pourvoi n° 06-15.136, Bull. 2010, IV, n° 123 ; Com 9 octobre 2012 pourvoi n° 11-11.094).<br> <br> 14. Selon le principe de la réparation intégrale, les dommages et intérêts alloués en réparation d'une faute doivent réparer intégralement le préjudice subi sans qu'il en résulte ni perte ni profit pour la victime. Un même préjudice ne peut faire l'objet d'une double indemnisation (3e Civ., 8 juin 2010, pourvoi n° 09-66.974 ; 2e Civ., 16 mai 2013, pourvoi n° 12-17.147 ; 1re Civ., 13 novembre 2014, pourvoi n° 13-20.209 ; Com., 2 février 2016, pourvoi n° 14-21.338). <br> <br> 15. Il en résulte que la victime peut obtenir, au titre de la concurrence déloyale, la réparation du préjudice distinct né de l'atteinte à la distinctivité de ses signes d'identification, tels le nom commercial ou le nom de domaine, seulement si le préjudice n'est pas déjà réparé au titre de la contrefaçon en application de l'article L. 716-14, devenu L. 716-4-10, du code de la propriété intellectuelle, qui assure la transposition de l'article 13 de la directive 2004/48 du 29 avril 2004, relative au respect des droits de propriété intellectuelle. <br> <br> 16. L'arrêt, ayant retenu que l'utilisation du signe « fuckbook », tant à titre de nom commercial pour désigner une société, qu'à titre de nom de domaine, pour désigner un site internet créait, dans l'esprit du public, un risque de confusion avec le nom commercial « Facebook » ou le nom de domaine « facebook.com », a exactement énoncé que ces atteintes constituaient des faits distincts de concurrence déloyale, s'agissant de sanctionner un comportement fautif différent de la contrefaçon de marque, occasionnant un préjudice distinct de ceux réparés au titre de la contrefaçon des marques « Facebook ». <br> <br> 17. Le moyen n'est donc pas fondé.<br> <br> PAR CES MOTIFS, la Cour :<br> <br> REJETTE le pourvoi ;<br> <br> Condamne la société Cargo Media AG aux dépens ;<br> <br> En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Cargo Media AG et la condamne à payer à la société Meta Platforms Inc. la somme de 5 000 euros ;<br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé publiquement le vingt-six mars deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par le président, le conseiller référendaire rapporteur et Mme Sara, greffier, présent lors de la mise à disposition.
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 26 mars 2025, 23-13.589, Publié au bulletin
CONCURRENCE DELOYALE OU ILLICITE
2025-03-26
ECLI:FR:CCASS:2025:CO00257
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000051399846
ARRET
JURITEXT000051367943
AVIS
Article L. 311-2 du code de l'urbanisme.
JURI
Cour de cassation
Le droit de délaissement prévu à l'article L. 311-2 du code de l'urbanisme ne s'applique pas à une partie d'un bien organisé en volumes
Avis
<br> <br> Demande d'avis<br> n°E 25-70.001<br> <br> Juridiction : la cour d'appel de Versailles<br> <br> <br> <br> <br> VL6<br> <br> <br> <br> <br> <br> Avis du 20 mars 2025<br> <br> <br> <br> n° 15008 P+B<br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E <br> <br> _________________________<br> <br> COUR DE CASSATION<br> _________________________<br> <br> Troisième chambre civile <br> <br> <br> Vu les articles L. 441-1 et suivants du code de l'organisation judiciaire et 1031-1 et suivants du code de procédure civile ;<br> <br> La troisième chambre civile de la Cour de cassation a rendu le présent avis sur le rapport de Mme Rat, conseiller référendaire, et les observations écrites et orales de Mme Vassallo, premier avocat général ; <br> <br> Vu les observations écrites de la société civile professionnelle Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la commune de [Localité 1] et de la société civile professionnelle Foussard et Froger, avocat de la société Klecar France ; <br> <br> Énoncé de la demande d'avis<br> <br> 1. La Cour de cassation a reçu le 6 janvier 2025, une demande d'avis formée le 12 novembre 2024 par la cour d'appel de Versailles, en application des articles L. 441-1 et suivants du code de l'organisation judiciaire et 1031-1 et suivants du code de procédure civile, dans une instance opposant la commune de [Localité 1] à la société Klecar France.<br> <br> 2. La demande est ainsi formulée :<br> <br> « Le droit de délaissement prévu à l'article L. 311-2 du code de l'urbanisme est-il applicable à une partie d'un bien organisé en volumes ? » <br> <br> Examen de la demande d'avis<br> <br> 3. Aux termes de l'article L. 311-1, alinéa 1er, du code de l'urbanisme, les zones d'aménagement concerté sont les zones à l'intérieur desquelles une collectivité publique ou un établissement public y ayant vocation décide d'intervenir pour réaliser ou faire réaliser l'aménagement et l'équipement des terrains, notamment de ceux que cette collectivité ou cet établissement a acquis ou acquerra en vue de les céder ou de les concéder ultérieurement à des utilisateurs publics ou privés.<br> <br> 4. Selon l'article L. 311-2, 1°, du même code, à compter de la publication de l'acte créant une zone d'aménagement concerté, les propriétaires des terrains compris dans cette zone peuvent mettre en demeure la collectivité publique ou l'établissement public qui a pris l'initiative de la création de la zone, de procéder à l'acquisition de leur terrain, dans les conditions et délais prévus à l'article L. 230-1. <br> <br> 5. Selon l'article L. 230-1 du même code, la mise en demeure de procéder à l'acquisition d'un terrain bâti ou non est adressée par le propriétaire à la mairie de la commune où se situe le bien.<br> <br> 6. La mise en oeuvre du droit de délaissement est, dans ces zones d'aménagement concerté, réservée aux propriétaires de terrains, bâtis ou non (3e Civ., 7 mai 1996, pourvoi n° 95-70.031, publié). <br> <br> 7. Il est jugé, par ailleurs, que le droit de délaissement n'est pas applicable aux lots de copropriété, qui ne portent que sur une quote-part indivise du terrain (3e Civ., 10 mars 1982, pourvoi n° 81-70.312, publié).<br> <br> 8. La division en volumes dérogeant à l'article 552 du code civil selon lequel la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous, le propriétaire d'un volume ne peut être considéré comme propriétaire d'un terrain au sens de l'article L. 311-2 du code de l'urbanisme.<br> <br> 9. Il en résulte que le droit de délaissement prévu par ce texte ne s'applique pas à une partie d'un bien organisé en volumes. <br> <br> EN CONSEQUENCE, la Cour :<br> <br> EST D'AVIS QUE le droit de délaissement prévu à l'article L. 311-2 du code de l'urbanisme ne s'applique pas à une partie d'un bien organisé en volumes. <br> <br> Fait à Paris et mis à disposition au greffe de la Cour le 20 mars 2025, après examen de la demande d'avis lors de la séance du 18 mars 2025 où étaient présents, conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire : Mme Teiller, président, Mme Rat, conseiller référendaire rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, Mme Abgrall, MM. Pety, Brillet, Mmes Foucher-Gros, Guillaudier, conseillers, M. Zedda, Mmes Vernimmen, Rat, Bironneau, M. Cassou de Saint-Mathurin, conseillers référendaires, Mme Vassallo, premier avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre ;<br> <br> Le présente avis est signé par le conseiller rapporteur, le président et le greffier de chambre. <br> <br> Le conseiller rapporteur Le président<br> <br> Le greffier de chambre,3e Civ., 10 mars 1982, pourvoi n° 81-70.312, Bull. 1982, III, n° 69 (cassation) ; 3e Civ., 7 mai 1996, pourvoi n° 95-70.031, Bull. 1996, III, n° 111 (rejet).
Cour de cassation, Cour de cassation saisie pour avis, 20 mars 2025, 25-70.001, Publié au bulletin
URBANISME - Zone d'aménagement concerté - Délaissement - Domaine d'application - Exclusion - Cas - Partie d'un bien organisé en volumes
2025-03-20
ECLI:FR:CCASS:2025:C315008
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000051367943
AVIS
JURITEXT000051464896
ASSEMBLEE_PLENIERE
null
JURI
Cour de cassation
null
Rejet
LA COUR DE CASSATION, siégeant en ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br>COUR DE CASSATION CF<br> <br> <br> ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE<br> <br> <br> Audience publique du 4 avril 2025<br> <br> Rejet<br> <br> M. SOULARD, premier président <br> <br> Arrêt n° 681 B+R<br> <br> Pourvoi n° Y 21-24.439 <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E <br> <br> <br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> <br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, siégeant en ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE, DU 4 AVRIL 2025<br> <br> <br> M. [S] [M] [R], bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle (décision du 5 octobre 2021), et domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Y 21-24.439 contre l'arrêt rendu le 2 février 2021 par la cour d'appel de Toulouse (3e chambre), dans le litige l'opposant à l'Association diocésaine de [Localité 3], dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.<br> <br> Par arrêt du 3 octobre 2024, la deuxième chambre civile a ordonné le renvoi de l'examen du pourvoi devant l'assemblée plénière.<br> <br> Le demandeur au pourvoi invoque, devant l'assemblée plénière, le moyen de cassation formulé dans un mémoire déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [S] [M] [R].<br> <br> <br> Un mémoire rectificatif a été déposé par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [S] [M] [R]. <br> <br> Un mémoire en défense au pourvoi a été déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de l'Association diocésaine de [Localité 3].<br> <br> Un second mémoire rectificatif a été déposé par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [S] [M] [R]. <br> <br> Une constitution aux lieu et place de la SCP Yves et Blaise Capron a été déposée par la SCP Boucard, Capron et Maman, avocat de l'Association diocésaine de [Localité 3].<br> <br> Un mémoire complémentaire en défense a été déposé par la SCP Boucard, Capron et Maman, avocat de l'Association diocésaine de [Localité 3].<br> <br> Le rapport écrit de M. Flores, conseiller, et l'avis écrit du procureur général, ont été mis à disposition des parties.<br> <br> Sur le rapport de M. Flores, conseiller, assisté de Mme Le Roux de Bretagne, auditeur au service de documentation, des études et du rapport, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, de la SCP Capron, et l'avis de M. Heitz, procureur général, auquel les parties, invitées à le faire, n'ont pas souhaité répliquer, après débats en l'audience publique du 14 février 2025 où étaient présents M. Soulard, premier président, M. Sommer, Mme Teiller, M. Bonnal, Mmes Champalaune, Martinel, présidents, M. Ponsot, doyen de chambre faisant fonction de président, M. Flores, conseiller rapporteur, M. Huglo, Mmes de la Lance, Duval-Arnould, Durin-Karsenty, M. Boyer, doyens de chambre, Mme Schmidt, conseiller faisant fonction de doyen de chambre, Mmes Grandemange, Guillou, M. Brugère, Mmes Pic, Corneloup, conseillers, M. Heitz, procureur général, et Mme Mégnien, cadre greffier,<br> <br> la Cour de cassation, siégeant en assemblée plénière, composée du premier président, des présidents, des doyens de chambre et des conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.<br> <br> Faits et procédure <br> <br> 1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 2 février 2021), le 13 décembre 2007, l'archevêque de [Localité 3] a suspendu la procédure d'ordination au sein de l'Eglise catholique de M. [R], qui exerçait jusqu'alors les fonctions de diacre.<br> <br> 2. Le 30 août 2011, l'officialité de [Localité 3] a rendu une « sentence pénale » par laquelle le diacre a été renvoyé de l'état clérical. Cette décision a été confirmée, le 22 juin 2015, par le tribunal de la Rote romaine.<br> <br> 3. L'archevêque de [Localité 3] a pris, le 26 février 2016, un « décret d'exécution » de cette décision aux termes duquel M. [R] n'appartenait plus au clergé, et n'était plus pris en charge matériellement par le diocèse de [Localité 3], ni affilié à la caisse d'assurance vieillesse, invalidité et maladie des cultes.<br> <br> 4. Par lettre du 7 juin 2016, M. [R] a été mis en demeure de libérer le logement mis à sa disposition par l'Association diocésaine de [Localité 3] (l'association diocésaine).<br> <br> 5. Le 18 novembre 2016, M. [R] a fait assigner l'association diocésaine devant un tribunal de grande instance en annulation de la sentence prononcée à son encontre et en indemnisation de ses préjudices.<br> <br> Examen du moyen<br> <br> Sur le moyen<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 6. M. [R] fait grief à l'arrêt de déclarer la juridiction judiciaire incompétente pour connaître de ses demandes indemnitaires formées contre l'association diocésaine, alors :<br> <br> « 1°/ que la notion de procès équitable, consacrée par l'article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, suppose que le justiciable ait été en mesure d'être entendu de manière effective, et exclut donc que, en dépit du principe de séparation de l'Eglise et de l'Etat, tout recours soit fermé à l'encontre d'un ancien membre du clergé faisant valoir des droits de caractère civil à l'encontre de la communauté religieuse qui l'a renvoyé ; qu'en se déclarant incompétente pour connaître de la demande indemnitaire de l'ancien diacre pour la raison que la réparation des préjudices était la conséquence du renvoi de l'état clérical, quand la relation des intéressés était non seulement assujettie aux lois et règles internes de l'Eglise mais également à celles de l'Etat, dès lors que les parties avaient conclu un contrat, comportant des engagements et obligations purement civils, aux termes duquel, en échange des missions à lui confiées, le diacre percevait une rémunération et se voyait attribuer un logement de fonction, une assurance vieillesse et une assurance maladie, la cour d'appel a violé les articles 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, 33 et 75 du code de procédure civile, L. 211-3 du code de l'organisation judiciaire dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, ensemble l'article 1er de la loi du 9 décembre 1905 consacrant le principe de la séparation de l'Eglise et de l'Etat ;<br> <br> 2°/ que les juridictions ecclésiastiques ont compétence uniquement pour connaître des litiges mettant en cause les règles internes de l'Eglise ; qu'en énonçant que les demandes de l'ancien diacre relevaient de la compétence des juridictions ecclésiastiques, lui reprochant de ne pas les avoir saisies et n'avoir pas épuisé les voies de recours ouvertes par le droit canon contre la sanction prononcée à son encontre, quand la relation des intéressés était non seulement assujettie aux lois et règles internes de l'Eglise mais également à celles de l'Etat, dès lors que les parties avaient conclu un contrat, comportant des engagements et obligations purement civils, de sorte que les juridictions étatiques, et en particulier le tribunal de grande instance, étaient pleinement compétentes pour trancher le litige dans ses aspects relevant du droit privé, la cour d'appel a violé les articles 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, 33 et 75 du code de procédure civile, L. 211-3 du code de l'organisation judiciaire dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, ensemble l'article 1er de la loi du 9 décembre 1905 consacrant le principe de la séparation de l'Eglise et de l'Etat ».<br> <br> Réponse de la Cour <br> <br> 7. Selon l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal qui décidera des contestations sur ses droits et obligations. <br> <br> 8. La Cour européenne des droits de l'homme juge que pour que ce texte trouve à s'appliquer sous son volet civil, il faut qu'il y ait contestation sur un droit que l'on peut prétendre, au moins de manière défendable, reconnu en droit interne, que ce droit soit ou non protégé par la Convention. Il doit s'agir d'une contestation réelle et sérieuse, qui peut concerner aussi bien l'existence même d'un droit que son étendue ou ses modalités d'exercice. Enfin, l'issue de la procédure doit être directement déterminante pour le droit en question, un lien ténu ou des répercussions lointaines ne suffisant pas à faire entrer en jeu l'article 6, § 1, (CEDH, arrêt du 14 septembre 2017, Károly Nagy c. Hongrie, requête n° 56665/09, § 60). La Cour européenne des droits de l'homme précise que, pour décider si le « droit » invoqué possède vraiment une base en droit interne, il faut prendre pour point de départ les dispositions du droit national pertinent et l'interprétation qu'en font les juridictions internes (CEDH, arrêt du 14 septembre 2017, Károly Nagy c. Hongrie, requête n° 56665/09, § 62), et que c'est le droit tel qu'il a été invoqué dans la procédure interne qu'il faut retenir pour apprécier l'applicabilité de l'article 6, § 1, (CEDH, arrêt du 14 septembre 2017, Károly Nagy c. Hongrie, requête n° 56665/09, § 63). <br> <br> 9. Il convient donc de rechercher si, en l'espèce, l'action engagée porte sur un droit dont il peut être prétendu, de manière défendable, qu'il est protégé en droit interne. <br> <br> 10. Selon l'article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958, la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances.<br> <br> 11. Selon l'article 1er de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat, la République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les restrictions qu'elle édicte dans l'intérêt de l'ordre public. Selon son article 2, la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte.<br> <br> 12. Le Conseil constitutionnel déduit de l'article 1er de la Constitution et de l'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 relatif à la liberté d'opinion que le principe de laïcité impose notamment que soient garantis la liberté de conscience et le libre exercice des cultes, le respect de toutes les croyances, l'égalité de tous les citoyens devant la loi sans distinction de religion. Il ajoute qu'il en résulte aussi la neutralité de l'État et le principe selon lequel la République ne reconnaît ni ne salarie aucun culte (Cons. const., 21 février 2013, décision n° 2012-297 QPC, cons. 5).<br> <br> 13. Le Conseil d'Etat juge que, s'agissant de la législation spéciale régissant les cultes dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, ni les circonstances que les évêques sont nommés dans ces départements par le chef de l'Etat français et rémunérés, ainsi que les curés, par l'Etat et que les biens affectés au service du culte, y compris leurs dépendances, sont mis à leur disposition par les collectivités qui en sont propriétaires, ni l'existence, dans ces départements, d'un service public du culte, dont sont chargés, en vertu de la loi du 18 germinal an X, l'Etat, les communes et les établissements publics compétents, ni aucune autre règle ou principe général du droit, ne sauraient avoir pour effet de conférer aux décisions prises par les archevêques et évêques pour l'organisation du culte catholique dans leurs diocèses le caractère de décisions administratives soumises au contrôle du juge administratif et qu'il en est ainsi de la décision de nomination du curé titulaire d'une paroisse prise par un évêque, y compris en tant qu'elle a des conséquences sur les modalités d'occupation du presbytère de la paroisse concernée (CE, 10/9, 17 octobre 2012, M. [C], n° 352742, publié au Recueil Lebon).<br> <br> 14. La Cour de cassation juge que l'engagement religieux d'une personne exclut l'existence d'un contrat de travail pour les activités qu'elle accomplit pour le compte et au bénéfice d'une congrégation ou d'une association cultuelle légalement établie (Soc., 20 janvier 2010, pourvoi n° 08-42.207, publié ; Soc., 24 avril 2024, pourvoi n° 22-20.352, publié). Les ministres du culte concernés, au nombre desquels se trouvent ceux liés à une association diocésaine, ne peuvent donc pas invoquer l'existence d'un contrat de travail. <br> <br> 15. Dès lors que l'engagement religieux n'est pas de nature à créer des obligations civiles, ces ministres du culte ne sauraient davantage soutenir que les avantages matériels qui leur sont octroyés pour l'exercice de leurs fonctions cultuelles le sont en exécution d'un contrat.<br> <br> 16. Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'il n'appartient pas au juge civil d'apprécier la régularité ou le bien-fondé de la décision de nomination ou de révocation d'un tel ministre du culte prise par une autorité religieuse légalement établie en application des règles internes qui la gouvernent. <br> <br> 17. Cette règle s'inscrit dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, qui juge que le principe d'autonomie des communautés religieuses, découlant de l'article 9 de la Convention, interdit à l'Etat d'obliger celles-ci à admettre en leur sein de nouveaux membres ou d'en exclure d'autres (CEDH, arrêt du 9 juillet 2013, Sindicatul « Pástorul Cel Bun » c. Roumanie, n° 2330/09). <br> <br> 18. Dès lors, l'indemnisation de préjudices nés de la décision d'une association diocésaine de mettre fin à la prise en charge matérielle consentie au ministre du culte pour l'exercice de son ministère, lorsqu'elle n'est pas détachable de la décision de révocation, n'est pas un droit défendable au sens de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.<br> <br> 19. Examinant les griefs invoqués par M. [R], la cour d'appel a retenu que ses demandes étaient relatives à un service ecclésiastique, qui relevait de la seule organisation interne de sa communauté religieuse, et que les préjudices invoqués, liés à la perte de la rémunération, du logement de fonction et du bénéfice de l'assurance sociale, n'étaient que la conséquence de son renvoi de l'état clérical. Elle a ajouté que la contestation de M. [R] imposait d'apprécier à la fois la validité de la procédure suivie devant la juridiction ecclésiastique et le caractère fautif du décret de mise à exécution de cette décision, lesquels relèvent de l'autonomie religieuse. <br> <br> 20. La cour d'appel, qui a ainsi fait ressortir que les demandes formées par M. [R] contre l'association diocésaine au titre de la perte des avantages matériels, lesquels n'étaient pas détachables de son engagement cultuel, n'étaient pas fondées sur un droit civil défendable au sens de l'article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en a exactement déduit qu'il n'entrait pas dans les pouvoirs du juge civil de statuer sur celles-ci. <br> <br> 21. Le moyen n'est donc pas fondé.<br> <br> PAR CES MOTIFS, la Cour :<br> <br> REJETTE le pourvoi ;<br> <br> Condamne M. [R] aux dépens ;<br> <br> En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;<br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, siégeant en assemblée plénière, et prononcé le quatre avril deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Cour de cassation, Assemblée plénière, 4 avril 2025, 21-24.439, Publié au bulletin
POUVOIRS DES JUGES
2025-04-04
ECLI:FR:CCASS:2025:AP00681
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000051464896
ARRET
JURITEXT000051400040
CHAMBRE_CRIMINELLE
Articles 175, II, et 567 du code de procédure pénale.
JURI
Cour de cassation
La personne domiciliée à l'étranger qui, bien que n'étant pas en fuite mais se sachant recherchée, se soustrait volontairement à la procédure d'information se place, par une manoeuvre de son propre fait, dans l'impossibilité de bénéficier des dispositions de l'article 567 du code de procédure pénale. C'est à bon droit qu'une chambre de l'instruction, saisie de l'appel d'une ordonnance de mise en accusation, déclare irrecevable le mémoire déposé par l'avocat d'une personne renvoyée devant la juridiction criminelle, qui, domiciliée au Canada, est visée par un mandat d'arrêt délivré par le juge d'instruction après que ce dernier l'eut vainement convoquée aux fins d'interrogatoire de première comparution. Le pourvoi formé par cette même personne contre l'arrêt de ladite chambre de l'instruction est lui-même irrecevable. Les réquisitions motivées du procureur de la République visées à l'article 175, II, du code de procédure pénale, texte qui n'opère aucune distinction, s'entendent de toute réquisition, qu'elle tende au renvoi devant une juridiction de jugement, au prononcé d'un non-lieu ou à la poursuite de l'information
Irrecevabilite
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br>N° R 24-87.349 F-B<br> <br> N° 00542<br> <br> <br> ECF<br> 25 MARS 2025<br> <br> <br> IRRECEVABILITE<br> DECHEANCE<br> REJET<br> <br> <br> M. BONNAL président,<br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E<br> ________________________________________<br> <br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, <br> DU 25 MARS 2025<br> <br> <br> M. [R] [Y] a formé des pourvois contre les arrêts :<br> <br> - n° 5 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 2e section, en date du 14 décembre 2021, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de fourniture de prestations de cryptologie visant à assurer des fonctions de confidentialité sans déclaration conforme, importation et fourniture d'un moyen de cryptologie sans déclaration préalable, associations de malfaiteurs, blanchiments aggravés, a ordonné le renvoi à une audience ultérieure (pourvoi n° 22-80.716),<br> <br> - n° 6 de ladite chambre de l'instruction, en date du 14 décembre 2021, qui, dans la même information, a ordonné le renvoi à une audience ultérieure (pourvoi n° 22-80.746),<br> <br> - n° 8 de ladite chambre de l'instruction, en date du 14 décembre 2021, qui, dans la même information, a ordonné le renvoi à une audience ultérieure (pourvoi n° 22-80.715),<br> <br> - n° 10 de ladite chambre de l'instruction, en date du 17 mai 2022, qui, dans la même information, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure (pourvoi n° 22-83.558),<br> <br> - n° 5 de ladite chambre de l'instruction, en date du 17 mai 2022, qui, dans la même information, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure (pourvoi n° 22-83.557). <br> <br> M. [B] [G] et M. [R] [Y] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 2e section, en date du 12 décembre 2024, qui les a renvoyés devant la cour d'assises spécialement composée, sous l'accusation de fourniture de prestations de cryptologie visant à assurer des fonctions de confidentialité sans déclaration conforme, importation et fourniture d'un moyen de cryptologie sans déclaration préalable, associations de malfaiteurs, blanchiments aggravés (pourvoi n° 24-87.349).<br> <br> Les pourvois sont joints en raison de la connexité. <br> <br> Des mémoires ampliatif et personnel ainsi que des observations complémentaires ont été produits. <br> <br> Sur le rapport de M. Seys, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [B] [G], et les conclusions de Mme Caby, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Seys, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Pinna, greffier de chambre,<br> <br> la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. <br> <br> Faits et procédure<br> <br> 1. Il résulte du dernier arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.<br> <br> 2. M. [B] [G] et M. [R] [Y] ont été mis en cause au cours d'une enquête portant sur les conditions de commercialisation et d'utilisation, en France, du système Sky Ecc qui permet, via des téléphones mobiles, des échanges cryptés entre ses utilisateurs.<br> <br> 3. Le 20 août 2019, une information a été ouverte à la juridiction interrégionale spécialisée de [Localité 1], dont les juges d'instruction se sont dessaisis le 7 décembre 2020 au profit de la juridiction nationale de lutte contre le crime organisée.<br> <br> 4. M. [Y] a été mis en examen à l'issue de son interrogatoire de première comparution le 18 juin 2021.<br> <br> 5. Régulièrement convoqué par les magistrats instructeurs, M. [G], qui demeure au Canada, ne s'est pas présenté et un mandat d'arrêt a été délivré le 2 septembre 2022 à son encontre.<br> <br> 6. Par ordonnance du 13 août 2024, les juges d'instruction ont notamment ordonné la mise en accusation des chefs susvisés de plusieurs personnes, au nombre desquelles M. [Y] et M. [G], à l'encontre de qui le mandat d'arrêt a été maintenu.<br> <br> 7. M. [Y], puis le procureur de la République, ont relevé appel de cette décision.<br> <br> Examen de la recevabilité du pourvoi formé par M. [G] <br> <br> 8. Pour déclarer irrecevable le mémoire déposé pour M. [G] par son avocat devant la chambre de l'instruction, l'arrêt attaqué énonce que, résidant au Canada et convoqué à son adresse aux fins d'interrogatoire par les magistrats instructeurs, M. [G] n'a pas comparu et qu'un mandat d'arrêt a été décerné de ce fait contre lui.<br> <br> 9. Ils relèvent qu'en application de l'article 199, alinéa 1, du code de procédure pénale, seuls le procureur général et les avocats des parties ou des témoins assistés peuvent présenter des observations devant la chambre de l'instruction et observent que, selon la Cour de cassation, méconnaît ce principe la chambre de l'instruction qui entend l'avocat d'une personne visée dans la plainte initiale mais qui n'a été ni mise en examen, ni placée sous le statut de témoin assisté.<br> <br> 10. Ils ajoutent que M. [G] n'est ni mis en examen, ni témoin assisté, qu'il n'a pas fait l'objet d'une procédure d'extradition et n'est pas placé sous écrou extraditionnel en exécution de celle-ci.<br> <br> 11. Ils en déduisent qu'il n'est, dès lors, pas recevable à faire appel de l'ordonnance contestée ou à présenter des observations à cette occasion.<br> <br> 12. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application des textes visés au moyen, pour les motifs qui suivent.<br> <br> 13. En premier lieu, il se déduit des motifs susvisés et des pièces de la procédure, dont la Cour de cassation a le contrôle, que M. [G], dont l'adresse à l'étranger est connue, y a été régulièrement convoqué en vue d'un interrogatoire de première comparution et a refusé de comparaître devant les juges d'instruction, alors qu'il était informé des poursuites en cours, et s'est ainsi, par cette manoeuvre, volontairement soustrait à la procédure. <br> <br> 14. En deuxième lieu, la délivrance d'un mandat d'arrêt au cours de l'information ne confère pas à celui qui en est l'objet la qualité de personne mise en examen.<br> <br> 15. En troisième lieu, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, la personne visée par un mandat d'arrêt qui n'est pas placée sous écrou extraditionnel et qui se soustrait volontairement à la procédure ne tient ni des dispositions de droit interne ni de celles des articles 5, 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme le droit de saisir la chambre de l'instruction d'une requête en annulation dudit mandat, une telle personne n'ayant pas la qualité de partie.<br> <br> 16. La circonstance que cette même personne est l'objet d'une ordonnance de mise en accusation rendue par une juridiction d'instruction ne saurait, pour les mêmes motifs, lui conférer une telle qualité.<br> <br> 17. Il s'ensuit que le pourvoi doit être déclaré irrecevable, comme émanant d'une personne qui n'est pas partie à la procédure, au sens de l'article 567 du code de procédure pénale.<br> <br> 18. Une telle irrecevabilité ne prive pas cette personne de recours, dès lors que, de première part, elle peut acquérir la qualité de partie à la procédure par sa comparution, de deuxième part, les juges du fond, en toute hypothèse, sont tenus d'examiner le bien-fondé des charges retenues contre elle et, enfin, elle peut, le cas échéant, être défendue en son absence par un avocat devant la juridiction criminelle, en application des articles 379-2 et suivants du code de procédure pénale.<br> <br> Déchéance des pourvois formés par M. [Y] en ce qu'ils sont dirigés contre les arrêts n° 5, 6 et 8 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris du 14 décembre 2021 et n° 5 de ladite chambre de l'instruction du 17 mai 2022<br> <br> 19. M. [Y] n'a pas déposé dans le délai légal, personnellement ou par son avocat, des mémoires exposant ses moyens de cassation. Il y a lieu, en conséquence, de le déclarer déchu de ses pourvois enregistrés sous les numéros 22-80.716, 22-80.746, 22-80.715, 22-83.558 et 22-83.557, par application de l'article 590-1 du code de procédure pénale. <br> <br> Examen du pourvoi formé par M. [Y] en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris du 12 décembre 2024<br> <br> Sur les deuxième, troisième et quatrième moyens <br> <br> 20. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.<br> <br> Sur le premier moyen<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 21. Le moyen, pris de la violation du principe du contradictoire, des droits de la défense et de l'article 175 du code de procédure pénale, critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a écarté le droit de réplique de M. [Y] aux réquisitions du ministère public, prises moins de dix jours avant l'ordonnance de règlement, alors que les réquisitions motivées du ministère public visées par le second paragraphe de l'article 175 du code de procédure pénale dans sa rédaction antérieure au 30 septembre 2024 ne se limitent pas au réquisitoire définitif et s'entendent également de réquisitions aux fins de poursuite de l'information. <br> <br> Réponse de la Cour <br> <br> 22. Pour rejeter le grief pris de l'écoulement d'un délai inférieur à dix jours entre la date des réquisitions du procureur de la République et celle de l'ordonnance de règlement, l'arrêt attaqué énonce qu'il se déduit des articles D. 40-1-2 et 175 du code de procédure pénale que seul le réquisitoire définitif relève de ces dispositions.<br> <br> 23. Les juges ajoutent que les réquisitions supplétives relèvent d'un autre régime procédural, prévu notamment à l'article 82 du code de procédure pénale. <br> <br> 24. Ils retiennent qu'au présent cas, les juges d'instruction saisis ont répondu par une ordonnance distincte aux réquisitions supplétives formées par le ministère public à la suite de l'ordonnance de soit-communiqué aux fins de règlement.<br> <br> 25. Ils en déduisent que le réquisitoire supplétif du 1er août 2024 n'avait pas à être notifié aux parties et qu'il ne correspond pas aux réquisitions motivées visées à l'article 175 du code de procédure pénale ouvrant droit au délai de dix jours après leur notification pour adresser au juge d'instruction des observations complémentaires.<br> <br> 26. C'est à tort que la chambre de l'instruction a retenu que des réquisitions supplétives prises en réponse à une ordonnance de soit-communiqué du juge d'instruction aux fins de règlement ne relevaient pas des dispositions de l'article 175 du code de procédure pénale, ce texte n'opérant aucune distinction.<br> <br> 27. L'arrêt attaqué n'encourt néanmoins pas la censure. En effet, si la personne mise en examen fait valoir dans son mémoire qu'elle n'a pas été mise en mesure de présenter ses observations sur les réquisitions aux fins de poursuite de l'information du ministère public, afin de convaincre le juge d'instruction de reprendre ses investigations, cette impossibilité résultant du fait que le délai qui s'est écoulé entre la date desdites réquisitions et celle de l'ordonnance de règlement a été inférieur aux dix jours prévus par le texte susvisé, elle n'a néanmoins pas présenté devant la chambre de l'instruction de demande de supplément d'information en ce sens. <br> <br> 28. Le moyen doit, dès lors, être rejeté.<br> <br> 29. Par ailleurs, la procédure est régulière et les faits, objet de l'accusation, sont qualifiés crime par la loi.<br> <br> PAR CES MOTIFS, la Cour :<br> <br> Sur le pourvoi formé par M. [B] [G] :<br> <br> Le DECLARE IRRECEVABLE ;<br> <br> Sur les pourvois formés par M. [R] [Y] contre les arrêts n° 5, 6 et 8 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris du 14 décembre 2021 et n° 5 et 10 de ladite chambre de l'instruction du 17 mai 2022 :<br> <br> CONSTATE la déchéance des pourvois ;<br> <br> Sur le pourvoi formé par M. [R] [Y] contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris du 12 décembre 2024 :<br> <br> Le REJETTE. <br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mars deux mille vingt-cinq.
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 25 mars 2025, 24-87.349, Publié au bulletin
INSTRUCTION - Ordonnances - Ordonnance de mise en accusation - Appel - Personne domiciliée à l'étranger faisant l'objet d'un mandat d'arrêt - Mémoire déposé par l'avocat - Irrecevabilité - Portée,INSTRUCTION - Avis de fin d'information - Réquisitions du procureur de la République - Domaine d'application - Détermination
2025-03-25
ECLI:FR:CCASS:2025:CR00542
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000051400040
ARRET
JURITEXT000051400042
CHAMBRE_CRIMINELLE
null
JURI
Cour de cassation
La chambre de l'instruction statuant sur une demande de mise en liberté formée en application de l'article 696-19 du code de procédure pénale ne saurait, sans excéder son office, prendre en compte un changement de circonstances intervenu dans l'Etat requérant, susceptible d'exposer la personne recherchée à une violation de ses droits fondamentaux, dès lors qu'il a été définitivement statué sur la demande d'extradition et que, de surcroît, le décret d'extradition est exécutoire, la décision d'un éventuel retrait dudit décret relevant de la seule compétence du gouvernement. Il résulte de l'article 5, § 1, f), de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que, si le déroulement d'une procédure d'extradition justifie une privation de liberté, c'est à la condition que cette procédure soit menée avec la diligence requise. Encourt la censure l'arrêt de la chambre de l'instruction qui rejette le moyen pris de la durée excessive de la détention à titre extraditionnel aux motifs, notamment, que la remise n'a pu être effectuée en raison des conséquences de la guerre en Ukraine sur les relations diplomatiques de la France avec la Fédération de Russie, situation constitutive d'un cas de force majeure, inchangée au jour où cette juridiction statuait. En effet, en premier lieu, si l'article 18, § 5, de la Convention européenne d'extradition, seul applicable, prévoit le cas de la force majeure affectant la remise, il appartenait à la chambre de l'instruction de rechercher s'il existait des perspectives concrètes de parvenir, dans un futur quantifiable et un délai raisonnable, au terme de la procédure d'extradition, alors que l'intéressé était placé sous écrou extraditionnel depuis plus de six ans et que plus de deux ans s'étaient écoulés depuis le décret d'extradition. En second lieu, la chambre de l'instruction ne pouvait justifier la durée du placement sous écrou extraditionnel au regard de la gravité des faits, alors que l'intéressé était recherché aux fins de poursuites et non d'exécution de peine, qu'il bénéficiait de la présomption d'innocence et que les autorités nationales devaient en conséquence faire preuve d'une diligence particulière afin de protéger les droits de l'intéressé
Cassation
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br>N° P 25-80.290 F-B<br> <br> N° 00544<br> <br> <br> ECF<br> 25 MARS 2025<br> <br> <br> CASSATION<br> <br> <br> M. BONNAL président,<br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E<br> ________________________________________<br> <br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, <br> DU 25 MARS 2025<br> <br> <br> <br> M. [N] [S] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 5e section, en date du 2 janvier 2025, qui, dans la procédure d'extradition suivie contre lui à la demande du gouvernement de la Fédération de Russie, a rejeté sa demande de mise en liberté. <br> <br> Un mémoire a été produit.<br> <br> Sur le rapport de Mme Merloz, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [N] [S], et les conclusions de Mme Djemni-Wagner, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Merloz, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Pinna, greffier de chambre,<br> <br> la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. <br> <br> Faits et procédure<br> <br> 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.<br> <br> 2. Le 6 septembre 2018, M. [N] [S], de nationalité russe, a été placé sous écrou extraditionnel en exécution d'une demande d'arrestation provisoire délivrée par les autorités russes, aux fins de poursuites, sur le fondement d'un mandat d'arrêt du 25 novembre 2015, pour des faits qualifiés de participation aux activités d'une organisation terroriste en ayant suivi un entraînement en vue d'activités terroristes, punis d'une peine de réclusion criminelle à perpétuité.<br> <br> 3. M. [S] n'a pas consenti à son extradition.<br> <br> 4. Le 23 septembre 2020, la chambre de l'instruction a émis un avis favorable à la demande d'extradition.<br> <br> 5. Le 17 juin 2022, le Premier ministre a pris un décret d'extradition, le recours contre ce décret ayant été rejeté par le Conseil d'Etat le 17 février 2023.<br> <br> 6. Par déclaration au greffe de la chambre de l'instruction du 16 décembre 2024, M. [S] a formé une demande de mise en liberté.<br> <br> Examen du moyen<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de mise en liberté de M. [S], alors :<br> <br> « 1°/ que de première part, les décisions autorisant l'extradition de l'exposant ayant été rendues antérieurement à la dégradation de la situation des droits de l'homme en Russie intervenu en 2022, il appartenait à la chambre de l'instruction, saisie d'un moyen en ce sens, de tenir compte de ce changement de circonstances, lequel faisait obstacle à l'exécution de l'extradition en raison d'un risque d'atteinte aux droits fondamentaux et d'en tirer les conséquences en suspendant les effets de la décision devenue, en l'état, inexécutable et, partant, en ordonnant sa remise en liberté d'office ; qu'en jugeant « inopérant » le moyen tiré du changement de circonstances intervenu depuis les dernières décisions judiciaires aux motifs que « les développements présentés par la défense de [N] [S] sur la dégradation de la situation des droits de l'homme en Russie, notamment dans le système carcéral, ont pour objet de remettre en cause des décisions judiciaires définitives et un décret d'extradition lui-même définitif et ne se rapportent pas à la situation carcérale actuelle de [N] [S] », la chambre de l'instruction a méconnu les articles 2, 3 et 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale ;<br> <br> 3°/ que de troisième part, le caractère indéterminé du délai de reprise de la procédure d'extradition en raison d'une situation géopolitique conflictuelle « inchangée à ce jour » constitue une privation de liberté injustifiée ; que pour rejeter la demande de mise en liberté formée par l'intéressé, qui invoquait le manque de diligence dans la procédure d'extradition ainsi que la durée excessive de sa privation de liberté, sans rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée, s'il n'était pas dépourvu de perspectives concrètes de parvenir, dans un délai à la fois précis et raisonnable, au terme de la procédure d'extradition, la chambre de l'instruction a de plus fort méconnu les articles 5, § 1, f) de la Convention, 696-18, 696-19, 591 et 593 du code de procédure pénale ;<br> <br> 4°/ que de quatrième part, une situation géopolitique conflictuelle et la gravité des faits reprochés à la personne placée sous écrou extraditionnel ne peuvent être pris en compte pour justifier la passivité des autorités dans la conduite de la procédure d'extradition ; qu'en rejetant la demande de mise en liberté formée par l'intéressé, qui invoquait la durée excessive de sa privation de liberté et arguait de la carence des autorités, aux motifs que « la durée de la privation de liberté doit s'apprécier à l'aune de cette situation diplomatique et des faits reprochés à la personne dont l'extradition a été accordée » et qu'eu égard à la situation géopolitique actuellement inchangée à ce jour entre la France et la Russie et à la gravité des faits reprochés, « la durée de son écrou extraditionnel n'est pas déraisonnable », critères inopérants, la chambre de l'instruction a, une fois encore, méconnu les articles 5, § 1, f), de la Convention, 696-18, 696-19, 591 et 593 du code de procédure pénale. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> Sur le moyen, pris en sa première branche<br> <br> 8. Le demandeur ne saurait se faire un grief de ce que l'arrêt attaqué a jugé inopérants les développements qu'il a présentés au soutien de sa demande de mise en liberté, relatifs à la dégradation de la situation des droits de l'homme en Russie, notamment dans le système carcéral.<br> <br> 9. En effet, la chambre de l'instruction statuant sur une demande de mise en liberté formée en application de l'article 696-19 du code de procédure pénale ne saurait, sans excéder son office, prendre en compte un changement de circonstances intervenu dans l'Etat requérant, susceptible d'exposer la personne recherchée à une violation de ses droits fondamentaux, dès lors qu'il a été définitivement statué sur la demande d'extradition et que, de surcroît, le décret d'extradition est exécutoire, la décision d'un éventuel retrait dudit décret relevant de la seule compétence du gouvernement.<br> <br> Mais sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches <br> <br> Vu les articles 5, § 1, f) de la Convention européenne des droits de l'homme et 593 du code de procédure pénale :<br> <br> 10. Il résulte du premier de ces textes que, si le déroulement d'une procédure d'extradition justifie une privation de liberté, c'est à la condition que cette procédure soit menée avec la diligence requise.<br> <br> 11. Selon le second, tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.<br> <br> 12. Pour rejeter la demande de mise en liberté présentée par le demandeur, l'arrêt attaqué énonce qu'il appartient à l'administration centrale de mettre à exécution le décret d'extradition, exécutoire depuis le 17 février 2023, et relève que les relations diplomatiques de la France avec la Fédération de Russie sont, depuis cette date, fortement affectées par la guerre en Ukraine, cette situation géopolitique étant constitutive d'un cas de force majeure au sens de l'article 696-18 du code de procédure pénale.<br> <br> 13. Les juges ajoutent que cette situation de force majeure ne peut cependant être tenue pour définitive et qu'il leur appartient de rechercher si, au regard de la durée de l'écrou extraditionnel, d'une part, et des garanties de représentation et du risque de fuite, d'autre part, M. [S] doit être maintenu en détention.<br> <br> 14. Ils énoncent en substance, concernant la durée de l'écrou extraditionnel, que la procédure a été menée avec la diligence requise jusqu'au 23 février 2023, date à laquelle le Conseil d'Etat a rejeté le recours formé par M. [S] contre le décret d'extradition, la remise effective de l'intéressé se heurtant à la situation géopolitique, inchangée à ce jour.<br> <br> 15. Ils en déduisent que le caractère déraisonnable et non proportionné de la durée de la privation de liberté doit s'apprécier à l'aune de cette situation diplomatique et des faits reprochés à la personne dont l'extradition a été accordée.<br> <br> 16. Ils observent à cet égard que l'intéressé est recherché pour des faits d'une particulière gravité, relatifs à son adhésion à une organisation reconnue comme terroriste et à sa formation aux fins de la commission d'actes terroristes, qui, s'ils sont contestés, lui font néanmoins encourir une peine de réclusion criminelle à perpétuité.<br> <br> 17. Ils ajoutent que M. [S] ne présente pas de garanties de représentation en ce qu'il refuse son extradition, qu'il n'a communiqué aucune information quant à la situation de sa famille, le domicile de son épouse et de ses enfants, ni même le pays dans lequel ils résideraient actuellement, qu'il est en situation irrégulière en France et n'y justifie d'aucune adresse et n'a aucune ressource ni soutien familial ou amical, offrant uniquement de se domicilier chez son avocat et un possible hébergement dans un hôtel pendant quatre jours.<br> <br> 18. Ils en concluent que, au regard de l'ensemble de ces éléments, la durée de l'écrou extraditionnel n'est pas déraisonnable.<br> <br> 19. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision pour les motifs qui suivent.<br> <br> 20. En premier lieu, la chambre de l'instruction ne pouvait énoncer que la remise effective de l'intéressé se heurtait à un cas de force majeure inchangé au jour où elle statuait, étant précisé que ledit cas est prévu à l'article 18, § 5, de la Convention européenne d'extradition, seul applicable, sans rechercher s'il existait des perspectives concrètes de parvenir, dans un futur quantifiable et un délai raisonnable, au terme de la procédure d'extradition, alors que l'intéressé était placé sous écrou extraditionnel depuis plus de six ans et que plus de deux ans se sont écoulés depuis le décret d'extradition.<br> <br> 21. En second lieu, la chambre de l'instruction ne pouvait justifier la durée du placement sous écrou extraditionnel au regard de la gravité des faits, alors que l'intéressé est recherché aux fins de poursuites et non d'exécution de peine, qu'il bénéficie de la présomption d'innocence et que les autorités nationales doivent en conséquence faire preuve d'une diligence particulière afin de protéger les droits de l'intéressé.<br> <br> 22. Par conséquent, la cassation est encourue de ces chefs, sans qu'il y ait lieu d'examiner l'autre grief.<br> <br> Portée et conséquences de la cassation<br> <br> 23. La cassation ainsi prononcée pour insuffisance de motivation n'emportant pas remise en cause du titre de détention, elle n'entraînera pas la mise en liberté de l'intéressé.<br> <br> PAR CES MOTIFS, la Cour :<br> <br> CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 2 janvier 2025, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;<br> <br> DIT n'y avoir lieu à remise en liberté de M. [S] ;<br> <br> RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;<br> <br> ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé. <br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mars deux mille vingt-cinq.
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 25 mars 2025, 25-80.290, Publié au bulletin
CHAMBRE DE L'INSTRUCTION
2025-03-25
ECLI:FR:CCASS:2025:CR00544
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000051400042
ARRET
JURITEXT000051400046
CHAMBRE_CRIMINELLE
Articles L. 12-3 et L. 433-1 du code de la justice pénale des mineurs ; article 145 du code de procédure pénale.
JURI
Cour de cassation
Il résulte des articles L. 12-3, L. 433-1 du code de la justice pénale des mineurs et 145 du code de procédure pénale que, lorsque la personne mise en examen est mineure au moment des faits, le débat devant le juge des libertés et de la détention en vue de son placement en détention provisoire se déroule et l'ordonnance est rendue en audience de cabinet. Cette règle est instaurée pour protéger l'identité et la personnalité du mineur et sa violation, lorsque ce dernier n'a pas atteint sa majorité au jour du débat contradictoire, fait nécessairement grief à ses intérêts. En conséquence, encourt la cassation l'arrêt qui écarte le moyen de nullité de l'ordonnance de placement en détention provisoire tiré de la présence d'un tiers lors du débat contradictoire, au motif que la présence de ce tiers, qui bénéficiait d'une convention de stage, n'est pas de nature à remettre en cause la régularité de la décision, d'autant qu'aucune contestation n'a été soulevée par la défense sur ce point, dès lors que cette personne ne faisait pas partie des personnes admises à assister au débat en question
Cassation sans renvoi
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br>N° D 25-80.005 FS-B<br> <br> N° 00567<br> <br> <br> SL2<br> 26 MARS 2025<br> <br> <br> CASSATION SANS RENVOI<br> <br> <br> M. BONNAL président,<br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E<br> ________________________________________<br> <br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, <br> DU 26 MARS 2025<br> <br> <br> [M] [F] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 17 décembre 2024, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de tentative de viol, arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraires, vol et violences, aggravés, menaces, associations de malfaiteurs, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention le plaçant en détention provisoire. <br> <br> Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.<br> <br> Sur le rapport de M. Gouton, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de [M] [F], et les conclusions de M. Micolet, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Gouton, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, Mme Leprieur, MM. Turbeaux, Laurent, Brugère, Tessereau, conseillers de la chambre, M. Mallard, Mmes Guerrini, Diop-Simon, conseillers référendaires, M. Micolet, avocat général, et Mme Lavaud, greffier de chambre,<br> <br> la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. <br> <br> Faits et procédure<br> <br> 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.<br> <br> 2. [M] [F], mineur né le [Date naissance 1] 2009, a été mis en examen par le juge d'instruction des chefs susvisés.<br> <br> 3. Par ordonnance du 22 novembre 2024, le juge des libertés et de la détention l'a placé en détention provisoire.<br> <br> 4. [M] [F] a relevé appel de cette décision.<br> <br> Examen des moyens<br> <br> Sur le premier moyen<br> <br> 5. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.<br> <br> Mais sur le deuxième moyen<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité de l'ordonnance de placement en détention provisoire de [M] [F] pour violation du principe de publicité restreinte, dit l'appel mal fondé et confirmé l'ordonnance de placement en détention provisoire, alors :<br> <br> « 1°/ que la publicité des audiences des juridictions statuant à l'égard des mineurs est restreinte ; que le débat contradictoire sur la détention provisoire d'un mis en examen mineur a lieu et le juge statue en audience de cabinet ; que le respect de ce principe doit procéder des mentions de l'ordonnance de placement en détention ; qu'en relevant, pour rejeter l'exception de nullité tiré de la violation du principe de publicité restreinte, que le débat s'est tenu en audience de cabinet, que le juge a statué en la même forme et que la présence de Mme [X] [U] motivée, au vu de la convention passée avec la juridiction et relative à la mise en oeuvre d'une période de mise en situation en milieu professionnel annexée aux réquisitions du parquet général, par la perspective d'une reconversion professionnelle dans la magistrature n'est pas de nature à remettre en cause le principe de la publicité restreinte, d'autant qu'aucune contestation n'a été soulevée par la défense (arrêt p. 16) cependant que ni les énonciations du procès-verbal de débat contradictoire ni celles de l'ordonnance de placement en détention provisoire ne permettaient pas en elles-mêmes de s'assurer que Mme [U] est l'une des personnes dont la présence à l'audience du juge des libertés et de la détention est légalement autorisée, ce qui fait nécessairement grief à l'exposant, mineur lors de cette audience intervenue faussement en audience de cabinet, la chambre de l'instruction a violé les articles 12-3 et L. 513-2 du code de la justice pénale des mineurs et 145 du code de procédure pénale ;<br> <br> 2°/ que la publicité des audiences des juridictions statuant à l'égard des mineurs est restreinte ; que le débat contradictoire sur la détention provisoire d'un mis en examen mineur a lieu et le juge statue en audience de cabinet ; qu'en se bornant à retenir, après avoir rappelé que le principe de publicité restreinte est instauré pour protéger l'identité et la personnalité du mineur (arrêt p. 16), que la présence de Mme [U] n'apparait pas de nature à remettre en cause le principe de la publicité restreinte (arrêt p. 16) cependant que la convention relative à la mise en oeuvre d'une période de mise en situation en milieu professionnel produite en annexe du réquisitoire ne mentionne pas parmi les obligations des parties le respect du secret professionnel (mémoire complémentaire p. 3), la chambre de l'instruction n'a pas justifié légalement sa décision au regard des articles 12-3 du code de la justice pénale des mineurs et 145 du code de procédure pénale. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> Vu les articles L. 12-3 et L. 433-1 du code de la justice pénale des mineurs et 145 du code de procédure pénale :<br> <br> 7. Il résulte de ces textes que, lorsque la personne mise en examen est mineure au moment des faits, le débat devant le juge des libertés et de la détention en vue de son placement en détention provisoire se déroule et l'ordonnance est rendue en audience de cabinet.<br> <br> 8. Cette règle est instaurée pour protéger l'identité et la personnalité du mineur et sa violation, lorsque ce dernier n'a pas atteint sa majorité au jour du débat contradictoire, fait nécessairement grief à ses intérêts.<br> <br> 9. Pour écarter le moyen de nullité de l'ordonnance de placement en détention provisoire tiré de la présence d'un tiers lors du débat contradictoire, l'arrêt attaqué énonce que le procès-verbal et l'ordonnance du juge des libertés et de la détention mentionnent que le débat a eu lieu et que le juge a statué en audience de cabinet.<br> <br> 10. Les juges ajoutent que la présence, lors du débat contradictoire, d'une personne bénéficiant d'une convention de stage n'est pas de nature à remettre en cause la régularité de la décision, d'autant qu'aucune contestation n'a été soulevée par la défense sur ce point.<br> <br> 11. En statuant ainsi et dès lors que ce tiers ne faisait pas partie des personnes admises à assister au débat contradictoire, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.<br> <br> 12. La cassation est par conséquent encourue. <br> <br> Portée et conséquences de la cassation<br> <br> 13. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.<br> <br> 14. Il n'y a pas lieu d'examiner le troisième moyen de cassation proposé.<br> <br> 15. [M] [F] doit être remis en liberté, sauf s'il est détenu pour autre cause.<br> <br> 16. Cependant, les dispositions de l'article 803-7, alinéa 1er, du code de procédure pénale permettent à la Cour de cassation de placer sous contrôle judiciaire la personne dont la détention provisoire est irrégulière en raison de la méconnaissance des formalités prévues par ce même code, auquel renvoie l'article L. 13-1 du code de la justice pénale des mineurs, dès lors qu'elle trouve dans les pièces de la procédure des éléments d'information pertinents et que la mesure apparaît indispensable pour assurer l'un des objectifs énumérés à l'article 144 du code de procédure pénale.<br> <br> 17. En l'espèce, il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable que [M] [F] ait pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont le juge d'instruction est saisi.<br> <br> 18. La mesure de contrôle judiciaire est indispensable afin :<br> <br> - d'empêcher une pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille, en ce que tous les témoins n'ont pas été identifiés, alors que de multiples vidéos des faits ont circulé sur les réseaux sociaux ; que les faits sont, par ailleurs, intervenus dans un contexte de représailles dont le mobile reste incertain, à la suite de l'organisation d'un guet-apens ; qu'il apparaît ainsi impérieux, alors même que les moyens modernes permettent de préserver la confidentialité des communications, de prévenir toute action de la personne mise en examen, d'une part, sur la victime, qui a été gravement traumatisée et craint de nouvelles violences, d'autre part, sur les témoins pour altérer leurs dépositions et empêcher la récupération des vidéos existantes ;<br> <br> - d'empêcher une concertation frauduleuse entre la personne mise en examen et ses coauteurs ou complices, en ce que la sincérité des interrogatoires à venir doit être garantie et qu'il convient d'éviter que les intéressés ne puissent frauduleusement définir une version commune de nature à compromettre l'identification d'autres auteurs ou complices, alors même que les faits ont été commis à l'occasion d'une action collective ;<br> <br> - de garantir le maintien de la personne mise en examen à la disposition de la justice, en ce que [M] [F] est pour l'heure déscolarisé et encourt une lourde peine dont la perspective éventuelle pourrait le déterminer à se soustraire aux actes de la procédure ;<br> <br> - de mettre fin à l'infraction ou de prévenir son renouvellement, en ce que la facilité du passage à l'acte fait craindre une inclination à la violence, alors même que l'intéressé a reconnu qu'il pouvait s'emporter et se défouler, avec un couteau, sur des meubles, et que les rapports éducatifs décrivent une déscolarisation, une difficulté à gérer la colère et la nécessité d'un suivi thérapeutique ;<br> <br> - de mettre fin au trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public provoqué par la gravité de l'infraction, les circonstances de sa commission ou l'importance du préjudice qu'elle a causé, en ce que les faits se caractérisent par une hyper-violence, la victime, qui en reste durablement traumatisée, ayant été enlevée et séquestrée, puis soumise à de multiples sévices physiques et moraux, tandis que les faits étaient filmés et partagés sur des réseaux sociaux.<br> <br> 19. Afin d'assurer ces objectifs, [M] [F] sera astreint à se soumettre aux obligations précisées au dispositif.<br> <br> 20. Le magistrat chargé de l'information est compétent pour l'application des articles 139 et suivants et 141-2 et suivants du code de procédure pénale.<br> <br> 21. Le parquet général de cette Cour fera procéder aux diligences prévues par l'article 138-1 du code de procédure pénale.<br> <br> PAR CES MOTIFS, la Cour :<br> <br> CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 17 décembre 2024 ;<br> <br> DIT n'y avoir lieu à renvoi ;<br> <br> CONSTATE que [M] [F] est détenu sans titre depuis le 22 novembre 2024 dans la présente procédure ;<br> <br> ORDONNE la mise en liberté de [M] [F] s'il n'est détenu pour autre cause ;<br> <br> ORDONNE le placement sous contrôle judiciaire de [M] [F] ; <br> <br> DIT qu'il est soumis aux obligations suivantes :<br> <br> - ne pas sortir des limites territoriales suivantes : département des Pyrénées-Orientales ;<br> <br> - ne s'absenter de son domicile ou de sa résidence, qu'il convient de fixer à [Adresse 2], chez Mme [T] [P] épouse [W], qu'aux conditions suivantes : du lundi au vendredi, entre 7 heures et 19 heures ; les samedis, dimanches et jours fériés, entre 8 heures et 13 heures ;<br> <br> - se présenter dans les deux jours ouvrables suivant sa remise en liberté et ensuite chaque jour de la semaine au commissariat de police de [Adresse 3] ;<br> <br> - suivre une scolarité ou une formation ou exercer une activité professionnelle ou justifier de ses recherches à cette fin ;<br> <br> - s'abstenir de recevoir ou de rencontrer, ainsi que d'entrer en relation avec elles, de quelque façon que ce soit, les personnes suivantes : [N] [BT], [KC] [A], [G] [C], [GL] [YE], [FJ] [Z], [Y] [WS], [K] [L] [I], [O] [R] et [B] [UN], MM. [V] [C], [D] [J], [H] [E] et [S] [YE] ;<br> <br> - ne pas détenir ou porter une arme ;<br> <br> DÉSIGNE le magistrat chargé de l'information au tribunal judiciaire de Nanterre aux fins d'assurer le contrôle de la présente mesure de sûreté ;<br> <br> RAPPELLE qu'en application de l'article 141-2 du code de procédure pénale, toute violation de l'une quelconque des obligations ci-dessus expose la personne sous contrôle judiciaire à un placement en détention provisoire ;<br> <br> DIT que le parquet général de cette Cour fera procéder aux diligences prévues par l'article 138-1 du code de procédure pénale ;<br> <br> ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Versailles et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé. <br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mars deux mille vingt-cinq.,Sur la violation du principe de publicité restreinte du débat devant le juge des libertés et de la détention en vue du placement en détention provisoire du mineur, à rapprocher :Crim., 21 janvier 2020, pourvoi n° 19-86.957, Bull. crim. (rejet).
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 26 mars 2025, 25-80.005, Publié au bulletin
MINEUR - Détention provisoire - Placement en détention provisoire - Formalités - Débats - Publicité - Sanction - Portée
2025-03-26
ECLI:FR:CCASS:2025:CR00567
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000051400046
ARRET
JURITEXT000051367791
CHAMBRE_CRIMINELLE
Article 131-11 du code pénal ; article L. 173-5 du code de l'environnement.
JURI
Cour de cassation
Il résulte de l'article 131-11 du code pénal que seules les peines complémentaires peuvent être prononcées à titre de peine principale. La remise en état des lieux, prévue par l'article L. 173-5 du code de l'environnement, constitue une mesure à caractère réel destinée à faire cesser une situation illicite, et non une sanction pénale. Dès lors, doit être cassé l'arrêt qui prononce une telle mesure à titre de peine principale
Cassation partielle
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br>N° F 24-84.120 F-B<br> <br> N° 00335<br> <br> <br> SL2<br> 18 MARS 2025<br> <br> <br> CASSATION PARTIELLE<br> <br> <br> M. BONNAL président,<br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E<br> ________________________________________<br> <br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, <br> DU 18 MARS 2025<br> <br> <br> <br> M. [I] [V] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Riom, chambre correctionnelle, en date du 24 avril 2024, qui, pour infraction au code de l'environnement, a ordonné la remise en état des lieux sous astreinte. <br> <br> Un mémoire a été produit.<br> <br> Sur le rapport de M. Coirre, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [I] [V], et les conclusions de M. Tarabeux, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 février 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Coirre, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,<br> <br> la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. <br> <br> Faits et procédure<br> <br> 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.<br> <br> 2. M. [I] [V] a été poursuivi du chef d'exploitation sans autorisation d'une installation ou d'un ouvrage nuisible à l'eau ou au milieu aquatique, constatée le 14 juillet 2020.<br> <br> 3. Le tribunal correctionnel l'a déclaré coupable de ce chef et l'a condamné à la remise en état des lieux sous astreinte.<br> <br> 4. Le prévenu et le ministère public ont relevé appel de cette décision.<br> <br> Examen des moyens<br> <br> Sur les premier et deuxième moyens<br> <br> 5. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.<br> <br> Mais sur le moyen soulevé d'office et mis dans le débat<br> <br> Vu les articles 131-11 du code pénal et L. 173-5, alinéa 1, 2°, du code de l'environnement :<br> <br> 6. Il résulte du premier de ces textes que seules les peines complémentaires peuvent être prononcées à titre de peine principale.<br> <br> 7. La remise en état prévue par le second est une mesure à caractère réel destinée à faire cesser une situation illicite, et non une sanction pénale.<br> <br> 8. En prononçant, à titre de peine principale, une mesure de remise en état sous astreinte, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus énoncés.<br> <br> 9. La cassation est dès lors encourue.<br> <br> Et sur le troisième moyen<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 10. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé sur la peine le jugement ayant condamné M. [V] à remettre en état les lieux avant le 30 juin 2022 et dit que M. [V] serait soumis à une astreinte journalière de 100 euros par jour de retard à compter du 1er juillet 2022, sauf à dire que le délai pour la remise en état des lieux était fixée à six mois à compter du prononcé de l'arrêt, alors :<br> <br> « 1°/ que seuls les faits visés à la prévention peuvent fonder une remise en état des lieux ; qu'en ordonnant « la remise en état des lieux » (jugement confirmé, p. 16, § 10), quand M. [V] n'avait été déclaré coupable que du chef d'exploitation sans autorisation d'une installation ou d'un ouvrage nuisible à l'eau ou au milieu aquatique, et sans détailler les mesures à prendre au regard de ces faits, la cour d'appel a violé l'article L. 173-5 du code de l'environnement ;<br> <br> 2°/ que le délai imparti par le juge pour effectuer des travaux de remise en état ne court qu'à compter du jour où la décision, devenue définitive, est exécutoire ; qu'en ordonnant la remise en état des lieux sous astreinte à l'expiration d'un délai de six mois à compter du prononcé de l'arrêt, quand le délai d'exécution de la remise en état ne pouvait courir avant que la condamnation soit devenue définitive, la cour d'appel, qui a méconnu l'effet suspensif du pourvoi en cassation, a violé les articles L. 173-5 du code de l'environnement, 569 et 708 du code de procédure pénale ;<br> <br> 3°/ que l'injonction de remise en état peut être assortie d'une astreinte journalière pour une durée d'un an au plus ; qu'en s'abstenant de fixer la durée de l'astreinte dans la limite d'un an au plus, et en prononçant ainsi une astreinte perpétuelle, la cour d'appel a violé l'article L. 173-5 du code de l'environnement. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> Vu l'article L. 173-5 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable aux faits :<br> <br> 11. Il résulte de ce texte que, lorsqu'elle ordonne des mesures destinées à remettre en état les lieux auxquels il a été porté atteinte par les faits incriminés ou à réparer les dommages causés à l'environnement, la juridiction correctionnelle doit détailler les mesures à prendre au regard des faits visés à la prévention et peut assortir sa décision d'une astreinte dont elle fixe le montant et la durée dans les limites déterminées par la loi.<br> <br> 12. Après avoir déclaré le prévenu coupable du délit d'exploitation sans autorisation d'une installation ou d'un ouvrage nuisible à l'eau ou au milieu aquatique, l'arrêt attaqué a confirmé la décision des premiers juges prononçant, à titre de peine principale, une mesure de remise en état sous astreinte de cent euros par jour de retard, à compter du 1er juillet 2022, sauf à dire que le délai pour la remise en état des lieux est fixé à six mois à compter du prononcé de l'arrêt.<br> <br> 13. En statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et les principes ci-dessus rappelés pour les motifs qui suivent.<br> <br> 14. En premier lieu, elle n'a pas détaillé les mesures à prendre au regard des faits visés à la prévention.<br> <br> 15. En deuxième lieu, les faits poursuivis étant antérieurs à la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 autorisant le prononcé de l'exécution provisoire d'une remise en état sous astreinte, le délai d'exécution d'une telle mesure ne pouvait courir avant que la condamnation fût devenue définitive.<br> <br> 16. En troisième lieu, elle a omis de fixer la durée de l'astreinte dans la limite d'un an au plus.<br> <br> 17. La cassation est, par conséquent, également encourue.<br> <br> Portée et conséquences de la cassation<br> <br> 18. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives à la peine et à la remise en état des lieux. Les autres dispositions seront donc maintenues.<br> <br> PAR CES MOTIFS, la Cour :<br> <br> CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Riom, en date du 24 avril 2024, mais en ses seules dispositions relatives à la peine et à la remise en état des lieux, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;<br> <br> Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,<br> <br> RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Bourges à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;<br> <br> ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Riom et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé. <br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mars deux mille vingt-cinq.
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 18 mars 2025, 24-84.120, Publié au bulletin
PEINES - Peines complémentaires - Peines prononcées à titre principal - Remise en état des lieux - Mesures prévues par l'article L. 173-5 du code de l'environnement (non),PROTECTION DE LA NATURE ET DE L'ENVIRONNEMENT - Protection de la faune et de la flore - Infractions - Mesures prévues par l'article L. 173-5 du code de l'environnement - Remise en état des lieux - Caractère - Caractère réel - Portée
2025-03-18
ECLI:FR:CCASS:2025:CR00335
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000051367791
ARRET
JURITEXT000051367945
CHAMBRE_CRIMINELLE
Article 145-1 du code de procédure pénale.
JURI
Cour de cassation
Lorsque l'avis informant la personne mise en examen de la date du débat contradictoire de prolongation de la détention provisoire lui a été notifié dans un délai inférieur à celui de cinq jours ouvrables prévu à l'article 145-1 du code de procédure pénale, cette personne est recevable à soutenir que le délai dont elle a bénéficié pour préparer sa défense était insuffisant, le juge étant tenu de vérifier la réalité du grief ainsi allégué. Justifie sa décision la chambre de l'instruction qui retient qu'aucun grief tenant au caractère tardif de la notification de l'avis d'audience n'est caractérisé par la personne mise en examen dont l'avocat, régulièrement convoqué, n'a pas transmis au juge des libertés et de la détention un mémoire et des pièces, et qui ne démontre pas en quoi ce retard de notification a été préjudiciable à sa défense
Rejet
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br>N° M 24-87.345 FS-B<br> <br> N° 00514<br> <br> <br> SB4<br> 18 MARS 2025<br> <br> <br> REJET<br> <br> <br> M. BONNAL président,<br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E<br> ________________________________________<br> <br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, <br> DU 18 MARS 2025<br> <br> <br> <br> M. [Z] [C] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Fort-de-France, en date du 12 novembre 2024, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'infractions aux législations sur les armes et les stupéfiants, blanchiment, en récidive, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant sa détention provisoire. <br> <br> Un mémoire a été produit.<br> <br> Sur le rapport de M. Rouvière, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [Z] [C], et les conclusions de M. Quintard, avocat général, l'avocat ayant eu la parole en dernier, après débats en l'audience publique du 18 mars 2025, où étaient présents M. Bonnal, président, M. Rouvière, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, M. Coirre, Mme Hairon, M. Busché, Mme Carbonaro, conseillers, MM. Joly, Leblanc, Charmoillaux, conseillers référendaires, M. Quintard, avocat général, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,<br> <br> la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. <br> <br> Faits et procédure<br> <br> 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.<br> <br> 2. Mis en examen des chefs susvisés, M. [Z] [C] a été placé en détention provisoire le 5 juillet 2024.<br> <br> 3. Le 7 octobre 2024, l'avocat de M. [C] a été convoqué en vue d'un débat contradictoire portant sur l'éventuelle prolongation de la détention provisoire, prévu le 15 octobre suivant. <br> <br> 4. A la même date, un avis a été adressé à M. [C], qui ne lui a été remis par le greffe de l'établissement pénitentiaire que le 10 octobre suivant. <br> <br> 5. Par ordonnance du 15 octobre 2024, le juge des libertés et de la détention a prolongé la détention provisoire.<br> <br> 6. M. [C] a relevé appel de cette décision.<br> <br> Examen des moyens<br> <br> Sur le premier moyen<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il rejeté la demande d'annulation de l'ordonnance de prolongation de la détention provisoire de M. [C], et confirmé cette ordonnance, alors :<br> <br> « 1°/ d'une part que la personne détenue doit être avisée de la date du débat contradictoire relatif à l'éventuelle prolongation de sa détention provisoire au plus tard cinq jours ouvrables avant la tenue de ce débat ; que la tardiveté de cet avis, qui prive l'intéressé du droit de bénéficier du temps nécessaire à la préparation de sa défense, fait nécessairement grief aux intérêts de la personne détenue ; qu'au cas d'espèce, il résulte de la procédure et des propres constatations de la chambre de l'instruction que Monsieur [C] n'a été avisé de la date du débat contradictoire relatif à l'éventuelle prolongation de sa détention provisoire que deux jours ouvrables avant la tenue ce débat ; qu'il a alors explicitement indiqué n'avoir « pas eu le temps de [s]'organiser », demandé « à repasser devant vous un autre jour », et énoncé n'avoir « donc rien à ajouter en raison de l'absence de [son] avocat » ; que le juge des libertés et de la détention, qui disposait de plusieurs semaines pour organiser un nouveau débat, a néanmoins tenu le débat à la date initialement prévue ; qu'au terme de ce débat, il a ordonné la prolongation de la détention provisoire de l'exposant pour une durée de quatre mois ; qu'en retenant, pour refuser de constater la nullité du débat litigieux et de l'ordonnance subséquente, que « cette irrégularité répond au régime des nullités à grief », qu' « à cet égard, la démonstration d'un grief relatif aux droits de la défense, doit être analysée comme une démarche commune à l'avocat et à la personne mise en examen », et qu' « en réalité, il ressort de l'analyse du dossier que : l'avocat de M. [C] a été régulièrement convoqué ; il a été destinataire du permis de communiquer et de la copie du dossier bien en amont de la délivrance de la convocation ; il a été mis en mesure de transmettre un mémoire et des pièces au soutien d'une demande de non-prolongation de détention, ce qui n'a pas été fait ; au surplus, à aucun moment lors du débat contradictoire devant le juge des libertés et de la détention, M. [C] n'a mentionné avoir communiqué des pièces à son conseil sur ses garanties de représentation, dont l'absence lui serait préjudiciable en l'absence de communication de ces pièces au magistrat », quand la seule circonstance que Monsieur [C] avait été avisé tardivement de la tenue du débat contradictoire relatif à la prolongation de sa détention provisoire suffisait à établir la nullité du débat litigieux et de l'ordonnance subséquente, la chambre de l'instruction a violé les articles 6, § 3, b), préliminaire, 145-1 et 802 du code de procédure pénale ;<br> <br> 2°/ d'autre part que la personne détenue doit être avisée de la date du débat contradictoire relatif à l'éventuelle prolongation de sa détention provisoire au plus tard cinq jours ouvrables avant la tenue de ce débat ; que la tardiveté de cet avis, à supposer qu'elle ne fasse pas nécessairement grief aux droits de la personne détenue, porte atteinte aux intérêts de celle qui n'a pas explicitement accepté de comparaître devant le juge des libertés et de la détention ; qu'au cas d'espèce, il résulte de la procédure et des propres constatations de la chambre de l'instruction que Monsieur [C] n'a été avisé de la date du débat contradictoire relatif à l'éventuelle prolongation de sa détention provisoire que deux jours ouvrables avant la tenue ce débat ; qu'il a alors explicitement indiqué n'avoir « pas eu le temps de [s]'organiser », demandé « à repasser devant vous un autre jour », et énoncé n'avoir « donc rien à ajouter en raison de l'absence de [son] avocat » ; que le juge des libertés et de la détention, qui disposait de plusieurs semaines pour organiser un nouveau débat, a néanmoins tenu le débat à la date initialement prévue ; qu'au terme de ce débat, il a ordonné la prolongation de la détention provisoire de l'exposant pour une durée de quatre mois ; qu'en retenant, pour refuser de constater la nullité du débat litigieux et de l'ordonnance subséquente, que « cette irrégularité répond au régime des nullités à grief », qu' « à cet égard, la démonstration d'un grief relatif aux droits de la défense, doit être analysée comme une démarche commune à l'avocat et à la personne mise en examen », et qu' « en réalité, il ressort de l'analyse du dossier que : l'avocat de M. [C] a été régulièrement convoqué ; il a été destinataire du permis de communiquer et de la copie du dossier bien en amont de la délivrance de la convocation ; il a été mis en mesure de transmettre un mémoire et des pièces au soutien d'une demande de non-prolongation de détention, ce qui n'a pas été fait ; au surplus, à aucun moment lors du débat contradictoire devant le juge des libertés et de la détention, M. [C] n'a mentionné avoir communiqué des pièces à son conseil sur ses garanties de représentation, dont l'absence lui serait préjudiciable en l'absence de communication de ces pièces au magistrat », quand la seule circonstance que Monsieur [C], qui avait été avisé tardivement de la tenue du débat contradictoire relatif à la prolongation de sa détention provisoire, n'avait pas explicitement accepté de comparaître devant le juge des libertés et de la détention, suffisait à établir la nullité du débat litigieux et de l'ordonnance subséquente, la chambre de l'instruction a violé les articles 6, § 3, b), préliminaire, 145-1 et 802 du code de procédure pénale ;<br> <br> 3°/ enfin que la personne détenue doit être avisée de la date du débat contradictoire relatif à l'éventuelle prolongation de sa détention provisoire au plus tard cinq jours ouvrables avant la tenue de ce débat ; que la tardiveté de cet avis, à supposer qu'elle ne fasse pas nécessairement grief aux droits de la personne détenue qui n'a pas explicitement accepté de comparaître devant le juge des libertés et de la détention, porte atteinte aux intérêts de celle qui a exprimé son opposition explicite à la tenue du débat et formulé une demande de renvoi de ce débat ; qu'au cas d'espèce, il résulte de la procédure et des propres constatations de la chambre de l'instruction que Monsieur [C] n'a été avisé de la date du débat contradictoire relatif à l'éventuelle prolongation de sa détention provisoire que deux jours ouvrables avant la tenue ce débat ; qu'il a alors explicitement indiqué n'avoir « pas eu le temps de [s]'organiser », demandé « à repasser devant vous un autre jour », et énoncé n'avoir « donc rien à ajouter en raison de l'absence de [son] avocat » ; que le juge des libertés et de la détention, qui disposait de plusieurs semaines pour organiser un nouveau débat, a néanmoins tenu le débat à la date initialement prévue ; qu'au terme de ce débat, il a ordonné la prolongation de la détention provisoire de l'exposant pour une durée de quatre mois ; qu'en retenant, pour refuser de constater la nullité du débat litigieux et de l'ordonnance subséquente, que « cette irrégularité répond au régime des nullités à grief », qu' « à cet égard, la démonstration d'un grief relatif aux droits de la défense, doit être analysée comme une démarche commune à l'avocat et à la personne mise en examen », et qu' « en réalité, il ressort de l'analyse du dossier que : l'avocat de M. [C] a été régulièrement convoqué ; il a été destinataire du permis de communiquer et de la copie du dossier bien en amont de la délivrance de la convocation ; il a été mis en mesure de transmettre un mémoire et des pièces au soutien d'une demande de non-prolongation de détention, ce qui n'a pas été fait ; au surplus, à aucun moment lors du débat contradictoire devant le juge des libertés et de la détention, M. [C] n'a mentionné avoir communiqué des pièces à son conseil sur ses garanties de représentation, dont l'absence lui serait préjudiciable en l'absence de communication de ces pièces au magistrat », quand la seule circonstance que Monsieur [C], qui avait été avisé tardivement de la tenue du débat contradictoire relatif à la prolongation de sa détention provisoire et n'avait pas explicitement accepté de comparaître devant le juge des libertés et de la détention, avait exprimé son opposition explicite à la tenue du débat et formulé une demande de renvoi de ce débat, suffisait à établir la nullité du débat litigieux et de l'ordonnance subséquente, la Chambre de l'instruction a violé les articles 6, § 3, b), préliminaire, 145-1 et 802 du code de procédure pénale. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> 8. Lorsque l'avis informant la personne mise en examen de la date du débat contradictoire de prolongation de la détention provisoire lui a été notifié dans un délai inférieur à celui de cinq jours ouvrables prévu à l'article 145-1 du code de procédure pénale, cette personne est recevable à soutenir que le délai dont elle a bénéficié pour préparer sa défense était insuffisant, le juge étant tenu de vérifier la réalité du grief ainsi allégué.<br> <br> 9. Pour écarter le moyen de nullité du débat contradictoire et de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention tiré du caractère tardif de la notification à M. [C] de l'avis d'audience, l'arrêt attaqué énonce que l'irrégularité qui en résulte répond au régime des nullités à grief.<br> <br> 10. Les juges ajoutent que l'avocat de M. [C], régulièrement convoqué, destinataire du permis de communiquer et de la copie du dossier, a été mis en mesure de transmettre au juge des libertés et de la détention un mémoire et des pièces, ce qui n'a pas été fait.<br> <br> 11. Ils relèvent que M. [C] n'a pas indiqué avoir transmis à son avocat des pièces dont le défaut de communication au magistrat lui serait préjudiciable.<br> <br> 12. Ils en déduisent qu'aucun grief ne peut être caractérisé.<br> <br> 13. En l'état de ces énonciations, desquelles il ressort que M. [C], dont l'avocat avait été régulièrement convoqué, ne démontrait pas qu'une atteinte aux droits de la défense ait résulté du caractère tardif de la notification de l'avis d'audience, la chambre de l'instruction a justifié sa décision, sans méconnaître aucun des textes visés au moyen.<br> <br> 14. Dès lors, le moyen ne peut qu'être écarté.<br> <br> Sur le second moyen<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 15. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation de l'ordonnance de prolongation de la détention provisoire de M. [C], et confirmé cette ordonnance, alors que « le juge des libertés et de la détention est tenu de motiver le refus qu'il oppose à la demande motivée de report du débat contradictoire formulée au cours du débat par la personne détenue lorsque cette demande se fonde sur un événement intervenu ou découvert au cours du débat ; qu'au cas d'espèce, la défense faisait valoir que si Monsieur [C] n'avait pas pu formuler sa demande de report du débat contradictoire, fondée sur l'absence de l'avocat qu'il avait choisi pour l'assister au cours de cet acte, à l'ouverture du débat, c'est parce que, n'ayant pas été informé par le juge des libertés et de la détention ou son greffier du courrier adressé plus tôt aux termes duquel son avocat indiquait qu'il ne pourrait être présent, il était légitime à croire que celui-ci était simplement en retard, et pourrait arriver en cours de débat ; qu'il s'ensuit que le juge des libertés et de la détention était bien tenu de motiver le rejet de cette demande, quand bien même elle n'avait pas été présentée en amont ou à l'ouverture du débat ; qu'à défaut d'une telle motivation, la défense était fondée à solliciter l'annulation de l'ordonnance de prolongation de la détention provisoire de Monsieur [C] ; qu'en se bornant, pour refuser d'annuler cette ordonnance, à retenir que « par une jurisprudence constante de la cour de cassation, il a été jugé s'agissant des demandes de renvoi formulées devant le juge des libertés et de la détention, que d'une part il doit y être répondu [...] et que d'autre part la décision de rejet de la demande de renvoi doit être motivée » et que « toutefois, s'agissant d'une demande de renvoi formulée après l'ouverture du débat contradictoire, le juge des libertés et de la détention n'avait pas à y répondre, la demande de renvoi pouvant être présentée uniquement jusqu'à l'ouverture du débat contradictoire [...] et pas au cours, ou à la fin de celui-ci comme en l'espèce », quand la défense faisait précisément valoir que l'exposant, qui n'avait pas été informé de l'existence et de la teneur du courrier adressé antérieurement par son avocat, de sorte qu'il n'a découvert son absence, et n'a pu formaliser sa demande de report, qu'au cours du débat, la chambre de l'instruction, qui n'a pas répondu aux articulations essentielles des écritures de la défense, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 6, § 3, 137-3, 591 et 593 du code de procédure pénale. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> 16. Pour écarter le moyen de nullité tenant au défaut de réponse du juge des libertés et de la détention à la demande de report du débat contradictoire formée par M. [C], l'arrêt attaqué énonce que la demande de renvoi n'ayant pas été formulée avant ou à l'ouverture du débat contradictoire, le juge des libertés et de la détention n'était pas tenu d'y répondre. <br> <br> 17. En se déterminant ainsi, dès lors que le demandeur avait pu constater l'absence de son avocat dès l'ouverture du débat contradictoire, de sorte qu'il lui appartenait de prendre à cet instant l'initiative d'en solliciter le report, la chambre de l'instruction a justifié sa décision.<br> <br> 18. Ainsi, le moyen ne saurait être accueilli. <br> <br> 19. Par ailleurs, l'arrêt est régulier tant en la forme qu'au regard des dispositions des articles 137-3, 143-1 et suivants du code de procédure pénale.<br> <br> PAR CES MOTIFS, la Cour :<br> <br> REJETTE le pourvoi. <br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mars deux mille vingt-cinq.
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 18 mars 2025, 24-87.345, Publié au bulletin
DETENTION PROVISOIRE - Prolongation de la détention - Débat contradictoire - Modalités - Mis en examen assurant sa propre défense - Date - Notification - Délai - Délai minimum - Inobservation - Portée
2025-03-18
ECLI:FR:CCASS:2025:CR00514
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000051367945
ARRET
JURITEXT000051367947
CHAMBRE_CRIMINELLE
Articles 197 et 696-19, alinéa 3, du code de procédure pénale.
JURI
Cour de cassation
Les dispositions de l'article 197 du code de procédure pénale, qui n'opèrent aucune distinction selon les situations soumises à l'examen de la chambre de l'instruction, s'appliquent à l'examen d'une demande de mise en liberté formée par une personne placée sous écrou extraditionnel. L'absence de dépôt des réquisitions du procureur général au plus tard la veille de l'audience de la chambre de l'instruction, en méconnaissance de ce texte, porte nécessairement atteinte aux droits de la défense, peu important que des réquisitions aient été déposées le jour de l'audience. Les dispositions de l'article 696-19, alinéa 3, du code de procédure pénale, relevant du régime spécifique de l'écrou extraditionnel, permettent le placement de la personne réclamée sous contrôle judiciaire. Par conséquent, n'encourt pas la censure l'arrêt qui, statuant sur la demande de mise en liberté d'une personne placée sous écrou extraditionnel et constatant que les réquisitions du procureur général ont été déposées le jour de l'audience, ordonne la mise en liberté de cette personne et la place sous contrôle judiciaire
Rejet
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br>N° P 25-80.129 F-B<br> <br> N° 00526<br> <br> <br> RB5<br> 19 MARS 2025<br> <br> <br> REJET<br> <br> <br> M. BONNAL président,<br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E<br> ________________________________________<br> <br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, <br> DU 19 MARS 2025<br> <br> <br> <br> Le procureur général près la cour d'appel de Paris a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de ladite cour d'appel, 5e section, en date du 26 décembre 2024, qui, dans la procédure d'extradition suivie contre M. [V] [R] à la demande du gouvernement turc, a ordonné sa mise en liberté et son placement sous contrôle judiciaire. <br> <br> Un mémoire a été produit.<br> <br> Sur le rapport de M. Samuel, conseiller, et les conclusions de M. Croizier, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Samuel, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,<br> <br> la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. <br> <br> Faits et procédure<br> <br> 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.<br> <br> 2. Le gouvernement de la République de Turquie a formé, le 15 février 2024, une demande d'extradition à l'encontre de M. [V] [R] aux fins de l'exécution d'une peine de huit ans et neuf mois d'emprisonnement.<br> <br> 3. Interpellée le 5 septembre 2024, la personne réclamée a été placée sous écrou extraditionnel le 6 septembre. Elle n'a pas consenti à sa remise et a formé une demande de mise en liberté.<br> <br> Examen des moyens<br> <br> Sur les premier, deuxième et troisième moyens<br> <br> Enoncé des moyens<br> <br> 4. Le premier moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a ordonné la mise en liberté de M. [R] en assimilant la procédure extraditionnelle à un procès pénal et en considérant, par méconnaissance de l'article 696-13 du code de procédure pénale, que le procureur général est partie à la procédure d'extradition, alors :<br> <br> 1°/ que l'article 696-13 du code de procédure pénale, qui régit les demandes d'extradition, considère le procureur général non comme une partie à la procédure, mais comme agissant en tant qu'autorité d'exécution d'une demande étrangère ; <br> <br> 2°/ que la chambre de l'instruction ne pouvait se fonder sur l'article 803-7 du code de procédure pénale, qui concerne les délais en matière de détention provisoire dans le cadre d'un procès pénal et renvoie au régime de la détention provisoire prévue à l'article 144 du code de procédure pénale, mais devait faire application du régime spécifique de l'écrou extraditionnel prévu à l'article 696-19 de ce code.<br> <br> 5. Le deuxième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a ordonné la mise en liberté de M. [R], alors :<br> <br> 1°/ qu'il résulte de l'article 696-19 du code de procédure pénale que le principe est le maintien sous écrou à moins que la personne recherchée ne démontre qu'elle bénéficie de garanties de représentation suffisantes ;<br> <br> 2°/ qu'en l'absence de motivation sur les garanties présentées par M. [R], l'arrêt manque de base légale. <br> <br> 6. Le troisième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a ordonné la mise en liberté de M. [R], sans constater que l'absence de réquisitions écrites du procureur général aurait porté atteinte aux droits de la défense ou constitué un défaut substantiel de procédure.<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> 7. Les moyens sont réunis.<br> <br> 8. Pour ordonner la mise en liberté et le placement sous contrôle judiciaire de M. [R], l'arrêt attaqué énonce que le procureur général doit, conformément aux articles 194 et 197 du code de procédure pénale, déposer ses réquisitions au plus tard la veille de l'audience de la chambre de l'instruction et que le respect de cette exigence s'impose à peine de nullité, le ministère public étant une partie nécessaire au procès pénal.<br> <br> 9. Les juges ajoutent qu'en l'espèce, les réquisitions du procureur général ont été déposées au dossier le jour de l'audience, de sorte que la procédure est irrégulière.<br> <br> 10. Ils concluent que, faute de pouvoir renvoyer l'affaire à une audience ultérieure, les délais de convocation n'étant plus suffisants, il convient de faire application de l'article 803-7 du code de procédure pénale, d'ordonner la mise en liberté de M. [R] et de le placer sous contrôle judiciaire.<br> <br> 11. C'est à tort que la chambre de l'instruction s'est référée à l'article 803-7 précité, ce texte, dont la portée est limitée au contentieux de la détention provisoire, n'étant pas applicable lorsque la chambre de l'instruction statue en matière d'écrou extraditionnel sur le fondement de l'article 696-19 du code de procédure pénale.<br> <br> 12. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure pour les motifs qui suivent.<br> <br> 13. En premier lieu, les dispositions de l'article 197 du code de procédure pénale, qui n'opèrent aucune distinction selon les situations soumises à l'examen de la chambre de l'instruction, s'appliquent à l'examen d'une demande de mise en liberté formée par une personne placée sous écrou extraditionnel.<br> <br> 14. En deuxième lieu, l'absence de dépôt des réquisitions du procureur général au plus tard la veille de l'audience de la chambre de l'instruction, en méconnaissance de ce texte, porte nécessairement atteinte aux droits de la défense, peu important que des réquisitions aient été déposées le jour de l'audience. <br> <br> 15. En troisième lieu, les dispositions de l'article 696-19, alinéa 3, du code de procédure pénale relevant du régime spécifique de l'écrou extraditionnel, permettent le placement de la personne réclamée sous contrôle judiciaire.<br> <br> 16. En quatrième et dernier lieu, la mise en liberté étant la conséquence nécessaire du non-respect par le ministère public des formalités de l'article 197 du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction n'avait pas à motiver spécialement sa décision au regard des garanties de représentation de la personne concernée, le placement sous contrôle judiciaire ayant au demeurant pour objet de constituer une telle garantie.<br> <br> 17. Ainsi, les moyens doivent être écartés.<br> <br> 18. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.<br> <br> PAR CES MOTIFS, la Cour :<br> <br> REJETTE le pourvoi. <br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mars deux mille vingt-cinq.,Sur la nullité encourue en cas de non dépôt des réquisitions du ministère public en matière de droit commun de la détention provisoire, à rapprocher :Crim., 23 novembre 2021, pourvoi n° 21-83.892, Bull. crim. (cassation).
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 19 mars 2025, 25-80.129, Publié au bulletin
CHAMBRE DE L'INSTRUCTION - Procédure - Dossier de la procédure - Réquisitions écrites du procureur général - Délai non respecté - Cas - Détention extraditionnelle - Portée,EXTRADITION - Chambre de l'instruction - Détention extraditionnelle - Demande de mise en liberté - Décision de mise en liberté - Mesure de sûreté - Contrôle judiciaire - Portée
2025-03-19
ECLI:FR:CCASS:2025:CR00526
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000051367947
ARRET
JURITEXT000051367919
CHAMBRE_CRIMINELLE
Article 432-1 du code pénal.
JURI
Cour de cassation
L'article 432-1 du code pénal réprime uniquement les mesures qui, prises par un dépositaire de l'autorité publique agissant dans l'exercice de ses fonctions, ont pour objet de faire directement obstacle à l'exécution d'une loi, exclusive de toute appréciation d'opportunité. Le simple exercice du droit de préemption par le maire d'une commune, puis la renonciation à ce droit, fussent-ils non conformes aux textes les régissant, ne sont pas, par eux-mêmes, des mesures susceptibles de faire échec à l'exécution de la loi. Des mesures destinées à la modification du périmètre de la zone d'aménagement concerté, s'inscrivant dans la mise en oeuvre du droit pour une commune de réaliser des actions ou opérations d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article 300-1 du code de l'urbanisme, et supposant ainsi l'appréciation de leur opportunité, ne peuvent avoir directement pour objet de faire échec à l'exécution de la loi sur le délaissement
Cassation sans renvoi
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br>N° V 24-83.719 FS-B<br> <br> N° 00246<br> <br> <br> GM<br> 19 MARS 2025<br> <br> <br> CASSATION SANS RENVOI<br> <br> <br> M. BONNAL président,<br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E<br> ________________________________________<br> <br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, <br> DU 19 MARS 2025<br> <br> <br> MM. [O] [K] et [E] [B] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 14 juin 2024, qui, dans l'information suivie contre eux des chefs, pour le premier, d'abus d'autorité et, pour le second, de complicité d'abus d'autorité, a prononcé sur les demandes d'annulation de pièces de la procédure.<br> <br> Par ordonnance du 30 septembre 2024, le président de la chambre criminelle a joint les pourvois et prescrit leur examen immédiat. <br> <br> Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits.<br> <br> Sur le rapport de Mme Clément, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers, avocat de M. [E] [B], les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [O] [K], les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société [5], et les conclusions de M. Micolet, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 janvier 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Clément, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, M. Wyon, Mme Piazza, MM. Samuel, de Lamy, Mme Jaillon, conseillers de la chambre, Mme Fouquet, M. Gillis, Mme Chafaï, M. Michon, Mme Bloch, conseillers référendaires, M. Micolet, avocat général, et M. Maréville, greffier de chambre,<br> <br> la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. <br> <br> Faits et procédure<br> <br> 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.<br> <br> 2. La [1] ([1]) [Localité 4] [1], sur délégation du maire de [Localité 4], M. [O] [K], a préempté le 26 mars 2014 des locaux commerciaux sis dans le centre commercial de [Adresse 7], appartenant à la société [5] (société [5]) et situés dans une zone d'aménagement concerté. <br> <br> 3. La société [5] refusant de conclure la vente au prix proposé, la [1] [Localité 4] [1] a saisi le juge de l'expropriation le 10 juin 2014 aux fins de voir fixer le prix du bien. Avant que l'expert désigné par le juge ne rende ses conclusions, elle a notifié à la société [5], le 8 février 2016, sa renonciation à la préemption.<br> <br> 4. Le 24 juillet 2017, la société [5], usant de son droit de délaissement, a invité la commune de [Localité 4] à acquérir son bien en application des articles L. 311-2 et L. 230-1 du code de l'urbanisme.<br> <br> 5. En l'absence d'accord amiable intervenu dans le délai d'un an, elle a saisi le juge de l'expropriation, le 6 août 2018, afin qu'il prononce le transfert de propriété et fixe le prix de vente. <br> <br> 6. Par délibération du 23 mai 2019, la commune de [Localité 4] a décidé la modification du périmètre de la zone d'aménagement concerté (ZAC) pour en exclure le centre commercial de [Adresse 7]. <br> <br> 7. Le 28 juillet 2017, la société [5] a déposé plainte entre les mains du procureur de la République. <br> <br> 8. Une information ayant été ouverte, M. [K] a été mis en examen, le 22 mars 2023, du chef d'abus d'autorité, pour avoir, étant dépositaire de l'autorité publique en sa qualité de maire de la commune de [Localité 4], dans l'exercice de ses fonctions, pris des mesures destinées à faire échec à l'exécution de la loi dans l'opération de préemption du centre commercial « [3] de [Adresse 7] », notamment en préemptant courant mars 2014 un bien immobilier au prix sous-évalué de 5 382 000 euros alors que le propriétaire avait obtenu un accord de vente privée au prix de 26 920 116 euros, en renonçant courant février 2016 à la préemption de ce bien et en modifiant à partir de mai 2018 le périmètre de la zone d'aménagement concerté afin de faire échapper la commune aux conséquences financières d'une procédure de délaissement initiée par la victime le 24 juillet 2017, avec cette circonstance que l'infraction a été suivie d'effets, au préjudice de la société en nom collectif [5].<br> <br> 9. M. [E] [B] a été mis en examen pour complicité de ces faits pour avoir, par aide ou assistance, et par fourniture d'instructions, étant directeur général des services à la mairie de [Localité 4], « facilité la commission d'un abus de pouvoir par le maire de la commune » agissant dans l'exercice de ses fonctions, l'infraction ayant consisté à prendre des mesures destinées à faire échec à l'exécution de la loi dans l'opération de préemption du centre commercial « [3] de [Adresse 7] ».<br> <br> 10. MM. [B] et [K] ont déposé des requêtes aux fins d'annulation de leurs mises en examen.<br> <br> Examen des moyens <br> <br> Sur le deuxième moyen, proposé pour M. [K], et le premier moyen, pris en sa troisième branche, proposé pour M. [B]<br> <br> 11. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.<br> <br> Mais sur le premier moyen, proposés pour M. [K], et le premier moyen, proposé pour M. [B]<br> <br> Enoncé des moyens<br> <br> 12. Le premier moyen proposé pour M. [K] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en annulation de la mise en examen de M. [K], alors « que l'article 432-1 du code pénal réprime la prise de mesures destinées à faire échec à l'exécution d'une loi par un dépositaire de l'autorité publique ; que le seul fait d'appliquer la loi, serait-ce même en abusant du droit qu'elle reconnait, ne permet pas d'établir l'existence de mesures prises en vue de faire échec à l'application de la loi ; qu'il appartient dès lors aux juges saisis d'une requête en annulation d'une mise en examen de préciser pour quelle disposition législative il existe des indices graves ou concordants de la volonté de faire échec à son application par une personne dépositaire de l'autorité publique ; que par délibération du 24 juin 2010, le Conseil municipal de la ville de [Localité 4] a concédé à la [1] ([1]) la réalisation de l'opération « [Adresse 8] » ([Adresse 8]) avec pour première mission l'acquisition des biens immobiliers bâtis nécessaires à la réalisation de l'opération ; qu'à cette fin, le droit de préempter lui a été délégué ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, par délibération du 14 avril 2011, le Conseil municipal a décidé de la création d'une zone d'aménagement concerté sur le périmètre du [Adresse 8], au vu d'une étude préconisant le déplacement d'un centre commercial du site de [Adresse 7] ; que, le 29 janvier 2014, la [1] a été destinataire d'une déclaration d'aliéner de la société [5], filiale de [6], portant sur la galerie attenante à l'hypermarché [3] à la société [2], filiale de [3], pour le prix de 26 920 116 euros ; que la [1] a décidé de préempter au prix fixé par le service des domaines, et, face au refus de la société [5], a saisi le juge de l'expropriation d'une demande de fixation du prix, avant de renoncer, en l'état du constat que le prix qui allait être fixé selon la méthode retenue par le juge de l'expropriation allait être supérieur à l'enveloppe envisagée pour le projet ; qu'ensuite, en présence d'une offre de délaissement de la société [5], toujours au prix initial, la commune a décidé de modifier le périmètre de la ZAC, pour en exclure le centre commercial, ce qui rendait caduque l'offre de délaissement ; que la société [5] a alors porté plainte et une information judiciaire a été ouverte du chef du délit de l'article 432-1 du code pénal ; que la chambre de l'instruction a rappelé les faits pour lesquels le maire de la ville de [Localité 4] était mis en examen : l'exercice du droit de préemption à un prix sous-évalué, la renonciation à la préemption, la modification du périmètre de la ZAC afin d'échapper à l'exercice du droit de délaissement exercé par [5], affirmant que le maire soutient d'ailleurs ces décisions, dès lors qu'elles étaient liées à l'impossibilité de mener le projet à un prix supérieur à celui qui était proposé ; que le mémoire pour M. [K] soutenait qu'aucune disposition législative n'avait été méconnue et qu'aucune des mesures prises, seraient-elles imputables au maire, n'était illégale, ce qui ne permettait pas de caractériser l'élément matériel de l'infraction et a fortiori l'intention de faire obstacle à l'application de la loi ; que, si, en application de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme, l'exercice du droit de préemption doit répondre à l'intérêt général et si le montant auquel le titulaire du droit de préemption se propose d'acquérir un bien préempté peut constituer l'un des éléments permettant d'apprécier si la préemption répond aux finalités ou à un intérêt général suffisant, le caractère insuffisant ou excessif du prix de ce bien au regard du marché est, par lui-même, sans incidence sur la légalité de la préemption, laquelle peut être soumise au juge de l'expropriation ; que, par ailleurs, l'article L. 213-7 du même code permet aux parties de renoncer à la préemption, tant que le prix n'en a pas définitivement été fixé par le juge de l'expropriation ; qu'enfin, s'agissant de l'exercice du droit de délaissement, en application de l'article L.230-3 du code de l'urbanisme, en l'absence d'accord amiable sur le prix, dans un délai d'un an, celui-ci est fixé par le juge d'expropriation et que, tant que ce prix n'est pas définitivement fixé par le juge, la collectivité ou le service public qui fait l'objet de la mise en demeure peut modifier le projet de ZAC, dans lequel est inscrit le bien proposé, rendant caduque la mise en demeure, aucune disposition légale n'interdisant cette modification ; que, faute d'avoir précisé quelles dispositions légales auraient été méconnues dans le cadre de l'ensemble de l'opération à partir de l'exercice du droit de préemption, comme cela lui était demandé par le mis en examen, ce qui ne permet pas de s'assurer de la volonté de faire échec à l'exécution de la loi, l'abus de droit impliquant son application ne suffisant pas à caractériser l'infraction, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision au regard des articles 432-1 du code pénal, 80-1 et 593 du code de procédure pénale. »<br> <br> 13. Le premier moyen proposé pour M. [B] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête de M. [B] tendant à l'annulation de sa mise en examen du chef de complicité du délit d'abus d'autorité qu'aurait commis M. [K], maire de [Localité 4], et à son placement sous le statut de témoin assisté, alors :<br> <br> « 4°/ que le délit d'abus d'autorité consiste dans son élément matériel à ne pas appliquer la loi ou à refuser de l'appliquer lorsqu'elle s'impose dans une situation donnée (Crim., 21 mars 2018, pourvoi n° 17-81.011) ; ne caractérise pas un tel refus le fait de renoncer dans les termes de la loi à une opération spécifique d'acquisition immobilière coûteuse, dont l'exécution n'était nullement obligatoire pour la collectivité publique qui l'avait entreprise ; la chambre de l'instruction a encore violé les textes précités ;<br> <br> 5°/ qu'en déduisant l'élément moral de l'infraction principale du fait que M. [K] aurait voulu éviter d'acheter le centre commercial de [Adresse 7] à un prix que les finances de la ville n'étaient pas en mesure de supporter, n'aurait pas voulu acquérir à un prix jugé excessif (26 000 000 €, soit supérieur de 11 000 000 € aux plus fortes estimations avancées à 15 000 000 €), ni créer une référence de prix excessive, toutes intentions parfaitement entendables et totalement exclusives d'un simple dessein de faire échec à une disposition législative impérative, la chambre de l'instruction qui n'a pas caractérisé une intention de faire échec à la loi en elle-même a violé les textes précités. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> 14. Les moyens sont réunis.<br> <br> Vu les articles 121-6, 432-1 du code pénal et 80-1 du code de procédure pénale : <br> <br> 15. Il résulte du troisième de ces textes que le juge d'instruction ne peut mettre en examen que les personnes à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles aient pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont il est saisi.<br> <br> 16. Selon le premier, il suffit, pour que la complicité légale existe, que le fait principal soit punissable. <br> <br> 17. Le deuxième réprime le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique, agissant dans l'exercice de ses fonctions, de prendre des mesures destinées à faire échec à l'exécution de la loi. <br> <br> 18. La réponse aux griefs implique la définition des termes « mesures destinées à faire échec à l'exécution de la loi. »<br> <br> 19. Il résulte des travaux parlementaires de la loi n° 92-686 du 22 juillet 1992 portant réforme des dispositions du code pénal relatives à la répression des crimes et délits contre la nation, l'Etat et la paix publique, dont sont issues ces dispositions, qu'elles sont inspirées, d'une part, des articles 188 à 191 de l'ancien code pénal, qui punissaient le fonctionnaire ou l'agent du gouvernement qui aurait requis ou ordonné l'action ou l'emploi de la force publique contre l'exécution d'une loi, d'une décision de justice, d'un ordre émané de l'autorité légitime, d'autre part, de l'article 124 du même code qui incriminait la concertation des personnes dépositaires de l'autorité publique pour prendre des mesures contre l'exécution des lois ou contre les ordres du gouvernement.<br> <br> 20. Le rapport au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale (Rapp. Ass. nat. n° 2244) relève que l'article 432-1 du code pénal n'est applicable qu'aux personnes dépositaires de l'autorité publique « dès lors qu'elles ne sont susceptibles d'être commises qu'à l'occasion de l'exercice d'un pouvoir de décision ». Il précise que « prendre des mesures susceptibles de faire échec à l'exécution des lois suppose en effet de détenir des prérogatives d'une importance de nature à empêcher l'application d'une loi. »<br> <br> 21. Lors des débats à l'Assemblée nationale, il a été souligné que ce texte vise « le fait, pour des agents publics, de s'approprier les moyens de la puissance publique dans le but de refuser l'exécution de la loi » et qu'il s'agit d'actions « mettant en cause le principe même de l'Etat » (Compte rendu de la 1ère séance du 8 octobre 1991, p. 4275). <br> <br> 22. Il s'en déduit que l'article 432-1 du code pénal réprime uniquement les mesures qui, prises par un dépositaire de l'autorité publique agissant dans l'exercice de ses fonctions, ont pour objet de faire directement obstacle à l'exécution d'une loi, exclusive de toute appréciation d'opportunité. <br> <br> 23. Pour rejeter la requête tendant à l'annulation de la mise en examen de M. [K], les juges, après avoir rappelé les éléments dont ils déduisent sa qualité de personne dépositaire de l'autorité publique agissant dans l'exercice de ses fonctions, énoncent que les faits consistent à avoir fait échec aux textes organisant le droit de préemption en préemptant l'immeuble en cause à un prix sous-évalué, en renonçant ensuite à ladite préemption, puis en modifiant le périmètre de la zone d'aménagement concerté afin de faire échapper la commune aux conséquences financières d'une procédure de délaissement initiée par la société [5], et ce afin d'empêcher cette dernière d'être protégée des conséquences excessives de la préemption non aboutie. <br> <br> 24. En statuant ainsi, sans établir l'existence d'indices graves ou concordants rendant vraisemblable la participation de M. [K] à des actes destinés à faire directement obstacle à l'exécution de la loi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés. <br> <br> 25. En effet, en premier lieu, le simple exercice du droit de préemption, puis la renonciation à ce droit, fussent-ils non conformes aux textes les régissant, ne sont pas, par eux-mêmes, des mesures susceptibles de faire échec à l'exécution de la loi. <br> <br> 26. En second lieu, les autres mesures, destinées à la modification du périmètre de la zone d'aménagement concerté, s'inscrivant dans la mise en oeuvre du droit pour une commune de réaliser des actions ou opérations d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article 300-1 du code de l'urbanisme, et supposant ainsi l'appréciation de leur opportunité, ne pouvaient avoir directement pour objet de faire échec à l'exécution de la loi sur le délaissement. <br> <br> 27. Il se déduit de ces considérations que les conditions de la mise en examen de M. [K], ainsi que celle de M. [B] en qualité de complice de ce dernier, n'étaient pas réunies. <br> <br> 28. La cassation est par conséquent encourue, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres griefs. <br> <br> Portée et conséquences de la cassation<br> <br> 29. En raison de la cassation prononcée, il n'y a pas lieu d'examiner le second moyen proposé pour M. [B] et le troisième moyen proposé pour M. [K]. <br> <br> 30. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire. <br> <br> 31. La Cour de cassation prononcera la nullité de la mise en examen de M. [K] et de M. [B] des chefs respectivement d'abus d'autorité et de complicité d'abus d'autorité dans les conditions précisées au dispositif. <br> <br> PAR CES MOTIFS, la Cour :<br> <br> CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 14 juin 2024 ;<br> <br> DIT n'y avoir lieu à renvoi ;<br> <br> PRONONCE la nullité de la mise en examen de M. [O] [K] du chef d'abus d'autorité ;<br> <br> PRONONCE la nullité de la mise en examen de M. [E] [B] du chef de complicité d'abus d'autorité ;<br> <br> DIT que, par l'effet de ces annulations, MM. [O] [K] et [E] [B] sont considérés comme témoins assistés relativement aux infractions d'abus d'autorité et complicité, à compter de leurs interrogatoires de première comparution, pour l'ensemble de leurs interrogatoires ultérieurs et jusqu'à l'issue de l'information, sous réserve des dispositions des articles 113-6 et 113-8 du code de procédure pénale ;<br> <br> DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;<br> <br> ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé. <br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mars deux mille vingt-cinq.
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 19 mars 2025, 24-83.719, Publié au bulletin
ATTEINTE A L'AUTORITE DE L'ETAT - Atteinte à l'administration publique commise par des personnes exerçant une fonction publique - Abus d'autorité dirigé contre l'administration - Echec à l'exécution de la loi - Caractérisation - Détermination
2025-03-19
ECLI:FR:CCASS:2025:CR00246
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000051367919
ARRET
JURITEXT000051336204
CHAMBRE_CRIMINELLE
null
JURI
Cour de cassation
Il résulte de l'article 194, alinéas 2 et 3, du code de procédure pénale que la chambre de l'instruction, lorsqu'elle statue sur l'appel d'une ordonnance de placement sous contrôle judiciaire ou de refus de mainlevée, totale ou partielle, de cette mesure, doit se prononcer dans un délai de deux mois à compter de la déclaration d'appel. A défaut, la mainlevée, totale ou partielle, de celle-ci est acquise de plein droit, sauf si des vérifications concernant la demande de la personne ont été ordonnées ou si des circonstances imprévisibles et insurmontables mettent obstacle au jugement de l'affaire dans les délais prévus. Encourt la cassation la chambre de l'instruction qui, saisie de l'appel de la personne mise en examen interjeté contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention n'ayant pas fait droit à sa demande tendant à la mainlevée de l'interdiction de paraître dans la région Grand Est et de l'obligation, pour l'avenir, de verser le cautionnement prévu, statue par un arrêt rendu plus de deux mois après cet appel. Dès lors, la mainlevée de l'interdiction de paraître dans la région Grand Est et de l'obligation, pour l'avenir, de verser le cautionnement prévu est acquise de plein droit
Cassation partielle sans renvoi
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br>N° Y 24-87.126 F-B<br> <br> N° 00456<br> <br> <br> ODVS<br> 11 MARS 2025<br> <br> <br> CASSATION PARTIELLE SANS RENVOI<br> <br> <br> M. BONNAL président,<br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E<br> ________________________________________<br> <br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, <br> DU 11 MARS 2025<br> <br> <br> <br> M. [D] [H] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Colmar, en date du 21 novembre 2024, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'escroquerie en bande organisée, blanchiment aggravé et prise du nom d'un tiers, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction prononçant sur sa demande de mainlevée partielle du contrôle judiciaire. <br> <br> Des mémoires ampliatif et personnel ont été produits.<br> <br> Sur le rapport de M. Hill, conseiller, les observations de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de M. [D] [H], et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Hill, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,<br> <br> la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. <br> <br> Faits et procédure<br> <br> 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.<br> <br> 2. M. [D] [H] a été mis en examen des chefs précités et placé en détention provisoire. <br> <br> 3. Le 13 juillet 2021, il a été placé sous contrôle judiciaire avec plusieurs obligations et interdictions.<br> <br> 4. Le 23 août 2024, M. [H] a sollicité du juge d'instruction la mainlevée de l'interdiction de paraître dans la région Grand Est et la réduction du montant de son cautionnement à la somme déjà versée.<br> <br> 5. Par ordonnance du 12 septembre 2024, ce magistrat a rejeté ces demandes. <br> <br> 6. Le 19 septembre suivant, M. [H] a relevé appel de cette décision.<br> <br> Examen des moyens<br> <br> Sur le moyen du mémoire personnel et le premier moyen du mémoire ampliatif<br> <br> Enoncé des moyens<br> <br> 7. Le moyen proposé par M [H] est pris de la violation des articles 194 et 593 du code de procédure pénale.<br> <br> 8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé les mesures de contrôle judiciaire qui lui sont imposées après l'expiration du délai impératif de deux mois prévu à l'article 194 du code de procédure pénale, sans qu'aucune justification fondée sur des circonstances exceptionnelles n'ait été invoquée.<br> <br> 9. Le moyen proposé pour M. [H] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance entreprise quant à son interdiction de paraître dans la région Grand Est et quant au cautionnement, alors « que la chambre de l'instruction, lorsqu'elle statue sur l'appel d'une ordonnance de placement sous contrôle judiciaire ou de refus de mainlevée de cette mesure, doit statuer dans les deux mois à compter la déclaration d'appel ; que le non-respect du délai de deux mois entraîne de plein droit la mainlevée de la mesure de contrôle judiciaire, sauf si des vérifications nécessaires ou des circonstances imprévisibles ou insurmontables empêchent le jugement de l'affaire dans ce délai ; qu'en confirmant l'ordonnance de rejet entreprise quant à l'interdiction de M. [H] de paraître dans la région Grand Est et quant à son cautionnement par un arrêt rendu le 21 novembre 2024, soit plus de deux mois après son appel formé le 19 septembre 2024 contre ladite ordonnance entreprise, sans faire état de vérifications concernant la demande du mis en examen, ni de circonstances imprévisibles et insurmontables faisant obstacle au jugement de l'affaire dans les délais prévus, la chambre de l'instruction a violé l'article 194, alinéas 2 et 3, du code de procédure pénale. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> 10. Les moyens sont réunis.<br> <br> Vu l'article 194, alinéas 2 et 3, du code de procédure pénale :<br> <br> 11. Il résulte de ce texte que la chambre de l'instruction, lorsqu'elle statue sur l'appel d'une ordonnance de placement sous contrôle judiciaire ou de refus de mainlevée de cette mesure, doit se prononcer dans un délai de deux mois à compter de la déclaration d'appel ; à défaut, la mainlevée de celle-ci est acquise de plein droit, sauf si des vérifications concernant la demande de la personne ont été ordonnées ou si des circonstances imprévisibles et insurmontables mettent obstacle au jugement de l'affaire dans les délais prévus.<br> <br> 12. En statuant par un arrêt rendu plus de deux mois après l'appel formé le 19 septembre 2024 contre la décision de refus de mainlevée de l'interdiction de paraître dans le Grand Est et de l'obligation de verser le cautionnement prévu sans faire état de vérifications concernant la demande de la personne ni de circonstances imprévisibles et insurmontables mettant obstacle au jugement de l'affaire dans les délais prévus, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.<br> <br> 13. Dès lors, la cassation est encourue de ce fait.<br> <br> Portée et conséquence de la cassation <br> <br> 14. Seule la mainlevée de l'interdiction de paraître dans la région Grand Est et de l'obligation, pour l'avenir, de verser le cautionnement prévu est acquise de plein droit à compter du 19 novembre 2024, les autres obligations et interdictions du contrôle judiciaire étant expressément maintenues.<br> <br> 15. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire. <br> <br> PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le second moyen de cassation proposé pour M. [H], la Cour :<br> <br> CASSE et ANNULE, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Colmar, en date du 21 novembre 2024, mais en ses seules dispositions concernant l'interdiction de paraître dans la région Grand Est et le montant du cautionnement, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;<br> <br> DIT que l'obligation de cautionnement, pour les sommes qui n'ont pas encore été versées, et l'interdiction de paraître dans la région Grand Est ont pris fin le 19 novembre 2024 ; <br> <br> DIT n'y avoir lieu à renvoi ;<br> <br> ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Colmar et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé. <br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du onze mars deux mille vingt-cinq.
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 11 mars 2025, 24-87.126, Publié au bulletin
CHAMBRE DE L'INSTRUCTION
2025-03-11
ECLI:FR:CCASS:2025:CR00456
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000051336204
ARRET
JURITEXT000051336223
CHAMBRE_CRIMINELLE
Articles L. 322-4, L. 322-5 et L. 322-6 du code de la justice pénale des mineurs.
JURI
Cour de cassation
Il résulte des articles L. 322-4 et L. 322-5 du code de la justice pénale des mineurs que, lorsque le procureur de la République saisit le juge des enfants, le juge d'instruction ou le tribunal pour enfants, le recueil de renseignements socio-éducatifs (RRSE) est obligatoire avant toute réquisition ou décision de placement en détention provisoire puis, le cas échéant, de prolongation de la détention provisoire d'un mineur mis en examen ou convoqué devant une juridiction de jugement. Il résulte de l'article L. 322-6 du même code qu'en cas de prolongation de la détention provisoire, cette obligation s'applique même lorsque l'intéressé est devenu majeur le jour où les poursuites sont exercées dès lors qu'il n'a pas atteint l'âge de vingt-et-un ans au jour où cette prolongation est requise ou décidée
Cassation sans renvoi
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br>N° C 24-87.015 F-B<br> <br> N° 00479<br> <br> <br> GM<br> 12 MARS 2025<br> <br> <br> CASSATION SANS RENVOI<br> <br> <br> M. BONNAL président,<br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E<br> ________________________________________<br> <br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, <br> DU 12 MARS 2025<br> <br> [Z] [L] a formé des pourvois contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 29 novembre 2024, qui, dans l'information suivie contre lui du chef de complicité de meurtre en bande organisée, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant sa détention provisoire.<br> <br> Les pourvois sont joints en raison de la connexité. <br> <br> Un mémoire a été produit.<br> <br> Sur le rapport de M. Laurent, conseiller, les observations de la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat d'[Z] [L], et les conclusions de Mme Viriot-Barrial, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Laurent, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,<br> <br> la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. <br> <br> Faits et procédure<br> <br> 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.<br> <br> 2. Une personne ayant été mortellement touchée par des tirs d'arme à feu, le 29 décembre 2022, une information a été ouverte le 6 janvier 2023.<br> <br> 3. [Z] [L], né le [Date naissance 2] 2005, a été mis en examen, du chef susvisé, le 26 mai 2023.<br> <br> 4. Il a été placé en détention provisoire le même jour.<br> <br> 5. A l'issue d'une première prolongation, ordonnée le 24 mai 2024, le juge des libertés et de la détention a, par ordonnance du 25 novembre 2024, prolongé sa détention provisoire pour une nouvelle durée de six mois.<br> <br> 6. [Z] [L] a relevé appel de cette décision.<br> <br> Examen de la recevabilité du pourvoi formé le 6 décembre 2024<br> <br> 7. Selon l'article 576, alinéa 2, du code de procédure pénale, la déclaration de pourvoi doit être signée par le greffier et par le demandeur en cassation lui-même ou par un avocat près la juridiction qui a statué, ou par un fondé de pouvoir spécial ; dans ce dernier cas, le pouvoir est annexé à l'acte dressé par le greffier. <br> <br> 8. Par ailleurs, l'article 5-1 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques prévoit que les avocats inscrits au barreau de l'un des tribunaux judiciaires de Paris, Bobigny, Créteil et Nanterre peuvent postuler auprès de chacune de ces juridictions, auprès de la cour d'appel de Paris quand ils ont postulé devant l'un des tribunaux judiciaires de Paris, Bobigny et Créteil, et auprès de la cour d'appel de Versailles quand ils ont postulé devant le tribunal judiciaire de Nanterre.<br> <br> 9. Il en résulte que le pourvoi formé sans pouvoir spécial, le 6 décembre 2024, par un avocat inscrit au barreau de Paris, contre l'arrêt rendu par la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles est irrecevable, dès lors que l'information est menée au tribunal judiciaire de Pontoise.<br> <br> 10. Seul est donc recevable le pourvoi formé pour [Z] [L], le 9 décembre 2024, par un avocat au barreau de Versailles. <br> <br> Examen des moyens <br> <br> Sur le second moyen<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 11. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté tous les moyens tendant à l'annulation de l'ordonnance de prolongation de la détention provisoire du 25 novembre 2024 et dit n'y avoir lieu à annulation de cette ordonnance, alors « que le recueil de renseignements socio-éducatifs est obligatoire avant toute réquisition ou décision de placement en détention provisoire ou de prolongation de la détention provisoire d'un mineur mis en examen ou convoqué devant une juridiction de jugement même lorsque l'intéressé est devenu majeur le jour où les poursuites sont exercées dès lors qu'il n'a pas atteint ses vingt-et-un ans ; qu'en l'espèce, pour refuser d'annuler l'ordonnance de prolongation de la détention provisoire qui lui était déférée, la chambre de l'instruction a retenu que le recueil de renseignements socio-éducatifs pouvait alternativement être fait avant le placement en détention provisoire ou avant la prolongation de la détention provisoire et qu'en l'espèce un rapport de recueil de renseignements socio-éducatifs avait été établi lors du déferrement de M. [L] ; qu'en statuant de la sorte cependant qu'un recueil de renseignements socio-éducatifs s'imposait avant toute décision de prolongation de la détention provisoire de M. [L] qui n'avait pas atteint ses vingt-et-un ans le jour où les poursuites étaient exercées, la chambre de l'instruction a méconnu les articles L. 322-5 et L. 322-6 du code de la justice pénale des mineurs. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> Vu les articles L. 322-4, L. 322-5 et L. 322-6 du code de la justice pénale des mineurs :<br> <br> 12. Il résulte des deux premiers de ces textes que, lorsque le procureur de la République saisit le juge des enfants, le juge d'instruction ou le tribunal pour enfants, le recueil de renseignements socio-éducatifs (RRSE) est obligatoire avant toute réquisition ou décision de placement en détention provisoire puis, le cas échéant, de prolongation de la détention provisoire d'un mineur mis en examen ou convoqué devant une juridiction de jugement.<br> <br> 13. Il résulte du troisième qu'en cas de prolongation de la détention provisoire, cette obligation s'applique même lorsque l'intéressé est devenu majeur le jour où les poursuites sont exercées dès lors qu'il n'a pas atteint l'âge de vingt-et-un ans au jour où cette prolongation est requise ou décidée.<br> <br> 14. Pour rejeter la demande d'annulation de l'ordonnance prolongeant la détention provisoire d'[Z] [L], tirée du fait qu'elle n'avait pas été précédée d'un RRSE, l'arrêt attaqué énonce que l'obligation imposée par l'article L. 322-5 du code de la justice pénale des mineurs est alternative, qu'un rapport de RRSE, ne formulant aucune proposition éducative, a été établi en mai 2023, lors du défèrement de l'intéressé, et que son avocat n'a pas, lors du débat contradictoire du 25 novembre 2024, fait valoir la nécessité de recueillir de nouveaux éléments socio-éducatifs.<br> <br> 15. En statuant ainsi, alors que le demandeur, né le [Date naissance 2] 2005, était mineur lors de la commission des faits lui étant reprochés et n'avait pas atteint l'âge de vingt-et-un ans lors de la prolongation de sa détention provisoire, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés, qui ont pour objet d'assurer l'actualisation, lors de la prolongation de la détention provisoire, des éléments de personnalité recueillis auparavant.<br> <br> 16. La cassation est par conséquent encourue.<br> <br> Portée et conséquences de la cassation<br> <br> 17. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire. <br> <br> 18. Elle entraînera la mise en liberté d'[Z] [L], sauf s'il est détenu pour autre cause.<br> <br> 19. Cependant, les dispositions de l'article 803-7, alinéa 1er, du code de procédure pénale, auquel renvoie l'article L. 13-1 du code de la justice pénale des mineurs, permettent à la Cour de cassation de placer sous contrôle judiciaire la personne dont la détention provisoire est irrégulière en raison de la méconnaissance des formalités prévues par ces codes, dès lors qu'elle trouve dans les pièces de la procédure des éléments d'information pertinents et que la mesure apparaît indispensable pour assurer l'un des objectifs énumérés à l'article 144 du code de procédure pénale.<br> <br> 20. En l'espèce, il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable la participation d'[Z] [L], comme complice, à la commission du crime pour lequel il a été mis en examen.<br> <br> 21. La mesure de contrôle judiciaire est indispensable afin :<br> <br> - d'empêcher une concertation frauduleuse entre les personnes mises en examen, en ce que le rôle tenu par [Z] [L] dans la commission d'un crime impliquant de nombreuses personnes qui se connaissent et pourraient avoir agi en bande organisée demeure à préciser ;<br> <br> - de garantir le maintien de la personne mise en examen à la disposition de la justice, en ce que le retour d'[Z] [L] au domicile familial, à [Localité 4], lieu de commission du crime, ne peut être envisagé et l'intéressé, désormais majeur, ne justifie d'aucun projet d'insertion structuré ;<br> <br> - de mettre fin au trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public provoqué par la gravité de l'infraction, les circonstances de sa commission et l'importance du préjudice qu'elle a causé, en ce que [Z] [L] est mis en examen pour complicité d'un meurtre aggravé, commis sur la voie publique, au moyen d'une arme à feu.<br> <br> 22. Afin d'assurer la réalisation de ces objectifs, [Z] [L] sera soumis aux obligations spécifiées au dispositif.<br> <br> 23. Le magistrat chargé de l'information est compétent pour l'application des articles 139 et suivants, 141-2 et suivants du code de procédure pénale, L. 331-1 et suivants du code de la justice pénale des mineurs.<br> <br> 24. Le parquet général de cette Cour fera procéder aux diligences prévues par l'article 138-1 du code de procédure pénale.<br> <br> PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner l'autre moyen de cassation proposé, la Cour :<br> <br> Sur le pourvoi formé le 6 décembre 2024 :<br> <br> Le DECLARE IRRECEVABLE ;<br> <br> Sur le pourvoi formé le 9 décembre 2024 :<br> <br> CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 29 novembre 2024 ;<br> <br> DIT n'y avoir lieu à renvoi ;<br> <br> CONSTATE qu'[Z] [L] est détenu sans titre depuis le 26 novembre 2024 ;<br> <br> ORDONNE la mise en liberté d'[Z] [L] s'il n'est détenu pour autre cause ;<br> <br> ORDONNE son placement sous contrôle judiciaire ;<br> <br> DIT qu'il est soumis aux obligations suivantes : <br> <br> - Ne pas sortir des limites territoriales suivantes, sauf pour répondre aux convocations de l'autorité judiciaire : département de l'Essonne ;<br> <br> - Fixer sa résidence à l'adresse suivante : chez M. [MD] [R], [Adresse 3] ;<br> <br> - Ne pas s'en absenter entre 19 heures et 6 heures le lendemain ;<br> <br> - Se présenter avant le 14 mars 2025 à 12 heures, et ensuite deux fois par semaine, le mardi et le vendredi, au commissariat de police des [Localité 5], [Adresse 1] ;<br> <br> - S'abstenir de recevoir ou de rencontrer, ainsi que d'entrer en relation avec elles, de quelque façon que ce soit, les personnes suivantes : MM. [K] [N] [U], [Y] [M], [E] [M], [I] [C], [X] [V], [O] [D], [A] [J], [P] [W], [F] [T], Mme [S] [G], M. [H] [GG], Mme [DV] [TA] et Mme [B] [TA] ;<br> <br> - Ne pas détenir ou porter une arme ;<br> <br> - Suivre une scolarité ou une formation ou exercer une activité professionnelle ;<br> <br> DESIGNE pour veiller au respect des obligations prévues aux rubriques ci-dessus, le commissaire de police des [Localité 5] ;<br> <br> DÉSIGNE le magistrat chargé de l'information aux fins d'assurer le contrôle de la présente mesure de sûreté ;<br> <br> RAPPELLE qu'en application de l'article 141-2 du code de procédure pénale, toute violation de l'une quelconque des obligations ci-dessus expose la personne sous contrôle judiciaire à un placement en détention provisoire ;<br> <br> DIT que le parquet général de cette Cour fera procéder aux diligences prévues par l'article 138-1 du code de procédure pénale ;<br> <br> ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé. <br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du douze mars deux mille vingt-cinq.,Sur les effets du défaut de recueil de renseignements socio-éducatifs dans le contentieux de la détention provisoire du mineur, à rapprocher :Crim., 26 juin 2024, pourvoi n° 24-82.650, Bull. crim. (rejet).
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 12 mars 2025, 24-87.015, Publié au bulletin
MINEUR - Détention provisoire - Renseignements socio-éducatifs - Recueil nécessaire avant toute réquisition - Domaine d'application - Mineur devenu majeur de moins de vingt-et-un an le jour des poursuites - Cas - Prolongation de la détention provisoire
2025-03-12
ECLI:FR:CCASS:2025:CR00479
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000051336223
ARRET
JURITEXT000051336208
CHAMBRE_CRIMINELLE
Article 695-32 du code de procédure pénale.
JURI
Cour de cassation
L'article 695-32 du code de procédure pénale, qui permet de subordonner la remise de la personne recherchée à la garantie qu'elle effectuera en France la peine qui sera éventuellement prononcée par l'autorité judiciaire de l'Etat d'émission pour les faits objet du mandat, est applicable à la personne recherchée sur le fondement d'un mandat d'arrêt européen émis pour l'exécution d'une condamnation prononcée en son absence et susceptible de recours, sa situation étant comparable à celle d'une personne qui fait l'objet d'un mandat d'arrêt européen aux fins de poursuites. Les articles 4, § 6, et 5, § 3, de la décision-cadre du Conseil 2002/584/JAI relative au mandat d'arrêt européen, qui offrent la possibilité, pour la personne recherchée, d'une part, aux fins d'exécution d'une peine, d'autre part, aux fins de poursuites ou d'exécution d'une peine pouvant faire l'objet d'un recours, de pouvoir exécuter sa peine en France, ont pour but d'accroître les chances de réinsertion sociale de la personne recherchée, de sorte qu'un Etat membre d'exécution peut légitimement ne poursuivre un tel objectif qu'à l'égard des personnes ayant démontré un degré d'intégration certain au sein dudit Etat. La Cour de justice de l'Union européenne a ainsi admis que les Etats membres, lors de la mise en oeuvre de l'article 4, § 6, de la décision-cadre précitée peuvent limiter, conformément au principe de reconnaissance mutuelle, les situations dans lesquelles il devrait être possible de refuser la remise, en subordonnant l'application de cette disposition à la condition que le ressortissant d'un autre Etat membre ayant un droit de séjour ait séjourné légalement pendant une certaine période sur le territoire dudit Etat membre d'exécution (CJUE, arrêt du 6 octobre 2009, Wolzenburg, C-123/08, §§ 62 et 74 ; CJUE, arrêt du 5 septembre 2012, Lopes Da Silva, C-42/11, § 33). Dans l'arrêt Wolzenburg précité, la Cour de justice a jugé conforme au droit de l'Union l'exigence d'une durée de séjour ininterrompu de cinq ans, durée égale à celle prévue par l'article 695-32 du code de procédure pénale. Il s'en déduit que, comme la Cour de cassation l'a jugé concernant le motif de refus facultatif prévu à l'article 695-24, 2 °, du code de procédure pénale, dans sa version résultant de la loi n° 2013-711 du 5 août 2013 (Crim., 12 janvier 2021, pourvoi n° 20-86.797), le législateur français a pu réserver le bénéfice des dispositions de l'article 695-32 du même code aux seuls étrangers résidant de manière régulière et continue sur le territoire national depuis au moins cinq ans, étant observé que l'article 728-11 dudit code soumet la possibilité d'accorder l'exécution d'une condamnation prononcée par la juridiction d'un autre Etat membre à l'égard d'un ressortissant étranger à cette même condition
Rejet
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br>N° R 25-81.051 F-B<br> <br> N° 00462<br> <br> <br> ODVS<br> 11 MARS 2025<br> <br> <br> REJET<br> <br> <br> M. BONNAL président,<br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E<br> ________________________________________<br> <br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, <br> DU 11 MARS 2025<br> <br> <br> <br> M. [O] [B] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 29 janvier 2025, qui a autorisé sa remise aux autorités judiciaires roumaines en exécution d'un mandat d'arrêt européen. <br> <br> Des mémoires personnels ont été produits.<br> <br> Sur le rapport de Mme Merloz, conseiller référendaire, et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Merloz, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,<br> <br> la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. <br> <br> Faits et procédure<br> <br> 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.<br> <br> 2. Le 30 mai 2024, les autorités judiciaires roumaines ont délivré un mandat d'arrêt européen à l'encontre de M. [O] [B], ressortissant roumain, pour l'exécution d'une peine d'emprisonnement d'un an et huit mois, prononcée en son absence, le 11 avril 2023, par une juridiction roumaine pour des faits qualifiés de menaces.<br> <br> 3. Le 21 janvier 2025, le procureur général a notifié le mandat d'arrêt européen à M. [B], qui a été incarcéré.<br> <br> 4. L'intéressé n'a pas consenti à sa remise.<br> <br> Examen des moyens<br> <br> Sur les premier et deuxième moyens<br> <br> Enoncé des moyens<br> <br> 5. Le premier moyen est pris de la violation des articles 593, 695-11, 695-24 et 695-32 du code de procédure pénale.<br> <br> 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a accordé la remise de M. [B] aux autorités roumaines, alors :<br> <br> 1°/ que la chambre de l'instruction ne pouvait faire application des dispositions de l'article 695-32 du code de procédure pénale, inapplicable à un mandat d'arrêt européen aux fins d'exécution d'une peine ;<br> <br> 2°/ qu'en considérant que le mandat d'arrêt européen n'était ni exécutoire ni définitif, la chambre de l'instruction a dénaturé ledit mandat qui précisait que la décision était exécutoire et définitive depuis le 8 mai 2024 ;<br> <br> 3°/ que la chambre de l'instruction ne pouvait, sans contradiction, accorder la remise sur le fondement d'une décision qui n'était ni exécutoire ni définitive ;<br> <br> 4°/ qu'en refusant de tirer les conséquences du caractère exécutoire et définitif de la décision, la chambre de l'instruction a violé le principe de reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires au sein de l'Union européenne qui impose aux Etats membres de respecter le caractère exécutoire des décisions rendues par les juridictions d'un autre Etat membre.<br> <br> 7. Le deuxième moyen est pris de la violation des articles 593, 695-11, 695-22-1 et 695-33 du code de procédure pénale.<br> <br> 8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a accordé la remise du demandeur aux autorités roumaines, alors :<br> <br> 1°/ que la cour d'appel ne pouvait considérer que M. [B] pouvait exercer des voies de recours sans vérifier le caractère concret, effectif et réel de ce droit quand le mandat d'arrêt européen précise que la décision de condamnation est exécutoire et définitive ;<br> <br> 2°/ que la cour d'appel n'a pas répondu aux conclusions du mémoire qui soutenait qu'il existait une contradiction dans le mandat d'arrêt européen qui précisait que le jugement de condamnation était devenu définitif.<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> 9. Les moyens sont réunis.<br> <br> 10. Pour accorder la remise de M. [B] aux autorités roumaines, l'arrêt attaqué énonce qu'il ressort du mandat d'arrêt européen que l'intéressé n'a pas comparu en personne à l'audience, qu'il n'a pas été personnellement cité mais a été convoqué aux derniers domiciles connus, qu'un mandat d'amener a été délivré à son encontre et que, la décision rendue ne lui ayant pas été remise personnellement, celle-ci lui sera notifiée après sa remise et qu'il sera alors expressément informé de son droit à une nouvelle procédure de jugement de l'affaire ou à une voie de recours permettant le réexamen complet de l'affaire.<br> <br> 11. Les juges ajoutent, en réponse à la demande de M. [B] d'exécuter la peine en France, que la condamnation n'est pas exécutoire à ce jour de sorte qu'il ne peut se prévaloir des dispositions de l'article 695-24, 2°, du code de procédure pénale.<br> <br> 12. Ils énoncent encore que l'intéressé ne peut davantage solliciter la garantie de retour prévue par l'article 695-32 du code de procédure pénale, dès lors qu'il ne justifie pas d'une résidence régulière en France, de façon ininterrompue, depuis au moins cinq ans.<br> <br> 13. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application des textes visés au moyen pour les motifs qui suivent.<br> <br> 14. En premier lieu, l'article 695-32 du code de procédure pénale, qui permet de subordonner la remise de la personne recherchée à la garantie qu'elle effectuera en France la peine qui sera éventuellement prononcée par l'autorité judiciaire de l'Etat d'émission pour les faits objet du mandat, est applicable à la personne recherchée sur le fondement d'un mandat d'arrêt européen émis pour l'exécution d'une condamnation prononcée en son absence et susceptible de recours, sa situation étant comparable à celle d'une personne qui fait l'objet d'un mandat d'arrêt européen aux fins de poursuites.<br> <br> 15. En second lieu, la Cour de cassation, qui a le contrôle des pièces de la procédure, est en mesure de s'assurer que la chambre de l'instruction a, sans dénaturation et en répondant aux articulations essentielles du mémoire, exactement relevé que M. [B] est recherché pour l'exécution d'une condamnation prononcée en son absence, qui doit lui être notifiée, ce dernier disposant d'un recours dans un délai d'un mois à compter de cette notification.<br> <br> 16. Ainsi, les moyens doivent être écartés.<br> <br> Sur le troisième moyen<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 17. Le moyen est pris de la violation des articles 5, § 3, de la décision-cadre du Conseil 2002/584/JAI du 13 juin 2002 relative au mandat d'arrêt européen, 593, 695-11 et 695-32 du code de procédure pénale.<br> <br> 18. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a accordé la remise du demandeur aux autorités roumaines alors que la chambre de l'instruction a refusé l'application de l'article 695-32 du code de procédure pénale en raison du défaut de résidence de M. [B] sur le territoire depuis plus de cinq ans quand l'article 5, § 3, de la décision-cadre sur le mandat d'arrêt européen, transposé en droit français à l'article 695-32 du code de procédure pénale, ne prévoit pas de durée de résidence minimale.<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> 19. Le moyen n'est pas fondé, en ce que la chambre de l'instruction a fait l'exacte application de l'article 695-32 du code de procédure pénale, lequel est conforme au droit de l'Union pour les motifs qui suivent.<br> <br> 20. En premier lieu, les articles 695-24, 2°, et 695-32 du code de procédure pénale, qui transposent respectivement les articles 4, § 6, et 5, § 3, de la décision-cadre du Conseil 2002/584/JAI relative au mandat d'arrêt européen, offrent la possibilité, pour la personne recherchée, d'une part, aux fins d'exécution d'une peine, d'autre part, aux fins de poursuites ou d'exécution d'une peine pouvant faire l'objet d'un recours, de pouvoir exécuter sa peine en France.<br> <br> 21. La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que ces dispositions ont, notamment, pour but d'accorder une importance particulière à la possibilité d'accroître les chances de réinsertion sociale de la personne recherchée, de sorte qu'un Etat membre d'exécution peut légitimement ne poursuivre un tel objectif qu'à l'égard des personnes ayant démontré un degré d'intégration certain au sein dudit Etat. Ainsi, cette juridiction a admis que les Etats membres, lors de la mise en oeuvre de l'article 4, § 6, de la décision-cadre précitée, peuvent limiter, conformément au principe de reconnaissance mutuelle, les situations dans lesquelles il devrait être possible de refuser la remise, en subordonnant l'application de cette disposition à la condition que le ressortissant d'un autre Etat membre ayant un droit de séjour ait séjourné légalement pendant une certaine période sur le territoire dudit Etat membre d'exécution (CJUE, arrêt du 6 octobre 2009, Wolzenburg, C-123/08, §§ 62 et 74, CJUE, arrêt du 5 septembre 2012, Lopes Da Silva, C-42/11, § 33). Dans l'arrêt Wolzenburg précité, la Cour de justice a jugé conforme au droit de l'Union l'exigence d'une durée de séjour ininterrompu de cinq ans, durée égale à celle prévue par l'article 695-32 du code de procédure pénale.<br> <br> 22. En deuxième lieu, la Cour de cassation juge qu'il se déduit de la jurisprudence précitée de la Cour de justice de l'Union européenne concernant le motif de refus facultatif de remise prévu à l'article 4, § 6, de la décision-cadre précité que le législateur français avait pu réserver le bénéfice des dispositions de l'article 695-24, 2°, du code de procédure pénale, qui transpose ce texte, dans sa version résultant de la loi n° 2013-711 du 5 août 2013, aux seuls ressortissants étrangers résidant de manière régulière et continue sur le territoire national depuis au moins cinq ans, la décision de remise revenant aux autorités judiciaires d'exécution après une analyse concrète et objective de la situation personnelle de l'intéressé (Crim., 12 janvier 2021, pourvoi n° 20-86.797).<br> <br> 23. Les articles 4, § 6, et 5, § 3, de la décision-cadre précitée reposant sur les mêmes fondements, il s'en déduit que le législateur français a pu réserver le bénéfice des dispositions de l'article 695-32 du code de procédure pénale aux seuls étrangers résidant de manière régulière et continue sur le territoire national depuis au moins cinq ans, étant observé que l'article 728-11 du code de procédure pénale soumet la possibilité d'accorder l'exécution d'une condamnation prononcée par la juridiction d'un autre Etat membre à l'égard d'un ressortissant étranger à cette même condition.<br> <br> 24. Ainsi, et sans qu'il soit besoin, en l'absence de doute raisonnable sur la conformité de l'article 695-32 du code de procédure pénale à l'article 5, § 3, de la décision-cadre 2002/584/JAI précitée, de saisir sur ce point la Cour de justice de l'Union européenne, le moyen doit être écarté.<br> <br> 25. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.<br> <br> PAR CES MOTIFS, la Cour :<br> <br> REJETTE le pourvoi. <br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du onze mars deux mille vingt-cinq.
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 11 mars 2025, 25-81.051, Publié au bulletin
MANDAT D'ARRET EUROPEEN - Exécution - Procédure - Chambre de l'instruction - Pouvoirs - Etendue - Vérification prévue par l'article 695-32 du code de procédure pénale - Domaine d'application - Détermination
2025-03-11
ECLI:FR:CCASS:2025:CR00462
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000051336208
ARRET
JURITEXT000051336206
CHAMBRE_CRIMINELLE
Articles 145-3 et 148-4 du code de procédure pénale.
JURI
Cour de cassation
Lorsqu'un arrêt est annulé par la Cour de cassation, la juridiction de renvoi se trouve saisie de la cause dans l'état qui était le sien quand elle a été soumise aux juges dont la décision a été cassée. Dès lors, la chambre de l'instruction, saisie sur renvoi après cassation d'une demande de mise en liberté faite en application de l'article 148-4 du code de procédure pénale, n'est pas soumise à l'obligation de motivation spéciale prévue à l'article 145-3 dudit code lorsque la décision annulée a été rendue à une date à laquelle la durée de la détention n'excédait pas encore huit mois
Rejet
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br>N° T 24-87.167 F-B<br> <br> N° 00457<br> <br> <br> ODVS<br> 11 MARS 2025<br> <br> <br> REJET<br> <br> <br> M. BONNAL président,<br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E<br> ________________________________________<br> <br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, <br> DU 11 MARS 2025<br> <br> <br> <br> M. [K] [Y] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bourges, en date du 19 novembre 2024, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 23 octobre 2024, pourvoi n° 24-84.741), dans l'information suivie contre lui du chef d'infractions à la législation sur les stupéfiants, a rejeté sa demande de mise en liberté. <br> <br> Un mémoire personnel a été produit.<br> <br> Sur le rapport de M. Hill, conseiller, et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Hill, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,<br> <br> la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. <br> <br> Faits et procédure<br> <br> 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.<br> <br> 2. Le 30 novembre 2023, M. [K] [Y] a été mis en examen des chefs susvisés et placé en détention provisoire.<br> <br> 3. Le 8 juillet 2024, il a formé une demande de mise en liberté devant la chambre de l'instruction.<br> <br> 4. Le président de la chambre de l'instruction a rendu une ordonnance d'irrecevabilité le 18 juillet suivant.<br> <br> 5. Suite au pourvoi formé par l'intéressé contre cette décision, la Cour de cassation, par arrêt du 23 octobre 2024, a annulé en toutes ses dispositions l'ordonnance du 18 juillet 2024 et ordonné le retour du dossier à la chambre de l'instruction, autrement présidée.<br> <br> Examen du moyen<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de remise en liberté formée par M. [Y], alors que, lorsque la durée de la détention provisoire excède huit mois en matière délictuelle, les décisions rejetant les demandes de mise en liberté doivent comporter les indications particulières qui justifient en l'espèce la poursuite de l'information et le délai prévisible d'achèvement de la procédure ; qu'en statuant sans ces indications, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 145-3 du code de procédure pénale.<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> 7. Le moyen n'est pas fondé pour les motifs qui suivent.<br> <br> 8. Lorsqu'un arrêt est annulé par la Cour de cassation, la juridiction de renvoi se trouve saisie de la cause dans l'état qui était le sien quand elle a été soumise aux juges dont la décision a été cassée.<br> <br> 9. Dès lors, la chambre de l'instruction, saisie sur renvoi après cassation d'une demande de mise en liberté faite en application de l'article 148-4 du code de procédure pénale, n'est pas soumise à l'obligation de motivation spéciale prévue par l'article 145-3 dudit code lorsque la décision annulée a été rendue à une date à laquelle la durée de la détention n'excédait pas encore huit mois.<br> <br> 10. Par ailleurs, l'arrêt est régulier tant en la forme qu'au regard des dispositions des articles 137-3, 143-1 et suivants du code de procédure pénale.<br> <br> PAR CES MOTIFS, la Cour :<br> <br> REJETTE le pourvoi. <br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du onze mars deux mille vingt-cinq.,Sur la motivation spéciale prévue par l'aticle 145-3 du code de procédure pénale, sur renvoi après cassation, à rapprocher :Crim., 27 juillet 2016, pourvoi n° 16-82.990, Bull. crim. 2016, n° 220 (rejet).
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 11 mars 2025, 24-87.167, Publié au bulletin
CHAMBRE DE L'INSTRUCTION - Détention provisoire - Demande de mise en liberté - Chambre de l'instruction saisie sur renvoi après cassation - Examen plus de huit mois après le placement en détention provisoire - Motifs - Indications particulières (non)
2025-03-11
ECLI:FR:CCASS:2025:CR00457
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000051336206
ARRET
JURITEXT000051336172
CHAMBRE_CRIMINELLE
Article 706-120 du code de procédure pénale.
JURI
Cour de cassation
La chambre de l'instruction, statuant en application des dispositions de l'article 706-120 du code de procédure pénale, a, d'une part, l'obligation de restituer aux faits leur exacte qualification, à condition de ne pas puiser dans des éléments extérieurs à la saisine du juge d'instruction, d'autre part, de rechercher l'existence de charges suffisantes contre la personne mise en examen d'avoir commis les faits ainsi qualifiés
Rejet
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br>N° K 24-82.882 F-B<br> <br> N° 00313<br> <br> <br> LR<br> 12 MARS 2025<br> <br> <br> REJET<br> <br> <br> M. BONNAL président,<br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E<br> ________________________________________<br> <br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, <br> DU 12 MARS 2025<br> <br> <br> <br> M. [H] [V] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 16 avril 2024, qui l'a déclaré pénalement irresponsable des faits de violences aggravées, a prononcé sur une admission en soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète ainsi que sur une mesure de sûreté, et a prononcé sur les intérêts civils. <br> <br> Un mémoire a été produit.<br> <br> Sur le rapport de M. Brugère, conseiller, les observations de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de M. [H] [V], et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 5 février 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Brugère, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Le Roch, greffier de chambre,<br> <br> la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.<br> <br> Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits. <br> <br> Faits et procédure<br> <br> 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.<br> <br> 2. M. [H] [V] a été mis en examen pour meurtre aggravé.<br> <br> 3. Le 11 mai 2023, le juge d'instruction, après requalification, a constaté l'existence de charges suffisantes contre M. [V] du chef de violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner, avec cette circonstance que les faits ont été commis par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, et a ordonné que le dossier de la procédure soit transmis aux fins de saisine de la chambre de l'instruction sur le fondement de l'article 706-120 du code de procédure pénale, en raison de l'abolition du discernement de la personne mise en examen.<br> <br> Examen du moyen<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit qu'il existe des charges suffisantes contre M. [V] d'avoir, à [Localité 2] (Alpes-Maritimes), les 5 et [Date décès 1] 2022, commis des violences n'ayant entraîné aucune incapacité de travail sur [I] [S], avec cette circonstance que les faits ont été commis par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, constaté qu'il se trouvait atteint au moment des faits d'un trouble psychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes au sens de l'article 122-1, alinéa 1er, du code pénal, l'a déclaré irresponsable pénalement, a ordonné son admission en soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète dans un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 du code de la santé publique, et ordonné des mesures de sûreté, alors « que, la chambre de l'instruction ne peut, sans ordonner de nouvelle information, statuer sur des faits restés en dehors de la saisine du juge d'instruction ; qu'au présent cas, il ressort de l'arrêt attaqué et du dossier de la procédure que le juge d'instruction avait été saisi par le procureur de la République de faits de meurtre par conjoint prétendument commis le [Date décès 1] 2022 ; que M. [H] [V] avait été mis en examen pour avoir, le [Date décès 1] 2022, volontairement donné la mort à [I] [S], avec cette circonstance que les faits ont été commis par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité ; que le dossier de la procédure a été transmis à la chambre de l'instruction, saisie sur le fondement de l'article 706-120 du code de procédure pénale ; qu'en disant qu'il existe des charges suffisantes contre [H] [V] d'avoir commis les faits qui lui sont reprochés à savoir : d'avoir à [Localité 2], les 5 et [Date décès 1] 2022, volontairement commis des violences n'ayant entraîné aucune incapacité de travail sur la personne d'[I] [S], avec cette circonstance que les faits ont été commis par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité (arrêt, pp. 14 et 16), cependant que les faits dont le juge d'instruction avait été saisi et pour lesquels [H] [V] avait été mis en examen étaient des faits de meurtre par conjoint commis le [Date décès 1] 2022, et non des faits de violences volontaires par conjoint sans ITT commis les 5 et [Date décès 1] 2022, la chambre de l'instruction, qui a statué sur des faits restés en dehors de la saisine du juge d'instruction et sans avoir ordonné de nouvelle information pour ces faits, a violé les articles 202, 706-120 et 706-125 du code de procédure pénale. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> 5. Pour dire qu'il existe des charges suffisantes contre M. [V] du chef de violences n'ayant pas entraîné une incapacité totale de travail par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, l'arrêt attaqué énonce que l'information n'a pas permis d'établir un lien de causalité entre le décès de la victime et les violences pour lesquelles l'existence de charges suffisantes contre la personne mise en examen a été retenue. <br> <br> 6. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen pour les motifs qui suivent.<br> <br> 7. En premier lieu, l'article 202, alinéa 1er, du code de procédure pénale ne s'applique que lorsque les personnes mises en examen sont renvoyées devant la chambre de l'instruction à la suite d'une ordonnance de règlement. Il n'est pas applicable lorsque la chambre de l'instruction statue sur le fondement de l'article 706-120 du code de procédure pénale. Quand elle statue en application de ce dernier texte, cette juridiction peut requalifier les faits sans procéder à une nouvelle information si elle retient des chefs de poursuite compris dans les faits pour lesquels la personne a été mise en examen par le juge d'instruction.<br> <br> 8. En deuxième lieu, il appartient à la chambre de l'instruction, saisie sur le fondement de ce dernier texte, de rechercher l'existence contre la personne mise en examen de charges suffisantes d'avoir commis les faits qui lui sont reprochés.<br> <br> 9. Enfin, les juridictions pénales, qui ont l'obligation de restituer aux faits leur exacte qualification, peuvent modifier celle-ci, à condition de ne pas puiser dans des éléments extérieurs à leur saisine.<br> <br> 10. Ainsi, le moyen doit être écarté.<br> <br> 11. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.<br> <br> PAR CES MOTIFS, la Cour :<br> <br> REJETTE le pourvoi. <br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du douze mars deux mille vingt-cinq.
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 12 mars 2025, 24-82.882, Publié au bulletin
CHAMBRE DE L'INSTRUCTION - Appel des ordonnances du juge d'instruction - Ordonnance constatant l'existence de charges suffisantes et déclarant le mis en examen pénalement irresponsable pour cause de trouble mental - Office de la chambre de l'instruction - Détermination
2025-03-12
ECLI:FR:CCASS:2025:CR00313
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000051336172
ARRET
JURITEXT000051336176
CHAMBRE_CRIMINELLE
null
JURI
Cour de cassation
Il résulte des articles 114, alinéa 2, et 145-2 du code de procédure pénale que la décision sur la prolongation de la détention provisoire ne peut être prise qu'après un débat contradictoire auquel l'avocat de la personne mise en examen a été convoqué au plus tard cinq jours ouvrables avant ledit débat, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, par télécopie avec récépissé ou verbalement avec émargement au dossier de la procédure. L'absence à la procédure du bordereau, revêtu du cachet de La Poste, attestant de l'envoi de la lettre recommandée, alors que La Poste mentionne l'existence d'une erreur d'adressage n'ayant pas permis la remise à son destinataire, ne met pas la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la lettre recommandée de convocation de l'avocat de la personne mise en examen a bien été adressée à l'adresse exacte de celui-ci dans le délai prescrit
Cassation sans renvoi
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br>N° A 24-87.128 F-B<br> <br> N° 00458<br> <br> <br> ODVS<br> 11 MARS 2025<br> <br> <br> CASSATION SANS RENVOI<br> <br> <br> M. BONNAL président,<br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E<br> ________________________________________<br> <br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, <br> DU 11 MARS 2025<br> <br> <br> <br> M. [LT] [C] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 6 décembre 2024, qui, dans l'information suivie contre lui du chef de complicité de meurtre en bande organisée, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant sa détention provisoire. <br> <br> Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.<br> <br> Sur le rapport de M. Cavalerie, conseiller, les observations de Me Laurent Goldman, avocat de M. [LT] [C], et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Cavalerie, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,<br> <br> la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. <br> <br> Faits et procédure<br> <br> 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.<br> <br> 2. M. [LT] [C] a été mis en examen et placé en détention provisoire le 26 mai 2023 pour des faits de complicité de meurtre en bande organisée.<br> <br> 3. Un débat contradictoire sur la prolongation de la détention provisoire a été organisé le 21 novembre 2024.<br> <br> 4. A cette date, son avocat, convoqué par lettre recommandée avec demande d'avis de réception le 7 novembre précédent, étant absent, le juge des libertés et de la détention a ordonné un renvoi dudit débat au 25 novembre suivant.<br> <br> 5. Une convocation a été adressée le 21 novembre 2024 à l'avocat de la personne mise en examen par PLEX et par courrier électronique, dont celui-ci a pris connaissance et accusé réception le lendemain.<br> <br> 6. Le 25 novembre 2024, le débat contradictoire s'est tenu en l'absence de l'avocat de la personne mise en examen et la détention provisoire de cette dernière a été prolongée pour une durée de six mois.<br> <br> 7. La personne mise en examen a interjeté appel de cette décision. <br> <br> Examen du moyen<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté le moyen de nullité de l'ordonnance de prolongation de la détention provisoire du 25 novembre 2024 et confirmé ladite ordonnance, alors « que la décision sur la prolongation de la détention provisoire ne peut être prise qu'après un débat contradictoire auquel l'avocat du mis en examen a été convoqué au plus tard cinq jours ouvrables avant ledit débat, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, par télécopie avec récépissé, verbalement avec émargement au dossier de la procédure ou par un envoi adressé par un moyen de télécommunication à l'adresse électronique de l'avocat, un justificatif d'un envoi régulier devant figurer à la procédure ; qu'il résulte de la procédure que n'y figurent ni le bordereau d'envoi de la lettre recommandée prétendument adressée à Me [WT] pour l'informer du débat contradictoire du 21 novembre 2024 ni cette lettre recommandée elle-même, pourtant retournée à son expéditeur le 19 novembre 2024, tandis que, de surcroit, il résulte du suivi postal du numéro de lettre recommandée ajouté sur la convocation que le facteur n'aurait pas identifié la boîte à lettres du destinataire, censé être Me [WT], et d'un courriel de [6] que cet envoi « a été traité en défaut d'adressage par le facteur qui distribue dans les villes de [Localité 5] / [Localité 7] », quand le cabinet de Me [WT] se situe dans le [Localité 3], de sorte qu'en retenant qu'il était justifié de l'envoi à cet avocat de la convocation pour le débat contradictoire du 21 novembre 2024 dans les légaux, la chambre de l'instruction a méconnu l'article 114 et 145-2 du code de procédure pénale. »<br> <br> Réponse de la Cour <br> <br> Vu les articles 114, alinéa 2, et 145-2 du code de procédure pénale :<br> <br> 9. Il résulte de ces textes que la décision sur la prolongation de la détention provisoire ne peut être prise qu'après un débat contradictoire auquel l'avocat de la personne mise en examen a été convoqué au plus tard cinq jours ouvrables avant ledit débat, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, par télécopie avec récépissé ou verbalement avec émargement au dossier de la procédure.<br> <br> 10. Pour écarter le moyen de nullité selon lequel il n'était pas justifié de l'envoi à l'avocat de la personne mise en examen de la convocation au plus tard cinq jours ouvrables avant le débat contradictoire du 21 novembre 2024, comme le prévoit l'article 114 du code de procédure pénale, l'arrêt attaqué énonce notamment qu'il résulte de l'examen des pièces de la procédure qu'une convocation en date du 7 novembre 2024 a été adressée à l'avocat de la personne mise en examen, à l'adresse de son cabinet figurant en procédure, invitant ce dernier à se présenter au cabinet du juge des libertés et de la détention le 21 novembre 2024 à 15h00 pour le débat relatif à la prolongation de la détention provisoire de son client.<br> <br> 11. Les juges ajoutent qu'il résulte de la lecture du suivi de [6] qu'à la date du 9 novembre 2024, l'envoi a été remis à celle-ci par l'expéditeur, de sorte qu'il est ainsi justifié de l'envoi de la convocation précitée dans les délais légaux et que ne figure à la procédure aucune autre adresse de l'avocat que celle mentionnée sur ladite convocation. <br> <br> 12. Ils en concluent que la procédure est régulière et qu'il n'y a pas lieu à annulation de l'ordonnance de prolongation de la détention provisoire.<br> <br> 13. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.<br> <br> 14. En effet, alors que le demandeur a produit un courriel de [6] mentionnant l'existence d'une erreur d'adressage, et en l'absence à la procédure du bordereau d'envoi de ladite lettre revêtu du cachet de [6], la Cour de cassation n'est pas en mesure de s'assurer que la lettre recommandée de convocation de l'avocat de la personne mise en examen a bien été adressée à l'adresse exacte de celui-ci. <br> <br> 15. La cassation est par conséquent encourue.<br> <br> Portée et conséquences de la cassation<br> <br> 16. M. [C] doit être remis en liberté, sauf s'il est détenu pour autre cause.<br> <br> 17. Cependant, les dispositions de l'article 803-7, alinéa 1er, du code de procédure pénale permettent à la Cour de cassation de placer sous contrôle judiciaire la personne dont la détention provisoire est irrégulière en raison de la méconnaissance des délais ou formalités prévus par ce même code, dès lors qu'elle trouve dans les pièces de la procédure des éléments d'information pertinents et que la mesure apparaît indispensable pour assurer l'un des objectifs énumérés à l'article 144 du même code.<br> <br> 18. En l'espèce, il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable que M. [C] ait pu participer, comme complice, à la commission de l'infraction de meurtre en bande organisée qui lui est reprochée.<br> <br> 19. Une mesure de contrôle judiciaire est indispensable aux fins de :<br> <br> - empêcher une pression sur les témoins ou victimes ainsi que sur leurs familles, dès lors que l'intéressé conteste les faits qui lui sont reprochés et que leur nature, s'agissant de complicité de meurtre en bande organisée, ainsi que les circonstances de leur commission, dans un contexte de règlement de compte, peuvent faire craindre de telles pressions ; <br> <br> - empêcher une concertation frauduleuse entre la personne mise en examen et ses coauteurs ou complices, en ce que les faits sont contestés, que les déclarations des différentes personnes mises en examen sont divergentes et que le juge d'instruction évoque la nécessité de confrontations et de reconstitution ;<br> <br> - garantir le maintien de la personne mise en examen à la disposition de la justice, dès lors que M. [C], qui encourt une peine criminelle, est de nationalité haïtienne et est sans titre de séjour en France ;<br> <br> - prévenir le renouvellement de l'infraction, en ce que, au moment des faits objet de la présente procédure, M. [C] se trouvait placé sous contrôle judiciaire avec interdiction de porter une arme, les faits s'inscrivant dans un contexte de règlement de comptes, le risque de renouvellement des faits étant dès lors patent.<br> <br> 20. Afin d'assurer ces objectifs, M. [C] sera astreint à se soumettre aux<br> obligations précisées au dispositif.<br> <br> 21. Le magistrat chargé de l'information est compétent pour l'application des articles 139 et suivants et 141-2 et suivants du code de procédure pénale.<br> <br> 22. Le parquet général de cette Cour fera procéder aux diligences prévues par l'article 138-1 du code de procédure pénale.<br> <br> PAR CES MOTIFS, la Cour :<br> <br> CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 6 décembre 2024 ;<br> <br> DIT n'y avoir lieu à renvoi ;<br> <br> CONSTATE que M. [C] est détenu sans titre depuis le 26 novembre 2024, 0 heure dans la présente procédure ;<br> <br> ORDONNE sa mise en liberté, s'il n'est détenu pour autre cause ;<br> <br> ORDONNE le placement sous contrôle judiciaire de M. [C] ;<br> <br> DIT qu'il est soumis au respect des obligations suivantes :<br> <br> - Fixer sa résidence au domicile de Mme [OC] [SU], sis [Adresse 1], à [Localité 4] ;<br> <br> - Ne s'absenter de ce domicile qu'entre 7 heures et 12 heures pour les stricts besoins de la vie personnelle ;<br> <br> - Ne pas sortir des limites territoriales du département de la Seine-et-Marne (77), sauf convocation judiciaire dûment et immédiatement justifiée ;<br> <br> - Se présenter à la brigade de gendarmerie de [Localité 4], sise [Adresse 2] ([Localité 4]), le lendemain de sa mise en liberté, à 8 heures et ensuite chaque jour, le matin avant 10 heures ; <br> <br> - Remettre, dès le lendemain de sa mise en liberté, en échange d'un récépissé valant justification d'identité, à la brigade de gendarmerie de [Localité 4] tous ses documents d'identité ;<br> <br> - S'abstenir de recevoir ou de rencontrer, ainsi que d'entrer en relation avec elles, de quelque façon que ce soit les personnes suivantes :<br> <br> * les personnes visées à la procédure : Mme [TB] [U], MM. [XA] [V], [I] [UC], [O] [KK], [KS] [L], [HU] [XU], [T] [F], [W] [ZJ], [GL] [K] et [P] [PK] ;<br> <br> * les témoins : Mmes [MU] [A], [J] [Z], [VS] [RT], [Y] [GT], [M] [U], [NB] [N], MM. [B] [DH], [D] [ZJ], [UJ] [R], [JC] [YB], [CD] [FS], [X] [E], [H] [FK], [G] [SA], [S] [OJ], [VK] [TI], et [VZ] [ZR] ;<br> <br> * les parties civiles : Mmes [PS] [FD], [VD] [FD], [IB] [ZC] ;<br> <br> - Ne pas détenir ou porter une arme ;<br> <br> DIT que le greffe de l'établissement pénitentiaire notifiera lors de la levée d'écrou de M. [C], contre émargement de ce dernier, les obligations qui lui sont faites, ainsi que l'avertissement des sanctions encourues en application de l'article 141-2 du code de procédure pénale ;<br> <br> DÉSIGNE pour veiller au respect des obligations prévues aux rubriques ci-dessus, le commandant de brigade de gendarmerie de [Localité 4] ;<br> <br> RAPPELLE qu'en application de l'article 141-2 du code de procédure pénale, toute violation de l'une quelconque des obligations ci-dessus expose la personne sous contrôle judiciaire à un placement en détention provisoire ;<br> <br> DIT que, conformément aux dispositions de l'article 230-19 du code de procédure pénale, les obligations et interdictions visées audit article seront inscrites dans le fichier des personnes recherchées ;<br> <br> DIT que le parquet général de cette Cour fera procéder aux diligences prévues par l'article 138-1 du code de procédure pénale ;<br> <br> DIT que le magistrat en charge de l'information est compétent pour l'application des articles 139 et suivants du code de procédure pénale, et notamment pour modifier les obligations du contrôle judiciaire ou en sanctionner la violation ;<br> <br> ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé. <br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du onze mars deux mille vingt-cinq.
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 11 mars 2025, 24-87.128, Publié au bulletin
DETENTION PROVISOIRE
2025-03-11
ECLI:FR:CCASS:2025:CR00458
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000051336176
ARRET
JURITEXT000051336168
CHAMBRE_CRIMINELLE
null
JURI
Cour de cassation
L'utilisation par des enquêteurs français, agissant régulièrement en enquête préliminaire sur des faits de pédopornographie sous le contrôle de l'autorité judiciaire, de données personnelles collectées par un logiciel administré en dehors du territoire de l'Union européenne, n'a pas à faire l'objet d'une autorisation gouvernementale dans les conditions prévues à l'article 31 de la loi du 6 janvier 1978. Il en résulte que le cadre juridique applicable au traitement de ces données est celui de la directive n° 2016/680 du 27 avril 2016, dite directive « police-justice »
Rejet
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br>N° Z 23-80.407 F-B<br> <br> N° 00303<br> <br> <br> LR<br> 12 MARS 2025<br> <br> <br> REJET<br> <br> <br> M. BONNAL président,<br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E<br> ________________________________________<br> <br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, <br> DU 12 MARS 2025<br> <br> <br> <br> M. [M] [J] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, 10e chambre, en date du 10 janvier 2023, qui, pour détention et diffusion de représentation pornographique de mineur, l'a condamné à huit mois d'emprisonnement avec sursis, cinq ans d'interdiction d'activité en lien avec les mineurs et une confiscation. <br> <br> Un mémoire a été produit.<br> <br> Sur le rapport de M. Brugère, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [M] [J], et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 5 février 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Brugère, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Le Roch, greffier de chambre,<br> <br> la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. <br> <br> Faits et procédure<br> <br> 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.<br> <br> 2. M. [M] [J], a été identifié comme ayant téléchargé et partagé des fichiers à caractère pédopornographique à partir de données recueillies via le logiciel « Child Protection System » (CPS) administré par une fondation installée aux Etats-Unis.<br> <br> 3. M. [J] a été interpellé et la perquisition menée à son domicile a permis la découverte de matériel informatique qui, après exploitation, a révélé une détention d'images pédopornographiques téléchargées sur internet.<br> <br> 4. Par jugement du 15 mars 2021, le tribunal correctionnel a condamné M. [J] des chefs précités à huit mois d'emprisonnement avec sursis, cinq ans d'interdiction d'activité en lien avec les mineurs et une confiscation.<br> <br> 5. Le prévenu a relevé appel de cette décision ainsi que le ministère public à titre incident.<br> <br> Examen du moyen<br> <br> Sur le moyen, pris en sa troisième branche<br> <br> 6. Le grief n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.<br> <br> Sur le moyen, pris en ses deux premières branches<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté les exceptions de nullité soulevées par la défense, confirmé le jugement entrepris en ses dispositions relatives à la culpabilité, ordonné l'inscription au Fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes de M. [J] et confirmé le jugement pour le surplus de ses dispositions relatives aux peines, alors :<br> <br> « 1°/ d'une part que le traitement de données à caractère personnel mis en oeuvre pour le compte de l'Etat et qui a pour objet la prévention, la recherche, la constatation ou la poursuite des infractions pénales ou l'exécution des condamnations pénales ou des mesures de sûreté doit être autorisé par arrêté du ou des ministres compétents, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l'informatique et des libertés ; que l'adresse IP d'une personne constitue bien une « donnée personnelle » relative à celle-ci ; que constitue un « traitement » de cette donnée toute opération appliquée à des données, telles que la collecte, l'enregistrement, l'organisation, la structuration, la conservation, l'adaptation ou la modification, l'extraction, la consultation, l'utilisation, la communication par transmission, la diffusion ou toute autre forme de mise à disposition, le rapprochement ou l'interconnexion, la limitation, l'effacement ou la destruction ; qu'au cas d'espèce, il résulte de la procédure que les enquêteurs auraient utilisé, pour identifier l'adresse IP n° [Numéro identifiant 1] ultérieurement attribuée à Monsieur [J], le logiciel « Child Protection System » édité par l'association de droit américain [2] ; que ce logiciel permet d'obtenir et d'enregistrer l'adresse IP d'utilisateurs suspectés de consulter du contenu pédopornographique ; qu'ainsi, les enquêteurs, qui ont nécessairement consulté et extrait, mais également utilisé, communiqué, transmis, enregistré et collecté, diverses adresses IP, dont celle ultérieurement attribuée à Monsieur [J], ont mis en oeuvre le traitement de données à caractère personnel ; que, pourtant, ni le logiciel « Child protection system », ni les bases de données qu'il permet de constituer, n'ont fait l'objet d'une demande d'avis de la part du CNIL, ni a fortiori d'une autorisation du ministre compétent, de sorte que ce traitement était illicite ; qu'en retenant, pour écarter cette illicéité, que le logiciel litigieux « est implanté aux Etats-Unis, ne relevant donc pas de la CNIL », quand le traitement des données litigieuses était bien le fait des enquêteurs français, ce qui commandait l'exigence d'un avis de la CNIL et d'une autorisation du ministre, peu importe qu'ils aient, à cet égard, utilisé un logiciel édité par une entité étrangère, la Cour d'appel a violé les articles 3 de la directive européenne n° 2016/680 du 27 avril 2016 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d'enquêtes et de poursuites en la matière ou d'exécution de sanctions pénales, et à la libre circulation de ces données, 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, 31 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, préliminaire, 427, 591 et 593 du code de procédure pénale ; <br> <br> 2°/ d'autre part que le traitement de données à caractère personnel mis en oeuvre pour le compte de l'Etat et qui a pour objet la prévention, la recherche, la constatation ou la poursuite des infractions pénales ou l'exécution des condamnations pénales ou des mesures de sûreté doit être autorisé par arrêté du ou des ministres compétents, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l'informatique et des libertés ; que l'adresse IP d'une personne constitue bien une « donnée personnelle » relative à celle-ci ; que constitue un « traitement » de cette donnée toute opération appliquée à des données, telles que la collecte, l'enregistrement, l'organisation, la structuration, la conservation, l'adaptation ou la modification, l'extraction, la consultation, l'utilisation, la communication par transmission, la diffusion ou toute autre forme de mise à disposition, le rapprochement ou l'interconnexion, la limitation, l'effacement ou la destruction ; qu'au cas d'espèce, il résulte de la procédure que les enquêteurs auraient utilisé, pour identifier l'adresse IP n° [Numéro identifiant 1] ultérieurement attribuée à Monsieur [J], le logiciel « Child Protection System » édité par l'association de droit américain [2] ; que ce logiciel permet d'obtenir et d'enregistrer l'adresse IP d'utilisateurs suspectés de consulter du contenu pédopornographique ; qu'ainsi, les enquêteurs, qui ont nécessairement consulté et extrait, mais également utilisé, communiqué, transmis, enregistré et collecté, diverses adresses IP, dont celle ultérieurement attribuée à Monsieur [J], ont mis en oeuvre le traitement de données à caractère personnel ; que, pourtant, ni le logiciel « Child Protection System », ni les bases de données qu'il permet de constituer, n'ont fait l'objet d'une demande d'avis de la part du CNIL, ni a fortiori d'une autorisation du ministre compétent, de sorte que ce traitement était illicite ; qu'en retenant, pour écarter cette illicéité, que les mesures mises en oeuvre par les enquêteurs auraient été nécessaires et proportionnées à l'objectif qu'elles poursuivaient, quand ces motifs sont impropres à écarter l'illégalité du traitement, par les enquêteurs, des données personnelles collectées par le logiciel « Child Protection System » en l'absence d'avis de la CNIL et d'autorisation ministérielle, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 3 de la directive européenne n° 2016/680 du 27 avril 2016 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d'enquêtes et de poursuites en la matière ou d'exécution de sanctions pénales, et à la libre circulation de ces données, 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme, 31 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, préliminaire, 427, 591 et 593 du code de procédure pénale. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> 8. Pour écarter les moyens de nullité, l'arrêt attaqué énonce que la contestation de l'habilitation de l'enquêteur qui a indiqué avoir été formé et habilité à utiliser le logiciel CPS n'est pas de nature à entraîner une quelconque nullité de la procédure mais influe éventuellement sur la qualité de la preuve.<br> <br> 9. Les juges observent que ce logiciel, implanté aux Etats-Unis, ne relève pas de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.<br> <br> 10. Ils retiennent qu'il n'est pas démontré que son utilisation a été contraire à la loi, dans la mesure où les mentions de la procédure mettent la cour d'appel en situation de constater que les exigences légales d'habilitation ci-dessus rappelées ont été satisfaites. <br> <br> 11. Ils observent que les recherches ont été conduites dans le cadre de l'enquête, sur une période limitée, et portaient sur des faits relevant de la criminalité grave, s'agissant de l'exploitation sexuelle d'enfants victimes d'agressions sexuelles et de viols, filmés ou photographiés, et passibles d'une peine significative de cinq ans d'emprisonnement.<br> <br> 12. Ils ajoutent qu'il n'apparaît pas que l'ingérence dans la vie privée de M. [J], qui n'est d'ailleurs pas invoquée par ce dernier, soit, au regard de la protection nécessaire de jeunes enfants abusés sexuellement, injustifiée.<br> <br> 13. En l'état de ces motifs, l'arrêt attaqué n'encourt pas la censure. <br> <br> 14. En effet, le logiciel CPS constitue un traitement de données personnelles conçu et mis en oeuvre aux Etats-Unis par une fondation, qui est responsable de ce traitement de données. Compte tenu de cette situation, le traitement ne peut être considéré comme mis en oeuvre pour le compte de l'Etat français et n'a donc pas à faire l'objet d'une autorisation gouvernementale dans les conditions prévues par l'article 31 de la loi n° 78617 du 6 janvier 1978.<br> <br> 15. L'utilisation, par les autorités françaises, des données issues de ce traitement doit s'inscrire dans le cadre relatif à la protection des données, en particulier la loi du 6 janvier 1978 précitée. Le ministère de l'intérieur est responsable du traitement, de la consultation, de la récupération et de l'utilisation de ces données par les services de police et de gendarmerie, relevant de son autorité administrative. Ces opérations sont entreprises à l'occasion d'enquêtes, placées sous la direction et le contrôle de l'autorité judiciaire, dans les conditions prévues par le code de procédure pénale. <br> <br> 16. La collecte et l'utilisation des données issues du logiciel CPS peuvent donc intervenir à l'occasion d'enquêtes portant sur des infractions pénales, dont la consultation et la détention d'images pédopornographiques, lorsque ces enquêtes sont conduites dans les conditions prévues par la directive européenne n° 2016/680 du 27 avril 2016, dite directive police-justice, et par le code de procédure pénale.<br> <br> 17. Il ressort de l'arrêt attaqué que l'exploitation de ces données a été effectuée, au cas d'espèce, par des officiers de police judiciaire régulièrement habilités et saisis, agissant dans le cadre d'une enquête préliminaire régulière, sans provocation ni stratagème, ni détournement des règles de procédure, qui ont dressé des procès-verbaux dans les formes prescrites par le code de procédure pénale, et dont le contenu a pu être discuté contradictoirement devant les juges.<br> <br> 18. Dès lors, le moyen ne saurait être accueilli.<br> <br> 19. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.<br> <br> PAR CES MOTIFS, la Cour :<br> <br> REJETTE le pourvoi. <br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du douze mars deux mille vingt-cinq.
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 12 mars 2025, 23-80.407, Publié au bulletin
UNION EUROPEENNE
2025-03-12
ECLI:FR:CCASS:2025:CR00303
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000051336168
ARRET
JURITEXT000051335985
CHAMBRE_CRIMINELLE
Article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; article 56-1 du code de procédure pénale, dans sa version issue de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021.
JURI
Cour de cassation
Il résulte des articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et 56-1 du code de procédure pénale dans sa version issue de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 que, lorsque la perquisition au cabinet d'un avocat ou à son domicile est justifiée par la mise en cause de celui-ci, elle ne peut être autorisée que s'il existe des raisons plausibles de le soupçonner d'avoir commis ou tenté de commettre, en tant qu'auteur ou complice, l'infraction qui fait l'objet de la procédure ou une infraction connexe au sens de l'article 203 du code de procédure pénale. Dans ce cas, il peut être procédé à la saisie de documents révélant la participation éventuelle de l'avocat à l'infraction y compris s'ils relèvent de l'exercice des droits de la défense et sont couverts par le secret professionnel de la défense et du conseil. Les raisons plausibles de soupçonner la participation de l'avocat à l'infraction doivent être expressément mentionnées dans l'ordonnance autorisant la perquisition, sauf à priver le bâtonnier de l'information nécessaire à l'exercice de sa mission de protection des droits de la défense. Hors cette hypothèse, aucun document relevant de l'exercice des droits de la défense et couvert par ledit secret professionnel ne peut être saisi et placé sous scellé
Cassation
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br>N° N 23-86.261 F-B+R<br> <br> N° 00192<br> <br> <br> LR<br> 11 MARS 2025<br> <br> <br> CASSATION<br> <br> <br> M. BONNAL président,<br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E<br> ________________________________________<br> <br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, <br> DU 11 MARS 2025<br> <br> <br> <br> Le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris, MM. [X] [M] et [E] [K] ont formé des pourvois contre l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 31 octobre 2023, qui, dans l'information suivie, contre personne non dénommée, des chefs d'arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire avec tortures ou actes de barbarie, extorsion, en bande organisée, association de malfaiteurs et menace ou intimidation pour déterminer une victime à ne pas porter plainte, a prononcé sur une contestation élevée en matière de saisie effectuée dans le cabinet ou au domicile d'un avocat. <br> <br> Les pourvois sont joints en raison de la connexité. <br> <br> Des mémoires et des observations complémentaires ont été produits.<br> <br> Sur le rapport de Mme Thomas, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de MM. [X] [M] et [E] [K], et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, les avocats ayant eu la parole en dernier, après débats en l'audience publique du 21 janvier 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Thomas, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, M. Lagauche, avocat général, et Mme Le Roch, greffier de chambre,<br> <br> la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. <br> <br> Faits et procédure<br> <br> 1. Il résulte de l'ordonnance attaquée et des pièces de la procédure ce qui suit.<br> <br> 2. Au mois d'août 2022, deux plaintes avec constitution de partie civile ont été déposées des chefs susvisés, relativement au litige ayant opposé le plaignant et son épouse à une personnalité du Qatar, membre du gouvernement de cet Etat.<br> <br> 3. Le plaignant, qui avait accepté d'un proche de cette personnalité la remise en dépôt de pièces compromettantes pour cette dernière, a été arrêté et emprisonné au Qatar au mois de janvier 2020. Son épouse a restitué une partie des pièces et est rentrée en France, où elle a mandaté un cabinet d'avocats pour obtenir la libération de son époux. D'autres pièces étant conservées en France, le directeur adjoint des services de renseignement qataris a proposé la signature d'un protocole d'accord en échange de la libération du plaignant. Des négociations ont alors été menées par les avocats des plaignants avec les avocats français de la partie qatarie. Après restitution des dernières pièces par le truchement des avocats, le plaignant a été libéré et assigné à résidence, et deux protocoles transactionnels ont été signés entre les plaignants et la personnalité qatarie. Le plaignant est rentré en France le 1er novembre 2020.<br> <br> 4. Le juge des libertés et de la détention a autorisé le juge d'instruction à procéder à des perquisitions au cabinet et au domicile des avocats intervenus dans les négociations.<br> <br> 5. L'une des perquisitions a donné lieu à opposition à la saisie de divers documents de la part de la déléguée du bâtonnier de l'ordre des avocats qui y a assisté.<br> <br> 6. Par ordonnance du 27 octobre 2023, le juge des libertés et de la détention a ordonné le versement au dossier de la procédure des scellés litigieux.<br> <br> 7. Le bâtonnier de l'ordre des avocats et les deux avocats dont le cabinet a été perquisitionné ont formé des recours contre cette décision.<br> <br> Examen des moyens<br> <br> Sur le moyen pris en sa première branche, proposé pour MM. [M] et [K]<br> <br> 8. Le grief n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.<br> <br> Mais sur le moyen unique proposé pour le bâtonnier de l'ordre des avocats et le moyen unique, pris en ses deuxième et troisième branches, proposé pour MM. [M] et [K]<br> <br> Enoncé des moyens<br> <br> 9. Le moyen proposé pour le bâtonnier critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a rejeté l'exception de nullité et le moyen d'irrégularité des saisies, alors :<br> <br> « 1°/ que la perquisition dans un cabinet d'avocat doit être justifiée par une ordonnance du juge des libertés et de la détention et, lorsque la perquisition est justifiée par la mise en cause de l'avocat, elle ne peut être autorisée que s'il existe des raisons plausibles de le soupçonner d'avoir commis ou tenté de commettre une infraction ; que le bâtonnier doit recevoir, au début de la perquisition, les informations lui permettant de connaître les motifs de celle-ci ; qu'il ne résulte pas de l'ordonnance des raisons plausibles de soupçonner les avocats d'avoir commis une infraction ; que dès lors le président de la chambre de l'instruction a méconnu les articles 6 et 8 de la convention européenne des droits de l'homme, 7 de la Charte des droits fondamentaux, 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, préliminaire, 56-1, 591 et 593 du code de procédure pénale ; <br> <br> 2°/ que les documents couverts par le secret professionnel de l'avocat ne peuvent pas être saisis lorsque l'avocat n'est pas mis en cause ; que la mise en cause de l'avocat doit résulter d'éléments établissant qu'il a participé à l'infraction pour laquelle la perquisition a été ordonnée ; que pour estimer que les avocats étaient mis en cause, le président de la chambre de l'instruction s'est borné à relever « leur rôle d'avocats des plaignants au moment des faits » et leur participation, dans ce cadre, à la rédaction du protocole d'accord transactionnel signé par leur client ; que le président de la chambre de l'instruction qui a retenu leur rôle d'avocats, n'a pas justifié sa décision et a méconnu les articles 6 et 8 de la convention européenne des droits de l'homme, 7 de la Charte des droits fondamentaux, 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, préliminaire, 56-1, 591 et 593 du code de procédure pénale. »<br> <br> 10. Le moyen proposé pour MM. [M] et [K] critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a rejeté l'exception de nullité soulevée, a rejeté les autres moyens d'irrégularité, a rejeté le surplus des demandes, a ordonné le versement au dossier de la procédure des scellés Cab [1] un, (cote 3), Cab [1] deux (cote 4, n° 1 à n° 8), Cab [1] trois (cote 5), Cab [1] quatre (cote 6), Cab [1] cinq (cote 7), Cab [1] six (cote 8), Cab [1] sept (cote 9), Cab [1] huit (cote 10), Cab [1] dix (cote 12), Cab [1] onze (cote 13), Cab [1] douze (cote 14), Cab [1] quatorze (cote 16), Cab [1] quinze (cote 17), Cab [1] seize (cote 18), Cab [1] dix-sept (cote 19), Cab [1] dix-huit (cote 20), Cab [1] dix-neuf (cote 21), Cab [1] vingt-et-un (cote 23), Cab [1] vingt-deux (cote 24), Cab [1] vingt-trois : (cote 25), Cab [1] vingt-quatre : (cote 26), Cab [1] vingt-cinq (cote 27), Cab [1] vingt-six (cote 28), Cab [1] vingt-sept (cote 29), Cab [1] vingt-huit (cote 30) et a ordonné la transmission du dossier au juge d'instruction saisi, alors :<br> <br> « 2°/ que l'ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant la perquisition d'un cabinet d'avocat, qui indique les raisons justifiant la perquisition, doit, à peine de nullité, comporter le cas échéant la mention explicite qu'elle est justifiée par la mise en cause de l'avocat, afin de permettre au bâtonnier en présence duquel elle est réalisée de comprendre immédiatement si, en raison de la mise en cause de l'avocat, la saisie des pièces couvertes par le secret de la défense est autorisée ; qu'en considérant, pour rejeter le moyen pris de la nullité de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 19 juin 2023 autorisant la perquisition réalisée le 27 juin 2023 au cabinet d'avocats de MM. [M] et [K], que « le juge des libertés et de la détention expose que Maîtres [M] et [K], au regard de leur rôle d'avocats des plaignants au moment des faits et de leur concours à la mise en oeuvre du protocole litigieux du 10 juillet 2020, dont la conclusion pourrait s'analyser comme étant une condition préalable à la libération du plaignant sont susceptibles de détenir des documents pouvant intéresser l'enquête en cours », que l'ordonnance du juge des libertés et de la détention a ainsi « parfaitement justifié de la possible implication de Maîtres [M] et [K] dans les faits objets de l'information », puisque « cette motivation, qui intervient après un rappel très clair de la saisine in rem du juge d'instruction portant sur des faits de torture et actes de barbarie, arrestation et séquestration et de menaces de mort avec ordre de remplir une condition et de faits d'extorsion commise en bande organisée et subornation de témoin, et de la description de l'intervention et du rôle que Maîtres [M] et [K] ont pu avoir dans les faits reprochés, ne prête pas à confusion », qu'« il se déduit de celle-ci, que le juge des libertés et de la détention a autorisé la perquisition au sein du cabinet [1] car celle-ci était justifiée par la mise en cause des avocats visés, Maîtres [M] et [K] », que « l'existence de raisons plausibles de soupçonner Maîtres [M] et [K] d'avoir commis ou tenté de commettre, en tant qu'auteur ou complice, les infractions qui font l'objet de la procédure ou une infraction connexe, se déduit du simple membre de phrase : "au regard de leur rôle d'avocats des plaignants au moment des faits et de leur concours à la mise en oeuvre du protocole litigieux du 10 juillet 2020, dont la conclusion pourrait s'analyser comme étant une condition préalable à la libération du plaignant" » et qu'« il ne peut être soutenu que l'ordonnance du 19 juin 2023 ne comporterait pas les motifs justifiant la perquisition et décrivant l'objet de celle-ci, et qu'elle aurait privé la Bâtonnière, chargée de la protection des droits de la défense, de l'information qui lui est réservée, d'autant que celle-ci a pu exercer la plénitude de ses prérogatives en s'opposant à la saisie de l'intégralité des documents placés sous scellés, ou qu'elle n'aurait pas permis au juge des libertés et de la détention saisi de la contestation d'exercer le contrôle de cette mesure », tandis que l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 27 juin 2023 se borne à énoncer « qu'il résulte des éléments qui nous sont soumis que la perquisition demandée est utile à la manifestation de la vérité en ce qu'il est établi que Me [X] [M] et Me [E] [K], au regard de leur rôle d'avocats des plaignants au moment des faits et de leur concours à la mise en oeuvre du protocole litigieux du 10 juillet 2020, dont la conclusion pourrait s'analyser comme étant une condition préalable à la libération du plaignant, sont susceptibles de détenir des documents en lien direct avec l'infraction pouvant intéresser l'enquête en cours [et] qu'elle est nécessaire, ces éléments ne pouvant être obtenu par d'autres moyens, en ce qu'il convient de constater que les intéressés ont fait l'objet d'une plainte de [C] [S] en date du 30 septembre 2021, celui-ci leur reprochant notamment "une rétention anormale et préjudiciable d'information concernant le traitement de [son] affaire", qu'enfin elle est proportionnée à la nature et à la gravité des faits objets de la présente instruction, s'agissant notamment de faits d'arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire avec actes de tortures et de barbarie commis en bande organisée [et] qu'il convient dès lors d'autoriser la perquisition », de sorte qu'elle ne se fonde que sur l'utilité de la perquisition pour la manifestation de la vérité sans énoncer explicitement la mise en cause de MM. [M] et [K], seule mention de nature à permettre au bâtonnier de comprendre que la perquisition pouvait porter sur des documents couverts par le secret de la défense, le président de la chambre de l'instruction a violé l'article 56-1 du code de procédure pénale ensemble l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; <br> <br> 3°/ que l'exécution fidèle par un avocat du mandat qui lui a été confié par son client détenu d'obtenir sa libération relève de sa mission de défense et ne saurait aboutir à sa mise en cause comme auteur d'une infraction pénale ; qu'en considérant, pour autoriser la saisie au cabinet d'avocat de MM. [M] et [K] des échanges et documents relatifs aux démarches entreprises, à la suite du mandat que leur ont conféré M. [S] par l'intermédiaire de son épouse, de négocier avec les autorités qataries sa libération et son retour en France, que « l'existence de raisons plausibles de soupçonner Maîtres [M] et [K] d'avoir commis ou tenté de commettre, en tant qu'auteur ou complice, les infractions qui font l'objet de la procédure ou une infraction connexe, se déduit du simple membre de phrase : "au regard de leur rôle d'avocats des plaignants au moment des faits et de leur concours à la mise en oeuvre du protocole litigieux du 10 juillet 2020, dont la conclusion pourrait s'analyser comme étant une condition préalable à la libération du plaignant", la partie civile visant notamment dans sa plainte des faits d'extorsion en bande organisée qui sont, entre autres, l'objet de l'information judiciaire » et que « cette mise en cause très claire est ensuite renforcée par le membre de phrase : "qu'il convient de constater que les intéressés ont fait l'objet d'une plainte de [C] [S] en date du 30 septembre 2021, celui-ci leur reprochant notamment une rétention anormale et préjudiciable concernant le traitement de son affaire" », quand le rôle d'avocat imputé à faute à MM. [M] et [K] a consisté à obtenir, par l'accomplissement des diligences, telle la conclusion d'un protocole transactionnel, inhérentes à l'exercice de leur profession et conformément au mandat reçu de négocier à cette fin avec les autorités qataries, la libération et le retour en France de M. [S], et relevait ainsi de l'exercice normal de leur profession, le président de la chambre de l'instruction, qui n'a pas caractérisé des raisons plausibles de les soupçonner d'avoir commis ou tenté de commettre, en tant qu'auteurs ou complices, les infractions qui faisaient l'objet de la procédure ou une infraction connexe, a violé l'article 56-1 du code de procédure pénale, ensemble l'article 6.2 du règlement intérieur national de la profession d'avocat. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> 11. Les moyens sont réunis.<br> <br> Vu les articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et 56-1 du code de procédure pénale, dans sa version issue de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 :<br> <br> 12. Il résulte de ces textes que, lorsque la perquisition est justifiée par la mise en cause de l'avocat, elle ne peut être autorisée que s'il existe des raisons plausibles de le soupçonner d'avoir commis ou tenté de commettre, en tant qu'auteur ou complice, l'infraction qui fait l'objet de la procédure ou une infraction connexe au sens de l'article 203 du code de procédure pénale. Si tel est le cas, il peut être procédé à la saisie de documents révélant la participation éventuelle de l'avocat à cette infraction y compris s'ils relèvent de l'exercice des droits de la défense et sont couverts par le secret professionnel de la défense et du conseil, prévu à l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques. Les raisons plausibles de soupçonner la participation de l'avocat à l'infraction doivent être expressément mentionnées dans l'ordonnance autorisant la perquisition, l'absence de telles indications privant le bâtonnier de l'information nécessaire à l'exercice de sa mission de protection des droits de la défense. Hors cette hypothèse, aucun document relevant de l'exercice des droits de la défense et couvert par ledit secret professionnel ne peut être saisi et placé sous scellé.<br> <br> 13. Pour rejeter le moyen de nullité de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant la perquisition, pris de l'absence de mention de raisons plausibles de soupçonner les avocats dont le cabinet a fait l'objet de la perquisition d'avoir commis les infractions de la poursuite ou toute infraction connexe, et confirmer le versement des scellés au dossier de la procédure, l'ordonnance attaquée énonce que cette décision expose longuement l'objet des deux plaintes avec constitution de partie civile déposées des chefs, d'une part, de torture et actes de barbarie, arrestation et séquestration, menaces de mort avec ordre de remplir une condition, d'autre part, d'extorsion commise en bande organisée et subornation de témoin, que M. [M] et son cabinet sont nommément cités dans les plaintes et que la saisine des magistrats instructeurs ayant sollicité l'autorisation de perquisition est parfaitement claire.<br> <br> 14. Le président de la chambre de l'instruction relève que la décision critiquée précise le rôle et l'intervention des deux avocats concernés, et rappelle les éléments dénoncés à leur encontre.<br> <br> 15. Il constate que le juge des libertés et de la détention a retenu que, au regard de leur rôle d'avocats des plaignants au moment des faits et de leur concours à la mise en oeuvre du protocole litigieux, dont la conclusion pourrait s'analyser comme une condition préalable à la libération du plaignant, ceux-ci sont susceptibles de détenir des documents pouvant intéresser l'enquête en cours, et que ce magistrat a encore constaté que les deux avocats ont fait l'objet d'une plainte en date du 30 septembre 2021 par laquelle le plaignant leur reproche notamment une rétention anormale et préjudiciable d'information concernant le traitement de son affaire.<br> <br> 16. Il en déduit qu'il est ainsi parfaitement justifié de la possible implication de MM. [M] et [K] dans les faits objet de l'information, la partie civile ayant visé des faits d'extorsion en bande organisée.<br> <br> 17. Il estime enfin que chacun des documents saisis est en lien avec les infractions visées, utile à la manifestation de la vérité et de nature à établir la participation des avocats aux infractions objet de l'information, notamment aux faits d'extorsion en bande organisée. <br> <br> 18. En se déterminant ainsi, le président de la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus énoncés.<br> <br> 19. En effet, les motifs de la décision du juge des libertés et de la détention autorisant la perquisition ne se sont attachés qu'à établir l'utilité d'une telle mesure pour la manifestation de la vérité, sa nécessité et sa proportionnalité au regard de la nature et de la gravité des faits objet de l'information, s'agissant notamment de faits d'arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire accompagnés de tortures ou d'actes de barbarie commis en bande organisée.<br> <br> 20. Dès lors, le juge des libertés et de la détention n'a pas caractérisé de raisons plausibles de soupçonner les deux avocats d'avoir commis, comme auteurs ou comme complices, les infractions citées, et encore moins celle d'extorsion en bande organisée, non citée.<br> <br> 21. En dehors de toute mise en cause des avocats dont le cabinet a été perquisitionné, il y avait lieu, pour le président de la chambre de l'instruction, de rechercher si les documents saisis relevaient ou non de l'exercice des droits de la défense, ce qu'il n'a pas fait.<br> <br> 22. La cassation est par conséquent encourue de ce chef, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres griefs. <br> <br> PAR CES MOTIFS, la Cour :<br> <br> CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance susvisée du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 31 octobre 2023, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;<br> <br> RENVOIE la cause et les parties devant la juridiction du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;<br> <br> ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'ordonnance annulée. <br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du onze mars deux mille vingt-cinq.,Sur la mise en oeuvre de l'article 56-1 du code de procédure pénale dans sa version issue de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 :Crim., 5 mars 2024, pourvoi n° 23-80.110, Bull. crim. (rejet).
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 11 mars 2025, 23-86.261, Publié au bulletin
AVOCAT - Secret professionnel - Perquisition effectuée dans son cabinet - Régularité - Conditions - Décision de perquisition - Mentions - Raisons plausibles de soupçonner la participation de l'avocat à l'infraction - Nécessité - Cas - Détermination
2025-03-11
ECLI:FR:CCASS:2025:CR00192
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000051335985
ARRET
JURITEXT000051335989
CHAMBRE_CRIMINELLE
null
JURI
Cour de cassation
Ne méconnaît ni l'article 29 de la loi de 1881 sur la liberté de la presse ni le droit à un procès équitable la cour d'appel qui, dans une procédure de diffamation, rejette la demande du prévenu tendant à ce que soit prononcée l'irrecevabilité des rushes produits par la partie civile dès lors que ces pièces ont été obtenues par une décision de justice devenue définitive rendue par un juge qui n'est pas celui saisi de la poursuite
Rejet
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br>N° X 23-86.339 F-B<br> <br> N° 00277<br> <br> <br> RB5<br> 11 MARS 2025<br> <br> <br> REJET<br> <br> <br> M. BONNAL président,<br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E<br> ________________________________________<br> <br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, <br> DU 11 MARS 2025<br> <br> <br> <br> MM. [X] [D] [H] et [Z] [L] [B] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-7, en date du 5 octobre 2023, qui, dans la procédure suivie contre le premier du chef de diffamation publique envers un particulier, le second du chef de complicité de ce délit, a prononcé sur les intérêts civils.<br> <br> Les pourvois sont joints en raison de la connexité. <br> <br> Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.<br> <br> Sur le rapport de M. Dary, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de MM. [X] [D] [H] et [Z] [L] [B], les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [M] [K] et la société [K] [1] Ltd, et les conclusions de M. Dureux, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 4 février 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Dary, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,<br> <br> la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. <br> <br> Faits et procédure<br> <br> 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.<br> <br> 2. Le 21 décembre 2019, M. [M] [K] et la société [K] [1] Ltd ont porté plainte et se sont constitués partie civile auprès d'un juge d'instruction du chef de diffamation publique envers un particulier, à raison des propos suivants, diffusés le 22 septembre 2019 sur la chaîne de télévision [2] dans l'émission « ENQUÊTE EXCLUSIVE », au sein d'un reportage intitulé « Malte, joyau de la Méditerranée et paradis de la corruption » : « (VOIX OFF) Le secret de cette réussite ? Une connaissance intime des critères de sélection du programme et de la meilleure façon de les contourner. » ; « (VOIX OFF) Lorsque nous évoquons d'éventuels clients africains avec un passé criminel, ils nous proposent de poursuivre la discussion avec leur patron quelques jours plus tard. » ; « (VOIX OFF) L'avocat laisse entendre qu'il pourrait jouer de son influence auprès de membres du gouvernement pour appuyer les dossiers de ses clients. » ; « (VOIX OFF) L'homme va plus loin, il affirme être en mesure d'obtenir le réexamen de dossiers rejetés. La loi ne prévoit pourtant aucun appel. »<br> <br> 3. Par ordonnance du 23 juin 2021, MM. [X] [D] [H] et [Z] [L] [B] ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel des chefs susvisés en qualité, le premier, de directeur de publication de la chaîne [2], le second, de producteur-délégué de l'émission.<br> <br> 4. Préalablement à la plainte, les parties civiles, soutenant l'existence de discordances entre le contenu des échanges et la présentation qui en était faite dans le reportage, avaient obtenu, devant le juge des référés du tribunal judiciaire, la remise d'une copie intégrale des enregistrements vidéos et audios non coupés, non montés, ni retouchés, ni modifiés, ci-après appelés « rushes ».<br> <br> 5. Par jugement du 13 octobre 2022, le tribunal correctionnel a déclaré irrecevable la demande de visionnage des rushes, a relaxé les deux prévenus et a prononcé sur les intérêts civils.<br> <br> 6. Les parties civiles ont relevé appel de cette décision.<br> <br> Examen des moyens<br> <br> Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, et le deuxième moyen <br> <br> 7. Les griefs se sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.<br> <br> Sur le premier moyen, pris en sa première branche<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à écarter des débats devant la cour les rushes produits par les parties civiles, alors :<br> <br> « 1°/ d'une part que c'est aux seules parties qu'il incombe d'apporter la preuve de la vérité ou de la fausseté des imputations diffamatoires poursuivies, sans que les juges aient le pouvoir de provoquer, compléter ou parfaire l'établissement de celle-ci ; qu'en admettant la recevabilité de rushes produits par les parties civiles devant la cour d'appel après avoir constaté que ces rushes avaient été obtenus par une décision de justice dans le cadre d'une procédure de référé, ce dont il résulte que les parties civiles avaient recouru aux juges pour prouver la fausseté des faits poursuivis, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 et le principe susénoncé, et porté atteinte au principe de l'égalité des armes et au droit à un procès équitable tels que garantis par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, le prévenu ne pouvant recourir au juge pour parfaire la preuve de la vérité du diffamatoire ou de sa bonne foi. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> 9. Pour rejeter la demande d'irrecevabilité des rushes produits par les parties civiles, l'arrêt attaqué énonce en substance que le juge des référés a, le 11 décembre 2019, ordonné à la société qui en était détentrice de remettre ces pièces aux parties civiles qui avaient invoqué dans leur assignation, au visa de l'article 145 du code de procédure civile, les nécessités de leur défense dans une procédure de diffamation qu'elles envisageaient d'engager, afin de leur permettre de contester l'exception de bonne foi qui pourrait leur être opposée.<br> <br> 10. Les juges en concluent, la preuve étant libre en matière pénale, que ces pièces ont été régulièrement obtenues par une décision de justice qui n'a été frappée d'aucun recours.<br> <br> 11. En se déterminant ainsi, et dès lors que les pièces litigieuses ont été produites par les parties civiles et obtenues d'un juge qui n'est pas celui saisi de la poursuite, la cour d'appel a justifié sa décision.<br> <br> 12. Ainsi, le moyen doit être écarté. <br> <br> Sur le troisième moyen<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 13. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit que MM. [D] [H] et [L] [B] avaient commis une faute civile fondée sur la diffamation publique envers M. [K] et la société [K] [1] Ltd, après avoir considéré que les quatre propos poursuivis étaient attentatoires à leur honneur ou à leur considération, alors :<br> <br> « 1°/ d'une part que il appartient aux juges du fond, avant de rechercher si les propos retenus dans la prévention reposaient sur une base factuelle suffisante, d'examiner chacun d'entre eux afin de déterminer s'ils constituaient une articulation précise de faits portant atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne à laquelle le fait est imputé, de nature à être, sans difficulté, l'objet d'une preuve et d'un débat contradictoire ; que pour retenir le caractère diffamatoire des quatre propos poursuivis en l'espèce, la cour d'appel affirme que « c'est à tort que le tribunal correctionnel a analysé séparément chacun des quatre propos poursuivis suivants, dès lors qu'ils sont assez proches au cours de la diffusion et qu'ils portent sur le même sujet au sein d'un reportage consacré à la corruption et aux trafics » ; qu'en procédant ainsi à une analyse d'ensemble des propos litigieux, sans caractériser pour chacun d'eux, s'ils constituaient une articulation précise de faits portant atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne à laquelle le fait est imputé de nature à être, sans difficulté, l'objet d'une preuve et d'un débat contradictoire, la cour d'appel a violé les articles 29 de la loi du 29 juillet 1881 et 10 de la Convention européenne des droits de l'homme ; <br> <br> 2°/ d'autre part que en matière de diffamation, il appartient aux juges du fond de relever toutes les circonstances intrinsèques ou extrinsèques aux faits poursuivis que comporte l'écrit qui les renferme ; que dans ses conclusions régulièrement déposées, le directeur de publication rappelait que les propos recueillis n'avaient en aucun cas pour but d'imputer aux plaignants de se livrer à des agissements illicites, mais de mettre en lumière la pratique des « Passeports dorés » pour laquelle l'Union européenne a traduit Malte en justice, dans l'objectif d'informer le public des pratiques contestables d'attribution de passeports à Malte, auxquelles les plaignants participaient en proposant des solutions à leurs clients en parfaite conformité avec le système légal en vigueur à Malte ; qu'en omettant de s'expliquer sur ce contexte bien particulier, objet principal du reportage, en s'en tenant dans son analyse à un seul examen intrinsèque in abstracto des propos incriminés, indépendamment de la pratique contestée de délivrance des passeports à Malte, la cour d'appel a méconnu les obligations résultant pour elle des dispositions de la loi sur la liberté de la presse, et privé sa décision de base légale au regard des articles 29 de la loi du 29 juillet 1881, 591 et 593 du code de procédure pénale, ce qui met la cour de cassation en mesure de rectifier son appréciation ;<br> <br> 3°/ encore que l'imputation que des membres du cabinet des plaignants aient proposé « à des clients au passé criminel de rencontrer leur patron », ne présente en elle-même aucun caractère diffamatoire, cette simple faculté d'échange ne présumant, ni du contenu des conversations, ni de leur issue, et ce, d'autant qu'il n'est en aucun cas attentatoire à l'honneur d'un avocat d'assister un client même ayant un passé criminel, cette assistance permettant au contraire de respecter l'article 6§3 de la Convention européenne des droits de l'homme, qui garantit à toute personne le droit à l'assistance d'un défenseur de son choix ; qu'en considérant que ces faits participaient de la caractérisation « d'un comportement malhonnête et pénalement répréhensible », attentatoire à l'honneur et à la considération des plaignants, la cour d'appel a dénaturé le sens et la portée des propos litigieux en violation des articles 29 alinéa 1er de la loi du 29 juillet 1881, 591 et 593 du code de procédure pénale ;<br> <br> 4°/ enfin que le fait d'affirmer que le secret de la réussite du cabinet en cause est « une connaissance intime des critères de sélection du programme et de la meilleure façon de les contourner », de rapporter que l'avocat a « laissé entendre qu'il pourrait jouer de son influence auprès des membres du gouvernement pour appuyer les dossiers de ses clients » et qu'il a affirmé « être en mesure d'obtenir le réexamen de dossiers rejetés » nonobstant l'absence d'appel, caractérisent tout au plus une valorisation des compétences du cabinet dans son domaine d'intervention, sans que de tels faits ne caractérisent ni des agissements illicites, ni des infractions pénales, aucun des propos ne visant des faits précis susceptibles de constituer les délits de corruption ou de trafic d'influence ; qu'en considérant que ces faits participaient de la caractérisation « d'un comportement malhonnête et pénalement répréhensible », attentatoire à l'honneur et à la considération des plaignants, la cour d'appel a dénaturé le sens et la portée des propos litigieux en violation des articles 29 alinéa 1er de la loi du 29 juillet 1881, 591 et 593 du code de procédure pénale. »<br> <br> Réponse de la Cour <br> <br> 14. Pour retenir le caractère diffamatoire des propos poursuivis, provenant des commentaires du journaliste en « voix-off », l'identification des parties civiles dans le reportage n'étant l'objet d'aucune contestation, l'arrêt attaqué énonce que les premiers juges ont, à tort, analysé séparément chacun desdits propos, alors que ceux-ci sont prononcés de façon rapprochée et qu'ils portent sur le même sujet, au sein d'un reportage consacré à la corruption et aux trafics.<br> <br> 15. Les juges ajoutent, qu'en effet , selon ces propos, la réussite du cabinet qu'ils visent s'explique par le contournement des règles, à savoir que des membres de celui-ci proposent à des clients ayant un passé criminel de rencontrer leur patron, lequel « laisse entendre qu'il pourrait jouer de son influence » et affirme pouvoir obtenir des résultats non prévus par la loi, le reportage insistant sur ses liens avec des membres du gouvernement maltais, ce qui, dans le contexte en cause, contient, par insinuation, l'imputation faite aux parties civiles de proposer d'user de leur influence pour obtenir des décisions favorables à leurs clients, même si elles sont contraires à la loi.<br> <br> <br> 16. Ils en concluent qu'il s'agit de faits précis susceptibles de preuve et attentatoires à l'honneur ou à la considération, comme caractérisant un comportement malhonnête et pénalement répréhensible, visant à la fois « l'avocat » et son cabinet.<br> <br> 17. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision.<br> <br> 18. En effet, la cour d'appel a exactement retenu, par un examen du sens et de la portée des propos poursuivis, analysés les uns par rapport aux autres, et au regard des éléments extrinsèques qu'elle a souverainement appréciés, sans considération à ce stade, à juste titre, de leur exactitude, qu'était imputé aux parties civiles de jouer de leur influence pour obtenir des décisions favorables à leurs clients, quand bien même seraient-elles contraires à loi, et donc d'avoir un comportement pénalement répréhensible, faits suffisamment précis pour être l'objet d'un débat contradictoire sur la preuve et qui portent atteinte à l'honneur et à la considération de la partie civile.<br> <br> 19. Dès lors, le moyen n'est pas fondé.<br> <br> Sur le quatrième moyen<br> <br> 20. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il dit que MM. [D] [H] et [L] [B] ont commis une faute civile fondée sur la diffamation publique envers M. [K] et la société [K] [1] Ltd, après avoir refusé d'admettre à leur profit le bénéfice de la bonne foi, alors :<br> <br> « 1°/ d'une part que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier sa décision ; que pour refuser au directeur de publication et au producteur délégué le bénéfice de la bonne foi, dire qu'ils ont commis une faute civile à partir et dans la limite des faits de diffamation envers un particulier, et infirmer le jugement sur les intérêts civils, l'arrêt attaqué énonce que les propos litigieux, « ne reposent pas sur une base factuelle suffisante dès lors que les rushes versés aux débats, dont le contenu et la traduction par les parties civiles ne sont pas contestés en défense, montrent que les propos poursuivis 2 et 4 tenus par la voix off, ne sont pas conformes au sens de ceux tenus par les intéressés au cours des entretiens avec le journaliste » ; qu'en déduisant ainsi l'absence de base factuelle suffisante de la seule et unique constatation de l'absence d'une parfaite conformité entre deux des quatre propos tenus par la voix off et le sens des propos tenus par les personnes interviewées, sans prendre en considération que les informations diffusées dans le reportage litigieux, avaient été recueillies par les journalistes dans le cadre d'une enquête préalable, sérieuse et contradictoire, après s'être rendus à Malte et avoir procédé à des vérifications personnelles et des rencontres effectives, en prenant le soin de recueillir directement les déclarations de la partie civile et de certains de ses collaborateurs, ce dont il résultait que les auteurs du reportage disposaient bien d'une base factuelle suffisante procédant d'une enquête sérieuse à des fins légitimes d'information du public, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision, en violation des articles 29 alinéa 1er de la loi du 29 juillet 1881, 10 de la Convention européenne des droits de l'homme et 593 du code de procédure pénale ; <br> <br> 2°/ d'autre part que les juges du fond ne peuvent subordonner l'existence d'une base factuelle suffisante à la preuve de la vérité des faits ; qu'en écartant toute base factuelle suffisante de la seule et unique constatation d'un défaut de concordance parfaite entre les propos tenus par la voix off et le sens des propos tenus par les intéressés au cours de leurs entretiens avec le journaliste, sans pour autant justifier d'une quelconque dénaturation fautive et délibérée du sens et de la portée des propos recueillis, le journaliste restant libre d'assortir les réponses qui lui ont été apportées de ses propres commentaires, la cour d'appel a méconnu le principe susvisé et les articles 29 alinéa 1er de la loi du 29 juillet 1881, 10 de la Convention européenne des droits de l'homme et 593 du code de procédure pénale ;<br> <br> 3°/ enfin que la liberté d'expression ne peut être soumise à des ingérences que dans le cas où celles-ci constituent des mesures nécessaires au regard du paragraphe 2 dudit article ; que pour refuser au directeur de publication et au producteur délégué le bénéfice de la bonne foi, dire qu'ils ont commis une faute civile à partir et dans la limite des faits de diffamation envers un particulier, et infirmer le jugement sur les intérêts civils, l'arrêt attaqué énonce que « les propos s'inscrivent bien dans un débat d'intérêt général portant sur les trafics qui auraient lieu à Malte, en particulier sur l'acquisition de la nationalité maltaise », mais qu'ils « ne reposent pas sur une base factuelle suffisante dès lors que les rushes versés aux débats, dont le contenu et la traduction par les parties civiles ne sont pas contestés en défense, montrent que les propos poursuivis 2 et 4 tenus par la voix off, ne sont pas conformes au sens de ceux tenus par les intéressés au cours des entretiens avec le journaliste » ; qu'en se déterminant ainsi quand les propos incriminés, s'inscrivant dans un débat d'intérêt général sur les conditions d'acquisition de la nationalité maltaise, et reposant sur le fruit d'investigations sérieuses menées sur l'île de Malte, après avoir recueilli nombre de témoignages, dont les déclarations de la partie civile et de certains de ses collaborateurs, procédaient de la liberté journalistique et n'excédaient pas les limites admissibles de la liberté d'expression, la cour d'appel a méconnu l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme et le principe ci-dessus rappelé. »<br> <br> Réponse de la Cour <br> <br> 21. Pour écarter l'exception de bonne foi et retenir l'existence d'une faute civile commise par les prévenus, l'arrêt attaqué retient que les propos s'inscrivent dans un débat d'intérêt général, portant sur des trafics qui auraient lieu à Malte, en particulier sur l'acquisition de la nationalité maltaise, mais qu'ils ne reposent pas sur une base factuelle suffisante, dès lors que les rushes versés aux débats, dont le contenu et la traduction par les parties civiles ne sont pas contestés en défense, montrent que les propos poursuivis n° 2 et 4 tenus par la « voix off » ne sont pas conformes au sens de ceux tenus par les intéressés au cours des entretiens avec le journaliste. <br> <br> 22. Les juges observent à cet égard que, si, dans ses conclusions, M. [L] [B] indique que les rushes ne démontrent « rien si ce n'est qu'effectivement le cabinet d'avocats s'oppose à assister des clients ayant un passé criminel », le propos poursuivi, contrairement à ce qu'il prétend, suggère le contraire.<br> <br> 23. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision.<br> <br> 24. En effet, la portée diffamatoire des quatre propos poursuivis ayant été appréciée globalement, les juges, après avoir constaté l'existence d'une distorsion entre, d'une part, les propos n° 2 et 4 exprimés par la « voix off », d'autre part, ceux tenus par les intéressés au cours des entretiens avec le journaliste, ont, sans exiger que soit apportée la preuve de la vérité des faits, justement exclu la bonne foi des prévenus, en raison d'un manquement dudit journaliste à son devoir d'informer loyalement le public sur un point essentiel du reportage incriminé, sans qu'une telle déformation puisse être justifiée par sa liberté d'expression.<br> <br> 25. Ainsi, le moyen doit être écarté.<br> <br> 26. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.<br> <br> PAR CES MOTIFS, la Cour :<br> <br> REJETTE le pourvoi. <br> <br> FIXE à 2 500 euros la somme que MM. [D] [H] et [L] [B] devront payer in solidum à M. [M] [K] et la société [K] [1] Ltd en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;<br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du onze mars deux mille vingt-cinq.
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 11 mars 2025, 23-86.339, Publié au bulletin
PRESSE
2025-03-11
ECLI:FR:CCASS:2025:CR00277
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000051335989
ARRET
JURITEXT000051335991
CHAMBRE_CRIMINELLE
Articles 56-1 et 56-1-1 du code de procédure pénale.
JURI
Cour de cassation
L'article 56-1-1 du code de procédure pénale, qui étend dans un autre lieu que le cabinet ou le domicile d'un avocat la protection d'un document relevant de l'exercice des droits de la défense et couvert par le secret professionnel de la défense et du conseil visé au deuxième alinéa de l'article 56-1 de ce code, n'est pas applicable lorsque la saisie procède non d'une perquisition mais d'une remise volontaire postérieure à cet acte. La saisie d'un téléphone n'est pas de nature à induire la mise en oeuvre des dispositions de l'article 56-1-1 précité dès lors qu'un tel objet ne constitue pas un document au sens de l'alinéa 2 de l'article 56-1 du code de procédure pénale. A supposer le juge des libertés et de la détention saisi à tort de la contestation de la saisie d'un tel objet, il ne saurait, pas plus que le président de la chambre de l'instruction statuant sur recours, ordonner une expertise de celui-ci afin d'y rechercher la présence éventuelle de documents relevant de l'exercice des droits de la défense et couvert par le secret professionnel de la défense et du conseil
Rejet
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br>N° J 24-80.926 F-B<br> <br> N° 00279<br> <br> <br> RB5<br> 11 MARS 2025<br> <br> <br> REJET<br> <br> <br> M. BONNAL président,<br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E<br> ________________________________________<br> <br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, <br> DU 11 MARS 2025<br> <br> <br> <br> Le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris a formé un pourvoi contre l'ordonnance de la présidente de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 9 février 2024, qui, dans la procédure suivie des chefs d'abus de biens sociaux, banqueroute, pratiques commerciales trompeuses, recel et blanchiment, a prononcé sur les demandes tendant respectivement au versement d'un scellé à la procédure et à sa restitution. <br> <br> Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.<br> <br> Sur le rapport de Mme Chaline-Bellamy, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris, et les conclusions de M. Dureux, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 4 février 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Chaline-Bellamy, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,<br> <br> la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. <br> <br> Faits et procédure<br> <br> 1. Il résulte de l'ordonnance attaquée et des pièces de la procédure ce qui suit.<br> <br> 2. Le 23 janvier 2024, une perquisition a été réalisée au domicile de M. [I] [N], en son absence.<br> <br> 3. Faute d'avoir pu extraire durant le temps de la perquisition les données de son ordinateur, les enquêteurs lui ont fixé un rendez-vous trois jours plus tard auquel il s'est présenté porteur notamment de téléphones qu'il leur a remis à leur demande, à l'exception de l'un d'entre eux, à la saisie duquel il s'est opposé, au motif qu'il contiendrait des correspondances relevant de l'exercice des droits de la défense et couvert par le secret professionnel de la défense et du conseil. Ce téléphone a été saisi et placé sous scellé.<br> <br> 4. Le procureur de la République a saisi le juge des libertés et de la détention d'une requête aux fins de versement de ce scellé au dossier de la procédure sur le fondement de l'article 56-1-1 du code de procédure pénale.<br> <br> 5. Par ordonnance du 5 février 2024, le juge des libertés et de la détention a dit la requête irrecevable.<br> <br> 6. M. [N], le bâtonnier de l'ordre des avocats et le procureur de la République ont relevé appel de cette décision.<br> <br> Examen du moyen<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 7. Le moyen critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a déclaré irrecevable la demande du procureur de la République tendant au versement à la procédure du scellé [N] (contenant le téléphone Iphone 5S de M. [N]) et la demande du conseil de M. [N] de restitution du scellé [N] et a ordonné la transmission du dossier et du scellé [N] au procureur près le tribunal judiciaire de Bobigny, alors :<br> <br> « 1°/ que, selon l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, toute personne a droit au secret de ses correspondances, seraient-elles par l'utilisation de moyens numériques ; qu'en vertu de l'article préliminaire du code de procédure pénale et 6, 3, c), de la Convention précitée, toute personne a également droit à la protection du secret de la défense ; que, selon l'article 56-1-1 du code de procédure pénale, lorsque, à l'occasion d'une perquisition hors du cabinet d'un avocat, il est découvert un document relevant de l'exercice des droits de la défense et couvert par le secret professionnel de la défense et du conseil, la personne chez qui il est procédé à ces opérations peut s'opposer à la saisie de ce document ; que le document placé sous scellé doit être soumis au JLD qui décide s'il y a lieu de le saisir ou pas ; qu'à la suite d'une perquisition au domicile de M. [N], celui-ci étant absent, il a été invité à se présenter à l'Office central de lutte contre corruption et infraction, ayant procédé à la perquisition, pour achèvement des opérations d'extraction et, s'étant présenté, s'est vu demander de présenter ses téléphones et ordinateurs, ainsi que leurs codes d'accès, aux fins d'extraction des données ; que M. [N] s'est opposé aux opérations concernant l'un des téléphones ; que face à cette opposition, les enquêteurs ont placé le téléphone sous scellé, lequel a été adressé au procureur de la République ; que, saisie d'une requête aux fins de versement du scellé à la procédure, le juge des libertés a refusé d'y faire droit et de restituer le téléphone à son propriétaire ; qu'en appel, la présidente de la chambre de l'instruction a déclaré irrecevable la demande de versement du scellé à la procédure, comme celle tendant à la restitution de son contenu à son propriétaire et a ordonné le retour du scellé au procureur de la République ; qu'elle a estimé que le téléphone n'ayant pas été saisi à l'occasion d'une perquisition, qu'il avait été remis volontairement par son propriétaire et faute d'exploitation des documents stockés dans ce téléphone, les conditions d'application du droit d'opposition n'étaient pas remplies ; que dès lors que le propriétaire du téléphone n'avait présenté son téléphone que dans le cadre d'une convocation des enquêteurs comme permet de le constater le procès-verbal d'extraction et de remise de téléphone et que son propriétaire s'était opposé à la saisie du téléphone aux motifs qu'il contenait des documents couverts par le secret de la défense, il s'en déduisait que la saisie du téléphone s'inscrivait dans le cadre d'une perquisition ; qu'en refusant d'appliquer les garanties des droits de la défense, en présence d'une opération constituant une perquisition et, en tout état de cause devant y être assimilée, la présidente de la chambre de l'instruction a violé les articles préliminaire III, 56-1, 56-1-1, du code de procédure pénale et les articles 6, 3, c, et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;<br> <br> 2°/ que, saisie d'une demande de versement du scellé contenant un document, serait-il numérisé et accessible à partir d'un support électronique, ayant fait l'objet d'une opposition à saisie fondée sur le fait que le document est couvert par les droits de la défense, le juge des libertés et de la détention doit, si nécessaire, après avoir ordonné toute mesure en vue d'établir le contenu de ce document et son lien avec l'enquête, outre leur caractère confidentiel, décidé si le document doit être versé à la procédure ou s'il doit être restitué à son propriétaire, et dans ce cas, ordonné la destruction du procès-verbal de saisie, et pièces faisant référence à ce document ; que, saisi en appel, le président de la chambre de l'instruction doit se prononcer sur l'une ou l'autre des deux branches de cette alternative ; que, pour refuser de se prononcer sur la confidentialité des documents contenus dans le téléphone, la présidente de la chambre de l'instruction a considéré que, faute d'exploitation du téléphone, elle ne pouvait déterminer quels documents étaient couverts par les droits de la défense et le secret de la défense et du conseil ; qu'en refusant de décider si le scellé devait être versé à la procédure, ou si son contenu devait être restitué à son propriétaire, seuls pouvoirs qui lui sont reconnus, au besoin en ordonnant une expertise du contenu du scellé, la présidente de la chambre de l'instruction qui ne pouvait juger de la recevabilité de l'opposition à saisie a priori, a excédé ses pouvoirs en violation des articles préliminaire III, 56-1, 56-1-1 du code de procédure pénale et les articles 6, 3, c, et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> 8. Pour dire irrecevables la requête aux fins de versement du scellé à la procédure ainsi que sa demande en restitution et ordonner la transmission du dossier et du scellé au procureur de la République, l'ordonnance attaquée énonce que l'opposition manifestée par M. [N] à la saisie de son téléphone, le 26 janvier 2024, n'entre pas dans les prévisions de la procédure spécifique prévue à l'article 56-1-1 du code de procédure pénale.<br> <br> 9. La présidente relève que le téléphone litigieux n'a pas été saisi à l'occasion d'une perquisition et n'a pas fait l'objet d'une exploitation.<br> <br> 10. Elle en déduit qu'il ne peut être soutenu que c'est à l'occasion d'une telle exploitation, assimilable à une perquisition, qu'une opposition aurait été soulevée.<br> <br> 11. Elle ajoute que, d'une part, en l'absence d'exploitation, aucun document relevant de l'exercice des droits de la défense et couvert par le secret professionnel de la défense et du conseil n'a été découvert, d'autre part, le simple fait pour une personne qui n'est pas avocat d'alléguer que son téléphone contient un document relevant des droits de la défense et couvert par le secret professionnel de la défense et du conseil ne constitue pas, au sens de l'article 56-1-1 du code de procédure pénale, la découverte d'un tel document.<br> <br> 12. En se déterminant ainsi, la présidente de la chambre de l'instruction a fait l'exacte application des textes visés au moyen.<br> <br> 13. En effet, l'article 56-1-1 du code de procédure pénale, qui étend à un autre lieu que le cabinet ou le domicile d'un avocat la protection d'un document relevant de l'exercice des droits de la défense et couvert par le secret professionnel de la défense et du conseil mentionné au deuxième alinéa de l'article 56-1 de ce code, n'est pas applicable lorsque, comme en l'espèce, la saisie procède non d'une perquisition mais d'une remise volontaire postérieure à cet acte.<br> <br> 14. En outre, la saisie d'un téléphone n'est pas de nature à induire la mise en oeuvre des dispositions de l'article 56-1-1 précité dès lors qu'un tel objet ne constitue pas un document au sens de l'alinéa 2 de l'article 56-1 du code de procédure pénale. A supposer le juge des libertés et de la détention saisi à tort, il ne saurait, pas plus que le président de la chambre de l'instruction statuant sur recours, ordonner une expertise afin d'y rechercher la présence éventuelle de documents relevant de ces dispositions.<br> <br> 15. En conséquence, le moyen doit être écarté.<br> <br> 16. Par ailleurs, l'ordonnance est régulière en la forme.<br> <br> PAR CES MOTIFS, la Cour :<br> <br> REJETTE le pourvoi. <br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du onze mars deux mille vingt-cinq.,Sur le domaine d'application de l'article 56-1-1 du code de procédure pénale :Crim., 13 novembre 2024, pourvoi n° 24-82.222, Bull. crim. (cassation partielle) ;Crim., 24 septembre 2024, pourvoi n° 23-84.244, Bull. crim. (rejet).
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 11 mars 2025, 24-80.926, Publié au bulletin
AVOCAT - Secret professionnel - Perquisition hors d'un cabinet d'avocat - Procédure prévue à l'article 56-1-1 du code de procédure pénale - Domaine d'application - Saisie de documents - Exclusion - Cas - Remise postérieure à la perquisition - Portée,AVOCAT - Secret professionnel - Perquisition hors d'un cabinet d'avocat - Procédure prévue à l'article 56-1-1 du code de procédure pénale - Domaine d'application - Saisie de documents - Détermination - Cas - Téléphone portable (non)
2025-03-11
ECLI:FR:CCASS:2025:CR00279
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000051335991
ARRET
JURITEXT000051335983
CHAMBRE_CRIMINELLE
Article 56-1 du code de procédure pénale.
JURI
Cour de cassation
La compétence du juge des libertés et de la détention et du président de la chambre de l'instruction statuant sur le fondement de l'article 56-1 du code de procédure pénale est limitée à l'examen de la contestation élevée par le bâtonnier portant sur l'atteinte aux droits de la défense qui résulterait de la saisie de documents relevant de l'exercice des droits de la défense et couverts par le secret professionnel de la défense et du conseil. Dès lors, d'une part, il n'entre pas dans l'office de ces magistrats d'apprécier le caractère proportionné de la perquisition effectuée dans le cabinet d'un avocat ou à son domicile au regard de la nature et de la gravité des faits. D'autre part, les éléments devant figurer dans l'ordonnance autorisant une telle perquisition, relatifs à la nature de l'infraction ou des infractions sur lesquelles portent les investigations, aux raisons justifiant cette mesure et à l'objet de celle-ci, suffisent à garantir l'exercice, par le bâtonnier, de sa mission de protection des droits de la défense. Sont saisissables les documents ou objets qui ne sont pas relatifs à une procédure juridictionnelle ou à une procédure ayant pour objet le prononcé d'une sanction. Dès lors, le conseil pris auprès d'un avocat, avant la commission de l'infraction d'homicide involontaire par conducteur dont le permis de conduire a été suspendu, qui a eu pour finalité d'éclairer la personne sur son droit de conduire après la suspension de son permis de conduire, n'est pas relatif à une telle procédure, et les éléments en lien avec cette consultation pouvaient être saisis
Rejet
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br>N° P 24-82.517 FS-B+R<br> <br> N° 00191<br> <br> <br> LR<br> 11 MARS 2025<br> <br> <br> REJET<br> <br> <br> M. BONNAL président,<br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E<br> ________________________________________<br> <br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, <br> DU 11 MARS 2025<br> <br> <br> <br> Le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Nantes a formé un pourvoi contre l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, en date du 29 mars 2024, qui, dans l'information suivie contre M. [G] [C] du chef d'homicide involontaire aggravé, a prononcé sur une contestation élevée en matière de saisie effectuée dans le cabinet d'un avocat. <br> <br> Des mémoires ont été produits.<br> <br> Sur le rapport de Mme Thomas, conseiller, les observations de Me Bardoul, avocat du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Nantes, et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 21 janvier 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Thomas, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, MM. Cavalerie, Maziau, Seys, Dary, Mme Chaline-Bellamy, M. Hill, conseillers de la chambre, M. Violeau, Mme Merloz, M. Pradel, conseillers référendaires, M. Aubert, avocat général référendaire, et Mme Le Roch, greffier de chambre,<br> <br> la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. <br> <br> Faits et procédure<br> <br> 1. Il résulte de l'ordonnance attaquée et des pièces de la procédure ce qui suit.<br> <br> 2. M. [G] [C] a été mis en examen du chef d'homicide involontaire par conducteur d'un véhicule dont le permis de conduire a été suspendu à la suite du retrait de la totalité des points.<br> <br> 3. Avant les faits, l'intéressé avait consulté une avocate pour connaître l'état de son droit de conduire.<br> <br> 4. Autorisé en ce sens par le juge des libertés et de la détention, le juge d'instruction a effectué une perquisition dans le cabinet de cette avocate, pris copie d'un courriel présent dans son ordinateur professionnel et accepté la remise spontanée, par cette dernière, de la convention conclue entre elle et son client et de l'extrait bancaire faisant apparaître le paiement d'honoraires.<br> <br> 5. Le bâtonnier s'étant opposé à l'annexion des deux documents au procès-verbal de perquisition et saisie, le juge d'instruction a placé les trois éléments sous scellés et saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de voir statuer sur la contestation.<br> <br> 6. Ce magistrat a ordonné que les trois éléments placés sous scellés soient versés à la procédure d'information.<br> <br> 7. Le bâtonnier a formé un recours contre cette décision.<br> <br> Examen des moyens <br> <br> Sur le troisième moyen<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 8. Le moyen critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a rejeté sa contestation, a dit que les documents faisant l'objet de la saisie contestée seront remis au juge d'instruction et a ordonné le versement au dossier des trois scellés (INSTRU CLE 1, INSTRU 2 et INSTRU 3), du procès-verbal de transport et perquisition et du procès-verbal de placement sous scellés et contestation, alors « que lorsqu'il saisi d'un recours contre la décision du juge des libertés et de la détention statuant sur l'opposition du bâtonnier ou de son délégué à la saisie d'un document ou objet, le président de la chambre de l'instruction statue alors à nouveau en fait et en droit, qu'il doit, alors se faire remettre pour exercer son contrôle, le dossier de la procédure et, notamment, l'acte par lequel le juge d'instruction a saisi le juge des libertés et de la détention d'une autorisation de perquisition ainsi que les pièces visées ou retenues par le juge des libertés et de la détention pour autoriser ladite perquisition puis statuer sur la régularité des saisies, qu'en retenant que les «motifs de l'ordonnance portant autorisation de perquisition (D84) [...] outre l'ordonnance déférée et le procès-verbal de débat contradictoire devant le juge des libertés et de la détention auxquels maître [W] a eu accès, sachant que selon l'article 56-1 du code de procédure pénal seule la communication de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention est prévue pour le bâtonnier, et qui sont ceux-là même que le président de la chambre de l'instruction a pu consulter à l'occasion du recours, sont suffisants pour bien comprendre les faits et motifs ayant justifié la perquisition », le président de la chambre de l'instruction, qui a statué au vu des seules pièces remises au bâtonnier, sans s'être fait remettre le dossier de la procédure et, notamment, l'acte par lequel le juge d'instruction a saisi le juge des libertés et de la détention d'une autorisation de perquisition ainsi que les pièces visées ou retenues par le juge des libertés et de la détention pour autoriser ladite perquisition puis statuer sur la régularité des saisies, a violé les articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article préliminaire et les articles 56-1, 59, 591 et 593 du code de procédure pénale. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> 9. Le moyen, en ce qu'il tend à critiquer, indépendamment des motifs de la décision attaquée, la méthode par laquelle le président de la chambre de l'instruction s'est déterminé, est inopérant.<br> <br> Sur les quatrième et cinquième moyens<br> <br> Enoncé des moyens<br> <br> 10. Le quatrième moyen critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a rejeté sa contestation, a dit que les documents faisant l'objet de la saisie contestée seront remis au juge d'instruction et a ordonné le versement au dossier des trois scellés (INSTRU CLE 1, INSTRU 2 et INSTRU 3), du procès-verbal de transport et perquisition et du procès-verbal de placement sous scellés et contestation, alors « que lorsqu'il est saisi d'un recours contre la décision du juge des libertés et de la détention statuant sur l'opposition du bâtonnier ou de son délégué à la saisie d'un document ou objet, le président de la chambre de l'instruction statue alors à nouveau en fait et en droit ; qu'il peut alors être saisi de moyens invoquant l'irrégularité de l'autorisation donnée par le juge des libertés et de la détention même si l'acte d'appel du bâtonnier ne vise que l'ordonnance rendue suite à ses contestations ; qu'en jugeant, dès lors, que le présent recours a été formé uniquement à l'encontre de l'ordonnance du 22 mars 2024 ayant mentionné que les documents faisant l'objet de la saisie contestée seront remis au juge d'instruction et non restitués et qu'il n'y a donc pas lieu, en application de la règle de l'unique objet, à discuter la motivation de la décision du juge des libertés et de la détention du 8 février 2024, ayant autorisé la perquisition dans le cabinet d'un avocat, le président de la chambre de l'instruction a violé les articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article préliminaire et les articles 56-1, 591 et 593 du code de procédure pénale. »<br> <br> 11. Le cinquième moyen critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a rejeté sa contestation, a dit que les documents faisant l'objet de la saisie contestée seront remis au juge d'instruction et a ordonné le versement au dossier des trois scellés (INSTRU CLE 1, INSTRU 2 et INSTRU 3), du procès-verbal de transport et perquisition et du procès-verbal de placement sous scellés et contestation, alors « que les perquisitions dans le cabinet d'un avocat ou à son domicile ne peuvent être effectuées que par un magistrat à la suite d'une décision écrite et motivée prise par le juge des libertés et de la détention saisi par ce magistrat, qui indique la nature de l'infraction ou des infractions sur lesquelles portent les investigations, les raisons justifiant la perquisition, l'objet de celle-ci et sa proportionnalité au regard de la nature et de la gravité des faits ; qu'il résulte des exigences découlant de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que les personnes qui consultent un avocat doivent pouvoir avoir, en principe, la garantie que les données confiées audit avocat ne seront pas divulguées à des tiers sans leur accord ; que seules des circonstances exceptionnelles peuvent justifier la nécessité d'une restriction de ce droit ; qu'en jugeant que la motivation de l'ordonnance autorisant la perquisition était suffisante et que ladite perquisition était proportionnée (ordonnance d'appel, motifs propres, page 5, ordonnance confirmée, motifs adoptés, pages 2 et 3) aux motifs que l'information judiciaire en cours avait trait à la mort d'une personne, que l'ordonnance du 8 février 2024 autorisant la perquisition indiquait que l'information judiciaire dans laquelle M. [C] est mis en examen du chef d'homicide involontaire par conducteur d'un véhicule terrestre à moteur dont le permis de conduire a été suspendu, que ce dernier affirme n'avoir jamais reçu le formulaire l'informant de la perte de ses points, qu'il n'a pas repris le volant sans prendre attache avec son avocate ce que celle-ci a pu confirmer, que les faits reprochés au mis en examen sont particulièrement graves et que leur qualification juridique pourrait dépendre de la consultation accordée par l'avocate et que l'intérêt impérieux du client peut nécessiter des recherches sur ses échanges avec son conseil sans, à tout le moins, relater, de manière plus précise, les déclarations du mis en examen ni celle de l'avocate entendue ni expliquer en quoi le mis en examen ne disposait pas de la possibilité de produire par lui-même l'éventuelle consultation établie par l'avocate susceptible de constituer pour lui un élément à décharge, le président de la chambre de l'instruction, qui n'a pas caractérisé suffisamment qu'il était proportionné de procéder à un acte aussi grave qu'est la perquisition d'un cabinet d'avocat et le fait de porter atteinte au secret des échanges entre l'avocat et son client sans l'accord de ce dernier, a violé l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article préliminaire et les articles 56-1, 591 et 593 du code de procédure pénale. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> 12. Les moyens sont réunis.<br> <br> 13. Ils sont inopérants.<br> <br> 14. En effet, si le juge des libertés et de la détention et le président de la chambre de l'instruction saisi sur recours, statuant sur le fondement de l'article 56-1 du code de procédure pénale, sont compétents pour apprécier la suffisance des motifs de l'ordonnance autorisant la perquisition dans le cabinet d'un avocat ou à son domicile, relatifs à la nature des infractions sur lesquelles portent les investigations, les raisons justifiant la perquisition et l'objet de celle-ci, ce, afin de s'assurer que le bâtonnier est en mesure d'exercer la mission de protection des droits de la défense qui lui est dévolue par le même article (Crim., 8 juillet 2020, pourvoi n° 19-85.491, publié au Bulletin), la compétence de ces magistrats est limitée à l'examen de la contestation élevée par le bâtonnier portant sur l'atteinte aux droits de la défense qui résulterait de la saisie de documents relevant de l'exercice desdits droits et couverts par le secret professionnel de la défense et du conseil.<br> <br> 15. Dès lors, il n'entre pas dans l'office de ces magistrats d'apprécier la proportionnalité d'une telle perquisition au regard de la nature et de la gravité des faits.<br> <br> 16. Ce contrôle ressortit, en effet, à la chambre de l'instruction statuant sur le fondement des articles 170 et suivants du code de procédure pénale qui lui défèrent le contrôle de l'entière procédure, ainsi qu'il se déduit de l'article 56-1, alinéa 7, du code de procédure pénale. <br> <br> Sur les premier et deuxième moyens<br> <br> Enoncé des moyens<br> <br> 17. Le premier moyen critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a rejeté sa contestation, a dit que les documents faisant l'objet de la saisie contestée seront remis au juge d'instruction et a ordonné le versement au dossier des trois scellés (INSTRU CLE 1, INSTRU 2 et INSTRU 3), du procès-verbal de transport et perquisition et du procès-verbal de placement sous scellés et contestation, alors « que les perquisitions dans le cabinet d'un avocat ou à son domicile ne peuvent être effectuées que par un magistrat et en présence du bâtonnier ou de son délégué, à la suite d'une décision écrite et motivée prise par le juge des libertés et de la détention saisi par ce magistrat, qui indique la nature de l'infraction ou des infractions sur lesquelles portent les investigations, les raisons justifiant la perquisition, l'objet de celle-ci et sa proportionnalité au regard de la nature et de la gravité des faits ; que le bâtonnier ou son délégué peut s'opposer à la saisie d'un document ou d'un objet s'il estime que cette saisie serait irrégulière ; que le juge des libertés et de la détention statue sur la contestation par ordonnance motivée susceptible de recours devant le président de la chambre de l'instruction ; qu'en vue de l'audience devant le juge des libertés et de la détention ou le premier président, le bâtonnier est en droit de pouvoir consulter ou se faire communiquer les pièces du dossier de l'instruction dans le cadre de laquelle la perquisition a été ordonnée ou, à tout le moins, celles auxquelles le magistrat ou le juge des libertés et de la détention se sont référées pour respectivement solliciter ou autoriser la perquisition en cause, qu'en jugeant le contraire, le président de la chambre de l'instruction a violé les articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article préliminaire et les articles 56-1, 591 et 593 du code de procédure pénale. »<br> <br> 18. Le deuxième moyen critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a rejeté sa contestation, a dit que les documents faisant l'objet de la saisie contestée seront remis au juge d'instruction et a ordonné le versement au dossier des trois scellés (INSTRU CLE 1, INSTRU 2 et INSTRU 3), du procès-verbal de transport et perquisition et du procès-verbal de placement sous scellés et contestation, alors « en tout état de cause, que les perquisitions dans le cabinet d'un avocat ou à son domicile ne peuvent être effectuées que par un magistrat et en présence du bâtonnier ou de son délégué, à la suite d'une décision écrite et motivée prise par le juge des libertés et de la détention saisi par ce magistrat, qui indique la nature de l'infraction ou des infractions sur lesquelles portent les investigations, les raisons justifiant la perquisition, l'objet de celle-ci et sa proportionnalité au regard de la nature et de la gravité des faits ; qu'en vue de l'audience devant le juge des libertés et de la détention ou le premier président, le bâtonnier est en droit de pouvoir consulter ou de se faire communiquer l'acte par lequel le juge d'instruction a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins d'être autorisé à procéder à une perquisition, qu'en jugeant le contraire, le président de la chambre de l'instruction a violé les articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article préliminaire et les articles 56-1, 591 et 593 du code de procédure pénale. » <br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> 19. Les moyens sont réunis.<br> <br> 20. Pour rejeter le moyen pris du refus de communication au bâtonnier des pièces de la procédure et de l'ordonnance par laquelle le juge d'instruction a sollicité l'autorisation de procéder à une perquisition dans le cabinet d'un avocat, l'ordonnance attaquée, après avoir rappelé les motifs par lesquels le juge des libertés et de la détention a autorisé la perquisition, énonce que ces informations suffisent à comprendre les faits et les motifs de cette mesure et que le bâtonnier dispose des éléments utiles à sa contestation, aucune raison ne justifiant la communication de la procédure d'instruction, couverte par le secret.<br> <br> 21. En se déterminant ainsi, le président de la chambre de l'instruction a fait l'exacte application des textes visés au moyen, pour les motifs qui suivent.<br> <br> 22. Ainsi qu'énoncé au paragraphe 14, la procédure prévue à l'article 56-1 du code de procédure pénale limite la compétence du juge des libertés et de la détention et du président de la chambre de l'instruction statuant sur recours à l'examen de la contestation élevée par le bâtonnier portant sur l'atteinte aux droits de la défense qui résulterait de la saisie d'un document relevant de l'exercice des droits de la défense et couvert par le secret professionnel de la défense et du conseil prévu à l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971. <br> <br> 23. En conséquence, les éléments mentionnés dans l'ordonnance autorisant la perquisition, relatifs à la nature de l'infraction ou des infractions sur lesquelles portent les investigations, les raisons justifiant la perquisition et l'objet de celle-ci, suffisent, au regard des dispositions conventionnelles invoquées au moyen, à garantir l'exercice, par le bâtonnier, de sa mission de protection des droits de la défense. <br> <br> 24. En l'espèce, le contenu de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant la perquisition a été porté à la connaissance du bâtonnier dès le début de la mesure. En outre, ayant usé de la faculté qui lui était offerte de faire annuler les opérations en ce que l'insuffisance des motifs de cette ordonnance l'aurait mis dans l'impossibilité d'exercer sa mission, le bâtonnier a vu sa contestation jugée non fondée.<br> <br> 25. Les moyens doivent, dès lors, être écartés.<br> <br> Sur le sixième moyen<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 26. Le moyen critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a rejeté sa contestation, a dit que les documents faisant l'objet de la saisie contestée seront remis au juge d'instruction et a ordonné le versement au dossier des trois scellés (INSTRU CLE 1, INSTRU 2 et INSTRU 3), du procès-verbal de transport et perquisition et du procès-verbal de placement sous scellés et contestation, alors : <br> <br> « 1°/ que le magistrat qui effectue la perquisition veille à ce que les investigations conduites ne portent pas atteinte au libre exercice de la profession d'avocat et à ce qu'aucun document relevant de l'exercice des droits de la défense et couvert par le secret professionnel de la défense et du conseil, prévu à l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, ne soit saisi et placé sous scellé ; que l'existence d'un document relevant de l'exercice des droits de la défense et couvert par le secret professionnel de la défense et du conseil n'est pas limitée au seul cas où une personne a commis ou pense avoir commis une infraction mais couvre notamment tous les document relatifs à une procédure juridictionnelle ou à une procédure ayant pour objet le prononcé d'une sanction et relevant, à ce titre, des droits de la défense garantis par l'article 16 de la Déclaration de 1789 ; qu'en jugeant dès lors que le secret du conseil de l'avocat n'est protégé que s'il se rapporte à l'exercice des droits de la défense, c'est à dire lorsqu'une personne a commis ou pense avoir commis une infraction, mais non lorsque des conseils sont demandés à un avocat avant toute commission d'une infraction et qu'il s'agit de conseils qui auraient pu être sollicités auprès de toutes autres personnes exerçant des missions de conseil juridique, le président de la chambre de l'instruction a violé l'article 56-1, § 2, du code de procédure pénale ; <br> <br> 2°/ que le magistrat qui effectue la perquisition veille à ce que les investigations conduites ne portent pas atteinte au libre exercice de la profession d'avocat et à ce qu'aucun document relevant de l'exercice des droits de la défense et couvert par le secret professionnel de la défense et du conseil, prévu à l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, ne soit saisi et placé sous scellé ; que l'existence d'un document relevant de l'exercice des droits de la défense et couvert par le secret professionnel de la défense et du conseil n'est pas limitée au seul cas où une personne a commis ou pense avoir commis une infraction mais couvre notamment tous les document relatifs à une procédure juridictionnelle ou à une procédure ayant pour objet le prononcé d'une sanction et relevant, à ce titre, des droits de la défense garantis par l'article 16 de la Déclaration de 1789 ; que les documents insaisissables peuvent donc être relatifs à des faits antérieurs à l'infraction objet de l'information judiciaire dans le cadre de laquelle la perquisition a été ordonnée s'ils relèvent de l'exercice des droits de la défense et sont couverts par le secret professionnel de la défense et du conseil ; qu'une mesure privant une personne du droit de faire usage de son permis de conduire est, à ce titre, susceptible d'être relative aux droits de la défense en ce qu'elle peut constituer une sanction ou donner lieu à une procédure juridictionnelle ; qu'en relevant dès lors pour dire que les documents litigieux ne relèvent pas de l'exercice des droits de la défense et ne sont donc pas couverts par le secret professionnel de la défense et du conseil au sens des dispositions de l'article 56-1 du code de procédure pénale que les documents saisis relèvent du conseil demandé à un avocat relatif au droit de conduire après suspension du permis et ce avant la commission de l'infraction d'homicide involontaire survenue postérieurement et objet de l'information judiciaire, le président de la chambre de l'instruction s'est référé à des motifs impropres en violation de l'article 56-1, § 2, du code de procédure pénale. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> 27. Pour écarter le moyen pris du caractère non saisissable des éléments placés sous scellé, l'ordonnance attaquée énonce que le secret du conseil est protégé en tant qu'il se rapporte à l'exercice des droits de la défense, lorsqu'une personne a commis ou pense avoir commis une infraction, non lorsque des conseils sont sollicités avant toute commission d'infraction ou auprès de personnes exerçant des missions de conseil juridique.<br> <br> 28. Le président de la chambre de l'instruction ajoute qu'en l'espèce, les pièces saisies relèvent du conseil demandé à un avocat après une suspension de permis de conduire et avant la commission de l'infraction d'homicide involontaire, objet de l'information.<br> <br> 29. En se déterminant ainsi, le président de la chambre de l'instruction a fait l'exacte application du texte visé au moyen.<br> <br> 30. En effet, le conseil pris auprès de l'avocat, avant la commission de l'infraction, a eu pour finalité d'éclairer la personne sur son droit de conduire un véhicule après une suspension de permis de conduire, et les éléments qui ont été saisis, en lien avec cette consultation, ne sont pas relatifs à une procédure juridictionnelle ou à une procédure ayant pour objet le prononcé d'une sanction, de sorte qu'ils ne relèvent pas de l'exercice des droits de la défense et pouvaient être saisis.<br> <br> 31. Le moyen doit, dès lors, aussi être écarté.<br> <br> 32. Par ailleurs, l'ordonnance est régulière en la forme.<br> <br> PAR CES MOTIFS, la Cour :<br> <br> REJETTE le pourvoi. <br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du onze mars deux mille vingt-cinq.,Sur l'étendue du contrôle du juge des libertés et de la détention statuant en application de l'article 56-1 du code de procédure pénalen à rapprocher :Crim., 18 janvier 2022, pourvoi n° 21-83.751, Bull. crim. (annulation sans renvoi).Sur les éléments insusceptibles de saisie lors d'une perquisition au cabinet d'un avocat, à rapprocher :Cons. const., 19 janvier 2023, décision n° 2022-1030 QPC.
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 11 mars 2025, 24-82.517, Publié au bulletin
AVOCAT - Secret professionnel - Perquisition effectuée dans son cabinet - Saisie de documents - Opposition du bâtonnier - Juge des libertés et de la détention - Recours devant le président de la chambre de l'instruction - Office du juge - Détermination - Portée,AVOCAT - Secret professionnel - Perquisition effectuée dans son cabinet - Saisie de documents - Documents ou objets sans rapport avec une procédure juridictionnelle ou ayant pour objet le prononcé d'une sanction - Possibilité - Portée
2025-03-11
ECLI:FR:CCASS:2025:CR00191
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000051335983
ARRET
JURITEXT000051284098
CHAMBRE_CRIMINELLE
null
JURI
Cour de cassation
Il se déduit des articles 385, 512 et 520 du code de procédure pénale que la cour d'appel qui constate que le prévenu a été renvoyé devant le tribunal correctionnel en partie pour des faits pour lesquels il n'avait pas été mis en examen doit renvoyer la procédure au ministère public pour régularisation et, après avoir annulé le jugement contesté, évoquer en application du dernier de ceux-ci. Dès lors que la cour d'appel n'est pas dessaisie de la procédure, elle peut, par des motifs propres, ordonner le maintien en détention provisoire de l'intéressé, une telle décision se substituant, le cas échéant, au titre de détention délivré par le tribunal correctionnel. Encourt la cassation l'arrêt de la cour d'appel qui, après avoir constaté que le prévenu a été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour des faits pour lesquels il n'avait pas été mis en examen, se borne à énoncer qu'il y a lieu de renvoyer la procédure au ministère public et d'ordonner le renvoi de l'affaire à une date ultérieure alors qu'il lui appartenait, dès ce stade de la procédure, d'annuler le jugement
Cassation partielle
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br>N° H 24-86.812 F-B<br> <br> N° 00369<br> <br> <br> ODVS<br> 25 FÉVRIER 2025<br> <br> <br> CASSATION PARTIELLE<br> <br> <br> M. BONNAL président,<br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E<br> ________________________________________<br> <br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, <br> DU 25 FÉVRIER 2025<br> <br> <br> <br> M. [R] [X] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre 5-4, en date du 21 octobre 2024, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants et association de malfaiteurs, a renvoyé la procédure au procureur de la République afin de saisir le juge d'instruction pour régularisation de sa mise en examen, a ordonné son maintien en détention et rejeté sa demande de mise en liberté. <br> <br> Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.<br> <br> Sur le rapport de M. Cavalerie, conseiller, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [R] [X], et les conclusions de Mme Gulphe-Berbain, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 février 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Cavalerie, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre, <br> <br> la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. <br> <br> Faits et procédure<br> <br> 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.<br> <br> 2. Dans le cadre d'une procédure portant sur un trafic de stupéfiants, M. [R] [X] a été mis en examen le 27 août 2010 des chefs précités pour des faits commis courant 2009 et jusqu'au 1er juin 2010.<br> <br> 3. Le 7 juillet 2011, il a été renvoyé devant le tribunal correctionnel des mêmes chefs pour des faits commis courant 2009 et jusqu'au 25 août 2010.<br> <br> 4. Par jugement contradictoire à signifier du 27 janvier 2017, le tribunal correctionnel a déclaré le prévenu, non comparant ni représenté, coupable dans les termes de la prévention, l'a condamné à douze ans d'emprisonnement et a décerné à son encontre mandat d'arrêt.<br> <br> 5. Interpellé et extradé, l'intéressé, placé en détention provisoire, a interjeté appel de ce jugement. <br> <br> 6. Le 24 juin 2024, sa détention provisoire a été prolongée par ordonnance du président de la chambre des appels correctionnels. <br> <br> 7. Devant la cour d'appel, le prévenu a fait valoir qu'il avait été condamné pour des faits pour lesquels il n'avait pas été mis en examen et a sollicité en conséquence que soit prononcée la nullité du jugement du tribunal correctionnel et ordonnée sa mise en liberté. <br> <br> Examen du moyen<br> <br> Enoncé du moyen <br> <br> 8. Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir renvoyé la procédure au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Marseille afin de saisir à nouveau le juge d'instruction pour régularisation de la mise en examen sans annuler le jugement de première instance, d'avoir rejeté sa demande de mise en liberté et d'avoir ordonné son maintien en détention, alors : « que la cour d'appel, qui constate que le prévenu a été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour des faits pour lesquels il n'avait pas fait l'objet d'une mise en examen, doit annuler le jugement qui a déclaré ce prévenu coupable de faits pour lesquels cette juridiction était irrégulièrement saisie ; qu'il lui appartient alors d'évoquer et de renvoyer au fond à une audience ultérieure, en application de l'article 520 du code de procédure pénale, sans possibilité, à l'égard du prévenu qui comparaissait libre devant le tribunal correctionnel, d'ordonner son maintien ou son placement en détention provisoire ; que, pour rejeter la demande de mise en liberté présentée par le prévenu, la cour d'appel, après avoir constaté que le prévenu n'avait pas été régulièrement mis en examen de l'intégralité des faits pour lesquels il a été renvoyé par le magistrat instructeur, énonce qu'une ordonnance de renvoi irrégulière n'entraîne pas son annulation, pas plus qu'elle n'entraîne celle du jugement ; qu'en statuant ainsi, lorsqu'il résulte des mentions de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que le prévenu avait été condamné pour des faits pour lesquels le tribunal correctionnel avait été irrégulièrement saisi, la cour d'appel, qui aurait dû annuler le jugement, sans possibilité, à l'égard de monsieur [X] qui avait comparu libre devant le tribunal correctionnel, ni de le maintenir en détention, le mandat d'arrêt décerné par cette juridiction étant nul, ni de le placer en détention provisoire, faute pour elle de disposer du pouvoir de prononcer une telle décision, la cour d'appel a violé les articles 179, 385, 464-1 et 520 du code de procédure pénale. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> Vu les articles 385, 512 et 520 du code de procédure pénale :<br> <br> 9. Il se déduit de ces textes que la cour d'appel qui constate que le prévenu a été renvoyé devant le tribunal correctionnel en partie pour des faits pour lesquels il n'avait pas été mis en examen doit renvoyer la procédure au ministère public pour régularisation et, après avoir annulé le jugement contesté, évoquer en application du dernier de ceux-ci. <br> <br> 10. Pour ne pas faire droit aux conclusions du prévenu qui faisait valoir la nullité de l'ordonnance de renvoi, l'arrêt attaqué, après avoir constaté que le prévenu avait été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour des faits pour lesquels il n'avait pas été mis en examen, se borne à énoncer qu'il y a lieu de renvoyer la procédure au ministère public et d'ordonner le renvoi de l'affaire à une date ultérieure. <br> <br> 11. En se déterminant ainsi, la cour d'appel, qui devait, dès ce stade de la procédure, annuler le jugement, a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé. <br> <br> 12. La cassation est dès lors encourue de ce chef.<br> <br> Portée et conséquences de la cassation<br> <br> 13. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives au refus d'annulation du jugement.<br> <br> 14. En effet, dès lors que la cour d'appel n'était pas dessaisie de la procédure, elle pouvait, par des motifs propres, en l'espèce non critiqués au moyen, ordonner le maintien en détention provisoire de l'intéressé (Crim. 25 octobre 2022, pourvoi n° 22-84.785). <br> <br> 15. Une telle décision, qui se substitue au mandat d'arrêt décerné par le tribunal correctionnel, constitue un nouveau titre de détention, l'arrêt postérieur du 20 janvier 2025 de la même chambre ordonnant à nouveau le maintien en détention de l'intéressé constituant de surcroît et également un nouveau titre de détention.<br> <br> 16. Il n'y a donc pas lieu d'ordonner la mise en liberté de l'intéressé.<br> <br> PAR CES MOTIFS, la Cour :<br> <br> CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 21 octobre 2024, mais en ses seules dispositions ayant refusé d'annuler le jugement du tribunal correctionnel, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;<br> <br> Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,<br> <br> RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;<br> <br> DIT n'y avoir lieu à mise en liberté ;<br> <br> ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé. <br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq février deux mille vingt-cinq.
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 25 février 2025, 24-86.812, Publié au bulletin
PEINES
2025-02-25
ECLI:FR:CCASS:2025:CR00369
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000051284098
ARRET
JURITEXT000051464818
CHAMBRE_CRIMINELLE
null
JURI
Cour de cassation
Aux termes de l'article 323-1 du code des douanes, les agents des douanes ne peuvent procéder à l'arrestation et au placement en retenue douanière d'une personne qu'en cas de flagrant délit douanier puni d'une peine d'emprisonnement et lorsque cette mesure est justifiée par les nécessités de l'enquête douanière. Il en résulte qu'il incombe à la cour d'appel, saisie d'une exception de nullité d'une retenue douanière, de contrôler que cette mesure respecte ces exigences
Cassation
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br>N° P 24-80.999 F-B<br> <br> N° 00446<br> <br> <br> SL2<br> 2 AVRIL 2025<br> <br> <br> CASSATION<br> <br> <br> M. BONNAL président,<br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E<br> ________________________________________<br> <br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, <br> DU 2 AVRIL 2025<br> <br> <br> Le procureur général près la cour d'appel de Dijon et l'administration des douanes ont formé des pourvois contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre correctionnelle, en date du 10 janvier 2024, qui a relaxé M. [R] [J] des chefs de contrebande de marchandises prohibées, transfert de capitaux sans déclaration, défaut de tenue de registres d'objets mobiliers et tenue non conforme de registres de police.<br> <br> Les pourvois sont joints en raison de la connexité. <br> <br> Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.<br> <br> Sur le rapport de M. Gillis, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la direction générale des douanes et droits indirects, les observations de la SAS Zribi et Texier, avocat de M. [R] [J], et les conclusions de M. Crocq, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Gillis, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,<br> <br> la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. <br> <br> Faits et procédure<br> <br> 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.<br> <br> 2. M. [R] [J] a été contrôlé le 31 mars 2015 à 9 heures 30 par les agents des douanes alors qu'il circulait au volant de son véhicule. <br> <br> 3. Le contrôle a amené la découverte dans le véhicule de quarante pièces de monnaie, pour partie anciennes. M. [J] a déclaré qu'il était numismate professionnel et que ces pièces étaient un fonds de collection lui appartenant. Il a indiqué ne pas être en mesure de justifier de leur provenance. <br> <br> 4. M. [J] a suivi librement les douaniers dans leurs locaux. Après avoir reçu l'avis de M. [F] [L], ingénieur d'études à la direction régionale des affaires culturelles d'Ile-de-France (Drac), quant à la nature des pièces de monnaie saisies, les douaniers ont placé le prévenu en retenue douanière, à compter de 15 heures 45, pour des faits de détention et transport de biens culturels sans justificatif d'origine.<br> <br> 5. Une visite domiciliaire a été réalisée lors de laquelle il a notamment été découvert d'autres pièces de monnaie ancienne.<br> <br> 6. M. [J] a été ultérieurement poursuivi devant le tribunal correctionnel qui l'a condamné des chefs de détention et transport de biens culturels sans justificatif d'origine, transfert de capitaux sans déclaration, défaut de tenue de registres d'objets mobiliers et tenue non conforme de registres de police.<br> <br> 7. Le prévenu, le procureur général et l'administration des douanes ont relevé appel de cette décision.<br> <br> Sur le moyen proposé pour l'administration des douanes et sur le moyen proposé par le procureur général<br> <br> Enoncé des moyens<br> <br> 8. Le moyen proposé pour l'administration des douanes critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a annulé la mesure de retenue douanière et tous les actes de la procédure dont elle était le support nécessaire, relaxé M. [J] et ordonné la restitution à son profit de tous les objets saisis, alors : <br> <br> « 1°/ qu'en relevant, pour considérer que la mesure de retenue douanière dont Monsieur [J] avait fait l'objet devait être annulée, que l'avis adressé le 31 mars 2015 à 14 h 16 et 14 h 34 à l'administration des douanes par Monsieur [F] [L], ingénieur d'étude à la direction régionale des affaires culturelles d'Ile-de-France, par lequel ce dernier indiquait qu'à la vue des photographies qui lui avaient été envoyées, « tous les objets contrôlés sont des biens culturels au sens du code des douanes » et, plus précisément, qu'ils constituaient des « objets archéologiques » dont il était quasiment certain qu'ils provenaient « de trouvailles au détecteur de métaux », ne caractérisait pas un flagrant délit douanier, quand cet avis associé aux éléments préalablement révélés par le contrôle douanier constituait un faisceau d'indices apparents et objectifs laissant présumer qu'était en train d'être commis le délit douanier de détention sans document justificatif régulier de biens culturels, parmi lesquels figuraient les objets archéologiques, y compris les monnaies, provenant directement de fouilles, de découvertes terrestres ou de sites archéologiques, quelle que soit leur valeur, et caractérisait, dès lors, l'existence d'un flagrant délit douanier, la cour d'appel a violé l'article 323-1 du code des douanes et les articles 53, 591 et 593 du code de procédure pénale ; <br> <br> 3°/ qu'en relevant, pour considérer que la mesure de retenue douanière dont Monsieur [J] avait fait l'objet devait être annulée, qu'elle n'était pas justifiée le 31 mars 2015 à 15 h 45 pour les nécessités de l'enquête douanière, dès lors que les objets litigieux, en petit nombre, étaient saisis depuis 10 h le matin et inventoriés, quand cette mesure avait été décidée par les agents douaniers pour permettre l'exécution d'investigations impliquant la présence et la participation de Monsieur [J], à savoir la visite domiciliaire de son ancien local commercial à [Localité 1] qui a été réalisée le 31 mars 2015 de 19 h 15 à 22 h 15, puis son audition réalisée le 1er avril 2015 de 2 h 15 à 3 h 15, ce dont il résultait que la retenue douanière était bien justifiée, à 15 h 45, par les nécessités de l'enquête, la cour d'appel a derechef violé l'article 323-1 du code des douanes et les articles 591 et 593 du code de procédure pénale. »<br> <br> 9. Le moyen proposé par le procureur général est pris de la violation des articles 323-1 du code des douanes et 591 du code de procédure pénale.<br> <br> 10. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a annulé la mesure de retenue douanière et relaxé en conséquence M. [J], alors : <br> <br> 1°/ que l'avis de M. [L] adressé le jour du contrôle constituait une raison plausible de soupçonner le prévenu d'avoir commis un flagrant délit douanier et que, compte tenu de la domiciliation fictive en Irlande de la société dont le prévenu était dirigeant, les nécessités de l'enquête douanière justifiaient une mesure de retenue.<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> 11. Les moyens sont réunis.<br> <br> Vu les articles 38, 215 ter, 323-1 et 419 du code des douanes, L. 111-2 et R. 111-1 et son annexe du code du patrimoine :<br> <br> 12. Aux termes du troisième de ces textes, les agents des douanes ne peuvent procéder à l'arrestation et au placement en retenue douanière d'une personne qu'en cas de flagrant délit douanier puni d'une peine d'emprisonnement et lorsque cette mesure est justifiée par les nécessités de l'enquête douanière.<br> <br> 13. Il en résulte qu'il incombe à la cour d'appel, saisie d'une exception de nullité d'une retenue douanière, de contrôler que cette mesure respecte ces exigences.<br> <br> 14. Selon les deuxième et quatrième de ces textes, commet le délit de détention de marchandises prohibées celui qui détient ou transporte les biens culturels ou les trésors nationaux visés au 4 de l'article 38 du code des douanes et ne peut, à première réquisition des agents des douanes, produire soit des documents attestant que ces marchandises peuvent quitter le territoire douanier en conformité avec les dispositions portant prohibition d'exportation, soit tout document prouvant que ces biens ont été importés temporairement d'un autre Etat membre de la Communauté européenne, soit toute justification d'origine émanant de personnes ou de sociétés régulièrement établies à l'intérieur du territoire douanier communautaire.<br> <br> 15. Selon le premier et les deux derniers de ces textes, constituent des biens culturels ceux qui présentent un intérêt historique, artistique ou archéologique et entrent dans l'une des catégories définies par décret en Conseil d'Etat, lesquelles visent notamment les monnaies anciennes présentant certaines caractéristiques quant à leur lieu de découverte et à leur valeur.<br> <br> 16. Pour faire droit aux conclusions du prévenu invoquant la nullité de la retenue douanière, l'arrêt attaqué retient que le délit prévu par l'article 215 ter du code des douanes qui a fondé la retenue du prévenu impliquait nécessairement la caractérisation de la valeur et de l'ancienneté, le cas échéant selon les dispositions de l'annexe précitée, des biens culturels dont la détention sans justification d'origine lui était reprochée. <br> <br> 17. Les juges ajoutent qu'aucune indication quant à ces caractéristiques n'a été portée à la connaissance du prévenu et qu'il n'a pas été informé précisément en quoi il aurait enfreint la loi, les pièces de monnaie ne constituant pas des biens culturels par nature. <br> <br> 18. Ils en déduisent que le seul fait de détenir ou transporter quarante pièces de monnaie anciennes est insuffisant pour laisser supposer qu'un délit douanier a été commis.<br> <br> 19. Ils relèvent également que la décision de placement en retenue a été fondée sur l'avis de M. [L] qui, à la seule vue de photographies qui lui avaient été adressées, a indiqué que tous les objets contrôlés étaient des objets archéologiques, qu'il était quasiment certain qu'ils provenaient de trouvailles au détecteur de métaux et qu'ils constituaient des biens culturels au sens du code des douanes.<br> <br> 20. Ils en concluent qu'en l'absence de toute référence à la réglementation applicable et aux monnaies saisies, un tel avis ne saurait caractériser le flagrant délit exigé par l'article 323-1 du code des douanes. Ils ajoutent qu'un examen sérieux, même rapide, aurait aisément permis de constater qu'aucun des critères définis aux articles R. 111-1 et suivants du code du patrimoine n'était susceptible d'être retenu.<br> <br> 21. Ils ajoutent que la retenue douanière n'était pas non plus justifiée par les nécessités de l'enquête douanière lorsqu'elle a été décidée, à 15 heures 45, dès lors que les biens litigieux, en petit nombre, avaient été saisis à 10 heures et avaient déjà été inventoriés.<br> <br> 22. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés pour les motifs qui suivent. <br> <br> 23. D'une part, un avis émis par un ingénieur de la Drac, à la vue de photographies de pièces de monnaie venant d'être saisies, qualifiant celles-ci de biens culturels au sens du code des douanes, associé au fait que la personne transportant ces pièces ne peut justifier de leur origine, caractérise, au sens de l'article 323-1 du code des douanes, le délit de détention de biens culturels sans justificatif d'origine en flagrance.<br> <br> 24. D'autre part, en cas de retenue douanière pour un transport de biens culturels sans justificatif d'origine faisant suite à une interpellation sur la voie publique, le seul constat de ce que les biens avaient déjà été saisis et inventoriés au moment du placement en retenue douanière ne saurait suffire à exclure la nécessité d'autres actes d'enquête douanière.<br> <br> 25. La cassation est par conséquent encourue, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres griefs.<br> <br> PAR CES MOTIFS, la Cour :<br> <br> CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Dijon, en date du 10 janvier 2024, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;<br> <br> RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Besançon, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;<br> <br> ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Dijon et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé. <br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du deux avril deux mille vingt-cinq.
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 2 avril 2025, 24-80.999, Publié au bulletin
DOUANES
2025-04-02
ECLI:FR:CCASS:2025:CR00446
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000051464818
ARRET
JURITEXT000051464892
CHAMBRE_CRIMINELLE
null
JURI
Cour de cassation
Le renvoi ordonné par une chambre de l'instruction aux fins de permettre à la personne mise en examen de produire les pièces relatives à la compatibilité de son état de santé avec la détention ne constitue pas des vérifications au sens de l'article 194, dernier alinéa, du code de procédure pénale. Par ailleurs, le respect des droits de la défense n'autorise pas à dépasser les délais prévus par les articles 194 et 199 du code de procédure pénale, qui sont d'ordre public. Par conséquent, méconnaît ces textes la chambre de l'instruction qui, en l'absence de circonstance imprévisible et insurmontable, extérieure au service de la justice, mettant obstacle au jugement de l'affaire, se fonde sur de tels motifs pour statuer en dehors de ces délais sur la détention provisoire d'une personne mise en examen
Cassation sans renvoi
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br>N° V 25-80.802 F-B<br> <br> N° 00607<br> <br> <br> GM<br> 2 AVRIL 2025<br> <br> <br> CASSATION SANS RENVOI<br> <br> <br> <br> M. BONNAL président,<br> <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E<br> ________________________________________<br> <br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, <br> DU 2 AVRIL 2025<br> <br> <br> M. [C] [P] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai, en date du 14 janvier 2025, qui, dans l'information suivie contre lui, notamment, des chefs d'abus de faiblesse, escroquerie en bande organisée, faux et usage, fraude fiscale et blanchiment aggravé, a infirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention le plaçant sous contrôle judiciaire et a ordonné son placement en détention provisoire. <br> <br> Un mémoire a été produit.<br> <br> Sur le rapport de M. Samuel, conseiller, les observations de Me Goldman, avocat de M. [C] [P], et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 2 avril 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Samuel, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,<br> <br> la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. <br> <br> Faits et procédure<br> <br> 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.<br> <br> 2. M. [C] [P] a été mis en examen le 13 décembre 2024 notamment des chefs susvisés.<br> <br> 3. Ce même jour, le juge des libertés et de la détention a rendu une ordonnance de refus de placement en détention provisoire et placé M. [P] sous contrôle judiciaire.<br> <br> 4. Le procureur de la République a relevé appel de cette décision le 19 décembre 2024.<br> <br> Examen du moyen<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a ordonné son placement en détention provisoire, alors : <br> <br> « 1°/ qu'en matière de détention provisoire, la chambre de l'instruction doit se prononcer dans les plus brefs délais et au plus tard dans les dix jours de l'appel lorsqu'il s'agit d'une ordonnance de placement en détention et dans les quinze jours dans les autres cas, ces délais étant allongés de cinq jours en cas de comparution de la personne concernée, faute de quoi cette dernière est mise d'office en liberté, sauf si des vérifications concernant sa demande ont été ordonnées ; que, statuant le 14 janvier 2025, après un renvoi ordonné le 30 décembre 2024, plus de vingt jours après l'appel formé le 19 décembre 2024 par le ministère public contre l'ordonnance de placement de M. [P] sous contrôle judiciaire, la chambre de l'instruction qui, bien qu'elle n'ait d'elle-même ordonné aucune vérification, ni fait droit à la demande d'expertise médicale de M. [P], dont il ne résulte pas de la procédure qu'il y aurait renoncé lors de l'audience du 30 décembre 2024, a ordonné le placement de ce dernier en détention provisoire, a méconnu les articles 194 et 199 du code de procédure pénale ; <br> <br> 2°/ qu'à supposer que M. [P] ait renoncé à sa demande d'expertise médicale et s'en soit tenu à une simple demande de renvoi afin de produire des pièces, le renvoi ainsi ordonné ne pouvait s'analyser en des vérifications permettant à la chambre de l'instruction d'ordonner le placement en détention provisoire au-delà du délai de vingt jours suivant l'appel du ministère public, de sorte qu'en le faisant pourtant, elle a méconnu les articles 194 et 199 du code de procédure pénale. » <br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> Vu les articles 194, dernier alinéa, et 199 du code de procédure pénale :<br> <br> 6. Selon le premier de ces textes, en matière de détention provisoire, la chambre de l'instruction doit se prononcer dans les plus brefs délais et au plus tard dans les dix jours de l'appel lorsqu'il s'agit d'une ordonnance de placement en détention et dans les quinze jours dans les autres cas, faute de quoi la personne concernée est mise d'office en liberté, sauf si des vérifications concernant sa demande ont été ordonnées ou si des circonstances imprévisibles et insurmontables mettent obstacle au jugement de l'affaire dans les délais ainsi prévus.<br> <br> 7. Aux termes du second, en cas de comparution personnelle de la personne concernée, le délai maximum prévu au dernier alinéa de l'article 194 est prolongé de cinq jours.<br> <br> 8. Pour écarter le moyen pris du non-respect des délais prévus par ces textes, l'arrêt attaqué énonce que l'affaire a été appelée à l'audience du 30 décembre 2024, au cours de laquelle M. [P], dont l'avocat avait déposé un mémoire demandant une expertise médicale pour évaluer la compatibilité de l'état de santé avec la détention, a simplement sollicité un renvoi afin de produire de nouvelles pièces médicales et d'être assisté d'un autre conseil.<br> <br> 9. Les juges ajoutent que, par arrêt du même jour, la chambre de l'instruction a fait droit à cette demande de renvoi, afin que le mis en cause puisse être assisté d'un conseil choisi et produire des pièces médicales.<br> <br> 10. Ils précisent que l'affaire a donc été appelée une première fois dans le délai de l'article 194, dernier alinéa, du code de procédure pénale pour examiner le refus de placement en détention et que le renvoi ainsi que le dépassement subséquent du délai légal fixé par cet article sont intervenus à la demande expresse du mis en cause et de son conseil, dans le seul intérêt des droits de la défense.<br> <br> 11. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.<br> <br> 12. En effet, d'une part, ne constitue pas des vérifications, au sens de l'article 194, dernier alinéa, précité, le renvoi ordonné aux fins de permettre à la personne mise en examen de produire les pièces relatives à la compatibilité de son état de santé avec la détention. <br> <br> 13. D'autre part, aucune circonstance imprévisible et insurmontable, extérieure au service de la justice, mettant obstacle au jugement de l'affaire dans les délais imposés par la loi, n'est en l'espèce caractérisée.<br> <br> 14. Enfin, le respect des droits de la défense n'autorise pas la chambre de l'instruction à dépasser les délais précités, qui sont d'ordre public.<br> <br> 15. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.<br> <br> Portée et conséquences de la cassation<br> <br> 16. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire. <br> <br> 17. Le délai de vingt jours fixé par les articles 194 et 199 du code de procédure pénale n'ayant pas été respecté, M. [P] doit être remis en liberté, sauf s'il est détenu pour autre cause.<br> <br> 18. Cependant, les dispositions de l'article 803-7, alinéa 1er, du code de procédure pénale permettent à la Cour de cassation de placer sous contrôle judiciaire la personne dont la détention provisoire est irrégulière en raison de la méconnaissance des formalités prévues par ce même code, dès lors qu'elle trouve dans les pièces de la procédure des éléments d'information pertinents et que la mesure apparaît indispensable pour assurer l'un des objectifs énumérés à l'article 144 du même code.<br> <br> 19. En l'espèce, il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable que M. [P] ait pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont le juge d'instruction est saisi.<br> <br> 20. La mesure de contrôle judiciaire est indispensable afin :<br> <br> - d'éviter le renouvellement de l'infraction, en ce que, si son casier judiciaire est vierge, M. [P] est mis en examen pour deux faits d'escroquerie et d'abus de faiblesse sur des personnes âgées et vulnérables reposant sur des mécanismes astucieux, pour une période de prévention courant sur presque trois années complètes, correspondant pour partie à une période de placement sous un précédent contrôle judiciaire ;<br> <br> - d'empêcher une pression sur les témoins ou les victimes, en ce que les écoutes téléphoniques permettent de penser que le mis en cause a déjà tenté de convaincre M. [Z], personne vulnérable qui le considère comme un ami, de retirer sa plainte, ce dernier ayant entamé des démarches en ce sens ; <br> <br> - de garantir le maintien de la personne mise en examen à la disposition de la justice, en ce qu'il a des attaches ou des habitudes hors de France, ayant créé des sociétés en Grande-Bretagne et ouvert des comptes en Belgique et en Suisse. <br> <br> 21. Afin d'assurer ces objectifs, M. [P] sera astreint à se soumettre aux obligations précisées au dispositif.<br> <br> 22. Le magistrat chargé de l'information est compétent pour l'application des articles 139 et suivants et 141-2 et suivants du code de procédure pénale.<br> <br> 23. Le parquet général de cette Cour fera procéder aux diligences prévues par l'article 138-1 du code de procédure pénale.<br> <br> PAR CES MOTIFS, la Cour :<br> <br> CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai, en date du 14 janvier 2025 ;<br> <br> DIT n'y avoir lieu à renvoi ;<br> <br> CONSTATE que M. [P] est détenu sans titre depuis le 14 janvier 2025 dans la présente procédure ;<br> <br> ORDONNE la mise en liberté de M. [P] s'il n'est détenu pour autre cause ;<br> <br> ORDONNE le placement sous contrôle judiciaire de M. [P] ;<br> <br> DIT qu'il est soumis aux obligations suivantes :<br> <br> - ne pas sortir des limites territoriales suivantes : région Provence-Alpes-Côte d'Azur, sauf pour répondre aux convocations des autorités judiciaires et administratives ;<br> <br> - répondre aux convocations et se soumettre aux mesures de contrôle portant sur ses activités professionnelles ou sur son assiduité à un enseignement ainsi qu'aux mesures socio-éducatives destinées à favoriser son insertion sociale et à prévenir le renouvellement de l'infraction, en l'espèce auprès de l'association [4] sise [Adresse 2] ;<br> <br> - remettre, avant le 4 avril à 11 heures 00, en échange d'un récépissé valant justification de l'identité, au commissariat de police de [Localité 3], sis [Adresse 1] : son passeport et tous documents justificatifs d'identité ;<br> <br> - s'abstenir de recevoir ou de rencontrer, ainsi que d'entrer en relation avec elles, de quelque façon que ce soit, les personnes suivantes : MM. [D] [Z] et [G] [F] ;<br> <br> - fournir un cautionnement d'un montant de 100 000 euros pour garantir sa représentation en justice ainsi que le paiement de la réparation du dommage et des amendes : verser entre les mains de Madame la régisseuse des recettes près le tribunal judiciaire de Dunkerque par chèque de banque, en deux versements de 50 000 euros par mois, le 30 avril et le 31 mai, ce cautionnement garantissant :<br> <br> a) à concurrence de 10 000 euros, sa représentation en justice ;<br> <br> b) à concurrence de 90 000 euros, le paiement de la réparation des dommages causés par l'infraction et des amendes qui pourraient être prononcées ;<br> <br> - ne pas se livrer à l'activité professionnelle ou sociale suivante : gestion d'entreprise et démarchage ;<br> <br> - ne pas émettre de chèques autres que ceux qui permettent exclusivement le retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui sont certifiés et remettre au greffe du tribunal judiciaire de Dunkerque les formules de chèques dont l'usage est ainsi prohibé ; <br> <br> DÉSIGNE, pour veiller au respect des obligations prévues aux rubriques ci-dessus, chacun en ce qui les concerne, le commissaire de police de [Localité 3] et l'association [4] ;<br> <br> DÉSIGNE le magistrat chargé de l'information aux fins d'assurer le contrôle de la présente mesure de sûreté ;<br> <br> RAPPELLE qu'en application de l'article 141-2 du code de procédure pénale, toute violation de l'une quelconque des obligations ci-dessus expose la personne sous contrôle judiciaire à un placement en détention provisoire ;<br> <br> DIT que le parquet général de cette Cour fera procéder aux diligences prévues par l'article 138-1 du code de procédure pénale ;<br> <br> ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé. <br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du deux avril deux mille vingt-cinq.
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 2 avril 2025, 25-80.802, Publié au bulletin
CHAMBRE DE L'INSTRUCTION
2025-04-02
ECLI:FR:CCASS:2025:CR00607
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000051464892
ARRET
JURITEXT000051465015
CHAMBRE_CRIMINELLE
null
JURI
Cour de cassation
null
Rejet
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br>N° B 25-80.279 F-B<br> <br> N° 00632<br> <br> <br> RB5<br> 8 AVRIL 2025<br> <br> <br> REJET<br> <br> <br> M. BONNAL président,<br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E<br> ________________________________________<br> <br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, <br> DU 8 AVRIL 2025<br> <br> <br> <br> M. [K] [L] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 5e section, en date du 8 janvier 2025, qui, dans la procédure d'extradition suivie contre lui à la demande du gouvernement américain, a rejeté sa demande de mise en liberté.<br> <br> Un mémoire a été produit.<br> <br> Sur le rapport de Mme Merloz, conseiller référendaire, les observations de la SAS Zribi et Texier, avocat de M. [K] [L], et les conclusions de M. Dureux, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 8 avril 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Merloz, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,<br> <br> la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.<br> <br> Faits et procédure<br> <br> 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.<br> <br> 2. Le 23 octobre 2024, M. [K] [L] a été arrêté en exécution d'une demande d'arrestation provisoire décernée par le gouvernement des Etats-Unis d'Amérique aux fins de l'exercice de poursuites pénales, sur le fondement d'un mandat d'arrêt décerné le 22 octobre 2024 pour des faits qualifiés de fraude électronique et vol d'identité aggravé, punis respectivement de vingt ans et deux ans d'emprisonnement.<br> <br> 3. Le 25 octobre 2024, le procureur général a notifié la demande d'arrestation provisoire à M. [L], qui a été placé sous écrou extraditionnel.<br> <br> 4. La demande d'extradition est parvenue au ministère de l'Europe et des affaires étrangères le 18 décembre 2024.<br> <br> 5. Par déclaration reçue au greffe le 26 décembre suivant, M. [L] a formé une demande de mise en liberté.<br> <br> 6. La demande d'extradition a été notifiée à M. [L] le 6 janvier 2025.<br> <br> 7. M. [L] n'a pas consenti à son extradition.<br> <br> Examen des moyens<br> <br> Sur le premier moyen, pris en sa première branche, et les deuxième et troisième moyens<br> <br> 8. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.<br> <br> Sur le premier moyen, pris en ses autres branches<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de mise en liberté de M. [L], alors :<br> <br> « 2°/ que toute personne arrêtée doit être informée, dans le plus court délai et dans une langue qu'elle comprend, des raisons de son arrestation et de toute accusation portée contre elle ; que tout accusé a droit notamment à: être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu'il comprend et d'une manière détaillée, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui ; qu'il résulte de ce texte qu'une personne placée sous écrou extraditionnel, doit connaître dans les plus brefs délais, les raisons de sa demande d'extradition ; que cela implique que le parquet lui transmette les éléments relatifs à sa demande d'extradition, qui lui permettent de comprendre les raisons de son arrestation et de sa détention, ainsi que les accusations portées à son encontre dans les plus brefs délais à compter de la date à laquelle il les reçoit ; que la seule information de l'existence d'une demande d'arrestation provisoire, non accompagnée d'éléments suffisants quant à la raison de cette arrestation et la cause de l'accusation portée contre lui par l'Etat requérant ne saurait suppléer à cette absence de transmission ; qu'en jugeant le contraire, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 5 et 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;<br> <br> 3°/ que toute personne arrêtée doit être informée, dans le plus court délai et dans une langue qu'elle comprend, des raisons de son arrestation et de toute accusation portée contre elle ; que tout accusé a droit notamment à être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu'il comprend et d'une manière détaillée, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui ; que dès lors, une personne placée sous écrou extraditionnel, doit connaître dans les plus brefs délais, les raisons de sa demande d'extradition ; que cela implique que le parquet lui transmette les éléments relatifs à sa demande d'extradition, qui lui permettent de comprendre les raisons de son arrestation et de sa détention, ainsi que les accusations portées à son encontre dans les plus brefs délais à compter de la date à laquelle il les reçoit ; que la seule information de l'existence d'une demande d'arrestation provisoire, non accompagnée d'éléments suffisants quant à la raison de cette arrestation et la cause de l'accusation portée contre lui par l'Etat requérant ne saurait suppléer à cette absence de transmission ; qu'en jugeant que M. [L] avait dès le 25 octobre 2024 était informé par le parquet général de la demande d'arrestation provisoire préfigurant la demande d'extradition et de ses droits en matière de défense, pour en déduire qu'il était informé à court délai des raisons de son arrestation et de toute accusation portée contre lui, sans mieux s'expliquer sur les informations qui lui avaient été transmises à cette occasion, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 5 et 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;<br> <br> 4°/ que toute personne arrêtée doit être informée, dans le plus court délai et dans une langue qu'elle comprend, des raisons de son arrestation et de toute accusation portée contre elle ; que le placement sous écrou extraditionnel est une arrestation au sens de l'article 5 CESDH ; qu'en jugeant au contraire que M. [L] « n'était pas arrêté au sens de ces dispositions conventionnelles », la chambre de l'instruction a méconnu les articles 5 et 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;<br> <br> 5°/ que, toute personne arrêtée doit être informée, dans le plus court délai et dans une langue qu'elle comprend, des raisons de son arrestation et de toute accusation portée contre elle ; que M. [L], qui a fait l'objet d'un placement sous écrou extraditionnel le 25 octobre 2024, ne s'est vu transmettre que le 6 janvier 2025 les pièces relatives à la demande d'extradition lui permettant de comprendre les raisons de son arrestation et de l'accusation portée contre lui ; qu'en considérant qu'il avait été informé dans le plus court délai des raisons de son arrestation et de toute accusation portée contre lui, la chambre de l'instruction a violé les articles 5 et 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> 10. Pour rejeter le moyen pris de l'absence de notification à M. [L] des raisons de sa détention dans le plus court délai, exigé par les articles 5, § 2, et 6, § 3, de la Convention européenne des droits de l'homme et rejeter sa demande de mise en liberté, l'arrêt attaqué énonce que la demande d'extradition est parvenue le 18 décembre 2024 au ministère de l'Europe et des affaires étrangères, accompagnée des pièces requises par l'article 10 du Traité bilatéral d'extradition entre la France et les Etats-Unis, soit dans le délai de soixante jours exigé par l'article 13 dudit traité, et qu'elle est parvenue au ministère de la justice le 20 décembre suivant qui l'a transmise au procureur général le 23 décembre.<br> <br> 11. Les juges observent que le procureur général, qui a reçu la demande d'extradition le 31 décembre 2024, a convoqué M. [L] et son avocat le 2 janvier 2025 pour la notification de la demande d'extradition fixée le 6 janvier suivant.<br> <br> 12. Ils relèvent que, lors de cette comparution, M. [L] a été informé de la demande d'extradition et des pièces annexées et que son avocat a eu accès au dossier de la procédure d'extradition.<br> <br> 13. Ils en déduisent que la demande d'extradition a été transmise avec une particulière promptitude, soit le jour même de sa réception par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, puis par le ministère de la justice au procureur général qui l'a lui-même aussitôt traitée par une convocation quasi-immédiate aux fins de notification en tenant compte du délai nécessaire pour l'extraction de l'intéressé, de sorte qu'aucune négligence dans le traitement de la demande d'extradition ne ressort du dossier de la procédure.<br> <br> 14. Ils ajoutent que M. [L] a fait l'objet, le 23 octobre 2024, d'une demande d'arrestation provisoire, préfigurant la demande d'extradition, qui lui a été notifiée, ainsi que ses droits, par le procureur général dès le 25 octobre 2024, de sorte qu'il a été informé, dans le plus court délai et dans une langue qu'il comprenait, des raisons de son arrestation et de toute accusation portée contre lui au sens des articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.<br> <br> 15. En l'état de ces seules énonciations, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application des textes visés au moyen pour les motifs qui suivent.<br> <br> 16. En premier lieu, il résulte des pièces de la procédure, dont la Cour de cassation a le contrôle, que l'intéressé, arrêté le 23 octobre 2024 à 16 heures 35 sur le fondement d'une demande d'arrestation provisoire, en application des articles 13 du Traité bilatéral d'extradition entre la France et les Etats-Unis et 696-23 du code de procédure pénale, a été placé en rétention judiciaire et a été informé, à 17 heures, de l'objet de la demande et de ses droits, conformément aux articles 63-1 à 63-7 du code de procédure pénale, avant d'en recevoir lecture intégrale à 20 heures 30. Puis, il a été présenté au procureur général le 25 octobre suivant, à 10 heures 20, qui lui a notifié la demande d'arrestation provisoire, mentionnant la date des faits, leur qualification, les textes d'incrimination et les peines encourues, ainsi que ses droits, de sorte que l'intéressé a reçu des informations suffisantes quant aux raisons de son arrestation et de sa détention, dans le plus court délai, au sens de l'article 5, § 2, de la Convention européenne des droits de l'homme.<br> <br> 17. En second lieu, dès lors que l'intéressé a été informé, dans un tel délai, des raisons fondant la demande d'arrestation provisoire, préalable à la demande d'extradition, le procureur général n'était pas tenu de lui notifier la demande d'extradition avec cette même exigence de célérité.<br> <br> 18. Ainsi, le moyen, inopérant en sa quatrième branche, qui critique un motif erroné mais surabondant, et en sa cinquième branche, doit être écarté.<br> <br> 19. Par ailleurs, l'arrêt a été rendu par une chambre de l'instruction compétente et composée conformément à la loi, et la procédure est régulière.<br> <br> PAR CES MOTIFS, la Cour :<br> <br> REJETTE le pourvoi ;<br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du huit avril deux mille vingt-cinq.
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 8 avril 2025, 25-80.279, Publié au bulletin
null
2025-04-08
ECLI:FR:CCASS:2025:CR00632
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000051465015
ARRET
JURITEXT000051464978
CHAMBRE_CRIMINELLE
null
JURI
Cour de cassation
null
Non-admission
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br>N° A 24-81.033 FS-B<br> <br> N° 50426<br> <br> <br> ODVS<br> 8 AVRIL 2025<br> <br> <br> NON-ADMISSION<br> <br> <br> M. BONNAL président,<br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E<br> ________________________________________<br> <br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, <br> DU 8 AVRIL 2025<br> <br> <br> <br> M. [I] [H] et le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris ont formé des pourvois contre l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 12 février 2024, qui, dans la procédure suivie à Monaco des chefs de trafic d'influence actif et passif, prise illégale d'intérêts, blanchiment, corruption active et passive, a prononcé sur une contestation élevée en matière de saisie d'un document relevant de l'exercice des droits de la défense et couvert par le secret professionnel de la défense et du conseil.<br> <br> Les pourvois sont joints en raison de la connexité. <br> <br> Des mémoires et des observations complémentaires ont été produits.<br> <br> Sur le rapport de M. Seys, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Briard, Bonichot et associés, avocat de M. [I] [H], et les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris, et les conclusions de Mme Gulphe-Berbain, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 février 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Seys, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, MM. Cavalerie, Maziau, Dary, Mmes Thomas, Chaline-Bellamy, M. Hill, conseillers de la chambre, M. Violeau, Mme Merloz, M. Pradel, conseillers référendaires, Mme Gulphe-Berbain, avocat général, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,<br> <br> la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision. <br> <br> Faits et procédure<br> <br> 1. Il résulte de l'ordonnance attaquée et des pièces de la procédure ce qui suit.<br> <br> 2. Le 25 novembre 2021, une enquête a été ouverte par le procureur général de Monaco à la suite de la mise en cause, dans les médias, à raison de manquements à la probité susceptibles d'avoir été commis, notamment de M. [I] [H], avocat au barreau de Paris.<br> <br> 3. Une information a été ouverte à [Localité 1] le 13 juillet 2023 des chefs susvisés.<br> <br> 4. Les magistrats instructeurs monégasques ont, le 17 juillet 2023, adressé aux autorités judiciaires françaises une commission rogatoire visant à la réalisation d'une perquisition dans les locaux occupés par M. [H].<br> <br> 5. Le 18 juillet suivant, le juge d'instruction du tribunal judiciaire de Paris a saisi le juge des libertés et de la détention en vue d'une autorisation de perquisition sans assentiment aux cabinet et domicile de cet avocat.<br> <br> 6. Le même jour, ce dernier magistrat a rendu quatre ordonnances autorisant de telles investigations.<br> <br> 7. Des procès-verbaux de perquisition et saisie ont été établis le 19 juillet 2023.<br> <br> 8. Le 23 juillet suivant, le juge des libertés et de la détention a été saisi afin de prononcer sur la contestation des saisies opérées. <br> <br> 9. Par ordonnance du 6 février 2024, ce magistrat a notamment ordonné la restitution à M. [H] de certaines pièces et le versement à la procédure d'autres scellés.<br> <br> 10. Le procureur national financier, puis M. [H], ont exercé un recours contre cette décision. <br> <br> 11. M. [H] s'est désisté de son recours.<br> <br> Examen de la recevabilité du pourvoi formé par le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris<br> <br> 12. Il résulte de l'article 567 du code de procédure pénale qu'est recevable à se pourvoir en cassation toute personne partie à l'instance qui a donné lieu à l'arrêt attaqué lorsque ce dernier contient des dispositions susceptibles de lui faire grief. <br> <br> 13. Le bâtonnier n'est pas partie à la procédure dans le cours de laquelle sont effectuées les perquisitions et éventuelles saisies autorisées en application de l'article 56-1 du code de procédure pénale.<br> <br> 14. En revanche, il résulte des alinéas 3 à 6 et 8 de l'article 56-1 du code de procédure pénale que le bâtonnier est partie à l'instance distincte portée, sur sa contestation de la saisie, devant le juge des libertés et de la détention et devant le président de la chambre de l'instruction statuant sur recours, qui lui est ouvert. <br> <br> 15. Il s'ensuit qu'il reste partie à cette instance devant le président de la chambre de l'instruction, même lorsque, la décision du juge des libertés et de la détention ne lui faisant pas grief, il n'a pas lui-même exercé ce recours.<br> <br> 16. En l'espèce, l'ordonnance attaquée, en ce qu'elle a notamment ordonné le versement à la procédure de documents dont le juge des libertés et de la détention avait ordonné la restitution, est de nature à faire grief aux droits de la défense, dont le bâtonnier a pour mission générale d'assurer la protection. <br> <br> 17. Son pourvoi est dès lors recevable.<br> <br> Examen du moyen proposé pour M. [H]<br> <br> 18. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.<br> <br> Examen des moyens proposés pour le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris <br> <br> 19. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. <br> <br> PAR CES MOTIFS, la Cour :<br> <br> DÉCLARE les pourvois non admis. <br> <br> Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du huit avril deux mille vingt-cinq.
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 8 avril 2025, 24-81.033, Publié au bulletin
null
2025-04-08
ECLI:FR:CCASS:2025:CR50426
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000051464978
ARRET
JURITEXT000051464977
CHAMBRE_CRIMINELLE
null
JURI
Cour de cassation
null
Cassation partielle
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br>N° T 24-82.820 F-B<br> <br> N° 00495<br> <br> <br> GM<br> 9 AVRIL 2025<br> <br> <br> IRRECEVABILITE<br> REJET<br> CASSATION PARTIELLE<br> <br> <br> <br> M. BONNAL président,<br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E<br> ________________________________________<br> <br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, <br> DU 9 AVRIL 2025<br> <br> <br> <br> M. [O] [A], M. [U] [A] et M. [J] [A], ainsi que [G] [A] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'assises des mineurs des Ardennes, en date du 19 janvier 2024, qui a condamné, le premier, pour assassinat et tentative de meurtre, en récidive, à trente ans de réclusion criminelle, quinze ans d'interdiction de détenir ou porter une arme soumise à autorisation, dix ans d'inéligibilité, le deuxième, pour assassinat et violences aggravées, à quinze ans de réclusion criminelle et les mêmes peines complémentaires, le troisième, pour violences aggravées, à trois ans d'emprisonnement et cinq ans d'interdiction de paraître et, le quatrième, du même chef, à dix-huit mois d'emprisonnement et la même peine complémentaire, ainsi que contre l'arrêt du même jour par lequel la cour a prononcé sur les intérêts civils.<br> <br> Les pourvois sont joints en raison de la connexité. <br> <br> Un mémoire a été produit.<br> <br> Sur le rapport de Mme Leprieur, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers, avocat de M. [O] [A], M. [U] [A] et M. [J] [A], ainsi que de [G] [A], et les conclusions de Mme Viriot-Barrial, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Leprieur, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,<br> <br> la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. <br> <br> Faits et procédure<br> <br> 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.<br> <br> 2. Par arrêt du 7 octobre 2021, la chambre de l'instruction a ordonné la mise en accusation de MM. [O] [A], [U] [A] et [J] [A], ainsi que de [G] [A], le premier pour assassinat et tentative de meurtre, le deuxième pour assassinat et complicité de tentative de meurtre, les troisième et quatrième pour complicité d'assassinat et de tentative de meurtre. Du fait de la minorité de [G] [A] au moment des faits, elle a ordonné le renvoi des accusés devant la cour d'assises des mineurs. <br> <br> 3. Par arrêt pénal du 18 janvier 2023, la cour d'assises des mineurs a déclaré M. [O] [A] coupable de meurtre et violences aggravées, en récidive, et l'a condamné à vingt-cinq ans de réclusion criminelle à titre de peine principale. M. [U] [A], déclaré coupable de meurtre, a été condamné à la peine principale de quinze ans de réclusion criminelle. M. [J] [A] et [G] [A], déclarés coupables de violences aggravées, ont été condamnés respectivement à trois ans et dix-huit mois d'emprisonnement. Par arrêt civil du même jour, la cour a ordonné le renvoi sur les intérêts civils. <br> <br> 4. Les accusés ont relevé appel de ces décisions. Le ministère public a relevé appel de l'arrêt pénal. <br> <br> Examen de la recevabilité des pourvois formés pour MM. [O] et [U] [A]<br> <br> 5. Les demandeurs ayant épuisé, par l'exercice qu'ils en avaient fait personnellement, le droit de se pourvoir contre les arrêts attaqués, étaient irrecevables à se pourvoir à nouveau contre les mêmes décisions par l'intermédiaire de leur avocat. <br> <br> 6. Seuls sont recevables les pourvois formés personnellement par MM. [O] et [U] [A].<br> <br> Examen des moyens <br> <br> Sur les premier, deuxième, cinquième et sixième moyens<br> <br> 7. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission des pourvois au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.<br> <br> Sur le troisième moyen<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 8. Le moyen critique les arrêts attaqués en ce qu'ils ont déclaré MM. [O], [U], [J] et [G] [A] coupables d'assassinat et de violences aggravées sur les personnes de MM. [C] et [N] [X] et ont en conséquence prononcé sur la peine et les intérêts civils, alors «qu'il ressort du procès-verbal des débats que la présidente seule a invité un juré supplémentaire à remplacer un juré empêché sans intervention de la Cour, pourtant seule compétente pour le faire ; au cours des débats qui ont suivi, un expert a été auditionné à la barre, la présidente a donné lecture aux jurés des expertises psychiatriques des accusés réalisées pendant l'information ; puis la Cour après avoir par un premier arrêt incident donné acte à la défense de l'irrégularité du remplacement du jugé empêché par le président, a pris un deuxième arrêt incident pour excuser le juré défaillant et ordonné son remplacement par le premier juré supplémentaire et par un troisième arrêt incident a refusé de renvoyer l'affaire ; il résulte de ce déroulement qu'une partie des débats s'est tenue devant un jury irrégulièrement composé sans aucune régularisation des actes exécutés pendant cette période ; la cour d'assises a donc méconnu les articles 296 et 316 du code de procédure pénale, ensemble les articles 377 et 378 du même code. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> 9. Il résulte du procès-verbal des débats que, le 17 janvier 2024, la présidente a annoncé que le premier juré de jugement était dans l'impossibilité de reprendre ses fonctions, et a invité le premier juré supplémentaire à le remplacer sur-le-champ, ce que l'intéressé a fait. Les débats se sont poursuivis par l'audition d'un expert et par des lectures. <br> <br> 10. Puis, à la suite du dépôt de conclusions par la défense, un arrêt incident a été rendu par la cour, donnant acte aux parties qu'aucun arrêt de remplacement de juré n'avait été prononcé par la cour. Par un deuxième arrêt incident, la cour a ordonné le remplacement du juré défaillant par le premier juré supplémentaire. Par un troisième arrêt incident, la cour a rejeté la demande de renvoi présentée par les avocats des accusés, en énonçant que le premier juré supplémentaire avait assisté à l'intégralité des débats. <br> <br> 11. En statuant ainsi, la cour n'a méconnu aucun des textes visés au moyen, dès lors qu'il résulte des énonciations de son dernier arrêt incident qu'il n'a pas été porté atteinte au principe de la continuité des débats. <br> <br> 12. Le moyen doit en conséquence être écarté. <br> <br> Sur le quatrième moyen<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 13. Le moyen fait le même grief aux arrêts attaqués, alors « que la publicité restreinte prescrite devant la cour d'assises des mineurs par les articles L. 12-3 et L. 513-2 du code de la justice pénale des mineurs ne concerne que les débats et ne s'applique pas aux arrêts incidents qui doivent être rendus en audience publique ; en omettant en l'espèce de rétablir la publicité pour prononcer les trois arrêts incidents rendus par la Cour à la suite du contentieux relatif au remplacement du juré empêché, la cour d'assises des mineurs a violé le principe et les textes susvisés. » <br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> 14. Il n'est pas établi que la défense, qui était en mesure de le faire, ait sollicité un donné acte ou déposé des conclusions pour indiquer qu'un arrêt incident, ayant un caractère contentieux, avait été rendu sans que la publicité des débats ait été rétablie.<br> <br> 15. Le moyen, qui soulève pour la première fois devant la Cour de cassation un grief tiré d'une irrégularité affectant la procédure suivie à l'occasion du prononcé d'arrêts incidents, est, dès lors, irrecevable.<br> <br> Sur le septième moyen<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 16. Le moyen fait le même grief aux arrêts attaqués, alors « qu'il résulte du procès-verbal des débats que les témoins [K] [D], [C] [B], [I] [F] ont été entendus par visioconférence alors qu'ils se trouvaient dans les locaux d'une gendarmerie ; lorsque des personnes sont entendues en qualité de témoins par visioconférence devant la Cour d'assises, ces auditions doivent être faites de façon à ce qu'ils parlent sans haine et sans crainte dans des conditions permettant le respect absolu de la liberté de parole et de leur indépendance ; ces exigences supposent que l'audition par visioconférence se fait à partir des locaux d'une juridiction et non des locaux d'une gendarmerie ; les auditions précitées des témoins entendus dans des locaux de gendarmerie à la suite de l'exécution de mandats d'amener délivrés à leur encontre, n'ont pas été conduites dans le respect de ces principes et sont donc intervenues en violation des articles 331, 706-71 et R. 53-37 du code de procédure pénale. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> 17. Il résulte des mentions du procès-verbal des débats que trois témoins, contre lesquels des mandats d'amener avaient été délivrés, ont été entendus en visio-conférence depuis une brigade territoriale de gendarmerie. Aucune observation n'a été faite par les parties. <br> <br> 18. En statuant ainsi, la cour d'assises n'a méconnu aucun des textes visés au moyen. <br> <br> 19. En effet, l'audition d'un témoin devant la cour d'assises peut être effectuée par visio-conférence alors que le témoin se trouve dans des locaux de gendarmerie ou de police, peu important que cette audition ait lieu à la suite de la notification ou l'exécution d'un mandat d'amener. <br> <br> 20. Si les parties estiment que les conditions dans lesquelles la déposition est effectuée portent atteinte à leurs droits, il leur appartient de présenter une demande de donné-acte ou d'élever un incident contentieux . <br> <br> 21. A défaut, le moyen, présenté pour la première fois devant la Cour de cassation, est irrecevable.<br> <br> 22. Ainsi, le moyen ne peut être accueilli.<br> <br> Mais sur le huitième moyen<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 23. Le moyen critique l'arrêt pénal attaqué en ce qu'il a condamné M. [J] [A] et [G] [A] pour violences avec préméditation et violences en réunion, aux peines respectives de trois ans et dix-huit mois de prison soit le maximum de la peine encourue pour chacun d'eux ([G] [A] étant mineur lors des faits) « à la majorité de huit voix », alors « que le secret du délibéré interdit que soit énoncée de façon exacte la majorité à laquelle s'est formée une décision et notamment une décision sur la peine ; le nombre de voix ne peut être autrement exprimé en cas de décision devant être prise à la majorité qualifiée que par la mention qu'elle a été acquise à la majorité « de huit voix au moins » ; en énonçant la majorité à laquelle la peine la plus lourde a été prononcée contre [J] et [G] [A] comme étant la majorité de huit voix, et non la majorité de huit voix au moins, la Cour a violé le principe du secret du délibéré et les articles 353, 359, 360, 362 du code de procédure pénale et 222-13 du code pénal. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> Vu les articles 359 et 360 du code de procédure pénale :<br> <br> 24. Aux termes du premier de ces textes, toute décision défavorable à l'accusé se forme à la majorité de sept voix au moins lorsque la cour d'assises statue en premier ressort et à la majorité de huit voix au moins lorsque la cour d'assises statue en appel.<br> <br> 25. Aux termes du second, la déclaration, lorsqu'elle est affirmative, constate que la majorité de voix exigée par l'article 359 a été acquise sans que le nombre de voix puisse être autrement exprimé.<br> <br> 26. En l'espèce, il résulte de la feuille de questions que la cour et le jury ont prononcé la peine maximale encourue à l'encontre de M. [J] [A] et de [G] [A] « à la majorité qualifiée de 8 voix ». <br> <br> 27. En l'état de ces énonciations, qui indiquent le nombre de voix qui se sont exprimées en faveur de la peine maximale, la cour d'assises a méconnu les textes susvisés.<br> <br> 28. La cassation est, dès lors, encourue. <br> <br> Portée et conséquences de la cassation<br> <br> 29. La cassation sera limitée aux dispositions relatives aux peines concernant M. [J] [A] et [G] [A]. Les dispositions de l'arrêt pénal concernant MM. [O], [U] et [E] [A], ainsi que toutes celles de l'arrêt civil, seront donc maintenues. <br> <br> 30. La cassation entraînera, sauf s'ils sont détenus pour autre cause, la remise en liberté de M. [J] [A] et de [G] [A], qui ont comparu libres devant la cour d'assises statuant en appel.<br> <br> PAR CES MOTIFS, la Cour :<br> <br> Sur les pourvois formés pour MM. [O] et [U] [A] : <br> <br> Les DÉCLARE IRRECEVABLES ; <br> <br> Sur les pourvois formés par MM. [O] et [U] [A] : <br> <br> Les REJETTE ; <br> <br> Sur les pourvois formés par M. [J] [A] et [G] [A] : <br> <br> CASSE et ANNULE l'arrêt pénal susvisé de la cour d'assises des mineurs des Ardennes, en date du 19 janvier 2024, mais en ses seules dispositions relatives aux peines prononcées à l'encontre de M. [J] [A] et de [G] [A], toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;<br> <br> ORDONNE la mise en liberté de M. [J] [A] et de [G] [A], s'ils ne sont pas détenus pour autre cause ; <br> <br> Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,<br> <br> RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'assises des mineurs de la Marne, siégeant sans l'assistance des jurés, conformément à l'article 286-1 du code de procédure pénale, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;<br> <br> ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'assises des Ardennes et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé. <br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du neuf avril deux mille vingt-cinq.
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 9 avril 2025, 24-82.820, Publié au bulletin
null
2025-04-09
ECLI:FR:CCASS:2025:CR00495
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000051464977
ARRET
JURITEXT000051464976
CHAMBRE_CRIMINELLE
null
JURI
Cour de cassation
null
Cassation partielle
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br>N° B 23-86.596 F-B<br> <br> N° 00470<br> <br> <br> ODVS<br> 8 AVRIL 2025<br> <br> <br> CASSATION PARTIELLE<br> IRRECEVABILITE<br> <br> M. BONNAL président,<br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E<br> ________________________________________<br> <br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, <br> DU 8 AVRIL 2025<br> <br> <br> <br> Mme [K] [L], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-7, en date du 10 novembre 2023, qui l'a déboutée de ses demandes après relaxe de Mme [C] [D] du chef d'outrage. <br> <br> Des mémoires ont été produits, en demande et en défense. <br> <br> Sur le rapport de Mme Thomas, conseiller, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de Mme [K] [L], les observations de Me Brouchot, avocat de Mme [C] [D], et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Thomas, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,<br> <br> la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. <br> <br> Faits et procédure<br> <br> 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.<br> <br> 2. Mme [C] [D] a été poursuivie du chef d'outrage envers une personne chargée d'une mission de service public, la plaignante exerçant les fonctions de gardienne d'immeuble pour le compte de la Régie immobilière de la ville de [Localité 1].<br> <br> 3. Par jugement du 8 octobre 2021, le tribunal correctionnel a déclaré la prévenue coupable et l'a condamnée à indemniser le préjudice de la plaignante.<br> <br> 4. Mme [D] a relevé appel de cette décision, et le ministère public appel incident.<br> <br> Examen de la recevabilité du pourvoi<br> <br> 5. Il résulte de l'article 567 du code de procédure pénale que la partie civile est sans qualité pour contester le bien-fondé de la décision rendue sur l'action publique.<br> <br> 6. Le pourvoi doit en conséquence être déclaré irrecevable en tant qu'il est dirigé contre les dispositions pénales de l'arrêt attaqué.<br> <br> Examen du moyen<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 7. Le moyen, pris en ses première et deuxième branches, critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a relaxé la prévenue des fins de la poursuite et a en conséquence débouté la partie civile de ses demandes d'indemnisation, alors :<br> <br> « 1°/ que l'outrage est caractérisé lorsque des paroles, gestes ou menaces sont adressés à une personne chargée d'une mission de service public ; que l'existence d'une mission de service public ne dépend pas de l'attribution de prérogatives de puissance publique ; qu'en considérant que « pour être chargée d'une mission de service public une personne doit s'être vu confier la gestion d'une politique qui relève des prérogatives des pouvoirs publics », pour en déduire que la partie civile n'était pas chargée d'une mission de service public, la cour d'appel a méconnu l'article 433-5 du code pénal ;<br> <br> 2°/ que l'outrage est caractérisé à l'égard d'une personne chargée d'une mission de service public, au nombre desquelles figurent les agents exerçant pour le compte d'un bailleur des fonctions de gardiennage ou de surveillance d'immeubles à usage d'habitation ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que la partie civile exerçait des fonctions de gardienne d'immeubles abritant des logements sociaux pour la Régie immobilière de la ville de [Localité 1], en sorte qu'elle était chargée d'une mission de service public et que les agressions verbales poursuivies relevaient de l'infraction d'outrage ; qu'en retenant que tel n'était pas le cas, la cour d'appel a méconnu l'article 433-5 du code pénal. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> Vu l'article 433-5 du code pénal :<br> <br> 8. Selon ce texte, constituent un outrage les paroles, gestes ou menaces, les écrits ou images de toute nature non rendus publics ou l'envoi d'objets quelconques adressés à une personne chargée d'une mission de service public, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de sa mission, de nature à porter atteinte à sa dignité ou au respect dû à la fonction dont elle est investie.<br> <br> 9. Pour dénier à la plaignante, gardienne d'immeuble pour le compte de la Régie immobilière de la ville de [Localité 1], la qualité de personne chargée d'une mission de service public, l'arrêt attaqué énonce que son employeur est une société anonyme à conseil d'administration et qu'il n'est donc pas établi que la salariée se soit vu confier la gestion d'une politique publique et soit ainsi chargée d'une mission de service public.<br> <br> 10. En statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.<br> <br> 11. En effet, doit être regardée comme chargée d'une mission de service public, au sens de l'article 433-5 du code pénal, toute personne chargée, directement ou indirectement, d'accomplir des actes ayant pour but de satisfaire à l'intérêt général, peu important qu'elle ne dispose d'aucun pouvoir de décision au nom de la puissance publique.<br> <br> 12. En l'espèce, la partie civile exerce les fonctions de gardienne d'immeuble pour le compte d'un bailleur social, et ses fonctions participent à satisfaire à l'intérêt général de sécurité et de tranquillité des lieux défendu par les pouvoirs publics, ainsi qu'en témoigne la convention de partenariat signée à cette fin entre le préfet, le procureur de la République, la commune et le bailleur social concerné qui est produite au débat.<br> <br> 13. À ce titre, la partie civile, qui a dénoncé des faits survenus dans l'exercice de ses fonctions, devait se voir reconnaître la qualité de personne chargée d'une mission de service public au sens de l'article précité.<br> <br> 14. La cassation est par conséquent encourue de ce chef, sans qu'il y ait lieu d'examiner le troisième grief.<br> <br> Portée et conséquences de la cassation<br> <br> 15. La cassation sera limitée aux seules dispositions civiles de l'arrêt, la relaxe de la prévenue ayant acquis autorité de chose jugée. Les autres dispositions seront donc maintenues.<br> <br> PAR CES MOTIFS, la Cour :<br> <br> Sur le pourvoi formé contre les dispositions pénales :<br> <br> Le DÉCLARE IRRECEVABLE ;<br> <br> Sur le pourvoi formé contre les dispositions civiles :<br> <br> CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 10 novembre 2023, mais en ses seules dispositions civiles, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;<br> <br> Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,<br> <br> RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;<br> <br> ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé. <br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du huit avril deux mille vingt-cinq.
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 8 avril 2025, 23-86.596, Publié au bulletin
null
2025-04-08
ECLI:FR:CCASS:2025:CR00470
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000051464976
ARRET
JURITEXT000051464676
CHAMBRE_CRIMINELLE
null
JURI
Cour de cassation
La nomenclature de l'article R. 414-27 du code de l'environnement, qui instaure un régime spécial d'autorisation et de déclaration propre aux sites Natura 2000, est distincte des seuils limitativement énumérés à l'article R. 214-1 du même code dont la méconnaissance est sanctionnée à l'article L. 173-1 de ce code. Encourt dès lors la cassation la cour d'appel qui déclare le prévenu coupable d'exécution sans autorisation de travaux nuisibles à l'eau ou au milieu aquatique, au seul motif qu'il a réalisé sur sa propriété un drainage dont un point de rejet est situé sur un site Natura 2000
Cassation sans renvoi
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br>N° F 24-81.176 F-B<br> <br> N° 00424<br> <br> <br> SB4<br> 1ER AVRIL 2025<br> <br> <br> CASSATION SANS RENVOI<br> <br> <br> M. BONNAL président,<br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E<br> ________________________________________<br> <br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, <br> DU 1ER AVRIL 2025<br> <br> <br> <br> M. [X] [D] a formé un pourvoi contre l'arrêt n° 23 de la cour d'appel de Metz, chambre correctionnelle, en date du 25 janvier 2024, qui, pour infraction au code de l'environnement, l'a condamné à cinq mois d'emprisonnement avec sursis, a ordonné la remise en état des lieux sous astreinte, et a prononcé sur les intérêts civils. <br> <br> Des mémoires ont été produits, en demande et en défense. <br> <br> Sur le rapport de M. Coirre, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [X] [D], les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la Mairie du [Localité 2], et les conclusions de M. Bigey, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Coirre, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,<br> <br> la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. <br> <br> Faits et procédure<br> <br> 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.<br> <br> 2. La commune du [Localité 2] a déposé plainte contre M. [X] [D] pour avoir, à des fins de drainage, procédé sans autorisation au busage de l'affluent d'un cours d'eau traversant son exploitation agricole.<br> <br> 3. M. [D] a été poursuivi devant le tribunal correctionnel, notamment, du chef d'exécution sans autorisation de travaux nuisibles à l'eau ou au milieu aquatique.<br> <br> 4. La juridiction du premier degré a déclaré le prévenu coupable de ce délit et l'a condamné à cinq mois d'emprisonnement avec sursis, 5 000 euros d'amende, la remise en état des lieux sous astreinte avec exécution provisoire, et a prononcé sur les intérêts civils.<br> <br> 5. Le prévenu et le ministère public ont relevé appel de cette décision.<br> <br> Examen des moyens<br> <br> Sur le premier moyen, pris en ses troisième et quatrième branches, et le second moyen, pris en sa troisième branche<br> <br> 6. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.<br> <br> Mais sur le premier moyen, pris en ses autres branches<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [D] coupable des faits d'exécution sans autorisation de travaux nuisibles à l'eau ou au milieu aquatique, alors :<br> <br> « 1°/ que l'article L. 173-1 I du code de l'environnement incrimine le fait, sans l'autorisation, l'enregistrement, l'agrément, l'homologation ou la certification mentionnés aux articles L. 214-3, L. 512-1, L. 512-7, L. 555-1, L. 571-2, L. 571-6 et L. 712-1 exigé pour un acte, une activité, une opération, une installation ou un ouvrage, de conduire ou effectuer cette opération ; qu'en faisant application, pour déclarer M. [D] coupable d'exécution sans autorisation de travaux nuisibles à l'eau ou au milieu aquatique, du régime institué aux articles L. 414-1 et suivants du même code s'agissant du Natura 2000 (arrêt p. 9) et notamment du tableau figurant sous l'article R. 414-27 (arrêt p. 10), cependant que l'article L. 173-1 I du code de l'environnement, fondement des poursuites (arrêt p. 3), ne fait aucune référence à l'autorisation mentionnée l'article L. 414-4, IV, du même code, la cour d'appel a violé par fausse application les articles L. 414-4 et R. 414-27 du code de l'environnement ;<br> <br> 2°/ que subsidiairement, la législation et réglementation propres aux sites Natura 2000, soumettant certains programmes et projets à autorisation en application des articles L. 414-4, IV, et R. 424-27 du code de l'environnement est distincte de la législation et réglementation prévues par les articles L. 214-3 et R. 214-1 du même code ; que les juges ne peuvent statuer que sur les faits dont ils sont saisis à moins que le prévenu n'accepte expressément d'être jugé sur des faits distincts de ceux visés par la prévention ; qu'en faisant application, pour déclarer M. [D] coupable d'exécution sans autorisation de travaux nuisibles à l'eau ou au milieu aquatique, du « régime »« institué aux articles L. 414-1 et suivants du même code s'agissant du Natura 2000 » qui est « dérogatoire » à celui prévu aux articles L. 214-1, L. 214-2, L. 214-3 et R. 214-1 du code de l'environnement (arrêt p. 9) et notamment du tableau figurant sous l'article R. 414-27 pour retenir que les travaux de drainage étaient soumis à autorisation dès lors qu'un point de rejet était situé en l'espèce en site Natura 2000 (arrêt p. 10), cependant que M. [D] a été poursuivi pour l'exécution sans autorisation administrative de travaux de drainage sur le fondement des articles L. 214-1, L. 214-3 et R. 214-1 du code de l'environnement (arrêt p. 3) soumettant à déclaration la réalisation de réseaux de drainage permettant le drainage d'une superficie supérieure à 20 ha mais inférieure à 100 ha, la cour d'appel a excédé sa saisine et a violé l'article 388 du code de procédure pénale. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> Vu les articles L. 173-1, L. 214-1, L. 214-3 et R. 214-1 du code de l'environnement :<br> <br> 8. Il résulte de ces textes qu'est soumise à autorisation la réalisation de travaux permettant le drainage d'une superficie d'au moins 100 ha et à déclaration la réalisation de tels travaux sur une superficie supérieure à 20 ha mais inférieure à 100 ha.<br> <br> 9. Pour déclarer le prévenu coupable d'exécution sans autorisation de travaux nuisibles à l'eau ou au milieu aquatique, l'arrêt attaqué énonce, par motifs propres et adoptés, que la surface drainée sur les parcelles lui appartenant est de 5,80 ha.<br> <br> 10. Les juges observent qu'un régime dérogatoire, propre aux sites classés Natura 2000, est institué aux articles L. 414-1 et suivants du code de l'environnement.<br> <br> 11. Ils ajoutent qu'il résulte de l'article R. 414-27 du même code que la réalisation de réseaux de drainage est soumise à autorisation lorsqu'ils portent sur une superficie supérieure à un hectare pour la partie de la réalisation prévue à l'intérieur d'un site Natura 2000 ou lorsque le point de rejet se situe sur un tel site.<br> <br> 12. Ils relèvent que s'il n'est pas établi en l'espèce que le drainage réalisé porte sur une superficie supérieure à un hectare pour la partie se trouvant à l'intérieur d'un site Natura 2000, un point de rejet est situé sur un tel site, soit la sortie présente sur la parcelle n° [Cadastre 1].<br> <br> 13. Ils en déduisent que les travaux étaient soumis à autorisation préalable de l'autorité administrative compétente.<br> <br> 14. En statuant ainsi, alors que la nomenclature de l'article R. 414-27 du code de l'environnement, qui instaure un régime spécial d'autorisation et de déclaration propre aux sites Natura 2000, est distincte des seuils limitativement énumérés à l'article R. 214-1 du même code dont la méconnaissance est sanctionnée à l'article L. 173-1 de ce code, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés. <br> <br> 15. La cassation est par conséquent encourue.<br> <br> Portée et conséquences de la cassation<br> <br> 16. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire. <br> <br> PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit besoin d'examiner le second moyen de cassation proposé, la Cour :<br> <br> CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Metz, en date du 25 janvier 2024 ;<br> <br> DIT n'y avoir lieu à renvoi ;<br> <br> DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;<br> <br> RAPPELLE que du fait de la présente décision, le jugement de première instance perd toute force exécutoire ;<br> <br> ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Metz et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé. <br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du premier avril deux mille vingt-cinq.
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 1 avril 2025, 24-81.176, Publié au bulletin
PROTECTION DE LA NATURE ET DE L'ENVIRONNEMENT
2025-04-01
ECLI:FR:CCASS:2025:CR00424
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000051464676
ARRET
JURITEXT000051151244
CHAMBRE_CRIMINELLE
null
JURI
Cour de cassation
En cas de constat de l'infraction de travail dissimulé, les majorations du montant du redressement des cotisations et contributions sociales prévues à l'article L. 243-7-7 du code de la sécurité sociale, les suppressions des mesures de réduction ou d'exonération de cotisations et contributions de sécurité sociale prévues par l'article L. 133-4-2 dudit code et les pénalités prévues par les articles R. 243-12 et R. 243-13 dudit code revêtent le caractère d'une punition, et ne peuvent, à ce titre, à la différence des intérêts de retard et de la majoration principale de 5 % prévue par l'article R. 243-16, I, du même code, qui indemnisent un préjudice, entrer dans l'évaluation du dommage subi par l'URSSAF
Cassation partielle
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br>N° J 23-81.543 F-B N° 00053 <br> <br> ODVS <br> 21 JANVIER 2025 <br> CASSATION PARTIELLE<br> <br> <br> M. BONNAL président,<br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E<br> ________________________________________<br> <br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, <br> DU 21 JANVIER 2025<br> <br> <br> <br> M. [T] [R] et la société [1] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux, chambre correctionnelle, en date du 4 novembre 2022, qui, dans la procédure suivie contre eux des chefs de travail dissimulé et prêt illicite de main-d'oeuvre, a prononcé sur les intérêts civils.<br> <br> Les pourvois sont joints en raison de la connexité. <br> <br> Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits.<br> <br> Sur le rapport de M. Michon, conseiller référendaire, les observations de Me Haas, avocat de M. [T] [R] et la société [1], les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF du Limousin, et les conclusions de M. Dureux, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 10 décembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Michon, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. <br> <br> Faits et procédure<br> <br> 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.<br> <br> 2. A l'issue d'une information, la société [1] et son gérant, M. [T] [R], ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel des chefs précités.<br> <br> 3. Par arrêt du 19 mai 2022, devenu définitif, la cour d'appel, confirmant partiellement le jugement, a, notamment, déclaré les prévenus coupables de faits de travail dissimulé et de prêt illicite de main-d'oeuvre, et renvoyé l'affaire sur intérêts civils.<br> <br> Examen des moyens<br> <br> Sur le premier moyen et le deuxième moyen, pris en ses première à troisième branches<br> <br> 4. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.<br> <br> Mais sur le moyen relevé d'office et mis dans le débat, sur le deuxième moyen, pris en sa cinquième branche, et sur le troisième moyen<br> <br> Enoncés des moyens<br> <br> 5. Le moyen relevé d'office est pris de la violation des articles 1240 du code civil, 2 et 3 du code de procédure pénale.<br> <br> 6. Le deuxième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné les prévenus à verser la somme de 364 777 euros au titre des annulations d'exonération de charges alors :<br> <br> « 5°/ que seul le préjudice direct et personnel résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ; qu'en prenant en considération, dans l'évaluation du préjudice de l'Urssaf, l'annulation des exonérations de cotisations dont ont bénéficié les trois sociétés sous-traitantes, cependant qu'une telle annulation ne constitue pas une composante du préjudice de l'Urssaf mais une simple sanction administrative qu'il appartient à l'Urssaf de mettre directement en oeuvre, la cour d'appel a méconnu les articles 2 et 593 du code de procédure pénale. »<br> <br> 7. Le troisième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné les prévenus à verser la somme de 138 754 euros au titre des annulations d'exonération de charges de la société [1] alors « que seul le préjudice direct et personnel résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ; qu'en considérant que l'exonération de cotisations dont ont bénéficié la société [1] et sn gérant, au titre des années 2014 et 2015, causait nécessairement un préjudice à l'Urssaf, cependant qu'une telle annulation ne constitue pas une composante de son préjudice mais une simple sanction administrative qu'il appartient à l'Urssaf de mettre directement en oeuvre, la cour d'appel a méconnu les articles 2 et 593 du code de procédure pénale. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> Vu les articles 1240 du code civil, 2, 3 et 593 du code de procédure pénale: <br> <br> 8. Il résulte du premier de ces textes que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties.<br> <br> 9. Il résulte des deux suivants que le droit à réparation appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage, matériel ou moral, découlant des faits, objet de la poursuite.<br> <br> 10. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.<br> <br> 11. Pour condamner M. [R] et la société [1] à verser diverses sommes à l'URSSAF, l'arrêt attaqué énonce que la partie civile a procédé au calcul des cotisations éludées au regard du nombre de salariés et des heures non déclarées en y appliquant les majorations et pénalités légales.<br> <br> 12. En se déterminant ainsi, alors qu'en cas de constat de l'infraction de travail dissimulé, les majorations du montant du redressement des cotisations et contributions sociales prévues à l'article L. 243-7-7 du code de la sécurité sociale, les suppressions des mesures de réduction ou d'exonération de cotisations et contributions de sécurité sociale prévues par l'article L. 133-4-2 dudit code et les pénalités prévues par les articles R. 243-12 et R. 243-13 dudit code revêtent le caractère d'une punition, et ne peuvent, à ce titre, à la différence des intérêts de retard et de la majoration principale de 5 % prévue par l'article R. 243-16, I, du même code, qui indemnisent un préjudice, entrer dans l'évaluation du dommage subi par l'URSSAF, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.<br> <br> 12. La cassation est par conséquent encourue de ce chef sans qu'il y ait lieu d'examiner le quatrième grief. <br> <br> Portée et conséquences de la cassation<br> <br> 13. La cassation à intervenir ne concerne que le montant des sommes allouées à l'URSSAF au titre de son préjudice. Les autres dispositions seront donc maintenues.<br> <br> PAR CES MOTIFS, la Cour :<br> <br> CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Bordeaux en date du 4 novembre 2022, mais en ses seules dispositions relatives aux sommes allouées à l'URSSAF au titre de son préjudice, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;<br> <br> Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,<br> <br> RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;<br> <br> ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Bordeaux et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé. <br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un janvier deux mille vingt-cinq.
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 21 janvier 2025, 23-81.543, Publié au bulletin
ACTION CIVILE
2025-01-21
ECLI:FR:CCASS:2025:CR00053
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000051151244
ARRET
JURITEXT000051151532
CHAMBRE_CRIMINELLE
null
JURI
Cour de cassation
Les décisions rendues par le juge des libertés et de la détention sur le fondement de l'article 706-137 du code de procédure pénale, privatives ou restrictives de liberté, sont susceptibles d'appel, en l'absence de disposition législative spéciale contraire
Cassation
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br>N° D 23-86.184 F-B<br> <br> N° 00140<br> <br> <br> GM<br> 5 FÉVRIER 2025<br> <br> <br> CASSATION<br> <br> <br> M. BONNAL président,<br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E<br> ________________________________________<br> <br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, <br> DU 5 FÉVRIER 2025<br> <br> <br> M. [G] [T] a formé un pourvoi contre l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 7 septembre 2023, qui a déclaré irrecevable son appel de la décision du juge des libertés et de la détention ayant refusé la modification d'une mesure de sûreté prononcée à l'occasion d'une déclaration d'irresponsabilité pénale. <br> <br> Un mémoire a été produit.<br> <br> Sur le rapport de Mme Guerrini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de M. [G] [T], et les conclusions de M. Bougy, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 janvier 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Guerrini, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,<br> <br> la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. <br> <br> Faits et procédure<br> <br> 1. Il résulte de l'ordonnance attaquée et des pièces de procédure ce qui suit.<br> <br> 2. Par arrêt du 22 juillet 2020, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bastia a relevé qu'il existe des charges suffisantes contre M. [G] [T] d'avoir commis des faits d'assassinat, et l'a déclaré pénalement irresponsable en raison d'un trouble psychique ou neuro-psychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes au moment des faits.<br> <br> 3. La juridiction a ordonné l'admission en soins psychiatriques de M. [T] sous la forme d'une hospitalisation complète et lui a fait interdiction, pour une durée de vingt ans, de paraître sur l'ensemble des deux départements de la Corse. <br> <br> 4. M. [T] a sollicité la levée de cette interdiction.<br> <br> 5. Par ordonnance du 21 avril 2023, le juge des libertés et de la détention a rejeté cette requête.<br> <br> 6. M. [T] a relevé appel de cette décision.<br> <br> Examen du moyen <br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevable l'appel formé contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention ayant rejeté la requête de M. [T] en modification de son interdiction de paraître sur les deux départements de Corse, alors :<br> <br> « 1°/ qu'en vertu de l'article 706-137 du code de procédure pénale la personne faisant l'objet d'une mesure prononcée en application des articles 706-136 ou 706-136-1 peut demander au juge des libertés et de la détention du lieu de la situation de l'établissement hospitalier ou de son domicile d'ordonner la modification ou sa levée ; qu'aucun texte du code de procédure pénale ne prévoit l'impossibilité de saisir la chambre de l'instruction d'un appel contre une décision de rejet ; qu'en l'espèce, [G] [T] a été reconnu coupable des faits d'assassinat, déclaré irresponsable pénalement de ces faits, admis en soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète et a eu interdiction pour une durée de 20 ans de paraitre sur l'ensemble des deux départements de la collectivité Corse ; qu'il a demandé par requête la modification de son interdiction de paraître sur les deux départements de Corse, ce qui lui a été refusée par une ordonnance du juge des libertés et de la détention ; qu'en déclarant irrecevable l'appel formé contre cette ordonnance, sur le seul fondement de l'article 186 du code de procédure pénale, bien que ce texte limite uniquement le droit d'appel de la personne mise en examen ou de la partie civile, le président de la chambre de l'instruction a violé les articles 186, 186-3, 706-136, 706-137, 591 à 593 du code de procédure pénale.<br> <br> 2°/ que les mesures édictées en vertu des articles 706-136 et 706-137 du code de procédure pénale doivent être assimilées à des peines ; que les décisions portant sur ces mesures sont donc susceptibles d'appel ; qu'en déclarant irrecevable l'appel formé contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention qui a rejeté sa requête tendant à la modification de son interdiction de paraître sur les deux départements de Corse, le président de la chambre de l'instruction a violé les articles 6, 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, 2 du protocole 7 de la même Convention, ensemble les articles 186, 186-3, 706-136, 706-137, 591 à 593 du code de procédure pénale. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> Vu l'article 706-137 du code de procédure pénale : <br> <br> 8. Les décisions rendues par le juge des libertés et de la détention sur le fondement du texte susvisé, privatives ou restrictives de liberté, sont susceptibles d'appel, en l'absence de disposition législative spéciale contraire. <br> <br> 9. Pour déclarer irrecevable l'appel formé par M. [T] contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention ayant rejeté sa requête en relèvement de l'interdiction de paraître, l'ordonnance attaquée retient que cette décision n'entre pas dans les prévisions de l'article 186 du code de procédure pénale.<br> <br> 10. En se déterminant ainsi, la présidente de la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé.<br> <br> 11. La cassation est par conséquent encourue.<br> <br> Portée et conséquences de la cassation<br> <br> 12. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire. <br> <br> PAR CES MOTIFS, la Cour :<br> <br> CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance susvisée du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 7 septembre 2023 ;<br> <br> DÉCLARE l'appel recevable ;<br> <br> DIT n'y avoir lieu à renvoi ;<br> <br> ORDONNE le retour de la procédure devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement présidée ;<br> <br> ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'ordonnance annulée. <br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du cinq février deux mille vingt-cinq.
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 5 février 2025, 23-86.184, Publié au bulletin
PEINES
2025-02-05
ECLI:FR:CCASS:2025:CR00140
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000051151532
ARRET
JURITEXT000051399935
CHAMBRE_CRIMINELLE
Articles 19 et 41-3 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958.
JURI
Cour de cassation
Il résulte des dispositions des articles 19 et 41-3 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 que les personnes accomplissant un stage préalable à un détachement judiciaire, si elles peuvent assister aux délibérés des cours d'assises, ne peuvent y participer avec voix consultative
Cassation
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br>N° Q 24-83.369 F-B<br> <br> N° 00397<br> <br> <br> RB5<br> 26 MARS 2025<br> <br> <br> CASSATION<br> <br> <br> M. BONNAL président,<br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E<br> ________________________________________<br> <br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, <br> DU 26 MARS 2025<br> <br> <br> <br> M. [H] [J] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'assises des Hauts-de-Seine, en date du 25 avril 2024, qui, pour viols et agression sexuelle, aggravés, l'a condamné à dix-sept ans de réclusion criminelle, cinq ans de suivi socio-judiciaire, l'interdiction définitive d'activité en lien avec les mineurs, ainsi que contre l'arrêt du même jour par lequel la cour a prononcé sur les intérêts civils. <br> <br> Un mémoire a été produit.<br> <br> Sur le rapport de M. Tessereau, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers, avocat de M. [H] [J], et les conclusions de M. Fusina, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 février 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Tessereau, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,<br> <br> la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. <br> <br> Faits et procédure<br> <br> 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.<br> <br> 2. M. [H] [J] a été mis en accusation devant la cour d'assises des chefs susvisés. <br> <br> 3. Cette juridiction l'a déclaré coupable, l'a condamné à quinze ans de réclusion criminelle, cinq ans de suivi-socio judiciaire, et une interdiction définitive d'exercer une activité en contact avec des mineurs, puis a prononcé sur les intérêts civils. <br> <br> 4. M. [J] a relevé appel de ces décisions, et le ministère public a formé appel incident.<br> <br> Examen des moyens<br> <br> Sur le premier moyen<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 5. Le moyen critique les arrêts attaqués en ce que le procès-verbal des débats indique que «  [G] [M], détaché judiciaire près la cour d'appel de Versailles, (...) a participé (...) avec voix consultative, au délibéré en vertu des articles 41-3 et suivants, 19 et 20 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 », alors « que si, en application des articles 19 et 41-3 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958, les personnes visées à l'article 41, en détachement judiciaire, peuvent assister aux délibérés des cours d'assises, aucun texte ne les autorise à y participer avec voix consultative ; que la cour et le jury n'ayant pas délibéré dans les conditions légales, la cassation est encourue pour violation des textes précités, ensemble l'article 355 du code de procédure pénale. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> Vu les articles 19 et 41-3 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 : <br> <br> 6. Selon ces textes, les personnes faisant l'objet d'un détachement judiciaire effectuent, avant leur entrée en fonction, un stage au cours duquel, dans les mêmes conditions que les auditeurs de justice, elles peuvent siéger en surnombre et participer avec voix consultative aux délibérations des juridictions civiles et correctionnelles, et assister aux délibérés des cours d'assises. <br> <br> 7. Il résulte des mentions du procès-verbal des débats, qui fait foi jusqu'à inscription de faux, que la cour d'assises a délibéré en présence de [G] [M], détaché judiciaire près la cour d'appel de Versailles, qui a participé aux débats et, avec voix consultative, au délibéré.<br> <br> 8. En acceptant qu'un stagiaire participe à son délibéré, la cour d'assises a méconnu les textes susvisés. <br> <br> 9. La cassation est par conséquent encourue.<br> <br> PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens de cassation proposés, la Cour :<br> <br> CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'assises des Hauts-de-Seine, en date du 25 avril 2024, ensemble la déclaration de la cour et du jury et les débats qui l'ont précédée ;<br> <br> CASSE et ANNULE, par voie de conséquence, l'arrêt du même jour par lequel la cour a prononcé sur les intérêts civils ;<br> <br> Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,<br> <br> RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'assises des Yvelines, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;<br> <br> ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'assises des Hauts-de-Seine et sa mention en marge ou à la suite des arrêts annulés. <br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mars deux mille vingt-cinq.,Sur l'interdiction applicable aux auditeurs de justice de participer au délibéré des cours d'assises, à rapprocher :Crim., 5 juillet 1978, pourvoi n° 78-90.455, Bull. crim. n° 221, p. 587 (cassation).
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 26 mars 2025, 24-83.369, Publié au bulletin
COUR D'ASSISES - Composition - Personne accomplissant un stage préalable à un détachement judiciaire - Assistance au délibéré - Interdiction de participer au délibéré
2025-03-26
ECLI:FR:CCASS:2025:CR00397
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000051399935
ARRET
JURITEXT000051399826
CHAMBRE_CRIMINELLE
Articles 106, 121 et 802 du code de procédure pénale.
JURI
Cour de cassation
Il se déduit des articles 106, 121 et 802 du code de procédure pénale que l'omission d'une signature sur un procès-verbal d'interrogatoire est sanctionnée, lorsqu'elle a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la personne interrogée, par la nullité de la ou des pages du procès-verbal concernées. Dans un tel cas, il revient à la chambre de l'instruction d'apprécier si l'annulation qu'elle prononce entraîne la nullité de l'intégralité du procès-verbal
Cassation
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br>N° Y 24-85.585 F-B<br> <br> N° 00376<br> <br> <br> ODVS<br> 25 MARS 2025<br> <br> <br> CASSATION<br> <br> <br> M. BONNAL président,<br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E<br> ________________________________________<br> <br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, <br> DU 25 MARS 2025<br> <br> <br> <br> M. [T] [D] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai, en date du 5 juillet 2024, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'infractions aux législations sur les stupéfiants et sur les armes, association de malfaiteurs, en récidive, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure.<br> <br> Par ordonnance du 17 octobre 2024, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi. <br> <br> Un mémoire a été produit.<br> <br> Sur le rapport de M. Seys, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [T] [D], et les conclusions de Mme Gulphe-Berbain, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 février 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Seys, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre, <br> <br> la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. <br> <br> Faits et procédure<br> <br> 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.<br> <br> 2. M. [T] [D] a été mis en examen le 23 novembre 2023 des chefs susvisés.<br> <br> 3. Par requête du 8 février 2024, il a saisi la chambre de l'instruction d'une demande d'annulation de son interrogatoire de première comparution.<br> <br> Examen du moyen<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en nullité de M. [D], alors :<br> <br> « 1°/ que chacune des pages du procès-verbal d'interrogatoire de première comparution doit être signée par le juge, le greffier et la personne mise en cause ; qu'à défaut d'observation de cette règle, fût-ce pour une des pages, ce procès-verbal est dans son entier non-avenu ; qu'au cas d'espèce, l'exposant faisait valoir que la troisième page du procès-verbal de son interrogatoire de première comparution n'a pas été signée par le greffier ; qu'en refusant, après avoir pourtant relevé que toutes les pages du procès-verbal n'étaient pas signées, ce dont elle avait déduit qu'il « existe donc bien une irrégularité sur ce procès-verbal », de dire que ledit procès-verbal était non-avenu et d'ordonner son retrait de la procédure, la chambre de l'instruction n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des articles 106, 107, 121, 206, 591 et 593 du code de procédure pénale ;<br> <br> 2°/ qu'il en va d'autant plus ainsi que le défaut de signature du juge, du greffier ou de la personne mise en cause ne permet pas de garantir l'authenticité des mentions figurant sur la page non signée ; que lorsque ces mentions font état de l'accomplissement de formalités essentielles au respect des droits de la défense, l'absence de signature empêche de contrôler que ces formalités ont effectivement été mises en oeuvre, ce qui porte nécessairement atteinte aux intérêts du mis en cause ; qu'au cas d'espèce, l'exposant faisait valoir que la troisième page du procès-verbal de son interrogatoire de première comparution, qui faisait pourtant état du choix prétendument opéré par Monsieur [D] de se limiter à faire des déclarations spontanées, des observations de son conseil et de la notification par le juge de sa mise en examen, n'avait pas été signée par le greffier ; que faute de pouvoir contrôler l'authenticité de ces formalités, il était porté atteinte aux droits de la défense ; qu'en retenant pour refuser d'annuler le procès-verbal litigieux que « l'omission de la signature du greffier sur cette page n'entraine pas de grief pour [T] [D] qui a bien été avisé des infractions retenues à son encontre et de l'ensemble de ces droits », la chambre de l'instruction a violé l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et les articles 80-1, 106, 107, 116, 121, 171, 802, 591 et 593 du code de procédure pénale. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> Vu les articles 106, 121 et 802 du code de procédure pénale :<br> <br> 5. Selon le deuxième de ces textes, les procès-verbaux d'interrogatoire et de confrontation sont établis dans les formes prévues au premier qui prévoit que chaque page doit être signée notamment du greffier.<br> <br> 6. Il se déduit du dernier que l'inobservation partielle de cette formalité est sanctionnée par la nullité de la ou des pages du procès-verbal concernées, lorsqu'elle a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la personne interrogée.<br> <br> 7. Dans un tel cas, il revient à la chambre de l'instruction d'apprécier si l'annulation qu'elle prononce entraîne la nullité de l'intégralité du procès-verbal.<br> <br> 8. Pour rejeter la requête en annulation du procès-verbal d'interrogatoire de première comparution de M. [D], l'arrêt attaqué énonce que seule la troisième page de ce procès-verbal ne comporte pas la signature du greffier, les première, deuxième et quatrième pages ayant été régulièrement signées.<br> <br> 9. Les juges constatent que, sur cette page, sont consignées les déclarations de l'intéressé, qui a seulement indiqué maintenir ses précédentes explications, la mention que son avocat a demandé l'octroi du statut de témoin assisté pour l'un des chefs de mise en examen envisagés, ainsi que la notification de mise en examen des divers chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants et d'association de malfaiteurs.<br> <br> 10. Ils précisent que, dès lors que le greffier a signé les première, deuxième et quatrième pages, ce dernier était nécessairement présent au cours de tout l'interrogatoire et qu'il s'agit d'un simple oubli. <br> <br> 11. Ils ajoutent que M. [D], qui a déclaré savoir lire et écrire en langue française, a été avisé de son droit de relire ses déclarations et de les signer s'il y persistait et a signé l'ensemble des pages du procès-verbal, de même que le juge d'instruction.<br> <br> 12. Ils observent que la signature du greffier est présente sur les pages reprenant les éléments essentiels, soit la notification à l'intéressé du droit au silence, des droits liés à la mise en examen, de celui d'être assisté d'un avocat et d'en choisir un pour la suite de la procédure, du droit de relire ses déclarations et de la saisine du juge des libertés et de la détention en vue d'un placement en détention provisoire.<br> <br> 13. Ils relèvent que la page trois comporte principalement une partie des infractions pour lesquelles le juge d'instruction a prononcé la mise en examen, qui ont cependant toutes déjà été énoncées dans les mêmes termes aux deux pages précédentes, alors que l'intention du juge de mettre l'intéressé en examen de ces mêmes chefs est précisément mentionnée dans ces mêmes pages.<br> <br> 14. Ils retiennent que le juge d'instruction n'a choisi le statut de témoin assisté pour aucune des infractions de sorte que la mise en examen est conforme à l'annonce de l'intention de ce magistrat et concluent que l'omission de la signature du greffier sur la troisième page n'entraîne pas de grief pour M. [D] qui a bien été avisé des infractions retenues à son encontre et de l'ensemble de ses droits.<br> <br> 15. C'est à bon droit que la chambre de l'instruction a jugé que l'absence de la seule signature du greffier sous la retranscription, d'une part, des brèves déclarations de l'intéressé par lesquelles celui-ci s'est borné à indiquer qu'il confirmait ses précédentes explications, d'autre part, des observations présentées avant la mise en examen par l'avocat, ne portait pas atteinte aux intérêts de la personne entendue.<br> <br> 16. Mais, en retenant, en outre, que cette même irrégularité, au bas de la page du procès-verbal dédiée notamment à la notification d'une partie des chefs de mise en examen, ne faisait pas grief à M. [D], alors qu'il résultait de cette carence une incertitude sur l'étendue et la nature desdits chefs de mise en examen, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.<br> <br> 17. La cassation est ainsi encourue de ce chef. <br> <br> PAR CES MOTIFS, la Cour :<br> <br> CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai, en date du 5 juillet 2024, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;<br> <br> RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;<br> <br> ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé. <br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mars deux mille vingt-cinq.,Sur la nécessaire signature par le greffier des procès-verbaux d'interrogatoire, à rapprocher :Crim., 12 décembre 2017, pourvoi n° 17-84.824, Bull. crim. 2017, n° 285 (cassation et désignation de juridiction).
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 25 mars 2025, 24-85.585, Publié au bulletin
INSTRUCTION - Interrogatoire - Première comparution - Procès-verbal - Signature - Signature par le greffier - Omission partielle - Sanction - Portée
2025-03-25
ECLI:FR:CCASS:2025:CR00376
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000051399826
ARRET
JURITEXT000051399828
CHAMBRE_CRIMINELLE
Article 434-24 du code pénal.
JURI
Cour de cassation
Entre dans les prévisions de l'article 434-24 du code pénal toute expression outrageante qui s'adresse, directement ou par la voie d'un rapporteur nécessaire, à un magistrat de l'ordre judiciaire dans l'exercice de ses fonctions ou à l'occasion de cet exercice, même si elle présente un caractère public. Encourt la cassation l'arrêt qui, constatant que la partie civile, magistrat, savait que le prévenu postait sur son compte Facebook des messages relatifs à une procédure en cours, relaxe celui-ci au motif que les propos outrageants présentaient un caractère public, sans rechercher si lesdits propos qui prenaient explicitement à partie ce magistrat ne s'adressaient pas directement à lui, auraient-ils même été tenus publiquement
Cassation partielle
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br>N° D 23-85.517 F-B<br> <br> N° 00380<br> <br> <br> ODVS<br> 25 MARS 2025<br> <br> <br> CASSATION PARTIELLE<br> DECHEANCE<br> <br> M. BONNAL président,<br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E<br> ________________________________________<br> <br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, <br> DU 25 MARS 2025<br> <br> <br> <br> Le procureur général près la cour d'appel d'Agen et Mme [O] [L], partie civile, ont formé des pourvois contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre correctionnelle, en date du 16 août 2023, qui a relaxé M. [H] [X] du chef d'outrages à magistrat.<br> <br> Les pourvois sont joints en raison de la connexité. <br> <br> Des mémoires ont été produits.<br> <br> Sur le rapport de Mme Chaline-Bellamy, conseiller, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de Mme [O] [L], et les conclusions de Mme Gulphe-Berbain, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 février 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Chaline-Bellamy, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,<br> <br> la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. <br> <br> Faits et procédure<br> <br> 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.<br> <br> 2. M. [H] [X] a été poursuivi devant le tribunal correctionnel notamment du chef d'outrages à magistrat commis par des publications sur sa page Facebook au préjudice de Mme [O] [L], juge aux affaires familiales qui intervenait dans le litige opposant le prévenu à son ex-compagne relativement à leur enfant commun.<br> <br> 3. Le juge du premier degré a déclaré M. [X] coupable des infractions, l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis probatoire et a prononcé sur les intérêts civils.<br> <br> 4. M. [X] a relevé appel de cette décision.<br> <br> Examen de la recevabilité du mémoire du procureur général près la cour d'appel d'Agen<br> <br> 5. Le mémoire du procureur général est parvenu par courrier le 25 septembre 2023 au greffe de la chambre criminelle suite au pourvoi formé le 21 août précédent par ce magistrat.<br> <br> 6. Dès lors, ce mémoire, qui ne répond pas aux exigences de l'article 585-2 du code de procédure pénale pour être parvenu au greffe de la Cour de cassation plus d'un mois après la date du pourvoi, sans qu'une dérogation ait été sollicitée et accordée par le président de la chambre criminelle, n'est pas recevable et ne saisit pas la Cour de cassation des moyens qu'il pourrait contenir.<br> <br> 7. En conséquence, le procureur général sera déchu de son pourvoi par application de l'article 590-1 du code de procédure pénale. <br> <br> Examen du moyen proposé pour Mme [L]<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 8. Le moyen, pris en sa première branche, critique l'arrêt attaqué en ce qu'il relaxé M. [X] pour les faits d'outrage à magistrat et a débouté Mme [L] de sa demande de dommages et intérêts, alors :<br> <br> « 1°/ que l'outrage à magistrat est caractérisé lorsque l'auteur des propos outrageants sait qu'ils seront rapportés à la personne visée, peu important que les propos revêtent un caractère public ; qu'en considérant que les propos tenus à l'égard de la partie civile n'étaient pas qualifiables d'outrage à magistrat et devaient être appréhendés exclusivement sous les qualifications de la loi du 29 juillet 1881 au seul motif qu'ils avaient un caractère public, la cour d'appel a méconnu l'article 434-24 du code pénal, ensemble les articles 31 et 33 de la loi du 29 juillet 1881. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> Vu l'article 434-24 du code pénal :<br> <br> 9. Toute expression outrageante, qu'elle s'adresse directement ou par la voie d'un rapporteur nécessaire à un magistrat de l'ordre judiciaire, dans l'exercice de ses fonctions ou à l'occasion de cet exercice, entre dans les prévisions de ce texte, même si elle présente un caractère public. <br> <br> 10. Pour infirmer le jugement ayant retenu la culpabilité du prévenu du chef d'outrages à magistrat et débouter la partie civile de ses demandes, l'arrêt attaqué rappelle que, lors d'une audience, cette dernière a évoqué les publications de M. [X] sur sa page Facebook relatives au litige en cours et que celui-ci a annoncé vouloir les poursuivre tant que l'enfant ne lui serait pas rendu.<br> <br> 11. Le juge d'appel constate que, par la suite, M. [X] a diffusé, par ce même canal, une vidéo qui le montrait lisant la décision de justice rendue par cette juge en l'accompagnant de propos tels que « vous êtes des guignols, des nuls, imperformants, inefficaces, dangereux, vous êtes dangereuse madame la juge », en la qualifiant de « folle » et « criminelle » et en ajoutant « ça va très mal se passer (...) je vous le dis madame la juge, je vous le dis dans les yeux ».<br> <br> 12. Le juge énonce qu'il n'est pas contesté que les faits d'outrage reprochés ont été réalisés par M. [X] sur sa page de ce réseau social ouverte au public.<br> <br> 13. Il en conclut que les paroles outrageantes de M. [X] ont été rendues publiques, de sorte que l'infraction d'outrage n'est pas caractérisée.<br> <br> 14. Il ajoute qu'une requalification des faits doit être écartée dès lors que la juridiction saisie n'est pas autorisée à substituer à la qualification de droit commun adoptée par la partie poursuivante une qualification empruntée à la loi sur la liberté de la presse.<br> <br> 15. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui ne pouvait relaxer le prévenu au seul motif que les propos litigieux présentaient un caractère public, a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.<br> <br> 16. En effet, il lui appartenait de rechercher, alors qu'elle constatait que la partie civile savait que le prévenu postait sur son compte Facebook des messages relatifs à la procédure, si les propos litigieux, la prenant explicitement à partie, ne s'adressaient pas directement à elle, auraient-ils même été tenus publiquement.<br> <br> 17. La cassation est par conséquent encourue, sans qu'il y ait lieu d'examiner le second grief.<br> <br> Portée et conséquences de la cassation<br> <br> 18. La cassation à intervenir ne porte que sur les dispositions relatives à l'action civile, les dispositions pénales prononçant la relaxe sur l'action publique étant définitives en raison de la déchéance du pourvoi du procureur général.<br> <br> PAR CES MOTIFS, la Cour :<br> <br> Sur le pourvoi formé par le procureur général :<br> <br> CONSTATE la déchéance du pourvoi ;<br> <br> Sur le pourvoi formé par Mme [L] :<br> <br> CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Agen, en date du 16 août 2023, mais en ses seules dispositions relatives à l'action civile, les dispositions pénales relatives à la relaxe du prévenu restant expressément maintenues ;<br> <br> Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,<br> <br> RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Toulouse, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;<br> <br> RAPPELLE que, du fait de la présente décision, le jugement de première instance perd toute force exécutoire en ce qui concerne la déclaration de culpabilité prononcée contre M. [X] ; <br> <br> ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Agen et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé. <br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mars deux mille vingt-cinq.
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 25 mars 2025, 23-85.517, Publié au bulletin
ATTEINTE A L'ACTION DE JUSTICE - Atteinte à l'autorité de la justice - Outrage à magistrat - Eléments constitutifs - Elément matériel - Propos outrageants présentant un caractère public - Office du juge - Détermination - Portée
2025-03-25
ECLI:FR:CCASS:2025:CR00380
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000051399828
ARRET
JURITEXT000051012409
CHAMBRE_CRIMINELLE
null
JURI
Cour de cassation
Une personne qui a été incarcérée avant le 1er janvier 2023 sous le régime de la détention provisoire, puis a été libérée, et écrouée de nouveau après cette date, relève du nouveau régime de réduction de peine
Avis sur saisine
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br>N° Z 24-96.005 F-D<br> <br> N° 40001<br> <br> <br> GM<br> 8 JANVIER 2025<br> <br> <br> AVIS SUR SAISINE<br> <br> <br> M. BONNAL président,<br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E<br> ________________________________________<br> <br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, <br> DU 8 JANVIER 2025<br> <br> <br> <br> Le juge de l'application des peines de Créteil, par jugement en date du 6 septembre 2024, reçu le 8 octobre 2024 à la Cour de cassation, a sollicité l'avis de cette Cour dans la procédure concernant M. [V] [O], qui exécute une peine privative de liberté. <br> <br> Des observations ont été produites.<br> <br> Sur le rapport de Mme Guerrini, conseiller référendaire, les observations de la société Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de M. [V] [O], et les conclusions de M. Crocq, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 janvier 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Guerrini, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,<br> <br> la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. <br> <br> Énoncé de la demande d'avis<br> <br> 1. La demande d'avis est ainsi rédigée :<br> <br> « Le condamné, écroué en détention provisoire puis placé sous contrôle judiciaire avant le 1er janvier 2023, incarcéré postérieurement à cette date en exécution de la peine privative de liberté prononcée dans la même affaire, relève-t-il du régime de réduction de peine prévu par l'article 721 du code de procédure pénale dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire ? »<br> <br> Examen de la demande d'avis<br> <br> Vu les articles L. 441-1 du code de l'organisation judiciaire et 706-64 et suivants du code de procédure pénale :<br> <br> 2. Aux termes de l'article 59, VI, de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021, le nouveau régime de réductions de peine qui en est issu est applicable aux personnes placées sous écrou à compter du 1er janvier 2023, tandis que les personnes placées sous écrou avant cette date demeurent soumises au régime antérieur du crédit de réduction de peine.<br> <br> 3. La Cour de cassation (Crim., 26 juin 2024, pourvoi n° 23-87.131, publié au Bulletin), a jugé, dans la situation d'une personne qui avait été écrouée en détention provisoire avant le 1er janvier 2023 et était demeurée détenue jusqu'à sa condamnation après cette date, qu'en application de ce texte, le nouveau régime de réduction de peine créé par cette loi est applicable aux personnes incarcérées à compter du 1er janvier 2023, celles incarcérées avant cette date relevant de l'ancien régime du crédit de réduction de peine, qu'elles aient été écrouées au titre de la détention provisoire ou en exécution de peine.<br> <br> 4. Il en résulte que la date d'écrou, qui doit s'entendre de la date d'incarcération, commande le régime de réduction de peine applicable.<br> <br> 5. Il s'en déduit qu'une personne, qui a été incarcérée avant le 1er janvier 2023 sous le régime de la détention provisoire, puis a été libérée, et écrouée de nouveau après cette date, relève du nouveau régime de réduction de peine, en ce qu'elle fait l'objet d'une nouvelle incarcération. <br> <br> PAR CES MOTIFS, la Cour :<br> <br> EMET l'avis suivant : la personne qui a été incarcérée avant le 1er janvier 2023 sous le régime de la détention provisoire, puis a été libérée, et incarcérée de nouveau après cette date, relève du nouveau régime de réduction de peine. <br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du huit janvier deux mille vingt-cinq.
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 8 janvier 2025, 24-96.005, Publié au bulletin
PEINES
2025-01-08
ECLI:FR:CCASS:2025:CR40001
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000051012409
ARRET
JURITEXT000050704298
CHAMBRE_CIVILE_2
null
JURI
Cour de cassation
Par application du principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime, l'indemnité allouée au titre des dépenses de santé futures doit être évaluée en fonction des besoins de la victime, déterminés à la date de consolidation, et ne peut être subordonnée à la justification des dépenses correspondantes, peu important son décès ultérieur. Encourt, par conséquent, la censure l'arrêt qui, après avoir relevé que la victime en avait eu besoin, rejette une demande d'indemnisation pour des appareillages au motif que les dépenses d'acquisition de ces équipements n'ont pas été exposées avant le décès de la victime.
Cassation partielle
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br> CIV. 2<br> <br> LM<br> <br> <br> <br> COUR DE CASSATION<br> ______________________<br> <br> <br> Audience publique du 28 novembre 2024<br> <br> <br> <br> <br> Cassation partielle<br> <br> <br> Mme MARTINEL, président<br> <br> <br> <br> Arrêt n° 1142 F-B<br> <br> Pourvoi n° U 23-15.841 <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E <br> <br> _________________________<br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 NOVEMBRE 2024<br> <br> 1°/ Mme [W] [U], veuve [H], domiciliée [Adresse 3],<br> <br> 2°/ Mme [O] [H], domiciliée [Adresse 4],<br> <br> toutes deux agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité d'ayants droit de [I] [H],<br> <br> 3°/ M. [R] [Y], domicilié [Adresse 4],<br> <br> 4°/ M. [D] [Y], domicilié [Adresse 6],<br> <br> ont formé le pourvoi n° U 23-15.841 contre l'arrêt rendu le 25 janvier 2023 par la cour d'appel de Rouen (1re chambre civile), dans le litige les opposant :<br> <br> 1°/ à la société Pacifica, société anonyme, dont le siège est [Adresse 7],<br> <br> 2°/ à la caisse de mutualité sociale agricole Haute-Normandie, dont le siège est [Adresse 5],<br> <br> 3°/ à la société Groupama Centre Manche, dont le siège est [Adresse 1],<br> <br> défenderesses à la cassation.<br> <br> Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.<br> <br> Le dossier a été communiqué au procureur général.<br> <br> Sur le rapport de M. Riuné, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [W] [U] veuve [H], Mme [O] [H], agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité d'héritières de [I] [H], M. [R] [Y] et M. [D] [Y], de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société Pacifica, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 octobre 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Riuné, conseiller référendaire rapporteur, Mme Isola, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,<br> <br> la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; <br> <br> Faits et procédure<br> <br> 1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 25 janvier 2023), le 25 février 2016, [I] [H], piéton âgé de 87 ans, a été victime d'un accident de la circulation, impliquant un véhicule assuré par la société Pacifica (l'assureur).<br> <br> 2. À la suite d'une expertise judiciaire, et après le décès de celui-ci le [Date décès 2] 2018, Mme [W] [U], épouse [H], veuve du défunt, Mme [O] [H], fille du défunt, agissant en leur qualité d'héritières de ce dernier et en leur nom personnel, M. [R] [Y], compagnon de Mme [O] [H], et M. [D] [Y], fils de ces derniers (les consorts [H] [Y]), ont assigné l'assureur devant un tribunal judiciaire en indemnisation de leurs préjudices, en présence de la caisse de mutualité sociale agricole Haute-Normandie et de la société Groupama Centre Manche, tiers payeurs.<br> <br> Examen des moyens<br> <br> Sur le premier moyen<br> <br> 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.<br> <br> Mais sur le second moyen<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 4. Les consorts [H] [Y] font grief à l'arrêt d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'assureur à payer à Mmes [W] et [O] [H], en leur qualité d'ayants droit de [I] [H], une indemnité de 305,02 euros au titre des dépenses de santé futures, et, statuant à nouveau, de condamner l'assureur à leur payer, ès qualités, la seule somme de 112 235,62 euros, au titre de l'ensemble des chefs infirmés, alors « que l'indemnisation du préjudice subi par la victime ne saurait être subordonnée à la production de justifications des dépenses effectives, à la production de factures, ni, de façon générale, être limitée au simple remboursement des sommes dont elle justifierait avoir fait l'avance ; qu'en jugeant que « les dépenses d'acquisition » des deux prothèses définitives prévues par l'expert judiciaire, « ainsi que de leur revêtement esthétique », outre « une batterie de vélo électrique », « n'ont pas été effectivement exposées avant le décès de [I] [H] le [Date décès 2] 2018 » et que « les réclamations présentées à ce titre seront rejetées », cependant que, lorsqu'il survient en cours d'instance, le décès de la victime directe ne prive pas ses héritiers de la faculté de réclamer au responsable l'indemnisation du préjudice subi par leur auteur entre l'accident et le décès, préjudice le cas échéant caractérisé par le besoin présenté lors de cette période, la cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> Vu le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :<br> <br> 5. Le principe susvisé exclut le contrôle de l'utilisation des fonds alloués à la victime, qui en conserve la libre disposition.<br> <br> 6. Pour rejeter la demande d'indemnisation au titre des deux prothèses, de leur revêtement esthétique et d'une batterie de vélo électrique, après avoir relevé que, selon l'expert, la victime avait besoin de ces équipements, l'arrêt retient que les dépenses d'acquisition de ces appareillages n'ont pas été effectivement exposées avant le décès de [I] [H] le [Date décès 2] 2018, la consolidation étant fixée au 7 avril 2017.<br> <br> 7. En statuant ainsi, alors que l'indemnisation au titre de ces appareillages doit être évaluée en fonction des besoins de la victime, déterminés à la date de consolidation, et ne peut être subordonnée à la justification des dépenses correspondantes, peu important son décès ultérieur, la cour d'appel a violé le principe susvisé.<br> <br> Portée et conséquences de la cassation<br> <br> 8. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt infirmant le jugement en tant qu'il a condamné l'assureur à payer à Mmes [W] et [O] [H], en leur qualité d'ayants droit de [I] [H], une indemnité de 305,02 euros au titre des dépenses de santé futures et condamnant l'assureur à leur payer la somme totale de 112 235,62 euros entraîne la cassation du chef condamnant l'assureur à leur payer les intérêts au double du taux légal, à compter du 25 octobre 2016 jusqu'au jour où la décision sera devenue définitive, sur l'indemnité de 368 276,52 euros, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.<br> <br> 9. En revanche, la cassation de ces chefs de dispositif n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'assureur aux dépens d'appel ainsi qu'au paiement de sommes en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci.<br> <br> PAR CES MOTIFS, la Cour :<br> <br> CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il infirme le jugement en tant qu'il a condamné la société Pacifica à payer à Mmes [W] et [O] [H], en leur qualité d'ayants droit de [I] [H], une indemnité de 305,02 euros au titre des dépenses de santé futures, condamne la société Pacifica à leur payer la somme totale de 112 235,62 euros et condamne la société Pacifica à leur payer les intérêts au double du taux légal, à compter du 25 octobre 2016 jusqu'au jour où la décision sera devenue définitive, sur l'indemnité de 368 276,52 euros, l'arrêt rendu le 25 janvier 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ;<br> <br> Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;<br> <br> Condamne la société Pacifica aux dépens ;<br> <br> En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par Mme [W] [U] veuve [H], Mme [O] [H], agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité d'héritières de [I] [H], M. [R] [Y] et M. [D] [Y] à l'encontre de la caisse de mutualité sociale agricole Haute-Normandie et de la société Groupama Centre Manche et par la société Pacifica et condamne cette dernière à payer à Mme [W] [U] veuve [H], Mme [O] [H], agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité d'héritières de [I] [H], M. [R] [Y] et M. [D] [Y] la somme globale de 3 000 euros ;<br> <br> Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;<br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé par le président en l'audience publique du vingt-huit novembre deux mille vingt-quatre et signé par Mme Cathala, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt.,2e Civ., 4 avril 2024, pourvoi n° 22-19.307 (cassation partielle) ;2e Civ., 16 décembre 2021, pourvoi n° 20-12.040 (cassation partielle).
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 28 novembre 2024, 23-15.841, Publié au bulletin
RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE - Dommage - Réparation - Indemnité - Montant - Fixation - Eléments pris en considération - Dépenses de santé futures - Evaluation - Conditions - Détermination - Décès de la victime - Effet (non),ACCIDENT DE LA CIRCULATION - Indemnisation - Elements pris en considération - Dépenses d'appareillage - Dépenses de santé futures - Demande d'indemnisation - Décès de la victime - Effet (non)
2024-11-28
ECLI:FR:CCASS:2024:C201142
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000050704298
ARRET
JURITEXT000051400004
CHAMBRE_CIVILE_2
null
JURI
Cour de cassation
En matière de procédure orale, les parties présentent oralement à l'audience leurs prétentions et les moyens à leur soutien et peuvent également se référer à celles et ceux qu'elles auraient formulés par écrit. Il en résulte que, pour faire observer le principe de la contradiction lorsqu'une partie n'a pas été mise en mesure de répondre aux prétentions et moyens adverses formulés dans des conclusions tardives, le juge ne peut autoriser cette partie à déposer une note en délibéré mais doit renvoyer l'affaire à une audience ultérieure
Cassation
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br> CIV. 2<br> <br> LM<br> <br> <br> <br> COUR DE CASSATION<br> ______________________<br> <br> <br> Audience publique du 27 mars 2025<br> <br> <br> <br> <br> Cassation<br> <br> <br> Mme MARTINEL, président<br> <br> <br> <br> Arrêt n° 291 F-B<br> <br> Pourvoi n° W 21-20.297 <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E <br> <br> _________________________<br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 MARS 2025<br> <br> <br> Mme [N] [C], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° 21-20.297 contre l'arrêt rendu le 28 mai 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-8), dans le litige l'opposant :<br> <br> 1°/ à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des [Localité 4], dont le siège est [Adresse 2],<br> <br> 2°/ à la Mission nationale de contrôle et d'audit des organismes de sécurité sociale - MNC antenne [Localité 5], dont le siège est [Adresse 1],<br> <br> défenderesses à la cassation.<br> <br> La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.<br> <br> Le dossier a été communiqué au procureur général.<br> <br> Sur le rapport de M. Waguette, conseiller, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de Mme [C], de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la caisse primaire centrale d'assurance maladie des [Localité 4], et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 février 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Waguette, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,<br> <br> la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; <br> <br> Désistement partiel<br> <br> 1. Il est donné acte à Mme [C] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la Mission nationale de contrôle et d'audit des organismes de sécurité sociale.<br> <br> Faits et procédure<br> <br> 2. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 28 mai 2021), rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 9 juillet 2020, pourvoi n° 19-12.572), Mme [C], infirmière libérale, a fait l'objet d'un contrôle d'activité à l'issue duquel la caisse primaire centrale d'assurance maladie des [Localité 4] (la caisse) l'a mise en demeure de payer une certaine somme en restitution d'un indu.<br> <br> 3. Par un jugement du 16 mars 2016, confirmé par un arrêt d'une cour d'appel du 21 décembre 2018, un tribunal des affaires de sécurité sociale a annulé la procédure de recouvrement et débouté la caisse de ses demandes reconventionnelles en paiement.<br> <br> 4. La Cour de cassation a cassé et annulé partiellement l'arrêt du 21 décembre 2018.<br> <br> 5. Mme [C] a saisi une cour d'appel de renvoi.<br> <br> Examen des moyens<br> <br> Sur le premier moyen, pris en sa première branche<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 6. Mme [C] fait grief à l'arrêt de la condamner au remboursement à la caisse de la somme de 51 688,76 euros correspondant aux séances de soins indûment facturées, alors « que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; que dans les matières où la procédure est orale, les prétentions des parties et les moyens à leur soutien doivent être formulés oralement à l'audience ; que lorsqu'une partie n'a pas été mise en mesure de répondre aux prétentions et moyens adverses, le juge doit renvoyer l'affaire à une prochaine audience ; que la cour d'appel qui n'a pas fait droit à la demande de renvoi formée par Mme [C], afin de pouvoir répondre aux conclusions tardives de la CPCAM des [Localité 4] et qui a énoncé l'avoir autorisée à déposer une note en délibéré pour répondre à ces conclusions déposées tardivement, a violé les articles 16, 445, 446-1 et 946 du code de procédure civile et l'article R. 142-11 du code de la sécurité sociale. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> Vu les articles R. 142-11 du code de la sécurité sociale, 16, 446-1et 946 du code de procédure civile :<br> <br> 7. Selon les premier et quatrième de ces textes, en matière de contentieux de sécurité sociale, la procédure sans représentation obligatoire suivie devant la cour d' appel est orale.<br> <br> 8. Selon le troisième, lorsque la procédure est orale, les parties présentent oralement à l'audience leurs prétentions et les moyens à leur soutien et peuvent également se référer à celles et ceux qu'elles auraient formulés par écrit.<br> <br> 9. En application du deuxième, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui même le principe de la contradiction.<br> <br> 10. Il résulte de la combinaison de ces deux derniers textes que lorsqu'une partie n'a pas été mise en mesure de répondre aux prétentions et moyens adverses, le juge, tenu de faire observer le principe de la contradiction, doit renvoyer l'affaire à une audience ultérieure.<br> <br> 11. En statuant ainsi, en autorisant Mme [C] à faire parvenir une note en cours de délibéré pour lui permettre de répondre aux conclusions déposées tardivement par la caisse, alors qu'elle ne pouvait que renvoyer l'affaire à une prochaine audience, la cour d'appel a violé les textes susvisés.<br> <br> PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :<br> <br> CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;<br> <br> Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée. <br> <br> Condamne la caisse primaire centrale d'assurance maladie des [Localité 4] aux dépens ;<br> <br> En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse primaire centrale d'assurance maladie des [Localité 4] et la condamne à payer à Mme [C] la somme de 3 000 euros ;<br> <br> Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;<br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mars deux mille vingt-cinq.
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 27 mars 2025, 21-20.297, Publié au bulletin
PROCEDURE CIVILE - Procédure orale - Prétentions et moyens formulés par écrit - Conclusions adverse - Communication tardive - Cas - Nécessité d'un renvoi à une audience ultérieure - Respect du principe du contradictoire - Office du juge - Portée
2025-03-27
ECLI:FR:CCASS:2025:C200291
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000051400004
ARRET
JURITEXT000051400020
CHAMBRE_CIVILE_2
null
JURI
Cour de cassation
null
Cassation
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br> CIV. 2<br> <br> FD<br> <br> <br> <br> COUR DE CASSATION<br> ______________________<br> <br> <br> Audience publique du 27 mars 2025<br> <br> <br> <br> <br> Cassation<br> <br> <br> Mme MARTINEL, président<br> <br> <br> <br> Arrêt n° 297 F-B<br> <br> Pourvoi n° R 22-18.847 <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E <br> <br> _________________________<br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 MARS 2025<br> <br> <br> <br> 1°/ Mme [P] [F], épouse [C],<br> <br> 2°/ M. [M] [C],<br> <br> tous deux domiciliés [Adresse 1],<br> <br> ont formé le pourvoi n° R 22-18.847 contre l'arrêt rendu le 12 mai 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 1 - chambre 10), dans le litige les opposant à la Société générale, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation.<br> <br> Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation.<br> <br> Le dossier a été communiqué au procureur général.<br> <br> Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. et Mme [C], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la Société générale, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 février 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,<br> <br> la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; <br> <br> Faits et procédure<br> <br> 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 mai 2022) et les productions, par une ordonnance du 17 décembre 2019, un juge de l'exécution a autorisé la Société générale (la banque), qui avait consenti un prêt à M. et Mme [C], à prendre une hypothèque provisoire sur un bien immobilier appartenant à ces derniers.<br> <br> 2. Par acte du 20 février 2020, la banque a assigné M. et Mme [C] en nullité du prêt et restitution des sommes prêtées.<br> <br> 3. Par acte du 10 juin 2020, ces derniers ont assigné la banque en mainlevée de la mesure conservatoire.<br> <br> Examen du moyen<br> <br> Sur le moyen, pris en sa première branche<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 4. M. et Mme [C] font grief à l'arrêt d'infirmer le jugement ayant ordonné la mainlevée de l'hypothèque judiciaire provisoire portant sur leur bien immobilier sis [Adresse 2] à [Localité 5], cadastré section N, n° [Cadastre 4], leur appartenant et de les débouter de leurs prétentions, alors « qu'il incombe au juge de l'exécution, qui, en matière de saisie conservatoire, doit rechercher si la créance, dont le recouvrement est poursuivi, paraît fondée en son principe, d'examiner la contestation relative à la prescription de l'action du créancier, qui était de nature à remettre en question l'existence d'une créance paraissant fondée en son principe ; qu'en jugeant, pour infirmer l'ordonnance déférée et rejeter la demande de mainlevée de la saisie-conservatoire portant sur l'immeuble des époux [C], qu'il ne lui appartenait pas de se prononcer, pour apprécier la vraisemblance d'un principe de créance, sur le moyen invoqué par eux tiré de la prescription de l'action de la banque à leur encontre dès lors qu'il nécessitait de trancher "au préalable la question de savoir si l'action en justice intentée par la Société générale à l'encontre de M. et Mme [C] devant le tribunal judiciaire de Bobigny est régie ou non par l'article L. 137-2 ancien du code de la consommation, devenu article L. 218-2" ainsi que la question de la fixation du "point de départ de la prescription" (arrêt attaqué, p. 4, § 3), la cour d'appel, qui a méconnu l'étendue de ses pouvoirs, a violé les articles L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire, R. 512-1 et L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> Vu l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution :<br> <br> 5. Il résulte de ce texte que toute personne justifiant d'une créance paraissant fondée en son principe et de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement peut solliciter l'autorisation du juge de l'exécution de pratiquer une mesure conservatoire.<br> <br> 6. Pour infirmer le jugement et, statuant à nouveau, débouter M. et Mme [C] de leurs prétentions, l'arrêt relève que ces derniers ont accepté, le 20 août 2012, une offre de prêt immobilier, laquelle stipule que la banque pourra exiger le remboursement immédiat des sommes restant dues en capital et intérêts, notamment en cas d'inexactitude substantielle des renseignements fournis par l'emprunteur sur sa situation, dès lors que ces renseignements étaient nécessaires à la prise de décision du prêteur, que le 24 juin 2016, la banque a notifié aux emprunteurs que les relevés bancaires produits étant falsifiés, le compte était clôturé sous 48 heures et retient que même si l'appelante n'a pas précisé en quoi les relevés bancaires litigieux étaient falsifiés, les débiteurs n'ont jamais contesté qu'ils l'étaient et que la banque peut donc invoquer la clause résolutoire susvisée.<br> <br> 7. L'arrêt retient ensuite que, s'agissant du délai de prescription applicable, ce moyen peut être invoqué avec succès par les débiteurs uniquement si l'acquisition de cette prescription est manifeste et que tel n'est pas le cas puisque doit être tranchée au préalable la question de savoir si l'action en justice intentée par la banque à l'encontre des emprunteurs est régie ou non par l'article L. 137-2, devenu L. 218-2, du code de la consommation et que devra également être fixé le point de départ de la prescription, les parties étant en désaccord sur ce point. Il ajoute que la mise en place d'une mesure conservatoire suppose uniquement un principe de créance apparemment fondé et en déduit qu'il est établi que l'appelante peut en invoquer un.<br> <br> 8. En statuant ainsi, alors qu'il lui incombait, afin d'apprécier l'existence d'une créance paraissant fondée en son principe, d'examiner les points litigieux tenant à la prescription applicable et à son point de départ, la cour d'appel a violé le texte susvisé.<br> <br> PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :<br> <br> CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 mai 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;<br> <br> Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée. <br> <br> Condamne la Société générale aux dépens ;<br> <br> En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Société générale et la condamne à payer à M. et Mme [C] la somme globale de 3 000 euros ;<br> <br> Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;<br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mars deux mille vingt-cinq.
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 27 mars 2025, 22-18.847, Publié au bulletin
JUGE DE L'EXECUTION
2025-03-27
ECLI:FR:CCASS:2025:C200297
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000051400020
ARRET
JURITEXT000051400002
CHAMBRE_CIVILE_2
Articles 606, 607, 608 du code de procédure civile ; article 837, alinéa 1er, du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019.
JURI
Cour de cassation
Il résulte des articles 606, 607, 608 et 837 alinéa 1er, du code de procédure civile qu'est recevable le pourvoi formé contre un arrêt qui infirme une ordonnance de référé, retient l'existence de contestations sérieuses s'opposant à la demande de provision et ordonne le renvoi de l'affaire devant une autre formation afin qu'il soit statué sur le fond, la cour d'appel s'étant ainsi dessaisie de la contestation qu'elle a tranchée et ayant mis fin à l'instance. Les dispositions de l'article 837, alinéa 1er, dans sa rédaction issue du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, qui prévoient que le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection peut renvoyer l'affaire au fond, si l'urgence le justifie, et selon les modalités qu'il fixe, ne sont pas applicables devant la cour d'appel, statuant sur l'appel formé contre l'ordonnance d'un juge des référés
Cassation
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br> CIV. 2<br> <br> FD<br> <br> <br> <br> COUR DE CASSATION<br> ______________________<br> <br> <br> Audience publique du 27 mars 2025<br> <br> <br> <br> <br> Cassation<br> <br> <br> Mme MARTINEL, président<br> <br> <br> <br> Arrêt n° 290 F-B<br> <br> Pourvoi n° E 22-23.483<br> <br> Aide juridictionnelle partielle en demande<br> au profit de Mme [N].<br> Admission du bureau d'aide juridictionnelle<br> près la Cour de cassation <br> en date du 22 septembre 2022.<br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E <br> <br> _________________________<br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 MARS 2025<br> <br> Mme [H] [N], domiciliée [Adresse 4], a formé le pourvoi n° 22-23.483 contre les arrêts rendus les 6 mai et 16 décembre 2021 par la cour d'appel de Montpellier (3e chambre civile), dans le litige l'opposant :<br> <br> 1°/ à la société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],<br> <br> 2° / à la société ACM IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 5],<br> <br> 3°/ à Mme [Z] [E], domiciliée [Adresse 2],<br> <br> 4°/ à Mme [C] [W], domiciliée [Adresse 3],<br> <br> défenderesses à la cassation.<br> <br> La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.<br> <br> Le dossier a été communiqué au procureur général.<br> <br> Sur le rapport de Mme Caillard, conseiller, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de Mme [N], de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de Mme [E], de la SCP Duhamel, avocat des sociétés Allianz IARD et ACM IARD, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 février 2025 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Caillard, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,<br> <br> la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; <br> <br> Faits et procédure<br> <br> 1. Selon les arrêts attaqués (Montpellier, 6 mai 2021 et 16 décembre 2021), par une ordonnance du 23 juin 2020, le juge des référés d'un tribunal judiciaire a condamné solidairement Mme [N], son assureur la société Allianz IARD (la société Allianz), Mme [W] et son assureur la société ACM IARD (la société ACM) à verser à Mme [E] diverses sommes à titre provisionnel, dans un litige portant sur la remise en état d'un ouvrage.<br> <br> 2. Les sociétés Allianz et ACM ont interjeté appel de cette ordonnance.<br> <br> 3. Par un arrêt du 6 mai 2021, une cour d'appel a infirmé l'ordonnance, retenu l'existence d'une contestation sérieuse sur la demande de provision et, sur le fondement de l'article 837 du code de procédure civile, ordonné le renvoi de l'affaire en formation collégiale afin qu'il soit statué sur le fond.<br> <br> Recevabilité du pourvoi dirigé contre l'arrêt du 6 mai 2021, contestée par la défense<br> <br> 4. Mme [E] soutient que la mesure de renvoi prévue par l'article 837 du code de procédure civile, s'analysant en une mesure d'administration judiciaire, n'est pas susceptible de recours, fût-ce pour excès de pouvoir et que le pourvoi formé par Mme [N] est irrecevable.<br> <br> 5. L'article 837 du code de procédure civile dispose qu'à la demande de l'une des parties et si l'urgence le justifie, le président du tribunal judiciaire saisi en référé peut renvoyer l'affaire à une audience dont il fixe la date pour qu'il soit statué au fond. Il veille à ce que le défendeur dispose d'un temps suffisant pour préparer sa défense. L'ordonnance emporte saisine du tribunal.<br> <br> 6. Selon l'article 481, alinéa 1er, du même code, le jugement, dès son prononcé, dessaisit le juge de la contestation qu'il tranche.<br> <br> 7. La Cour de cassation juge qu'en application des articles 606, 607 et 608 du code de procédure civile, sauf dans les cas spécifiés par la loi, les jugements en dernier ressort qui ne mettent pas fin à l'instance ne peuvent être frappés de pourvoi en cassation indépendamment des jugements sur le fond que s'ils tranchent dans leur dispositif tout ou partie du principal (Ass. plén., 5 décembre 1997, pourvoi n° 95-17.858, Bull. 1997, Ass. plén., n° 11).<br> <br> 8. Toutefois, en matière de procédure de référé, la Cour de cassation admet la recevabilité du pourvoi contre les décisions rendues en référé dès lors que le juge épuise sa saisine et qu'il ne reste saisi d'aucune demande distincte de la mesure d'instruction ou de la mesure provisoire qu'il ordonne (Ch. mixte, 7 mai 1982, pourvoi n° 79-12.006, Bull. 1997, Ch. mixte, n° 2).<br> <br> 9. En infirmant l'ordonnance de référé pour retenir l'existence de contestations sérieuses s'opposant à la demande de provision et en ordonnant le renvoi de l'affaire devant une autre formation afin qu'il soit statué sur le fond, la cour d'appel s'est dessaisie de la contestation qu'elle a tranchée et a mis fin à l'instance.<br> <br> 10. Le pourvoi est, dès lors, recevable.<br> <br> Examen des moyens<br> <br> Sur le premier moyen<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 11. Mme [N] fait grief à l'arrêt du 6 mai 2021 de renvoyer l'affaire à une audience de formation collégiale afin qu'il soit statué sur le fond, alors « que l'article 837 du code de procédure civile, qui permet au juge des référés du tribunal judiciaire, sous certaines conditions, de renvoyer l'affaire directement au juge du fond, est sans application devant la cour d'appel saisie d'un appel dirigé contre une ordonnance de référé ; que la cour d'appel qui, après avoir infirmé l'ordonnance de référé déférée ayant statué en l'état de contestations sérieuses, a ordonné le renvoi de l'affaire à une prochaine audience d'une formation collégiale pour qu'il soit statué sur le fond, violant, par fausse application, l'article 837 du code de procédure civile. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> Recevabilité du moyen<br> <br> 12. La société Allianz et la société ACM contestent la recevabilité du moyen aux motifs que celui-ci est nouveau et incompatible avec la position adoptée devant les juges du fond.<br> <br> 13. Cependant, le moyen, qui ne se prévaut d'aucun fait qui n'ait été constaté par la cour d'appel, est de pur droit et n'est pas incompatible avec l'argumentation développée par Mme [N] devant la cour d'appel.<br> <br> 14. Le moyen est, dès lors, recevable.<br> <br> Bien fondé du moyen<br> <br> Vu l'article 837, alinéa 1er, du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 :<br> <br> 15. Aux termes de ce texte, à la demande de l'une des parties et si l'urgence le justifie, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection saisi en référé peut renvoyer l'affaire à une audience dont il fixe la date pour qu'il soit statué au fond. Il veille à ce que le défendeur dispose d'un temps suffisant pour préparer sa défense. L'ordonnance emporte saisine de la juridiction.<br> <br> 16. L'arrêt ordonne le renvoi de l'affaire à une audience tenue en formation collégiale afin qu'il soit statué sur le fond, sur le fondement de l'article 837 du code de procédure civile.<br> <br> 17. En statuant ainsi, alors que ces dispositions, qui prévoient que le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection peut renvoyer l'affaire au fond, selon les modalités qu'il fixe, ne sont pas applicables devant la cour d'appel statuant sur l'appel formé contre l'ordonnance d'un juge des référés, la cour d'appel a violé le texte susvisé.<br> <br> Et sur le second moyen, pris en sa première branche<br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 18. Mme [N] fait grief à l'arrêt du 16 décembre 2021 de la condamner à verser à Mme [E] diverses indemnités en réparation de ses préjudices, alors « que la cassation de l'arrêt rendu le 6 mai 2021 doit entraîner par voie de conséquence celle de l'arrêt rendu à sa suite. » <br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> Vu l'article 625, alinéa 2, du code de procédure civile :<br> <br> 19. Selon ce texte, la cassation entraîne, sans qu'il y ait lieu à une nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.<br> <br> 20. La cassation, sur le premier moyen, de l'arrêt du 6 mai 2021, entraîne l'annulation par voie de conséquence de l'arrêt du 16 décembre 2021, qui en est la suite.<br> <br> Mise hors de cause<br> <br> 21. Il n'y a pas lieu de mettre hors de cause les sociétés Allianz IARD et ACM IARD.<br> <br> PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :<br> <br> CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;<br> <br> ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 décembre 2021 par la cour d'appel de Montpellier ;<br> <br> Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant l'arrêt du 6 mai 2021, et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier autrement composée. <br> <br> Condamne Mme [E], Mme [W], la société Allianz IARD et la société ACM IARD aux dépens ;<br> <br> En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par Mme [E], la société Allianz IARD et la société ACM IARD et condamne Mme [E], Mme [W] et la société ACM IARD à payer à Mme [N] la somme globale de 688,80 euros et à la société Cabinet Buk Lament-Robillot la somme globale de 2 300 euros ;<br> <br> Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;<br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mars deux mille vingt-cinq.
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 27 mars 2025, 22-23.483, Publié au bulletin
CASSATION - Pourvoi - Recevabilité - Décision attaquée - Ordonnance de référé - Arrêt de renvoi sur le fond,APPEL - Procédure - Demande de renvoi au fond - Ordonnance de référé - Appel - Pouvoirs des juges - Limite
2025-03-27
ECLI:FR:CCASS:2025:C200290
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000051400002
ARRET
JURITEXT000051400016
CHAMBRE_CIVILE_2
null
JURI
Cour de cassation
null
Interruption d'instance (avec reprise) par arrêt
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br> CIV. 2<br> <br> LM<br> <br> <br> <br> COUR DE CASSATION<br> ______________________<br> <br> <br> Audience publique du 27 mars 2025<br> <br> <br> <br> <br> Interruption d'instance<br> <br> <br> Mme MARTINEL, président<br> <br> <br> <br> Arrêt n° 295 F-B<br> <br> Pourvoi n° W 23-21.685 <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E <br> <br> _________________________<br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 MARS 2025<br> <br> <br> M. [R] [X], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° W 23-21.685 contre l'ordonnance n° RG : 21/00751 rendue le 12 octobre 2021 par le premier président de la cour d'appel de Bourges, dans le litige l'opposant :<br> <br> 1°/ à [V] [D], ayant été domicilié [Adresse 3], décédé le [Date décès 2] 2023,<br> <br> 2°/ aux héritiers de [V] [D], domiciliés [Adresse 3], pris collectivement conformément à l'article 533 du code de procédure civile,<br> <br> défendeurs à la cassation.<br> <br> Le dossier a été communiqué au procureur général.<br> <br> Sur le rapport de Mme Bohnert, conseiller référendaire, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de M. [K], de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de [V] [D], et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 février 2025 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Bohnert, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,<br> <br> la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; <br> <br> 1. M. [K] s'est pourvu en cassation le 11 octobre 2023 contre une ordonnance rendue le 12 octobre 2021 par le premier président de la cour d'appel de Bourges dans une instance l'opposant à [V] [D].<br> <br> 2. [V] [D] est décédé le [Date décès 2] 2023 et son décès a été notifié à M. [K]. Or la notification du décès du défendeur par l'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation constitué emporte interruption de l'instance.<br> <br> 3. En application des articles 370 et 376 du code de procédure civile, l'instance est dès lors interrompue et il y a lieu d'impartir aux parties un délai pour effectuer les diligences nécessaires à la reprise de l'instance.<br> <br> PAR CES MOTIFS, la Cour :<br> <br> CONSTATE l'interruption de l'instance ;<br> <br> Impartit aux parties un délai de quatre mois à compter de ce jour pour effectuer les diligences nécessaires à la reprise de l'instance et dit qu'à défaut de leur accomplissement dans ce délai, la radiation de l'affaire sera prononcée ;<br> <br> Dit que l'affaire sera à nouveau examinée à l'audience du 17 septembre 2025. <br> <br> Réserve les dépens ;<br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mars deux mille vingt-cinq.
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 27 mars 2025, 23-21.685, Publié au bulletin
PROCEDURE CIVILE
2025-03-27
ECLI:FR:CCASS:2025:C200295
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000051400016
ARRET
JURITEXT000051400036
CHAMBRE_CIVILE_3
Article 695 du code de procédure civile.
JURI
Cour de cassation
Lorsque la mission de l'expert qu'il a désigné comprend le bornage des parcelles selon la limite séparative retenue par le juge, les frais d'achat et d'implantation des bornes relèvent alors des dépens visés par l'article 695 du code de procédure civile
Rejet
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : <br> <br> CIV. 3<br> <br> CL<br> <br> <br> <br> COUR DE CASSATION<br> ______________________<br> <br> <br> Audience publique du 27 mars 2025<br> <br> <br> <br> <br> Rejet<br> <br> <br> Mme TEILLER, président<br> <br> <br> <br> Arrêt n° 175 FS-B<br> <br> Pourvoi n° H 23-13.760 <br> <br> <br> <br> <br> R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E <br> <br> _________________________<br> <br> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<br> _________________________<br> <br> <br> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 MARS 2025<br> <br> M. [U] [K], domicilié [Adresse 12], a formé le pourvoi n° H 23-13.760 contre l'arrêt rendu le 26 octobre 2021 par la cour d'appel de Pau (1re chambre), dans le litige l'opposant à la commune de [Localité 14] représentée par son maire en exercice domicilié en cette qualité en l'Hôtel de ville, [Adresse 11], défenderesse à la cassation.<br> <br> Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.<br> <br> Le dossier a été communiqué au procureur général.<br> <br> Sur le rapport de M. Baraké, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boucard-Capron-Maman, avocat de M. [K], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la commune de [Localité 14], et l'avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 février 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Baraké, conseiller référendaire rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, Mmes Pic, Oppelt, conseillers, Mmes Aldigé, Gallet, Davoine, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, et Mme Maréville, greffier de chambre,<br> <br> la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; <br> <br> Faits et procédure <br> <br> 1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 26 octobre 2021), M. [K] est propriétaire de diverses parcelles bordées par un chemin rural appartenant au domaine privé de la commune de [Localité 14] (la commune).<br> <br> 2. Soutenant que l'assiette de ce chemin avait été déplacée au préjudice de ses parcelles, celui-ci a assigné la commune en bornage.<br> <br> Examen des moyens<br> <br> Sur le premier moyen <br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 3. M. [K] fait grief à l'arrêt d'homologuer le rapport d'expertise, de dire que la limite séparative de propriété entre ses parcelles et le chemin rural sera constituée par la ligne parallèle située à deux mètres à l'ouest de l'axe dudit chemin rural et reliant les points et segments figurés sur le plan d'état des lieux établi par l'expert, alors :<br> <br> « 1°/ que saisis d'une action en bornage, les juges du fond doivent fixer de façon précise les limites des propriétés contiguës, ce qui implique d'écarter des débats un procès-verbal de bornage amiable de parcelles voisines de celles qui sont l'objet de l'action, qui ne mentionne pas la distance entre les différents points retenus, n'est pas coté et ne comporte ni coordonnées ni échelle ; qu'en l'espèce, M. [K] faisait valoir que le bornage amiable du 19 décembre 2000, délimitant le côté est du [Adresse 13] avec sa parcelle H [Cadastre 6] (nouvellement H [Cadastre 3]) et les parcelles H [Cadastre 5], [Cadastre 8] et [Cadastre 9] à [Cadastre 10] appartenant aux consorts [D], ne mentionnait pas la distance entre les différents points retenus, n'était pas coté et ne comportait ni coordonnées ni échelle, et en déduisait qu'il ne pouvait servir de fondement à la détermination de la ligne divisoire entre les parcelles [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 3] et [Cadastre 4] et le côté ouest du [Adresse 13] ; que la cour d'appel a refusé d'écarter des débats ce bornage amiable, a homologué le rapport d'expertise qui s'y appuyait et a fixé conformément à ses préconisations la ligne divisoire entre les parcelles de M. [K] et le côté ouest du [Adresse 13] ; que pour statuer ainsi, la cour d'appel a retenu que le bornage du 19 décembre 2000 était opposable à M. [K] qui l'avait signé en tant que propriétaire de la parcelle H [Cadastre 6], que le tracé de ce bornage n'avait été contesté ni par M. [K] ni par aucun autre propriétaire concerné, de même que l'implantation des bornes B, C, D, E, F, G et H qui s'en est suivie ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à justifier que le procès-verbal du 19 décembre 2000 puisse être utilisé pour déterminer avec précision la ligne divisoire entre les parcelles [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 3] et [Cadastre 4] et le côté ouest du [Adresse 13] en dépit des vices structurels dénoncés par M. [K], la cour d'appel a violé l'article 646 du code civil, ensemble l'article D. 161-13 du code rural et de la pêche maritime ;<br> <br> 2°/ que saisis d'une action en bornage, les juges du fond doivent fixer de façon précise les limites des propriétés contiguës, ce qui implique d'écarter des débats un procès-verbal de bornage amiable de parcelles voisines de celles qui sont l'objet de l'action, qui ne mentionne pas la distance entre les différents points retenus, n'est pas coté et ne comporte ni coordonnées ni échelle ; qu'en l'espèce, M. [K] faisait valoir que le bornage amiable du 19 décembre 2000, délimitant le côté est du [Adresse 13] avec sa parcelle H [Cadastre 6] (nouvellement H [Cadastre 3]) et les parcelles H [Cadastre 5], [Cadastre 8] et [Cadastre 9] à [Cadastre 10] appartenant aux consorts [D], ne mentionnait pas la distance entre les différents points retenus, n'était pas coté et ne comportait ni coordonnées ni échelle, et en déduisait qu'il ne pouvait servir de fondement à la détermination de la ligne divisoire entre les parcelles [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 3] et [Cadastre 4] et le côté ouest du [Adresse 13] ; que la cour d'appel a refusé d'écarter des débats ce bornage amiable, a homologué le rapport d'expertise qui s'y appuyait et a fixé conformément à ses préconisations la ligne divisoire entre les parcelles de M. [K] et le côté ouest du [Adresse 13] ; que pour statuer ainsi, la cour d'appel a retenu que l'exposant ne démontrait pas que M. [R], géomètre ayant établi le bornage du 19 décembre 2000, fût tenu de mentionner les éléments ayant déterminé la fixation des limites divisoires et la localisation précise de ces limites, et d'indiquer sur le croquis de bornage des cotes, des coordonnées et une échelle ; qu'elle a rajouté que l'exposant ne produisait pas le recueil des prestations édité par l'ordre des géomètres, privant la cour de la possibilité de vérifier les règles préconisées et applicables en 2000, étant rappelé, d'une part, que la directive de l'ordre des géomètres en matière de bornage valant règles de l'art datant du 5 mars 2002 ne dispose que pour l'avenir et, d'autre part, que le décret du 31 mai 1996 portant règlement de la profession de géomètre ne contient à cet égard aucune disposition ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à justifier que le procès-verbal du 19 décembre 2000 puisse être utilisé pour déterminer avec précision la ligne divisoire entre les parcelles [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 3] et [Cadastre 4] et le côté ouest du [Adresse 13] en dépit des vices structurels dénoncés par M. [K], la cour d'appel a violé l'article 646 du code civil, ensemble l'article D. 161-13 du code rural et de la pêche maritime ;<br> <br> 3°/ qu'une borne ne peut être implantée sur le fonds d'un propriétaire en exécution d'un bornage amiable auquel il n'est pas partie et dont il n'a pas signé le procès-verbal ; qu'une borne ainsi irrégulièrement implantée ne peut servir de base à un bornage judiciaire ultérieur de parcelles voisines de celle sur laquelle elle se situe ; qu'au cas présent, M. [K] soutenait que la borne H résultant du bornage amiable du 19 décembre 2000 n'avait pas été régulièrement implantée car elle se situait sur une parcelle H [Cadastre 7] appartenant alors à M. [T] puis vendue ultérieurement à M. [W] et que M. [T] n'était pas partie au bornage amiable ; qu'il en déduisait que la borne H ne pouvait servir de base à la fixation de la ligne divisoire entre les parcelles [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 3] et [Cadastre 4] et le côté ouest du [Adresse 13] ; que pour écarter ce moyen, homologuer le rapport d'expertise qui s'appuyait sur le procès-verbal du 19 décembre 2000 et fixer conformément à ses préconisations la ligne divisoire entre les parcelles de M. [K] et le côté ouest du [Adresse 13], la cour d'appel a retenu que l'implantation de la borne H n'avait jamais été contestée auparavant, ni par M. [T], ni par M. et Mme [W], ni par M. [K], lequel avait signé ce procès-verbal et donc accepté la limite du point A au point H ; qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants, la cour d'appel a violé l'article 646 du code civil ;<br> <br> 4°/ qu'une borne ne peut être implantée sur le fonds d'un propriétaire en exécution d'un bornage amiable auquel il n'est pas partie et dont il n'a pas signé le procès-verbal ; qu'une borne ainsi irrégulièrement implantée ne peut servir de base à un bornage judiciaire ultérieur de parcelles voisines de celle sur laquelle elle se situe, ce dont tout signataire du procès-verbal peut se prévaloir ; qu'en l'espèce, M. [K] soutenait que la borne H résultant du bornage amiable du 19 décembre 2000 n'avait pas été régulièrement implantée car elle se situait sur une parcelle H [Cadastre 7] appartenant alors à M. [T] puis vendue ultérieurement à M. [W] et que M. [T] n'était pas partie au bornage amiable et n'était pas signataire du procès-verbal ; qu'il en déduisait que la borne H ne pouvait servir de base à la fixation de la ligne divisoire entre les parcelles [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 3] et [Cadastre 4] et le côté ouest du [Adresse 13] ; que pour écarter ce moyen, homologuer le rapport d'expertise qui s'appuyait sur le procès-verbal du 19 décembre 2000 et fixer conformément à ses préconisations la ligne divisoire entre les parcelles de M. [K] et le côté ouest du [Adresse 13], la cour d'appel a retenu que seuls M. et Mme [W] avaient qualité pour soulever l'absence de signature du procès-verbal du 19 décembre 2000 par M. [T], que ce dernier n'avait jamais élevé de contestation et que la borne H se situait en limite de propriétés qui n'appartenaient pas à M. [K], lequel avait signé ce procès-verbal et donc accepté la limite du point A au point H ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 646 du code civil. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> 4. La cour d'appel a relevé, d'abord, que l'expert avait indiqué que la partie est du chemin rural avait été délimitée, pour une portion, par des bornes « B à H » qui avaient été implantées en 2000 dans le cadre d'un bornage amiable, sans qu'aucune contestation n'ait été élevée par les propriétaires concernés, s'agissant, en particulier, de l'emplacement du point H critiqué par M. [K], et, pour une autre portion, par un talus naturel.<br> <br> 5. Elle a relevé, ensuite, que l'expert avait conclu, d'une part, que la largeur moyenne du chemin pouvait être fixée à 4 mètres sur la base de l'ancien plan cadastral et de plusieurs bornes en béton retrouvées sur site, plus anciennes dont l'une au droit d'une des parcelles de M. [K], d'autre part, au vu notamment de photographies aériennes, qu'aucun déplacement significatif de l'emprise du chemin rural vers les parcelles de M. [K] n'avait été constaté.<br> <br> 6. Appréciant ainsi souverainement la valeur des divers indices soumis à son examen, la cour d'appel a pu, s'appropriant les conclusions de l'expert, fixer la limite séparative comme elle l'a fait.<br> <br> 7. Le moyen n'est donc pas fondé.<br> <br> Sur le second moyen <br> <br> Enoncé du moyen<br> <br> 8. M. [K] fait grief à l'arrêt d'ordonner la mise en place de bornes, par les soins de l'expert, à ses frais exclusifs pour assurer le maintien de la limite, de rejeter toutes ses demandes et de le condamner aux entiers dépens de l'instance et de ses suites incluant notamment le coût de l'expertise et celui du bornage ordonné, alors « que le bornage, même judiciaire, se fait à frais communs ; que les frais du bornage, englobant l'achat et l'implantation des bornes, et qui doivent être partagés, se distinguent des dépens, qui englobent l'expertise judiciaire, et qui sont en principe mis à la charge de la partie dont les prétentions ont échoué ; que pour ordonner la mise en place de bornes par les soins de l'expert aux frais exclusifs de M. [K] et le condamner aux entiers dépens de l'instance, la cour d'appel a retenu, par motifs adoptés, que si le bornage se fait à frais communs lorsque les parties sont d'accord, il en est autrement en cas de contestation de l'une d'elles, la partie qui échoue dans ses réclamations devant supporter tout ou partie des dépens que le débat par elle provoqué a occasionné ; qu'elle en a déduit que M. [K], succombant, devait être condamné aux entiers dépens de l'instance et de ses suites incluant notamment le coût de l'expertise et celui du bornage ; qu'en incluant ainsi les frais d'abornement dans les dépens pour condamner le succombant à supporter les premiers en totalité, la cour d'appel a violé l'article 646 du code civil. »<br> <br> Réponse de la Cour<br> <br> 9. Il est jugé que si, aux termes de l'article 646 du code civil, le bornage se fait à frais communs, il en va différemment lorsque l'un des propriétaires soulève une contestation et la soumet au juge. Lorsque celui-ci échoue dans ses réclamations, le juge peut, usant du pouvoir discrétionnaire qui est le sien, mettre à la charge de cette partie tous les dépens occasionnés par le débat qu'elle a ainsi provoqué (3e Civ., 16 juin 1976, pourvoi n° 75-11.167, Bull. n° 273).<br> <br> 10. Lorsque la mission de l'expert comprend le bornage des parcelles selon la limite séparative retenue par le juge, les frais d'achat et d'implantation des bornes relèvent alors des dépens visés par l'article 695 du code de procédure civile.<br> <br> 11. La mise en place des bornes ayant été confiée à l'expert judiciairement désigné avec mission de dresser un procès-verbal des opérations, la cour d'appel a, à bon droit, inclus ces frais dans les dépens qu'elle mettait à la charge de M. [K], partie succombante.<br> <br> 12. Le moyen n'est donc pas fondé.<br> <br> PAR CES MOTIFS, la Cour :<br> <br> REJETTE le pourvoi ;<br> <br> Condamne M. [K] aux dépens ;<br> <br> En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [K] et le condamne à payer à la commune de [Localité 14] la somme de 3 000 euros ;<br> <br> Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mars deux mille vingt-cinq.,3e Civ., 16 juin 1976, pourvoi n° 75-11.167, Bull. 1976, III, n° 273 (rejet).
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 27 mars 2025, 23-13.760, Publié au bulletin
BORNAGE - Action en bornage - Frais et dépens - Domaine d'application - Détermination - Cas - Bornage judiciaire - Frais d'achat et d'implantation des bornes
2025-03-27
ECLI:FR:CCASS:2025:C300175
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000051400036
ARRET